Dissertation :
« L’Etat-Nation est dépositaire d’un héritage de valeurs, de mémoire, de mœurs, de grands textes, de références culturelles
enseignées et transmises sans lequel il n’est pas de communication, donc pas de société possible. Dans un monde
multinational, donc hétérogène, et dans un système international privé de gouvernance mondiale, chaque héritage national a
grandement besoin du cordon protecteur de l’Etat-Nation et aussi de son rôle de promotion. »
Panayotis Soldatos, « Réflexions sur le devenir de l’Etat-Nation : phénomènes de crise et rationalisation », dans P. Soldatos et
J.-C. Masclet (dir.), L’Etat-nation au tournant du siècle : les enseignements de l’expérience canadienne et européenne, Chaire
Jean Monnet, Presses de l’Université de Montréal, 1997.
Que pensez-vous de ces propos ?
L’Etat est la forme d’organisation du politique qui s’est développée - à partir de la Renaissance - en
Europe occidentale. Il s’est ensuite exporté dans le monde entier jusqu’à devenir aujourd’hui le mode
d’organisation politique dominant. Il se confond souvent avec une nation, c’est-à-dire avec un peuple, une
communauté humaine unie par la conscience d’une appartenance à un même groupe, que ce groupe ait en
commun une langue , une culture, des mœurs, une religion, une histoire partagée, des valeurs communes,
ou une combinaison de plusieurs de ces facteurs.
L’Etat-Nation constitue donc la coïncidence entre une notion d’ordre identitaire, la nation et une notion
juridique (l’Etat) traduisant l’existence d’une forme de souveraineté.
En France, le modèle de l’Etat-nation s’est développé sous la IIIe République, avec comme principaux
traits constitutifs l’égalité des citoyens, la laïcité, le service public avec toutes les exigences d’impartialité
et de désintéressement qu’il suppose, ou la théorie des prérogatives de puissance publique qui garantit à
l’administration une capacité d’action prépondérante dans la vie sociale. L’Etat devient alors, selon
l’expression de « Pierre Rosanvallon » l’instituteur du social en prenant en charge l’organisation de la
nation et en garantissant l’existence d’une identité collective qui se substitue aux anciens corps
intermédiaires.
L’auteur affirme, dans le texte soumis à ma réflexion, que le rôle de l’Etat/Nation à l’époque moderne est
resté aussi essentiel : il l’est comme ciment social, système de référence et socle identitaire pour les
communautés humaines. C’est donc que ce rôle ne va plus de soi et qu’il pose problème dans le monde
contemporain. Cette vision est par exemple contestée par les fédéralistes européens, considérant qu’il
s’agit d’une construction politique artificielle des partisans de l’Etat centralisé. L’Etat-nation aurait alors
vocation à être dépassé en faveur de l’unité européenne puis d’une gouvernance mondiale. Le rôle central
de l’Etat est ainsi contesté à la fois par la pensée libérale, mais aussi par les partisans de la mondialisation.
En effet, la crise de l’Etat providence ainsi que les phénomènes de mondialisation et d’intégration
régionale ont fait reculer le rôle central de l’Etat (I). Mais on assiste à l’époque actuelle à une forme de
« retour de l’Etat », empruntant des voies différentes de celles explorées par le passé (II)
I Le recul du rôle de l’Etat
L’entrée en crise de l’Etat-providence - caractérisé par un interventionnisme marqué dans les domaines
sociaux et économiques - dans les années 70, conjugué au phénomène de mondialisation économique et
sociale permettent légitiment de prétendre à un recul du rôle et de l’influence des Etats modernes.
1) La crise de l’Etat-providence
Argument 1 : la crise de l’Etat-providence dans les pays occidentaux a entraîné un recul de
l’interventionnisme étatique dans les domaines économiques et sociaux
Le modèle de l’Etat-providence est historiquement associé à l’expérience du « New Deal » (« Nouvelle
Donne ») menée aux Etat-Unis dans les années 30. Confrontée à la récession issue du krach boursier de
1929, l’administration du Président Roosevelt s’inspire des théories de l’économiste anglais John
Maynard Keynes en mettant en place un programme fondé sur la relance de la consommation par
l’augmentation massive des dépenses publiques. La France se convertit définitivement à