DIMENSIONS SOCIO-ECONOMIQUES DE LA
GESTION DES DECHETS
TURIN – 08/09 AVRIL 2002
ECONOMIE SOCIALE ET GESTION DES DECHETS
MENAGERS
Martine GILLET
Office wallon des déchets1
1. INTRODUCTION
Le développement des modes de production et de consommation des économies
industrialisées entraîne une forme de croissance aggravant les inégalités sociales. Tel est le
constat fait par le chapitre IV du plan d’Action 21, programme politique de la communauté
internationale adopté lors du Sommet de la Terre en 1992.
Cet accord international, appelé aussi « Agenda 21 », en déduit que la modification de ces
modes de production et de consommation exigera de mettre en place une stratégie à plusieurs
objectifs, axée sur la demande et la satisfaction des besoins essentiels des groupes les plus
défavorisés ainsi que sur la réduction du gaspillage et l'utilisation la plus limitée possible de
ressources dans les processus de production. Cette stratégie comportera notamment des
mesures formulées dans le cadre de politiques nationales et internationales cohérentes ayant
pour effet de :
- promouvoir une meilleure utilisation de l'énergie et des ressources;
- réduire au minimum la production de déchets;
- orienter les choix des particuliers et des ménages vers des produits écologiquement
rationnels;
- orienter la consommation par le biais des marchés publics;
- s'orienter vers des systèmes écologiquement rationnels de fixation de prix;
- renforcer les valeurs propres à favoriser des modes de consommation rationnels.
1 Le présent texte n'engage pas la responsabilité de l'institution publique ou organes consultatifs au service
desquels travaille l'auteur.
Cette stratégie de développement durable reposera aussi sur une série de principe nouveaux
comme le principe d’intégration. L’adoption de ce principe part du constat que la
segmentation de la politique, qui conduit à définir et gérer les politiques sociale,
environnementale et économique indépendamment les unes des autres (voire même à placer
les deux premières au service de l'économie), ne donne pas des résultats durables. En effet, la
séparation des approches permet de reporter les coûts d’une politique sur l’une ou l’autre
politique voisine, car le type d'intégration recherché par un mode de développement durable
n'est pas spontanément rentable pour le marché, bien au contraire.
Seule une régulation appropriée et le recours aux instruments économiques peuvent assurer
une intégration des politiques qui rende accessible simultanément des doubles ou multiples
dividendes de leurs impacts (social, environnemental et économique).
L'économie sociale active dans la gestion des déchets est au coeur de ce sujet car elle pose les
questions importantes suivantes : Est-il souhaitable de faire de la gestion des déchets un
vecteur d'intégration sociale ? A quel coût ce projet peut-il se réaliser et qui compte en payer
la facture ? Répondre à ces questions, c’est déterminer le degré de volonté du monde
politique de résister aux tendances du marché et de lui donner des balises afin que ce ne soit
pas le marché qui impose unilatéralement sa logique et ses finalités propres.
2. ETAT DE SITUATION
2.1. Le concept de l'économie sociale bénéficie d'une légitimité qui n'est plus discutable; il
est repris dans des textes officiels des institutions européennes et six ministres
européens ont l'économie sociale, citée comme telle, parmi leurs attributions.
Il cherche à compléter une vision de l'activité économique basée sur le secteur privé
classique d'une part et sur le secteur public d'autre part en affirmant l'existence et
l'importance d'un troisième secteur dans la perspective d'une économie plurielle.
Cependant, si la notion de "tiers secteur" semble admise au niveau international, son
interprétation diverge selon les sensibilités : la conception du monde anglo-saxon est
plus orientée vers une vision caritative tandis que le courant francophone est
davantage centré sur l'économie.
C'est pourquoi les acteurs de l'économie sociale souhaitent une clarification et une
meilleure visibilité de leur spécificité au niveau européen et réclament des statuts pour
les entreprises d'économie sociale ainsi que des instruments juridiques européens
permettant de créer des groupes européens d'entreprises d'économie sociale.
En Région wallonne, les principes fondateurs déterminant leur spécificité ont été
définis par le Conseil wallon de l'économie sociale :
- finalité de service aux membres à la collectivité plutôt que le profit
- autonomie de gestion
- processus de décision démocratique
- primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des
revenus.
Soulignons que, selon la définition du VOSEC2, il conviendrait d'ajouter un critère lié au
développement durable respectueux de l'environnement.
2.2. L'objectif premier poursuivi par bon nombre d'entreprises d'économie sociale actives
dans la gestion des déchets en Région wallonne est l'insertion et la formation socio-
professionnelle ou la lutte contre l'exclusion. Seules deux institutions poursuivent un
objectif avant tout environnemental :
Objectif premier poursuivi Nombre d'institutions
Insertion et formation socio-
professionnelle 10/22
Protection de l'environnement 2/22
Lutte contre l'exclusion 9/22
Vie communautaire 1/22
Source : Université de Liège – Centre d'économie sociale3 (juin 2001)
Il faut remarquer que le recensement de ces entreprises est en constante évolution.
2.3. Les trois flux de déchets les plus souvent concernés par les activités des entreprises
d'économie sociale, sont les déchets encombrants, les textiles et les déchets électriques
et électroniques car ils se prêtent le plus facilement à la réutilisation et à la revente de
seconde main. Des activités de collecte et de tri peuvent également aboutir à la vente
de déchets triés à des entreprises privées qui en effectuent le traitement; c'est
notamment le cas pour les déchets de papiers.
2.4. Les activités de collecte, de tri et de réutilisation de déchets sont des activités fort
intensives en main-d'oeuvre, principalement non qualifiée. Au 01/07/01, le nombre
d'emplois salariés recensés par l'asbl RESsources4 s'élève à 1203 personnes
correspondant à 966 équivalents temps plein dont l'activité est spécifiquement dédiée
au domaine des déchets.
En outre, plus de 1822 bénévoles (totalisant 351 équivalents temps plein) sont actifs
dans ces entreprises; leur présence est souvent indispensable à leur bon
fonctionnement.
2 VOSEC "Vlaams Overlegplatform Sociale Economie & Meerwaardeneconomie" a été créé en 1997 pour
répondre au besoin d'une plate-forme structurée de concertation entre les acteurs de l'économie sociale en Région
flamande.
3 "Economie sociale et gestion des déchets" Faculté d'Economie, de Gestion et de Sciences Sociales de
l'Université de Liège – Centre d'Economie Sociale, rapport de recherche réalisé à la demande du Ministère de la
Région wallonne – Office wallon des déchets – juin 2001."
4 RESsources est une asbl ayant pour mission de développer l'économie sociale dans le secteur des déchets en
Région wallonne.
2.5. Depuis quelques années déjà, ces entreprises d'économie sociale connaissent des
difficultés grandissantes, voire des problèmes de survie pour certaines de leurs
activités. Ces problèmes sont liés à une évolution du marché dans le secteur des
déchets ainsi qu'aux conséquences de l'application de nouveaux principes dans la
politique de gestion des déchets.
2.5.1. Evolution du marché des déchets
2.5.1.1. Concurrence de plus en plus forte sur le marché des déchets
Il y a 20 ans, lorsque les initiatives d'économie sociale se sont tournées vers la
récupération des déchets, le secteur des déchets ménagers concernait soit des
intercommunales, soit de petites et moyennes entreprises de collecte. Par le
fait des stratégies de rachat, le secteur des déchets est à présent dominé par
quelques grands groupes industriels internationaux pour qui les déchets
représentent un créneau important. Il est donc devenu plus difficile pour
l'économie sociale de s'imposer, compte tenu des armes dont disposent les
entreprises multinationales ayant pour objectif premier la maximalisation des
profits financiers et non le développement d'un projet social axé sur la
formation et la réinsertion.
2.5.1.2. Variations importantes du prix du papier et du textile
Les entreprises d'économie sociale se trouvent souvent confrontées à des
marchés où les prix sont définis par des contraintes extérieures voire par des
équilibres déterminés au niveau mondial et où les périodes de faible
conjoncture sont parfois fort longues. Dans ce contexte, les prix offerts par le
marché peuvent rester longtemps très bas au point de décourager les initiatives
de collecte (cfr. les collectes de papiers/cartons par exemple). De plus, en ce
qui concerne le textile, une proportion assez élevée des vêtements récoltés est
vendue aux pays en voie de développement, ce qui peut parfois entraîner des
problèmes de trésorerie car les commandes sont souvent payées avec un retard
important.
2.5.2. Application de nouveaux principes dans la politique de gestion des déchets
2.5.2.1. Le principe de la responsabilité du producteur et l'obligation de reprise
Consacré au niveau européen, le principe de la responsabilité du producteur va
considérablement modifier le paysage du secteur des déchets.
EXTRAIT DE LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION
EUROPEENNE CONCERNANT LE REEXAMEN DE LA STRATEGIE
COMMUNAUTAIRE POUR LA GESTION DES DECHETS DU
30.07.1996
24. Une politique préventive visant à éviter la production des déchets doit
commencer par le produit et son procédé de fabrication. La
problématique de la gestion des déchets doit être pleinement prise en
compte dès le stade du développement ou de la conception du produit.
Pour qu'une action soit efficace, il faut qu'elle porte sur l'ensemble du
cycle de vie du produit, de la production à l'élimination finale, en
passant par la collecte, la réutilisation et le recyclage.
25. Par le passé, les coûts et la responsabilité des produits une fois qu'ils
étaient devenus des déchets étaient traditionnellement supportés soit par
l'environnement, soit par le contribuable. Or, cette approche n'est pas
compatible avec les principes établis par l'article 130R du traité CE, et
notamment les principes de précaution et d'action préventive, le
principe polleur-payeur et le principe de la correction, par priorité à la
source, des atteintes à l'environnement.
26. Ces principes essentiels doivent permettre de couvrir l'ensemble du
cycle de vie des substances, composants et produits, de leur production
à leur mise au rebut et pendant toute leur durée de vie utile. Cet objectif
ne peut être atteint que si la responsabilité incombe aux acteurs
économiques qui peuvent apporter la plus grande contribution à la
protection, à la sauvegarde et à l'amélioration de la qualité de
l'environnement.
L'application de ce principe va donc établir de nouveaux flux de matériaux et de
capitaux liés au développement de nombreux produits et de nouvelles filières.
Les pressions croissantes en faveur de politiques d'optimisation de l'utilisation
des ressources naturelles et, en particulier, de leur utilisation en circuit fermé,
auront, entre autres, pour effet d'accroître les activités de collectes sélectives, de
recyclage et de réutilisation, créant par-là même de nouvelles opportunités en
termes d'activités économiques et de création d'emplois. De nouvelles
perspectives sont donc également espérées dans le domaine social.
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