Y.
P.
MARTIN
INTRODUCTION
L'analyse de l'évolution des communautés planctoniques
a montré l'existence de successions de populations
orientées, l'évolution s'effectuant selon plusieurs stades
qui correspondent à une structuration croissante du
système considéré (Margalef,
1958).
Cet accroissement de
maturité va de pair avec une organisation plus poussée
des peuplements dans l'espace qu'ils occupent, permet-
tant
ainsi une meilleure gestion du
flux
d'énergie. Ces
concepts écologiques d'une portée générale
ont
été
établis à partir de l'étude quantitative et qualitative des
composants biologiques de l'écosystème planctonique
(phytoplancton et éventuellement zooplancton). Bien
que de nombreux travaux aient révélé l'importance
quantitative des populations bactériennes associées
au
phytoplancton,
il
existe peu d'informations concernant à
la
fois
la structure
de
ces
communautés bactériennes et les
fonctions métaboliques qu'elles exercent
au
sein de ces
biocénoses. Des informations de cette nature sont encore
plus rares
d'un
point de vue dynamique.
Si
le
phénomène
de structuration progressive de l'écosystème phytoplanc-
tonique est bien établi, on ne sait
ce
qu'il en est dans
le
cas
de l'évolution des communautés bactériennes qui lui sont
associées. Ce manque d'informations est
dû
à des causes
diverses. Un premier obstacle réside dans les difficultés
inhérentes à l'observation d'un phénomène dynamique
dans le temps, en milieu naturel et particulièrement en
mer (mélange des masses d'eau, conditions météorologi-
ques et état de la mer.
..
).
Le second obstacle est d'ordre
méthodologique :l'étude de la structure et de la fonction
des communautés bactériennes pose un certain nombre
de problèmes qui rendent son approche délicate. C'est en
particulier le cas pour l'identification des bactéries
rencontrées, et la délimitation de différentes commu-
nautés n'est pas aisée dans la mesure
où
celle-ci est
généralement réalisée en tenant compte de la composi-
tion spécifique des peuplements.
Nous avons tenté d'aborder
ce
problème d'une façon
expérimentale, grâce à l'utilisation
d'un
dispositif de
production continue de phytoplancton, en grand
volume, soumis aux conditions climatiques extérieures et
à l'élaboration d'une méthodologie permettant d'ana-
lyser simultanément la structure, la physiologie et
l'activité des communautés bactériennes qui lui sont
associées. L'estimation de
ces
caractéristiques autorise
alors la délimitation de
di!Térentes
communautés, qui
seront définies à la
fois
à partir de leurs propriétés
structurales (composition taxonomique, diversité des
écotypes) et métaboliques globales (physiologie, activité).
Cette étude a été réalisée au cours de plusieurs campagnes
dans
le
cadre d'un programme national de recherche du
Centre National pour l'Exploitation des Océans
(Programme Ecotron). La diversité des analyses
effectuées et la relative simplicité du système, dont
l'évolution peut être suivie régulièrement, ont donné lieu
à de nombreuses observations et analyses qui ont fait
l'objet de différentes publications.
La
synthèse des données obtenues
au
cours de
ce
travail
permet d'ébaucher un schéma de la succession des
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communautés bactériennes au sein de cet écosystème
phytoplanctonique expérimental, schéma que nous
présentons dans cet article.
MATÉRIEL ET
MÉTHODES
Le dispositif expérimental utilisé a été décrit par ailleurs
(Riva, Vicente,
1978).
Il
se
compose d'un bassin d'un
volume efficace de
35
m 3, dans lequel un
flux
continu
d'eau de mer naturelle oligotrophe, pompée dans une
lagune proche (lagune du Brusc, Var, France), est enrichi
également en continu
par
un apport de
sels
nutritifs
(nitrate d'ammonium, silicates, phosphates), permettant
ainsi
le
développement du phytoplancton présent. Le
taux de dilution du bassin et
le
débit des sels nutritifs
peuvent être ajustés selon
les
besoins des expériences.
L'introduction des nutriments conduit à une augmenta-
tion de la biomasse phytoplanctonique, et à la mise en
place d'un peuplement paucispécifique faiblement
structuré avec une exubérance particulière des espèces
opportunistes des eaux méditerranéennes (Skeletonema
costatum, divers Chaetoceros),
ce
qui correspond, selon
Margalef, à l'installation d'un stade 1 de développement
phytoplanctonique (Travers,
1971).
Ce système de faible
maturité persiste pendant 8 à
10
jours avec un plateau de
la biomasse phytoplanctonique, puis on assiste à un
déclin du peuplement en place avec une chute des
paramètres indicateurs de biomasse. Les dinotlagellés et
le
zooplancton prennent une importance plus grande, et
ce
système mieux structuré
se
maintient au-delà avec des
oscillations quantitatives plus ou moins accusées (Nival
et
al.,
1978).
L'étude de l'évolution des communautés bactériennes a
été réalisée essentiellement pendant la période qui suit
l'impulsion initiale donnée au système par l'apport de
sels
nutritifs, c'est-à-dire pendant la croissance, la phase
stationnaire et
le
déclin du peuplement planctonique
initial. Cette période correspond à celle du développe-
ment du premier stade d'une succession phytoplanctoni-
que.
Les
dillërentes expériences de suivi continu ont duré
environ 1 mois.
La méthodologie d'étude des populations bactériennes et
de leur activité a également été décrite par Bianchi et
Martin
(1978),
Cahet et Martin (1978), Martin et Bianchi
(1980).
L'analyse des communautés bactériennes hétéro-
trophes a été abordée à la
fois
par l'étude des
caractéristiques des bactéries isolées du dispositif
(isolement au hasard d'échantillons de souches représen-
tatifs des populations selon un plan statistique pré-établi)
et, selon un aspect plus global,
par
appréciation des
réponses des communautés bactériennes hétérotrophes à
des tests réalisés sur des échantillons d'eau de volume
plus ou moins importants
in
situ. Cette stratégie permet
de décrire
les
communautés et d'en délïnir l'évolution de
deux façons complémentaires :
-en termes de structure, par estimation des paramètres
considérés comme caractéristiques des communautés :
abondance des individus, distribution des souches au sein
de groupes taxonomiques conventionnels, richesse et