
Tania SOLLOGOUB
n°10 – avril 2011
4
Graphique 5 – Une intégration internationale de la Turquie
dans les flux commerciaux et une montée des vulnérabilités
externes (part des exportations et des importations dans le
PIB)
0
5
10
15
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30
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1964
1967
1970
1973
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
Exportations Importations
% du PIB
Sources : Turkstat, statistical handbook 2010, Crédit Agricole S.A.
Vers une diversification sectorielle
des investissements directs étrangers ?
L’une des façons de réduire cette vulnérabilité externe et
de faire évoluer le profil industriel turc serait de réorienter
les investissements directs soit vers le marché intérieur,
soit vers des marchés extérieurs autres que l’Europe.
A partir des années 2000, les investisseurs ont
accompagné la croissance, concentrés dans le secteur
financier (44% du stock investi entre 2005 et 2009) suivi
par les activités de logistique et de distribution (23%) puis
par l’énergie (6%) et l’agroalimentaire (5%). Aujourd’hui, la
promesse d’un marché intérieur devrait attirer les flux
surtout dans ces trois derniers secteurs – bien que la
pénétration du secteur agroalimentaire soit difficile pour
les investisseurs étrangers, car les acteurs locaux y ont
souvent acquis une position dominante, en particulier dans
les boissons ou la filière viande. Une telle modification
sectorielle de l’investissement direct permettrait de
déconnecter les importations des exportations4 et donc de
réduire la dynamique de déficit externe, qui s’accumule à
chaque fois que la croissance redémarre.
Enfin, le développement de ce marché intérieur
commence à faire apparaître de nouvelles spécialisations
industrielles destinées au marché domestique. Dans le
secteur automobile, la production est surtout destinée aux
exportations mais le décollage de la croissance turque a
stimulé depuis 2004 la production de petits véhicules
utilitaires très adaptés à la taille des entreprises (PME)
ainsi qu’aux besoins de certains secteurs en plein
décollage (boissons). C’est un des meilleurs exemples de
l’adaptation d’un secteur industriel à la modification de la
demande intérieure et à la hausse des revenus. Cela
devrait aussi permettre à la Turquie d’exploiter des
marchés d’exportation tels que la Russie ou le Caucase,
qui ont à peu près les mêmes besoins (par exemple
l’explosion du secteur du discount russe après la crise de
2009 va conduire à l’achat d’un parc de petits véhicules
utilitaires, qui peuvent être importés de Turquie).
4 Selon le FMI (voir revue article IV juillet 2010), la part des
importations destinées à la fabrication des produits d’exportation
a augmenté.
Graphique 6 – Décollage du secteur automobile turc
2 000
202 000
402 000
602 000
802 000
1 002 000
1971
1974
1977
1980
1983
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
automobile camionnettes camions
nombre de véhicules
Sources : Turkstat, statistical handbook 2010, Crédit Agricole S.A.
1.3 - Les anticipations des consommateurs amplifient
la crise mais soutiennent ensuite la reprise
La hausse du PIB par habitant peut modifier les
composantes de la croissance turque : parce que les
anticipations des agents sont en train de changer et parce
que cela va influencer leur comportement.
En 2009, habitués aux crises de change historiques, les
Turcs ont réagi fort et vite, en réduisant immédiatement leur
consommation et leurs investissements. La crise, venue de
l’extérieur, a donc été relayée par le canal des anticipations :
tous les indicateurs de confiance se sont effondrés. Mais
contrairement à 2001, quand la crise de la dette publique
s’était transformée en crise bancaire et donc en crise
systémique, cette fois, le canal financier de transmission est
limité, car le secteur bancaire est en bonne santé. Les
enchaînements systémiques sont inexistants, ce qui n’est
pas le cas dans la plupart des autres pays européens.
Encadré 1 - Les banques : un avantage comparatif
Cause de la crise en 2001, le secteur bancaire a, au contraire,
limité la transmission du choc mondial de 2009.
La plupart des indicateurs prudentiels bancaires ressortent
favorablement (crédits/dépôts à 70%, ratio de solvabilité –fonds
propres/actifs pondérés– à 18%, taux de crédits non performants à
5% du total). Ils expliquent à la fois la faible transmission de la crise
financière de 2009 mais aussi la forte réactivité de l’économie aux
mesures de stimulation monétaire.
La croissance des crédits à la consommation (35% en 2010) devrait
se poursuivre en 2011 et elle devient une composante importante
du PIB. Plus généralement d’ailleurs, la financiarisation de
l’économie turque est en train de s’accélérer : 52% des entreprises
financent aujourd’hui leurs investissements grâce à des prêts
bancaires contre 30% en 2005 (et respectivement 5,5% et 8,8% en
Egypte ou en Algérie).
Cette accélération du crédit laisse aussi redouter une dégradation
de la qualité des actifs bien que le stock de crédits rapporté au PIB
ne soit pas encore très élevé –40% du PIB au total et 14% pour les
crédits à la consommation. Les créances douteuses s’accumulent
plus vite dans les plus petites entreprises, dans le secteur des
cartes de crédits (taux de NPL à 10%) et des crédits automobiles
(ces tendances étaient déjà sensibles avant la crise de 2009).
Il faudra également surveiller l’accélération attendue des crédits
immobiliers bien que les prêts dans ce secteur ne représentent que
5% du PIB en 2009 contre une moyenne de 43% dans l’UE. En
2010, la construction a redémarré plus vite que prévu, dès le
second semestre, et elle restera portée par une triple dynamique :
le développement de l’immobilier individuel, les chantiers
d’infrastructures publiques et les nouveaux marchés d’Asie
centrale, de Russie, d’Azerbaïdjan et d’Ukraine.