G Y N É C O L O G I E E T S O C I É T É Information et consentement 18es Journées de gynécologie de Nice et de la Côte d’Azur ● I. Leguillette*, C. Proust** L’ évolution et la complexité croissante du contexte médico-légal ont incité Charles Nahmanovici et Félix Bénouèche à organiser, lors des 18es Journées de gynécologie de Nice et de la Côte d’Azur, en juin 2000, une table ronde consacrée à l’information et au consentement. Les procédures d’information et de consentement structurent une nouvelle relation médecin-patient, un nouveau contrat redéfinissant le lien social, base de la confiance minimale qui se doit d’exister entre les deux parties. Ce nouveau contrat social repose sur l’évolution de la médecine, du droit, de la jurisprudence, de l’assurance, de la déontologie et sur de nouveaux rapports entre la pratique et l’éthique. Cette table ronde, organisée en partenariat avec les laboratoires Besins-Iscovesco, réunissait des représentants de toutes les parties concernées [1] et a permis que s’expriment des opinions opposées et que soient exposés des moyens simples devant permettre au praticien d’améliorer sa pratique quotidienne. Cette table ronde était animée par Sylvain Attal, journaliste à France 2 et animateur de l’émission Argent Public. À l’initiative des organisateurs, une enquête originale a été réalisée dans les mois qui ont précédé le congrès. Christian Fossat a présenté les résultats du questionnaire envoyé aux gynécologues obstétriciens de la Région parisienne et proposé aux utilisateurs du site Gyneweb. Quatre points principaux ressortent de l’analyse des 350 réponses obtenues : 1. Dans quelles situations devons-nous absolument fournir une information claire, précise et détaillée ? 2. L’information que nous délivrons est-elle exhaustive ? 3. Comment recueillons-nous le consentement ? 4. Dans quelles situations un consentement signé est-il indispensable ? * Maternité des Vallées, 6, rue des Vallées, 92290 Chatenay-Malabry. ** Service du Pr Valleur, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris. [1] Christian Fossat, gynécologue obstétricien et webmaster du site Gyneweb ; Nicolas Gombault, directeur juridique du Sou Médical ; Dominique Thouvenin, professeur de droit et responsable du dossier information des patients à l’ANAES ; Anne Langlois, philosophe ; Robert Saury, docteur en médecine, docteur en droit, vice-président de la section éthique et déontologie au Conseil de l’Ordre ; François Goffinet, au titre du Collège national des gynécologues obstétriciens ; Paule Verdineau, gynécologue médicale à Nice ; Chantal Ramogida, présidente de l'association Pauline et Adrien et représentante des patientes ; Gérard Lévy, professeur en gynécologie et obstétrique et représentant officiel de Mme Dominique Gillot, secrétaire d’État à la Santé et aux Handicapés ; Alain Proust, membre du comité scientifique des journées Éthique, religion, droit et reproduction. La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002 DANS QUELLES SITUATIONS DEVONS-NOUS ABSOLUMENT FOURNIR UNE INFORMATION CLAIRE, PRÉCISE ET DÉTAILLÉE ? Quatre-vingt-dix pour cent des personnes interrogées s’accordent pour dire que l’information est nécessaire. Le support de l’information varie. Le plus souvent orale, elle est délivrée : • lors de plusieurs consultations, • à la remise de documents explicatifs. Cette attitude se retrouve : • dans 20 % des cas pour la pose d’un DIU ou une stimulation de l’ovulation, • dans 50 % des cas si une hystéroscopie, une cœlioscopie ou une hystérectomie sont envisagées, • dans 60 % des cas pour une amniocentèse. L’accouchement est un cas particulier, puisque l’oralité prime. Les réponses des praticiens mettent en évidence plusieurs modalités de transmission de l’information : • information orale lors de la consultation et lors des réunions de préparation à l’accouchement, • à chaque consultation pour la moitié d’entre eux, essentiellement à la dernière pour les autres, • dans moins de 10 % des cas, par la remise d’un document, • lors d’un projet d’accouchement élaboré par la patiente et discuté avec le praticien. L’INFORMATION QUE NOUS DÉLIVRONS EST-ELLE EXHAUSTIVE ? En matière d’accouchement, seuls 20 % disent donner une information exhaustive. La plupart pensent qu’il est inutile d’inquiéter les patientes, l’accouchement étant inéluctable. Dire à chaque patiente “ femme grosse, un pied dans la fosse ” ou délivrer les statistiques de mortalité maternelle va inquiéter les patientes tout à fait inutilement. Si dans certains cas l’information se doit d’être exhaustive, la réalité est autre et l’exhaustivité n’est réelle que dans : • 30 % des cas pour le DIU, • 40 % des cas pour l’hystéroscopie et la cœlioscopie, • 45 % des cas pour la stimulation de l’ovulation, • 55 % des cas pour l’hystérectomie. Il est intéressant de noter que, dans la plupart des situations, 15 G Y N É C O L O G moins de la moitié des médecins donnent une information exhaustive quant aux complications possibles. COMMENT RECUEILLONS-NOUS LE CONSENTEMENT ? Le recueil du consentement est à l’image de la volonté d’information. Le recueil se fait une fois sur deux pour la pose d’un stérilet, une stimulation de l’ovulation ou un accouchement, mais près de 4 fois sur 5 dans un contexte chirurgical ou lors de la proposition d’une amniocentèse. Par ailleurs, un soin tout particulier est à prendre quant aux modalités de recueil. Dans les réponses obtenues, deux modalités prédominent : • l’annotation dans le dossier pour le DIU (80 %) ; la stimulation de l’ovulation (60 %) ; l’accouchement (70 %) ; l’hystéroscopie, la cœlioscopie et l’hystérectomie (50 %) ; • l’utilisation d’un document type pour l’amniocentèse (plus de 50 %) ; l’hystéroscopie, l’hystérectomie et la cœlioscopie (30 à 40 %). Le document type est très peu utilisé pour la stimulation de l’ovulation et l’accouchement ; il ne l’est jamais pour la pose d’un DIU. Il ressort de l’analyse des réponses que l’annotation dans le dossier est le moyen privilégié pour le recueil du consentement. La discussion nous permettra d’évaluer si cela est suffisant. Des documents élaborés par le médecin peuvent être utilisés : courrier au médecin traitant, lettre à la patiente énonçant à nouveau les données ou les risques de l’examen ou de l’intervention et demandant, par retour de courrier, la confirmation de la décision. Ce dernier moyen constituerait une excellente preuve en cas de litige, mais il paraît être assez peu utilisé dans la pratique quotidienne. DANS QUELLES SITUATIONS UN CONSENTEMENT SIGNÉ EST-IL INDISPENSABLE ? Un consentement signé, pour la population interrogée, est indispensable dans les cas suivants : • le dépistage T21, • la ligature des trompes, • le refus d’intervention, • les études cliniques, • la PMA. Pour conclure son exposé, Christian Fossat a présenté une analyse des réponses à un questionnaire prospectif. Si la plupart de nos confrères ne remplissent pas toutes les obligations actuelles du devoir d’information et de recueil du consentement, ils sont, en grande majorité, soucieux des modifications que ces “ nouvelles façons de procéder ” entraîneront dans leur pratique quotidienne : • 80 % des personnes interrogées pensent que toutes ces obligations médico-légales ont profondément modifié la relation médecin-malade ; elles estiment que, hormis dans les domaines de la psychosomatique et de la sexologie, la pratique quotidienne de la gynécologie obstétrique est concernée par ces 16 I E E T S O C I É T É mesures, et surtout que, même si la réflexion est collégiale, c’est à l’opérateur et à lui seul de donner l’information ; • par ailleurs, la majorité pense que le secteur privé et les praticiens libéraux sont les premiers concernés par cette obligation, même si dans l’esprit tous le sont. En conclusion, l’annotation dans le dossier, la bonne foi et le témoignage des patientes sont essentiellement mis en pratique, et assez peu le consentement signé. Le flou qui existe concernant les modalités de recueil est essentiellement dû au problème posé par l’exhaustivité, surtout dans le cas de l’accouchement : faut-il, en effet, considérer que l’accouchement entre dans le cadre de l’obligation d’information complète et de recueil du consentement ? Le premier intérêt de ce sondage a été de montrer combien la plupart des gynécologues obstétriciens sont éloignés, dans leur pratique quotidienne, des obligations ou des précautions en matière d’information et de consentement. À ce titre, Nicolas Gombault, directeur juridique du Sou Médical, a rappelé les principes du “ devoir d’information ”. Le devoir d’information est fondamental. Il procède de deux exigences, l’une déontologique et l’autre juridique. La première stipule que, sans information, il ne peut pas y avoir de consentement valable à l’acte médical, et la seconde précise qu’un consentement n’est éclairé et juridiquement recevable que si l’information préalable est claire et intelligible. Deux questions se posent : “ Qui doit informer ? ” et “ De quoi doit-on informer ? ”. L’information pèse et sur celui qui prescrit l’acte et sur celui qui le réalise. L’anesthésiste se doit d’informer de tous les risques de l’anesthésie, au même titre que le chirurgien le fera concernant son intervention et comme le médecin traitant l’aura fait en exposant les différentes possibilités et les risques et avantages de chacune. Aucun d’entre eux ne peut et ne doit le faire pour l’autre. L’information doit porter sur l’état de santé du patient, son évolution probable et les conséquences de la thérapeutique envisagée, dont il sera précisé les conséquences possibles. Ce dernier point est fondamental dans le débat juridique actuel : les risques qui sont inhérents à l’acte, au traitement, à l’investigation, à l’intervention chirurgicale doivent être clairement expliqués au patient. Tout le contentieux juridique actuel en matière d’information repose en effet sur cette notion de risques encourus. La Cour de cassation a précisé dans un arrêt que : “ le patient doit être informé de tous les risques graves quelle que soit leur fréquence ”. Est de ce fait abandonné par les magistrats le critère ancien de la fréquence du risque auquel on se référait. Tout risque, même exceptionnel, doit être mentionné, et la charge de la preuve de cette information pèse sur celui qui la donne. Ainsi, dans un débat juridique, si un juge n’arrive pas à fonder son opinion quant à l’exhaustivité de l’information donnée, le doute profitera à la victime et une condamnation pourra s’ensuivre. La preuve de cette information est au cœur de tous les débats. Le plus souvent orale, elle est dispensée lors du colloque singulier médecin-patient, sans témoin. Comment, dans ce cas, La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002 prouver, lors des débats juridiques, que non seulement l’information a été donnée dans son exhaustivité, mais aussi qu’elle a été parfaitement assimilée et comprise ? L’oral ne suffit pas. La preuve par présomption est trop aléatoire ; quant à l’appel à témoin, il est toujours suspect. Reste la preuve écrite. Sans tomber dans l’excès, on pourrait envisager l’établissement de fiches d’information dans lesquelles l’acte, sa finalité, les avantages escomptés et tous les risques encourus seraient décrits. Le patient le signerait en ajoutant une formule précisant qu’il a reçu la totalité des informations. Dominique Thouvenin, professeur de droit, a ensuite abordé l’aspect juridique de la relation médecin-malade. Elle a insisté sur l’aspect pervers des règles juridiques imposées aux médecins. Les règles juridiques se veulent avant tout des règles sociales visant à instaurer un climat harmonieux entre les citoyens ; or, dans le contexte médical, ces règles sembleraient plutôt devoir générer un climat conflictuel et suspicieux. Pourquoi une telle déviance ? L’obligation d’information n’est pas nouvelle. Ce qui l’est, en revanche, c’est la responsabilité qui en découle et l’obligation d’en apporter la preuve ; comme le précise le discours de la Cour de cassation : “ le médecin doit faire la preuve de l’information ”. Ce biais juridique ne doit pas modifier la relation médecinpatient. Le médecin doit toujours garder à l’esprit que la personne qu’il a en face de lui est un patient qui ne sait pas ; il se doit donc de lui exposer les faits le plus clairement possible afin qu’il puisse faire un choix. Le premier but du colloque singulier, c’est le recueil du choix du patient, de ce qui sera le mieux pour lui, tout en se gardant du risque que les éléments avancés puissent être un jour la base d’un conflit juridique. Il serait catastrophique pour la relation médecin-patient que, lors du colloque singulier, l’interlocuteur soit vu, non comme un patient, mais comme un futur plaideur. Dominique Thouvenin a conclu par un encouragement à la sérénité. Si les règles sont toujours aussi floues et que l’on utilise le biais de l’information, c’est qu’il est bien souvent difficile de faire la démonstration de la déficience de l’activité médicale. La parole a ensuite été donnée à Robert Saury, représentant du Conseil national de l’Ordre, pour aborder le versant déontologique de la profession. Un vieil adage juridique enseigne que “ la plume est serve et la parole est libre ”. Parallèlement à cela, le Code civil, dès 1804, précisait que, pour qu’un contrat soit valable, il faut qu’il y ait eu échange d’informations entre les parties. Il est surprenant que cette obligation d’information étonne les médecins. Cette réaction du corps médical amène plusieurs réflexions. • Le défaut d’information n’est qu’un des éléments de la faute médicale. Encore faut-il qu’il ait un rapport avec le préjudice. La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002 La commission d’une faute, en revanche, est l’élément essentiel de la mise en jeu de la responsabilité médicale. • La mise en jeu de la responsabilité médicale relève, le plus souvent, de trois motivations du patient : un tiers demande “ quel est l’imbécile qui a fait ‘ça’ ” ; le patient prétend ne pas avoir été informé ; l’attrait de l’indemnisation. • Comment va-t-on informer ? L’écrit doit être le moyen d’informer, d’expliquer, à condition que le document d’information ne devienne pas un contrat au même titre qu’un acte notarié. Une telle attitude, d’une part, risquerait d’être mal interprétée par les magistrats (si l’absence de preuves peut être préjudiciable, l’excès de preuves est suspect), et surtout dénaturerait la relation de confiance entre le médecin et son patient. La fiche d’information remise au patient reste un excellent moyen pour prouver qu’il y a eu information. En cas de refus, pour garder la preuve qu’il y a eu explication et refus, il faut transmettre au Conseil de l’Ordre le refus et la raison pour laquelle le praticien se dégage de l’obligation de soins à l’égard de son patient. Informer le patient est essentiel : il faut répondre à son besoin d’explications. On n’explique jamais assez. Au nom du Collège national des gynécologues obstétriciens, François Goffinet s’est ensuite exprimé. Une information claire et loyale est nécessaire ; elle implique une réflexion concertée sur les modalités de sa délivrance et du recueil du consentement. L’élaboration de fiches d’information s’est faite, dès 1998, sous l’impulsion du Collège national des gynécologues obstétriciens français, notamment sous celle de Fabrice Pierre et de Bruno Carbonne [2]. Deux points sont à noter : l’esprit et le but. L’information est complète, mais sans énumération exhaustive de tout ce qui peut se produire. Il s’agit d’aider les praticiens à donner l’information sans régler ou résoudre les problèmes. Sont exclues les situations d’urgence, qui suppriment tout dialogue véritable médecinpatient. Ces fiches sont essentiellement un moyen positif et didactique de transmettre une information. Elles doivent contribuer à l’évolution de la relation médecin-patient vers un dialogue plus ouvert, et en aucun cas ne doivent être prises comme un instrument de défense. Jamais ce support écrit de l’information ne peut ni ne doit remplacer l’information orale et le dialogue. Informer clairement et loyalement le patient, communiquer avec le médecin traitant, permettre au patient de réfléchir, de revenir poser d’autres questions et, en cas de survenue d’un accident, discuter clairement avec lui sont les bases du colloque singulier médecin-patient. Dans ce contexte, les procédures ne seraient pas supprimées mais assurément bien minimisées. Remplaçant David Serfaty, président des collèges de gynécologie médicale de France, Paule Verdineau a pris la parole pour préciser, au sein de la spécialité, la place particulière, en 17 G Y N É C O L O G matière d’information et de consentement, de la gynécologie médicale. La place de la gynécologie médicale est privilégiée dans ce domaine pour trois raisons : • la relation est assurée, car les patientes ne nous consultent pas seulement pour un acte technique. La relation s’est établie au fil des ans sur la base du dialogue et de la confiance ; • l’acte technique envisagé en accord avec la patiente sera discuté avec un confrère par l’intermédiaire d’un courrier, qui inclura la copie de l’information donnée, tout en sachant que ce dernier donnera, à son tour, une information similaire. La patiente recevra donc une double information sur le même sujet, par deux personnes différentes ; • l’information impose parfois la signature de la patiente, comme dans le tritest de dépistage en début de grossesse. Demeure toutefois le risque de l’incompréhension. Souvent, le praticien pense avoir fait son travail objectivement, mais la patiente ne l’a pas bien compris. Dans certains cas, deux explications, voire plus, sont nécessaires pour informer et, surtout, pour être à peu près certain que l’essentiel, à défaut de la totalité, a été compris. Il existe parfois un fossé entre ce que la ou le gynécologue pense avoir transmis et le vécu de la patiente. De la compréhension plus ou moins grande des explications du médecin par la patiente naît l’incompréhension de cette dernière lors de la survenue d’un résultat différent de celui escompté ou d’une complication. Que dire aussi de l’incompréhension totale de la famille qui, elle, n’a pas assisté à la consultation et ignore l’information donnée ? C’est également dans ce sens que sont allés les propos de Chantal Ramogida. L’information doit être différente pour chaque pathologie. Le consentement, bien souvent, est signé par la patiente sans qu’elle analyse clairement ce qu’elle fait ; elle pense ne pas pouvoir faire autrement : • le médecin le lui demande, donc elle le fait ; • elle n’ose pas demander de plus amples explications. Le fossé est immense entre la patiente, désireuse que son problème soit résolu, et le médecin, qui tente de lui donner la meilleure réponse. L’intervention d’une philosophe était à ce niveau la bienvenue. Anne Langlois a évoqué un autre aspect de l’information. Informer est un devoir déontologique et téléologique, donc en vue d’un objectif. Dans le cas présent, l’information doit permettre d’obtenir un consentement libre et éclairé. Étymologiquement, consentir, cum sentire, signifie sentir ensemble, avoir une opinion ensemble. L’information va permettre de : • créer un univers commun de signification entre un patient et un médecin en dehors duquel aucune prescription ne peut avoir de réalité vécue pour la personne ; • créer une alliance thérapeutique ou, comme l’exprime la Charte du malade hospitalisé, la participation à un choix ; • transformer le patient d’objet de soins en sujet de soins. Le patient acceptera une prescription ou un traitement parce qu’il en aura compris la nécessité. 18 I E E T S O C I É T É L’information doit être réciproque, et le patient se doit de faire confiance au médecin en l’informant complètement. L’authenticité de la relation médecin-patient repose sur une information claire et loyale qui permet, sur la base d’une confiance réciproque, un consentement libre et éclairé à un acte médical, mais aussi la liberté, pour le patient, d’exprimer son refus et d’en discuter avec le médecin dans un dialogue constructif et ouvert. Gérard Lévy, représentant Mme Dominique Gillot, a essayé d’exposer la pensée des autorités de tutelle : “Au fil des ans, la société a évolué, la médecine non; de ce fait, la pratique actuelle de la médecine n’est plus adaptée aux nouvelles exigences de la société. Il est donc impératif qu’elle s’adapte. Le tournant historique, en ce domaine, est l’affaire du sang contaminé. La méfiance à l’égard du corps médical et la montée en puissance des associations de consommateurs ont fait réfléchir la société et le corps médical. Maintenant, le nombre de réunions comme celle-ci augmente et on y rencontre de manière régulière les mêmes personnes. Cela exprime bien qu’il existe une préoccupation, qui ne doit pas être dramatisante et qui doit faire réfléchir. Dans un groupe social, l’ensemble des personnes qui composent ce groupe n’est pas parfait : c’est une vérité première. Alors, première alerte, la multiplication des plaintes, qui a fait prendre conscience au corps médical qu’il avait des devoirs. J’ai toujours dit, et cela n’est pas agressif, que, pour un certain nombre de médecins, la crainte du procès devenait la prothèse de la conscience professionnelle. En fait, si tous les médecins avaient une conscience professionnelle de qualité, ils ne redouteraient pas un procès. L’arrêt Edrol est la prise de conscience par le corps médical dans son ensemble qu’il doit y avoir une communication avec les patients. Nombreux sont ceux qui ne le faisaient pas et que cet arrêt interpelle. Lors des multiples réunions des États généraux du cancer et de la santé, les représentants des personnes malades, les malades reviennent sur le manque de communication et d’information de la part des médecins. Une prise de conscience en ce domaine est indispensable. Les aléas dont on parlait précédemment seront d’autant plus importants qu’on n’aura pas appris à communiquer. Communiquer est une véritable technique, qui ne s’improvise pas. Il faut apprendre. Certains sont plus doués que d’autres. À ce propos, abordons le plan gouvernemental de réformes, dont l’apprentissage de la communication est un volet. Notre devoir de formateur est de donner une bonne formation. Ce n’est pas lorsque les mauvaises habitudes sont prises qu’il faut les corriger ; l’enseignement, c’est donner de bonnes habitudes dès le départ. Il s’agit de donner une bonne formation médicale et une bonne pratique de la communication. Le deuxième point est la loi de modernisation du système de santé et de la défense des droits des malades, qui comporte une série de mesures qui ont d’emblée irrité beaucoup de médecins. La communication de leur dossier aux personnes malades les inquiétait. Peu à peu, le corps médical s’est fait à l’idée que ce n’était pas une arme, mais une façon de responsabiliser le patient. La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002 Le dernier point concerne l’aléa thérapeutique. Mme Dominique Thouvenin disait tout à l’heure qu’en matière de circulation routière les choses sont beaucoup plus simples, car il y a des règles précises. C’est exact, et il y a aussi des assurances extrêmement bien structurées, où chacun sait qui indemnise qui et quoi. Dans le corps médical, il est difficilement imaginable que la profession soit chargée, via ses assurances, dont les primes augmentent sans arrêt, d’indemniser les personnes malades victimes d’un accident, dans la survenue duquel la responsabilité médicale n’est pas en cause. C’est ce qu’on appelle l’aléa. Et l’aléa existe en médecine : cela peut être une catastrophe individuelle comme il existe des catastrophes naturelles collectives et, à ce titre, il doit être indemnisé. Ainsi que nous l’a dit M. Gombaut, cet aléa fait encore l’objet d’arbitrage. Cependant, dans le projet de modernisation du système de santé, en cours d’élaboration, l’aléa thérapeutique va devenir une réalité. Il restera encore un point obscur, toujours le même : les modalités de financement de l’indemnisation. En conclusion, nous nous inscrivons dans une évolution de la société. Il faut y répondre avec philosophie et réflexion. Il est normal que les professionnels du monde médical soient formés pour répondre aux besoins et aux demandes de cette nouvelle société, qu’ils réfléchissent sereinement, sans crainte ni levée de boucliers inappropriées. Informer les personnes malades ne fera pas disparaître la confiance, bien au contraire. Ce qui est crucial, cependant, c’est la manière dont on délivrera l’information. La relativisation du risque et l’objectivité de l’information donnée permettront de préserver le dialogue, ce colloque singulier si important dans la relation médecin-malade et dans la conduite du traitement. ” Voici à présent quelques mots de conclusion, que nous emprunterons à Alain Proust, chargé de la synthèse de cette table ronde : “ Les choses évoluent ; tout le monde, chacun dans son domaine, réfléchit. Nous avons peur d’être confrontés à des procès sans avoir commis de faute. Un véritable travail est à réaliser dans la définition de la faute médicale pour que nous n’échappions pas, sous le couvert du recours aux avocats et aux magistrats, à ce qui est de notre responsabilité propre : faire de la relation médecin-patient une relation de confiance et un des éléments fondateurs du lien social dans la pratique médicale quotidienne. Notre première responsabilité est le devoir d’information que nous avons vis-à-vis de nos patients et que nous devons remplir. Mais, comme le professeur Gérard Lévy a l’habitude de dire, n’oublions pas que ‘ le consentement éclairé dépend du nombre de lampes que l’on allume ’. Au-delà de ce point, souvenons-nous que nous sommes là pour faire de la médecine, que l’on peut être informé et consentant sans pour autant guérir ”. ■ Evestrel La Lettre du Gynécologue - n° 270 - mars 2002 19