Quand le règne animal commande le destin de l’homme La mythologie chinoise est peuplée d’animaux. Messagers des bons et des mauvais augures, ils règnent le destin des hommes. C’est pourquoi ces derniers les vénèrent et tentent de se concilier leurs grâces avec des offrandes. Mais dans la vie ordinaire la plupart des animaux sont peu privilégiés. L’attitude des Chinois à l’égard du règne animal est avant tout pragmatique, et peut même paraître parfois un peu choquante pour les amis des bêtes de passage en Chine. Les animaux domestiques tels que les moutons, les b ufs, les porcs, les poules et les chiens, doivent justifier leur existence par leur utilité. Les chats et les chiens, en particulier, n’ont pas, comme en Occident, le statue d’animaux de compagnie, d’objets d’affection, souvent dorlotés. Ce sont, avant tout, des animaux de garde, des chasseurs et des destructeurs de petits animaux nuisibles. Ce comportement provient en grande partie d’une sorte de méfiance inspirée par la croyance bouddhiste en la métempsycose, c’est-à-dire la réincarnation. Le b uf ou le porc que l(‘on a chez soi, ne serait-il pas la nouvelle apparence de tel vaurien qui expie les méfaits commis dans une vie antérieure ? Marché de Guangzhou : de la viande canine proposée aux consommateurs. En fait, en Chine comme partout ailleurs, le chien est l’un des plus anciens compagnons de l’homme. A coté du chien de chasse et du chien de garde, figure, dans de très beaux documents, l’idéogramme du chien de boucherie. Car, dans la Chine d’autrefois, les chiens pourvoyaient à la nourriture de l’homme au même titre que le porc ou d’autres animaux. Ils étaient même classés en catégories. Les chiens à poils blonds et blancs, par exemple, étaient moins appréciés que les chiens à poils noirs. En réalité, la viande canine n’est pas particulièrement nourrissante. Mais elle passe pour être douée de vertus antistress. Les étudiants s’en gavent en période d’examens. La coutume de manger de la viande canine subsiste. Plus particulièrement dans le sud du pays, là où arrivent la plupart des touristes qui viennent en Chine pour la première fois. Aussi, après un bon dîner, mieux vaut-il ne jamais demander quel était ce plat si savoureux. A l’époque des splendeurs impériales, il y avait pourtant à la cour des chiens de compagnie. C’était du plus grand chic, pour les femmes des hauts dignitaires, de s’entourer de bichons dont l’élevage était l’une des taches des eunuques. Les races les mieux adaptées au climat étaient les plus en vogue : pékinois, chow-chows ou chiens du Tibet qui servaient aux artistes de modèle lorsqu’ils devaient représenter un ion (figure symbolique venue de l’Inde et que l’on voit trôner devant les bâtiments administratifs et les temples.). Chaise-tigre symbolisant un général rebelle, Shaanxi. En Chine, le roi des animaux n’est pas le lion mais le tigre. Malgré sa quasi-extinction, il inspire toujours la plus terrible frayeur. Des fables le place à la tête des plus féroces régiments. Et des généraux ont revêtu leurs hommes de tenues zébrées comme la peau du redoutable félin, symbole suprême de force et de puissance. Dans l’imaginaire populaire, une casquette tigrée protège l ‘enfant contre les mauvais esprits. Souliers d’enfants décorés de têtes d’animaux censées protéger les petits contre les mauvais esprits. Aujourd’hui encore, on peut acheter chez les apothicaires et sur les marchés un sexe de tigre déshydraté (qu’il ne faut pas confondre avec le « baume du tigre » utilisé en Occident contre toutes sortes de maladies). Puis, il y a le mythe du « tigre de papier ». A l’origine, ce talisman qui protège contre les méchants esprits était accroché partout aux murs, comme le buis en Occident. Mao Zedong, en fin stratège, sut l’exploiter à des fins politiques. Il qualifia de « tigre de papier » l’impérialisme américain et les bombes atomiques, par opposition à la solidarité du communisme, exalté comme l’arme idéologique qui devait protéger le peuple chinois. Le singe, lui, symbolise l’olibrius, l’excentrique, passablement borné. Tous les enfants chinois connaissent Sun Wukong, le héros du roman « Le pèlerinage du singe », adaptation du « Xiyou ji » (« Voyage en Occident »), de Wu Cheng’en, écrit au XVIe siècle. Après avoir offusqué les dieux taoïstes avec ses frasques, Sun Wukong trouve enfin son maître ! le Bouddha. Mais, même devenu plus sage grâce à sa conversion, le singe fantasque fascine de nos jours encore des millions de lecteurs et de spectateurs en culottes courtes, dans des bandes dessinées ou transformé en gnome dans l’opéra traditionnel. Les aventures du singe Sun Wukong : très populaire auprès des enfants. Comme animaux domestiques, les Chinois apprécient particulièrement ceux qui flattent l’oreille : grillons, cigales, mais surtout oiseaux chanteurs qu’ils promènent l’été dans leurs cages à travers parcs et jardins publics. Les foyers chinois se doivent de posséder au moins une perruche. Ceux qui veulent se défouler des frustrations et des agressions de la vie urbaine peuvent s’en donner à c ur joie lors des fameux tournois de grillons : en Chine, ils jouent un rôle social semblable à celui des combats de coqs dans d’autres pays. Le panda –en chinois « maoxiong », « l’ours félin »- demeure le chouchou des Chinois. Dans les parcs zoologiques, il est toujours le préféré des visiteurs. De même que, jadis, le dragon était le symbole par excellence de l’Empire chinois, le panda est aujourd’hui celui de la République populaire. Ce « mignon petit animal » est devenu l ‘emblème d’une nation qui s’ouvre au monde, exporte et s’occidentalise dans son mode de vie. Petit symbole familier, il trône sur les valises, les crayons, les livres… Les Chinois ne veulent pas entendre parler d’extinction à propos de leur mascotte nationale. Ils ont donc pris les devants en réussissant à mettre au point un procédé efficace d’insémination artificielle dont ils sont très fiers.