Dès ce début, on voit que la situation n'admet pas de choix ; et, en effet, César
n'hésite point. Il commence par occuper les positions fortes et par s'y retrancher
: il établira ensuite les lignes de blocus. Il choisit donc pour la lutte le moyen des
fortifications, moyen de guerre dans lequel les Romains avaient tout l'avantage
sur les Gaulois, et qui n'exposait pas les légionnaires à monter à l'assaut une
seconde fois contre cette armée de Gergovia, commandée ici par le même chef
que précédemment. Rien n'indique, en effet, que jamais César ait songé à
assaillir l'oppidum d'Alésia par quelque point de son pourtour, comme il avait
assailli Gergovia. Ainsi, dès l'abord, ce parait bien être à Alésia, comme près de
Dyrrachium, un blocus préservateur.
Portons nos regards sur la carte.
Le lieu de l’oppidum même d'Alésia fut, selon nous, ce plateau très-allongé du
nord au sud, terminé en éperon aux deux extrémités, et dont Izernore, avec son
monument ruiné, occupe le milieu. C'est bien là, en effet, un oppidum situé sur
le haut d'une colline, qui n'a, pour ainsi dire, que deux côtés, deux versants, et
dont le pied se trouve baigné, d'une part, à l'ouest, par l'Ognin, cours d'eau d'un
volume notable, et d'une autre part, à l'est, par l'Anconnans, ruisseau
marécageux.
A l'extrémité sud, l'oppidum est fermé obliquement par une colline rocheuse de
70 à 100 mètres de hauteur, laquelle plonge, à son extrémité méridionale, sous
l'Ognin, qui saute par-dessus au saut de Béard, et à son extrémité
septentrionale, sous l'Anconnans, près duquel on voit sur cette colline les ruines
d'un ancien château féodal, du château de Bussy.
A l'extrémité septentrionale de l'oppidum
(où les principaux événements du blocus
vont avoir lieu)
, le plateau présente, un peu avant d'aboutir à cette extrémité,
quatre monticules ou Molards
1
, qui se suivent sur un espace d'environ 1.000
mètres. Leur versant, du côté occidental du plateau, est peu rapide et se
poursuit jusqu'au lit de l'Ognin. Leur versant du côté oriental est beaucoup plus
rapide et se confond bientôt avec la rive même de l'Anconnans. Le plus
septentrional de ces quatre molards est formé principalement d'une crête
rocheuse qui perce le sol. Celui-là, en particulier, nous parait avoir dû être la
citadelle d'Alésia, — arx Alesiæ, — dont il va être question dans les
Commentaires. Il est désigné dans le pays sous le nom de molard des Évoës.
Après ce molard des Évoës, la longue colline et son plateau supérieur, qui
constitue l'oppidum, se prolongent encore un peu au nord, sans que le plateau
Ce dernier texte nous parait impliquer strictement par le mot ibique (et là, dans ces lieux
convenables), qu'il s'y trouvait vingt-trois camps, aussi bien que vingt-trois redoutes. —
Dans l’Histoire de Jules César, on n’a admis que huit camps, dont quatre pour l'infanterie
et quatre pour la cavalerie, et les vingt-trois redoutes, — castella, — ont été considérées
comme des blockhaus, sans indiquer leur place. Cependant nous verrons ci-après
(LXXXI)
les lieutenants de César tirer de ces redoutes d'importants renforts, et César lui-même
(LXXXVII)
tirer d'une seule redoute quatre cohortes, plus de deux mille hommes. Ainsi, à
nombre égal dans les vingt-trois redoutes, elles eussent contenu plus de cinquante-six
mille hommes, c'est-à-dire presque toute l'armée de César. On voit donc bien qu'il avait
établi de son côté autant de camps que de redoutes ; ou, en d'autres termes, qu'il avait
établi vingt-trois camps flanqués chacun d'une redoute, laquelle était constamment
occupée, soit le jour par un poste d’observation, de crainte de quelque sortie subite des
Gaulois, soit la nuit par des sentinelles et de fortes gardes.
1
Molard est le nom qu'on donne dans le pays à un relief de terrain circonscrit, tel qu'une
petite colline isolée ou un grand tertre : du latin moles, masse, môle, molard.