JULES CÉSAR EN GAULE - L`Histoire antique des pays et des

JULES CÉSAR EN GAULE
TOME TROISIÈME. — BLOCUS D'ALÉSIA
PAR JACQUES MAISSIAT.
PARIS - 1881
DEUXIÈME ÉPOQUE (SUITE).
CHAPITRE SIXIÈME. — BLOCUS D'ALÉSIA. - CATASTROPHE. -
DÉVOUEMENT SUBLIME DE VERCINGÉTORIX. - INDICES D'UNE
TRAHISON DE QUELQUES PRINCES GAULOIS EN FAVEUR DES
ROMAINS.
§ I. Conformité exacte du terrain d'Izernore avec la description des lieux
d'Alésia dictée par César lui-même. — § II. Comparaison des lieux d'Izernore,
d'Alise-Sainte-Reine et d'Alaise. § III. Attitude militaire de Vercingétorix à
Alésia, et appel aux armes fait dans toute la Gaule, pour accourir autour des
Romains, et leur couper les vivres. Attitude militaire de César, et
investissement complet de l'oppidum d'Alésia. — § IV. Retards funestes mis
par les Gaulois de l'extérieur à venir envelopper l'armée romaine. - Lignes du
blocus rendues inabordables du côté de l'extérieur aussi bien que du côté de
l'intérieur, et César approvisionné de tout. — § V. Arrivée tardive de l'armée
auxiliaire. — § VI. Troisième et dernière tentative de l'armée auxiliaire. — §
VII. Dévouement sublime de Vercingétorix et fin de la lutte contre César.
CHAPITRE SEPTIÈME. — TRACES ANTIQUES DANS L'OPPIDUM MÊME
D'ALÉSIA-IZERNORE.
§ I. - Des divers noms donnés jadis à l'oppidum d'Alésia où Vercingétorix se
dévoue d'une manière si simple et si admirable pour la liberté commune des
cités de la vieille Gaule. — § II. Traces antiques de faits de guerre sur le terrain
des lignes de blocus et lieux attenants d'Alésia-Izemore. — § III. Populations
nouvelles venues autour d'Alise-Izernore, territoire des anciens Mandubiens. —
§ IV. Ville gauloise d'Alésia. — § V. Résumé et conclusions sommaires
relativement aux antiquités de l'oppidum d'Alésia.
DISSERTATION.
APPENDICE. — LÉGENDE DE SAINT AMAND
I. La Vie de saint Amand, par Baudemond. — II Discussion des documents. —
III. Objection des Bollandistes. — IV. Légende de Nantua. — V. Diplômes de
Nantua.
Petite ville d'Orindise.
AVIS AU LECTEUR.
Ce troisième et dernier volume de Jules César en Gaule, qui ne le cède en rien
aux deux premiers pour la clarté du style et la discussion logique des faits,
l'auteur, hélas ! n'aura pas eu la satisfaction de le voir publier. La longue
affection de paralysie, qui a fini par triompher de sa robuste constitution, n'avait
pas refroidi sa passion pour l'étude et son ardeur au travail. Sous les étreintes de
cette maladie et pour ainsi dire jusqu'au moment suprême, il s'efforçait
d'achever l'œuvre à laquelle il avait consacré tant de veilles. Les feuilles du
manuscrit, tracées d'une main tremblante et déjà défaillante, ont été recueillies
et mises en ordre par les soins pieux d'une sœur dévouée, aidée de quelques
amis, mais sans avoir pu subir les retouches et recevoir le fini qu'y aurait sans
doute apportés la main du maître. Si donc le lecteur y remarquait quelque
défectuosité, quelque lacune, soit sous le rapport de la pureté littéraire, soit sous
celui de l’enchaînement des faits et de leur discussion, il voudra bien prendre en
considération, et les tenir pour atténuantes, les circonstances dans
lesquelles a lieu la publication posthume de ce livre.
Dans le plan de l'auteur, et selon le programme qu'il s'était tracé, un quatrième
volume devait suivre, destiné à présenter l'historique et la description des
événements retracés dans le VIIe livre des Commentaires, écrit, non plus par
César, mais par Hirtius, son confident politique. Ce dernier volume aurait
développé des conclusions historiques et des considérations philosophiques d'un
puissant intérêt sans doute sur l'ensemble des guerres de nos aïeux avec les
Romains, et leurs conséquences. Il est infiniment regrettable que la mort de
l'auteur nous ait privés de ce couronnement de son œuvre, admirable toutefois,
même en l'état où il l'a laissée.
Comme appendice au volume publié aujourd'hui, et parce qu'elle se rattache
par quelques points aux démonstrations qu'il contient, on a cru devoir ajouter
une légende intéressante et savamment traitée, sur saint Amand, fondateur de
l'abbaye de Nantua, suivant l'opinion de Jacques Maissiat, contrairement à celle
des Bollandistes. Les arguments présentés et développés par l'auteur à l'appui de
son opinion accusent chez lui une érudition consommée, des études patientes et
approfondies de tous les documents de la controverse, tels qu'on les remarque
du reste dans tous les nombreux sujets qu'il a traités au cours de sa laborieuse
carrière.
CHAPITRE SIXIÈME. — BLOCUS D'ALÉSIA. - CATASTROPHE. -
DÉVOUEMENT SUBLIME DE VERCINGÉTORIX. - INDICES D'UNE
TRAHISON DE QUELQUES PRINCES GAULOIS EN FAVEUR DES
ROMAINS.
§ I. — Conformité exacte da terrain d'Izernore avec la
description des lieux d'Alésia dictée par César lui-même.
Combat de cavalerie livré dans la plaine basse située
devant l’oppidum.
César est arrivé devant l’oppidum d'Alésia par la voie qui mène du pays des
Lingons dans la Province, c'est-à-dire qu'il est arridevant l'oppidum d'Izernore
par le col de Matafelon ; c'est donc qu'il convient de se placer pour lire la
description topographique qu'il nous a laissée au sujet de l'oppidum d'Alésia. Et
en effet, des hauteurs l'on voit aujourd'hui le village de Matafelon, on a
devant les yeux tout le tableau décrit dans les Commentaires. Voici la description
dictée par César :
L'oppidum même d'Alésia était sur le haut d'une colline, dans une position d'un
accès difficile, à ce point qu'il paraissait impossible de s'en emparer sinon à l'aide
d'un blocus. Le pied de cette colline était baigné de deux côtés par deux cours
d'eau.
Devant cet oppidum s'ouvrait une plaine d'environ trois mille pas de longueur ;
de tous les autres côtés, des collines, à un médiocre intervalle de distance,
entouraient l'oppidum d'une ligne uniforme de crêtes.
Sous le rempart, au versant de la colline qui regardait le soleil levant, les troupes
gauloises couvraient le terrain et s'étaient retranchées derrière un fossé et une
muraille en pierres sèches de six pieds
(1m,77)
de hauteur.
L'investissement qui était entrepris par les Romains comportait onze mille pas
(16km,291)
de développement. Les camps étaient placés dans des lieux
convenables, et l'on y avait établi vingt-trois redoutes, dans lesquelles des
troupes étaient postées durant le jour, de crainte de quelque sortie soudaine des
Gaulois ; ces mêmes redoutes étaient occupées durant la nuit par des sentinelles
et de fortes gardes
1
.
1
Ipsum erat oppidum Alesia in colle summo admodum edito loco ut nisi obsidione
expugnari non posse videretur. Cujus collis radices duo, duabus ex partibus flumina
subluebant. Ante id oppidum planities circiter milia passuum tria in longitudinem
patebat ; reliquis ex omnibus partibus colles, mediocri interjecto spatio, pari altitudinis
fastigio oppidum cingebant. Sub muro, quæ pars collis ad orientem solem spectabat,
hunc omnem locum copiæ Gallorum compleverant fossamque et maceriam sex in
altitudinem pedum praeduxerant. Ejus munitionis quæ ab Romanis instituebatur
circuitus XI milia passuum tenebat. Castra opportunis locis erant posita ibique castella
viginti tria facta, quibus in castellis interdiu stationes disponebantur, ne qua subito
eruptio fieret ; hæc eadem noctu excubitoribus ac firmis præsidiis tenebantur.
Dès ce début, on voit que la situation n'admet pas de choix ; et, en effet, César
n'hésite point. Il commence par occuper les positions fortes et par s'y retrancher
: il établira ensuite les lignes de blocus. Il choisit donc pour la lutte le moyen des
fortifications, moyen de guerre dans lequel les Romains avaient tout l'avantage
sur les Gaulois, et qui n'exposait pas les légionnaires à monter à l'assaut une
seconde fois contre cette armée de Gergovia, commandée ici par le même chef
que précédemment. Rien n'indique, en effet, que jamais César ait songé à
assaillir l'oppidum d'Alésia par quelque point de son pourtour, comme il avait
assailli Gergovia. Ainsi, dès l'abord, ce parait bien être à Alésia, comme près de
Dyrrachium, un blocus préservateur.
Portons nos regards sur la carte.
Le lieu de l’oppidum même d'Alésia fut, selon nous, ce plateau très-allongé du
nord au sud, terminé en éperon aux deux extrémités, et dont Izernore, avec son
monument ruiné, occupe le milieu. C'est bien là, en effet, un oppidum situé sur
le haut d'une colline, qui n'a, pour ainsi dire, que deux côtés, deux versants, et
dont le pied se trouve baigné, d'une part, à l'ouest, par l'Ognin, cours d'eau d'un
volume notable, et d'une autre part, à l'est, par l'Anconnans, ruisseau
marécageux.
A l'extrémisud, l'oppidum est fermé obliquement par une colline rocheuse de
70 à 100 mètres de hauteur, laquelle plonge, à son extrémité méridionale, sous
l'Ognin, qui saute par-dessus au saut de Béard, et à son extrémité
septentrionale, sous l'Anconnans, près duquel on voit sur cette colline les ruines
d'un ancien château féodal, du château de Bussy.
A l'extrémité septentrionale de l'oppidum
(où les principaux événements du blocus
vont avoir lieu)
, le plateau présente, un peu avant d'aboutir à cette extrémité,
quatre monticules ou Molards
1
, qui se suivent sur un espace d'environ 1.000
mètres. Leur versant, du té occidental du plateau, est peu rapide et se
poursuit jusqu'au lit de l'Ognin. Leur versant du côté oriental est beaucoup plus
rapide et se confond bientôt avec la rive même de l'Anconnans. Le plus
septentrional de ces quatre molards est formé principalement d'une crête
rocheuse qui perce le sol. Celui-là, en particulier, nous parait avoir être la
citadelle d'Alésia, arx Ales, dont il va être question dans les
Commentaires. Il est désigné dans le pays sous le nom de molard des Évoës.
Après ce molard des Évoës, la longue colline et son plateau supérieur, qui
constitue l'oppidum, se prolongent encore un peu au nord, sans que le plateau
Ce dernier texte nous parait impliquer strictement par le mot ibique (et là, dans ces lieux
convenables), qu'il s'y trouvait vingt-trois camps, aussi bien que vingt-trois redoutes.
Dans l’Histoire de Jules César, on n’a admis que huit camps, dont quatre pour l'infanterie
et quatre pour la cavalerie, et les vingt-trois redoutes, castella, ont été considérées
comme des blockhaus, sans indiquer leur place. Cependant nous verrons ci-après
(LXXXI)
les lieutenants de César tirer de ces redoutes d'importants renforts, et César lui-même
(LXXXVII)
tirer d'une seule redoute quatre cohortes, plus de deux mille hommes. Ainsi, à
nombre égal dans les vingt-trois redoutes, elles eussent contenu plus de cinquante-six
mille hommes, c'est-à-dire presque toute l'armée de César. On voit donc bien qu'il avait
établi de son côté autant de camps que de redoutes ; ou, en d'autres termes, qu'il avait
établi vingt-trois camps flanqués chacun d'une redoute, laquelle était constamment
occupée, soit le jour par un poste d’observation, de crainte de quelque sortie subite des
Gaulois, soit la nuit par des sentinelles et de fortes gardes.
1
Molard est le nom qu'on donne dans le pays à un relief de terrain circonscrit, tel qu'une
petite colline isolée ou un grand tertre : du latin moles, masse, môle, molard.
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