A la découverte de Kristi Stassinopoulou,
la Björk d’Athènes
Comme Björk ou Grace Silk de Jefferson Airplane, Kristi Stassinopoulou se joue des
codes et des étiquettes. La chanteuse grecque a commencé dès les années 1980 à mêler
influences traditionnelles égéennes et rythmes actuels. Un trip « ethnopunk » underground
qui ne l’a pas empêchée de représenter la Grèce à l’Eurovision... L’histoire d’un caméléon.
Par Gianluca Grossi
Certains parlent d’elle comme de la Björk de la mer Egée. Son goût pour l’expérimentation
la rapproche sans aucun doute de sa consœur islandaise ou d’autres monuments du rock,
comme Grace Slick, la chanteuse de Jefferson Airplane qui a marqué les années 1960 et
1970.
En vrai, toutes ces tentatives d’étiquetage ne restent qu’approximatives, impropres à saisir
le parcours et l’expression de Kristi Stassinopoulou. « Ethnopunk » ou « ethnotrance »,
ces deux appellations marquant son attachement à l’underground pur et dur comme son
attirance pour la juxtaposition de répertoires traditionnels (rebetiko, dimotika) et musiques
modernes (rock psychédélique, ambient). Dans un trip aux accents hippie, la chanteuse
athénienne colle des paroles hallucinées, poétiques, évoquant « la mythologie antique que
les paysages imaginaires, l’adoration du soleil, les passions vives et les choses
éternelles », comme l’annonce sa biographie.
Jesus Christ Superstar, la première marche
L’histoire de Kristi Stassinipoulou commence bien avant : en 1978, elle a alors 22 ans, et
étudie auprès de Karolos Koun, directeur de théâtre, bien connu pour son travail sur la
comédie grecque antique et son introduction de Brecht et Pirandello en Grèce. Elle
repérée au casting de Jesus Crist Superstar pour le rôle de Marie-Madeleine. Cinq ans
plus tard, en 1983, elle se fait connaître en représentant la Grèce à l’Eurovision.
Si son interprétation de la chanson Mou Les d’Antonis Plessas n’a pas laissé une trace
indélébile dans l’histoire de la musique, c’est à cette occasion qu’elle se fait vraiment
connaître du grand public. Les espoirs qu’elle suscite sont confirmés par sa seconde
rencontre avec Tim Rice, en pleine réalisation de sa comédie musicale dédiée à Evita
Perón. Peu après, on la voit en ouverture des concerts de Pavlos Sidiropoulus, pionnier du
rock grec, disparu en 1990 des suites d’une overdose d’héroïne ainsi qu’aux côtés de
Demos Moutsis et George Pilali.
« Une plage déserte bientôt envahie »
Son premier disque solo, sobrement titré Kristi Stassinopoulou sort en 1986. « Il y a une
chanson qui parle d’une plage déserte et inconnue », raconte-t-elle. « Puis cette chanson
devient un hit et, en peu de temps, la plage est envahie de touristes venus du monde
entier ». Une métaphore pour évoquer sa percée dans le paysage musical grec.
En 1989, elle rencontre Stathis Kalyviotis, avec qui, et en collaboration avec deux autres
musiciens, elle lance Selena, un groupe d’« ethno-garage », qui revendique son ancrage
underground. En 1993, elle sort son deuxième LP Sti Limni me tis Paparounes (Au bord
du lac avec les Coquelicots), un disque qui s’ouvre sur le titre Efimerides hthesines
annonçant la place centrale de la culture populaire grecque dans sa musique : on y
retrouve les instruments à corde et les percussions typiques de la dimotika.
À la conquête du monde
Il faut finalement attendre près d’une décennie pour que la collaboration avec Stathis
Kalyviotis se concrétise. Le résultat, le LP Ifantokosmos (1997), est considéré par
beaucoup comme l’un de ses meilleurs disques. Lambros Liavas, ethnomusicologue à
l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes salue par exemple un « disque d’une
grande qualité, fruit d’un mélange de traditions musicale », de la musique traditionnelle à
la pop. C’est à ce moment-là que le nom de Kristi Stassinopoulou commence à se faire
connaître au-delà des frontières grecques.
Le vrai tournant a lieu quatre ans après avec Echotropia (2001). Ce succès permet à Kristi
Stassinopoulou de jouer à New York, Washington, Londres, et de participer à de
nombreux événements musicaux, comme le Festival international de Jazz de Montréal et
le Winnipeg Folk Festival. Son aura s’étend même jusqu’en Amérique du Sud.
Son style « ethnotrance » s’affirme tout au long des années 2000, savoureux mélange de
traditions grecques et de rythmes psychédélique, le tout baignant dans une ambiance
balkanique. « Une rencontre entre la technologie et la tradition » s’émeuvent les critiques
du magazine Roots World, à l’image de Sol Invictus, qui rappelle les Doors, ou à
l’inclassable Don’t Say I Regret, que Björk ne renierait pas.
Et maintenant ?
Son cinquième album, The Secret of the Rocks (2002), se place en tête du World Music
Charts Europe début 2003 et restera six mois dans le Top 10. Au printemps, Kristi
Stassinopoulou fait aussi la une du magazine anglais de référence dans les musiques du
monde fRoots. Le titre qui donne son nom à l’album, à l’ambiance hypnotique, est
augmenté d’un clip réalisé à Astypalea, l’un des plus belles îles de l’archipel du
Dodecanèse.
Depuis, la chanteuse a seulement publié deux albums, toujours avec la complicité de
Stathis Kalyviotis : Taxdoslopio (2007) puis Greekadelia (2012), tous deux salués par la
critique et bien classés dans les charts : top 15 du Womex World Music pour le premier,
1ère place du World Music Charts Europe pour le second. À bientôt 60 ans - elle est née
en 1956 -, l’Athénienne reste l’une des valeurs sûres de la scène alternative grecque.
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