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Les personnages
Apocalypse bébé nous propose une galerie de personnages issus de milieux très différents.
Une façon pour l’auteur d’exercer sa plume à « différents styles » mais aussi de donner son
point de vue sur chacun des milieux infiltrés. Les groupe sociaux qu’elle nous expose sont
presque des archétypes littéraires : jeunes des banlieues, punks, altermondialistes,
communautés religieuses, écrivain bourgeois raté, femme vénales, etc. Bien plus que des
stéréotypes, ces personnages symbolisent en réalité les débats socio-culturels les plus
prégnants en France ces 10 à 20 dernières années : (les débordements provoqués par) la
question de l’identité nationale, le multiculturalisme, les relations genrées, la persistance du
sexisme culturel et d’Etat, la précarisation accrue de la société française, la montée de la
violence urbaine, la mondialisation, les menaces terroristes et autres préoccupations d’un
monde « post-11 septembre ».
Lucie et La Hyène, un duo de détectives anticonformistes
D’emblée, Virginie Despentes nous croque des personnages marginaux et féminins.
Les deux protagonistes sont marginales certes, mais cette fois, elles sont du côté des « forces
de l’ordre ». Elles se mobilisent pour retrouver une jeune fille disparue. Cette limite est
importante pour le lecteur et démontre que Virginie Despentes a légèrement adouci ses
positions par rapport à ses débuts (Baise-moi). Le recours à la violence et au sexe confirme
cela, dans la mesure où presque toutes les scènes de violence et de sexe sont tenues à distance
du lecteur par une narration a posteriori, elles ne sont jamais gratuites. Seules deux scènes
échappent à cette « règle », et mettent le lecteur face à la violence et à une scène de sexe :
l’interrogatoire du jeune rockeur et l’orgie en Espagne.
Les personnages principaux de Apocalypse bébé sont des femmes, qui affirment leur volonté à
rester en marge de la société.
Via ses personnages, elle remet en question la conception habituelle de l'identité féminine.
L’auteur refuse de se conformer au mythe de la belle et bonne femme et donne une place aux
« ni moches ni belles », généralement laissées pour compte dans la littérature.
Virginie Despentes tient encore des discours « pro-lesbiens », elle dénonce « l’aveuglement
des femmes hétérosexuelles ». Pour elle, toute femme hétérosexuelle est foncièrement
malheureuse. Notons tout de même que La Hyène adopte les comportements dits masculins
(elle siffle les jolies filles en rue, recourt à la violence si nécessaire) et recrée ainsi une
certaine oppression sexuelle sur les femmes.
En gros, Lucie est emblématique de ce que j’imaginais être une génération vide-merde.
Personne ne s’occupera de les former, ils ont commencé à être stagiaires, une certaine
catégorie de trentenaires d’aujourd’hui.
http://www.rfi.fr/france/20101108-le-prix-renaudot-apocalypse-bebe-virginie-despentes
Au début du roman, Lucie Toledo est un personnage dessiné en creux, elle semble n'avoir pas
trouvé sa place dans le monde. Elle est seule, avec un boulot qui lui déplaît. Elle n'est ni belle,
ni brillante, ni reconnue. L'enquête qu'elle a à mener la révélera dans un certain sens, grâce à
sa rencontre avec La Hyène.