Le Misanthrope - biblio

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Le Misanthrope
Molière
Livret pédagogique
correspondant au livre élève n° 27
établi par François d’Humières
Sommaire – 2
SOMMAIRE
A V A N T - P RO P O S ............................................................................................ 3
T A B L E DES
CO R P U S
........................................................................................ 4
R ÉP O NSES
A U X Q U EST I O NS
................................................................................ 5
Bilan de première lecture (p. 164)...................................................................................................................................................................5
Acte I, scène 1 (pp. 9 à 22) ...............................................................................................................................................................................6
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 23 à 25)...............................................................................................................................6
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 26 à 36) ..................................................................................................................9
Acte II, scène 4 (pp. 57 à 64) ..........................................................................................................................................................................12
◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 67 à 69).............................................................................................................................12
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 70 à 75) ................................................................................................................14
Acte III, scène 4 (pp. 85 à 91).........................................................................................................................................................................17
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 92 à 94).............................................................................................................................17
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 95 à 102) ..............................................................................................................18
Acte IV, scène 3 (pp. 114 à 122).....................................................................................................................................................................21
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 123 à 125) ........................................................................................................................21
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 126 à 132)............................................................................................................23
Acte V, scène 4 (pp. 146 à 153)......................................................................................................................................................................26
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 154-155)...........................................................................................................................26
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 156 à 163)............................................................................................................27
C O M P L ÉM ENT S
A U X L ECTU RES D ’ I M A GES ................................................................. 31
C O M P L ÉM ENT S
A U X M I SES EN SCÈ NE
B I B L I O GRA P H I E
..................................................................... 34
CO M P L ÉM ENT A I RE ....................................................................... 35
Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.
© Hachette Livre, 2004.
43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15.
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Le Misanthrope – 3
AVANT-PROPOS
Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettre en œuvre, il est demandé à la
fois de conduire des lectures qui éclairent les différents objets d’étude au programme et, par ces
lectures, de préparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficace d’un corpus de
textes ; analyse d’une ou deux questions préliminaires ; techniques du commentaire, de la dissertation,
de l’argumentation contextualisée, de l’imitation…).
Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs. Le Misanthrope, en l’occurrence,
constitue une voie d’accès pour une étude du théâtre et permet d’aborder le genre de la comédie, le
classicisme, tout en s’exerçant à divers travaux d’écriture…
Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvelle collection d’œuvres
classiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois :
– motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du texte, moderne et aérée, qui facilite
la lecture de l’œuvre grâce à des notes claires et quelques repères fondamentaux ;
– vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les élèves aux travaux d’écriture.
Cette double perspective a présidé aux choix suivants :
• Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page, afin d’en favoriser la pleine
compréhension.
• Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre la lecture attrayante et
enrichissante, la plupart des reproductions pouvant donner lieu à une exploitation en classe,
notamment au travers des lectures d’images proposées dans les questionnaires des corpus.
• En fin d’ouvrage, le « Dossier Bibliolycée » propose des études synthétiques et des tableaux qui
donnent à l’élève les repères indispensables : biographie de l’auteur, contexte historique, liens de
l’œuvre avec son époque, genres et registres du texte…
• Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à faciliter l’analyse de l’œuvre
intégrale en classe. Présenté sur des pages de couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du
texte (sur fond blanc), il comprend :
– Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe après un parcours cursif de l’œuvre. Il
se compose de questions courtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens
général de l’œuvre.
– Des questionnaires raisonnés en accompagnement des extraits les plus représentatifs de l’œuvre :
l’élève est invité à observer et à analyser le passage. On pourra procéder en classe à une correction du
questionnaire, ou interroger les élèves pour construire avec eux l’analyse du texte.
– Des corpus de textes (accompagnés le plus souvent d’un document iconographique) pour éclairer
chacun des extraits ayant fait l’objet d’un questionnaire ; ces corpus sont suivis d’un questionnaire
d’analyse des textes (et éventuellement de lecture d’image) et de travaux d’écriture pouvant constituer
un entraînement à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de Première, sur le
« Descriptif des lectures et activités » à titre de groupement de textes en rapport avec un objet d’étude
ou de documents complémentaires.
Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vos élèves, un outil de travail
efficace, favorisant le plaisir de la lecture et la réflexion.
Table des corpus – 4
TABLE DES CORPUS
Corpus
L’évolution de la scène
d’exposition
(p. 26)
Le portrait satirique
(p. 70)
L’hypocrisie
(p. 95)
La jalousie
(p. 126)
Les dénouements de
comédie chez Molière
(p. 156)
Composition du corpus
Objet(s) d’étude
et niveau
Texte A : Scène 1 de l’acte I du Misanthrope
de Molière (pp. 9-22).
Texte B : Extrait de l’exposition des Nuées
d’Aristophane (pp. 27-28).
Texte C : Scène 1 de l’acte I d’Hernani de
Victor Hugo (pp. 28-32).
Texte D : Extrait de l’exposition du Roi se
meurt d’Eugène Ionesco (pp. 32-34).
Le théâtre : texte et
représentation
(Première)
Texte A : Extrait de la scène 4 de l’acte II du
Misanthrope de Molière (p. 57, v. 567, à p. 64,
v. 710).
Texte B : Extrait des Caractères de La
Bruyère (pp. 70-71).
Texte C : Extrait de la lettre LXXIV des Lettres
persanes de Montesquieu (pp. 71-73).
Document : Lithographie de Malteste pour
L’Assiette au beurre (p. 74).
Texte A : Scène 4 de l’acte III du
Misanthrope de Molière (pp. 85-91).
Texte B : « Les Animaux malades de la
peste », Fables de La Fontaine (pp. 95-98).
Texte C : Extrait de Madame Bovary de
Gustave Flaubert (pp. 98-99).
Document : Le Misanthrope, mise en scène
d’Antoine Vitez (p. 100).
L’éloge et le blâme
(Seconde)
Texte A : Scène 3 de l’acte IV du
Misanthrope de Molière (pp. 114-122).
Texte B : Scène 16 de l’acte II du Mariage de
Figaro de Beaumarchais (pp. 127-129).
Texte C : Extrait de la scène 1 de l’acte III
d’Hernani de Victor Hugo (pp. 129-130).
Document : Edvard Munch, Jalousie (p. 131).
Tragique et comique
au théâtre
(Seconde)
Texte A : Scène 4 de l’acte V du Misanthrope
de Molière (pp. 146-153).
Texte B : Extrait de la scène 5 et scène 6 de
l’acte V de L’Avare de Molière (pp. 157-160).
Texte C : Scènes 5 et 6 de l’acte V du Dom
Juan de Molière (pp. 160-162).
Le théâtre : texte et
représentation
(Première)
Compléments aux
travaux d’écriture destinés
aux séries technologiques
Question préliminaire
De quelles manières est traitée la
convention d’exposition dans chacun des
textes du corpus ?
Commentaire
En quoi cette antiscène d’exposition offre
le spectacle d’un univers inquiétant ?
Question préliminaire
Quels sont les différents exemples de
satires dans l’ensemble du corpus ?
Commentaire
Par quels procédés l’auteur fait-il le
portrait du contraire d’un « honnête
homme » ?
Convaincre et persuader
(Première)
Question préliminaire
Quelles différentes représentations de
l’hypocrisie sont données dans les textes
du corpus ?
Commentaire
En quoi la médiocrité de Rodolphe
permet-elle à l’auteur de faire la critique
du romantisme ?
Question préliminaire
En quoi les jalousies proposées par les
différents personnages de l’ensemble du
corpus sont-elles différentes ?
Commentaire
Dans quelle mesure Don Ruy Gomez
s’appuie-t-il sur une stratégie
argumentative pour faire une
déclaration d’amour pathétique ?
Question préliminaire
Les exemples de dénouements
qu’illustrent les textes du corpus vous
paraissent-ils vraisemblables ?
Commentaire
En quoi l’aveuglement de Dom Juan
conduit-il à un dénouement ambigu ?
Le Misanthrope – 5
RÉPONSES AUX QUESTIONS
B i l a n
d e
p r e m i è r e
l e c t u r e
( p .
1 6 4 )
L’enjeu de cette dispute inaugurale est multiple. C’est d’abord un reproche qu’adresse Alceste à son
ami, qui, selon lui, s’abaisse « jusqu’à trahir son âme » en traitant tout le monde (hommes de bien ou
« fats ») de la même façon. Ce cas particulier permet aux deux personnages d’exposer leurs
divergences à propos des mœurs de leurs contemporains et des relations humaines en général. Alceste
prône une sincérité absolue, sans nuance. À ses yeux, ce qui s’écarte de cette règle est de l’ordre du
mensonge et de l’hypocrisie. Philinte est plus mesuré et estime que les conséquences d’un tel
comportement social sont plus néfastes que n’est mauvais le fait de « rendre [au monde] quelques dehors
civils que l’usage demande » (v. 65-66). De cette différence de point de vue, Alceste déduit que Philinte
n’est pas digne d’être son ami. Cette dispute permet aussi de mettre en lumière la contradiction
interne d’Alceste qui se veut en « courroux contre les mœurs du temps » (v. 107) tout en aimant Célimène
qui les incarne le mieux. L’enjeu de cette conversation est donc aussi de poser d’emblée la question de
la possibilité de l’amour entre Alceste et Célimène, qui animera l’ensemble de la pièce.
" Philinte est avant tout l’ami d’Alceste. Même si ce dernier ne l’estime plus digne d’« être de [ses] gens »
à cause de son comportement en société qu’il juge hypocrite et conforme aux mœurs du temps. Dans
une moindre mesure, Alceste et Philinte sont aussi rivaux puisque Éliante, qui « voit [Alceste] d’un œil
fort doux », a « tous les soupirs » de Philinte : celui-ci n’en fait pas mystère. Cette rivalité n’altère pas
l’amitié qu’il éprouve pour son ami. Il veut éviter les querelles et recherche le compromis
systématiquement. Il incarne la raison et la tempérance et possède nombre de qualités sociales propres à
« l’honnête homme » : modestie, délicatesse, finesse, conversation, brio, culture. Tous ces traits de
caractère l’opposent à Alceste. Les deux personnages ont souvent été perçus comme deux faces de leur
auteur : Alceste, qui représentait la mélancolie et la tristesse d’un Molière épuisé par les différentes
cabales dont il fut la victime ; Philinte, le côté philosophe et désabusé d’un homme qui connaissait fort
bien le cœur humain à force de l’observer. Le personnage de Philinte est très proche de celui d’Éliante,
qui se caractérise par sa discrétion, sa sincérité et son goût de la mesure : elle ne prend jamais ombrage
du peu d’intérêt qu’Alceste lui porte ni du succès de Célimène. Elle demeure « à sa place », comme
Philinte. Ces deux personnages sont les seuls dont la fin est véritablement heureuse.
# et $ Outre l’intrigue principale que constitue la relation entre Alceste et Célimène, toutes les autres
intrigues s’articulent principalement autour de ces deux personnages. Célimène est courtisée par Alceste,
Oronte, Acaste et Clitandre. Ceux-ci seuls apparaissent mais d’autres sont évoqués (notamment « notre
grand flandrin de vicomte », dans la scène finale). Seul Philinte échappe à ses charmes. Alceste, quant à lui,
est aimé de tous les personnages féminins de la pièce que sont Célimène, Arsinoé et Éliante. Toutefois,
cette dernière paraît s’accommoder avec un certain bonheur d’un mariage à venir avec Philinte.
% L’apparition d’Oronte est inattendue puisque celui-ci arrive sans être annoncé comme le seront,
plus tard, les deux marquis. Il met un terme prématuré à la conversation entre Philinte et Alceste qui
prenait un tour plus apaisé. Ceux-ci évoquaient le chapitre douloureux de l’amour d’Alceste pour
Célimène et ce dernier était en train d’en confesser le caractère contradictoire. L’entrée en scène
d’Oronte est donc de l’ordre de l’intrusion. Par ailleurs, son attitude prévenante (v. 252 : « comme l’on
m’a dit que vous étiez ici ») et flatteuse (v. 267-268 : « L’État n’a rien qui ne soit au-dessous du mérite
éclatant que l’on découvre en vous ») vient déranger un Alceste qui n’aspire qu’à attendre son amante afin
de s’expliquer avec elle. Il s’apparente au type du « fâcheux » lorsqu’il cherche à imposer son amitié à
Alceste et veut exiger de lui qu’il fasse l’éloge de ses talents d’auteur. Ce personnage est à rapprocher
du Suffenus que raille Catulle (Poésies, 22). Il semble odieux aux yeux du misanthrope qui finit par ne
plus contrôler son exaspération.
& Les conséquences de l’altercation entre Alceste et Oronte sont d’ordre judiciaire. Ce dernier,
s’estimant insulté, le fait convoquer par « Messieurs les Maréchaux » (II, 6). Si ce procès se termine bien,
il vient s’ajouter aux autres démêlés qu’a Alceste avec la justice et qui le contraignent injustement à
payer la somme, colossale pour l’époque, de vingt mille francs. Enfin, c’est Oronte encore qui
« appuie l’imposture » faisant d’Alceste l’auteur d’un « livre abominable ». Cette altercation contribue
donc largement à marginaliser Alceste.
!
Réponses aux questions – 6
Le personnage de Célimène n’apparaît qu’à la première scène du deuxième acte. Elle est citée dans
la scène d’exposition comme étant l’objet de l’amour d’Alceste. Ce dernier affirme venir chez elle
(lieu de l’action durant toute la pièce) pour avoir une explication avec elle. Philinte, avant l’arrivée
impromptue d’Oronte, fait part de son inquiétude concernant l’issue de leur amour. Il y a donc un
effet de mise en attente vis-à-vis du spectateur.
( Le plus important est qu’ils sont tous des courtisans que chacun des personnages présents connaît.
De façon plus approfondie, nous pouvons remarquer que Célimène les attaque sur leur incapacité
commune à rendre la conversation agréable. Ce sont des « ennuyeux ».
) Dès la scène 2 de l’acte III, qui précède immédiatement l’arrivée d’Arsinoé, Célimène brosse un
portrait « au vitriol » de la fausse prude. Toutefois, leur dialogue s’engage sur un mode aimable :
chacune étale sa joie de voir l’autre. Cette illusion est de courte durée. L’agressivité « mouchetée »
d’abord, puis sous forme d’ironie, devient explicite au point qu’Arsinoé « brise [l’]entretien ».
*+ Les marquis sont qualifiés de « petits » par Célimène. Cette absence de grandeur, à ses yeux,
s’applique davantage à leur esprit et à leur âme qu’à une quelconque condition sociale. D’autres
adjectifs sont possibles : « ridicules », de par leurs occupations sans intérêts, mais aussi du fait qu’ils se
trouvent joués par Célimène bien qu’ils s’en croient aimés. Ce ridicule repose aussi sur une grande
fatuité. Que l’on se reporte aux certitudes d’Acaste : « Je crois qu’avec cela, […] on peut, par tout pays,
être content de soi » (v. 803-804).
*, La « coquetterie » de Célimène est mise au jour par les différentes lettres qu’elle a écrites à ses
multiples prétendants, promettant à chacun son amour. C’est d’abord sa rivale la plus acharnée,
Arsinoé, qui met dans les mains d’Alceste un billet écrit pour Oronte. Célimène parvient à s’en sortir
et à démontrer à Alceste qu’il est plus jaloux qu’elle n’est inconstante. Ce sont les deux marquis qui,
ayant passé un marché à la fin de la scène 1 de l’acte III, s’échangent leurs lettres et découvrent
l’imposture. Il est à noter qu’Arsinoé, là encore, les accompagne pour assister à la « mise à mort
sociale » de son ennemie.
*- L’issue de la pièce est dans l’ensemble malheureuse. Alceste et Célimène se déchirent (« Mon cœur à
présent vous déteste »). Lui s’en va, « trahi de toutes parts, accablé d’injustices » ; elle est sous la menace
(réelle) d’être mise au ban d’une société de Cour intraitable. Arsinoé est ouvertement repoussée par
Alceste. La seule issue heureuse concerne Philinte et Éliante prêts à s’épouser. Notons que ce dernier
ne renonce pas à faire changer son ami d’avis : « Allons, Madame, employer toute chose, pour rompre le
dessein que son cœur se propose. »
*. Comédie de mœurs et de caractères, Le Misanthrope constitue une satire sociale. Sans remettre en
cause – loin s’en faut – le fondement de la société dans laquelle il vit, l’auteur s’attache à montrer les
excès où est entraîné le microcosme de la Cour. Il en critique les futilités et le caractère artificiel
(l’attachement démesuré à l’art de la conversation ou à l’étiquette sociale). Son œuvre laisse voir le
peu de cas qui est fait du mérite personnel au regard de la naissance : Acaste, Clitandre ou Oronte
sont présentés comme jouissant d’une réelle écoute auprès du roi. Il dénonce une justice inique qui
fonctionne par « cabales et par purs intérêts ». L’auteur attribue ces dysfonctionnements aux excès et aux
différents travers de l’âme humaine. Alceste, victime d’un sort injuste, doit une grande partie de ses
déboires à son propre caractère et à ses contradictions.
'
A c t e
I ,
s c è n e
1
( p p .
9
à
2 2 )
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 23 à 25)
Cette scène offre une alternance de brèves répliques (v. 1 à 13, 29 à 40, 182 à 205) et de longues
tirades. Remarquons qu’Alceste (cinq répliques de dix vers et plus) s’exprime davantage par tirades
que Philinte (deux répliques de plus de dix vers). Cette alternance produit une variation du rythme
du dialogue : la vivacité des brefs échanges, leur caractère souvent comique alternent avec la tonalité
plus grave des tirades, dans lesquelles chacun cherche à défendre son point de vue.
Remarquons que les moments de brefs échanges sont ceux où s’exprime l’entêtement d’Alceste à
n’accepter aucune nuance – ce qui accentue l’effet de comique.
!
Le Misanthrope – 7
Alceste défend la thèse d’une sincérité absolue dans les rapports sociaux. Il juge immoral tout autre
comportement. L’estime, voire l’affection que l’on porte ou non à quelqu’un doivent être visibles
dans l’attitude que l’on a vis-à-vis de lui. Cette thèse est exprimée aux vers 35-36 : « Je veux qu’on soit
sincère, et qu’en homme d’honneur on ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. » Elle est aussi exprimée aux
vers 63-64, ainsi qu’aux vers 69 à 72.
Philinte défend un point de vue plus nuancé. Selon lui, « la pleine franchise » n’est pas toujours possible
et entraîne souvent de fâcheuses conséquences. Il réprouve le caractère extrême et la « grande raideur »
(v. 153) du raisonnement d’Alceste et prône, « parmi le monde, une vertu traitable ». « Et c’est [à ses
yeux] une folie à nulle autre seconde de vouloir se mêler de corriger le monde » (v. 157-158).
# Dans une large majorité, les arguments d’Alceste sont des arguments d’autorité. Ils reposent sur une
morale commune aux deux interlocuteurs. Alceste se veut « homme d’honneur » (l’expression revient
deux fois dans son discours aux vers 16 et 35). Il considère qu’il n’est pas digne de « l’homme
d’honneur » de traiter chacun de la même façon, parce qu’un tel comportement ne permet pas de
reconnaître le mérite individuel (v. 57-58), parce qu’il rend complice du vice (v. 122-123), et
qu’enfin il s’agit d’un comportement hypocrite (v. 68 à 72). Il déduit de cela que Philinte n’est pas un
homme de bien et refuse, en conséquence, son amitié.
Notons, par ailleurs, qu’aux vers 49 à 52, par le biais d’une question rhétorique, Alceste ajoute un
argument qui est presque d’ordre logique.
$ Philinte s’oppose à son ami par des arguments de bon sens, comme l’attestent les vers 65-66, 73 à
76, 97, ainsi que les vers 149 à 158. Il attaque par le caractère absolu du point de vue d’Alceste qu’il
ne juge pas réaliste.
Dans les vers 149 à 158, l’argument employé est aussi d’autorité, puisqu’il reprend l’idée que la sagesse
se situe dans « le juste milieu », idée chère à la philosophie antique, dans un contexte où l’Antiquité
est considérée comme une référence absolue. Notons l’allusion faite à L’École des maris au vers 100 qui
constitue davantage un clin d’œil amusé de l’auteur à son public qu’un véritable argument d’autorité.
Enfin, Philinte emploie différents arguments ad hominem, comme aux vers 105-106 et 203-204, dans
lesquels il met en avant le rire que suscite l’attitude d’Alceste dans le monde.
% Philinte prend les exemples concrets de deux courtisans que sont « la vieille Émilie » et « Dorilas ».
Ils ont pour fonction de venir illustrer l’argument énoncé aux vers 73 à 80, selon lequel « la
bienséance » interdit dans certains cas la « pleine franchise ». Il veut aussi, par le biais de cette connivence,
faire rire son interlocuteur en lui faisant prendre conscience du caractère excessif et vain de la position
qu’il défend. Il ne parvient pas à atteindre son but, puisque Alceste s’acharne dans son absolutisme.
& Philinte convient de l’existence du « vice » dans « l’humaine nature ». Il fait, à cet égard, le même
constat qu’Alceste. Il se différencie de ce dernier sur le fait et les moyens de le combattre. Philinte le
considère comme consubstantiel à l’homme et estime que « c’est une folie à nulle autre seconde » de
vouloir le combattre chez eux. Il préfère s’attacher à le vaincre pour lui-même. Ce n’est pas le cas
d’Alceste dont l’ambition est de « corriger le monde ».
' Philinte prend ici l’exemple de Célimène qui a une valeur argumentative. Il s’agit, pour lui, de
trouver la faille du raisonnement d’Alceste en mettant au jour la contradiction qui existe entre le
discours tenu et l’amour qu’il porte à Célimène qui incarne le mieux ce que lui-même rejette de façon
absolue. Philinte la souligne d’autant plus qu’il prend, dans le même temps, les exemples de « la sincère
Éliante » et de « la prude Arsinoé », dont les mœurs paraissent plus conformes à ceux qu’Alceste défend.
Face à cela, l’argumentation d’Alceste semble bien faible, dans la mesure où il ne peut faire autrement
que d’admettre une entorse à sa morale absolue et universelle. Tout au plus distingue-t-il
maladroitement « la raison » de « l’amour » – ce qui ne convainc pas et laisse à penser que c’est bien le
point de vue de Philinte, plus adapté à la diversité des comportements humains, qui triomphe dans
cette dispute.
( Cette exposition met en opposition deux caractères : d’une part, celui d’un être irascible et
intransigeant (Alceste) ; d’autre part, celui d’un homme calme et conciliant (Philinte). Notons aussi
que le premier fait preuve d’un certain idéalisme, tandis que le second montre davantage de
pessimisme et de résignation. Les allusions à la théorie des humeurs sont faites au vers 90 (« bile ») et
au vers 166 (« flegme »). L’atrabilaire et le flegmatique ont deux humeurs radicalement opposées : la
bile désigne celle de la colère et du sang chaud ; le flegme désigne la pituite, c’est-à-dire la froideur et
la lenteur de l’esprit qui font agir posément.
"
Réponses aux questions – 8
Ces allusions mettent en lumière le caractère pathologique d’Alceste, dont les accès de bile sont
systématiques. Remarquons qu’à aucun moment de la dispute, celui-ci ne fait la moindre concession.
Il s’entête à défendre un point de vue qui paraît peu conciliable avec la réalité sociale qui est la sienne.
Les conséquences fâcheuses de son comportement sont d’ailleurs évoquées à propos d’un procès qu’il
risque de perdre en refusant de se soumettre aux pratiques de corruption en vigueur. L’ambiguïté du
personnage (et sa beauté) vient du fait que la monomanie dont il est frappé n’est pas à proprement
parler un vice ou un défaut : il s’agit d’un sens moral poussé à l’extrême et qui se retourne contre luimême.
) Philinte souligne les contradictions du caractère d’Alceste en prenant l’exemple de Célimène. C’est
à la conclusion de sa dernière tirade (v. 221 à 224) qu’il se fait le plus incisif. Il montre ainsi
l’incohérence d’Alceste, dont le discours est contredit immédiatement par les sentiments qu’il porte
à Célimène, à la fois « médisant[e] » et « coquette ». L’atrabilaire est amoureux, et un amoureux
malheureux qui plus est. Malheureux parce qu’il aime une femme que dans le même temps il
condamne moralement ; malheureux aussi parce qu’il n’est pas certain d’être aimé en retour par celleci qui ménage des « rivaux » – ce que le caractère exclusif et entier d’Alceste goûte fort peu. Notons
que L’Atrabilaire amoureux est considéré dans de nombreuses éditions (dont la nôtre) comme étant le
sous-titre de la pièce.
*+ Les autres personnages cités sont Dorilas et Émilie qui n’apparaîtront plus par la suite. Il y a aussi
« la sincère Éliante », « la prude Arsinoé » et la « coquette » Célimène. Les types de caractères sont donnés
pour ces derniers. Dorilas, présenté comme bavard, appartient à celui du fâcheux et Émilie à celui de
la vieille coquette (cf. « le blanc qu’elle a » au vers 83).
*, L’histoire se déroule autour de la cour du roi. Ce lieu est évoqué aux vers 85, 89 et 165. Il est
présenté comme l’endroit « à la mode » par excellence, qui fixe les règles de conduite sociale. Les deux
personnages semblent y avoir accès l’un et l’autre : Philinte nomme Dorilas et Émilie qu’Alceste paraît
connaître. Ceci implique que l’un et l’autre appartiennent à un rang social élevé proche de
l’aristocratie, ou du moins de la haute bourgeoisie. Molière offre ici des personnages comiques d’un
nouveau type, qui s’expriment dans une langue soutenue et qui sont éloignés des bourgeois ou des
valets que l’on retrouve dans la comédie traditionnelle. Ceci constitue une marque de la volonté de
l’auteur d’élever la comédie – couramment considérée au XVIIe siècle comme un genre bas – au
niveau de la tragédie.
*- L’ensemble des éléments donnés au spectateur place Le Misanthrope dans la catégorie de la comédie
de mœurs et de caractère. Comédie de mœurs, puisque « les mœurs d’à présent » constituent l’enjeu
principal de cette dispute inaugurale, sur lequel chacun fait valoir son point de vue. Rappelons
qu’Alceste pose des arguments d’ordre moral – ce qui confère au débat un ton sérieux. Comédie de
caractère, puisque cette exposition met en avant des oppositions ou des différences sensibles de
caractères : l’atrabilaire Alceste, la coquette Célimène, le flegmatique Philinte, la sincère Éliante ou
encore la prude Arsinoé. Ce sont donc bien différents aspects de l’âme humaine que Molière veut
s’attacher à peindre. Enfin, la forme de l’œuvre (pièce en vers et en cinq actes), le registre soutenu
employé par les personnages, leur rang social élevé, la gravité de leur échange sont autant d’éléments
qui placent d’emblée la pièce dans un type de comédie nouveau, sérieux, que l’on a a posteriori appelé
« grande comédie », puisqu’elle se rapprochait, dans sa forme, de celui de la tragédie. Toutefois, ce
classement ne doit pas être restrictif. Les informations relatives aux sentiments amoureux des
personnages rapprochent la pièce, dans une certaine mesure, de la comédie d’intrigue. En effet, on
remarque qu’Alceste aime Célimène (laquelle a de nombreux prétendants), qu’il est aimé d’Éliante et
d’Arsinoé qu’il n’aime pas, et que Philinte ne cache pas qu’il est séduit par Éliante. Le tout constitue
un réseau de relations amoureuses complexe, dans lequel nombre d’intérêts particuliers sont
susceptibles de se heurter.
*. Les vers paraissant être particulièrement destinés au spectateur sont ceux qui apportent des
indications précises sur les personnages, le lieu et les principaux enjeux de l’action que les
protagonistes sont censés connaître.
Sur les personnages eux-mêmes, l’exposition en apprend davantage sur Alceste que sur Philinte : son
amour pour Célimène (v. 218), son procès en cours (v. 124), l’affection que lui portent à la fois
Éliante (v. 215) et Arsinoé (v. 216). On apprend de Philinte son attirance pour Éliante (v. 244) et le
lien d’amitié qui l’unit à Alceste (v. 7). C’est chez Célimène que se déroule l’action (v. 241).
Le Misanthrope – 9
L’auteur introduit toutes ces informations dans son exposition d’une façon particulièrement habile
puisqu’elles constituent des arguments ou des exemples qui s’inscrivent dans une dispute. En outre,
ces informations n’alourdissent pas la scène : bien au contraire, ce sont elles qui la font progresser.
*/ Comique de situation et comique de mots paraissent, dans cette scène, indissociables. Une situation
est mise en place, qui va impliquer un certain type de dialogue. La situation est ici une querelle entre
deux amis. Les querelles constituent, dans les comédies de Molière, une source de comique
fréquemment utilisée (dans Le Médecin malgré lui ou Le Tartuffe, pour n’en citer que deux). Le
problème est que, dans ce cas précis, la querelle prend des allures de débat quasi philosophique.
Toutefois, notons dans le discours d’Alceste des marques du comique de mots : les différentes
répétitions de jurons (« Morbleu » aux vers 25, 60, 109, 180, ou « Têtebleu » au vers 141, ou encore
« parbleu » au vers 236), les « Non » martelés régulièrement en début de répliques (v. 41, 67, 118, 191,
225). Notons aussi le jeu de mots de Philinte (« pendable » / « pende ») aux vers 29 à 32.
L’ensemble des effets comiques de la scène repose essentiellement sur le personnage d’Alceste et donc
aussi sur un comique de caractère. L’atrabilaire, par les excès de son comportement, de son
raisonnement et de son discours, prête à rire. C’est particulièrement le cas pour le public du
XVIIe siècle qui le perçut comme tout à fait ridicule, puisqu’il sortait de la norme sociale reconnue.
Molière, qui créa le rôle, l’interpréta affublé de rubans verts, à l’instar des bouffons. Le comique qu’il
suscita est de l’ordre du comique de geste. Toutefois, ces différentes sources de comique ne masquent
pas le caractère profondément ambigu d’un personnage qui, au long des siècles, fut interprété de
différentes manières, du ridicule au pathétique.
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 26 à 36)
Examen des textes
! Le discours inaugural de Strepsiade est une longue tirade qui fait presque figure de monologue. Ce
type de discours livre de façon assez abrupte les informations nécessaires à l’exposition. La convention est
ici respectée, sans qu’il y ait de réel souci de la part de l’auteur de placer le spectateur in medias res.
Strepsiade s’adresse, de façon presque exclusive, directement au spectateur (Philipide est endormi,
l’esclave reste silencieux) et sans aucun artifice. Ces éléments contribuent au statisme de cette exposition.
" Hugo place le spectateur dans une atmosphère mystérieuse par le biais de la didascalie « La nuit ».
Par ailleurs, l’identité du visiteur est soigneusement cachée. Cette inconnue se place au sein d’une
intrigue amoureuse complexe, sans que le spectateur sache la nature des intentions du visiteur (voir
Doña Sol, l’arracher à ses rivaux ? tuer Hernani ou Don Ruy Gomez ?). Enfin sa situation (caché dans
le placard) donne à penser qu’il veut écouter sans être vu et qu’il peut surgir à tout moment.
# Différents aspects du décor constituent des signes de délabrement et de décrépitude : la « fissure dans
le mur », la saleté (« poussière », « mégots », etc.), le froid qui règne sur le plateau (« Le soleil n’écoute déjà
plus », les radiateurs refusent de fonctionner et « ne veulent rien entendre »), comme si toute source de
vie commençait à disparaître. L’emploi répété de l’adverbe « déjà » paraît de mauvais augure, de
même que le caractère « irréversible » de la fissure dans le mur. Enfin, la reine Marie que l’on entend
pleurer dès l’aube évoque l’idée de deuil proche que l’on peut mettre en rapport avec le titre de la
pièce. Décrépitude et délabrement induisent, de fait, la présence de la mort dans cet univers.
$ Dans les textes C et D, la place accordée aux didascalies est prépondérante, du moins si l’on se réfère à
la quantité. Dans l’un comme dans l’autre, elles sont très présentes. Toutefois, l’usage qui en est fait n’est
pas le même. Dans le texte C, elles permettent de décrire les costumes des personnages avec minutie :
« jupe cousu[e] de jais, à la mode d’Isabelle la Catholique » pour Doña Josefa ; « riche costume de velours et de
soie, à la mode castillane » pour Don Carlos. De même, les indications de jeu données sont nombreuses
(« lui saisissant le bras », « Il la regarde », « Elle se tait », etc.) et le plus souvent précises (« fixement »,
« effrayée », etc.). Le texte D offre des indications souvent identiques (cf. les répétitions nombreuses des
« petite » et « grande » portes) ou imprécises (l’expression « dérisoirement royal » ne donne pas une idée
concrète de la « musique » qui est jouée). Certes, Ionesco figure le décor avec des outils en apparence
précis (« côté jardin », « au fond », « devant », « à gauche », « à droite »), mais il le fait avec une telle
accumulation de détails (parfois contradictoires) que le lecteur peine à se représenter le décor. Au
contraire de Hugo qui se sert de la didascalie pour asseoir le fondement historique de son drame
Réponses aux questions – 10
romantique, Ionesco cherche à briser des conventions (celle de l’exposition, au premier chef) qu’il
trouve trop contraignantes et à déstabiliser un spectateur qu’il plonge dans l’univers incohérent du
« théâtre de l’absurde ». Remarquons l’effet de parodie qui relie le second texte au premier.
% Les contraintes scéniques qu’impose l’exposition vont croissant dans un ordre chronologique. Ainsi,
l’exposition des Nuées n’exige pas de décor particulier et peu de gestes ou de déplacements (du fait du
type de discours, notamment). Celle du Misanthrope offre assez peu de contraintes concernant le décor
(le salon de Célimène). La situation de dialogue (voire de querelle) nécessite des déplacements et des
gestes (pour marquer l’impulsivité d’Alceste et le flegme de Philinte, notamment). Plus de contraintes
concernant les costumes (précisément décrits, nous l’avons vu) et le décor dans l’exposition d’Hernani.
Les gestes et les déplacements sont le plus souvent indiqués par la didascalie. Enfin, chez Ionesco, les
contraintes de décor paraissent très importantes : plusieurs portes de taille différente, des fenêtres (dont
une ogivale), etc. Il s’agit davantage ici d’une forme de mise en abyme de la contrainte de la
convention que l’auteur cherche à pousser le plus loin possible.
Travaux d’écriture
Question préliminaire
La scène d’exposition est censée apporter au lecteur-spectateur les informations minimales pour la
compréhension de l’action dramatique. Elle doit répondre aux questions « Qui ? quoi ? quand ? où ?
pourquoi ? » en suscitant un intérêt pour l’histoire proposée.
Le texte B se soucie peu de l’intérêt du spectateur. Les éléments d’information (Strepsiade est inquiet,
ruiné par les dettes que son fils a contractées à cause de sa passion pour les chevaux) sont apportés de
façon statique. L’exposition est ici le moment qui précède l’action.
Dans le texte A, le souci de vraisemblance est plus présent. L’auteur prend le prétexte d’une querelle
précédant le lever du rideau entre Alceste et Philinte qui place d’emblée les deux personnages dans
une situation de conflit. Les divergences de point de vue apportent les rudiments de l’intrigue (Alceste
et Philinte sont amis ; le premier aime Célimène mais ne supporte pas ses mœurs).
Le texte C place le lecteur-spectateur au cœur de l’action. Dans son souci de vraisemblance complète,
le « drame romantique » exige une exposition in medias res. De cette atmosphère mystérieuse, on
comprend le minimum : un inconnu se rend nuitamment chez Doña Sol dont il est épris ; elle-même
en attend un autre nommé Hernani. Le spectateur est tenu en haleine.
Enfin, le texte D ne donne de l’exposition que le caractère contraignant. Faisant fi de l’intrigue, de
l’épaisseur des personnages, de l’illusion théâtrale, Ionesco présente un espace incohérent et des
personnages annoncés par une sorte d’aboyeur (le hallebardier), qui vont et viennent sur le plateau sans
autre motif que de se montrer au public. Ce texte est une des marques de la volonté du « nouveau
théâtre » (ou « théâtre de l’absurde ») de rompre avec des conventions qu’il juge trop contraignantes.
Commentaire
Introduction
L’exposition du Roi se meurt constitue un exemple de la volonté du « nouveau théâtre » de briser les
conventions théâtrales jugées trop contraignantes. Ainsi, l’auteur se moque de la convention
d’exposition. Mais, ce faisant, il place le spectateur dans un univers incohérent qui confine à l’absurde
et présente des signes inquiétants.
1. Une « antiscène d’exposition »
A. Un univers spatio-temporel incohérent
• Incohérences de la didascalie et du décor.
• Les nombreux anachronismes (décor et musique classiques / fonctions modernes de chirurgien, de
femme de ménage).
B. Une scène figée
• L’auteur se rit des conventions de l’exposition. Il expose sans artifice (cf. le rôle du hallebardier qui
présente en s’adressant directement au public).
• Les personnages passent sur scène, pour se montrer, sans nécessité dramatique (cf. le double passage
de Juliette, source d’un certain comique de l’absurde).
Le Misanthrope – 11
C. Des personnages stéréotypés et contradictoires
• Le roi et les reines avec des attributs archétypaux : le sceptre, la couronne, les bijoux. Toutefois, le
roi est polygame (Marguerite et Marie sont ses deux femmes). Il préfère la seconde, plus jeune – ce
qui, là encore, est stéréotypé.
• Le médecin, à la fois chirurgien et bourreau (il soigne et tue à la fois). Juliette, infirmière et femme
de ménage : elle est bonne à tout faire des deux reines.
2. Un univers inquiétant
A. Un monde déliquescent
• Saleté (« mégots », « poussière »).
• Vétusté (« fissure », dysfonctionnement du chauffage, etc.).
B. Une Cour « médicalisée »
La présence du médecin et de l’infirmière annonce une possible maladie : qui est malade ? de quoi ?
Seul le titre apporte un élément de réponse.
C. Des signes de mauvais augure
• L’emploi récurrent de l’adverbe « déjà » qui crée un climat de « fin de règne ».
• Les larmes sans cause apparente de la reine Marie dès l’aube.
• L’hostilité de l’environnement. Le soleil refuse d’écouter, les radiateurs d’apporter vie et chaleur
dans cet univers morbide.
Conclusion
Cette scène constitue une parodie d’exposition. L’auteur refuse de placer le spectateur in medias res, et
pour cause : il ne se passe rien. Le moindre élément d’intrigue (comme la préférence du roi pour sa
seconde femme) est dévoilé brutalement au spectateur. Cette scène illustre le pessimisme de la
littérature d’après-guerre et le thème récurrent de la difficulté à dire quoi que ce soit : que restait-il à
écrire après l’horreur ?
Dissertation
Introduction
Le théâtre est sans doute le genre littéraire qui a fait l’objet du plus grand nombre d’ouvrages
théoriques (Aristote, l’abbé d’Aubignac, etc.). Le lieu même du théâtre est contraignant. Ionesco le
constate et cherche à le combattre. Toutefois, l’auteur semble limiter cet ensemble de contraintes au
seul genre théâtral et, dans une plus large mesure, invite à se demander si certaines d’entre elles ne
sont pas consubstantielles à tout acte de création littéraire.
1. La représentation et ses contraintes
A. Les conventions théâtrales
Elles reposent sur un accord tacite entre les spectateurs et l’auteur. C’est le cas, par exemple, du
monologue ou de l’aparté.
B. Les contraintes spatio-temporelles
• L’espace scénique ne permet pas de tout représenter : le combat de Rodrigue contre les Maures dans Le
Cid ou la mort d’Hyppolite, traîné par un monstre marin, dans Phèdre sont techniquement irreprésentables.
• Les contraintes temporelles qui reposent sur la difficulté du spectateur à suivre une intrigue qui
dépasse un certain temps. Des tentatives, comme Le Soulier de satin de Claudel, demeurent marginales.
C. Les règles
• La difficulté de s’affranchir des règles est importante. La réaction des romantiques (cf. Hernani, par
exemple) par rapport aux règles du théâtre classique n’a abouti qu’à créer d’autres règles.
• La question de la bienséance perdure à travers les âges. On peut se référer, par exemple, à Fassbinder
qui pose, dans Qu’une tranche de pain, le problème de la représentation de l’Holocauste.
2. Les limites du jugement de Ionesco
A. « L’imagination la plus folle », privilège longtemps dévolu au roman
On pourra se reporter à l’histoire du roman, genre sans règles, en s’appuyant sur l’exemple des
romans-fleuves, tels que L’Astrée d’Honoré d’Urfé.
Réponses aux questions – 12
B. Le théâtre n’est pas le genre le plus contraignant
Certaines formes poétiques sont autrement plus contraignantes. L’exemple de Valéry retravaillant son
sonnet l’illustre bien.
C. Un système évolutif
• À l’origine du théâtre, un seul protagoniste, puis deux avec Eschyle, trois avec Sophocle.
• Il y a aussi les évolutions techniques (telles que l’apparition de l’image au théâtre) qui modifient
l’espace théâtral et l’œuvre.
3. L’œuvre littéraire : système de formes et de significations
A. La nécessité d’une mise en forme et d’une stylisation
On pourra prendre l’exemple de Flaubert dans son « gueuloir » qui cisèle les phrases de son roman de
façon à leur conférer le plus d’harmonie et de musique possible.
B. La forme : une nécessaire mise à distance
On pourra prendre l’exemple de Montaigne, dont les Essais trouvent leur vérité dans le re-travail à
force de temps. Naît avec lui un genre littéraire à part entière.
Conclusion
Le point de vue de Ionesco s’inscrit dans le courant du « nouveau théâtre » qui rejette toute idée de
contrainte et de convention. Mais ce courant, créant à son tour de nouvelles contraintes, trouve, dans
le même temps, ses propres limites.
Par ailleurs, ce jugement semble ignorer la nécessaire mise en forme de toute œuvre littéraire.
Écriture d’invention
L’accent sera mis sur le respect rigoureux des consignes données. Les élèves devront tenter d’intégrer
les différentes informations liées à l’intrigue de la façon la plus légère possible, sans que cela se fasse au
détriment du rythme de la scène.
A c t e
I I ,
s c è n e
4
( p p .
5 7
à
6 4 )
◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 67 à 69)
! L’explication
souhaitée par Alceste dès l’exposition tourne court du fait de l’intervention de
Basque, le valet de Célimène : « Acaste est là-bas » (fin de la scène 1) et « Voici Clitandre encor,
madame » (fin de la scène 2). Ces interventions annoncent l’arrivée de deux rivaux, dont le dernier
nommé au sujet duquel Alceste s’est explicitement plaint dans la scène 1.
Ceci crée, dès le début de la scène 4, un comique de situation : les rivaux ne se saluent pas. Alceste,
silencieux, est au comble de l’exaspération devant ces arrivées inopportunes. Les marquis, quant à eux,
ne manifestent aucun signe de gêne ; ils monopolisent d’emblée la parole et semblent être des
familiers du lieu.
" C’est son caractère atrabilaire qui conduit Alceste à se tenir à l’écart de la conversation. Il est
victime d’un énième accès de colère né du fait que les marquis, par leur venue, contrecarrent ses
projets. On peut penser que l’interprétation qui est faite du personnage devra rendre perceptible la
montée de son énervement jusqu’au vers 651.
# Géralde est présenté comme imbu de sa personne qui s’écoute parler (v. 595 : « ennuyeux conteur »).
Par ailleurs, « la qualité l’entête » (v. 599) et il « ne cite jamais que duc, prince ou princesse » (v. 598) :
Célimène le fait appartenir au type social du snob.
$ Les expressions employées dans ces vers font appel à un vocabulaire concret et expressif appartenant
au registre familier. L’effet produit est évidemment comique et permet de rendre plus incisifs encore
les portraits de Timante, Bélise et Cléon. Il permet aussi à Célimène de faire étalage du brillant de son
esprit en manifestant une désinvolture aristocratique, tout en obéissant aux codes de la préciosité qui
mêlait volontiers registre familier et registre soutenu.
% Au vers 580, le jeu de mots sur « dire » / « discours », comme, au vers 588, celui sur « affaire » /
« affairé » contribuent à l’efficacité des deux portraits satiriques : le comique s’exprime ici avec concision.
Le Misanthrope – 13
& Le
portrait de Cléon est le plus bref. Célimène le juge sot au point d’être inexistant. L’attaque est
d’autant plus vive qu’il est présenté comme ayant un rôle social qui n’est pas nul : c’est chez lui que « vont
aujourd’hui nos plus honnêtes gens », dit Clitandre. L’intervention d’Éliante a pour but de susciter l’indulgence
de Célimène. L’effet produit est désastreux. Cette dernière redouble de férocité en détournant avec
virtuosité le propos de sa cousine au moyen d’une métaphore filée à des fins comiques (v. 629-630).
' Il s’agit d’une réunion mondaine tenue dans un salon que se devait d’avoir toute femme d’esprit de
la société aristocratique (cf. l’Hôtel de Rambouillet, le salon de Mlle de Scudéry). Ces manifestations
sociales étaient fréquentes et possédaient leurs propres codes, parmi lesquels les nombreux jeux
spirituels dont les portraits offrent un exemple.
( On compte neuf portraits de longueur inégale. Il s’agit toujours d’hommes de Cour connus de
l’auditoire : seul Alceste échappe à cette règle. On peut aussi constater qu’ils sont initiés presque
exclusivement par Acaste (Damon, Géralde et Adraste) ou Clitandre (Cléonte, Timante, Bélise et
Cléon). Outre le jeu des portraits qu’ils amorcent, les deux marquis expriment leur rivalité à l’endroit
de Célimène en cherchant l’un après l’autre à la mettre en valeur de la meilleure façon possible.
) Célimène reproche aux courtisans qu’elle dépeint d’être des ennuyeux : Damon a « l’art de ne vous
rien dire avec de grands discours » (v. 580), Timante « assomme le monde » (v. 590), Géralde est un
« ennuyeux conteur » (v. 595), Bélise a un « sec entretien » (v. 604) et Damis, « dans tous ses propos, […] se
travaille à dire de bons mots » (v. 635-636). Cet ennui se caractérise par une incapacité qu’elle leur
trouve à mener la conversation – valeur et atout essentiels à la Cour – autrement qu’avec platitude.
*+ Les indications apportées sur leurs emplois du temps montrent leur qualité de courtisans : Clitandre
vient du « petit levé » et est convié au « petit couché » (v. 739). Comme Acaste, que rien n’« appelle
ailleurs de toute la journée » (v. 738), il mène une existence oisive propre aux gens de Cour. Par ailleurs,
leur sujet de conversation est essentiellement axé sur les autres courtisans connus de tous – ce qui
suffit à prouver qu’ils font partie de ce microcosme.
Leur fonction est double. Ils sont d’abord les initiateurs du jeu des portraits permettant du même coup
à Célimène de se mettre en évidence. Ce faisant, ils se posent en rivaux d’Alceste au sein d’une
compétition amoureuse. Notons d’ailleurs que ce sont eux qui triomphent momentanément du
misanthrope, puisque Célimène humilie publiquement ce dernier et qu’elle paraît attachée à leur
présence autant qu’à celle d’Alceste.
*, Alceste, dans la scène 1 de l’acte II, avait pour principal grief contre son amante le trop grand
nombre d’amants « qu’on voit [l’]obséder » et de ménager trop de rivaux – ce dont son « cœur ne peut
s’accommoder ». Alceste revendique une exclusivité totale : il veut être reconnu par elle, et par la
société, comme son unique prétendant. La réponse de Célimène est très claire à cet égard. Elle refuse
catégoriquement d’accéder à cette requête. La fermeté avec laquelle elle rabroue Alceste après son
intervention, comme la cruauté du portrait qu’elle fait de lui démontrent la volonté de la jeune veuve
de ne pas se voir privée de ce qu’elle estime être sa liberté.
*- La tonalité des différents portraits est satirique. Les propos de Philinte qu’illustre cette scène sont
pour Célimène « de qui l’humeur coquette et l’esprit médisant semble si fort donner dans les mœurs d’à
présent » (v. 219-220).
*. On peut supposer qu’Alceste est à l’écart de la fête. Il se tient volontairement en retrait et personne
ne se soucie de lui. Chacun est trop occupé à participer au jeu des portraits. Il n’intervient que pour
jouer les trouble-fête. On l’imagine déjà comme faisant figure de marginal au sein de ce microcosme,
au contraire des autres convives qui participent et créent la vie sociale de la Cour.
*/ Les portraits esquissés par Acaste et Clitandre font pâle figure en comparaison de ceux que fait
Célimène des mêmes personnages. Cette dernière, à l’instar d’un La Bruyère, possède l’art de faire vivre
les personnages qu’elle peint en saisissant sur le vif telle ou telle attitude qui permet d’en faire ressortir le
ridicule. Sa virtuosité est quasi littéraire. À la platitude des portraits proposés par les marquis correspond
la vanité de leur personne. En outre, leur absence de brio est tout aussi ridicule que celle dénoncée chez
les autres personnages. Ils ont aussi peu de « conversation » et sont tout autant « ennuyeux ». Ce sont les
« grands brailleurs » évoqués par Célimène à la scène 2, avec lesquels il importe de ne pas se brouiller. Ils
deviennent implicitement victimes du jeu des portraits qu’ils ont initié.
*0 Célimène aime séduire, puisqu’elle cherche à plaire à tous en ménageant l’ensemble de ses
prétendants. Elle n’épargne pas non plus les femmes : le portrait de Bélise est particulièrement
Réponses aux questions – 14
méprisant et la façon dont elle ignore Éliante n’est guère différente (cette dernière ne pourrait-elle pas
se sentir concernée par « le stupide silence » de Bélise ?). Elle occupe sans partage le devant de la scène
dans un univers dont elle maîtrise complètement les codes. Elle fait montre, en outre, d’un certain
égocentrisme. Peu lui importe de blesser qui que ce soit, pourvu qu’elle règne seule sur son monde. À
cet égard, le portrait de Damis est édifiant : à la différence de Bélise, il lui est reproché d’avoir trop
d’esprit – ce dont Célimène « enrage ». Pourtant son ami à ses dires, elle s’empresse toutefois de rendre
ridicule ce concurrent potentiel.
Mais Célimène montre aussi un certain goût pour la liberté. La jeune veuve veut s’affranchir de la
morale trop contraignante d’un Alceste trop exclusif. Son comportement est une réponse aux
réprobations d’Alceste dans les scènes précédentes et la marque de sa volonté de s’imposer à lui telle
qu’elle veut être et non telle qu’il la rêve.
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 70 à 75)
Examen des textes et de l’image
! Arrias est à la fois bavard (« il prend la parole », « il discourt ») et hâbleur (« [il] a tout lu, a tout vu, il
veut le persuader ainsi » et « il aime mieux mentir que de se taire »). En outre, il est aussi mythomane.
Ce portrait se rapproche de ceux de Célimène par son style : au moyen d’une petite scène, La
Bruyère saisit sur le vif un comportement de son personnage de façon à le rendre ridicule. On
retrouve aussi le recours à différents registres de langue, comme l’emploi familier du verbe éclater. Par
ailleurs, comme les personnages décrits par la coquette, Arrias se rend insupportable en société et ne
connaît pas l’art de la conversation. Il est donc, lui aussi, un « ennuyeux ».
" Le personnage de Montesquieu est proche du Géralde décrit par Célimène. L’un et l’autre font
montre de snobisme et de grossièreté à l’égard de ceux qui ne sont pas « du plus haut étage ».
# Les personnages dépeints ont pour point commun d’avoir un comportement social atypique
(ennuyeux, ridicule, voire grossier). La portée de la satire que constitue le texte C est davantage
universelle que celle des deux autres. Par le point de vue du narrateur (un Persan ignorant des coutumes
occidentales), par l’anonymat de la personne décrite, Montesquieu dénonce les dysfonctionnements d’un
système politique et social qui conduit les « grands » à montrer avec outrance la supériorité que leur
confère leur naissance. L’auteur insiste du même coup sur la vanité du cœur humain.
$ La lithographie représente un patron replet et rondouillard et son employé fatigué. La phrase est
attribuée au bourgeois qui lui refuse une augmentation. Elle est ironique dans la mesure où il n’y a pas
de rapport entre la reconnaissance sociale (« médaille du travail à ruban tricolore ») et l’augmentation de
salaire qui est l’objet de la démarche de l’ouvrier. Le motif invoqué du refus est donc fallacieux. Par
ailleurs, compte tenu de l’apparence de l’employé (vieux, voûté, harassé de fatigue), il y a fort à parier
que les « dix ans » à attendre pour l’obtention d’une médaille constitueront un délai trop important, et
cette décoration sera, au mieux, attribuée à titre posthume. À cet égard, l’ironie vire au cynisme.
% Cette satire a une dimension représentative que n’ont pas les textes du corpus. Elle est aussi
violemment explicite : le patron est décrit comme exploitant cyniquement un homme sans le
rétribuer à la hauteur du travail fourni. Ce cynisme conduit implicitement l’ouvrier à la mort.
L’arrière-plan de la lithographie rend la satire d’autant plus violente. La présence du coffre-fort
(caricatural par sa taille) indique assez le profit que fait le patron au détriment de l’employé (le cadre
montre pourtant la qualité du travail fourni par ce dernier).
C’est la profonde injustice sociale qui est dénoncée ici, dans le contexte postrévolution industrielle
qui voit l’avènement d’un nouveau système économique (économie de marché) et social (système de
classes) dont l’un des travers est d’aggraver le fossé entre exploitants et exploités. C’est du moins ce
point que Malteste attaque. Il est à noter que le point de vue est ici éminemment politique.
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Les textes A et B offrent de nombreux procédés similaires pour exprimer l’ironie satirique : il y a tout
d’abord la mise en scène des personnages décrits, qui sont connus ou supposés tels. Arrias est dépeint
Le Misanthrope – 15
pendant une scène de repas (« à la table »). Chaque portrait de Célimène est une petite scène par
laquelle la jeune femme peint des comportements sociaux qui s’écartent de la norme en vigueur parmi
les courtisans. La brièveté de la forme donne à la satire une plus grande efficacité. On retrouve aussi
dans ces deux extraits une certaine variété de registres de langue : La Bruyère, comme Molière,
alterne entre le registre familier et imagé (Arrias « rit […] jusqu’à éclater » et « prend feu » quand on se
hasarde à le contredire ; Bélise, aux dires de Célimène, « grouille aussi peu qu’une pièce de bois » quand
on lui manifeste clairement l’ennui qu’elle procure). Enfin, chacun des personnages est pris « sur le
vif ». Arrias comme Géralde sont pris en flagrant délit de snobisme. Le premier prétend connaître
« familièrement » Sethon, ambassadeur de France, qui ne lui « a caché aucune circonstance » à propos d’une
cour d’un pays du Nord ; Géralde « ne cite jamais que duc, prince ou princesse » et « tutaye en parlant ceux
du plus haut étage ».
Dans le texte C, l’ironie satirique s’exprime différemment. Montesquieu prend le « point de vue de
l’explorateur ». C’est Usbek qui s’exprime en tant que Persan ignorant des coutumes occidentales. Ce
point de vue permet de traduire son étonnement (« je ne pouvais me lasser de l’admirer »), voire son
indignation (« si, lorsque j’étais à la cour de Perse, je représentais ainsi, je représentais un grand sot »). Le
double langage propre à l’ironie tient au point de vue adopté. Par ce biais, l’auteur fait la satire de la
morgue de certains « grands ».
Commentaire
Introduction
Les Caractères de La Bruyère constituent un ouvrage dans lequel l’auteur s’insurge contre la vacuité des
mœurs de son temps. Il veut mettre en avant le mérite plutôt que la naissance. Le moraliste emploie,
pour ce faire, les armes de l’ironie et de la satire. Il montre son savoir-faire de portraitiste pour
peindre ici un personnage sot et hâbleur.
1. L’art du portraitiste
A. La brièveté de la forme
Composition du portrait : une description et une petite scène théâtrale. L’auteur s’arrête sans évoquer
la réaction de l’auditoire devant la supercherie d’Arrias. Il évite ainsi tout superflu.
B. Le comique satirique
• Économie de mots (cf. la première phrase qui est de l’ordre du style indirect libre particulièrement
efficace).
• L’agitation d’Arrias (nombreux verbes qui indiquent une suractivité du personnage), dont le coup de
théâtre final dévoile le caractère artificiel.
C. Le ridicule du personnage
• Connivence avec le lecteur du XVIIe siècle : Arrias est supposé connu.
• Il est pris sur le vif dans une situation qui le couvre de ridicule.
2. Un « antihonnête homme »
A. Un vaniteux
• Récurrence de l’emploi de l’adverbe « tout ».
• « Il en rit le premier » : contraire à la modestie de l’honnête homme.
B. Un personnage grossier
• « Il prend la parole » : comportement contraire à la discrétion qui sied en société.
• « Il éclate », « il prend feu » : l’absence de mesure du personnage est ici soulignée.
C. Un menteur
C’est aussi l’absence de morale du personnage qui ment avec « confiance » qui est aussi mise en
évidence.
Conclusion
Ce texte comique n’en est pas moins moral. Fidèle à l’idéal de l’honnête homme qu’il veut incarner,
La Bruyère critique ici avec vigueur la médiocrité et la sottise de certains courtisans en donnant à voir
Arrias. Cette forme littéraire et comique sera fréquente chez les philosophes des Lumières.
Réponses aux questions – 16
Dissertation
Introduction
La comédie a longtemps été considérée comme un genre mineur, par opposition à la tragédie. Le rire
en lui-même ne suffisait pas à constituer une légitimité suffisante à l’existence de ce genre. C’est
pourquoi elle s’est donnée pour visée de châtier les mœurs par le rire. Toutefois, cette formule du
castigat ne manque pas de paradoxes. Nous nous attacherons à montrer dans quelle mesure cette
définition de la comédie n’est pas quelque peu datée.
1. Le paradoxe du castigat ridendo mores
A. Bouffonnerie et travestissement
Le comique est, à l’origine, perçu comme une dégradation du tragique. On pourra prendre l’exemple
de La Nuit des rois de Shakespeare dont l’action se déroule durant le carnaval après Noël.
B. L’Église contre la comédie
La comédie est, au début de son histoire, encadrée par des lois précises. Elle ne peut être jouée que
durant les jours de carnaval, à des dates précises, parce qu’elle est jugée « dangereuse ».
C. La comédie doit se justifier
Molière est condamné pour Le Tartuffe et Dom Juan, par exemple. Le premier attaque l’Église, le
second évoque l’idée d’une autre morale (cf. le matérialisme de Dom Juan).
2. Comique et comédie au service des mœurs
A. Les mœurs (us et coutumes d’une société à une époque donnée)
• Domaine privilégié de la comédie, par opposition à l’universel et l’atemporel qui sont du domaine
du tragique.
• On pourra opposer le Lysistrata d’Aristophane (qui traite de la condition des femmes à Athènes) aux
Perses d’Eschyle (avec ses personnages historiques dans une posture hiératique).
B. Le rire est un moyen privilégié de critiquer les mœurs
• Certains procédés comiques, comme la caricature, font ressortir les dérèglements de la nature
humaine.
• Le rire évite les bons sentiments.
• Harpagon, Argan, M. Jourdain, etc. n’existent pas en tant que tels : ils montrent une tendance de la
nature humaine.
C. Le comique rend la critique plus constructive
• Il repose sur une adhésion immédiate du public.
• Dans Le Mariage de Figaro, la critique de l’aristocratie passe d’autant mieux qu’elle émane d’un valet
de comédie conscient de ses ridicules.
• On remarquera aussi que le comique contamine les autres genres (les moralistes, par exemple,
comme La Bruyère dans le texte B ou La Fontaine).
3. Une définition datée
A. La fonction de critique des mœurs est dévolue au roman à partir du XIXe siècle
Par exemple, la critique de la bourgeoisie de province chez Stendhal et Balzac.
B. La critique des mœurs n’est plus liée au comique après la Révolution française
Les changements historiques font, par exemple, que la critique de la religion sort progressivement de
la littérature pour passer dans le domaine de la presse indépendante.
C. La comédie perd petit à petit sa fonction sociale
On pourra opposer l’œuvre de Molière aux Comédies et Proverbes de Musset qui se caractérisent par
leur légèreté.
Conclusion
La visée pédagogique de la comédie a été clairement exprimée à l’âge classique. Toutefois, au fur et à
mesure de l’histoire, d’autres formes de comiques sont apparues, sans visée particulière et allant même
jusqu’à prendre une forme désespérée (comme, par exemple, le comique de l’absurde).
Le Misanthrope – 17
Écriture d’invention
Les élèves devront, dans leurs travaux, mettre en évidence les différentes marques du comique
satirique telles que l’ironie et les différentes formes qui l’expriment.
Les défauts de Célimène mis en lumière seront évidemment la médisance et la coquetterie. On pourra
aussi montrer la grossièreté avec laquelle elle traite Éliante, à qui elle ne permet pas, dans l’ensemble,
d’ouvrir la bouche et de participer à la conversation.
A c t e
I I I ,
s c è n e
4
( p p .
8 5
à
9 1 )
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 92 à 94)
! L’accueil
que fait Célimène à Arsinoé est chaleureux et amical en apparence. Il est bien entendu
tout à fait hypocrite, puisque le portrait qu’elle vient d’en dresser nous apprend la forte inimitié
qu’elle éprouve à son égard.
" Arsinoé refuse de prendre le siège que lui tend Célimène, montrant ainsi un comportement pour le
moins hostile, en rupture avec les habitudes des convives du lieu. La malveillance de ses intentions est
déjà perceptible.
# Il s’agit du mot « Madame » dont usent les deux femmes pour conserver les marques d’une
bienséance apparente. De la même façon, les deux rivaux (Acaste et Clitandre) s’appelaient
« Marquis » dans la scène 1.
$ On est loin ici des insultes et des coups de bâton que l’on peut voir dans d’autres types de comédies
moliéresques : l’emploi de figures d’atténuation permet le respect des règles de la mondanité entre
deux femmes du monde. On trouve ainsi des recours à la litote (« on ne la loua pas », « un peu tort »,
« pas cités comme un fort bon modèle »), à la sagesse commune (« il est des choses dans la vie », « on prête
aisément foi », « si l’on était sage ») et à l’aphorisme (« Il est une saison pour la galanterie », « ce n’est pas le
temps […] d’être prude à vingt ans »). Ces différents emplois traduisent le décalage flagrant qui existe
entre le ton du discours et l’intention.
% Il offre la garantie qu’aucune des deux rivales ne manifeste un quelconque mouvement d’humeur
(ce serait une marque de faiblesse), quelle que soit la violence du contenu de leurs différents propos.
Ainsi, les apparences sont sauves et la bienséance des échanges a pour fonction de dissimuler le
caractère personnel des attaques les plus violentes.
& C’est Célimène qui triomphe dans cette joute verbale. Arsinoé, ulcérée, finit par s’écarter des règles de
politesse de mise, tandis que son hôtesse les conserve de bout en bout. Enfin, la désinvolture avec laquelle
elle met Arsinoé en compagnie d’Alceste suffit à faire comprendre qu’elle ne craint en rien sa rivalité.
' Arsinoé n’est pas sincère. Le but de sa venue est de mettre en accusation le comportement de
Célimène. L’emploi du mot « amitié » relève ici de l’antiphrase.
( Ces vers sont de tonalité ironique. Si on les reformule de façon à montrer l’intention véritable du
locuteur, on obtient :
– vers 894 : « je fis ce que je pus pour vous enfoncer de toutes mes forces ».
– vers 905 : « je crois votre comportement profondément malhonnête ».
– vers 912 : « d’une haine que je vous porte en tous lieux ».
) Ces vers sont construits de la même façon. Les termes sont quasiment identiques. C’est donc par le
pastiche que Célimène répond à Arsinoé, montrant une nouvelle fois sa virtuosité d’improvisation.
Elle indique ainsi à sa rivale qu’elle n’est pas dupe de la malveillance de ses intentions. L’effet produit
est de neutraliser Arsinoé en usant d’armes similaires et de provoquer le rire du spectateur.
*+ À partir du vers 976, l’attaque de Célimène devient plus directe. Elle laisse entendre que c’est l’âge
qui a poussé Arsinoé à se faire prude. Cet argument est particulièrement agressif puisqu’il constitue
une attaque ad hominem contre le physique même d’Arsinoé. Elle ne peut que blesser cruellement
l’orgueil féminin de la fausse dévote.
*, Arsinoé veut faire de Célimène une coquette, voire même une courtisane (« foule de gens », « votre
galanterie ») aux comportements scandaleux (« grands éclats »). Par le biais de « gens de vertu singulière »
(v. 885), elle se place au-dessus de tout soupçon et veut incarner la morale. Ainsi, elle dit implicitement
Réponses aux questions – 18
que Célimène choque la morale : à la fois par son comportement peu discret et à cause du fait que la
coquetterie de Célimène fait fi de l’engagement et de la fidélité qui sont des valeurs hautement chrétiennes.
*- Le discours d’Arsinoé est rempli d’occurrences appartenant au champ lexical du religieux et de la
morale : « honneur » (v. 882-883), « vertu » (v. 885), « Ciel » (v. 906). Elle se place comme la
« caution » de l’« âme » de Célimène (v. 896 et 906). Arsinoé cherche ainsi à donner d’elle-même
l’image d’une vraie dévote d’une grande piété. Elle se veut « prude consommée » (v. 853).
*. Les vers 937 à 944 sont construits par groupes de deux vers avec, à chaque fois, l’usage de la
conjonction de coordination d’opposition « mais » en début de second vers. Le premier vers désigne
l’apparence (que veut donner Arsinoé), le second la réalité des faits. L’hypocrisie et la duplicité du
personnage sont du même coup dévoilées. Est donc mise en lumière, chez ce personnage, la
contradiction entre l’être et le paraître.
*/ Ce sont davantage la jalousie et la frustration qui motivent les reproches d’Arsinoé : jalousie devant les
succès de sa rivale dont le salon est un lieu à la mode, et la beauté et l’esprit brillants lui valent de
nombreux prétendants ; jalousie et frustration de la voir aimée d’Alceste, pour qui elle « a tendresse d’âme ».
Les reproches, même s’ils sont en partie fondés, émanent d’une bouche haineuse et aigrie, dont le seul
mérite est d’être à un âge trop avancé pour faire la coquette. Le recours (et le détournement) à la
morale religieuse n’est qu’un alibi qui rend le personnage mesquin et pitoyable (son comportement
dans la suite de la pièce confirmera cette mesquinerie) bien davantage que celui de la jeune veuve, si
légère et cruelle soit-elle à l’égard de ses prétendants.
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 95 à 102)
Examen des textes et de l’image
! Le Lion se veut un roi juste (« que le plus coupable de nous se sacrifie »). Il expose de son propre chef
ses fautes à sa Cour. Cet attachement à la justice est tout relatif. La flatterie du Renard, le consensus
tacite entre les « autres puissances » suffisent à en révéler le caractère profondément hypocrite. Ce n’est
donc pas « le plus coupable » qui sera puni : ce « procès » se révèle comme étant une mascarade.
" L’Âne est condamné du fait de sa faiblesse physique par rapport aux Tigre, Ours, mâtins, etc.
N’étant pas craint pour sa force, il fait figure de parfait bouc émissaire. Il est aussi condamné pour sa
naïveté : devant tant de « querelleurs » gloutons, le mangeur d’« herbe d’autrui » fait figure de paria.
# Elle repose sur son incapacité à donner à Emma les vraies raisons pour lesquelles il veut rompre, à
savoir qu’il ne l’aime plus et qu’il ne veut pas s’enfuir avec elle. C’est pourquoi il dépeint son amour
comme une passion dévorante qui aurait fait le malheur d’Emma. La véritable nature de ses intentions
est révélée par l’alternance entre la lettre et le discours direct (« Est-ce qu’on peut faire entendre raison à
des femmes pareilles ? » ou « Voilà un mot qui fait toujours de l’effet »). Par ce biais, Flaubert dévoile la
médiocrité d’un personnage notoirement lâche.
$ La tonalité ironique se retrouve dans les différents textes du corpus : Arsinoé professe, par « amitié »
pour Célimène, « d’un zèle qui [l’]attache à tous [ses] intérêts » ; l’ensemble de la cour du Lion juge la
« peccadille » de l’Âne « un crime abominable » ; Rodolphe affecte d’être éperdument amoureux et
trouve dans une générosité supposée des raisons de quitter une femme dont il est lassé. Ces procédés
sont fréquents chez l’hypocrite, personnage double par définition et qui use fréquemment du double
niveau de langage propre au discours ironique.
% Remarquons la posture d’Arsinoé : elle se tient penchée (presque agenouillée) vers Célimène. Elle
se veut caressante (elle tente de lui prendre amicalement la main). Célimène marque clairement un
mouvement de recul. Les traits de son visage sont tendus et elle semble méfiante et attentive – ce qui
indique qu’elle se prépare à être agressée et qu’elle n’est pas dupe des intentions de sa rivale.
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Soucieuses de convaincre de la bienveillance et de l’honnêteté de leurs intentions, les différentes
figures de l’hypocrisie détournent à leur profit les valeurs morales les plus reconnues. On retrouve
Le Misanthrope – 19
ainsi différents champs lexicaux exprimant ces valeurs dans les différents discours : celui de la
dévotion, de la piété et de l’amitié dans le discours d’Arsinoé (texte A) ; celui de la justice et de la
mesure dans celui du Lion et du Loup (texte B) ; celui de la générosité et du sentiment amoureux
dans la lettre de Rodolphe (texte C). C’est par le recours systématique à l’ironie, le point de vue et la
situation d’énonciation que la duplicité des personnages est révélée. Dans le texte A (un dialogue),
c’est Célimène qui met au jour la malveillance de sa rivale en la parodiant ; dans le texte B, c’est
l’auteur lui-même qui révèle l’hypocrisie collective par une antiphrase au discours indirect libre
(« Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable ! ») ; dans le texte C, c’est Rodolphe lui-même qui, par
l’alternance des situations d’énonciation (Rodolphe écrivant et Rodolphe se parlant à lui-même) et le
point de vue interne, dévoile le mécanisme de son hypocrisie qui confine à un certain cynisme. Enfin,
remarquons, dans le document D, la posture caressante de Nadia Strancar et l’ambiguïté qui ressort de
son visage à la fois prévenant et réprobateur.
Commentaire
Introduction
Ce texte est une lettre insérée dans un roman. Rodolphe cherche à rompre avec Emma avec laquelle
il devait partir le lendemain matin. Pour ce faire, il invoque des raisons fallacieuses. Flaubert donne à
voir un personnage médiocre par le biais duquel il dénonce les excès et les dangers du romantisme.
1. Un portrait de la médiocrité humaine
A. La stratégie argumentative de Rodolphe
• Rodolphe justifie sa rupture par la fatalité supposée malheureuse qui pèse sur les deux amants : la
« lassitude », la « cruauté » du monde, « la fausseté de notre position future ».
• Les procédés rhétoriques destinés à rendre le discours plus convaincant : les questions rhétoriques (« Avezvous mûrement posé […] ? », « Savez-vous l’abîme où […] ? », « Pourquoi étiez-vous si belle ? », « Est-ce ma
faute ? »), le jeu sur les pronoms (je/nous) par lequel le locuteur inclut le destinataire. Le recourt à une
maxime (« c’est là le sort des choses humaines ») censée donner une plus grande crédibilité au discours.
B. Les différents niveaux d’énonciation qui remettent en cause la sincérité du propos
• L’alternance de Rodolphe s’adressant tantôt à Emma et tantôt à lui-même : « Après tout, […] j’agis
dans son intérêt », « Est-ce qu’on peut faire entendre raison à des femmes pareilles ? », « Voilà un mot qui fait
toujours de l’effet », « il faut en finir ». Cf. aussi les deux hypothétiques « Si je lui disais […] » et « si vous
eussiez été […] ».
• Le point de vue de l’auteur : « Rodolphe s’arrêta pour trouver ici quelque bonne excuse. » La phrase est
sans équivoque : Flaubert indique directement l’absence totale de sincérité et la médiocrité crasse de
son personnage.
C. Une vision noire de l’humanité
• La lâcheté de Rodolphe, incapable de sincérité à l’égard d’une personne qui l’aime passionnément.
• Le sentiment amoureux dépeint comme vain et illusoire. Il conduit soit à la « lassitude » (« cette ardeur
se fut diminuée »), soit au « remords ».
2. Une critique du romantisme
A. Présence des lieux communs du romantisme
• Le champ lexical de la passion amoureuse : « bonheur », « ardeur », « charme », « tourment »,
« adorable », « bonheur idéal », etc.
• L’idéalisation de la femme aimée : « moi qui voudrais vous asseoir sur un trône », « Moi qui emporte votre
pensée comme un talisman ».
• Le thème de la nature (« l’ombre », le « mancenillier ») qui sert d’arrière-plan à leur passion amoureuse.
B. Les figures de l’exagération
• Ces lieux communs sont en permanence frappés d’exagération. Cf. les tournures hyperboliques
(« l’abîme où je vous entraînais », « l’atroce douleur », « l’idée seule [de vos] chagrins […] me torture »,
« bonheur idéal », « L’outrage à vous ! »).
• Remarquons aussi la prédominance de la modalité exclamative dans les types de phrases, avec les
interjections (« Ô », « Oh »), les apartés (« mon Dieu », « Je n’en sais rien, je suis fou ! ») propres à
marquer l’exaltation des sentiments de Rodolphe.
Réponses aux questions – 20
C. Une dénonciation du mensonge romantique
• Le romantisme est dénoncé ici comme une littérature incapable de dire la vérité. L’auteur en
dénonce aussi les excès.
• Les lieux communs du romantisme, qui se caractérisent souvent par l’exagération, sont ici encore
plus exagérés. Ceci indique que l’auteur, déçu par « l’illusion lyrique », a un compte personnel à
régler.
Conclusion
Dans ce texte, Flaubert fait une dénonciation violente du romantisme. On y sent la déception vécue
par l’auteur, qui veut montrer les dangers d’une littérature qui plonge ses lecteurs dans une illusion
néfaste, incapable de « parler vrai », et que Mme Bovary illustre avec force.
Dissertation
Introduction
Le style d’un écrivain est constitué des moyens qu’il met en œuvre pour s’exprimer. C’est, en quelque
sorte, son signe de reconnaissance. Mais suffit-il à définir un auteur ? Et, dans une plus large mesure,
nous pouvons nous demander s’il suffit à définir l’homme.
1. L’écriture comme reflet d’un tempérament, d’un caractère
A. « Une vision dans une forme » (Zola, Écrits de jeunesse)
Chaque écrivain se laisse identifier par une musique, une marque de fabrique : qu’il s’agisse de la
phrase sèche et nerveuse de Maupassant, des longues périodes proustiennes, tout écrivain se laisse
reconnaître par son style.
B. Le style reflète aussi une nature, un tempérament
La tonalité épique propre à un caractère violent et emporté, par exemple.
C. Le style est unique et cette unicité du style ne peut qu’être imitée
C’est le sens de la notion d’« École ». On ne fait qu’imiter le style d’un artiste, ce qu’il a de plus
précieux. Un style, que ce soit en littérature ou en peinture, est nécessairement unique, comme un
individu.
2. Prétendre déceler la vérité d’un être à travers l’œuvre littéraire
A. La volonté de l’écrivain de se dissimuler dans son œuvre
• La recherche d’un pseudonyme (de Villon à Émile Ajar).
• La recherche d’un autre langage : Samuel Beckett qui choisit de s’exprimer dans une autre langue
que sa langue maternelle.
B. L’absence de rapport entre une personnalité et l’œuvre que cet auteur écrit
On peut prendre l’exemple de Voltaire qui gérait tranquillement ses actions dans la Compagnie des
Indes, tout en écrivant des plaidoyers efficaces contre l’esclavage (Candide).
C. La part d’inconscient
• Elle existe dans toute œuvre et est jugée essentielle par une certaine critique (la critique
psychanalytique de Charles Mauron).
• Les poètes surréalistes et leur expérience de l’écriture automatique.
D. Le style en tant que langage
• Le style (manière particulière d’utiliser le langage) est surtout révélateur d’un état donné d’une langue.
• La langue, en tant que système de signes, évolue selon les époques, selon les classes sociales : un
style, dans cette perspective, n’est pas tant le reflet d’un homme que d’une époque (le style classique,
par exemple).
• L’emploi de la litote chez Corneille est autant révélateur d’un style que d’une période donnée (celle
d’une monarchie, privatrice des libertés).
3. Le style n’est peut-être pas la vérité d’un homme, mais en tout cas celle d’un écrivain
A. L’écart entre être social et moi profond
Le Contre Sainte-Beuve, où Proust distingue le Stendhal des salons mondains de l’écrivain tel qu’il
transparaît dans ses romans.
Le Misanthrope – 21
B. L’écrivain comme être de langage
• L’expérience de l’écriture est avant tout celle d’un tête-à-tête entre l’écrivain et les mots. Des
expériences comme celle de Mallarmé sont particulièrement représentatives de cette aventure.
• Toute sensibilité, toute imagination, quelque puissante qu’elle puisse être, est nécessairement
prisonnière d’une forme.
• La suprême réussite de l’écrivain tient à cette conquête d’un style à même d’exprimer une vision.
Conclusion
La citation de Flaubert, pour provocatrice qu’elle soit, définit assez bien l’écrivain. Il en fait un artisan
qui, à l’instar du sculpteur, cisèle la matière textuelle jusqu’à lui faire prendre la forme voulue par lui.
Écriture d’invention
Outre le respect des consignes données, les élèves devront trouver un bouc émissaire désigné par un
groupe. Ils pourront, par exemple, prendre des cas issus de la xénophobie en entreprise ou un élève
qui suscite (par une différence quelconque) la haine de ses camarades. Le trait principal des membres
constituant le groupe sera évidemment l’hypocrisie.
A c t e
I V ,
s c è n e
3
( p p .
1 1 4
à
1 2 2 )
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 123 à 125)
! Alceste
cherche d’emblée à obtenir une explication sans cesse repoussée par des interventions
extérieures, telles que l’arrivée des marquis (II, 2 et 3) ou la présence d’Arsinoé (III, 5). Cette
explication porte sur la présence et le nombre des différents prétendants dont elle est environnée – ce
dont il souffre. En d’autres termes, Alceste ne cache pas ses soupçons à l’égard de la fidélité de sa belle.
C’est précisément Arsinoé qui lui apporte une preuve supposée de cette infidélité. L’explication tant
attendue est donc sur le point d’avoir lieu – ce qui confère à la scène une forte tension dramatique,
puisqu’elle constitue a priori une péripétie qui contribuerait à faire évoluer l’intrigue. Alceste paraît
résolu à en finir : « Il n’est point de retour, et je romps avec elle » (v. 1270).
" La colère d’Alceste, déjà violente dans la scène précédente, s’accroît à la vue de Célimène. Le
misanthrope est littéralement hors de lui (cf. v. 1277 et 1313-1314). Dans sa première tirade (v. 1286 à
1314), il laisse progressivement libre cours à sa « rage ». La menace est de plus en plus virulente
(cf. v. 1295-1296, puis v. 1309 et enfin v. 1314). La tension est à son comble à la fin de cette tirade.
Alceste semble au bord de la violence physique.
# Alceste reproche à Célimène son infidélité – pire ! d’avoir écrit un billet doux pour Oronte ! Le
billet est en sa possession et lui a été remis par Arsinoé désireuse de lui faire « voir une preuve fidèle de
l’infidélité du cœur de [sa] belle » (v. 1129-1130). Ses reproches prennent la forme d’un discours dans
lequel l’atrabilaire exhale sa souffrance qui repose, selon lui, sur l’immoralité de Célimène et sur le
caractère supposé mensonger de son amour pour lui.
$ Le ton de Célimène est d’abord léger (v. 1278 à 1280) puis ironique (v. 1285). Par la suite, elle
feint l’étonnement par une succession de phrases interrogatives : Célimène fait mine de ne pas
comprendre de quoi il retourne.
% Ces interrogations permettent de montrer le caractère irrationnel de l’accusation d’Alceste : la lettre
n’est pas signée et rien ne prouve qu’elle soit adressée à Oronte.
À partir du vers 1356, Célimène reprend l’offensive ; tout d’abord en feignant d’être offusquée des
reproches adressés puis en reprochant à son tour à Alceste son comportement tyrannique.
L’interprétation de ce comportement est double. D’une part, il s’agit pour elle de gagner du temps en
évitant d’avoir à se justifier. D’autre part, il peut aussi s’agir de résister à la conception totalitaire de
l’amour selon Alceste et de mettre en évidence la caractère infondé et irrationnel des accusations d’un
jaloux. Elle renvoie ainsi Alceste à ses propres contradictions.
& Alceste est particulièrement véhément (voire violent) au début de la scène. Il est décidé à exiger de
Célimène une explication – ce qui, en d’autres termes, signifie qu’il veut exiger d’elle qu’elle se sente
coupable. Or la scène s’achève sur une déclaration d’un amour renouvelé et plus ardent (v. 1422 à
Réponses aux questions – 22
1432) sans qu’elle ait reconnu sa culpabilité ni expliqué la cause de ce billet pour Oronte. Le
malentendu fondamental entre les deux personnages, loin d’être résolu, s’aggrave un peu plus. En
cela, il s’agit d’une fausse péripétie comparable à l’entrevue de la scène 1 de l’acte II (reproches
d’Alceste, refus de Célimène de se sentir coupable ; Célimène outrée par les reproches adressés,
Alceste suppliant et protestant de son amour).
' La lettre n’est pas signée. Elle n’est adressée à Oronte aux yeux d’Alceste que parce que cela lui a
été dit. Il était en outre tout disposé à le croire. Ainsi, il avait accusé et condamné son amante par
avance.
( Alceste réaffirme son amour avec force et violence : « Ah ! rien n’est comparable à mon amour
extrême » (v. 1422). C’est une conception de l’amour particulièrement exclusive, voire totalitaire, qui
se dégage de son discours. Comme pour les rapports entre les hommes, Alceste montre dans son
rapport amoureux une intransigeance sans nuance. C’est, en quelque sorte, « tout ou rien ». Il dit luimême vouloir voir Célimène « tenir tout des mains de [s]on amour » (v. 1432), la privant ainsi de liberté.
Il a d’ailleurs la même exigence de fidélité et d’exclusivité vis-à-vis d’elle. Pour idéaliste et
authentique qu’elle soit, cette conception rapproche le misanthrope du barbon (tel Arnolphe, par
exemple). Notons, à cet égard, que le personnage doit beaucoup dans cette scène à Don Garcie de
Navarre, prince jaloux, dont il reprend ici de nombreuses répliques.
) Célimène défend une conception de l’amour plus conforme aux codes de la préciosité. Elle exclut
tout débordement de toute sorte (« transports jaloux » ou « emportement »). L’amour doit être le lieu de
l’harmonie, et le langage le reflet exact des nuances des sentiments. Ainsi, Alceste est véritablement
coupable à ses yeux de douter de l’« oracle » que constitue l’aveu de son amour pour lui. Il s’écarte des
codes de la préciosité et de la bienséance (honneur féminin, confiance et patience). « Non, vous ne
m’aimez point comme il faut », lui dit-elle au vers 1421. Désobéissant à ces codes, Alceste s’écarte à ses
yeux de la vérité des sentiments. Ce dernier ne connaît pas l’art d’aimer en vigueur.
L’indignation de Célimène est justifiée dans une certaine mesure. Elle est réellement déçue par le fait
qu’Alceste doute de « l’obligeante assurance » des sentiments qu’elle éprouve pour lui. Elle se sent aussi
victime de la tyrannie du misanthrope qui met, à ses yeux, sa liberté en péril. Toutefois, sa coquetterie
invite à relativiser ce sentiment de déception : Célimène, pour amoureuse qu’elle puisse être, cherche
aussi à ménager un amant qui contribue à la valoriser et dont l’amour la flatte.
*+ Les personnages de Philinte et d’Éliante sont les « honnêtes gens » au sens classique du terme. Ils
sont dans l’ombre des deux protagonistes principaux vis-à-vis desquels ils témoignent un certain sens
du sacrifice et une grande générosité (Éliante est prête à être le rebut de sa cousine, Philinte est prêt à
faire en sorte que son ami se console auprès d’Éliante bien qu’il en soit épris). Sa déclaration n’a pas la
violence (« bonté », « faveur éclatante ») des protestations du misanthrope. Elle s’inscrit dans la tradition
de l’amour courtois : il se présente comme le serviteur de la femme aimée et lui présente ses
hommages. Il n’exprime pas en son nom ses propres sentiments (« s’il avait mon cœur ») et se place dans
une perspective hypothétique en formulant ses vœux au conditionnel. Rien de commun avec la
manière hyperbolique et démesurée de l’amour d’Alceste qui exprime surtout un désir de possession
absolue de l’objet aimé.
*, C’est son caractère incohérent et démesuré qui rend Alceste en partie comique. L’emploi trop
fréquent d’hyperboles ou de tournures hyperboliques invite à ne pas prendre sa colère très au sérieux.
Ainsi, les menaces (« châtiments », « redoutez tout », « je ne réponds pas de ce que je puis faire ») ne sont jamais
suivies d’effet. Le sentiment d’une rupture imminente et annoncée dans la scène précédente n’est pas
exprimé. Bien plus ! Alceste ne mentionne pas la promesse de mariage qu’il vient de faire à Éliante – ce
qui suffit à montrer son manque de détermination à rompre. Ainsi la colère du personnage fait davantage
figure de « crise de jalousie » qu’autre chose. À cet égard, les vers 1289 à 1310 sont la reproduction quasi
littérale d’une tirade du barbon Dom Garcie, qui constitue une autre source de comique de parodie.
Dans la même veine comique, la proximité entre le vers 1311 et le fameux « Percé jusques au fond du
cœur » du Cid et qui inciterait à rapprocher Alceste d’un héros cornélien, chantre de la détermination et
de la volonté (ce dont précisément manque Alceste), invite au rire.
*- Le personnage du misanthrope ne manque pas d’ambiguïté. Comique parce que incohérent, il n’en
exprime pas moins une grande souffrance. Ainsi, le lexique employé dans cette scène est souvent
propre à la tragédie : « perfide », « fatal amour », « il faut suivre ma destinée », « Mes sens par la raison ne
sont plus gouvernés », etc.
Le Misanthrope – 23
Alceste met en évidence le caractère passionnel de sentiments qu’il ne contrôle pas et qui sont pour
lui causes de souffrance. Proche à cet égard du héros racinien, il a la lucidité de voir et comprendre
son « faible […] étrange » sans pouvoir agir pour lutter contre ses effets néfastes pour lui.
*. Alceste, champion de la sincérité absolue, demande à son amante de lui mentir (« paraître
fidèle » / « vous croirai telle »). En plein désespoir, il cherche à tout prix à assouvir son désir de
possession, fût-ce au prix d’une pitoyable contradiction. Ce n’est pas tant une Célimène fidèle qu’il
souhaite qu’une Célimène conforme (même illusoirement) à l’image qu’il veut en avoir. La pitié qu’il
suscite contribue à donner au personnage sa véritable dimension tragique.
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 126 à 132)
Examen des textes et de l’image
! On constate, dans les trois cas, que la jalousie est masculine : il s’agit toujours d’hommes qui
soupçonnent (voire accusent) leur interlocutrice d’aimer ou d’entretenir des relations amoureuses avec
un tiers, que ce soit Oronte (texte A), Chérubin (texte B) ou Hernani (texte C).
" Le texte B offre une alternance de brèves répliques. L’échange est vif entre le Comte (en colère) et
la Comtesse (partagée entre la volonté de couvrir son mari de ridicule et l’inquiétude de lui déplaire).
Il y a une situation d’urgence. C’est par la force physique et morale qu’il tient de son statut d’homme,
de mari et de gentilhomme espagnol que le Comte entend contraindre sa femme à ouvrir la porte de
son cabinet.
Dans le texte C, le propos est assumé par deux longues tirades de Don Ruy Gomez (à peine
entrecoupées d’une phrase de Doña Sol). Celui-ci veut la convaincre des « avantages » de son amour
de « vieux », supérieur à ses yeux à celui des « jeunes cavaliers » (c’est évidemment Hernani qu’il
désigne sans le nommer). Il déploie, pour ce faire, une longue stratégie argumentative. Le rythme est
beaucoup plus lent, puisque l’échange est quasiment inexistant.
# Les éléments de tragique proviennent, dans les trois scènes, de la souffrance de l’amoureux
convaincu d’être trompé. Ainsi, dans le texte B, le Comte juge la Comtesse une « indigne épouse » et
une « perfide ». Ce dernier mot se retrouve dans le texte A. Alceste y taxe Célimène de « déloyautés »,
de « cruauté », de « trahison », etc. Dans le texte C, Don Ruy Gomez confesse pitoyablement être
« méchant », « jaloux des autres, honteux de soi » du fait de sa vieillesse. Il se peint comme un être faible
et pathétique à qui « tout fait peur » et que « tout menace ».
L’élément comique tient à l’emportement qui caractérise le jaloux qui le conduit, à force d’excès, à
un aveuglement qui le rend ridicule. Almaviva (texte B) est « hors de lui » et menace de tuer « ce
maudit page » de Chérubin : il ne trouve que la camériste de la Comtesse dans son cabinet. Alceste
(texte A) profère des menaces à l’encontre de Célimène sans jamais les mettre à exécution : il la
condamne sans véritables preuves et se trouve incapable de rompre avec elle. Enfin, Don Ruy Gomez
est comique par sa situation, à force de vouloir démontrer que son amour, solide comme « le chêne de
[son] fauteuil ducal », vaut mieux que celui « frivole » d’un jeune homme qu’il n’ose pas citer. Ses
envolées lyriques sont proches du ridicule.
Le jaloux, sublime et tragique par son goût de la fidélité et de l’absolu, est en outre conduit à des états
d’âme qu’il ne maîtrise pas et qui traduisent un dérèglement maladif de sa personne qui prête à rire.
Son ambivalence tient au fait qu’il veut que l’autre se conforme à sa propre vision du monde.
$ Le personnage de premier plan a le regard absorbé et presque vide. Son visage épuisé a des accents
morbides. Ses traits son tirés. Son visage empreint de tristesse évoque un masque de tragédie antique.
Sa position par rapport aux personnages du second plan met en avant le sentiment de solitude et
d’exclusion qu’il paraît éprouver. Elle permet aussi de rendre cette scène plus visible, montrant ainsi la
pensée qui l’obsède et le détruit.
% Cette scène constitue une allusion à l’épisode biblique du Livre de la Genèse : comme Ève à Adam,
la jeune femme cueille une pomme (le fruit défendu) qu’elle semble s’apprêter à offrir au jeune
homme.
Cette scène suggère une vision de la femme tentatrice et corruptrice : c’est elle qui, dans la tradition
chrétienne, a commis le péché originel. Le peintre, dans son malheur (et le sentiment de jalousie qui
le ronge), semble voir une fatalité consubstantielle à la nature féminine.
Réponses aux questions – 24
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Dans l’ensemble des textes proposés, le jaloux se met en scène. Dans les textes A et B, cette mise en
scène passe par l’emploi de différents procédés exprimant la colère et la souffrance. Dans le texte A,
Alceste (v. 1286 à 1314) fait le constat de l’infidélité de Célimène (« j’ai de sûrs témoins de votre
trahison »), puis menace de façon explicite (« Je ne suis plus à moi, je suis tout à la rage », « Et je ne
réponds pas de ce que je puis faire »). Il rend sa souffrance tragique par l’emploi de termes ou
d’expressions tels que « outrage », « ressentiments », « trahison », « perfidie », « coup mortel dont vous
m’assassinez », « fatal amour », « destinée », etc. Le personnage se veut pathétique. Remarquons aussi le
recours fréquent à l’hyperbole (« redoutez tout », « trop grands châtiments », etc.).
La colère du comte Almaviva (texte B) n’est pas tragique. Il ne menace pas réellement sa femme mais
l’homme qu’il suppose se trouver dans le cabinet (« Je le tuerai ») et qu’il croit par la suite être
Chérubin qu’il veut chasser « de manière à ne plus le rencontrer nulle part ». Ce sont les didascalies qui
indiquent l’état d’exaspération dans lequel il se trouve : « hors de lui, crie au cabinet », « furieux »,
« frappant du pied ». La situation (le mari, la femme et l’amant dans le cabinet) est comique, comme les
supplications hyperboliques de la Comtesse qui « se jette à ses genoux, les bras élevés », puis « sur une
bergère, un mouchoir sur les yeux ». Par ailleurs, la personnalité du Comte (coureur de jupons notoire) et
le coup de théâtre qui clôt l’extrait (« C’est Suzanne ! ») font de lui une sorte d’arroseur arrosé.
D’un autre type de jalousie, Don Ruy Gomez (texte C) prend le prétexte de convaincre Doña Sol
que son amour est préférable à celui d’Hernani pour dire sa fascination pour son jeune rival. Pour ce
faire, sa stratégie argumentative s’appuie sur une rhétorique élaborée. Ainsi, il y a, dans son discours,
tout un réseau d’images (cf. la métaphore filée de l’oiseau, l’image du « jouet de verre ») destinées à
rendre son discours plus frappant. De même, le rythme de ses phrases est ample (cf. le début de sa
première tirade) ; la tonalité du discours est lyrique (passage du pronom « nous » au « je », champ
lexical de l’affectivité, rythme ternaire des vers 45-46 et 47-48).
Commentaire
Introduction
Amoureux éperdu de sa nièce, Don Ruy Gomez, dans cet extrait, cherche à la convaincre que
l’amour des vieux (donc le sien) a plus de valeur que celui des jeunes gens. Il déploie pour cela une
stratégie argumentative élaborée, qui débouche sur une déclaration d’amour au ton lyrique.
1. La stratégie argumentative
A. Un réquisitoire contre la jeunesse
Moyens employés :
• Termes péjoratifs pour désigner les jeunes : « cavaliers frivoles », « jouvenceaux ». Voir aussi le
démonstratif de sens péjoratif « ces ».
• Les images : métaphore filée de l’oiseau (« jeunes oiseaux », « langoureux ramage », « mue »,
« plumage »). Illustre ainsi le caractère éphémère de l’amour des jeunes. Instabilité illustrée par la
« mue » et l’adjectif « frivole ». L’oiseau au beau plumage figure donc ici la superficialité et
l’inconstance des jeunes gens. Voir aussi l’image du « jouet de verre qui brille et qui tremble » illustrant la
fragilité et l’artifice de cet amour. Ces images rendent le discours plus frappant.
• Le rythme : voir le ton assez ample du début opposé à l’hémistiche cinglant du vers 31, souligné par
une antithèse cruelle. Le présent a ici une valeur prophétique. Voir aussi la place des termes essentiels
en fin de vers (v. 29-30 et 31-33).
B. Un plaidoyer pour la vieillesse
Moyens employés :
• Les concessions : préviennent les objections éventuelles de l’adversaire (v. 34 : « moins beaux »,
v. 36-37). Chaque terme négatif rapporté à la vieillesse est contré par un terme positif (« plus fidèle »,
« sont meilleurs », « jamais de rides »).
• Les images : métaphore de l’oiseau reprise à son compte (« aile plus fidèle »). Voir aussi l’image du
fauteuil en chêne (pouvoir, solidité) opposé au jouet de verre fragile. Voir aussi l’image du « cœur »
qui, par métonymie, n’a pas de « rides ».
Le Misanthrope – 25
• Le registre pathétique : destiné à émouvoir la jeune fille. Voir les interjections de la plainte
(« Hélas ! », « Oh ! ») et la modalité exclamative. Voir l’appel à la pitié (« Il faut l’épargner ») et la
métaphore du cœur qui saigne : suggère à la jeune fille qu’elle pourrait être son bourreau.
• Les adjectifs de sens mélioratif « fidèle », « bien », « meilleur », « profond », « solide », « paternel »,
« sûr », « amical » suggèrent la tendresse et la constance de cet amour.
Ainsi, nous voyons une opposition nette entre les deux types d’amours. Les vieillards apparaissent
finalement plus « jeunes » que les jeunes (« au cœur on n’a jamais de rides »). Ce paradoxe est appuyé par
tout le réseau des images et des adjectifs qui s’opposent.
2. Une déclaration d’amour pathétique
A. Le lyrisme
• L’évolution des pronoms : au début, caractère général du propos (« Les vieux »). Puis passage au
« nous », qui inclut le locuteur (« Nous aimons bien »). Enfin, le « je », à partir du vers 44, où le
plaidoyer de la vieillesse devient son propre éloge. Le locuteur en vient à énoncer ses sentiments
(propre au registre lyrique).
• Le lexique de l’affectivité : voir la répétition de « je t’aime ».
• Les images : comparaisons et gradation (« aurore », « fleurs », « cieux »). Ascension suggérée vers
l’infini des cieux.
• Le rythme ternaire (v. 45-46 et 47-48). Poésie et symbolisme de la nature propres au lyrisme et
exclamation finale.
• Jeu des sonorités (en F).
• Éloge de la femme aimée.
B. Grotesque et sublime
• Sublime par la rhétorique déployée et la pureté de son amour. Voir l’hyperbole finale « fête
éternelle ».
• Grotesque par la situation : voir la représentation sur scène d’une telle tirade énoncée par un vieillard !
Cela peut sembler pathétique. Voir aussi l’espèce de paradoxe final : il fait justement l’éloge de la beauté de
la femme qui l’a séduit, alors qu’il oppose juste avant l’importance de la beauté intérieure.
Conclusion
Cet extrait constitue un type de jaloux caractéristique : le barbon. Héritier d’Arnolphe, Don Ruy
Gomez s’en écarte par la pureté des sentiments qui l’animent. Le portrait de ce vieil homme, tout à la
fois comique par le ridicule de sa situation et tragique par le caractère désespéré de sa démarche,
traduit bien l’ambivalence du jaloux.
Dissertation
Introduction
La jalousie est un sentiment qui porte à tous les excès. Il invite donc à la représentation. Il met en cause
le jaloux, l’objet de sa jalousie et la cause ou le prétexte de cette jalousie. Nous tenterons de montrer
dans quel mesure ce ressort théâtral constitue un principe fondamental de la création littéraire.
1. La jalousie et les spécificités du genre théâtral
A. La jalousie, sentiment théâtral par excellence
On peut se référer au schéma actanciel d’Anne Ubersfeld (sujet, objet, quête, obstacle) dans lequel s’inscrit
naturellement le mécanisme de la jalousie, sentiment pourvoyeur de conflits et de nœuds dramatiques.
B. Les caractéristiques du genre théâtral servent le traitement de la jalousie
• La double énonciation que l’on retrouve dans la jalousie de Cyrano à l’égard de Christian ou celle
de Don Ruy Gomez à l’égard d’Hernani (texte C).
• Représentation de toute jalousie avec ses excès théâtraux : le voyeurisme du jaloux (cf. Don Alphonse
suivant sa femme dans Venise dans Lucrèce Borgia de Hugo, notamment) est proche du plaisir du
spectateur.
C. Un ressort comique (et tragique) efficace
La jalousie illustre bien cette ambiguïté fondamentale du genre théâtral. Si le rire est du « mécanique
plaqué sur du vivant » (Bergson), la jalousie est mécanique. On pourra prendre pour exemple les
Réponses aux questions – 26
textes A et B du corpus ou encore la jalousie d’Othello : la jalousie, « monstre aux yeux verts qui
tourmente la proie dont il se nourrit ».
2. La jalousie comme moteur d’autres genres littéraires
A. La jalousie, principe d’explication de l’intrigue romanesque
On se référera à René Girard dans Mensonge romantique et Vérité romanesque. Il explique ainsi que Julien
Sorel, par exemple, aime Mathilde de La Mole mais désire accéder aux milieux aristocratiques.
B. Le voyeurisme
On prendra l’exemple de la littérature épistolaire. Dans Les Liaisons dangereuses, la jalousie éprouvée
par la marquise de Merteuil à l’égard de la « pureté » des sentiments de Valmont amoureux de la
présidente de Tourvel.
C. La même ambiguïté fondamentale se retrouve dans toute littérature
Le prince de Clèves meurt de jalousie. De même, Catulle souffre de jalousie dans son amour pour
Lesbie. Ou encore Flaubert, déçu de la laideur et de la médiocrité du monde, qui cisèle ses romans et
transforme le monde. Ces exemples incitent à croire qu’il y a une part de dépit voisine de la jalousie
dans l’acte d’écriture.
Conclusion
L’écrivain, par le fait qu’il voit ce que d’autres ne voient pas et qu’il souffre – le plus souvent – d’un
manque de reconnaissance de la part de ses contemporains, souffre d’un sentiment de dépit, voisin de
la jalousie, qui le pousse à écrire. À cet égard, la jalousie constitue l’un des moteurs principaux de
l’acte de création littéraire.
Écriture d’invention
Les différents jaloux devront être clairement présentés (vrai/faux jaloux définis par René Girard,
p. 126). Les deux scènes montreront distinctement les marques propres aux deux registres proposés.
A c t e
V ,
s c è n e
4
( p p .
1 4 6
à
1 5 3 )
◆ Lecture analytique de la scène (pp. 154-155)
Célimène est au centre du plateau, comme dans la scène « des portraits ». La différence entre ces
deux scènes « collectives » porte sur le comportement de Célimène : dans la première, elle est active
et au centre de la conversation qu’elle anime ; dans ce dénouement, elle est muette et passive.
" L’alliance entre les deux marquis rivaux, devenus alliés dans leur déconvenue, est la conséquence
du pacte dressé entre eux à la fin de la scène 1 de l’acte II. L’un et l’autre s’étaient engagés à faire
place « au vainqueur prétendu ».
# Arsinoé invoque (v. 1680) son « amitié » pour Célimène (comme au vers 879) pour justifier de sa
présence chez elle. Elle fait part de sa volonté de la défendre dans les deux scènes : « Je viens, par un
avis qui touche votre honneur, témoigner l’amitié que pour vous a mon cœur » (III, 4, v. 883-884) et « J’ai bien
voulu chez vous leur faire compagnie, pour vous voir vous laver de cette calomnie » (V, 4, v. 1681-1682).
Arsinoé vient, en réalité, assister à la chute de sa rivale qu’elle souhaite depuis longtemps. On sait,
depuis leur précédente entrevue, l’inimitié profonde qui existe entre les deux femmes. Elle avait déjà
fait une première tentative en donnant à Alceste un billet écrit par Célimène à Oronte.
$ Les reproches d’Alceste (II, 1 ; IV, 3) : Célimène se promet à chacun de la même manière (à Clitandre :
« je vous trouve à dire plus que je ne voudrais » ; à Acaste : « voyez-moi le plus que vous pourrez »). Elle se défend
de son inconstance par le moyen d’une stratégie identique à chaque fois : ce n’est que par nécessité
(intérêts, procès, bienséance, etc.) qu’elle ménage les prétendants dont elle est « obsédée ».
% L’effet produit est la condamnation de l’attitude de Célimène et la disparition des trois rivaux que sont
les petits marquis et Oronte. Leurs sorties successives et théâtrales sont de l’ordre du comique de situation :
chacun se croyait aimé de la belle et supérieur à l’autre, mais tous se retrouvent également congédiés.
& C’est d’abord Clitandre, puis Acaste, puis Oronte, puis Arsinoé qui sortent. Les obstacles à un faceà-face entre les deux principaux protagonistes disparaissent un à un. Seuls demeurent les « témoins »
!
Le Misanthrope – 27
(Philinte et Éliante) qui sont favorables à une issue heureuse. Célimène se retire ensuite, puis Alceste
et, à sa suite, Philinte et Éliante. La pièce s’achève sur une scène déserte qui figure le désert affectif
dans lequel se retrouvent Alceste et Célimène. Ce dénouement laisse l’image d’un monde vide et vain
qui traduit la vacuité des mœurs d’une société qui fonctionne par égoïsme et hypocrisie.
' Les sorties d’Acaste et Clitandre laissent voir la vanité de ces deux personnages. Ils se veulent dignes
mais cachent avec peine leur amour-propre blessé. Clitandre menace de ruiner la réputation de
Célimène (« Nous allons l’un et l’autre en tous lieux montrer de votre cœur le portrait glorieux »), tandis
qu’Acaste se drape dans la qualité de sa naissance (« je ne vous tiens pas digne de ma colère »). Aucun des
deux ne fait de quelconque remise en question personnelle (au sujet des médisances mondaines ou du
jeu des portraits dont ils sont friands, par exemple). Ce ne sont pas tant eux qui mettent en lumière les
« infidélités » de Célimène, qu’elle qui montre leur incapacité à évoluer et leur sottise.
( Oronte est blessé en ses qualités de soupirant et d’auteur qu’il se pique d’être. Le jugement lapidaire
de Célimène est particulièrement cruel : « et sa prose me fatigue autant que ses vers ».
Il a recours à un raisonnement quasiment sophistique (« J’y profite d’un cœur qu’ainsi vous me rendez, et
trouve ma vengeance en ce que vous perdez ») pour la haute image qu’il a de lui-même. Il confirme lui
aussi la vanité et le ridicule observés (I, 2) et ne suscite guère que le rire du spectateur.
) Le portrait que Célimène dresse d’Alceste est le moins satirique des trois. S’il est dépeint comme ridicule
(le vert était traditionnellement la couleur des bouffons dans le théâtre classique), il a le mérite de « diverti[r]
quelquefois ». Le compliment est certes relatif mais remarquable compte tenu de l’absence totale de
compliments qui transparaît dans les autres portraits. Ajoutons que, l’ennui étant le principal grief que fait
Célimène à ses contemporains, ce compliment n’en a que plus de valeur. Il laisse la possibilité de penser
que la coquette a une préférence marquée pour le misanthrope par lequel elle semble davantage séduite.
*+ Alceste propose à la jeune veuve de se racheter et de lui prouver son amour en le suivant dans ce
« désert, où [il a] fait vœu de vivre ». Cette proposition est conforme au désir de possession absolue qui
obsède en permanence le personnage tout au long de la pièce. Remarquons que ce dernier ne laisse
pas d’alternative possible : « c’est par là seulement » (v. 1765). En cela, la proposition d’Alceste n’est pas
surprenante. Toutefois, eu égard à la disparition des rivaux, on aurait pu s’attendre à une demande en
mariage plus conforme à la tradition du dénouement de comédie classique, voire même, à l’inverse, à
un départ en solitaire immédiat devant l’évidence de ce qu’il estime être « l’infidélité » de sa belle.
*, Célimène invoque sa jeunesse pour cacher son angoisse qu’une retraite causerait en matière d’absence
de vie sociale (conversations brillantes, jeux, plaisirs, etc.). Bien que reconnaissant son « crime » (v. 1742)
envers Alceste, elle refuse de renier ce qu’elle estime être sa liberté. Pour amoureuse et compréhensive
qu’elle puisse être (dans une certaine mesure), elle ne veut pas se soumettre à l’amour d’Alceste qu’elle
juge totalitaire et tyrannique. L’incompatibilité de cet amour entre deux personnages incapables de
modifier (ou de concilier) ce qu’ils sont profondément devient ici inéluctable.
*- Alceste passe ici brusquement de l’amour à la haine (« mon cœur à présent vous déteste ») ; il brûle ce
qu’il adorait il y a encore un instant. Ce comportement résume à lui seul l’incohérence d’un
personnage qui ne supporte pas de n’être pas parvenu à faire de l’objet aimé son double. Il veut être
« homme d’honneur » dans « un endroit écarté », constituer un exemple de l’iniquité des hommes en
fuyant « le commerce des hommes ». Il hait les hommes dont il recherche la reconnaissance, fustige leurs
mœurs hypocrites tout en étant épris d’une coquette. À l’instar d’autres personnages moliéresques, il
n’évolue pas : il ne parvient pas à se départir de sa monomanie (comme Argan de son hypocondrie,
Harpagon de son avarice) qui le conduit à une impasse.
◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 156 à 163)
Examen des textes
! Chacun des personnages reste frappé de sa monomanie jusqu’à l’issue de la pièce : Alceste demeure
un atrabilaire épris d’un désir de possession absolue qui lui fait perdre son amour au moment où il se
trouve en mesure d’y être marié, Harpagon un avare sans conscience de l’importance des événements
qui l’entourent (le retour d’un père pour Valère et Mariane, le mariage de ses enfants, etc.), Don Juan
un impie qui refuse de se repentir – ce qui le conduit à être châtié.
Réponses aux questions – 28
Il s’agit d’une opposition entre une scène qui se vide (texte A) et une scène qui se remplit
(texte B). Dans ce dernier texte, les personnages arrivent à la suite pour laisser place à des
réconciliations et des retrouvailles qui permettent de clore la pièce sur deux mariages et une harmonie
restaurée. L’impression laissée par le texte A est tout autre (cf. question 6).
# Dans le texte B, c’est l’arrivée d’un personnage providentiel (Anselme, alias Thomas d’Alburcy, qui
s’avère être le père de Mariane et Valère) qui permet un dénouement heureux (mariages, retour de la
cassette volée, etc.). Dans le texte C, c’est l’intervention d’un deus ex machina (le Spectre) qui précipite
Don Juan dans la mort.
Ces deux interventions peu vraisemblables ne sont pas de même nature : en effet, le surgissement du
divin dans Dom Juan place l’action dans un univers de fantastique, voire de surnaturel. L’apparition
subite de Thomas d’Alburcy est plus de l’ordre du romanesque ou du conte de fées.
$ Le problème posé est celui de la représentation du Spectre. Celle-ci nécessite des moyens
techniques appropriés (comment le faire voler ?), à plus forte raison au XVIIe siècle. Ce procédé
artificiel, propre aux « pièces à machines », peut susciter tout aussi bien rire que terreur. Comment
faire en sorte que le spectateur y croie ?
"
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Les règles de la comédie classique commandent un dénouement heureux : tous les obstacles au
bonheur des principaux protagonistes doivent y être résolus et la pièce s’achève, le plus souvent, sur
un (ou plusieurs) mariage(s). À cet égard, c’est le dénouement de L’Avare qui est le plus traditionnel.
L’harmonie est restaurée par deux mariages (Mariane et Cléante, ainsi que Valère et Élise). Harpagon
renonce à épouser celle que son fils aime et à mettre sa fille dans un couvent. L’arrivée du seigneur
Anselme y joue un rôle essentiel : il s’avère être le père de Valère et Mariane ; il se montre aussi un
être raisonnable et bon.
Le Misanthrope et Dom Juan s’en écartent dans la mesure où ils n’offrent pas de dénouement heureux.
Dans Le Misanthrope, la scène se vide et la rupture entre Célimène et Alceste est consommée. L’auteur
aurait pu clore la pièce sur un mariage entre Alceste et Éliante, plus assorti. Ceci aurait été, d’une part,
invraisemblable (compte tenu du caractère d’Alceste) et, d’autre part, peu heureux (c’est Philinte qui
aime Éliante et non Alceste). On ne peut pas pour autant parler de dénouement tragique. Certes, le
ton y est parfois pathétique, le spectacle triste, mais le héros ne meurt pas. Il choisit de plein gré le
« désert » plutôt que la main de Célimène que cette dernière lui offre. Tout juste peut-on le qualifier
de dramatique, même si le genre n’apparaît qu’au XVIIIe siècle.
Le dénouement de Dom Juan est plus atypique. Il constitue un exemple de mélange des registres et
s’écarte plus que les deux autres de la comédie traditionnelle. En effet, la mort du héros, l’apparition
du Spectre qui matérialise le destin auquel il refuse de se soumettre, les occurrences du champ lexical
du divin sont autant de marques d’un dénouement de tragédie. « Sa perte est résolue » par le Ciel, qui
le punit pour ses fautes. En outre, une fatalité pèse sur lui.
Commentaire
Introduction
Ce texte constitue le dénouement d’une pièce, dans laquelle un personnage impie est châtié pour tous
les outrages qu’il a commis envers les choses sacrées. Il montre la fin d’un personnage que son
aveuglement conduit à la mort, et laisse, du même coup, voir un mélange des genres comique et
tragique qui rend cette pièce inclassable.
1. Don Juan et l’aveuglement
A. Le refus de l’évidence
• L’apparition du Spectre constitue une « preuve » (visible de tous grâce aux machines) du châtiment
imminent que le héros refuse de voir.
• Les preuves sont redoublées par les répliques du valet qui martèle l’évidence visible de tous.
Sganarelle incarne ici le bon sens, l’opposé de son maître littéralement aveuglé et qui ne veut pas voir
l’évidence.
Le Misanthrope – 29
B. La confusion des ordres
• Attitude matérialiste de Don Juan qui appréhende le surnaturel par les sens (ouïe, toucher, vue).
Cette erreur montre son matérialisme viscéral.
• Confusion entre le Spectre et le Diable.
• Dieu / les hommes : il accepte de « dîner » avec la Statue ; nouvelle confusion.
• Valeurs humaines / valeurs divines : le personnage se trompe d’ordre en voulant frapper de son épée
(attribut de la noblesse) le Spectre. De même, les valeurs de défi et de courage paraissent ici déplacées,
comme la volonté (« Je veux ») qui prouve un orgueil lui aussi déplacé.
• Incommunicabilité entre le divin et l’humain. Cf. le Spectre qui ne s’adresse pas directement à Don
Juan (à la 3e personne). Pas de dialogue possible.
2. Le mélange des registres
A. Le tragique
• Le Spectre est une matérialisation du destin. Don Juan veut échapper à son destin (refus du repentir)
mais ne peut pas : « sa perte est résolue ».
• Mort du héros, propre au dénouement de tragédie.
• Le personnage est puni pour ses fautes par le Ciel. Cf. le lexique du divin, le « feu invisible »,
métonymie de l’enfer.
• Idée de vengeance (le Spectre est en femme). L’énumération finale que Sganarelle fait des victimes
fait figure de morale.
• Dramatisation due au rythme très rapide (brièveté des répliques).
B. Le comique
• Rôle de Sganarelle : interventions comiques (« je le reconnais au marcher »), interjections (« Ô
Ciel ! »).
• Répétition de « Mes gages ! » qui traduit le matérialisme et l’égoïsme du valet.
• Morale finale qui fait une « fin heureuse », propre au dénouement de comédie : il y a un
renversement du malheur au bonheur.
Conclusion
Répertorié comme comédie, Dom Juan, par le parcours et l’origine sociale du personnage éponyme,
recèle de nombreux aspects tragiques. Par ce dénouement incomplet (de nombreux points restent en
suspens), Molière donne à la comédie ses lettres de noblesse et dévoile ainsi les limites de la notion de
genre.
Dissertation
Introduction
Le genre comique, la comédie, a pour vocation de provoquer le rire du spectateur. Musset, parlant
d’un « grand et vrai savoir des choses de ce monde » au point que « lorsqu’on vient d’en rire on devrait en
pleurer », fait du Misanthrope une représentation de la misère de la condition humaine qui n’a rien de
comique. Il pose ainsi le problème de l’ambiguïté du genre comique, qu’il fonde sur le problème de la
réception de l’œuvre par le lecteur-spectateur. Nous nous demanderons dans quelle mesure une telle
conception peut être amendée ou approfondie.
1. La comédie comme spectacle de notre misère
A. La comédie, miroir social
On pourra se référer à l’hypocrisie des mœurs de la Cour dans Le Misanthrope ou au charlatanisme des
médecins M. Purgon et M. Diafoirus dans L e Malade imaginaire, voire à la dénonciation que
Beaumarchais fait des inégalités sociales dans Le Mariage de Figaro.
B. La comédie, miroir de « l’humaine condition »
La comédie représente les imperfections de l’homme : la perversité de Don Juan, l’avarice d’Harpagon
ou la rivalité mesquine entre Blazius et Bridaine dans On ne badine pas avec l’amour, par exemple.
C. Le paradoxe de la comédie
Si les dramaturges parviennent à susciter le rire du spectateur sur des sujets aussi graves que la misère
de sa propre condition, cela relève avant tout de procédés réguliers comme le comique de geste
Réponses aux questions – 30
(Sganarelle battant sa femme dans Le Médecin malgré lui, Lucky martyrisé par Pozzo dans En attendant
Godot), de mots (« Tarte à la crème » dans La Critique de « L’École des femmes »), etc. Le comique semble
bien une force (vis comica) qui dépasse notre sens moral : nous rions de notre misère, alors qu’on
« devrait en pleurer ».
2. L’ambiguïté de la comédie tient à sa réception par le spectateur
A. Les intentions de l’auteur
Molière avait fait le choix de présenter un Alceste ridicule (« l’homme aux rubans verts » porte les
couleurs du bouffon), mais la postérité avise parfois fort différemment le caractère comique de ce
personnage.
B. La pluralité des lectures
Musset investit Le Misanthrope d’une sensibilité romantique ancrée dans son époque et qui ne saurait
prétendre à l’universalité. Bannir toute autre lecture comme il semble le faire (« on devrait en pleurer »)
donne une interprétation réductrice de l’œuvre. De même, Zola abhorrait par exemple le vaudeville
où courait pourtant se divertir une grande majorité de la bourgeoisie parisienne.
C. Le poids de la morale
« Le Sage ne rit qu’en tremblant », écrit Baudelaire (De l’essence du rire), traduisant ainsi la complicité du
rieur avec l’objet de la comédie. N’était-ce pas adhérer à la critique des faux dévots que de rire devant
Le Tartuffe, par exemple ? L’ambiguïté du comique est bien dans le regard du spectateur, puisqu’il
n’est pas exclu « de rire de cette même bouche dont [on] prie si bien Dieu », comme l’écrit Molière dans la
dédicace à la reine mère de La Critique de « L’École des femmes ».
3. Le comique en soi est ambigu
A. Le comique comme transfiguration de l’absurde
Le rire constitue un mécanisme de défense contre la représentation de l’absurdité de la condition
humaine. Ionesco dénonce la duplicité du comique, qu’il juge « bien plus désespérant que le tragique ».
On se reportera au théâtre de l’absurde (Ionesco, Beckett, Adamov).
B. « Castigat ridendo mores »
Tandis que Musset voudrait déplorer le spectacle d’une « mâle gaieté, si triste et si profonde », le rire
permet au contraire d’en dépasser la faiblesse et de s’en corriger. Argan met en garde contre
l’hypocondrie, Harpagon contre l’avarice.
C. « Le tragique vu de dos » (Genette)
Toute œuvre comique recèle une part de tragique, qui lui est consubstantielle ; plus encore, le
comique repose sur la perception par le spectateur de cette imbrication. Le vice et la laideur prêtent
davantage à rire que la vertu et la beauté. Dans une certaine mesure, la concupiscence d’Arnolphe à
l’égard de sa fille adoptive n’est que le double grimaçant de celle de Phèdre à l’égard de son beau-fils.
Conclusion
Le comique recèle une ambiguïté qui en fait sa richesse et sa profondeur. À cet égard, le constat de
Musset est incontestable. Toutefois, le spectateur / Musset n’échappe pas, dans l’interprétation qu’il
fait de l’œuvre de Molière, à sa sensibilité romantique, prompte à dévoiler le désespoir d’Alceste.
Écriture d’invention
Les élèves devront tenter de montrer l’ambiguïté du dénouement de comédie. L’accent devra être mis
sur la monomanie du personnage d’Harpagon et sur la solitude dans laquelle il se trouve plongé.
Le Misanthrope – 31
COMPLÉMENTS
A U X
L E C T U R E S
D
’IMAGES
◆ Gravure de Jacques Leman (p. 36)
L’auteur
Le peintre Jacques Leman (1829-1889) a illustré des éditions de nombreuses œuvres de Molière telles
que L’Amour médecin, Dom Juan, Le Sicilien ou Le Misanthrope.
Travaux proposés
On pourra s’intéresser aux postures suggestives des comédiens, en mettant en évidence, d’une part,
l’opposition apparente entre les expressions d’Alceste et de Philinte et, d’autre part, l’attitude presque
théâtrale d’Oronte.
◆ Mises en scène de Jean-Pierre Vincent (pp. 58, 122 et 183)
Le metteur en scène
Jean-Pierre Vincent a été formé à l’école du groupe théâtral du lycée Louis-le-Grand où il fait la
connaissance de futurs illustres hommes de théâtre tels que Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau.
S’installant à Sartrouville avec ce dernier, il débute à la fois comme comédien et metteur en scène
dans les années 1960. Il fonde par la suite, avec Jean Jourdheuil, la Compagnie Vincent-Jourdheuil au
théâtre de l’Espérance à Paris. En 1975, il prend la direction du Théâtre national de Strasbourg. C’est
à cette époque qu’il crée Le Misanthrope. En 1983, il se voit proposer le poste d’administrateur de la
Comédie-Française, qu’il quitte trois ans plus tard pour se consacrer exclusivement à la mise en scène.
Il prend enfin la direction du théâtre des Amandiers de Nanterre en 1990.
Jean-Pierre Vincent est un travailleur acharné. Il effectue avant chaque création un travail préparatoire
de plusieurs mois, fait de lectures, d’enquêtes, de traque de documents et de vérité, ainsi que de visites
« sur le terrain », comme cette descente dans la mine qu’il effectue avant de monter Germinal au théâtre.
Les mises en scène
D’abord créée à Strasbourg en 1977, la pièce (pp. 58 et 122) est reprise à Nanterre l’année suivante.
Les décors sont très dépouillés : le sol est de marbre clair, le fond vitré. Les costumes sont discrets et
les mouvements des comédiens particulièrement lents. Alceste est un homme traqué, en permanence
surveillé par un pouvoir royal déshumanisé. Il sombre progressivement dans un délire de persécution
qui rend de plus en plus difficiles ses relations avec les autres protagonistes de la pièce. Jean-Pierre
Vincent met l’accent sur le vide qui menace perpétuellement les personnages – ce qui explique que la
scène soit totalement désertée à la fin de la pièce.
La création à la Comédie-Française en 1984 (p. 183) est, quant à elle, moins audacieuse que la
précédente. L’image reproduite illustre l’austérité d’Alceste (posture droite, costume noir presque
ecclésiastique) et la mondanité d’Oronte (costume brillant et coloré, nombreux rubans, gestuelle
expressive). La disposition scénique montre que Célimène (placée devant) est l’enjeu de la dispute
entre les deux hommes.
Travaux proposés
• Sur la représentation aux Amandiers (pp. 58 et 122) :
– On pourra remarquer la posture particulièrement figée des comédiens sur les deux images, telle que
voulue par le metteur en scène. L’expression de leur visage illustre leur caractère à la manière d’un masque.
– On pourra aussi montrer de quelle façon Jean-Pierre Vincent s’écarte de la tradition théâtrale dans la
représentation qu’il offre de la « scène des portraits » (p. 58) : la disposition scénique présente un grand
intérêt à cet égard. Remarquons aussi le sol où se reflètent les personnages, mettant ainsi en évidence
l’importance de l’image sociale dans la pièce.
• Sur la représentation à la Comédie-Française (p. 183) :
– On pourra opposer cette mise en scène à la précédente. Elle présente un aspect plus classique.
– Il serait aussi intéressant d’opposer la sobriété du costume d’Alceste au clinquant de celui d’Oronte,
plus conforme à la mode vestimentaire de la Cour.
Compléments aux lectures d’images – 32
◆ Mise en scène d’André Engel (p. 75)
Le metteur en scène
André Engel a une formation en philosophie, matière qu’il a enseignée. Il débute au théâtre en
1972, dans le cadre du théâtre de l’Espérance, aux côtés de Jean-Pierre Vincent. Il mène, à partir
de 1982, une carrière de metteur en scène indépendant. Il croise textes classiques et
contemporains, s’attachant à découvrir des sentiers inexplorés. Dans cette même démarche, il
déplace le théâtre dans des lieux insolites (hangars, haras, hôtels, usines désaffectées…). Il a aussi
mis en scène de nombreux opéras.
La mise en scène
Le rôle d’Alceste est interprété remarquablement par Gérard Desarthe qui campe un personnage
ténébreux et renfermé. L’accent est mis sur le caractère incompréhensible et énigmatique de
l’atrabilaire amoureux. Cette mise en scène se caractérise aussi par sa sobriété.
Travaux proposés
• On pourra s’intéresser à la disposition scénique et aux expressions des comédiens (notamment
Célimène et Acaste) qui contribuent à faire voir un Alceste incompris, observé avec amusement ou
inquiétude.
• Par ailleurs, il ne serait pas inutile de voir quel moment précis de « la scène des portraits » est ici
représenté et de comparer ainsi les différents regards qui sont posés sur le personnage d’Alceste.
◆ Mises en scène d’Antoine Vitez (pp. 100, 117, 195 et 198)
Le metteur en scène
Antoine Vitez (1930-1990) s’est formé auprès de Louis Aragon dont il est le secrétaire de 1960 à
1962. Il traduit avec lui de nombreuses pièces du répertoire russe, auquel il est très sensible (de
nombreuses pièces de Tchekhov, peu connu à l’époque), et qui constitueront ses premiers
spectacles. Professeur au Conservatoire de 1968 à 1981, il dirige en même temps le théâtre des
Quartiers d’Ivry. Il se dit convaincu que l’on « peut faire du théâtre de tout » et développe pour
ce faire un travail centré autour de l’acteur (voix, gestes, postures). Il remet au goût du jour
l’alexandrin et les auteurs classiques. De 1981 à 1988, il devient le directeur du Théâtre national
de Chaillot et prône un « théâtre élitaire pour tous ». Il ouvre ainsi une école dans chaque théâtre
qu’il dirige.
Les mises en scène
Créée au Festival d’Avignon en 1978 (pp. 100 et 198), la pièce fait partie d’un cycle comprenant
L’École des femmes, Le Tartuffe et Dom Juan. Les accessoires et le décor sont identiques pour chaque
pièce. Il s’agit de montrer la cohérence de l’écriture de Molière. Ainsi, Antoine Vitez fait-il d’Alceste
une victime du jeu social, comme le sont, selon lui, l’hypocrite Tartuffe ou le séducteur Dom Juan.
Ce sont les rapports sociaux qui poussent chacun à s’identifier à son trait de caractère. De la même
manière, Célimène est poussée à la coquetterie par le monde qui exige d’elle qu’elle adopte un tel
comportement.
Dans cette création à Chaillot en 1978 (pp. 117 et 195), Antoine Vitez approfondit son interprétation
de l’œuvre. Sa mise en scène, qualifiée de racinienne à l’époque, met l’accent sur l’aspect tragique des
personnages, notamment sur celui de Célimène (interprétée par Dominique Blanc). Cette dernière est
au cœur d’une tragédie sociale dont elle est la victime.
Travaux proposés
– Il pourrait être intéressant de relever les différentes marques du tragique de l’interprétation (faible
luminosité, sobriété, voire austérité des costumes) perceptibles dans les deux images.
– On pourra aussi travailler sur l’expression des acteurs dont le visage (Célimène, p. 117) ou la posture
(Alceste, p. 195) sont frappés par l’accablement.
– Enfin, les élèves pourront remarquer que ces deux photographies marquent les deux moments
principaux de la « scène du billet ».
Le Misanthrope – 33
◆ Mlle Mars dans le rôle de Célimène (p. 102)
L’œuvre
Mlle Mars (de son vrai nom Anne Françoise Hippolyte Boutet) est née en 1779 et décédée en 1847.
Fille de comédiens, elle entre à la Comédie-Française à l’âge de vingt ans. Son jeu se caractérise par
une fidélité à la tradition française (différent du jeu des acteurs anglais très appréciés des romantiques).
Elle est demeurée célèbre pour ses interprétations d’ingénues et de coquettes des pièces de Molière et
de Marivaux, ainsi que pour avoir été l’actrice favorite de Napoléon Ier.
Travaux proposés
On pourra mettre en parallèle cette reproduction de Mlle Mars avec les autres documents sur lesquels
figurent d’autres comédiennes interprétant Célimène (pp. 117, 123, 183 notamment), en mettant
l’accent sur la façon dont sont montrés les différents aspects (attributs, attitudes et expressions) de la
coquette.
Compléments aux mises en scène– 34
COMPLÉMENTS
A U X
M I S E S
E N
S C È N E
◆ Questions sur les extraits de textes
Sur quels aspects de l’interprétation du rôle d’Alceste Jacques Copeau et Louis Jouvet mettent-ils
l’accent ?
" De quelle façon Jacques Copeau et Louis Jouvet tranchent-ils cette dualité tragique/comique que
l’on retrouve traditionnellement dans les interprétations du personnage du misanthrope ?
# Qu’est-ce qui, d’après Louis Jouvet, différencie l’étude de la représentation du Misanthrope ?
$ Sur quels arguments Antoine Vitez appuie-t-il sa thèse selon laquelle Célimène est victime d’une
« tragédie bourgeoise » ?
% Quels éléments de l’extrait permettent de dire que Jacques Rampal fait d’Alceste un dévot ?
& Quels aspects du libertinage (le mot est à définir préalablement par les élèves) de Célimène perçoiton dans le texte de Jacques Rampal ?
!
◆ Mises en perspective des textes
On pourra opposer deux conceptions du rôle du metteur en scène : celle de Jaques Copeau et Louis
Jouvet qui se proposent d’être les garants d’une fidélité au texte tel qu’écrit par l’auteur ; celle
d’Antoine Vitez qui propose un fil directeur qui sous-tend sa mise en scène et se veut interprète d’une
œuvre dont il cherche à transposer l’action à l’époque contemporaine. Ces deux conceptions sontelles exclusives l’une de l’autre ?
Pour le texte de Jacques Rampal, il serait intéressant de travailler sur la cohérence (ou l’incohérence)
qui existe entre ses personnages et ceux de Molière. Quelle lecture de la pièce d’origine Jacques
Rampal a-t-il faite pour proposer une telle suite à l’œuvre ?
◆ Mises en perspective des textes et des illustrations
Les élèves pourront, par exemple, se reporter aux illustrations des pages 122 et 195 pour montrer de
quelle façon (décor, lumières, visage et attitude des comédiens) sont proposées deux interprétations de
la « scène du billet » (acte IV, scène 2) et les rapprocher ainsi de la dualité qu’évoquent Louis Jouvet et
Jacques Copeau.
Le Misanthrope – 35
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
◆ Sur l’œuvre de Molière
– Antoine Adam, « Molière », Histoire de la littérature française (t. III, chap. 6), Domat, Paris, 1952.
– Michel Corvin, Molière et ses Metteurs en scène d’aujourd’hui, Presses universitaires de Lyon, 1987.
– James Gaines, Social Structures in Moliere’s Theatre, Ohio State University Press, Columbus, 1984.
◆ Sur Le Misanthrope (articles)
– Marcel Gutwirth, « Dom Garcie de Navarre et Le Misanthrope : de la comédie héroïque au comique
du héros », P.M.L.A., n° 83, 1968, pp. 118 à 129.
– William Howarth, « Alceste ou l’honnête homme imaginaire », in Nouvelle Revue du théâtre, n° 261,
1974, pp. 93 à 102.
– Slobodan Vitanovic, « Le Misanthrope de Molière et les théories de l’honnêteté », in XVIIe Siècle,
n° 169, octobre-décembre 1990, pp. 457 à 467.
– Roger Zuber, « Célimène parle clair », in L’Intelligence du passé : mélanges offerts à J. Lafond,
publication de l’université de Tours, 1988, pp. 267-274.
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