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14h-17h : HADI RIZK, professeur aux Lycées Louis-le-Grand et Henri IV, Paris : Le choix de l’écriture
comme entreprise de déréalisation : L’Idiot de la famille.
Dans L’Idiot de la famille, Sartre va le plus loin possible dans l’intelligence du rapport entre la liberté
et l’aliénation en montrant que la liberté elle-même est requise comme la condition de sa propre
aliénation. C’est en ce sens que L’Idiot de la famille hérite des enrichissements que la Critique de la
raison dialectique a apportés à l’ontologie de L’Etre et le Néant. Dans la continuité de ses thèses
fondamentales, Sartre évoque, au sujet de Gustave Flaubert, l’usage que l’on peut faire du
concept de prédestination, afin de mettre en avant les déterminations qui affectent de part en
part une liberté et s’imposent à elle comme ce qu’elle doit vivre et, d’une certaine manière,
réaliser. En un mot, les conditions supposent pour exercer leur efficace d’être l’enjeu d’une
subjectivation, d’un rapport à soi ou encore d’une reprise qui dépasse le donné en le vivant, dans
la souffrance et le travail.
A propos de Flaubert, Sartre ajoute cette hypothèse essentielle, qui oriente tout son projet
d’interprétation : « Flaubert apparaît comme voué à la passivité par son statut même de cadet »
(Situations, X). Mais comment peut-on ainsi évoquer une passivité structurelle, alors même que la
conscience est spontanéité ? Or Sartre décrit bel et bien, chez le jeune Gustave, la manière dont
se forme un choix de la passivité, choix de s’affecter soi-même de passivité afin de pouvoir vivre
certaines situations. Flaubert a voulu être totalement imaginaire ! Cette détermination si profonde
par l’imaginaire, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un irréel saisi comme ouverture à des possibles
du monde mais, au contraire, d’une déréalisation du monde et de soi-même, conduit à une
situation paradoxale. Madame Bovary est défaite et victoire ; défaite, elle exprime le destin de
Gustave, qui s’est joué dès l’enfance ; victoire, son auteur est un stratège de l’écriture qui est autre
que l’homme malheureux qui s’est projeté dans le livre. Car nous sommes placés devant un
tourniquet qui rend difficile de distinguer le désengagement total et l’engagement littéraire.
LIRE LES MEDITATIONS METAPHYSIQUES
Code n°16571
Responsable : Yann Mouton, Lycée de la Vallée du Cailly, Déville-lès-Rouen
Vendredi 7 mars 2008 (9h-17h)
Sous une forme ou sous une autre, les Méditations métaphysiques sont au cœur du cours de
philosophie. Elles font souvent l'objet d'une lecture suivie en classe.
Mais qu'est-ce que lire les Méditations, et comment le faire ? S'y référer ou en expliquer ne serait-ce
qu'un fragment, c'est sans doute déjà créer les conditions permettant à nos élèves d'accéder à
l'essentiel de cette entreprise, d'en comprendre l'ambition, l'inspiration, les enjeux…
Cette journée aura pour objectif de nous donner davantage encore les moyens de lire, pour faire
lire, ce texte dont chacun sait et mesure la densité. La méthode consistera à proposer des
perspectives de lecture du texte de Descartes, sans recourir à ce que l'on croit connaître sous le
nom de « cartésianisme ». Nous n'ignorerons pas bien sûr l'importance des commentaires, c'est-à-
dire des lectures, mais nous nous efforcerons de nous laisser à nouveau étonner et interroger par les
propositions du texte lui-même et les principes de leur exposition, tels qu'ils sont explicitement et
audacieusement articulés par Descartes au système de ses thèses.
La journée sera organisée autour des exposés de quatre intervenants : ALAIN CHAUVE, IA-IPR
honoraire, PIERRE GUENANCIA, professeur à l’Université de Bourgogne, PHILIPPE DRIEUX et YANN MOUTON,
professeurs au Lycée de la Vallée du Cailly.
ALAIN CHAUVE : Le doute hyperbolique.
La folie, le rêve, un Dieu qui aurait pu vouloir que je me trompe (ut fallar), un mauvais génie rusé et
trompeur (deceptor). Que doit être un enchaînement rigoureux de raisons constitutif d’un doute
universel, un doute à n’appliquer en rien à la conduite de la vie mais qui s’applique même aux
choses qui nous semblent très évidentes ?
PHILIPPE DRIEUX : Les degrés de l’expérience dans les Méditations (et autres textes).
On présente souvent la philosophie cartésienne comme un rationalisme idéaliste, débarrassé de la
fausse immédiateté de l’expérience. Le texte cartésien accorde pourtant une attention aiguë et
constante à l’expérience, à ses degrés de vérité, de fiabilité, d’évidence ou d’emprise sur le
jugement et la pensée. Le doute se présente comme un outil d’analyse de l’expérience, qui en
déploie la complexité et en révèle les structures. Il est lui-même une expérience et ses conditions
relèvent également d’une disposition vécue.