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Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique
N°137 : Mai 2011
Recherche sur l’embryon humain : un espoir européen
Dans une lettre ouverte parue le 28 avril
2011 dans la revue Nature, 13
scientifiques européens travaillant sur des
cellules souches embryonnaires humaines
(CESh) se disent préoccupés par une
potentielle interdiction au niveau européen
de la brevetabilité des innovations utilisant
des CESh. Le 10 mars 2011, l’avocat
général de la Cour de Justice de l’Union
Européenne Yves Bot a en effet rendu un
rapport qui conclut clairement que la
brevetabilité et l’utilisation à des fins
industrielles ou commerciales de
l’embryon humain et des CESh est
"contraire à l’éthique et à l’ordre public".
Pour les signataires de l’appel de Nature,
une telle interdiction mènerait l’industrie
pharmaceutique, privée de propriété
intellectuelle, à se tourner vers d’autres
marchés que le marché européen pour
développer des techniques à partir de
CESh.
Signée entre autres par le chercheur
français Marc Peschanski, cette lettre rend
un écho particulier en France, à la veille
du passage en seconde lecture du projet
de loi de bioéthique, alors que tous
attendent de voir si l’Assemblée nationale
va entériner l’autorisation de la recherche
sur l’embryon humain votée au Sénat.
L’affaire Brüstle vs Greenpeace
L’avis de l’avocat général a été publié
dans le cadre de l’affaire opposant le
chercheur allemand Oliver Brüstle,
détenteur d’un brevet pour une méthode
de conversion des CESh en cellules
nerveuses, à l’association Greenpeace.
Cette dernière avait introduit une action en
justice en Allemagne, estimant que ce
brevet était en contradiction avec la
directive 98/44 de l’Union Européenne qui
prévoit que "les utilisations d’embryons
humains à des fins industrielles et
commerciales " sont exclues de la
brevetabilité. Condamné, M. Brüstle avait
fait appel à la juridiction de renvoi, laquelle
a demandé à la Cour de Justice de l’Union
Européenne de définir ce qu’il convient
d’entendre par "embryons humains" et par
"utilisation d’embryons humains à des fins
industrielles et commerciales. "
Les conclusions d’Yves Bot
Les réponses proposées par Yves Bot
reposent sur le principe selon lequel les
Etats membres doivent se soumettre à la
directive 98/44 dans la mesure où l’Union
Européenne n’"est pas qu’un marché à
réguler, mais a aussi des valeurs à
exprimer". Cette directive doit être
interprétée conformément aux conclusions
suivantes :
- La notion d’embryon humain s’applique
dès le stade de la fécondation à toutes
les cellules embryonnaires totipotentes,
car la caractéristique essentielle de
celles-ci est de pouvoir évoluer en un
être humain complet ;
- Une invention doit être exclue de la
brevetabilité lorsque la mise en œuvre
du procédé technique soumis au brevet
utilise
des
cellules
souches
embryonnaires dont le prélèvement a
impliqué la destruction ou même
l’altération de l’embryon, et ce "même si
la description de ce procédé ne contient
aucune
référence
à
l’utilisation
d’embryons humains". En effet, pour
obtenir des lignées de cellules souches
embryonnaires, on prélève des cellules
sur "l’embryon humain au stade de
blastocyste" ce qui "implique forcément
la destruction de l’embryon humain.
Donner une application industrielle à une
invention utilisant des cellules souches
embryonnaires reviendrait à utiliser les
embryons humains comme un banal
matériau de départ" ;
- "L’exception
à
l’interdiction
de
brevetabilité des utilisations d’embryons
humains à des fins industrielles ou
commerciales concerne les seules
inventions
ayant
un
objectif
thérapeutique ou de diagnostic qui
s’appliquent à l’embryon et lui sont
utiles" ;
- Il définit enfin "l’utilisation de l’embryon à
des fins industrielles ou commerciales"
comme impliquant une "production à
grande échelle" ou encore la "culture de
cellules destinées à des laboratoires
pharmaceutiques".
L’utilisation
de
cellules souches embryonnaires à des
fins de modélisation de pathologies ou
criblage de molécules, usages pour
lesquels les scientifiques réclament
l’autorisation de la recherche sur
l’embryon humain en France, serait donc
interdite.
Conclusion
L’avis du procureur Yves Bot a été soumis
à l’appréciation des treize juges de la Cour
de Justice de l’Union Européenne. Ils
doivent rendre leur décision dans les
semaines à venir. Si elles étaient suivies,
les conclusions du procureur pourraient
avoir une forte répercussion sur les
pratiques européennes en matière de
recherche sur l’embryon.
L’Education nationale adopte le pass contraception
Le "pass contraception" envahit les lycées
français région après région. Lancé le 26
avril 2011 par le président du Conseil
régional d’Ile-de-France Jean-Paul Huchon
(PS), ce dispositif qui vise à faciliter l’accès
à la contraception pour les lycéens a
également été autorisé en PoitouCharentes le 2 mai. Le conseil régional de
Rhône-Alpes envisage de l’adopter lui
aussi mais en l’étendant aux étudiants et
aux apprentis. Le ministre de l’Education
nationale Luc Chatel, initialement opposé
Gènéthique - n°137 – Mai 2011
à cette initiative proposée en novembre
2009 par Ségolène Royal, semble
désormais la considérer comme une
mesure phare de la prévention des
avortements chez les mineures. Une
position controversée qui mérite quelques
éclaircissements.
Pass contraception : qu’est-ce ?
Le pass contraception consiste en un
ensemble de coupons remis aux lycéens
qui le demandent par l’infirmière scolaire
de leur établissement et leur donnant
accès gratuitement et anonymement à la
contraception pour une durée de 3 à 6
mois. Consultations médicales, analyses,
pilule, implant, stérilet, patch, etc. sont
compris dans le pass, les différents
professionnels impliqués dans le dispositif
étant remboursés par la région.
Une solution à l’IVG ?
Cette mesure vise à endiguer les quelques
13 200 avortements de mineures annuels,
un chiffre en constante augmentation.
Pourtant, diverses analyses montrent qu’il
n’y a pas de rapport automatique entre
accès à la contraception et baisse des
IVG. Nathalie Bajos, directrice de
recherche à l’Inserm, rappelle que
l’augmentation du nombre d’avortements
n’est pas due à un mauvais recours à la
contraception mais à une "norme
procréative" qui a changé. "Aujourd’hui,
pour un même taux de grossesses non
prévues, on recourt plus facilement à
l’IVG", précise-t-elle en notant qu’on est
passé de 65% de grossesses non désirées
interrompues en 1990 à 79% en 2005
chez les 14-15 ans et de 54% à 67% chez
les 16-17 ans sur la même période.
La
Confédération
nationale
des
Associations
familiales
catholiques
(CNAFC) fait le même constat, soulignant
que "cette situation tient au fait que le
recours à l’avortement prend naissance en
particulier dans des conceptions erronées
de la sexualité qui procèdent de la même
logique que celle pouvant justifier le
recours à la contraception".
L’enjeu n’est donc pas tant de renforcer
l’accès à la contraception que de "changer
le discours sur la sexualité. (…) Plus on a
un discours positif, qui insiste sur le lien, le
partage, le respect de l’autre, et moins il y
a de grossesses non désirées", conclut
Nathalie Bajos. La CNAFC, plaide elle
aussi pour une "véritable éducation
affective, relationnelle et sexuelle des
jeunes", redoutant que le pass
contraception soit un "parapluie derrière
lequel on s’abrite" pour ne plus s’occuper
de l’éducation à l’amour.
Autorité parentale confisquée
La mise en place de ce dispositif a suscité
une vive inquiétude au sein des
associations de parents d’élèves. "Il ne
faut pas se substituer aux parents", a
protesté la présidente de la Fédération des
Parents d’élèves de l’enseignement public
(PEEP), Claudine Caux. Alors que les
parents auraient besoin d’être confortés
dans leur mission d’accompagnement de
leurs enfants dans l’acquisition de
l’autonomie et de la responsabilité, le pass
contraception les exclut de leur rôle de
premiers
éducateurs.
Suisse : quelques repères sur l’assistance et l’incitation au suicide
Le 15 mai 2011, les habitants du canton
de Zurich ont été invités à voter, dans le
cadre d’une consultation populaire sur
l’aide et suicide et le "tourisme de la mort".
En Suisse, l’incitation et l’aide au suicide
sont en effet autorisées par l’article 115 du
Code pénal à condition qu’elles ne
relèvent pas d’un "mobile égoïste". Une
disposition étonnante dont les associations
Dignitas et Exit ont su tirer profit pour
installer leur "commerce" de "l’aide au
suicide" : depuis sa création, Dignitas a
ainsi "aidé" 1138 personnes dont 76%
étaient venues de l’étranger. En 2010,
l’association Exit compte à son actif 257
suicides
assistés
de
citoyens
helvétiques…le tout moyennant finances.
Malgré des pratiques toujours plus en
marge de la légalité, les Zurichois ont
rejeté les deux initiatives qui leur étaient
proposées pour encadrer plus strictement
les activités de ces associations.
Sur ces questions controversées, le court
ouvrage de Michel Salamolard intitulé
L’incitation et l’aide au suicide1, fournit des
critères précieux.
Dignité, liberté, compassion
La légalisation du suicide assisté est
revendiquée – en Suisse comme ailleurs
en Europe – au nom de valeurs
humanistes et universelles : la dignité
humaine, la liberté individuelle et la
compassion agissante. Autant de motifs
fondés sur des abus sémantiques et
intellectuels.
En effet, la dignité de la personne
humaine est inaliénable et rien ne saurait
la lui ôter. Or, aveuglée par la détresse, la
personne qui se suicide, loin d’agir en
conformité avec sa dignité, reconnaît
implicitement que la dignité humaine n’est
ni inconditionnelle ni absolue, mais dépend
de l’appréciation personnelle de sa propre
vie. En revanche, c’est bien lucidement et
objectivement que les personnes qui
commettent une aide au suicide nient la
dignité
humaine.
La
revendication
d’une
liberté
individuelle comme fondement d’un "droit
au suicide assisté" relève également d’une
confusion. En effet, la liberté ou le droit ne
consistent pas à pouvoir concrètement
faire quelque chose mais à pouvoir choisir
entre plusieurs biens. Quelle que soit la
capacité de discernement du suicidé, sa
décision n’est jamais libre car elle ne
relève jamais d’un choix véritable : il veut
se suicider car il a l’impression de ne pas
avoir d’autre choix pour préserver sa
dignité.
L’aide au suicide ne peut enfin invoquer la
compassion pour se justifier. En effet,
une bonne intention ne peut assurer à elle
seule la bonté de l’aide apportée. C’est
l’acte auquel on décide d’apporter son aide
qui détermine si celle-ci est bonne ou pas.
L’aide au suicide ne peut donc "être traitée
comme une aide parmi d’autres, sans
considération de l’acte qu’elle rend
possible, le suicide", c’est-à-dire la
négation de la personne.
Conclusion
"Dans les cas de détresse tels que
maladie incurable ou fin de vie, seuls les
soins palliatifs, prodigués avec amour et
respect, honorent pleinement la dignité
humaine", conclut l’auteur qui rappelle que
face au désir de mort, la seule réaction
juste et solidaire est celle qui s’efforce de
soutenir la vie et le goût de vivre par tous
les moyens possibles et honnêtes.
1- M. Salamolard, L’incitation et l’aide au suicide, éd.
Saint Augustin, coll. « Aire de famille », août 2010
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune – 37 rue des Volontaires, 75 725 Paris cedex 15.
Siège social : 31 rue Galande, 75 005 Paris - www.genethique.org – Contact : [email protected] – Tél. : 01.44.49.73.39
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Cécile Bonavia - Imprimerie PRD S.A.R.L. – N° ISSN 1627 - 498
Gènéthique - n°137 – Mai 2011
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