L'ÉCHELLE CONTINENTALE : LE PROJET D'UNE EUROPE POLITIQUE DEPUIS LE CONGRES DE LA HAYE EN 1948 Introduction : Évoquée dès le 18e siècle par les philosophes des Lumières, imaginée par Victor Hugo au 19e siècle, proposée par des hommes politiques français au lendemain de la Première Guerre Mondiale, l'idée des « États-Unis d'Europe » ne connaît vraiment un début de réalisation qu'au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale. Aujourd'hui, ce projet a abouti à une construction hybride, l'Union Européenne, qui reste sans équivalent à l'échelle mondiale. Comment le projet d'Europe politique a-t-il évolué depuis 1948 et quelles sont ses réalisations ? Nous verrons tout d'abord l'histoire la construction européenne, avant de nous interroger sur la nature du modèle européen et sur les ambitions de l'Union Européenne à l'échelle mondiale. I Une histoire en construction, le projet européen A) 1948-1957 intégration européenne et indépendances nationales 1- un signal de départ : le congrès de La Haye Réuni à l'initiative d'un ensemble d'associations favorables à la construction européenne, ce congrès de La Haye se réunit sous le patronage de Churchill, qui a appelé en 1946 à la création des « ÉtatsUnis d'Europe ». Le lieu est symbolique : La Haye a été en partie détruite par les bombardements de la Deuxième Guerre Mondiale. La date l'est aussi : le congrès se rassemble le jour du troisième anniversaire de la capitulation allemande. Le contexte est celui d'un double traumatisme : le souvenir, encore très frais, de la guerre qui a déchiré l'Europe ; et la rupture, l'année précédente, entre l'URSS et les États-Unis qui fait craindre le déclenchement d'un nouveau conflit dans le cadre de la Guerre froide. Les débats opposent les partisans d'une fédération européenne et ceux qui se contentent d'une coopération entre les divers États La conférence se termine par une déclaration finale appelant à la réalisation d'une union politique et économique entre pays européens. Concrètement, la conférence de La Haye permettra la constitution, en 1949, du Conseil de l'Europe, un organisme rassemblant à l'origine des pays d'Europe de l'Ouest et visant à promouvoir les droits de l'homme sur le continent. 2- les premières réalisations : CECA et CED La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier va être l’œuvre de 4 hommes : les Français Jean Monnet (Commissaire au Plan), Robert Schumann (Ministre des Affaires Étrangères), le chancelier allemand Konrad Adenauer et le Président du Conseil italien Alcide de Gasperi. L’idée de Monnet et de prévenir tout nouveau conflit entre la France et l’Allemagne. Pour cela, il faut associer ces deux pays autour d’un projet commun, en évitant ainsi que la France ne rejette l’Allemagne dans une position d’infériorité, comme elle l’a fait dans les années 20. Le choix se porte sur la production de charbon et d’acier, à la fois base de l’économie et « nerf de la guerre ». Le 9 mai 1950, Schumann propose la mise des productions européennes de charbon et d’acier sous le contrôle d’une instance supranationale. Son plan est accepté par 6 pays (France, RFA, Benelux) en 1951. Le traité prévoit la suppression progressive des entraves douanières à la circulation des marchandises, la fin des subventions… La CECA permet l’approvisionnement de chaque pays européen en charbon et acier. Avec sa Haute Autorité supranationale, son Conseil des Ministres, sa Cour de Justice et son Assemblée composée de parlementaires, la CECA préfigure les institutions de l’UE. Toutefois, elle est clairement supranationale, son budget provenant de droits qu’elle collecte sur la production de charbon et d’acier, ce qui lui permet de mener des travaux tels que l’élargissement de canaux. Jean Monnet souhaite toutefois aller plus loin dans la construction européenne. Après la crise de Berlin, les Américains souhaitent permettre le réarmement de la RFA de façon à assurer une défense plus efficace de l’Europe occidentale. Le projet suscite l’opposition de la France, qui persiste à se méfier de l’Allemagne. Le projet de la Communauté Européenne de Défense, suggéré par Monnet et accepté par le Président du Conseil français, consiste à placer une armée de 100 000 hommes, dont des Allemands, sous un commandement supranational dépendant de l’OTAN. Le traité est signé en 1952 mais, en 1954, le Parlement français rejette le traité face à la double opposition des communistes (qui considèrent la CED comme une machine de guerre contre l’URSS) et des gaullistes (qui refusent à la fois le réarmement allemand et la mise sous tutelle supranationale de la Défense). Cet échec porte un coup très dur à la construction européenne. 3- la naissance de la CEE Dès 1955, à la Conférence de Messine, les pays de la CECA affirment leur volonté de franchir une nouvelle étape. Toutefois, c’est la crise de Suez qui donne l’impulsion principale, la France estimant désormais que seule une Europe unie peut discuter d’égal à égal avec les deux super-puissances. En mars 1957, la Communauté Économique Européenne et la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique (Euratom) sont créées par le traité de Rome. La CEE tire à la fois les leçons du succès de la CECA et de l’échec de la CED : Il s’agit avant tout d’un projet d’union économique : mettre en place une union douanière et des politiques économiques communes. Si elle reprend les institutions de la CECA (Parlement, Conseil des Ministres, Commission, Cour de Justice), la CEE n’est pas supranationale : -Le Conseil des Ministres, organe essentiel au départ, vote à l’unanimité ; -La CEE n’a pas de budget propre ; -Le Parlement, qui n'est pas élu au départ par les citoyens, n’a qu’un pouvoir consultatif. On peut considérer qu’il s’agit d’un recul sur la voie de l’Europe supranationale, ou d’un succès des défenseurs de l’Europe des États B) 1958-1989 une construction européenne plus économique que politique 1- la « petite Europe » du marché commun La création du Marché commun se fait sur la base d'une libéralisation progressive et complète des échanges commerciaux entre les Six et la création d'un tarif extérieur commun. La CEE met en œuvre des politiques sectorielles dont la principale, créée en 1962, est la Politique Agricole Commune, qui vise à la fois à moderniser l'agriculture, augmenter la production agricole (les pays de la CEE sont dans les années 60 importateurs nets de produits agricoles) et augmenter le niveau de vie des agriculteurs. Cette politique consommera dans les années 90 jusqu'à 70% du budget de la CEE. 2- les premiers élargissements L'intégration du Royaume-Uni pose la question de la nature de la CEE. Le gouvernement britannique souhaite une construction européenne limitée au libre-échange, qui permette au Royaume-Uni de redresser son économie, garder ses liens particuliers avec son ancien empire colonial et avec les États-Unis, rester une grande puissance européenne sans se soumettre à une institution supranationale. De Gaulle, président de la république depuis 1958, conditionne cette entrée à une véritable coopération politique et militaire européenne permettant de détacher le Royaume-Uni de sa liaison privilégiée avec les États-Unis De Gaulle souhaite la création d'une « Europe européenne », autonome dans ses choix politiques et militaires et qui serait en fait sous influence française. Pour lui le Royaume-Uni est le « cheval de Troie » des États-Unis Il s'oppose donc par deux fois à l'entrée du Royaume-Uni dans la CEE en 1963 et en 1967. C'est en 1973 que le Royaume-Uni intégrera enfin la CEE, en compagnie de l'Irlande et du Danemark. Dans les années 80, ce sont trois anciennes dictatures récemment démocratisées de l'Europe méditerranéenne qui font leur entrée dans la CEE : la Grèce en 1980, l'Espagne et le Portugal en 1986. Le seul problème soulevé par l'entrée de ces pays est la crainte des agriculteurs français (principaux bénéficiaires de la PAC) de se voir concurrencés par l'agriculture espagnole. 3- le lent approfondissement de la construction européenne A partir de 1963, avec la signature du traité de l’Élysée, la réconciliation franco-allemande est le moteur qui fait avancer la CEE. Les deux principales puissances politiques (France) et économique (RFA) de la CEE travaillent, non sans mal, à l'approfondissement de la CEE et à l'élargissement de ses compétences. Pour la France comme pour la RFA, la construction européenne doit aboutir à a constitution d'une véritable puissance politique. Mais la nature de cette construction fait l'objet de divergences. La vision française, portée par le général De Gaulle, envisage une Europe forte dominée par la France, basée sur des accords entre États et non sur des institutions supranationales. De septembre 1965 à janvier 1966, la France pratique la « politique de la chaise vide » en cessant de faire siéger les représentants français à la Commission européenne (ce qui paralyse le fonctionnement de la CEE, basé sur la règle de l'unanimité), afin d'empêcher un projet d'union politique qui octroierait plus de pouvoir à la Commission et au Parlement et qui étendrait la pratique du vote majoritaire. La France finit par obtenir satisfaction avec le compromis de Luxembourg, qui permet à un État d'opposer son veto à toute décision communautaire menaçant ce qu'il considère comme ses intérêts vitaux. Mais la vision gaullienne d'une « Europe des patries » se heurte à la vision des autres pays, en particulier la RFA, qui veulent une Europe plus fédérale. Tiraillée entre ces deux visions, l'approfondissement de la construction européenne avance cahin-caha, sur la base de compromis accordant des avantages aux États réticents en échange de leur soutien à la poursuite de cet approfondissement. La France obtient une PAC particulièrement généreuse pour l'agriculture française. Le Royaume-Uni obtient le « chèque britannique » en 1984 (réduction de la contribution financière britannique au fonctionnement de la CEE). Deux nouvelles institutions sont créées : un Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement qui fixe les grandes orientations et un Parlement Européen élu au suffrage universel pour 5 ans à partir de 1979. L’Acte Unique Européen (1986) renforce quant à lui l'approfondissement de la construction économique. Le Marché commun déjà existant (pas de frontières douanières dans la CEE) est complété par la création d'un marché unique (les marchandises, les hommes, les capitaux circulent librement). Il remplace la règle du vote à l'unanimité par la règle du vote à la majorité dans de nombreux cas, pour éviter les blocages. Enfin, le traité de Maastricht (1992) donne naissance à l'Union Européenne, « union économique, monétaire et politique », dont les compétences sont bien plus larges que celles de la CEE qu'elle remplace : coopération judiciaire, création d'une union monétaire (futur euro), création d'une citoyenneté européenne se superposant aux citoyennetés nationales,... C) 1989-2012 : un chantier inachevé 1- l'élargissement se poursuit La chute du bloc de l'Est en 1989-1991 a de nombreuses conséquences pour l'UE qui encourage la transition des pays d'Europe de l’Est vers la démocratie libérale et l'économie de marché : réunification de l'Allemagne qui augmente son poids politique et économique dans l'UE (1990), adhésion de pays neutres pendant la Guerre froide (Autriche, Finlande, Suède, 1995), adhésion de la majorité des pays d'Europe centrale et orientale entre 2004 et 2007. Cet élargissement de l'Union Européenne oblige à une réflexion sur les institutions et leur fonctionnement, car elles n'ont que peu changé depuis l'époque de l'Europe des Six et sont inadaptées à un fonctionnement à 27 (unanimité plus difficile à trouver). 2- la maturation du projet politique Après le traité de Maastricht, le projet politique européen piétine. Les traité d'Amsterdam (1997) et de Nice (1999) tentent d'améliorer le fonctionnement de l'Europe mais ne réalisent que des ajustements marginaux. Après le rejet du projet de constitution européenne lors des référendums français et néerlandais, le traité de Lisbonne (2007) est le dernier traité révisant les institutions de l'Union Européenne. Mais il ne met pas fin à leur complexité, au déficit démocratique qu'elles présentent, ni aux risques de blocage. Enfin, il faut remarquer que la construction du projet européen n'a pas réellement suscité de sentiment d'adhésion au sein de la population européenne. Les élections au parlement européen sont les élections où l'abstention est la plus forte. Au sein de la population européenne, le sentiment d'appartenance nationale reste infiniment plus fort que le sentiment d'appartenance européen. II Le modèle européen, un sujet de discorde A) la diversité des conceptions Le projet européen est un sujet de débat entre plusieurs courants d'idée. 1- les confédéralistes (partisans d'une Europe confédérale) Ils sont partisans d'une Europe basée sur une simple coopération entre gouvernements, préservant la souveraineté nationale de chaque État, ce qui signifie des prises de décision à l'unanimité. On les appelle aussi unionistes. Leurs principaux représentants depuis 1948 ont été De Gaulle, président de la République française de 1958 à 1969, et Margaret Thatcher, Premier Ministre britannique de 1979 à 1991. C'est la position du Royaume-Uni depuis sont entrée dans la CEE. 2- les fédéralistes (partisans d'une Europe fédérale) Les fédéralistes sont partisans du principe de supranationalité, c'est à dire d'une institution européenne supérieure aux États et qui exercent à leur place une partie de leur souveraineté, comme cela se fait dans des États fédéraux (États-Unis, Allemagne, Suisse). C'est un point de vue défendu surtout par la classe politique allemande et par les petits États du Benelux. 3- « la méthode Monnet » Aucune des deux précédentes lignes n'a réussi à s'imposer durablement dans le processus de construction européenne. Concrètement, pour concilier ces deux tendances, on applique une politique pragmatique qui combine les deux tendances : le néo-fonctionnalisme. C'est ce que l'on appelle la « méthode Monnet » devenue plus largement la « méthode communautaire ». Elle est théorisée par la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950 : « la paix ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble, elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. » Depuis la fondation de la CEE, le caractère nettement fédéral de la construction européennes, avec des institutions supranationales comme la Commission Européenne, est limité de multiples façons : rôle prépondérant des négociations entre États membres dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité (où l'on vote à l'unanimité), absence de ressources financières propres de l'UE. B) Pour ou contre la construction européenne : un large éventail de sensibilités 1- les soutiens à la construction européenne Historiquement, le soutien à la construction européenne est l'apanage de quelques familles politiques : * la démocratie-chrétienne : mouvement politique de centre-droit qui fonde sa vision de la démocratie sur les valeurs chrétiennes. Ce mouvement est présent au Benelux, en Allemagne, en Italie et plus ponctuellement en France avec le MRP sous la IVe République. C'est le courant politique de la plupart des « Pères de l'Europe » (Monnet, Schumann, De Gasperi, Adenauer,...). * la social-démocratie : mouvement politique qui regroupe la gauche non communiste et qui donne la priorité à la réduction des inégalités sociales. Les partis socialistes sont présents dans toute l'Europe : parti socialiste français, SPD allemand,... * les libéraux : cette tendance politique de droite associe la défense des libertés politiques et du libre-échange. Il est largement présent en Europe, notamment en France (UMP), en GB (conservateurs), en Allemagne et en Autriche, et dans certains anciens pays communistes. Le patronat européen est en général favorable à la construction européenne, la création d'un marché commun favorisant de développement de leurs entreprises. De même, les Églises catholiques et protestantes soutiennent dès l'origine la construction européenne, dans un soucis de promouvoir la paix en Europe, de donner un cadre favorable à l’œcuménisme, mais aussi au départ par anticommunisme (la construction européenne se faisant dans le cadre du bloc de l'Ouest et sous la protection des États-Unis). 2- les forces d'opposition politique Il existe cependant un fort courant d'hostilité à l'Union Européenne, incarné par des sensibilités très différentes : *les partis d'extrême-gauche qui assimilent l'Europe au capitalisme *les partis d'extrême-droite qui combattent l'Europe au nom de la souveraineté nationale et de la lutte contre l'immigration. *une partie des mouvements conservateurs, en France ou au Royaume-Uni où les Tories sont actuellement de plus en plus hostiles au maintient du pays dans l'UE. Cette diversité recouvre une diversité d'approches face à l'Europe. Il faut en effet distinguer les eurosceptiques (conservateurs), qui ne sont pas hostiles aux principes animant la construction européenne mais qui doutent de son efficacité, et les souverainistes (conservateurs, droite, extrême-droite), qui défendent les souverainetés nationales face à un poids de l'UE jugé excessif. III Une ambition européenne à l'échelle du monde A) une puissance en construction ? 1- la naissance discrète de la diplomatie européenne La diplomatie européenne fait preuve d'une relative discrétion, malgré l'existence d'un haut représentant chargé de conduite la politique extérieure de l'Europe et la participation de l'UE à plusieurs instances internationales, en particulier le G 8 et le G 20. Dès sa naissance, l'Union Européenne va enregistrer plusieurs échecs diplomatiques cinglants. Tout d'abord face à l'éclatement de l'ex-Yougoslavie en 1991-1999, marquée par l'épuration ethnique des musulmans de Bosnie commise par les Serbes et par la guerre du Kosovo. Les principales puissances (France, Allemagne, Royaume-Uni) ont des attitudes divergentes : elles ne se mettent pas d'accord sur l'envoi d'une force d'interposition. Ce sont finalement les États-Unis qui mettent fin à la guerre et qui imposent la paix. Lors de l'intervention américaine en Irak en 2003, les États Européens se déchirent. L’Union Européenne condamne l'intervention, de même que la France et l'Allemagne, mais le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie ou encore la Pologne soutiennent l'intervention américaine. L'intervention francobritannique en Libye en 2011 n'est pas soutenue par l'Allemagne, suivie en cela par la plusieurs des 27 États membres. L’Union Européenne ne parvient donc pas à parler d'une seule voix lors des grandes crises internationales. 2- l'élaboration d'une défense européenne Échaudés par l'échec de la CED, les États européens ont longtemps négligé toute tentative de construction d'une défense européenne, laissée aux soins de l'OTAN et des États-Unis pendant toute la Guerre froide. Avec la fin de ce conflit, la situation évolue : le parapluie nucléaire américain se fait moins nécessaire, tandis que les États-Unis redéploient leurs forces et demandent aux États européens de plus participer aux efforts de l'OTAN. La construction d'une défense européenne est d'abord le fait d'initiatives des États, particulièrement de la France et de l'Allemagne (Eurocorps, 1992). L’Union Européenne incite actuellement les Étatsmembres à s'associer pour créer des « groupements tactiques ». Ces groupements se font sur la base du volontariat. L'UE dispose ainsi en permanence de 4000 soldats prêts à être déployés pour des opérations de maintient de la paix. Cela ne constitue en aucun cas une « armée » européenne. Bref, sans diplomatie cohérente et sans force militaire réelle, l'Union Européenne est très loin d'être une superpuissance politique. Elle est néanmoins un acteur des relations internationales. B) un acteur des relations internationales 1- l'Europe et les États-Unis Les Etats-Unis voient d'abord d'un bon œil la construction européenne. Dans le cadre de la lutte contre l'URSS, tout ce qui peut renforcer l'Europe, où se trouvent les principaux alliés des Etats-Unis, est soutenu par le gouvernement américain. Cette attitude évolue ensuite vers une certaine méfiance, en raison de l'attitude de De Gaulle qui cherche à faire de la CEE un ensemble allié des Etats-Unis mais autonome, sous influence française. Or, la politique de de Gaulle est trop indépendante et critique vis à vis des Etats-Unis au goût du gouvernement américain. Les Américains se méfient aussi de la création de la « Forteresse Europe », c'est à dire un ensemble économique unifié et puissant rival des Etats-Unis. De multiples guerres commerciales opposent les USA et la CEE puis l'UE sur de nombreux produits. Ces conflits sont réglés d'abord par des accords ponctuels (accords de Blair House en 1992) puis dans le cadre de l'OMC. Les États-Unis cherchent également à garder le contrôle d'une éventuelle Europe de la Défense. Ils sont favorables au renforcement des capacités militaires de l'Europe, mais dans le cadre de l'OTAN. Ils entravent régulièrement toute action visant à créer une capacité militaire européenne autonome. 2- l'Europe et la Russie L'URSS a tout d'abord été hostile à la CEE, considérée comme une entité capitaliste ennemie du bloc soviétique. Dans les années 70, cette attitude s'assouplit. Des échanges commerciaux se développent alors (fourniture d'hydrocarbures aux pays européens par la Russie). Lors de la chute du bloc soviétique, la Russie succède à l'URSS qui s'est désagrégée en 15 républiques indépendantes. Les Européens négocient rapidement un partenariat avec la Russie, qui garantit à la Russie des aides financières de l'UE : environ 20 milliards € versés de 1991 à 2006. Mais l'entrée dans l'UE des trois États baltes dans l'UE est assez mal vue par la Russie, qui considère que c'est une intrusion de l'influence américaine dans son « étranger proche », ces trois pays adhérant simultanément à l'OTAN. Des problèmes persistent entre la Russie et l'UE concernant le respect des droits de l'homme en Russie ou encore la fiabilité des fournitures de gaz russe via l'Ukraine. 3- l'Europe et le Tiers-Monde Depuis les années 70, la CEE, puis l'Union Européenne ont développé des accords de coopération avec les pays du Tiers-Monde (accords de Lomé, puis de Cotonou), qui favorisent à la fois les échanges commerciaux et permettent de promouvoir la démocratie et le respect des droits de l'homme. L'UE s'implique également dans les situations d'urgence humanitaire : envoi de dons, de personnels médicaux et techniques, de matériels divers. L'UE mène également une politique diplomatique active, dans le cadre de la Politique Européenne de Voisinage, avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, dans le but de lutter contre les flux de migrants clandestins. C) Un modèle toujours attractif et en extension 1- l'Europe, une entité régionale de plus ? L’Europe n'est pas la seule organisation régionale dans le monde. Il y en a beaucoup d'autres comme l'ASEAN, le Mercosur, l'ALENA,... Mais seule l'UE réalise une intégration économique, politique ou culturelle aussi poussée. 2- l'attractivité de l'Europe L'UE est un pôle migratoire majeur, qui cherche à concilier contrôle des flux migratoires et respect de la liberté de circulation dans le cadre de l'agence Frontex et de l'espace Schengen. Bien qu'elle ne représente que 7% de la population mondiale, L'UE exporte chaque année 1650 milliards de $ de marchandises et importe 1750 milliards de$, soit 18% des échanges commerciaux internationaux. De multiples initiatives tendent à développer une identité culturelle européenne, à travers les programmes ERASMUS qui concernent les étudiants en cours de cursus universitaire. Ce dispositif forme le creuset d'une identité européenne fondée sur un sentiment d'appartenance à un ensemble qui partage les mêmes valeurs. 3- l'Europe, un espace en extension Les adhésions à l'UE se font sur des critères précis, à la fois économiques et politiques, regroupés sous le nom de critères de Copenhague (du nom du sommet européen qui les a fixés en 1993). Il s'agit de respecter un certain nombre de principes démocratiques et d'atteindre un certain niveau de développement économique. Actuellement, cinq pays ont officiellement posé leur candidature pour entrer dans l'UE (Croatie, Macédoine, Monténégro, Turquie, Islande) et quatre autres pays peuvent poser leur candidature (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Serbie). Le cas de la Turquie, candidate depuis 1987, pose le problème des limites à donner à l'Union Européenne. Une partie des pays et des opinions publiques européennes considèrent que ce n'est pas un pays européen (raison géographiques, historiques, culturelles) et qu'il ne peut donc pas adhérer. Conclusion : L'UE apparaît aujourd'hui comme un géant économique qui a un poids considérable dans les échanges commerciaux internationaux. Son existence comme entité est confirmée par des symboles forts tels que le drapeau, l'hymne, l'euro. Mais elle reste un « nain politique », caractérisée par une avancée limitée du projet d'unité politique, par une intégration à la carte (espace Schengen, zone euro) et par la faiblesse du sentiment européen au sein des populations. Ce hiatus est entretenu par un clivage au sein de l'Europe, qui oppose les partisans d'une « Europe-marché » et ceux d'une « Europe-puissance ». Mais ces derniers divergent sur les moyens d'y parvenir.