Antenne régionale des Pays de la Loire Plan de conservation en faveur de la marsilée à quatre feuilles (Marsilea quadrifolia L.) en région Pays de la Loire Janvier 2008 Jean le Bail Pascal Lacroix avec le soutien financier de la Région des Pays de la Loire Dans le cadre d'un programme associant la Direction Régionale de l'Environnement des Pays de la Loire Conservatoire Botanique National de Brest Antenne régionale des Pays de la Loire 28 bis rue Babonneau 44100 Nates - Tel : 02 40 69 70 55 - Fax : 02 40 69 76 61 Courriel : [email protected] - Internet : http://www.cbnbrestr.fr Plan de conservation en faveur de la marsilée à quatre feuilles (Marsilea quadrifolia L.) en région Pays de la Loire Janvier 2008 Jean le Bail Pascal Lacroix RESUME Le présent plan de conservation directeur fait une présentation générale des principales connaissances existantes sur la marsilée à quatre feuilles, du contexte des populations présentes en Pays de la Loire et identifie les enjeux engagés par la conservation de cette plante à forte responsabilité patrimoniale. Il précède logiquement la rédaction d'un plan de conservation détaillé, dans l’hypothèse où il susciterait une volonté d'action au niveau des acteurs locaux. Cette plante autrefois beaucoup plus répandue dans notre région en vallée de la Loire et de la Vilaine en particulier, a fortement régressé au cours du siècle passé, du fait de la disparition et de la dégradation des zones humides. C’est pourquoi, elle figure parmi les plantes en danger critique de disparition au niveau des Pays de la Loire (catégorie CR) sur la récente liste rouge régionale des plantes vasculaires rares et/ou menacées. Elle bénéficie par ailleurs d’un statut de protection national et européen. On constate un appauvrissement génétique des populations régionales qui se manifeste par l’absence de reproduction sexuée. Se multipliant uniquement de manière végétative, chaque station est en fait peuplée par un seul clone. Face à une situation très précaire, et alors que les stations du Marais Poitevin risquent d’être gravement atteintes par la prolifération de l’écrevisse de Louisiane, il convient de poursuivre le prélèvement et la mise en culture de sauvegarde de l’espèce, débutée par le Jardin Botanique de Nantes et le Conservatoire Botanique National de Brest. Un suivi des différentes stations doit être engagé pour évaluer précisément l’état de conservation de l’espèce en Pays de la Loire avant d’engager d’éventuelles mesures locales de préservation. Celles-ci devront être abordées en cohérence avec les documents d’objectifs Natura 2000 qui concourent notamment à sa préservation, en tant qu’espèce d’intérêt communautaire. 0 I. PRESENTATION GENERALE DE LA PLANTE 1. Description La marsilée à quatre feuilles (Marsilea quadrifolia L. = Marsilea quadrifoliata (L.) L.), parfois appelée aussi trèfle des marais, ou bien marsiléa à quatre feuilles, est une plante vasculaire appartenant à l’embranchement des Ptéridophytes ou Cryptogames vasculaires (catégorie de végétaux regroupant les fougères et autres plantes alliées comme les lycopodes, les sélaginelles et les prêles) et à la famille des Marsiléacées. Cette curieuse plante aquatique, vivace, herbacée, généralement submergée en début de saison et enracinée sur le fond, possède de longs rhizomes rampants et peu ramifiés, filiformes, pouvant atteindre jusqu’à 50 cm de long. Ceux-ci portent des feuilles (appelées frondes chez les Ptéridophytes) caractéristiques, à 4 lobes obovales, en coin, disposés en croix au sommet de long pétioles flexueux donnant à la marsilée un aspect de trèfle à quatre feuilles (d’où son nom vernaculaire). Ces feuilles sont de deux types différents qui se succèdent au cours de l’année. Les premières feuilles qui apparaissent en début de saison (printemps) possèdent un limbe flottant, luisant et un pétiole mou. Les feuilles suivantes, qui apparaissent en période d’exondation, ont un limbe vert brun mat, glabre et possèdent un pétiole rigide et dressé de 10 à 20 cm de hauteur. Les fructifications (que l’on appelle sporocarpes chez les Ptéridophytes) mesurent de 3 à 5 mm. Ils sont globuleux et solitaires ou bien regroupés par deux ou trois au sommet de pédicelles qui sont insérés à la base du pétiole des feuilles exondées. 2. Biologie La marsilée à quatres feuilles est une plante aquatique vivace munie de rhizome, rangée selon la classification des types biologiques, dans la catégorie des hydrogéophytes. Le développement des feuilles flottantes a lieu au printemps. La reproduction de la marsilée est sexuée et nécessite une phase d’inondation car la fécondation est aquatique. Les sporocarpes (fructifications) apparaissent durant la saison estivale qui correspond à la période d’exondation. L’ouverture spontanée (déhiscence) de ces sporocarpes nécessite une longue période d’imbibition pour une bonne germination, car elle se produit par infiltration d’eau et le gonflement d’un anneau mucilageux. La dissémination des spores est quant à elle assurée par le transport de l’eau (hydrochorie) ou bien par les oiseaux aquatiques (ornithochorie). La multiplication végétative est par ailleurs fréquente chez cette plante. Elle s’opère par rupture des rhizomes et enracinements des fragments qui donnent naissance à de clônes. La marsilée a par ailleurs la particularité d’être une plante « à éclipses » qui peut disparaître temporairement de ces stations lorsque que les conditions deviennent défavorables et peut ensuite réapparaître de manière spectaculaire après plusieurs années d’absence. 1 Feuille caractéristique à quatre lobes en coin, disposés en croix au sommet d'un long pétiole flexueux, donnat un aspect de trèfle à quatre feuilles. Sporocarpe globuleux, solitaire ou regroupés par deux ou trois au sommet de pédicelles insérés à la base du pétiole des feuilles exondées Long rhizome rampant peu ramifié, filiforme. Illustration extraite de la flore de l'abbé H. Coste 3. Ecologie La marsilée à quatre feuilles peut former lorsque les conditions écologiques sont favorables des populations denses et étendues (jusqu’à plusieurs dizaines de mètres carrés) sur les plages boueuses ou sablonneuses des bordures peu profondes des plans d’eau à niveau d’eau variable, subissant un assèchement estival. Elle se développe surtout sur les bordures peu profondes des étangs, des « boires » et « boireaux », des mares, des canaux et fossés, et des bras morts des cours d’eau lents. Cette Ptéridophyte dont l’écologie est assez stricte colonise les espaces de sols nus et pauvres, plus ou moins oligotrophes. C’est une espèce de pleine lumière (espèce dite héliophile) qui supporte mal l’ombrage et la concurrence exercée par les autres végétaux aquatiques ou amphibies. La marsilée appartient du point de vue phytosociologique selon les auteurs : - soit, aux communautés végétales des sols argileux et tourbeux relevant de l’alliance du Nanocyperion flavescentis W Koch ex Libbert 1932, appartenant de la classe des Isoeto durieui-Juncetea bufonii Braun-Blanq. & Tüxen ex V.West., Dijk & Paschier 1946, qui comprend la végétation pionnière hygrophile à mésohygrophile, des sols exondés ou humides, oligotrophes à méso-eutrophes, - ou bien, aux communautés surtout continentales des zones marnantes (zones soumises à l’oscillation des niveaux d’eau) enrichies en argiles, relevant de l’alliance de l’Eleocharition acicularis Pietsch 1967, appartenant à la classe des Littorelletea uniflorae Braun-Blanq. & Tüxen ex V. Westh., Dijk & Passchier 1946, qui correspond à la végétation vivace rase et amphibie, des bordures de plans d’eau, plutôt oligotrophes. Le synopsis commenté des groupements végétaux de la Bourgogne et de la ChampagneArdenne (Royer & al., 2006), mentionne la présence dans la région Bourgogne (entre Loire et Allier), d’une association à scirpe épingle et marsilée (Eleocharito acicularis-Marsileetum quadrifoliae Pietsch 1977). Ce groupement héliophile des bords sablo-vaseux humides des mares (boires) à niveau d’eau variable, du lit majeur pourrait en partie correspondre aux groupements présents de notre région. Quelques relevés effectués en Brenne (étang de la Gabrière) par l’amicale phytosociologique (1987) ont été par ailleurs publiés dans les colloques phytosociologiques. Les sept relevés phytosociologiques réalisés dans notre région par A. Lachaud (1998) sur les stations de la Varenne en Maine et Loire (île Bridon), de Basse Goulaine en Loire-atlantique (la Divette/les Trois cheminées), ainsi que sur l’une des stations vendéennes qui est située sur la commune d’Angles en Vendée (anse du port de Moricq), ne permettent pas de se prononcer avec certitude sur leur rattachement aux groupements précédemment décrits. 2 Carte de répartition de la marsilée en France (en vert : observations récentes postérieures à 1980, en rouge : observations anciennes) Carte de répartition de la marsilée dans le Massif armoricain et sur ses marges par mailles UTM (10x10 km) (en rouge : données anciennes ; en vert : données actuelles) 4. Répartition La marsilée à quatres feuilles est une espèce circumboréale dont l’aire de répartition générale s’étend en Europe tempérée, depuis le Portugal et la France, jusqu’à la mer Noire et la mer Caspienne, en Asie tempérée (jusqu’à la Chine et au Japon) et en Amérique du nord, où elle semblerait avoir été introduite anciennement d’après des données récentes (collectif, 2002). Prelli (2001) considère que les données anciennes provenant des Açores serait douteuses et correspondraient à une espèce particulière nommée : Marsilea azorica. Cet auteur précise d’autre part que les observations effectuées sur les Iles Canaries n’auraient semble-t’il jamais été confirmées. En France, la marsilée à quatre feuilles est très localisée et surtout répandue dans le bassin de la Loire (Anjou, Touraine, Poitou, Brenne, Orléanais, Nivernais, plaine du Forez et vallée de l’Allier) ainsi que dans la vallée du Rhône et de la Saône (Bresse et Dombes en particulier). D’autres stations isolées sont aussi connues dans le sud de l’Alsace, en Franche-Comté, ainsi que dans le sud de la Vendée et du département des Landes. 5. Valeur patrimoniale et statut de protection La marsilée à quatre feuilles est une plante toujours rare et très localisée en France, en régression dans de nombreuses régions françaises selon Prelli (2001). Elle bénéficie aujourd’hui, du statut de plante protégée dans notre pays (arrêté du 20 janvier 1982, modifié et complété par l’arrêté du 31 août 1995). Elle figure d’autre part en raison de sa grande vulnérabilité parmi les espèces du livre rouge de la flore menacée de France (Olivier, Galland & Maurin, 1995), aux annexes II et IV de la Directive Habitats, à l’annexe I de la Convention de Berne. Elle fait aussi partie des taxons figurant sur la liste rouge des espèces végétales rares et menacées du Massif armoricain. Enfin, cette plante très rare et en très forte régression dans notre région a été très récemment inscrite à l’annexe 2 (taxons en danger extrême de disparition) de la liste rouge des plantes vasculaires rares et/ou menacées des Pays de la Loire (Lacroix, Le Bail, Hunault, Brindejonc, Thomassin, Guitton, Geslin, Poncet, 2008). 6. Atteintes et menaces La marsilée à quatres feuilles s’est considérablement raréfiée en France au cours du XXème siècle, comme dans l’ensemble de son aire européenne (Dupont, 1988). Les principales atteintes et menaces pesant sur l’espèce sont liées : - à la régression généralisée des zones humides temporaires suite aux drainages ou à l’abaissement du lit des rivières et grands fleuves consécutif aux extractions de granulats et à des périodes de sécheresses répétées, - à la pollution des eaux par les engrais, les effluents domestiques (qui entraînent une eutrophisation excessive des milieux aquatiques, phénomène qui favorise notamment le développement d’algues filamenteuses, très défavorables à la marsilée) ou par les herbicides, 3 - à la concurrence exercée par les autres plantes aquatiques et amphibies (hydrophytes, amphiphytes ou hélophytes) ou bien certaines plantes non indigènes invasives telles que les jussies (Ludwigia peploides et L. grandiflora) et le digitaire faux-paspale (Paspalum distichum), - à la destruction involontaire de certaines stations (cas de la station de la boire de la Rompure à Drain qui a disparu suite à la sècheresse de 1976 du fait du piétinement des grèves exondées à cette occasion par les pêcheurs), - aux risques de prédation par l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) qui consomme toute la végétation aquatique. Aujourd’hui, l’état relictuel des populations et l’absence d’échanges, est à l’origine d’un appauvrissement génétique de l’espèce qui ne se reproduit plus de manière sexuée, mais uniquement de manière végétative. De sorte que les pieds présents dans les dernières stations persistant dans la région correspondent à chaque fois à un clone unique, appartenant à un seul individu. II. ETAT DES LIEUX DES POPULATIONS REGIONALES 1. Les observations anciennes en Pays de la Loire L’herbier du Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes contient plusieurs échantillons de marsilée datant du XIXème siècle (voir tableau 1 ci-dessous), issus de collections privées en provenance de diverses localités de Loire-Atlantique (Mauves-sur-Loire, Thouaré-sur-Loire) et du Maine-et-Loire (Juigné-sur-Loire), ainsi que des échantillons en provenance de la région du Dauphiné et de Suisse. Charles-Auguste Moisan dans sa flore Nantaise datant de 1839, cite la présence de la marsilée dans plusieurs localités des vallées de la Loire et de l’Erdre, situées sur les communes de Thouaré-sur-Loire, Saint-Julien-de-Concelles, Sucé-sur-Erdre, et la Chapelle-sur-Erdre (baie de la Verrière). Quelques décennies plus tard, James Lloyd dans sa flore de l’ouest de la France datant de la fin du XIXème siècle (2ème éd. de 1868 et 5ème éd. de 1897), cite les observations de Guettard, au Port de la Claye et de Pontarlier et Maréchal sur la commune de Curzon, dans le marais Poitevin en Vendée, où l’espèce est qualifiée à l’époque de commune. Lloyd la considère aussi comme assez commune à cette période en vallée de la Loire en Loire-Atlantique (anciennement Loire-Inférieure) et la qualifie même de très commune dans les marais de Massérac et plus en aval dans les marais de la Vilaine jusqu’à Redon. Il signale en outre sa présence, à cette période, sur le cours du Don en aval de Guémené-Penfao et cite aussi l’observation de Pesneau en vallée de l’Erdre sur la commune de Sucé-sur-Erdre. Sa présence signalée à la même époque (1850) en Mayenne, sur la commune de Bourgon serait douteuse selon Corillion (1977). Elle aurait été d’autre part indiquée en Sarthe dans l’étang des bois de la Pannetière à Trangé (étang aujourd’hui disparu) à la fin du XVIIIème siècle par L. Maulny (Hunault & Moret, 2003). Ces anciennes données sarthoises seraient à confirmer selon Prelli (2001). Enfin, G. Denizot, dans son inventaire des fougères du Maineet-Loire datant de 1915, cite pour mémoire ce taxon et précise : « … inconnu actuellement » (in Braud & al., 1999). 4 Date 1851 Herbier MENIER MHNN.B.010030.019 Origine géographique MAINE ET LOIRE/JUIGNE SUR LOIRE LOIRE ATLANTIQUE 1840 MHNN.B.010030.020 LOIRE ATLANTIQUE 09.09.1858 HERBIER DE L’OUEST DE LA FRANCE/DUFOUR HERBIER DE L’OUEST DE LA FRANCE/DUFOUR HERBIER DE L’OUEST DE LA FRANCE/CITERNE HERBIER REGIONAL/PESNEAU J.B. Référence MHNN.B. MHNN.B.010030.021 LOIRE ATLANTIQUE/PRAIRIE DE MAUVES MHNN.B.001133.2.008 LOIRE ATLANTIQUE/MAUVES SUR LOIRE/PRAIRIE DE MAUVES MHNN.B.D.000003.417/RESTITUE LOIRE ATLANTIQUE/MAUVES MHNN.B.D.000020.1739/RESTITUE LOIRE ATLANTIQUE/MAUVES SUR LOIRE MHNN.B.010092.036 DEPUIS LA BONNETIERE JUSQU’A THOUARE/LOIRE ATLANTIQUE MHNN.B.010092.039 SUISSE MHNN.B.010211.461 FRANCE/DAUPHINE AOUT 09.1874 CAMUS FERNAND CAMUS FERNAND 1840 DELALANDE 08.1849 DELALANDE COLLECTION DUFOUR EDOUARD Tableau 1 – Parts d’herbiers consacrées à Marsilea quadrifolia, conservées au Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes. 2. Localisation et description des stations connues jusqu’à récemment en Pays de la Loire En Loire-Atlantique, les quelques rares stations de marsilée connues jusqu’au début des années 1980 (Le Bail, 1983) et jusqu’à la fin des années 1990 (Bernier & Dusoulier, 1994 ; Lachaud, 1998) en vallée de la Loire, sur la commune de Basse-Goulaine (mare ornementale aux abords des Divettes et des Trois Cheminées), sont apparemment aujourd’hui disparues. La première station qui se situait sur les berges en pentes douces d’une ancienne sablière (plan d’eau de Longue Mine), a malheureusement disparu à la suite de la colonisation du plan d’eau par la jussie (Ludwigia peploides). La seconde station, qui se situait dans un petit plan d’eau de loisir, où la plante avait été introduite à partir de clones issus de la première localité, ne s’est visiblement pas non plus maintenue, probablement en raison de la concurrence exercée par les autres végétaux et des conditions stationnelles peu propices au développement de l’espèce (ombrage trop important). En Maine-et-Loire, la population qui était encore abondante dans les années 1960 dans la boire de Drain (ouest du département) dans la vallée de la Loire, ne comprenait plus selon C. Figureau que quelques individus en 1976 et disparut définitivement l’année suivante. 5 La marsilée à quatre feuilles ne subsiste plus à l’heure actuelle dans ce département que dans une unique station située dans la vallée de la Loire qui fut découverte en juillet 1994 par C. Figureau et Ph. Ferard (Jardin Botanique de Nantes). Cette station se situe au sein de prairies bocagères pâturées dans la partie ouest de l’île Bridon sur la commune de la Varenne. Elle est localisée sur les bordures peu profondes d’une dépression naturelle que l’on appelle « boire ou boireau » en vallée de la Loire. Celle-ci reste en eau tout au long de l’année et est utilisée comme abreuvoir par le bétail. Le dernier dénombrement effectué par G. Thomassin en novembre 2005 recensait encore plus de 500 frondes, mais la plante subit malheureusement les effets d’un piétinement trop important des bovins et tend à régresser. L’apport d’excréments dans la mare pourrait également avoir une action défavorable. En Vendée, l’espèce se maintenait encore assez bien jusqu’à récemment dans au moins deux stations du marais Poitevin situées à proximité de l’anse du Port de Moricq, (Dupont,1986) et sur le canal de « la Bourasse », (Deat & Thomas, 1998) sur la commune d’Angles. La station de l’anse du Port de Moricq, qui couvrait une surface de 180 m² lors de la visite effectuée par A. Lachaud en juillet 1998, se situe dans une dépression inondable peu profonde d’origine artificielle, en bordure d’un canal et d’une prairie naturelle pâturée par des chevaux. Une troisième station a par ailleurs été découverte en 1996 dans une mare abreuvoir récemment réaménagée située sur le communal de Noailles sur la commune de Champ-Saint-Père, par Ph. Rouillier (Dupont, 2001 ; P.N.R. du marais Poitevin, com. or.). Elle n’a malheureusement pas été revue récemment dans ses anciennes localités toutes proches qui se situaient sur les communes du Port de la Claye et de Curzon (Dupont, 1988). La prolifération récente de l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) dans le Marais poitevin introduit un risque très important sur l’ensemble des populations vendéennes. 3. Mesures de conservation déjà mises en œuvre Le Conservatoire Botanique National avait confié en 1998, une étude sur la répartition et l’écologie de Marsilea quadrifolia et Thorella verticillatinundata dans le Massif armoricain et ses marges à Aurélia Lachaud. Cette étude avait été l’occasion de dresser un état des lieux des stations de ces deux plantes rares et menacées à l’échelon Européen uniquement présente pour l’ensemble du Massif armoricain, dans la région des Pays de la Loire et de dégager un certain nombre de propositions de gestion favorables au maintien de ces deux espèces. Depuis, Guillaume Thomassin (CBNB) a repris un suivi plus ou moins régulier de l’espèce (dernier en date, en novembre 2005). Dans le Marais Poitevin, les stations vendéennes ont fait l’objet ces dernières années d’un suivi par Alain Thomas, en relation avec le Parc Interrégional du Marais Poitevin. Des prélèvements de clones ont été effectués à des fins conservatoire par le Jardin Botanique de la Ville de Nantes à la fin des années 1970 sur la station de la boire de la Rompure à Drain dans le Maine-et-Loire. En juillet 1998, Aurélia Lachaud avait également prélevé la marsilée sur la station de l’île Bridon à la Varenne. A Nantes, le Jardin Botanique a procédé à une multiplication en culture du clone de Drain et en a transmis au Conservatoire Botanique qui maintient en culture les deux souches, en des lieux séparés. En 2006, Guillaume Thomassin du Conservatoire Botanique avait cherché à prélever les populations situées à Basse-Goulaine, mais a constaté à cette occasion la disparition de l’espèce dans le plan d’eau de loisir. 6 En tant qu’espèce d’intérêt communautaire figurant aux annexes II et IV de la Directive Habitats-Faune-Flore du 21 mai 1992), la marsilée a fait l’objet de fiches actions dans le cadre de la rédaction des documents d’objectifs des sites Natura 2000 de la vallée de la Loire entre Nantes et les Ponts-de-Cé (FR5200622) et du Marais Poitevin (FR5200659). Un suivi de la station de l’île Bridon à la Varenne avait été proposé au début des années 2000 par la C.P.I.E. Loire et Mauges, dans le cadre de l’application du document d’objectifs. Ce suivi scientifique comprenait une analyse de la qualité de l’eau, des données hydrauliques et climatiques annuelles, un suivi annuel de la végétation de la station et de ses abords, ainsi que des pratiques agricoles sur la parcelle adjacente. Il n’a malheureusement pas été donné de suite à cette intéressante proposition de suivi. III. IDENTIFICATION DES PROBLEMATIQUES GENERALES DE CONSERVATION ET CONDITIONS DE MAINTIEN DE L'ESPECE DANS LA REGION Beaucoup plus répandue par le passé dans notre région, dans les vallées de la Loire et de la Vilaine en particulier (Dupont, 1983), la marsilée à quatre feuilles est devenue très rare en Pays de la Loire et ne subsiste plus aujourd’hui que très ponctuellement dans quelques localités du marais Poitevin, en Vendée, et de la vallée de Loire, en Maine-et-Loire. La conservation des populations de marsilée dans ses quelques stations encore connues en Pays de la Loire est déterminée par le maintien de conditions écologiques particulières favorables au développement et à la reproduction de l’espèce caractérisées par : - une oscillation de la nappe d’eau indispensable pour la reproduction sexuée de cette Ptéridophyte et empêchant une concurrence trop forte par les autres plantes, - l’absence de toute activité ou aménagement qui pourraient nuire au maintien de la marsilée dans ses stations, - une bonne qualité de l’eau et des substrats, conditionnant un milieu oligo-mésotrophe (pas d’eutrophisation). Une description fine et un suivi de l’ensemble des stations sont à entreprendre au cours des années à venir, afin de suivre leur évolution et de mieux cerner les problématiques liées à la conservation de la marsilée dans ces différentes stations régionales. La méthodologie de ce suivi scientifique reste à définir, mais pourrait en partie s’inspirer de la proposition qui avait été faite par le CPIE Loire et Mauges, pour la station de l’île Bridon à la Varenne. L’impact éventuel de l’écrevisse de Louisiane dans le Marais Poitevin est une interrogation importante à laquelle il faudrait répondre rapidement. De nouvelles collectes de spécimens seraient à envisager dès que possible, en fonction de l’état des populations, sur les trois autres stations connues en Vendée. Elles permettraient de se prémunir d’une éventuelle disparition dans ces localités et d’augmenter la diversité génétique au sein des populations conservées en culture. En outre, elles fourniraient la possibilité d’expérimenter des tentatives de reproduction sexuée à partir des individus maintenus en culture afin de renforcer la vitalité des populations régionales. 7 En fonction de l’état des lieux complet des stations qui reste à dresser, des actions conservatoires pourront s’avérer nécessaires sur le terrain. Dans le cas particulier de la station de l’île Bridon à la Varenne (49), une mise en défend provisoire ou partielle en accord avec l’exploitant, de la boire pourrait permettre à cette population devenue très fragile de se reconstituer progressivement, grâce à un arrêt du piétinement. Une éventuelle réimplantation de l’espèce sur la boire de la Rompure à Drain, à partir des clones originaires de cette localité qui sont maintenus en culture au Jardin Botanique de Nantes et au Conservatoire Botanique National de Brest, pourrait être envisagée dès lors que les conditions seraient favorables à son retour. La mise en œuvre du plan de conservation nécessiterait la participation de différents partenaires tels que : - les exploitants agricoles et propriétaires des parcelles concernées par la présence de l’espèce, le Conservatoire des Rives de la Loire et de ses affluents, le Centre de Promotion et d’Initiation à l’Environnement Loire et Mauges, le Jardin Botanique de la ville de Nantes, le Parc Naturel Interrégional du Marais Poitevin, le Syndicat de marais (Marais Poitevin), l’Association de Défense de l’Environnement en Vendée, la Région des Pays de la Loire (service environnement), la Direction Régionale de l’Environnement des Pays de la Loire. 8 Bibliographie ABBAYES (DES) H., CLAUSTRES G., CORILLION R., DUPONT P., 1971 Flore et végétation du Massif armoricain. Tome 1 Flore vasculaire, Presses universitaires de SaintBrieuc. AMICALE PHYTOSOCIOLOGIQUE., 1987 Sur la végétation aquatique et amphibie des étangs de la Brenne. Originalité, problème de gestion et de conservation. 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