Les stratégies de mondialisation des entreprises E.M. Mouhoud Professeur d’économie à l’université Paris -Dauphine www.mouhoud.fr Supports de cours Cours Master I 2008-2009 Plan du cours • 1. Commerce, finance, investissements directs et technologies : des relations interdépendantes dans un monde global • 2. Logiques formes et ampleur de la globalisation des entreprises • 3. Délocalisations et relocalisations d’activités dans les secteurs sensibles à la concurrence des pays à bas salaires • 4. Théories des déterminants de la globalisation des entreprises ? • 5. Les effets de la mondialisation des entreprises sur le commerce des nations : complémentarité ou substitution ? • 6. La globalisation des entreprises et l’emploi dans les pays d’origine et les pays d’accueil • 7. Les effets sur les pays d’accueil en développement • 8. L’émergence des firmes globales du Sud • 9. Les effets de la globalisation des activités de recherche & Développement sur les systèmes technologiques nationaux : dilution ou renforcement ? Méthode du cours • Cours interactif avec les étudiants complété de lectures recommandées sur chacun des aspects traités • Les présentations power point seront remises aux étudiants à la fin de chaque chapitre. • Un dossier sera demandé sur la base d’études de cas ou statistiques (comptant pour moitié dans la note finale) • Examen partiel final Sujets de dossier choisir un cas ou un secteur pour chaque sujet Nombre d’étudiants par sujet : 2 maximum • Sujet 1. La localisation des IDE en France : dispersion ou polarisation ? 11 choisir un secteur industriel (cf nomenclature AFII agence Française de l’investissement international) 12 les activités de R&D • Sujet 2. La localisation des équipementiers et des constructeurs de l’automobile en Europe : – Formes et évolution de la fragmentation de la chaîne de valeur – Y a-t-il une logique de localisation spécifique pour la construction de véhicules low cost • Sujet 3. Les investissements directs français à l’étranger 3.1. Dans les services 3.2. Dans l’industrie 3.3. Dans l’énergie (spécificités) Dossiers (2) • Sujet 4. Les délocalisations à la recherche de coûts de faibles de coûts de main-d’œuvre • 4.1. Analyse sectorielle (2 ou 3 secteurs) • 4.2. La sous-traitance internationale dans les services : des études de cas (3 cas) 4.3. Le rôle des grands distributeurs (3 cas) 4.4. La coûts de production dans les pays à bas salaires, produits délocalisés et prix de vente sur les marchés européens : L’exemple de l’habillement de gamme moyenne et haute en France (1 sujet) Études de cas : approche par entreprises ou par secteurs (3 cas soit 3 sujets) Dossiers (3) • Sujet 5. Les relocalisations industrielles et dans les services au Japon (ou en France) : ampleur, déterminants, effets études de cas (4 cas soit 4 sujets) • Sujet 6. Les fusions et acquisitions • 6.1. La nouvelle vague (2004-2007) : ampleur, déterminants, secteurs et nature (horizontales, verticales, conglomérales….) comparaison par rapport à la vague de la bulle internet • 6.2. F&A et alliances stratégiques dans la R&D • 6.3. F&A et stratégies financières • Sujet 7. Les délocalisations des laboratoires de Recherche & développement : une approche sectorielle (3 ou 4 secteurs soit 3 ou 4 sujets) • Sujet 8. Les firmes multinationales des pays émergents (Inde, Chine) et leurs stratégies en Europe • Les firmes chinoises en Europe (France) • Les firmes chinoises en Afrique Les cas indiens : ARECLOR MITTAL Automobile Tata Motors Autres secteur • • • • • • • • • • • • • • • • • • bibliographie Amiti M. & Wei S.J., 2004. Fear of Service Outsourcing: Is it Justified? IMF Working Papers 04/186, International Monetary Fund. Andreff W., 2002, “The new multinational corporations from transition countries”, Economic Systems, vol.26, pp. 371379 Brainard S.L., 1993, A Simple Theory of Multinational Corporations and Trade with a Trade-off between Proximity and Con centration, NBER Working Paper n°4269 CNUCED, World Investment Report, Geneva, rapport annuel, plusieurs années Commissariat Général du Plan (CGP), 1999, “Scénario pour une nouvelle géographie économique de l'Europe”, Economica Crozet M., P. Koenig , 2005. "Le rôle des firmes multinationales dans le commerce international", in Mondialisation et Commerce international, Les Cahiers Français , N° 325 Dupuch S. 2004, Intégration Régionale, IDE et Spécialisation dans l’UE élargie, Thèse de Doctorat, université Paris 13. Fontagné L. & Lorenzi J.H., 2005, Désindustrialisation, délocalisations, rapport CAE n°55 Hanson G.H., Mataloni R.J. & Slaughter M.J., 2005. "Vertical Production Networks in Multinational Firms," The Review of Economics and Statistics, MIT Press, vol. 87(4), pages 664-678, November. Lebas C. & Sierra C., 2002, “Location versus home country advantages' in R&D activities: some further results on multinationals' locational strategies”, Research Policy, Vol. 31 n°4, pp.589-609 Gaulier G. Lemoine F. & Ünal-Kesenci D., 2005, Chine atelier du monde, marché pour l’Europe, Lettre du CEPII N° 245 Lipsey R., 2002, Home and Host Country Effects of FDI, NBER Working Paper n°9293 Markusen .J.R., 1995, “The Boundaries of Multinational Enterprises and the Theory of International Trade”, Journal of Economic Perspectives, vol.9, n°2, pp.169-189 Moati P. & Mouhoud E.M., 2005, Les nouvelles logiques de décomposition internationale des processus productifs, Revue d’Economie Politique, vol.115, n°5 Mouhoud E.M. 2008 (nouvelle édition), Mondialisation et Délocalisations des Entreprises, Repères, La Découverte, Paris Mouhoud E.M. 2004, « Mondialisation et localisation des activités de recherche », in Les Cahiers Français, « Concurrence et Innovation » n°323, La Documentation Française Rugman A. & Collinson S., 2005, "Multinational Enterprises in the New Europe: Are They Really Global", Organizational Dynamics, vol.34 (3), pp.258-272. Yeaple S.R., 2003, “The Complex Integration Strategies of Multinationals and Cross Country Dependencies in the Structure of Foreign Direct Investment”, Journal of International Economics, vol. 60, n°2, pp. 293-314 http://www.unctad.org www.unctad.org/distatistics . Introduction • Débat 2000 : délocalisations vers les pays à bas salaires =>emporter l’ensemble des activités productives + services+ R&D + détruire également des emplois qualifiés. La mondialisation détruit-elle nos emplois et nos exportations ? • Décalage entre la perception de l’opinion publique • Réponse de l’économiste : « la globalisation détruit des emplois au niveau microéconomique et au niveau local et plutôt à court terme ». • + « Rien de toute façon ne garantit que les emplois détruits par la délocalisation auraient survécu à la compétition internationale» : pb d’adaptation • Les emplois perdus vont alors renaître plus qualifiés, mieux rémunérés : la compensation. Opposition entre perception et réalité statistique • • • Sentiment d’insécurité économique des travailleurs et comportements des employeurs jugés risqués en matière d’emplois et de salaires (Shave et Slaughter 2002). IDE et STI : facteurs clé de l’insécurité économique « en rendant la demande de travail plus élastique ». Opposition entre perception et réalité statistique… Recours à la recherche académique Des relations complexes… • travailleurs concernés par la délocalisation + territoires spécialisés dans les secteurs sensibles à la délocalisation et les pouvoirs publics locaux ont un horizon de court terme • Mais les emplois détruits ne sont pas dus nécessairement à la délocalisation. • Ce type de délocalisations : minoritaire … qu’il convient de clarifier • • • • Présentation des différentes logiques de la mondialisation des entreprises Connaissance des déterminants et des formes de la mondialisation des entreprises Evaluer les effets sur l’emploi, les échanges internationaux, la concentration des activités dans l’espace, les trajectoires de développement des pays émergents Travaux utilisant des bases de données individuelles de firmes Paradoxes de la mondialisation • FMN => diffusion des nouvelles technologies dans le monde et //=> polarisation des activités • La mondialisation + diffusion de l’économie du savoir,=> rôle clé du progrès technique, de l’innovation et du capital humain dans l’explication de ces paradoxes apparents. • Phénomènes nouveaux : relocalisations industrielles PLAN (1) • • • • 1. Commerce, finance, investissements directs et technologies : des relations interdépendantes dans un monde global 2. Logiques, formes et ampleur de la globalisation des entreprises 3. Délocalisations et relocalisations d’activités dans les secteurs sensibles à la concurrence des pays à bas salaires 4. Théories des déterminants de la globalisation des entreprises ? PLAN (2) • 5. Les effets de la mondialisation des entreprises sur le commerce des nations : complémentarité ou substitution ? • 6. La globalisation des entreprises et l’emploi dans les pays d’origine et les pays d’accueil • 7. Les effets de la globalisation des activités de Recherche & Développement sur les systèmes technologiques nationaux : dilution ou renforcement ? • 8. L’émergence des firmes globales du Sud Chapitre 1. Commerce, finance, investissements directs et technologies : des relations interdépendantes dans un monde global – Quatre questions: • Qu’est-ce que la mondialisation des entreprises ? • Quels liens avec les délocalisations vers les pays à bas salaires ? • Quels liens entre les différentes composantes de la mondialisation ? • Nouveauté de la mondialisation actuelle ? Définition analytique • Mobilité internationale des firmes et des facteurs de production • Accélération sans précédent de la liberté de localisation des firmes dans l’espace mondial ou global • Ne signifie pas forcément dispersion géographique des activités productives Empiriquement : cinq composantes de la mondialisation • A. B. C. D. E. Intensité et évolution des cinq composantes de la mondialisation : délocalisations (dans ou hors IDE) flux commerciaux, marchandises, services, intra-firmes, échanges intermédiaires flux financiers de capitaux à CT flux de connaissances et de technologie migrations internationales de travailleurs (Q/NQ) Composantes interdépendantes • A, B anciennes ; D, E dynamiques récemment (80’s). Internationalisation des échanges et des firmes n’a rien de nouveau. • Exportations déjà importantes dans les pays développés à la fin du 19ème • Premières FMN : 1860 • A partir de 1950 : accélération des IDE US vers l’Europe + délocalisation des unités d’assemblage en Asie du sud-est ; stratégies des firmes allemandes vers l’Europe de l’est • Plus nouveau : mondialisation financière + mondialisation des technologies et connaissances FIGURE 1 INTEGRATION OF THE WORLD ECONOMY IN THE 1990s Mont hly Growt h Rat e 25,0% 20% 20,0% 15% 15,0% 10,0% 6,0% 5,0% 7,0% 3,6% 0,0% World Out put World Trade in World Trade in Foreign Direct Goods Services Invest ment Source: WTO Int ernet Connect ions FIGURE 2 TRANSPORT COSTS, 1830-1910 Source: Bairoch (1989) 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1830 1850 Wheat Bar Iron 1880 Iron Goods Cotton thread 1910 Cotton Textile FIGURE 3 TRANSPORTATION VERSUS COMMUNICATION COSTS, 1920-1950 120 100 80 60 40 20 0 1920 Source: World Bank 1930 1940 Ocean freight 1950 Air 1969 1970 Transatlantic phone 1980 Satellite 1990 A. Délocalisations et IDE • Délocalisations + IDE : ensemble des formes de délocalisation des firmes à l’étranger • Une entreprise se mondialise : déploiement de ses activités de production, d’assemblage, montage, distribution, innovation de son pays d’origine vers un autre pays • Délocalisation absolue ou relative : – absolue : déplacement d’une unité de production ou d’assemblage (transfert de A vers B)… – relative : croissance des activités à l’étranger plutôt que dans le pays d’origine Modes d’internationalisation des firmes • Première composante qui traduit une mondialisation productive • Systèmes productifs nationaux toujours plus interdépendants • Mobilité croissante des unités de production, assemblage, montage. Stock d’IDE sur PIB Le stock d’IDE rapporté au PIB des pays d’accueil : une comparaison internationale (en %) Année 1980 1985 1990 1995 2000 2001 2002 Pays-Bas 10,8 18,8 23,3 28 66,0 74,2 74,9 Royaume-Uni 11,8 14,1 20,6 17,6 30,5 38,6 40,8 France 3,8 6,9 7,1 12,3 19,9 22,0 28,2 RFA 3,9 5,1 7,1 7,8 25,2 22,3 22,7 Etats-Unis 3 4,4 6,9 7,3 12,4 13,1 12,9 Japon 0,3 0,3 0,3 0,6 1,1 1,2 1,5 Pays développés (hors PECO) 4,9 6,2 8,2 8,9 16,5 17,9 18,7 Monde entier 6,7 8,4 9,3 10,3 19,6 21,2 22,3 Source : UNCTAD (2003). Flux d’IDE et croissance mondiale 6 1600 1400 5 1200 4 1000 3 800 600 2 400 1 200 0 19 80 19 81 19 82 19 83 19 84 19 85 19 86 19 87 19 88 19 89 19 90 19 91 19 92 19 93 19 94 19 95 19 96 19 97 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 0 Croissance du PIB réel Flux d'IDE B. échanges commerciaux : une évolution non-sombartienne • Manifestation la plus évidente de l’internationalisation des économies • TRADE/PIB ou (X+M)/PIB (ratios élevés fin 19è S -> 1910) – USA degré d’ouverture a doublé en un siècle (11 % 1910 => 25 % en 1995) – Italie : X/PIB de 28 % en 1910 +> de 50 % aujourd’hui. • Contrainte extérieure : une économie doit préserver un certain équilibre de sa balance des paiements • Mais la mondialisation des firme => 2 changements majeurs : – dans la nature des biens échangés (biens intermédiaires, biens différenciés, services) – développement du commerce intra-firme entre FMN et filiales AVERAGE TARIFFS ON IMPORTED MANUFACTURED GOODS (per cent) 1875 1913 1931 1950 Pre-Uruguay Round Post-Uruguay Round 12-15 20 30 18 -- -- Germany 4-6 17 21 26 -- -- Italy 8-10 18 46 25 -- -- UK 0 0 n.a. 23 -- -- EU -- -- -- -- 5.7 3.6 US 40-50 44 48 14 4.6 3.0 France Source: Bordo, Eichengreen and Irwin (1999) Biens intermédiaires • DIPP, exemple de l’automobile • FMN acteurs privilégiés de la DIPP • Echanges croissants de composants, pièces détachées… • Plus récemment : DIPP services, usage des TIC Biens différenciés • Montée des échanges de biens similaires différenciés • Echanges intra-branche vs interbranches – 2/3 du commerce de l’UE – Intra-branche vertical – Intra-branche horizontal • Relation entre échanges intra-branche et production à l’étranger : diversifier l’offre pour les entreprises et adapter les caractéristiques des produits à la demande finale. Echanges de services • les services réputés non échangeables => commerce croissant et d’une délocalisation croissante de leur production. • Libéralisation AGCS / OMC. • Quatre modes de libéralisation : – 1. prestation des services à distance (TIC, déconnexion géo de l’utilisateur et du fournisseur). Expl : centres d’appel – 2. déplacement du consommateur/utilisateur sur le lieu de production du service ; expl : tourisme – 3. IDE par le prestataire dans le pays de consommation du service ; expl : banques, assurances – 4. Déplacement temporaire des travailleurs sur le lieu d’établissement du service ; expl : consulting, ingéniérie. Commerce intra-firme • Entre maison mère et filiales des FMNs • Ampleur croissante: ½ du commerce entre pays de l’OCDE; 1/3 du commerce mondial • Intra-firme vertical : maison mère réalise les biens intermédiaires; filiales le bien final • Intra-firme horizontal : différentes entités de la FMN produisent et échangent des biens similaires Commerce intra-firme (2) • Enquête SESSI 1999: 41% des exports françaises sont intra-firme; 36% des importations • Théorie ignore le caractère horizontal du commerce intra-firme alors qu’empiriquement une forme de parité se dégage (hors échanges vers les filiales de commercialisation) • Généralement, les FMN ont recours aux deux types d’échange C. globalisation financière • Investissements de portefeuille : les firmes effectuent des placements financiers dans des firmes à l’étranger sans contrôle de la production. • Accès facilité aux marchés internationaux avec la déréglementation, ce qui facilite les implantations à l’étranger. • Avant 1980, l’IDE était un préalable au financement des activités productives délocalisées à l’étranger. D. technologie & connaissance • diffusion des TIC • émergence de « l’économie du savoir ou de la connaissance » • Jusque dans les années 80, FMN maintiennent leurs activités d’innovation dans le pays d’origine et déploient à l’étranger uniquement les fonctions de production ; • Eventuellement, transfert de savoir-faire, cession de licences, dépôt de brevets • Evolution : part croissante d’activités de R&D implantées à l’étranger. Concerne les grandes firmes et limitée aux pays développés et pays émergents comme la Chine ou l’Inde. E. migrations internationales • Dernière composante de la mondialisation • Hausse sans précédent de la mobilité des travailleurs qualifiés • Montée des niveaux d’éducation et persistance des facteurs d’appel dans les pays industrialisés • Besoins de personnels qualifiés : ouverture de quotas dans certains pays développés, au détriment des moins qualifiés ; • Parallèlement, transferts de fonds par les migrants dépassent pour certains pays le montant des IDE ou l’APD ; Figure 1a) Globalization and world international migration • Source : Docquier (2006) Figure 1b) Globalization and immigration in the more developed coutries Graphic 1. Workers’ remittances and other inflows (1990-2005) $ billion IDE 175 150 Transferts des migrants 125 100 capitaux à CT APD 75 50 25 05 e 20 04 e 20 03 20 02 20 01 20 00 20 99 19 98 19 97 19 96 19 95 19 94 19 93 19 92 19 91 19 19 90 0 Conclusion • Mobilité croissante des actifs dans l’espace mondial • IDE et échanges commerciaux dynamiques anciennes • Globalisation financière, des technologies et des connaissances, mobilité des personnels qualifiés font de la mondialisation actuelle un phénomène relativement nouveau.