Plan de conservation en faveur de la marsilée à quatres feuilles

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Antenne régionale des Pays de la Loire
Plan de conservation en faveur de la marsilée à quatre feuilles
(Marsilea quadrifolia L.) en région Pays de la Loire
Janvier 2008
Jean le Bail
Pascal Lacroix
avec le soutien financier de la Région des Pays de la Loire
Dans le cadre d'un programme associant
la Direction Régionale de l'Environnement des Pays de la Loire
Conservatoire Botanique National de Brest
Antenne régionale des Pays de la Loire
28 bis rue Babonneau 44100 Nates - Tel : 02 40 69 70 55 - Fax : 02 40 69 76 61
Courriel : [email protected] - Internet : http://www.cbnbrestr.fr
Plan de conservation en faveur de la marsilée à quatre feuilles
(Marsilea quadrifolia L.) en région Pays de la Loire
Janvier 2008
Jean le Bail
Pascal Lacroix
RESUME
Le présent plan de conservation directeur fait une présentation générale des principales
connaissances existantes sur la marsilée à quatre feuilles, du contexte des populations
présentes en Pays de la Loire et identifie les enjeux engagés par la conservation de cette
plante à forte responsabilité patrimoniale. Il précède logiquement la rédaction d'un plan de
conservation détaillé, dans l’hypothèse où il susciterait une volonté d'action au niveau des
acteurs locaux.
Cette plante autrefois beaucoup plus répandue dans notre région en vallée de la Loire et de la
Vilaine en particulier, a fortement régressé au cours du siècle passé, du fait de la disparition et
de la dégradation des zones humides. C’est pourquoi, elle figure parmi les plantes en danger
critique de disparition au niveau des Pays de la Loire (catégorie CR) sur la récente liste rouge
régionale des plantes vasculaires rares et/ou menacées. Elle bénéficie par ailleurs d’un statut
de protection national et européen.
On constate un appauvrissement génétique des populations régionales qui se manifeste par
l’absence de reproduction sexuée. Se multipliant uniquement de manière végétative, chaque
station est en fait peuplée par un seul clone.
Face à une situation très précaire, et alors que les stations du Marais Poitevin risquent d’être
gravement atteintes par la prolifération de l’écrevisse de Louisiane, il convient de poursuivre
le prélèvement et la mise en culture de sauvegarde de l’espèce, débutée par le Jardin
Botanique de Nantes et le Conservatoire Botanique National de Brest. Un suivi des différentes
stations doit être engagé pour évaluer précisément l’état de conservation de l’espèce en Pays
de la Loire avant d’engager d’éventuelles mesures locales de préservation. Celles-ci devront
être abordées en cohérence avec les documents d’objectifs Natura 2000 qui concourent
notamment à sa préservation, en tant qu’espèce d’intérêt communautaire.
0
I. PRESENTATION GENERALE DE LA PLANTE
1. Description
La marsilée à quatre feuilles (Marsilea quadrifolia L. = Marsilea quadrifoliata (L.) L.),
parfois appelée aussi trèfle des marais, ou bien marsiléa à quatre feuilles, est une plante
vasculaire appartenant à l’embranchement des Ptéridophytes ou Cryptogames vasculaires
(catégorie de végétaux regroupant les fougères et autres plantes alliées comme les lycopodes,
les sélaginelles et les prêles) et à la famille des Marsiléacées.
Cette curieuse plante aquatique, vivace, herbacée, généralement submergée en début de saison
et enracinée sur le fond, possède de longs rhizomes rampants et peu ramifiés, filiformes,
pouvant atteindre jusqu’à 50 cm de long. Ceux-ci portent des feuilles (appelées frondes chez
les Ptéridophytes) caractéristiques, à 4 lobes obovales, en coin, disposés en croix au sommet
de long pétioles flexueux donnant à la marsilée un aspect de trèfle à quatre feuilles (d’où son
nom vernaculaire). Ces feuilles sont de deux types différents qui se succèdent au cours de
l’année. Les premières feuilles qui apparaissent en début de saison (printemps) possèdent un
limbe flottant, luisant et un pétiole mou. Les feuilles suivantes, qui apparaissent en période
d’exondation, ont un limbe vert brun mat, glabre et possèdent un pétiole rigide et dressé de 10
à 20 cm de hauteur.
Les fructifications (que l’on appelle sporocarpes chez les Ptéridophytes) mesurent de 3 à 5
mm. Ils sont globuleux et solitaires ou bien regroupés par deux ou trois au sommet de
pédicelles qui sont insérés à la base du pétiole des feuilles exondées.
2. Biologie
La marsilée à quatres feuilles est une plante aquatique vivace munie de rhizome, rangée selon
la classification des types biologiques, dans la catégorie des hydrogéophytes.
Le développement des feuilles flottantes a lieu au printemps. La reproduction de la marsilée
est sexuée et nécessite une phase d’inondation car la fécondation est aquatique. Les
sporocarpes (fructifications) apparaissent durant la saison estivale qui correspond à la période
d’exondation. L’ouverture spontanée (déhiscence) de ces sporocarpes nécessite une longue
période d’imbibition pour une bonne germination, car elle se produit par infiltration d’eau et
le gonflement d’un anneau mucilageux. La dissémination des spores est quant à elle assurée
par le transport de l’eau (hydrochorie) ou bien par les oiseaux aquatiques (ornithochorie). La
multiplication végétative est par ailleurs fréquente chez cette plante. Elle s’opère par rupture
des rhizomes et enracinements des fragments qui donnent naissance à de clônes.
La marsilée a par ailleurs la particularité d’être une plante « à éclipses » qui peut disparaître
temporairement de ces stations lorsque que les conditions deviennent défavorables et peut
ensuite réapparaître de manière spectaculaire après plusieurs années d’absence.
1
Feuille caractéristique à quatre lobes en coin, disposés en croix au sommet
d'un long pétiole flexueux, donnat un aspect de trèfle à quatre feuilles.
Sporocarpe globuleux, solitaire ou regroupés
par deux ou trois au sommet de pédicelles
insérés à la base du pétiole des feuilles exondées
Long rhizome rampant peu ramifié, filiforme.
Illustration extraite de la flore de l'abbé H. Coste
3. Ecologie
La marsilée à quatre feuilles peut former lorsque les conditions écologiques sont favorables
des populations denses et étendues (jusqu’à plusieurs dizaines de mètres carrés) sur les plages
boueuses ou sablonneuses des bordures peu profondes des plans d’eau à niveau d’eau
variable, subissant un assèchement estival. Elle se développe surtout sur les bordures peu
profondes des étangs, des « boires » et « boireaux », des mares, des canaux et fossés, et des
bras morts des cours d’eau lents.
Cette Ptéridophyte dont l’écologie est assez stricte colonise les espaces de sols nus et pauvres,
plus ou moins oligotrophes. C’est une espèce de pleine lumière (espèce dite héliophile) qui
supporte mal l’ombrage et la concurrence exercée par les autres végétaux aquatiques ou
amphibies.
La marsilée appartient du point de vue phytosociologique selon les auteurs :
-
soit, aux communautés végétales des sols argileux et tourbeux relevant de l’alliance du
Nanocyperion flavescentis W Koch ex Libbert 1932, appartenant de la classe des
Isoeto durieui-Juncetea bufonii Braun-Blanq. & Tüxen ex V.West., Dijk & Paschier
1946, qui comprend la végétation pionnière hygrophile à mésohygrophile, des sols
exondés ou humides, oligotrophes à méso-eutrophes,
-
ou bien, aux communautés surtout continentales des zones marnantes (zones soumises
à l’oscillation des niveaux d’eau) enrichies en argiles, relevant de l’alliance de
l’Eleocharition acicularis Pietsch 1967, appartenant à la classe des Littorelletea
uniflorae Braun-Blanq. & Tüxen ex V. Westh., Dijk & Passchier 1946, qui
correspond à la végétation vivace rase et amphibie, des bordures de plans d’eau, plutôt
oligotrophes.
Le synopsis commenté des groupements végétaux de la Bourgogne et de la ChampagneArdenne (Royer & al., 2006), mentionne la présence dans la région Bourgogne (entre Loire et
Allier), d’une association à scirpe épingle et marsilée (Eleocharito acicularis-Marsileetum
quadrifoliae Pietsch 1977). Ce groupement héliophile des bords sablo-vaseux humides des
mares (boires) à niveau d’eau variable, du lit majeur pourrait en partie correspondre aux
groupements présents de notre région. Quelques relevés effectués en Brenne (étang de la
Gabrière) par l’amicale phytosociologique (1987) ont été par ailleurs publiés dans les
colloques phytosociologiques.
Les sept relevés phytosociologiques réalisés dans notre région par A. Lachaud (1998) sur les
stations de la Varenne en Maine et Loire (île Bridon), de Basse Goulaine en Loire-atlantique
(la Divette/les Trois cheminées), ainsi que sur l’une des stations vendéennes qui est située sur
la commune d’Angles en Vendée (anse du port de Moricq), ne permettent pas de se prononcer
avec certitude sur leur rattachement aux groupements précédemment décrits.
2
Carte de répartition de la marsilée en France
(en vert : observations récentes postérieures à 1980, en rouge : observations anciennes)
Carte de répartition de la marsilée dans le Massif armoricain et sur ses marges par mailles UTM (10x10 km)
(en rouge : données anciennes ; en vert : données actuelles)
4. Répartition
La marsilée à quatres feuilles est une espèce circumboréale dont l’aire de répartition générale
s’étend en Europe tempérée, depuis le Portugal et la France, jusqu’à la mer Noire et la mer
Caspienne, en Asie tempérée (jusqu’à la Chine et au Japon) et en Amérique du nord, où elle
semblerait avoir été introduite anciennement d’après des données récentes (collectif, 2002).
Prelli (2001) considère que les données anciennes provenant des Açores serait douteuses et
correspondraient à une espèce particulière nommée : Marsilea azorica. Cet auteur précise
d’autre part que les observations effectuées sur les Iles Canaries n’auraient semble-t’il jamais
été confirmées.
En France, la marsilée à quatre feuilles est très localisée et surtout répandue dans le bassin de
la Loire (Anjou, Touraine, Poitou, Brenne, Orléanais, Nivernais, plaine du Forez et vallée de
l’Allier) ainsi que dans la vallée du Rhône et de la Saône (Bresse et Dombes en particulier).
D’autres stations isolées sont aussi connues dans le sud de l’Alsace, en Franche-Comté, ainsi
que dans le sud de la Vendée et du département des Landes.
5. Valeur patrimoniale et statut de protection
La marsilée à quatre feuilles est une plante toujours rare et très localisée en France, en
régression dans de nombreuses régions françaises selon Prelli (2001). Elle bénéficie
aujourd’hui, du statut de plante protégée dans notre pays (arrêté du 20 janvier 1982, modifié
et complété par l’arrêté du 31 août 1995).
Elle figure d’autre part en raison de sa grande vulnérabilité parmi les espèces du livre rouge
de la flore menacée de France (Olivier, Galland & Maurin, 1995), aux annexes II et IV de la
Directive Habitats, à l’annexe I de la Convention de Berne. Elle fait aussi partie des taxons
figurant sur la liste rouge des espèces végétales rares et menacées du Massif armoricain.
Enfin, cette plante très rare et en très forte régression dans notre région a été très récemment
inscrite à l’annexe 2 (taxons en danger extrême de disparition) de la liste rouge des plantes
vasculaires rares et/ou menacées des Pays de la Loire (Lacroix, Le Bail, Hunault, Brindejonc,
Thomassin, Guitton, Geslin, Poncet, 2008).
6. Atteintes et menaces
La marsilée à quatres feuilles s’est considérablement raréfiée en France au cours du XXème
siècle, comme dans l’ensemble de son aire européenne (Dupont, 1988). Les principales
atteintes et menaces pesant sur l’espèce sont liées :
-
à la régression généralisée des zones humides temporaires suite aux drainages ou à
l’abaissement du lit des rivières et grands fleuves consécutif aux extractions de
granulats et à des périodes de sécheresses répétées,
-
à la pollution des eaux par les engrais, les effluents domestiques (qui entraînent une
eutrophisation excessive des milieux aquatiques, phénomène qui favorise notamment
le développement d’algues filamenteuses, très défavorables à la marsilée) ou par les
herbicides,
3
-
à la concurrence exercée par les autres plantes aquatiques et amphibies (hydrophytes,
amphiphytes ou hélophytes) ou bien certaines plantes non indigènes invasives telles
que les jussies (Ludwigia peploides et L. grandiflora) et le digitaire faux-paspale
(Paspalum distichum),
-
à la destruction involontaire de certaines stations (cas de la station de la boire de la
Rompure à Drain qui a disparu suite à la sècheresse de 1976 du fait du piétinement des
grèves exondées à cette occasion par les pêcheurs),
-
aux risques de prédation par l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) qui
consomme toute la végétation aquatique.
Aujourd’hui, l’état relictuel des populations et l’absence d’échanges, est à l’origine d’un
appauvrissement génétique de l’espèce qui ne se reproduit plus de manière sexuée, mais
uniquement de manière végétative. De sorte que les pieds présents dans les dernières stations
persistant dans la région correspondent à chaque fois à un clone unique, appartenant à un seul
individu.
II. ETAT DES LIEUX DES POPULATIONS REGIONALES
1. Les observations anciennes en Pays de la Loire
L’herbier du Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes contient plusieurs échantillons de
marsilée datant du XIXème siècle (voir tableau 1 ci-dessous), issus de collections privées en
provenance de diverses localités de Loire-Atlantique (Mauves-sur-Loire, Thouaré-sur-Loire)
et du Maine-et-Loire (Juigné-sur-Loire), ainsi que des échantillons en provenance de la région
du Dauphiné et de Suisse.
Charles-Auguste Moisan dans sa flore Nantaise datant de 1839, cite la présence de la marsilée
dans plusieurs localités des vallées de la Loire et de l’Erdre, situées sur les communes de
Thouaré-sur-Loire, Saint-Julien-de-Concelles, Sucé-sur-Erdre, et la Chapelle-sur-Erdre (baie
de la Verrière).
Quelques décennies plus tard, James Lloyd dans sa flore de l’ouest de la France datant de la
fin du XIXème siècle (2ème éd. de 1868 et 5ème éd. de 1897), cite les observations de Guettard,
au Port de la Claye et de Pontarlier et Maréchal sur la commune de Curzon, dans le marais
Poitevin en Vendée, où l’espèce est qualifiée à l’époque de commune. Lloyd la considère
aussi comme assez commune à cette période en vallée de la Loire en Loire-Atlantique
(anciennement Loire-Inférieure) et la qualifie même de très commune dans les marais de
Massérac et plus en aval dans les marais de la Vilaine jusqu’à Redon. Il signale en outre sa
présence, à cette période, sur le cours du Don en aval de Guémené-Penfao et cite aussi
l’observation de Pesneau en vallée de l’Erdre sur la commune de Sucé-sur-Erdre.
Sa présence signalée à la même époque (1850) en Mayenne, sur la commune de Bourgon
serait douteuse selon Corillion (1977). Elle aurait été d’autre part indiquée en Sarthe dans
l’étang des bois de la Pannetière à Trangé (étang aujourd’hui disparu) à la fin du XVIIIème
siècle par L. Maulny (Hunault & Moret, 2003). Ces anciennes données sarthoises seraient à
confirmer selon Prelli (2001). Enfin, G. Denizot, dans son inventaire des fougères du Maineet-Loire datant de 1915, cite pour mémoire ce taxon et précise : « … inconnu actuellement »
(in Braud & al., 1999).
4
Date
1851
Herbier
MENIER
MHNN.B.010030.019
Origine géographique
MAINE ET
LOIRE/JUIGNE SUR
LOIRE
LOIRE ATLANTIQUE
1840
MHNN.B.010030.020
LOIRE ATLANTIQUE
09.09.1858
HERBIER DE L’OUEST
DE LA
FRANCE/DUFOUR
HERBIER DE L’OUEST
DE LA
FRANCE/DUFOUR
HERBIER DE L’OUEST
DE LA
FRANCE/CITERNE
HERBIER
REGIONAL/PESNEAU
J.B.
Référence
MHNN.B.
MHNN.B.010030.021
LOIRE
ATLANTIQUE/PRAIRIE
DE MAUVES
MHNN.B.001133.2.008
LOIRE
ATLANTIQUE/MAUVES
SUR LOIRE/PRAIRIE DE
MAUVES
MHNN.B.D.000003.417/RESTITUE
LOIRE
ATLANTIQUE/MAUVES
MHNN.B.D.000020.1739/RESTITUE
LOIRE
ATLANTIQUE/MAUVES
SUR LOIRE
MHNN.B.010092.036
DEPUIS LA BONNETIERE
JUSQU’A
THOUARE/LOIRE
ATLANTIQUE
MHNN.B.010092.039
SUISSE
MHNN.B.010211.461
FRANCE/DAUPHINE
AOUT
09.1874
CAMUS FERNAND
CAMUS FERNAND
1840
DELALANDE
08.1849
DELALANDE
COLLECTION DUFOUR
EDOUARD
Tableau 1 – Parts d’herbiers consacrées à Marsilea quadrifolia, conservées au Muséum
d’Histoire Naturelle de Nantes.
2. Localisation et description des stations connues jusqu’à récemment en Pays de la
Loire
En Loire-Atlantique, les quelques rares stations de marsilée connues jusqu’au début des
années 1980 (Le Bail, 1983) et jusqu’à la fin des années 1990 (Bernier & Dusoulier, 1994 ;
Lachaud, 1998) en vallée de la Loire, sur la commune de Basse-Goulaine (mare ornementale
aux abords des Divettes et des Trois Cheminées), sont apparemment aujourd’hui disparues.
La première station qui se situait sur les berges en pentes douces d’une ancienne sablière (plan
d’eau de Longue Mine), a malheureusement disparu à la suite de la colonisation du plan d’eau
par la jussie (Ludwigia peploides). La seconde station, qui se situait dans un petit plan d’eau
de loisir, où la plante avait été introduite à partir de clones issus de la première localité, ne
s’est visiblement pas non plus maintenue, probablement en raison de la concurrence exercée
par les autres végétaux et des conditions stationnelles peu propices au développement de
l’espèce (ombrage trop important).
En Maine-et-Loire, la population qui était encore abondante dans les années 1960 dans la
boire de Drain (ouest du département) dans la vallée de la Loire, ne comprenait plus selon C.
Figureau que quelques individus en 1976 et disparut définitivement l’année suivante.
5
La marsilée à quatre feuilles ne subsiste plus à l’heure actuelle dans ce département que dans
une unique station située dans la vallée de la Loire qui fut découverte en juillet 1994 par C.
Figureau et Ph. Ferard (Jardin Botanique de Nantes). Cette station se situe au sein de prairies
bocagères pâturées dans la partie ouest de l’île Bridon sur la commune de la Varenne. Elle est
localisée sur les bordures peu profondes d’une dépression naturelle que l’on appelle « boire
ou boireau » en vallée de la Loire. Celle-ci reste en eau tout au long de l’année et est utilisée
comme abreuvoir par le bétail. Le dernier dénombrement effectué par G. Thomassin en
novembre 2005 recensait encore plus de 500 frondes, mais la plante subit malheureusement
les effets d’un piétinement trop important des bovins et tend à régresser. L’apport
d’excréments dans la mare pourrait également avoir une action défavorable.
En Vendée, l’espèce se maintenait encore assez bien jusqu’à récemment dans au moins deux
stations du marais Poitevin situées à proximité de l’anse du Port de Moricq, (Dupont,1986) et
sur le canal de « la Bourasse », (Deat & Thomas, 1998) sur la commune d’Angles. La station
de l’anse du Port de Moricq, qui couvrait une surface de 180 m² lors de la visite effectuée par
A. Lachaud en juillet 1998, se situe dans une dépression inondable peu profonde d’origine
artificielle, en bordure d’un canal et d’une prairie naturelle pâturée par des chevaux. Une
troisième station a par ailleurs été découverte en 1996 dans une mare abreuvoir récemment
réaménagée située sur le communal de Noailles sur la commune de Champ-Saint-Père, par
Ph. Rouillier (Dupont, 2001 ; P.N.R. du marais Poitevin, com. or.). Elle n’a malheureusement
pas été revue récemment dans ses anciennes localités toutes proches qui se situaient sur les
communes du Port de la Claye et de Curzon (Dupont, 1988).
La prolifération récente de l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) dans le Marais
poitevin introduit un risque très important sur l’ensemble des populations vendéennes.
3. Mesures de conservation déjà mises en œuvre
Le Conservatoire Botanique National avait confié en 1998, une étude sur la répartition et
l’écologie de Marsilea quadrifolia et Thorella verticillatinundata dans le Massif armoricain et
ses marges à Aurélia Lachaud. Cette étude avait été l’occasion de dresser un état des lieux des
stations de ces deux plantes rares et menacées à l’échelon Européen uniquement présente
pour l’ensemble du Massif armoricain, dans la région des Pays de la Loire et de dégager un
certain nombre de propositions de gestion favorables au maintien de ces deux espèces.
Depuis, Guillaume Thomassin (CBNB) a repris un suivi plus ou moins régulier de l’espèce
(dernier en date, en novembre 2005). Dans le Marais Poitevin, les stations vendéennes ont fait
l’objet ces dernières années d’un suivi par Alain Thomas, en relation avec le Parc
Interrégional du Marais Poitevin.
Des prélèvements de clones ont été effectués à des fins conservatoire par le Jardin Botanique
de la Ville de Nantes à la fin des années 1970 sur la station de la boire de la Rompure à Drain
dans le Maine-et-Loire. En juillet 1998, Aurélia Lachaud avait également prélevé la marsilée
sur la station de l’île Bridon à la Varenne. A Nantes, le Jardin Botanique a procédé à une
multiplication en culture du clone de Drain et en a transmis au Conservatoire Botanique qui
maintient en culture les deux souches, en des lieux séparés. En 2006, Guillaume Thomassin
du Conservatoire Botanique avait cherché à prélever les populations situées à Basse-Goulaine,
mais a constaté à cette occasion la disparition de l’espèce dans le plan d’eau de loisir.
6
En tant qu’espèce d’intérêt communautaire figurant aux annexes II et IV de la Directive
Habitats-Faune-Flore du 21 mai 1992), la marsilée a fait l’objet de fiches actions dans le cadre
de la rédaction des documents d’objectifs des sites Natura 2000 de la vallée de la Loire entre
Nantes et les Ponts-de-Cé (FR5200622) et du Marais Poitevin (FR5200659).
Un suivi de la station de l’île Bridon à la Varenne avait été proposé au début des années 2000
par la C.P.I.E. Loire et Mauges, dans le cadre de l’application du document d’objectifs. Ce
suivi scientifique comprenait une analyse de la qualité de l’eau, des données hydrauliques et
climatiques annuelles, un suivi annuel de la végétation de la station et de ses abords, ainsi que
des pratiques agricoles sur la parcelle adjacente. Il n’a malheureusement pas été donné de
suite à cette intéressante proposition de suivi.
III. IDENTIFICATION DES PROBLEMATIQUES GENERALES DE
CONSERVATION ET CONDITIONS DE MAINTIEN DE L'ESPECE DANS LA
REGION
Beaucoup plus répandue par le passé dans notre région, dans les vallées de la Loire et de la
Vilaine en particulier (Dupont, 1983), la marsilée à quatre feuilles est devenue très rare en
Pays de la Loire et ne subsiste plus aujourd’hui que très ponctuellement dans quelques
localités du marais Poitevin, en Vendée, et de la vallée de Loire, en Maine-et-Loire.
La conservation des populations de marsilée dans ses quelques stations encore connues en
Pays de la Loire est déterminée par le maintien de conditions écologiques particulières
favorables au développement et à la reproduction de l’espèce caractérisées par :
-
une oscillation de la nappe d’eau indispensable pour la reproduction sexuée de cette
Ptéridophyte et empêchant une concurrence trop forte par les autres plantes,
-
l’absence de toute activité ou aménagement qui pourraient nuire au maintien de la
marsilée dans ses stations,
-
une bonne qualité de l’eau et des substrats, conditionnant un milieu oligo-mésotrophe
(pas d’eutrophisation).
Une description fine et un suivi de l’ensemble des stations sont à entreprendre au cours des
années à venir, afin de suivre leur évolution et de mieux cerner les problématiques liées à la
conservation de la marsilée dans ces différentes stations régionales. La méthodologie de ce
suivi scientifique reste à définir, mais pourrait en partie s’inspirer de la proposition qui avait
été faite par le CPIE Loire et Mauges, pour la station de l’île Bridon à la Varenne. L’impact
éventuel de l’écrevisse de Louisiane dans le Marais Poitevin est une interrogation importante
à laquelle il faudrait répondre rapidement.
De nouvelles collectes de spécimens seraient à envisager dès que possible, en fonction de
l’état des populations, sur les trois autres stations connues en Vendée. Elles permettraient de
se prémunir d’une éventuelle disparition dans ces localités et d’augmenter la diversité
génétique au sein des populations conservées en culture. En outre, elles fourniraient la
possibilité d’expérimenter des tentatives de reproduction sexuée à partir des individus
maintenus en culture afin de renforcer la vitalité des populations régionales.
7
En fonction de l’état des lieux complet des stations qui reste à dresser, des actions
conservatoires pourront s’avérer nécessaires sur le terrain. Dans le cas particulier de la station
de l’île Bridon à la Varenne (49), une mise en défend provisoire ou partielle en accord avec
l’exploitant, de la boire pourrait permettre à cette population devenue très fragile de se
reconstituer progressivement, grâce à un arrêt du piétinement.
Une éventuelle réimplantation de l’espèce sur la boire de la Rompure à Drain, à partir des
clones originaires de cette localité qui sont maintenus en culture au Jardin Botanique de
Nantes et au Conservatoire Botanique National de Brest, pourrait être envisagée dès lors que
les conditions seraient favorables à son retour.
La mise en œuvre du plan de conservation nécessiterait la participation de différents
partenaires tels que :
-
les exploitants agricoles et propriétaires des parcelles concernées par la présence de
l’espèce,
le Conservatoire des Rives de la Loire et de ses affluents,
le Centre de Promotion et d’Initiation à l’Environnement Loire et Mauges,
le Jardin Botanique de la ville de Nantes,
le Parc Naturel Interrégional du Marais Poitevin,
le Syndicat de marais (Marais Poitevin),
l’Association de Défense de l’Environnement en Vendée,
la Région des Pays de la Loire (service environnement),
la Direction Régionale de l’Environnement des Pays de la Loire.
8
Bibliographie
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