Philosophie des sciences Plan du cours Page 4/48
Base empirique, hypothèses et expériences cruciales
La théorie de Popper n’est pas exempte de problèmes.
1. Elle se veut une logique de la découverte scientifique, et pas une description historique
du développement de la science.
2. Si on appliquait le falsificationnisme à la lettre, presque toute théorie serait réfutée dès
sa naissance.
3. Problème de la base empirique.
4. Les défenseurs d’une théorie attaquée peuvent aussi chercher à immuniser leur théorie
par des hypothèses complémentaires.
Illustrons ces problèmes par un exemple, emprunté à
nouveau à Carl Hempel, celui des expériences de Torricelli
et de Pascal sur la pression de l’air. Comme on le savait à
l’époque de Galilée, et sans doute bien avant, une simple
pompe, qui aspire l’eau d’un puits au moyen d’un piston qui
s’élève à l’intérieur du corps de la pompe, ne fera pas monter
l’eau à plus de 10 mètres 33 au-dessus de la surface du puits.
Après la mort de Galilée, son disciple Torricelli avança une
solution. La Terre, raisonnait-il, baigne entièrement dans un
océan d’air qui, en raison de son poids, exerce une pression
sur la surface de la Terre ; et, quand celle-ci s’exerce sur la
surface de l’eau d’un puits, elle fait monter cette eau dans le
corps de la pompe si l’on élève le piston. La hauteur
maximum de 10 mètres 33 de la colonne d’eau dans le corps
de la pompe correspond simplement à la pression totale de
l’air atmosphérique sur la surface de l’eau du puits.
Torricelli pensa que si sa supposition était vraie, la pression
de l’atmosphère serait aussi capable de faire contrepoids à
une colonne de mercure proportionnellement plus courte.
Pascal eut l’idée d’une autre implication de cette hypothèse que l’on pourrait vérifier. Si le
mercure du baromètre de Torricelli, raisonnait-il, fait contrepoids à la pression de l’air sur la
surface libre de la cuve à mercure, sa hauteur devrait décroître quand l’altitude augmente,
puisque le poids de l’air au-dessus de la cuve devient plus faible. A la demande de Pascal,
cette implication fut examinée par son beau-frère, Périer : il mesura la hauteur de la colonne
de mercure dans le baromètre de Torricelli au pied du Puy-de-Dôme.
Avant que Torricelli n’introduisît sa conception de la pression d’un océan d’air, on expliquait
l’action de la pompe aspirante par l’idée que la nature a horreur du vide. Quand Pascal écrivit
à Périer pour lui demander de réaliser l’expérience du Puy-de-Dôme, il allégua que le résultat
qu’il en attendait constituerait une réfutation décisive de cette conception. Mais Pascal
supposait acquise l’hypothèse auxiliaire suivant laquelle l’intensité de cette horreur est
indépendante du lieu.
L’exemple de Torricelli-Pascal nous montre que les hypothèses ne viennent jamais seules et
qu’une partie importante du travail scientifique consiste à isoler les hypothèses que l’on veut
tester, autrement dit à s’assurer qu’il n’y a pas de variables cachées ou parasites.
Prenons un autre exemple, qui a eu des conséquences historiques importantes. L’astronome
Tycho Brahé, dont les observations précises fournirent à Kepler la base empirique de ses lois