N°1 - Décembre 2013

publicité
ISSN 0258 5774/
N°1 - Décembre 2013
Auteur & Titre
ASSEMPE
‘‘Promouvoir et diffuser la recherche en Education’’
ADMINISTRATION
Revue semestrielle des Sciences
de l’Education créée en 1974, éditée par EDUCI (Université FHB de
Cocody).
REDACTEUR EN CHEF : Dr. KEI
MATHIAS, IREEP Université Felix
Houphouët Boigny
COMITE SCIENTIFIQUE ET DE
LECTURE
Pr Aka Adou, (Pr Titulaire, Université FHB de Cocody, Côte d’Ivoire)
Pr FADIGA KANVALY (Pr Titulaire,
Ecole Normale Supérieure, Abidjan)
Pr NDA PAUL (Pr Titulaire, Ecole
Normale Supérieure, Abidjan, Côte
d’Ivoire)
Pr.KOUDOU OPADOU (Pr Titulaire,
Ecole Normale Supérieure, Abidjan,
Côte d’Ivoire)
PR GBONGUE (Maître de Conférences, IPNETP Abidjan)
Pr. ASKA KOUADIO (Pr Titulaire,
Université FHB de Cocody, Côte
d’Ivoire)
Pr ZINSOU MICHEL (Maître de
Conférences, Université FHB de
Cocody, Côte d’Ivoire)
Pr YAPO YAPI (Pr Titulaire, Ecole
Normale Supérieure, Abidjan, Côte
d’Ivoire)
COMITE SCIENTIFIQUE
INTERNATIONAL
Pr LILIANE PORTELANCE (UQTR,
Canada)
Pr GEORGES KPAZAI (Université
Laurentian, Canada)
Pr CHRISTIAN DEPOVER (Professeur
Université du Hainaut à Mons de
Belgique)
Pr JOSE LUIS WOLFS (Professeur,
Université Libre de Belgique)
Pr. NACUZON SALL (Pr Titulaire,
Université CAD, Dakar, Sénégal)
COMITE DE REDACTION Dr. ANON NGUESSAN, Dr GBAYORO ZEREGBE, Dr YEO SOUNGARI,
Dr ETTIEN ASSOA, Dr NDEDE
FLORENCE.
Contact : ASSEMPE
IREEP (Institut de Recherches
d’Expérimentation et d’Enseignement en Pédagogie, Université Felix
Houphouët Boigny de Cocody)
08 BP 42 Abidjan 08
Tel: 225 06 00 23 91/225 44 05 96
48/ 225 01 20 36 66 / 225 05 52 96
43/03010597
E-mail: [email protected]
ISSN 0258 5774/ Dépôt légal N°404
3
© educi
4
Revue Intit rech expérim pedag, N°...., 20...
Auteur & Titre
SOMMAIRE
L’évaluation des apprentissages à l’université :
perceptions et attentes des étudiants.
AKA Adou....................................................................9-41
Représentations sociales des déterminants
de la déperdition scolaire dans la circonscription
de l’enseignement primaire de Bonoua.
GBAHOUI Jean-Marie Nicaise....................................42-59
Impact de l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sur l’apprentissage dans le secondaire en Côte d’Ivoire
N’DEDE Bosoma Florence..........................................60-75
La formation des enseignants de physique et chimie au secondaire : comment l’optimiser ?
Kouamé NGUESSAN..................................................76-95
Quelle stratégie pour le maintien des enseignements à l’Universite de Bouake pendant la période de crise socio politique de 2002 en Côte d’Ivoire ?
KOFFI Sosthène Konan, KOUADIO Brou Ghislain
KOMENAN Beugré R., ZERBO Ahoua Christelle A....96-114
Analyse de l’offre d’alphabétisation des adultes
en Côte d’Ivoire.
Soungari YEO........................................................115-142
Corruption en milieu scolaire ivoirien, représentations sociales de sa solution par les enseignants.
MEITE Zoumana....................................................143-161
Representation sociale de la fille-mère en milieu scolaire ivoirien.
GNAMBA Adou Pascal............................................162-184
Statut et représentations sociales du baccalauréat chez les
parents et les élèves des établissements secondaires du district d’Abidjan.
KEI MATHIAS.........................................................185-199
5
© educi
6
Revue Intit rech expérim pedag, N°...., 20...
Auteur & Titre
EDITORIAL
Créé en 1974, le bulletin
universitaire de pédagogie avait
pour objectifs à la fois, d’offrir à
la communauté universitaire, un
espace d’information et d’échange,
et d’œuvrer à la promotion
de la pédagogie universitaire,
alors naissante dans le monde
francophone. C’est de retour d’une
mission auprès des universités
Laval à Québec et de Montréal
que le Professeur Valy Charles
Diarrassouba, Premier Recteur
ivoirien de l’Université Nationale
de Côte d’Ivoire décida de mettre
en place en 1976, le Service
Universitaire de Pédagogie (SUP).
En 1983, le SUP fut rattaché à
l’UFR Sciences de l’Homme et de la
Société, à la faveur du mouvement
de regroupement de certaines
structures de notre université.
C’est en 1995 que conformément
à l’Arrêté Rectoral n° 95-339 du 26
Avril 1995 portant réhabilitation de
l’IREEP, cette institution fut remise
sur pied dans la forme que nous
connaissons aujourd’hui.
Le Bulletin universitaire de
Pédagogie créé en 1981 à l’initiative
de Professeur Claudine TahiriZAGRET devait aider l’IREEP
à accomplir l’ensemble des
missions à lui confiées. Hélas, cet
instrument grâce auquel l’IREEP
avait commencé à être connu tant
à l’intérieur qu’à l’extérieur de la
Côte d’Ivoire, disparut de l’espace
universitaire avec la transformation
de l’IREEP en Département de
Pédagogie du Centre Universitaire
de Formation Permanente, plus
connu sous le sigle CUFOP. Depuis
la réhabilitation de l’IREEP et donc
sa séparation d’avec le CUFOP,
c’est par ce premier numéro que
la revue ASSEMPE (ex Bulletin)
refait surface. Elle vivra, et c’est
notre vœu, le plus longtemps
possible. Elle enrichira ainsi, la
famille des revues scientifiques de
l’espace universitaire ivoirien et
plus particulièrement, les revues
spécifiques au domaine des
Sciences de l’Education en nombre
généralement très réduit.
Le premier numéro de cette
revue rassemble plusieurs
thèmes. Aka Adou y aborde par
exemple, la question brulante de
l’évaluation des apprentissages à
l’université, et les perceptions et
attentes des étudiants. Son travail
aboutit à la conclusion que si les
critiques formulées à l’encontre
des pratiques évaluatives ne sont
pas dénuées de tout sens, elles
ne font pas toutes, dans leur
perception par les étudiants, l’objet
d’un unanimisme indiscutable.
Concernant Gbahoui Nicaise, un
autre auteur, les échecs scolaires
constituent son centre d’intérêt.
Pour lui, de nombreux efforts ont
été consentis par les acteurs et
partenaires du système éducatif
ivoirien. Mais malgré ces efforts,
certains problèmes inhérents au
système affectent les indicateurs
de performance de l’enseignement
primaire. NdedeBossoma Florence,
quant à elle, va centrer sa réflexion
sur l’impact de l’usage des TIC sur
l’apprentissage dans le secondaire
7
© educi
8
Revue Intit rech expérim pedag, N°...., 20...
en Côte d’ Ivoire. Cette étude, vise
à analyser l’effet de l’usage des TIC
sur l’apprentissage et l’accès à la
connaissance des apprenants. Les
résultats ont montré que l’usage
des TIC modifie positivement
les modalités d’acquisition des
connaissances des apprenants
et de façon spécifique, la relation
entre l’enseignant et l’enseigné.
En ce qui concerne l’étude de
NguessanKouamé, elle a pour
objectif de présenter les principales
implications de la pédagogie, de
la didactique et de l’épistémologie
sur la formation des enseignants
de physique et de chimie au
secondaire. Selon les résultats
de ce travail, l’enseignant de
physique et de chimie doit non
seulement connaitre sa discipline,
situer l’état de sa discipline au
travers de son histoire, ses enjeux
épistémologiques, ses problèmes
didactiques et les débats qui la
traversent, mais aussi et surtout
maitriser les connaissances
curriculaires et pédagogiques.
L’étude de Koffi Sosthène et al,
se proposent de répondre à la
question de savoir quelle a été
la stratégie pour le maintien des
enseignements à l’université de
Bouaké pendant la période de
la crise sociopolitique de 2002.
Cette étude a révélé qu’un certain
nombre d’actions ont été initiées
pour assurer le maintien des
enseignements. Selon l’étude de
Yeo Soungari, en Côte d’Ivoire,
les différents gouvernements qui
se sont succédé depuis 1960
se sont toujours engagés à
réduire de manière considérable,
l’analphabétisme des populations.
Cependant, l’analyse de la situation
montre qu’il y a une insuffisance
de l’offre d’alphabétisation en Côte
d’Ivoire.AdouGnamba quant à lui,
s’est préoccupé des représentations
sociales de la fille-mère dans
le système scolaire ivoirien en
fonction du genre et de l’âge. A
travers ce travail, on observe des
différences de représentations
selon l’âge et le genre. Kei
Mathias, aborde lui, le problème
de la représentation sociale du
baccalauréat. Les résultats de
son étude montrent que si le
baccalauréat demeure encore un
diplôme important pour les deux
populations, pour les parents,
l’acquisition de ce diplôme marque
le début des souffrances alors que
pour les élèves, il est synonyme de
maturité, d’autonomie et permet
d’ouvrir plusieurs portes. Enfin,
MeitéZoumana, s’est intéressé
à l’impact de la formation
pédagogique sur la représentation
sociale de la solution à la corruption
en milieu scolaire des enseignants
du secondaire. Il retient que
la représentation sociale de la
solution à la corruption en milieu
scolaire des enseignants qui ont
une formation pédagogique est
plus répressive que celle de leurs
collègues qui n’ont pas eu de
formation pédagogique.
A tous, bonne lecture pour que
vivent les Sciences de l’Education !
Prof AKA ADOU, Professeur
Titulaire des Sciences de l’Education
à l’Université Felix Houphouët
Boigny de Cocody
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
L’ÉVALUATION DES APPRENTISSAGES À L’UNIVERSITÉ :
PERCEPTIONS ET ATTENTES DES ÉTUDIANTS
Aka Adou
IREEP/Université de Cocody
Bp.v. 34 Abidjan (RCI)
[email protected]
RESUME
Les discours tenus aussi bien sur le
campus qu’à l’extérieur, à propos de la
façon dont les enseignants pratiquent
l’évaluation des apprentissages sont
généralement négatifs et récurrents.
Si l’on s’en tient à ce qui se dit, on
croirait qu’à l’université de Cocody,
aujourd’hui Université Houphouët
Boigny, il y a une telle pagaille qu’en la
matière, on pourrait, si l’on n’y prend
garde tomber dans une situation de
non validation de toutes les formations
qui y sont dispensées. Ce qui serait un
véritable drame et pour l’ensemble de
la communauté universitaire, et pour
l’ensemble du pays. La question paraît
tellement chargée d’appréhensions que
nous n’avons pas pu nous empêcher
d’essayer de comprendre ce qui se
passe dans la réalité. Aussi, avonsnous entrepris cette étude. On en
retient que si les critiques formulées
à l’encontre des pratiques évaluatives
ne sont pas dénuées de tout sens,
elles ne font pas toutes, dans leur
perception par les intéressés, l’objet
d’un unanimisme indiscutable. Un
certain nombre d’entre elles sont
fondées mais les enquêtés n’en n’ont
pas tous la même vision. D’autres
études centrées sur des dimensions
précises de l’évaluation en milieu
universitaire devraient suivre pour
permettre de disposer de davantage
d’éclairage sur la question.
SUMMARY
Speeches held on campus
as well as those alleged outside
abouthow evaluation of learning is
performed by teachers are generally
negativeand recurring.Ifwe stickto
what issaid, one couldbelievethat
at the University ofCocody, today
UniversitéHouphouetBoigny,there
issuch a messthat, if we are not careful,
we could fall into a situation ofnonvalidation ofall coursesthat aretaught.
That would be areal tragedyfor theentire
universitycommunity,and the whole
country. This questionseems sofull
ofapprehensionthatwe have notbeen
able toprevent ourselves from tryingto
understandwhat is going onin reality.
Thus, weundertook this study. We
noticedthat, ifcriticismagainstevaluation
practicesare not devoidof meaning, they
are notperceived by the parties as subject
to undeniable unanimity. A numberof
themare proved but respondents
do not have a unique vision.Other
9
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
studies based on specificdimensions
ofacademicassessment should follow
in order to bring more light on the issue.
INTRODUCTION
Parmi les principales tâches
auxquelles l’enseignant est au
quotidien confronté dans l’exercice de sa profession se trouve
l’évaluation des apprentissages.
10
Lorsque la situation d’enseignement/formation initiée, animée,
et gérée par l’enseignant est achevée, il lui reste à s’assurer que les
apprenants à qui il s’est adressé
pendant un temps déterminé
sont bien parvenus au niveau
auquel il avait la prétention de
les conduire. Le mot «évaluation»
désigne cette opération qui consiste
pour l’enseignant à opérer de
façon efficace, cette vérification
de la réalisation effective par les
étudiants des apprentissages visés.
Si l’évaluation est le fait de
l’enseignant dans la mesure où
il en conçoit les instruments, les
applique et en analyse les résultats
avant de décider, les apprenants
eux aussi en sont évidemment
concernés et de très près. C’est en
effet eux qui sont les producteurs
des matériaux ou des données qui
vont être soumis(es) à la sagacité de
l’enseignant grâce aux instruments
à travers lesquels ces données vont
être recueillies, puis traitées. C’est
aussi à eux que seront appliquées
les décisions qui seront prises en
conséquence du traitement der
celles-ci.
Ainsi donc, l’évaluation des
apprentissages concerne au même
titre, l’enseignant et l’apprenant,
chacun la percevant et la vivant à
sa manière. Dans la pratique de la
classe, c’est l’enseignant qui dans
un cadre défini par l’institution,
met en œuvre le dispositif technicopédagogique à même de permettre
de situer de façon exacte, le
niveau de réalisation atteint par
l’étudiant à la fin du processus
d’apprentissage puis de rendre
compte à qui de droit. Ayant été
celui qui a dispensé le cours, c’est
en effet lui qui sait de façon précise,
les objectifs qu’il visait à travers le
cours tel qu’il l’a dispensé ; c’est
lui qui a conçu et mis en forme,
le cours dans son contenu, qui a
décidé de la stratégie pédagogique
mise en œuvre, et qui de façon
pratique, l’a réalisé. C’est à ce titre
qu’il est la personne désignée pour
démontrer que l’apprenant a bien
assimilé ou non, ce qu’il a passé
des heures à lui expliquer, à lui
apprendre. Ainsi donc l’enseignant
est plus que concerné par cette
opération que nous avons désignée
sous le vocable d’évaluation. Au
niveau de la classe c’est donc lui
qui a la décision.
Mais nous le disions plus
haut, l’apprenant est également
concerné par l’évaluation car c’est
à lui qu’elle s’applique. En tant
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
que celui à qui l’enseignant s’est
adressé dans le but de l’amener
à acquérir des apprentissages
précis, c’est à lui que s’applique
le dispositif d’évaluation conçu
et mis en œuvre par ce dernier.
C’est, pourrait-on le dire, lui qui
subit les épreuves dans le dessein
de se situer par rapport aux
objectifs d’apprentissage visés
au départ, une fois le processus
d’enseignement-apprentissage
achevé. Par l’évaluation il est invité
à exprimer une réaction pertinente
au stimulus que constitue l’épreuve
à lui soumise. Donne t-il comme
le chien de Pavlov1, les bonnes
réponses ou non ?
Dans ce jeu à deux, les
rôles comme on le voit, sont
clairs et commandent donc
entre évaluateur et évalué, des
rapports de confiance. Parce que
l’enseignant est certain d’avoir
appris quelque chose de précis et
de significatif aux apprenants, il
estime que le dispositif qu’il met
en place est de nature à permettre
de vérifier cela. Et il considère
que normalement, l’étudiant s’il
a bien étudié et bien appris ce
qui lui a été enseigné, devrait
sans problème, en rendre compte
grâce à cette épreuve. De même
l’apprenant qui est évalué est
sensé se faire confiance et estimer
que grâce au travail qu’il aura à
1- Voir le conditionnement réflexe de Pavlov ou le conditionnement réflexe de Skinner
fournir, il pourra sans problème
rendre compte de ce qu’il a appris
en formulant les réponses ou
les solutions acceptables aux
questions ou aux problèmes qui
lui seront posé(e)s. Tant que cette
relation de confiance mutuelle
règne, l’évaluation devrait en
principe se dérouler sans problème
majeur. Tant que chacun des deux
partenaires garde confiance en luimême et en l’autre, nous sommes
dans une situation idéale, favorable
à une évaluation acceptée par
tous. Au lieu de cela, l’évaluation
apparaît pour nombre de personnes
comme un instrument utilisé
par certains enseignants pour
«attraper» les apprenants ou leur
nuire. Ainsi, l’évaluation, cette
activité pédagogique, n’aurait pas
bonne presse. Elle constituerait
un lieu privilégié de magouille.
Pourquoi donc l’évaluation des
apprentissages à l’université de
Cocody est-elle décriée ?
1- CONSIDERATIONS DORDRE
THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1- Considérations théoriques
Revue de littérature
Depuis des années, de nombreux
discours tenus notamment par
les étudiants laissent apparaître
des dysfonctionnements, des
lacunes au niveau du processus
de vérification ou de certification
11
© educi
12
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
des connaissances auquel ils
sont soumis. De plus en plus,
ces derniers formulent des
récriminations à l’encontre de
l’évaluation et de ceux-là mêmes
qui les évaluent. Ils doutent des
conditions et de la qualité des
outils de cette opération. Que
de supputations à ce propos ?
Dans une étude que nous avons
menée auprès des enseignants,
ces jugements apparaissent très
clairement. Voici quelques uns
des propos tenus par les étudiants
à l’égard de leurs maîtres : ils sont
«injustes envers les étudiants»,
des «auteurs de magouilles aux
examens, de la tricherie en général,
au moment de l’évaluation». Ils
sont «méchants, sévères vis-àvis des étudiants, autoritaires,
excessifs.» et «commettent des
abus de pouvoir». Ils sont «contre
la réussite des étudiants», «non
ouverts, trop distants vis-à-vis des
étudiants». «Il ne communiquent
pas leurs heures de réception
aux étudiants» et «ils les traitent
comme des enfants2». Par rapport
à l’évaluation elle-même, ils sont
depuis des années parvenus à
créer des concepts nouveaux
notamment celui que traduit
le sigle «NST», à savoir «note
sexuellement transmissible»
pour signifier que les notes, tout
au moins pour certaines, sont
attribuées non pas par rapport
2- Aka A., De la nécessitéDéontologie et enseignement
universitaire, in , pp.
à des critères objectifs, mais en
fonction de ce que l’étudiante
peut offrir en échange à son
maître, c’est-à-dire le sexe par
exemple pour le cas d’espèce
pour ce qui concerne les filles.
On pourrait évidemment penser
qu’il en est également de même
pour les étudiants par rapport aux
enseignantes.
Dans cette même étude, les
enseignants interrogés ont pour
la plupart reconnu que certains
de leurs collègues offrent trop souvent, des raisons aux étudiants de
penser de la sorte :
Selon les enseignants invités
à indiquer les jugements qu’ils
formuleraient à l’encontre des
enseignants s’ils n’avaient pas été
eux-mêmes de la corporation, ils
soutiennent que ces derniers sont
véritablement des «coureurs de
jupons, des dragueurs, des gens qui
se livrent au harcèlement sexuel»,
et qui sont en conséquence, «portés
sur le favoritisme lié au genre», etc.
Au niveau de l’institution universitaire elle-même, la chose ne
semble plus étonner les responsables au plus haut niveau qui
ont du à certains moment faire
appel au Conseil de Discipline
pour statuer sur des cas avérés3. Petit à petit, l’évaluation à
3- On se souvient du cas relativement récent de cet
enseignant du Département d’anglais suspendu pour
implication dans une affaire de trafic de notes qui fut
suspendu d’enseignement.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
l’université, mais peut-être pas
seulement à ce niveau, en est
venu à constituer véritablement
une source de doute sérieux avec
la rupture de cette confiance
constructrice qu’au début de
ce texte nous donnions comme
utile, voire indispensable au
fonctionnement normal et efficace du dispositif de vérification
du niveau de réalisation des objectifs d’apprentissage visés. Les
étudiants doutent de l’évaluation
puisqu’elle peut donner lieu à
des notes qui ne correspondent
pas toujours à ce qu’ils valent
réellement. Les enseignants
doutent de l’évaluation puisqu’ils
pensent ou même savent que
les étudiants, au lieu d’étudier
réellement, passent le plus clair
de leur temps à inventer des
stratégies efficaces de fraude et
de tricherie. Et l’institution doute
de l’évaluation parce qu’elle sait
qu’il se passe des choses pas
toujours catholiques qui peuvent
lui enlever toute sa valeur pédagogique. Il se dit même que
dans certains établissements
universitaires, certaines copies
d’examen ne sont pas corrigées,
tellement il y en a, avec des effectifs pléthoriques et des ratios
d’encadrement particulièrement
élevés.!La situation apparaît
donc suffisamment grave pour
qu’on doive s’y intéresser.
Approche conceptuelle
Le sujet tel que libellé renvoie
à un certain nombre de concepts
importants dont la définition
opérationnelle s’impose.
a- Perceptions et attentes
des étudiants
Par perception ici, il faut
entendre non pas «le processus
par lequel une personne
acquiert de l’information de son
environnement» 4, mais plutôt
la résultante de celui-ci, c’està dire la «représentation et la
compréhension par l’esprit de
quelque chose»5, d’une situation,
d’un fait, etc. Que retiennent de
l’évaluation des apprentissages
telle que pratiquée à l’université,
les étudiants qui la subissent ?
Quelles images fortes, positives ou
négatives, en gardent-ils ?
Selon Sillamy Norbert (1967)6,
la perception se définit comme
une «conduite par laquelle un
individu organise ses sensations
et prend connaissance du réel.
La perception est faite de ce qui
est directement donné par les
organes des sens (sensibilité
extéroceptives), mais aussi, de
la projection immédiate dans
l’objet de qualités connues par
inférence… La perception est un
rapport du sujet à l’objet : celui4- Legendre R. Dictionnaire actuel de l’éducation, Montréal,
Guérin-ESKA, 1993 (2ème édition), p. 975
5- Dico Encarta
6- Sillamy N., ,Dictionnaire de la Psychologie, Paris, Librairie
Larousse, 1967
13
© educi
14
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
ci a ses caractéristiques propres,
mais c’est avec ma subjectivité
que je le perçois».
s’impose à ce niveau. Un même
résultat peut avoir été obtenu
par des processus différents»7.
Dans ce sens, les étudiants
qui subissent les pratiques
évaluatives de leurs Maîtres les
vivent de façon concrète et ont
des réactions spécifiques par
rapports à celles-ci. Quelle est
donc la nature des relations qu’ils
entretiennent avec l’évaluation
pédagogique à laquelle ils sont
soumis au long de leur parcours
académique ?
L’apprentissage est aussi un
résultat «c’est-à-dire un acquis
résultant d’expériences d’ordres
divers imposées au sujet ou faites
librement par lui. Cet état final
est susceptible d’appréciation et
de mesure».
Voilà ce qu’il nous intéresse
de cerner ici. A un second
niveau, notre préoccupation est
de recueillir, au regard de leur
vécu actuel, leurs attentes c’està-dire, leurs souhaits en termes
de changements à opérer dans
ce domaine..
b- Apprentissage Ce second concept peut se
comprendre au moins de deux
manières : il peut s’agir soit d’un
processus, soit du résultat de ce
processus :
L’apprentissage comme
processus désigne le «passage
d’un état initial à un état final,
d’une étape d’une progression
séquentielle à la suivante.
L’observation du déroulement
et la mesure des états successifs
Dans son fondement psychologique, on appelle apprentissage,
«une modification de conduite
en cas de répétition de la même
situation stimulante. Pour qu’on
puisse parler d’apprentissage,
cette modification doit être systématique, c’est-à-dire se faire
dans une direction déterminée,
relativement durable et présenter
un caractère adaptatif».
Sur la manière dont se réalise
le processus d’appropriation par
l’apprenant des connaissances
à lui enseignées, plusieurs
théories ont été développées.
Dans le cadre de ce travail,
nous avons pris le parti de
ne pas nous y étendre outre
mesure. Nous nous contenterons
d’en évoquer quelques-unes :
citons par exemple, la théorie
associationniste avec Köhler et
son singe (Apprentissage par
insight), Les théories behavioristes
dans lesquelles il faut classer les
7- Thines G. et Lempereur A., Dictionnaire général des
Sciences Humaines, Paris, Editions universitaire,
1975, p. 84
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
expériences et enseignements
de Pavlov (conditionnement
reflexe ou conditionnement
reflexe), et de Skinner (conditionnement opérant), le
constructivisme de Piaget
qui a permis de savoir que
l’intelligence, facteur essentiel dans
le processus d’apprentissage, se
met en place de manière progressive
et par étape et qu’à chaque étape
correspondent des catégories
d’apprentissage que l’enfant devrait
normalement pouvoir réaliser
puisqu’il s’agit d’une question de
maturation. C’est pour quoi, trop
tôt introduites à l’école primaire,
dans le contexte de l’expérience de
l’enseignement télévisuel (PETV),
les mathématiques modernes,
abstraites par essence, furent
officiellement retirées des
programmes d’enseignement de ce
niveau sur recommandation, entre
autres , de l’Institut de Recherche
Mathématique (IRMA), quelques
temps après la suppression de
la télévision scolaire (1982-83).
Ce qui signifie donc que si l’on
soumet des enfants qui n’ont
pas encore atteint, le niveau
de développement intellectuel
requis à des apprentissages à des
apprentissage supérieurs,, il est
tout à fait normal qu’ils ne les
réussissent pas.
Il faut également en référer
au Cognitivisme, «théorie de la
connaissance soutenue par la
psychologie cognitive, qui conçoit
la pensée comme un centre de
traitement des informations
capable de se représenter la
réalité et de prendre des décisions»
. Selon cette théorie, « pour traiter
les informations, la pensée est tenue
pour réductible à des fonctions
intellectuelles aptes à accomplir
certaines tâches spécifiques :
discrimination sensorielle,
décodage perceptuel, entreposage,
compilation, hiérarchisation,
rappel, codage, symbolisation,
etc. En s’appuyant sur les
neurosciences, la cybernétique,
le développement des ordinateurs
et les sciences de l’informatique et
de la computation, le cognitivisme
contemporain essaie de simuler les
activités intelligentes (intelligence)
et de modéliser les fonctions
mentales (reconnaissance des
formes, pattern recognition)».
Comme tel, l’apprentissage
apparaît donc comme la finalité
du système d’enseignementformation, En effet, si l’on décide
d’enseigner des contenus ou de
former des apprenants, c’est bien
pour que ces derniers réalisent les
apprentissages pour lesquels ils
ont été placés dans cette situation
de classe qui leur confère ce
statut.
Lorsque nous parlons
d’évaluation de l’apprentissage,
c’est cette deuxième acception
que nous retenons parce que la
question fondamentale à laquelle
15
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
l’enseignant ou formateur doit
répondre lorsqu’il a terminé sa
séquence pédagogique est bien
la suivante : Les étudiants à
qui je me suis adressé ont-ils
assimilé ce que j’ai voulu leur
faire comprendre’? En d’autres
termes, ont-ils atteint les objectifs
d’apprentissage à eux assignés ?
La réponse à cette interrogation
passe nécessairement par
cette opération complexe que
nous appelons l’évaluation des
apprentissages.
c- Evaluation 16
La littérature disponible offre
de ce concept de nombreuses
définitions dont quelques
unes suivent. Dans son sens
général, Bloom B.S. (1956)
considère que l’évaluation est
la «formulation, dans un but
déterminé, de jugements sur
la valeur de certaines idées,
travaux, situations, méthodes,
matériels, etc.». Pour Copie (1979)
l’évaluation s’entend dans le sens
de «jugement et interprétation
que l’on donne de la qualité ou de
la valeur de l’objet étudié, dans
une perspective opérationnelle
de prise de décision». Plus
spécifiquement, l’évaluation est
définie par Legendre R. comme
la «démarche ou le processus
conduisant au jugement et à
la prise de décision. Jugement
qualitatif ou quantitatif sur la
valeur d’une personne, d’un
objet, d’un processus, d’une
situation ou d’une organisation,
en comparant les caractéristiques
observables à des normes
établies, à partir de critères
explicites, en vue de fournir
des données utiles à la prise de
décision dans la poursuite d’un
but ou d’un objectif».
Selon STUFFLEBEAM :
«L’évaluation en éducation
est le processus par lequel on
délimite, obtient et fournit des
informations utiles permettant
de juger des décisions possibles».
Tyler R.W. lui, estime que
«L ‘évaluation est un processus
qui consiste essentiellement à
déterminer dans quelle mesure les
objectifs d’éducation sont en voie
d’être atteints par le programme
d’études et de cours. Cependant,
comme les objectifs d’éducation
visent essentiellement à changer
les êtres humains, c’est à dire
que le but est de produire
dans le comportement des
étudiants certains changements
souhaitables, alors l’évaluation
est le processus consistant
à déterminer dans quelle
mesure ces changements de
comportements sont en train de
se produire».
Cette seconde proposition qui
dit pratiquement la même chose,
élargit cependant la perspective
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
ou le champ de l’évaluation en
visant à la fois le programme en
tant qu’ensemble cohérent et la
séquence pédagogique ou plus
précisément le cours ou encore
la leçon. C’est cette seconde
dimension qui nous préoccupe
dans cette étude. Il s’agit en
effet de ce qui se passe à la fin
d’une séquence pédagogique,
lorsqu’il s’impose au pédagogue
de vérifier comme relevé plus
haut, le niveau réel auquel
l’apprenant se situe par rapport
aux objectifs visés au départ
ainsi que le suggère le graphique
ci-dessous : X = apprentissage à réaliser = objectif
0 Niveau de départ
A quelle distance de l’objectif
terminal (X), l’étudiant qui part
du point zéro (0) se trouve t-il de
façon objective grâce au cours à
lui dispensé ? Est-il effectivement
parvenu à (X), en dessous
ou au-dessus ? Telle est la
préoccupation fondamentale de
l’évaluation des apprentissages.
On peut donc déduire de cela que
MESURE
OBJECTIF
l’évaluation des apprentissages
est toute activité qui vise à
recueillir des données ou des
indices lié(e)s à la production de
l’apprenant grâce à la mesure, à
les analyser et à les interpréter
afin de prendre la décision
qui s’impose le concernant.
En d’autres mots, retenons
qu’évaluer, c’est accorder une
valeur à un résultat de la mesure
et disposer ainsi d’un critère ou
d’une norme de comparaison afin
de situer ce résultat par rapport
à un cadre de référence.
L’évaluation des apprentissages est une opération
complexe qui comporte trois
phases ou étapes essentielles,
à savoir la mesure dont le but
est de recueillir les données ou
indices pertinents en rapport avec
l’objectif d’apprentissage visé, la
confrontation de ces données
et indices aux normes arrêtées,
leur interprétation et enfin, la
prise de décision. Chacun de
ces éléments constitue une
phase incontournable de cette
opération. C’est ce que traduit
le schéma ci-dessous :
CONFRONTATION DES
DONNEES ET INDICES
RECUEILLIS AUX NORMES
ET CRITERES ARRETES
PRISE
DE DECISION
17
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
L’enseignant ou le formateur
est bien concerné par ces trois
volets d’une opération plus
globale qu’est l’évaluation des
apprentissages. Aucun d’entre
eux ne lui échappe, et personne
n’est commis pour assumer une
de ces phases à sa place. C’est
cela la réalité.
Dans la pratique de la classe,
l’évaluation des apprentissages
se décline principalement en
évaluation formative et en
évaluation sommative.
18
Dans l’évaluation formative,
le souci qui habite l’enseignant
est celui d’aider l’apprenant,
de l’accompagner au long du
processus d’apprentissage sans
qu’il soit nécessaire d’attribuer
des notes devant compter à un
moment ou un autre pour la prise
de décisions concernant l’avenir
de ce dernier. C’est une évaluation
destinée à servir de miroir à
l’apprenant à des moments
précis de sa propre démarche
pour lui permettre de prendre
conscience du niveau auquel il se
trouve chaque fois, par rapport à
l’apprentissage à réaliser.
L’évaluation sommative
elle, a pour destinée de faire le
bilan de ce que l’apprenant a
acquis. Elle se déroule à la fin de
l’apprentissage ou d’une séquence
d’apprentissage et vise à attribuer
des notes qui, consignées dans
des registres, vont servir à calculer
les moyennes (par matières, par
trimestre, par semestre ou par
année) intervenant dans la prise
de décision relative à l’avenir
scolaire de l’étudiant : il est
admis, ajourné ou exclu.
L’évaluation sommative ou
bilan relève de l’institution puisque
compte doit lui être rendu alors
que l’évaluation formative relève
essentiellement de l’initiative et
de la compétence de l’enseignant
dans sa classe. C’est pour lui un
instrument pédagogique au sens
où il l’utilise comme un moyen
d’accompagner l’apprenant dans
sa démarche d’apprentissage.
L’évaluation, cette opération
pédagogique peut viser dans son
utilisation, plusieurs buts. Elle
peut avoir un but de diagnostic :
dans ce caselle vise à faire le point
sur l’état actuel des connaissances
de l’apprenant dans un domaine
donné en vue de dégager ses point
forts et ses points faibles, avec
probablement en projet de faire de
la remédiation (exemple : mise à
niveau, cours de rattrapage, etc.).
L’évaluation peut être destinée
à faire un pronostic, c’est-à-dire
qu’elle vise à fournir des données
à partir desquelles, on va pouvoir
estimer les chances de réussite
de l’apprenant par rapport à
un nouvel apprentissage, à un
nouveau programme, etc. Il
s’agit de faire de la prédiction en
quelque sorte.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
Enfin, l’évaluation peut tout
simplement consister à faire le
bilan de l’apprenant par rapport
à un apprentissage, une série
d’apprentissages, ou tout un
programme. Il s’agit ici de la
visée ordinaire de l’évaluation
classique que nous avons
appelée plus haut, l’évaluation
sommative ou bilan. L’apprenant
a été engagé dans un processus
d’enseignement-apprentissage
donné. Une fois ce processus
achevé, où en est-il par rapport
aux objectifs visé ? Cette
évaluation sommative ou bilan
peut aussi prendre la forme d’une
évaluation continue. Il s’agit de
la même évaluation sommative
sauf qu’elle est distribuée dans le
temps (trimestre, semestre, etc.).
Mais qu’elle soit ou formative, la
préoccupation fondamentale de
l’évaluation qui est de situer de
façon précise le niveau atteint
par l’apprenant par rapport à
l’objectif projeté, demeure la
même. Comment y répondre de
façon efficace ?
d- Mesure
Comme mentionné dans
les définitions ci-dessus, la
mesure constitue le premier de
ces trois volets du processus de
l’évaluation des apprentissages.
Le terme mesure revêt
plusieurs acceptions. Pour
ce qui nous concerne ici, il
faut retenir l’acception dans
laquelle la mesure est «une
activité consistant à recueillir
des résultats ou autres indices
permettant la description
quantitative des connaissances,
des capacités ou des habiletés
d’un élève» ou tout simplement
d’un apprenant. Elle est la
première étape de la démarche
d’évaluation pédagogique
qui consiste à recueillir des
informations, à les organiser et
à les interpréter8.
Maillon premier du processus
d’évaluation, la mesure est
l’opération préalable grâce à
laquelle les données et indices
à analyser et à interpréter sont
recueillies et mis(e)s à disposition
en vue d’une prise de décision.
Toute mesure a un objet.
L’objet représente ce sur
quoi porte la mesure (ex : les
élèves de CM2 de Cocody). La
caractéristique elle n’est rien
d’autre que ce que l’on veut
mesurer, c’est à dire la variable
concernée : il peut s’agir du QI,
de l’âge, de la taille, du niveau
de développement intellectuel,
etc. Le symboleest l’unité qui
va être retenue dans le cadre de
la mesure à effectuer. Si nous
prenons par exemple le poids,
il va sans dire que le symbole à
8
Legendre R, Dictionnaire actuel de l’éducation, Montréal-Paris, Guérin-ESKA, 1993 (2ième édition), citant Le
Ministère de l’Education du Québec (DGDP), p.831
19
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
utiliser sera l’unité de mesure
du poids, c’est-à-dire le gramme
(g) et s’il s’agit de la distance ou
la longueur, ce sera le mètre.
Enfin, le résultat est exprimé
par le nombre de fois que ce
symbole ou cette unité de mesure
aura été observé(e) dans son
application à la caractéristique
retenueTout ce cheminement
renvoie bien évidemment à la
problématique de la construction
de l’instrument de mesure,
problématique à laquelle
l’enseignant ou formateur est
de façon constante confronté..
S’agissant des apprenants, que
faut-il mesurer ?
20
La capacité de mémoriser,
l’aptitude à résoudre un problème,
la capacité d’analyser, d’appliquer
une méthode, une technique,
etc. ? La mesure repose sur la
conception et la mise en œuvre
d’un instrument (instrument
de mesure) spécialement
confectionné à cet effet et qui
en principe, a pour particularité
de permettre de capter sans
ambages, de façon exacte les
données ou indices à soumettre
à l’analyse et à l’interprétation en
vue de la décision.
En matière d’évaluation des
apprentissages, les enseignants
ont à leur disposition une
multitude d’instruments ou
d’outils dont ils ont le choix en
fonction du cas. Observant la
pratique de tous les jours, citons
en quelques-uns des plus connus,
par exemple : les questions
à choix multiples (QCM), les
questions à réponse courte et
ouverte (QROC), la dissertation,
la résolution de problème, la mise
en situation, le commentaire ou
l’explication de texte, la question
à appariement, la question avec
réponse à compléter, les tests de
connaissance, etc.
Lorsque l’enseignant a achevé
son cours et qu’il entreprend
de se faire une idée précise
du niveau d’avancement de
ses apprenants par rapport à
l’apprentissage auquel ils ont
été soumis, il lui revient de
décider, en tenant compte d’un
certain nombre de paramètres,
de l’instrument qui lui paraît le
plus pertinent et le plus adapté
au cas qui se présente devant lui.
Lorsque le choix de l’instrument est fait de façon judicieuse
et que sa construction est
conforme aux normes en la
matière, c’est-à-dire qu’il est fait
pour mesurer de manière effective
ce pour quoi il a été conçu et
construit (validité), la qualité de
l’évaluation ne devrait souffrir
d’aucune récrimination de la part
de ceux à qui elle s’adresse ou à
tout autre observateur. Au lieu
de cela, la pratique évaluative
à l’université de Cocody est
ouvertement ou sournoisement
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
contestée et globalement accusée
de complaisance, d’emprunte
de favoritisme, de constituer
souvent, une source de
règlement de compte, etc. Et
des faits observables tendent
à créditer le sort qui est ainsi
fait à cette partie pourtant
fondamentale des attributions
de tout enseignant. Citons par
exemple, les démarches des
étudiantes et étudiants pour
« négocier des notes ou les
points complémentaires» qui leur
manquent, le développement et
la généralisation des techniques
et stratégies pour tricher,
les nombreuses accusations
contre certains enseignants qui
distribueraient des notes par
complaisance, etc. Somme toute,
des pratiques qui si elles étaient
avérées, risqueraient à la longue,
d’entraîner la dépréciation
progressive et durable de
l’ensemble des formations
dispensées et donc des diplômes
délivrées par l’université.
Pour éviter d’aboutir de façon
irrémédiable à une telle issue,la
question fondamentale à laquelle
il nous semble utile de répondre
est la suivante :
Comment les étudiants
perçoivent-ils l’évaluation
des apprentissages telle que
pratiquée à l’université de
Cocody ?
Objectifs et hypothèses de
l’étude
Les objectifs
L’objectif général ici visé est
d’analyser les perceptions et
attentes des étudiants par rapport
à l’évaluation des apprentissages
telle que pratiquée à l’université
de Cocody. Il s’agit, dans ce sens:
- de recueillir les sentiments
et opinions des étudiants sur les
pratiques évaluatives en cours à
l’université de Cocody ;
- d’Identifier à partir de
ces données, les problèmes
réels que pose l’évaluation des
apprentissages à l’université;
- de Dégager des pistes
possibles d’amélioration de la
pratique en matière d’évaluation
des apprentissages.
Les hypothèses
Hypothèse principale
Quels que soient leur
nationalité, leur établissement
d’origine (filière) et le rythme
auquel se déroulent leurs études
(redoublant, non redoublant),
les étudiants de l’université de
Cocody ont de l’évaluation des
apprentissages, une perception
unique, négative en général.
21
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Hypothèses secondaires
- Les sentiments et attentes
exprimés par les étudiants à
l’égard des pratiques évaluatives
à l’université sont indépendants
du sexe, de l’établissement
(ou filière) dans lequel ils sont
inscrits, et du fait qu’ils aient
déjà repris une année ou non
(expérience personnelle)
22
- Les attitudes et opinionsdes
étudiants vis-à-vis de l’évaluation
des apprentissages telle que
pratiquée à l’université sont liées au
fait qu’ils sont informés ou non au
préalable, par rapport aux objectifs
et modalités de l’évaluation des
apprentissages. On peut penser
que s’ils disposaient au préalable,
des informations nécessaires, ils en
auraient une vision probablement
plus objective et positive.
Comment Vérifier sur le
terrain les hypothèses ainsi
formulées ?
2- MÉTHODOLOGIE
Le champ géographique de la
recherche
Sur les trois universités que
comptait alors la Côte d’Ivoire9,
seule l’université de Cocody
a été retenue. Située dans le
quartier de Cocody, à Abidjan,
capitale économique du pays, cette
institution universitaire est la plus
grande, la plus importante et la
9
Depuis, la Côte d’Ivoire en compte au total ciq (5). Les
URES de Daloa et de Korhogo sont érigées en universités
à part entière
plus ancienne du pays. L’université
de Cocody occupe l’emplacement
exact de l’ancienne Université
Nationale de Côte d’Ivoire. L’effectif
actuel est d’environ 70.000
étudiants repartis entre 13 Unités
de Formation et de Recherche
(UFR) et de deux Ecole et Centre.
C’est la réforme de 1995-1996
qui a restructuré les 7 anciennes
facultés en ces13 UFR10.
S’agissant des enseignantschercheurs leur nombre était
estimé au moment de l’enquête à
1500 environs parmi lesquels, des
Professeurs Titulaires, des Maîtres
de Conférences, des Maîtresassistants et des Assistants, qui
constituent le corps professoral. Les
moniteurs et autres Lecteurs sont
censés aider au fonctionnement de
ces différentes structures en raison
de leur faible nombre. Ce qui en
termes d’encadrement, conduit à
un taux d’environ 1/50, alors que
la norme en la matière se situe
selon l’UNESCO autour de 1/25.
Population et échantillonnage
Cette étude a concerné les
étudiants en troisième année
d’études universitaires, ou en
année de Licence. Nous avons
visé ceux-là parce qu’à ce niveau
d’études, ils ont suffisamment
d’expérience en matière
d’évaluation pour pouvoir s’en
faire une idée assez précise. Il ne
nous a pas paru utile de monter
10 Il s’agit des Facultés des Lettres des Arts et des Sciences
Humaines (FLASH), des Sciences et Techniques, de
Médecine, d’ Odontostomatologie, de Pharmacie, Droit
et Sciences Economiques.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
jusqu’aux étudiants de quatrième
année (Maîtrise) ou de Troisième
cycle même si une comparaison
entre les trois cycles d’études
universitaires n’aurait peut-être
pas été sans intérêt. Notre souci
était simplement de limiter le
nombre de variables.
Au total, sept cents étudiants
ont été interrogés dans sept (0 7)
des 13 UFR qui constituent l’université de Cocody et se répartissent comme suit :
Etablissements
universitaires
retenus
Nombres d’étudiants
retenus
Garçons Filles Total
UFR
Mathématique
Informatique
70
30
100
UFR Sciences
Juridiques et
Politiques
70
30
100
UFR Langues
Littératures et
Civilisations
70
30
100
UFR Sciences
Médicales et
Biologiques
70
30
100
UFR Odontostomatologie/
Pharmacie1
70
30
100
UFR Sciences
de la terre et
des ressources
minières
70
30
100
UFR Sciences
de l’homme et
de la société
70
30
100
Total
490
210
700
Un regroupement par affinité
de ces établissements permet de
voir qu’ont été pris en compte, les
différents groupes disciplinaires
d’avant la reforme qui a
transformé les Facultés en Unités
de Formation et de Recherche
(UFR). On a ainsi, L’ex-Faculté
des Sciences et Techniques (FAST)
avec les UFR Mathématiques et
Informatique et Sciences de la
terre et des ressources minières;
l’ex- Faculté des Lettres, des Arts
et des sciences humaines (FLASH) avec les UFR Sciences de l’homme
et de la société et Langues,
Littératures et Civilisations; les
Sciences de la santé (Médecine,
Odontostomatologie et Pharmacie)
et enfin, l’UFR Sciences juridiques
et politiques.
Dans chacune de ces huit
UFR, nous avons prélevé sans
considération de la taille de
l’établissement, des souséchantillons théoriques de 100
personnes, avec 70 garçons pour
30 filles. Ce qui nous fait un total
de 700 étudiants à interroger dont
490 garçons et 210 filles.
Instrument de recueil des
données et administration
Le recueil des données
a été réalisé par le biais d’un
questionnaire écrit comportant 19
items dont trois sont consacrés à
l’identification des répondants.
Afin de nous donner la chance
de recueillir le plus possible
d’exemplaires remplis, nous avions
23
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
sollicité et obtenu la complicité d’un
certain nombre de collègues des
UFR concernées qui ont accepté
qu’une trentaine de minutes de
leur temps de cours soit sacrifiée
au profit de l’administration directe
des questionnaires. Nous leur en
resterons reconnaissant.
24
Commencée au début du mois
de Mars, cette enquête s’est terminée
dans la première quinzaine du mois
de Mai de la même année. Le temps
d’administration a été quelque peu
rallongé d’abord à cause des congés
de Pacques, du fait que dans un
certain nombre d’UFR, les étudiants
de troisième année étaient en plein
examen (1ère ou 2ème session). A ces
deux évènements s’était ensuite
ajoutée la grève de protestation de
trois jours, soit du 27 au 29 Avril)
décrétée par la CNEC (Coordination
Nationale des Enseignants et
Chercheurs). Finalement l’enquête
sur le terrain avait pris fin l deux
(2) semaines plus tard.
Le traitement des données a
été fait grâce au logiciel spécial
d’analyse des données, le SPSS11.
Configuration des
répondants
Etablissements
universitaires
retenus
Nombre d’étudiants
échantillons
répondants
%
répondants
UFR
MathématiqueInformatique
100
83
83
UFR Sciences
Juridiques et
Politiques
100
81
81
UFR Langues
Littératures et
Civilisations
100
64
64
UFR Sciences
Médicales et
Biologiques
100
34
34
UFR Odontostomatologie/
Pharmacie
100
68(40+28)
68
UFR Sciences
de la terre et
des ressources
minières
100
41
41
UFR Sciences
de l’homme et
de la société
100
94
94
Total
700
465
66,42
Grâce à la stratégie d’administrationdes questionnaires
que nous avons adoptée dans
le cadre de la présente étude
(recours à la complicité de
collègues enseignants), nous avons
obtenu dans l’ensemble , un taux
intéressant de répondants, soit
66,42 %. Le tableau récapitulatif
ci-dessus laisse voir tout de
11 Statistical package for social sciences : SPSS Base 9.0
Applications guide, USA, SPSS Inc., 1999
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
même, quelques taux de réponse
relativement bas. Il s’agit de cas ou
les exemplaires n’ont en définitive,
pas pu être remplis sur place.
Probablement à cause du retard
pris dans les cours et la nécessité
urgente de les rattraper, certains
collègues contactés ont du procéder
de façon classique, c’est-à-dire
qu’ils ont remis les exemplaires
à remplir aux étudiants dont
certains n’ont évidemment pas
rendu leurs «copies».
Sur les personnes qui ont
participé de façon active à l’enquête,
on note que les étudiantes
représentent 32,3 % soit 154
personnes. Par ailleurs, que 67,5%
d’entre eux, soit 322 étudiants ont
déjà doublé au moins une fois pour
137 (28,7%) qui n’ont pas encore
perdu d’année.
Telle est la configuration
des étudiants qui ont accepté
de participer à cette enquête.
Quelles réponses donnent-ils
aux différentes questions qui
leur on été posées ?
3- LES RESULTATS OBSERVES
3.1- Appréciation générale
de l’évaluation des
apprentissages telle que
pratiquée à l’université
On note qu’une majorité de
280 répondants sur 462, soit
58,7% jugent l’évaluation «peu
efficace». Si on y ajoute 33 qui
la jugent «tout à fait inefficace,
on obtient une majorité forte de
313 personnes, soit 65,6% des
enquêtés qui se sont prononcés
sur cette question. En revanche,
149 autres, soit 31,2% pensent le
contraire. Cette configuration des
réponses est-elle influencée de
façon significative par les variables
retenues, notamment le sexe des
répondants ?Avec α=0,534, à 3
degrés de liberté, on retient que le
test x²=2,188 n’est pas significatif
au seuil de 5%. Autrement dit, les
réponses à la question posée ne
varient pas en fonction du sexe.
La tendance est la même tant chez
les garçons que chez les filles. Ces
deux catégories de répondants
trouvent que l’évaluation est
« peu efficace » voir « tout à fait
inefficace », soit 69,5% des garçons
et 63,3% des filles.
3.2- Des critères pris en compte
dans l évaluation des
apprentissages
Les enquêtés ont eu à se
prononcer sur plusieurs critères :
3.2.1- Le genre
Sur les 323 personnes qui se
sont prononcées sur cette question,
sur les 477 interrogées (67,7%),
280 (58,7%) rejettent le genre
comme critère pris en compte dans
l’évaluation des apprentissages. Ils
considèrent qu’il ne s’agit pas d’un
critère pertinent.
25
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
3.2.2- Les rapports
enseignants-enseignés
3.2.5- Présentation générale
de la production de l’étudiant
Au total, 344 (72,1%) sur 477
répondants ont exprimé un point
de vue par rapport à ce critère.
Parmi eux, une majorité relative
de 46,3% rejette ce critère. En
revanche, si on ne considère
que ceux qui se sont prononcés,
les partisans du rejet du critère
«rapport enseignants-enseignés»
constituent une majorité absolue
de 64,2%.
On observe ici aussi, une
tendance similaire. En effet,
non seulement ce critère retient
l’attention de 368 étudiants sur les
477 répondants, soit 77,1%, mais il
se dégage une majorité de 325 (soit
68,1% ou même de 88,3% si on en
reste à ceux qui s’y sont intéressés,
qui pensent qu’il s’agit d’un critère
d’évaluation valable.
3.2.3- La situation particulière
de l’étudiant(e)
26
Il se dégage une majorité
de 268 sur 305 enquêtés dont
l’attention a été retenue par
ce critère, soit 56,2% qui ne
considèrent pas que la condition
particulière que vit l’apprenant(e)
soit un critère pertinent à prendre
en compte. Cette majorité passe
à 87% si on ne considère que
ceux qui ont exprimé une opinion
sur ce critère.
3.2.4- L’exactitude du contenu
402 étudiants sur 477,
soit 84,3% de l’ensemble des
répondants se sont exprimé à
ce niveau. Parmi, eux, on relève
une majorité écrasante de 79,9%
qui retient ce critère comme tout
à fait pertinent, majorité qui
s’avère encore plus forte si l’on ne
considère que les 402 enquêtés
concernés, soit, 94,8%.
3.2.6- Tendance générale de
la réponse
328 étudiants sur 477,
soit 68,8% de l’ensemble des
répondants ont jugé de la
pertinence de ce critère. Parmi
eux, 220, soit 67,1% estiment que
la tendance ou allure générale de
la production de l’étudiant est
un critère valable que l’on doit
ou peut prendre en compte dans
l’évaluation des apprentissages.
3.2.7- Autres critères
80,6% des 134 étudiants qui
se sont intéressés à cette question
n’ont pas trouvé d’autres critères
susceptibles d’entrer en ligne
de compte dans l’évaluation des
apprentissages que ceux soumis
à leur appréciation.
3.3- De la pertinence des
critères 445 des 477 étudiants qui ont
participé à l’enquête, soit 93%
d’entre eux se sont prononcés
par rapport à la question posée.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
Parmi ces derniers, une majorité
relative de 194 éléments, soit
40,7% considère que ces critères
sont «assez pertinents». Si on y
ajoute les 73 autres (15,3%) qui les
trouvent «tout à fait pertinents»,
on obtient une majorité de
267 éléments,, soit 56% des
enquêtés qui expriment cet avis
favorable. En revanche, 31,7% des
répondants trouvent ces critères
«peu pertinents» et 5,7% autres,
«tout à fait erronés».
Par rapport à la variable
«sexe», le x² calculé est égal à
12,334. Avec =0,006, inférieur au
seuil de 5% à 3 degés de liberté,
le test x² est significatif. Ce qui
veut dire que garçons et filles
n’ont pas la même appréciation
de la pertinence des critères
auxquels les enseignants ont
recours. On note en effet que
si la majorité des filles (52,4%)
les trouvent « assez pertinents»,
chez les garçons il n’y a qu’une
majorité relative de 39,3% qui
souscrit à cette appréciation.
«L’établissement d’origine
des répondants» n’influence
pas significativement, leurs
réponses à cette question. En
effet le test x² (0,130) au seuil de
5%, à 9 degrés de liberté, n’est
pas significatif. S’agissant de la
variable « rythme des études»,
elle n’influence pas non plus
la répartition des réponses des
enquêtés par rapport aux quatre
(4) modalités de réponse à la
question posée. On a en effet,
x²=0,325 au seuil de 5%, à 3
degrés de liberté.
3.4- Communication des
critères aux étudiants
Les critères pris en compte dans
l’évaluation des apprentissages
par les enseignants sont-ils
communiqués au préalable
aux étudiants ? Les réponses
des enquêtés à cette question
paraissent assez disparates. En
effet, si on considère les 462
opinions exprimées sur les 477
enquêtés, soit 96,9% et si on
prend isolément chacune des
valeurs de l’échelle, on note que
ceux qui estiment que ces critères
sont « souvent » communiqués aux
étudiants sont les plus nombreux.
Ils représentent 38,6%. Mais
ils sont suivis par ceux qui
pensent plutôt qu’ils ne sont
que «rarement» communiqués,
151 personnes représentant
31,7% des étudiants concernés.
Ensuite viennent ceux selon
qui les critères retenus ne sont
« jamais » communiqués et enfin
ceux qui au contraire, soutiennent
que c’est plutôt « toujours » qu’ils
sont communiqués aux étudiants.
Si on procède au regroupement
par affinité, deux à deux de ces 4
valeurs, la tendance majoritaire
apparaît très clairement : Il ressort
en effet que si l’on met ensemble,
les répondants qui affirment que
27
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
les critères en question sont
communiqués «rarement» et
«jamais», on obtient une majorité
de 52,2% contre 44,5% pour
l’ensemble de ceux qui affirment le
contraire, c’est-à-dire « souvent » et
«toujours». On doit donc conclure
que la communication des critères
d’évaluation aux étudiants ne se
fait pas de façon systématique.
28
On note par ailleurs que les
réponses des enquêtés à cette
question sont influencées par la
variable «sexe». En effet, avec
α =0,035, au seuil de 5 %, le
test x² =8,616 est significatif
(0,0350,5). Ce qui veut dire que
garçons et filles n’y répondent pas
tout à fait de la même manière. On
note dans ce sens que du point de vue
de la « concentration des réponses
par sexe, les filles semblent plus
sévères dans leur jugement que
les garçons. Par exemple, pour
la réponse majoritaire «souvent»,
on enregistre 45,9% des filles et
36,9% des garçons. En revanche,
pour ceux qui estiment que
les critères ne sont « jamais »
communiqués aux étudiants, la
tendance est inverse : les garçons
sont plus nombreux à y souscrire,
(24,8%) que les filles (13,5%).
Par rapport à la variable
«établissement d’origine», on
retient que le test x² (0,053) est
significatif au seuil α =5 %, à
9 degrés de liberté. Autrement
dit, les réponses exprimées ici
ne sont pas les mêmes et varient
d’un établissement à l’autre.
Enfin, il faut retenir que la
variable «Rythme de progression
dans les études» n’a pas d’influence
significative sur les réponses à la
question posée. Avec x²=0536,
au seuil de 5%, à 1 degré de
liberté. Autrement dit, étudiants
redoublants et non redoublants
se repartissent de manière à peu
près semblable pour toutes les
modalités de réponse.
3.5- Enseignant dont on
apprécie la façon d’évaluer
Sur 477 étudiants interrogés,
461, soit 96,6%s’expriment sur
la question. Parmi eux, 426, soit
89,3% répondent «oui», c’està-dire qu’il y a au moins un
enseignant dont ils apprécient
positivement la façon d’évaluer.
Le sexe n’influence pas
les réponses des enquêtés.
Garçons et filles répondent de
façon fortement majoritaire
«oui» à la question posée, soit
respectivement 91,3% et 94,6%.
Autrement dit, le test x² (= 1,118)
n’est pas significatif au seuil de 5%
à 1 degré de liberté. Par rapport
à la variable «établissement
d’origine», le test x² (=2,878)
au seuil de 5% à 3 degrés de
liberté, n’est pas significatif.
Autrement dit, les répondants
s’expriment indépendamment de
cette variable.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
Il en est de même pour la
variable «rythme des études»,
avec x² = 0,439 au seuil de 5%
et 1 degré de liberté. Elle n’a pas
d’influence significative sur les
réponses des enquêtés.
La question leur avait donc été
posée de savoir sur quelle bases
apprécient-ils la façon d’évaluer
de ces enseignants. En réponse,
plusieurs éléments ont été évoqués
par les intéressés, à savoir :
3.5.1- la générosité de
l’enseignant
266 soit 55,8% des
enseignants se sont prononcés
sur la question. De cette
catégorie de répondants, il se
dégage une forte majorité de
86,5% qui rejette « la générosité »
de l’enseignant comme critère
crédible pour expliquer le fait
que les étudiants aiment ou
acceptent la façon d’évaluer de
tel ou tel enseignant. Ce n’est
apparemment pas ce qu’ils
cherchent chez leurs Maîtres.
3.5.2- La pertinence de ses
observations
Sur 359 personnes qui se
sont exprimées (75,3%) sur
477 enquêtés, 327, soit 91,1%
retiennent cet argument comme
justifiant leur préférence pour la
façon d’évaluer d’un enseignant.
3.5.3- La logique entre les
observations formulées et la
note attribuée
Parmi les 330 étudiants sur
477, soit 69,2% des interrogés,
297, soit 90%, c’est-à-dire la
quasi-totalité des intéressés
estiment que le fait qu’il y ait
une logique perceptible entre
les observations formulées par
l’enseignant et la note qu’il a
attribuée à la copie est un gage
de compétence qui justifie donc
qu’ils aient une préférence pour
sa façon d’évaluer.
3.5.4- Sa rigueur
La rigueur dont l’enseignant
fait preuve dans l’évaluation des
productions des élèves est un des
facteurs que les enquêtés retiennent
pour justifier leur choix pour sa
façon d’évaluer. Cette opinion est
partagée par une majorité écrasante
de 89,1% des 304 personnes
(63,7%) qui se sont intéressées à la
pertinence de ce facteur.
3.5.5- Autres qualités ou
facteurs A la question de savoir si
en dehors de ceux ci-dessuscités, les enquêtés en identifient
d’autres, ils sont 127 sur les 477
enquêtés à réagir. Et parmi ces
derniers, une forte majorité de
77,2% considèrent que c’est là
l’essentiel et qu’ils n’en voient pas
d’autres de vraiment importants
et significatifs.
29
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
3.6- Enseignants dont on
n’apprécie pas la façon
d’évaluer
Cette question a intéressé 451
des 477 enquêtés, soit 94,5%.
Parmi les 357 intéressés, soit,
74,8%, affirment qu’il y a des
enseignants dont ils n’aiment
pas la façon d’enseigner. Il n’y
a que 94 personnes, soit 19,7%
qui soutiennent le contraire,
c’est à dire qu’ils apprécient la
manière d’évaluer de tous les
enseignants.
30
Ces réponses varient-elles
en fonction des variables
retenues ? Indépendamment de
la variable «sexe», les répondants
affirment de façon majoritaire,
qu’il y a des enseignants dont
ils n’apprécient pas la façon
d’enseigner. Autrement dit, aussi
bien les garçons (78,9%) que les
filles(79,2%) expriment ce point
de vue. En effet, avec x²=0,875,
au seuil de 5% et à 1degré de
liberté, la différence entre ces
deux catégories d’enquêtés n’est
pas significative. Les réponses
des enquêtés ne sont pas non
plus influencées par la variable
«établissement d’origine», avec
x² = 4,289, au seuil α= 5%, à
3 degrés de liberté. Elles sont
indépendantes de cette variable.
Enfin, qu’ils soient redoublants
ou non redoublants, leurs réponses
ne varient pas de façon significative
avec x² = 0,883,au seuil de 5%, à
1 degré de liberté. Mais sur quels
arguments les partisans de la
tendance majoritaire en question
s’appuient-ils pour justifier cette
attitude ?
3.6.1- La méchanceté de
l’enseignant
Sur 477 enquêtés, 292, soit
61,2% réagissent par rapport à
cet item. Sur cet effectif, 159, soit
54,5% stigmatisent la méchanceté
de l’enseignant comme pesant
de façon significative sur le fait
qu’ils n’aiment pas sa manière
d’évaluer les apprentissages
3.6.2- Sa sévérité
Au total, 309 répondants sur
477 enquêtés réagissent par
rapport à cet item. Parmi eux, on
note qu’une majorité importante
de 71,5% (221) retient comme
élément fondant leur avis, la
sévérité de l’enseignant.
3.6.3- Sa sensibilité au genre
(sexe) Seuls 263 des 477 répondants
se sont intéressés à la question.
Une majorité de 70,7% de ces
derniers rejettent en revanche,
ce critère comme susceptible
de justifier leur attitudes visà-vis des enseignants par
rapport à leur façon d’évaluer
les apprentissages.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
3.6.4- Son manque de rigueur
Sur les 258 (54,4%) intéressés
par la question, il se dégage
une majorité de 59,3%, 153
personnes pour qui le manque de
rigueur de l’enseignant est une
des raisons pour lesquelles ils
n’aiment pas leur façon d’évaluer
les apprentissages.
3.6.5- Absence de critères
objectifs d’évaluation
302 répondants sur 477 ont
réagi par rapport à cet item,
soit 63,3%. La majorité de ces
derniers, soit 72,2%, pense
qu’il s’agit là d’une des raisons
fondamentales pour lesquelles
elle n’apprécie pas de façon
positive, la façon d’évaluer de
certains enseignants.
Ces réponses sont-elles
influencées par certaines
variables ? Avec x²=0,266 au
seuil de 5%, à 3 degrés de liberté,
on retient que les enquêtés,
donnent des réponses qui sont
indépendantes de la variable
«établissement d’origine».
Quant aux enquêtés, non
redoublants ou redoublants,
ils soutiennent dans leur
majorité (73,3% et 71,3%) qu’il
n’y a pas de critères objectifs
d’évaluation. Avec x²=0,733,
toujours au seuil de 5%, à 1
degré de liberté, ils estiment
que la variable « rythme des
études n’influence pas de façon
significative, leurs réponses.
3.6.6- Subjectivisme dans
l’attribution des notes
Les 243 personnes qui se sont
exprimées sur la question, émettent
des avis tout à fait partagés.
En effet, 50,2% d’entre elles
soutiennent que le subjectivisme
n’est pas un fondement significatif
et positif de l’attribution des notes,
alors que 49,2% autres soutiennent
le contraire.
Le test x² étant égal à 0,818 au
seuil α=5%, à 1degré de liberté, il
n’est pas significatif. Autrement
dit, filles et garçons se retrouvent
dans chacune des deux positions
adoptées. En revanche, on doit
retenir que les réponses des
enquêtés sont influencées par leur
établissement d’origine dans la
mesure où x²=0,011, avec 3 degrés de
liberté, au seuil de 5%. En observant
bien les données , on remarque en
effet que les enseignants de Droit/
Sciences économiques et de l’ex
FLASH donnent majoritairement
la réponse «oui», c’est-à-dire qu’ils
affirment l’existence d’un certain
subjectivisme dans l’attribution
des notes alors que ceux des
Sciences de la santé et des Sciences
et techniques répondent plutôt
« non ». Ces derniers n’admettent pas
l’existence d’un tel subjectivisme. Ce
sont eux qui font semble t-il, le plus
confiance en l’objectivité des notes
qu’ils attribuent aux étudiants.
31
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
3.6.7- Négligence dans la
correction 3.7.3- Les Questions à réponse
ouverte et courte (QROC)
59,7% des 477répondants
(285) ont réagi à cet item. Parmi
eux, il y a une majorité de 62,5%
qui retient la négligence comme
une justification pertinente du
jugement porté sur ces enseignants
339 enquêtés sur 477 se
sont exprimés sur cette forme
d’évaluation. Parmi eux, 68,4%,
soit 232 personnes, estiment
que cette méthode est souvent
utilisée par les enseignants dans
l’évaluation des apprentissages.
3.6.8- Autres défauts
Seuls 143 personnes prennent
position et parmi eux, 108, soit
75,5% n’en voient pas d’autres.
3.7- Méthodes d’évaluation
utilisées
3.7.1- La résolution de
problème
32
Parmi les 363 répondants sur
477 qui ont réagi, soit 76,1% il
se dégage une majorité de 74,7%
qui soutient que cette façon
d’évaluer, les apprentissages est
souvent utilisée.
3.7.2- Les questions à choix
multiples (QCM)
328 des 477 enquêtés, soit
68,8% ont réagi. Parmi ces
derniers, une majorité courte
de 52,4% estime que les QCM
ne sont pas souvent utilisés. En
revanche, on enregistre aussi,
47,6 % autres des enquêtés qui
disent le contraire.
3.7.4- La dissertation
On a 333 enquêtés sur
477, soit 69,8% qui se sont
intéressés à la question. Parmi
ces derniers, 54,7% (182)
affirment que la dissertation
est suffisamment utilisée par
les professeurs. 45,3% autres
soutiennent le contraire.
3.7.5- Le commentaire et
l’explication de texte
Sur les 477 enquêtés, 296
expriment un point de vue et
parmi ces derniers, on relève
une majorité de 62,8% (186) qui
soutiennent que le commentaire
et l’explication de texte ne sont pas
souvent utilisés comme méthodes
d’évaluation des apprentissages.
Ceux qui soutiennent le contraire
constituent une minorité de 37,2%.
3.7.6- Les travaux de recherche
Sur 303 personnes qui se
sont prononcées sur la question,
soit 63,5% des 477 personnes
interrogées, 62,4% estiment
l’évaluation sous forme de
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
travaux de recherche est assez
souvent utilisée.
3 . 7 . 7 - L e s q u e s t i o n s à
appariement
225 personnes (53,5%) des
477 enquêtées ont réagi ; la
grande majorité d’entre elles
estiment que les questions
à appariement sont souvent
utilisées par les enseignants au
niveau de l’évaluation
3.7.8- Les questions avec
réponse à compléter
Sur les 477 personnes
interrogées, 281 se sont
exprimées dont 69, soit 14,5%
seulement soutiennent que les
QRC sont souvent utilisées. Ce
n’est pas l’avis de la majorité
des 212 autres, soit 75,4%
qui elles, ne le pensent pas. ,
Autrement dit, les questions à
réponse à compléter sont peu
utilisées à ce niveau.
3.7.9- Le travail en groupe Cet item a intéressé 319
(66,9%) personnes sur 477. C’est
la majorité. Parmi eux, 197, soit
61,8% soutiennent que le travail
de groupe est souvent utilisé par
les enseignants.
3.7.10- Autres Instruments Seuls 148 personnes sur 477
ont réagi, soit 31%. La majorité
de ces derniers, c’est-à-dire
84,5% (125) affirment ne pas
connaître d’autres instruments
d’évaluation des apprentissages.
Ce qui paraît tout de même un
peu court !
3.8- Les instruments
d’évaluation ayant le plus
marqué les étudiants
3.8.1- La résolution de
problèmes
sur 477 concernés, 318, soit
66,7% ont exprimé une position.
Parmi eux, il se dégage une
majorité de 207 individus, soit
65,1% qui soutiennent qu’ils
ont été vraiment marqués par la
résolution de problème comme
forme d’évaluation
3.8.2- Les Questions à Choix
Multiples (QCM)
297 personnes sur les
477 individus interrogées,
soit 62,3%ont pu réagir.
Parmi eux, 57,9%, soit 172
individus disent avoir été aussi
marqués par les QCM comme
instruments d’évaluation des
apprentissages.
3.8.3- Les Questions à Réponse
Ouverte et Courte (QROC)
Par rapport à cet item,, 299
personnes (62,7%) ont pris position.
Parmi eux, nous avons une
majorité de 60% qui soutiennent
que les QROC les ont marqués
comme forme d’évaluation.
33
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
3.8.4- La Dissertation
279 enquêtés sur 477, soit
58,5% ont réagi. Une courte
majorité de 50,5% de ces derniers
estime avoir été marquée par cette
forme d’évaluation. Toutefois, on
peut dire que les points de vue
sont partagés puisqu’une autre
moitié (49,5%) dit le contraire.
3.8.5- Le Commentaire et
l’Explication de texte
34
sur 477 enquêtés, 53,9%, soit
257 personnes ont exprimé une
position. La majorité d’entre elles,
c’est-à-dire 170 (66,1% estime
n’avoir pas été marquée par ces
deux formes d’évaluation. Seule
une minorité de 87 personnes
(33,9% soutient le contraire.
3.8.6- Le Travail de recherche
276 répondants sur 477
expriment une position, soit
60 (57,9)% de l’ensemble.
Parmi ceux-ci, 161, soit
58,3% soutiennent avoir été
impressionnés ou marqués par
le travail personnel de recherche
comme forme d’évaluation.
3.8.7- Les Questions à
appariement
42,2% des 477 répondants, c’està-dire 225 personnes ont exprimé
une position précise : sur cette
courte majorité, il se dégage une
forte majorité de 86,7% qui soutient
n’avoir nullement été marquée
par les questions à appariement
comme forme d’évaluation. En clair,
ils ne connaissent pas tellement
cet instrument au service de
l’évaluation !
3.8.8- Le Travail de groupe
289 répondants sur 477
donnent un point de vue. On
trouve parmi eux, 174 personnes,
soit 60,2% qui ont été marquées
par cette forme d’évaluation.
3 . 8 . 9 - D ’ a u t re s m é t h o d e s
d’évaluation
On enregistre ici, 142
répondants sur 477 qui ont
réagi par rapport à cette forme
d’évaluation. Ils représentent
29,8%. Parmi eux, la grande
majorité, soit 93% n’ont été
marquées par aucune autre
forme d’évaluation que celles
soumises à leur appréciation. Ce
qui pourrait aussi signifier que
les intéressés ne connaissent tout
simplement pas d’autres formes
d’évaluation des apprentissages.
3-9 Les préférences des
étudiants
3.9.1- La Résolution de
problème
On note ici que sur les 477
répondants, 313 réagissent, soit
65,6%, parmi lesquels, 221, soit
70,6% affirment leur préférence
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
pour la résolution de problème
comme forme d’évaluation
3.9.2- Les QCM
313 répondants sur 477
s’expriment, soit 65,6%. Parmi
eux, on a 201 personnes, soit
64,2% qui expriment leur
préférence pour les Questions
à Choix Multiples comme
méthodes d’évaluation. Il s’agit
d’une opinion majoritaire.
3.9.3- Les QROC
Sur les 477 répondants, 281
ont exprimé un point de vue,
soit 58,9%. Parmi ces derniers,
178, soit une majorité de 63,3%
déclarent leur préférence pour
les QROC.
3.9.4- La Dissertation
Sur 477 répondants, nous
avons 273 réactions qui ont
été enregistrées, c’est-à-dire
57,2%. Ici, on observe une courte
majorité de 53,1% qui exprime sa
préférence pour la dissertation.
3.9.5- Commentaire et
Explication de texte
247 (51,8) sur 477 répondants
se sont exprimés sur ce point.
Parmi eux, 66,4%, soit 164
personnes préférences deux
formes que peut prendre
l’évaluation des apprentissages
que sont le commentaire et
l’explication de texte.
3.9.6- Les travaux de recherche
304 des 477 enquêtés,
soit 63,7% ont formulé une
opinion sur la question.76,6%
d’entre eux, soit 233 personnes
disent avoir une préférence
pour les travaux de recherche
comme forme ou instrument
d’évaluation.
3.9.7- Les questions à
appariement
Ceux qui ont réagi à cet item
sont au nombre de 227 sur
477, soit 47, 6%. Parmi eux, la
majorité, soit 170 individus qui
représentent 75%, ne retiennent
pas cette forme d’évaluation
parmi leurs préférences
3.9.8- Les questions à réponse
à compléter
Sur 477 enquêtés au total,
on a 244 réponses, soit 51,2%.
Parmi ces derniers, on a une
majorité de 62,3%, soit 152
personnes qui retiennent cette
forme d’évaluation comme une
de leurs préférences.
3.9.9- Le travail de groupe
286 répondants sur 477, soit
60% ont donné leur opinion. Parmi
eux, 185, soit 64,7% expriment
leur préférence pour cette forme
d’évaluation entre autres
3.9.10- D’autres formes ou
méthodes d’évaluation
Au total, 141, soit 29,26%
seulement sont concernés. Sur
35
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
cet effectif, il y a 121, soit 85,
8% qui n’ont aucune autre
préférence. Ceci pour dire qu’ils
ne connaissent peut-être pas
d’autres formes d’évaluation.
36
appréciation (75,1%) contre
66,4% pour ceux qui n’ont jamais
doublé. Dans leur majorité, les
étudiants interrogés pensent
tout de même que les notes
attribuées par leurs maîtres sont
3.9.11- Appréciation des notes relativement justifiées. Elle ne
distribuées
sont donc pas systématiquement
446 personnes sur 477, soit vues comme arbitraires.
93,5% se sont sentis concernées
Tels sont là exposés, les
par cette question. Parmi ces résultats de cette étude. Que
dernières, 322, soit 72,2% faut-il en penser ?
estiment que les notes attribuées
sont «plus ou moins justifiées».
4- DISCUSSION
On en trouve 93 autres, soit
L’objectif général de ce travail,
21% qui les estiment «tout à
faut-il
le rappeler, est d’analyser
fait justifiées». Il apparaît tout
les
perceptions
et attentes
à fait clair que les étudiants
des
étudiants
par
rapport à
interrogés ne remettent pas
l’évaluation
des
apprentissages
systématiquement en cause les
notes qui leurs sont attribuées telle que pratiquée à l’université
de Cocody.
par leurs Maîtres.
Celui-ci a été ensuite décliné en
Par rapport à la variable
trois
objectifs spécifiques, à savoir :
«établissement d’origine, le test
de x² n’est pas valide, plus de
25% de valeur théorique étant
inférieurs à 5
Quant à la variable « rythme
des études, elle influence de
façon significative les réponses
avec x²=0,048à 3 degrés de
liberté, au seuil de 5%. L’examen
des chiffres montre bien que si
non redoublants et redoublants
soutiennent de façon majoritaire
que les notes attribuées par les
enseignants sont «plus ou moins
justifiées», les redoublants ont
plus tendance à donner cette
1. recueillir les sentiments et
opinions des étudiants sur
les pratiques évaluatives
en cours à l’université de
Cocody ;
2. identifier à partir de ces
données, les problèmes réels
que pose l’évaluation des
apprentissages à l’université ;
3. dégager des pistes possibles
d’amélioration de la pratique
en matière d’évaluation des
apprentissages.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
L’examen des résultats
exposés nous permet de noter
que ces objectifs ont été atteints.
En effet, l’enquête que nous
avons conduite nous a permis
de recenser les sentiments et
opinions des étudiants aux
pratiques d’évaluation des
apprentissages à l’université de
Cocody, et de mettre en reliefs les
principales difficultés qui y sont
attachées Des pistes de solution
ont été ensuite proposées :
En rapport avec ces objectifs,
des hypothèses avaient été
formulées et il s’agissait de
vérifier sur le terrain.
L’hypothèse principale
était la suivante : Quels que
soient la nationalité, le sexe,
l’établissement d’origine (filière) et
le rythme auquel se déroulent leurs
études (redoublant, non redoublant),
les étudiants de l’université de
Cocody ont de l’évaluation des
apprentissages, une perception
unique, négative en général.
A partir de cette hypothèse
principales, des hypothèses
secondaires ont été formulées,
à savoir :
Les sentiments et attentes
exprimés par les étudiants à
l’égard des pratiques évaluatives
à l’université varient avec le sexe,
l’établissement(ou filière) dans
lequel ils sont inscrits, et le fait
qu’ils aient déjà repris une année
ou non (expérience personnelle).
Les attitudes et opinionsdes
étudiants vis-à-vis de l’évaluation
des apprentissages telle que
pratiquée à l’université sont liées
au fait qu’ils sont au préalable
informés ou non, par rapport aux
objectifs et modalités de l’évaluation
des apprentissages. On peut penser
que s’ils disposaient au préalable,
des informations nécessaires, ils en
auraient une vision probablement
plus objective et positive.
Ces hypothèses ont-elles été
vérifiées sur le terrain ?
4-1 Lapremière hypothèse L’analyse des données
recueillies sur le terrain permet
d’affirmer que cette première
hypothèse a été pour l’essentiel,
vérifiée. On observe en effet que le
sexe,l’établissement d’origine et le
rythme de déroulement des études
(expérience) influencent de façon
significative, certaines réponses
formulées par les enquêtés à propos
de l’évaluation des apprentissages
telle que pratiquées par leurs
Maîtres.Certaines réponses des
enquêtés ne sont pas linéaires.Elles
varient en fonction de l’une ou l’autre
de ces trois variables.
A propos de l’appréciation
globale des pratiques d’évaluation
des apprentissages :
Dans leur écrasante majorité
les enquêtés, filles et garçons
37
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
estiment que l’évaluation
des apprentissages telle que
pratiquée à l’université est «peu
efficace», voire même «tout à fait
inefficace». La variable sexe n’a
pas d’incidence significative sur
les points de vue exprimés par
les filles et les garçons.
Sur les modalités de réponses
proposées par rapport à la
question de savoir quels sont
les critères précis dont les
enseignants tiennent comptent
dans l’évaluation de leurs
productions, les intéressés
retiennent principalement :
- l’exactitude du contenu ;
38
- la présentation générale du
travail fourni
- la tendance générale des
réponses de l’étudiant
Certains expriment une
attitude positive, parfois
nuancée. Toutefois, la tendance
majoritaire est à la faveur
de ceux qui estiment que le
système d’évaluation connaît
des problèmes assez sérieux
auxquels il urge de trouver des
solutions adéquates.
En revanche, on relève que
des critères comme le genre, les
relations enseignants /enseignés
et la situation particulière des
étudiants sont rejetés de manière
franche ; En plus, ils n’ont
pas trouvé d’autres critères
possibles, en dehors de ceux
qui leur ont été proposés pour
appréciation.
S’agissant des trois critères
qu’ils retiennent, ils affirment qu’ils
sont tout à fait pertinents. C’est ce
qu’affirment 56 % d’entre eux.
On a pu noter par ailleurs que
seule la variable «sexe» influence
de façon significative les réponses
exprimées en ce qui concerne
les critères pris en compte par
les enseignants Il apparaît en
effet que les filles sont plus
nombreuses à soutenir cet avis
que leurs condisciples garçons.
Il aurait toutefois été intéressant
d’identifier et d’analyser les raisons
qui fondent cette opinion.
4-2 Deuxième hypothèse
L’information préalable et
suffisante des étudiants sur les
modalités et outils d’évaluation :
par rapport à la question de savoir
si ces critères sont communiqués
aux étudiants avant leur mise en
application, il faut retenir avec les
participants à l’enquête que cela ne
se fait pas de façon systématique.
Il ne s’agit pas vraiment d’une
pratique avérée en ce sens que très
peu d’enseignants le font.
Par rapport aux variables
retenues on observe que le
sexe et l’établissement d’origine
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
influencent quelque peu les
réponses des enquêtés: ici,
les filles paraissent en effet,
plus déterminées dans leur
souscription à cette réponse
que les garçons. Par ailleurs,
les attitudes des répondants
varient ici, d’un établissement
à l’autre. En revanche, il
n’y a pas de différence entre
redoublants et non redoublants.
Quel que soit le rythme de dé
roulement de leurs études, la
majorité des enquêtés soutient
que communiquer d’avance les
modalités et outils de l’évaluation
n’est pas une pratique régulière
et systématique de la part des
enseignants. En dépit de toute
cette situation, retiennentils des enseignants dont ils
apprécient de façon positive, la
façon d’évaluer ?
Il ressort de cette enquête
que de nombreux étudiants
interrogés reconnaissent qu’il y a
des enseignants qui évaluent de
façon «correcte». Les enseignants
ne sont donc pas vus dans leur
ensemble, comme mauvais en
soi, en matière d’évaluation. C’est
de façon majoritaire qu’ils optent
pour cette réponse qu’aucune des
variables retenues n’influence de
façon significative. Ils fondent
cette opinion sur un certain
nombre d’arguments, à savoir : la
pertinence des observations qu’ils
formulent,, la logique entre les
observations et la note attribuée,
la rigueur dans la façon dont ils
travaillent, etc...
Parallèlement, les étudiants
interrogés connaissent aussi des
enseignants dont ils n’apprécient
pas la manière d’évaluer ?
Ils sont, également nombreux
à en connaitre dont ils
n’apprécient point les pratiques
en matière d’évaluation. Et
cette réponse est également
indépendante des variables
sexe, établissement d’origine et
rythme des études (le fait d’avoir
re doublé ou non). Les facteurs
qui militent selon eux, en faveur
du fait qu’ils ne les aiment
pas sont principalement : leur
«méchanceté», leur «sévérité»,
leur «absence de rigueur»,
«l’absence de critères objectifs»
d’évaluation, le «subjectivisme dans
l’attribution des notes» ainsi que la
«négligence dans la correction».
Dans l’ensemble, on doit
retenir que les discours et autres
rumeurs relatives à la fois aux
enseignants et à leurs pratiques
dans le domaine de l’évaluation
des apprentissages ne sont pas
toujours justes. Des nuances sont
à faire. Si beaucoup d’enquêtés
trouvent l’évaluation telle que
pratiquée à l’université de Cocody
«peu efficace», ils considèrent
cependant que leurs Maîtres ne
sont pas si injustes et subjectifs
que cela, lorsqu’ils procèdent à
39
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
l’évaluation des productions de
apprenants qu’ils sont. CONCLUSION
40
Au terme de cette étude, on
peut retenir entre autre que : par
apport aux rumeurs et autres
informations qui circulent sur
la façon dont l’évaluation des
apprentissages se déroule dans
les universités ivoiriennes et
en particulier à l’université de
Cocody aujourd’hui Université
Félix Houphouët-Boigny, notre
intention au départ de cette étude
était d’analyser les sentiments,
attitudes et attentes réelles des
étudiants. Nous avions dans
ce sens engagé une enquête
par questionnaire auprès d’un
échantillon de 700 étudiants
dont 210 filles. Sept (7) Unités de
Formation et de Recherche (UFR)
sur les 13 que compte l’UFHB ont
été concernées par cette étude.
Sur cet ensemble, 465 répondants effectifs ont été enregistrés,
soit un taux de réponse de 66,42%
de l’échantillon de départ.
Les données de l’étude quantitative ont été traitées avec le
logiciel SPSS .
De l’analyse ainsi faite, que
retenir ?
S’agissant des résultats on a
pu retenir notamment que les
objectifs visés et énoncés dès le
départ, ont tous été atteints. Au
niveau des hypothèses, en ce
qui concerne la première, seule
la variable «sexe» n’influence
pas de manière significative, les
différentes réactions exprimées
par les répondants. Dans
l’ensemble, les variables sexe,
établissement ou filière d’origine ,
tout comme le fait d’avoir redoublé
au moins une fois ou non ont
une incidence significative sur
ce que les répondants pensent
des pratiques des enseignants
en matière d’évaluation des
apprentissages à l’université
Félix Houphouët-Boigny: Ils
expriment des points de vue
qui divergent pour certains
d’un établissement à l’autre,
d’autres, selon le rythme de
déroulement de leurs études,
c’est-à-dire selon qu’ils ont déjà
redoublé ou non
Nous ne
sommes donc pas dans une
logique d’unanimisme notoire
comme les rumeurs pourraient
le laisser penser. Autrement
dit, la façon dont les étudiants
apprécient les pratiques de
leurs Maîtres en matière
d’évaluation n’est pas linéaire.
Des études plus approfondies
permettront certainement de
mieux comprendre l’ensemble
des problèmes liés aux
pratiques évaluatives en milieu
universitaire.
Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions...
BIBLIOGRAPHIE
Aka A., De la nécessité d’un code
de Déontologie à l’université, in
les Annales de l’Université Omar
Bongo, Libreville, vol.2,n° 3 et 4,
pp. 53-62.
Aka, A. (2012), l’évaluation des
apprentissages à l’université : points
de vue de quelques enseignantsChercheurs débutants de l’université
de Cocody, in Revue Gabonaise de
Recherche en Education n°2, Paris,
Editions L’Harmattan, pp. 13-44
Dico Encarta.
Bonnard Jacqueline,(2012), Vers une
évaluation positive du travail de
l’élève, www.propertyfrontiers.com.
Jocke D. (2008), L’évaluation
par compétences, www.
propertyfrontiers.com.
J o u q u a n J e a n , ( 2 0 0 2 ) , L’évaluation
des étudiants en formation médicale
initiale, in Pédagogie Médicale ,
volume 3, n° 1, pp. 38-52.
Alain Dubus, Synthèse de l’ouvrage
de Gimonnet Bertrand. (2007), les
notes à l’école ou le rapport à la
notation des enseignants de l’école
élémentaire, Paris, Harmattan, – 304
p.,, in Revue française de pédagogie
octobre-novembre-décembre pp.
119-142.
Thines G. et Lempereur A. (1975),
Dictionnaire général des Sciences
Humaines, Paris, Editions
universitaires.
Malcuit Gérard, Pomerleau André, (1986)
Terminologie en Conditionnement et
Apprentissage, Québec, Presses de
l’Université du Québec.
Noizet G. et Caverni J.P. (1978), Psychologie
de l’évaluation, Paris, PUF
DenisBerthiaume, Jérôme David et
Thomas David (2012), «Réduire
la subjectivité lors de l’évaluation
des apprentissages à l’aide d’une
grille critériée : repères théoriques
et applications à un enseignement
i n t e r d i s c i p l i n a i r e» , R e v
u e Internationale de Pédagogie de
l’enseignement supérieur (,RIPES,
en ligne), 02/1e// : http://ripes.
revue.org.524
Joelle Morissette (2010),«Une perspective
interactionaliste, un autre point
de vu e sur l ’éva l ua t i on de s
apprentissages»,,4 , SociologieS (en
ligne), URL : http :// sociologies.
revue.org/3028.
Legendre R,(1993), Dictionnaire actuel
de l’éducation, Montréal-Paris,
Guérin- ESKA, 1993 (2ième édition).
Microsoft® Encarta® 2007. © 1993-2006
Microsoft Corporation. Tous droits
réservés.
Romainville Marc.,(Déc.2002),
L’évaluation des acquis des étudiants
dans l’enseignement universitaire,
Namur(Belgique), Rapport établis
à la demande du Haut Conseil de
l’Evaluation de l’Ecole.
MooserFraançois, ( 2003-2004),
Evaluation des apprentissages,
Université de Fribourg (Suisse),
Mémoire de fin d’études DFCESTE,
32 pages.
41
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
REPRESENTATIONS SOCIALES DES DETERMINANTS DE
LA DEPERDITION SCOLAIRE DANS LA CIRCONSCRIPTION
DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE DE BONOUA
Gbahoui Jean-Marie Nicaise
42
Doctorant en Développement
du Capital Humain
IREEP/Université Félix Houphouet
Boigny d’Abidjan
08 BP 2692 Abidjan 08
[email protected]
RESUME
ABSTRACT
A Bonoua, le taux de scolarisation
84% (Rapport PASEC, Côte d’Ivoire
2012) reste un des plus élevé de
la Côte d’Ivoire. En marge de ces
efforts, certains problèmes inhérents
au système comme la déperdition
scolaire affectent les indicateurs
de performance de l’enseignement
primaire. Elle correspond à une sortie
prématurée d’une partie des effectifs
scolaires engagés dans un cycle ou
dans un programme d’étude. Pour
une analyse efficiente, le recueil des
données s’est opéré à partir d’un
questionnaire de caractérisation.
Pour mieux caractériser le mode
d’organisation des structures
sociocognitives, nous avons opté pour
l’analyse de similitude. Il ressort de cette
étude que les représentations sociales
des déterminants de la déperdition
scolaire dans la circonscription de
l’enseignement primaire de Bonoua
sont déterminées par la catégorie à
laquelle appartient le sujet.
Bonoua is one the place in Côte
d’Ivoire where the rate of schooling
remains higher 84% (report of PASEC,
Côte d’Ivoire 2012). Many efforts
have been done by decision makers
and parteners of educational system
and beside of those efforts, some
problems inherent to the system
affect the figures of performance of
the primary school. Schooling lost
remains the major problem. For an
effective analysis, the collection of
data is operated through a specific
questionnaire. As a result of that
survey, social representation due to
lost of schooling in primary education
of Bonoua, are determined the
categories which belong is the pupil
himself.
MOTS-CLES: Déperdition scolaire,
déterminants, enseignants, parents,
élèves, noyau central, éléments
périphériques, principes organisateurs,
représentations sociales.
Key-words: Schooling lost, inherent,
teachers, parents, pupils, organizers
principle, social representation.
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
NTRODUCTION
La politique de la scolarisation
primaire universelle prônée
par la Conférence de Jomtien
1990 et La démocratisation de
l’enseignement introduite après la
deuxième guerre mondiale dans la
plupart des pays développés ont
eu un effet sur l’accroissement
des effectifs scolaires. L’effectif
de l’enseignement primaire est
passé de 206 millions en 1950
à 688 millions en 2005 (Mingat
et Suchaut, 2000 ; UNESCO,
2007b). Cependant, le problème du
rendement interne des systèmes
éducatifs soulève beaucoup
de questions : le système est-il
efficace ? Les élèves maîtrisentils les compétences que l’école
est censée développer ? Les
systèmes éducatifs prévoientils des stratégies efficaces pour
éviter les déperditions scolaires
? Dans les pays développés où
la scolarisation est obligatoire et
gratuite, les études montrent que
le taux de déperdition en 2011
était évalué à 04,2% (Beaucker,
2012) ; De Ketele, (2004) ; De
landsheere, (1979) ; dépover
(2005) ; deblé (1964). Diallo,
(2001) ; Diambomba (1992) ;
Gimeno (1984) ; kaboré (2003).
Si beaucoup d’enfants quittent
l’école primaire avant terme, avec
peu de compétences nécessaires
pour une bonne intégration
dans la société, on constate que
d’autres abandonnent les études
avant la fin du cycle dans lequel ils
sont inscrits. Au niveau mondial,
le taux moyen de déperdition
scolaire pour les cinq premières
années d’études s’élevait à
1,9% en 2004 contre 20,0% en
2010. La volonté politique du
Gouvernement Ivoirien et celle des
partenaires du système éducatif
d’assurer une éducation de base
pour tous a été accompagnée
par un accroissement des
effectifs scolaires au niveau de la
circonscription de l’enseignement
primaire de Bonoua. Ainsi, le taux
brut de scolarisation (TBS) au
niveau de cette circonscription
est passé de 10% en 1960 à
84% en 2012 (DIPES, Ministère
de l’Education Nationale et de
l’Enseignement Technique).
Cependant, le taux brut de
scolarisation de 84% donne une
image surestimée de la production
effective du primaire qui doit être
évaluée sur la base de la proportion
de la classe d’âge qui achève le
primaire (Taux d’Achèvement du
Primaire). En effet, d’année en
année ce sont des milliers d’élèves
qui rejoignent le nombre toujours
croissant d’adolescents sans issus.
Ainsi pour les différentes rentrées
scolaires (2009-2010 ; 2010-2011 ;
2011-2012), le taux de déperdition
scolaire s’élèvait respectivement à
25% ; 26,53% et 27,84%.
43
© educi
44
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
A qui la faute ? Aux parents
d’élèves qui ne remplissent
pas correctement leurs
fonctions ? Aux élèves qui ne
travaillent plus suffisamment ?
Aux enseignants mal formés,
démotivés et inconscients ?
A l’environnement politique,
social et économique ? La notion
même de déperdition scolaire est
polysémique, vaste et complexe
de telle sorte qu’elle est au
croisement de plusieurs sciences
(la psychologie de l’éducation,
la sociologie de l’éducation, la
didactique des disciplines, etc.).
Ainsi, les travaux concernant
les origines et les causes de
la déperdition scolaire sont
multiples et variées. Certains
de ces travaux mettent en cause
les déficiences psychologiques
innées ou acquises dans les
échecs scolaires en insistant
sur les concepts de quotient
intellectuel, d’inadaptation
scolaire, de débilité mentale
profonde ou légère, de dyslexie,
de dysorthographie etc. D’autre
part, certains chercheurs ont
insisté sur les facteurs liés aux
inégalités sociales au niveau
de la scolarisation (Bourdieu et
Passeron, 1970)
Comme on le voit, la question de
la déperdition scolaire interpelle
une pluralité de discours
relevant de savoirs scientifiques
(sociologie, psychologie, économie
etc.). Cependant, les individus
établissent toujours et dans
tous les cas et quelle que soit
la situation une image mentale
avec leur environnement. Et
les représentations constituent
l’essence du contenu de la pensée
qui permet justement l’action et
l’interaction de l’individu avec
le milieu social. Le contenu
des représentations sociales
nous informe sur les croyances,
les attitudes et les pratiques
partagées par un ensemble
d’individus. Le Bouedec (1984) ;
La recherche des points
d’ancrage pour une meilleure
définition des causes ou
déterminants de la déperdition
scolaire constitue un problème
entier relativement à la manière
dont les acteurs sociaux(parents
et enseignants) impliqués
objectivement dans le système
s’approprient, pensent et évoquent
éventuellement ce concept comme
une dimension de leur rapport au
monde éducatif à travers leur
vécu quotidien, les normes, les
valeurs, les attentes. Autrement
dit, il s’agit de conduire cette
étudeconcernant la déperdition
scolaire à Bonoua sous l’éclairage
des représentations sociales,
notamment la théorie du noyau
central.
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
1- CADRE THEORIQUE DE
REFERENCE L’une des approches élaborée
pour l’analyse et l’interprétation
des représentations sociales est
l’approche structurale emmenée
par la théorie du noyau central.
Sa démarche consiste à décrire et
à comprendre l’organisation des
éléments constitutifs desdites
représentations sociales, et
s’avère utile pour l’étude de
l’évolution des représentations
sociales. Selon cette approche,
« Une représentation se définit
par deux composantes : ses
éléments constitutifs d’une part,
et son organisation, c’est-à dire
les relations qu’entretiennent ces
éléments d’autre part.» (Abric,
1994). En effet, l’étude des
représentations sociales, passe
nécessairement par le repérage
du contenu composé d’éléments
dits «invariants structuraux» ou
noyau qui est le fondement et
la détermination des relations
qui existent entre ces éléments
et les autres appelés, éléments
périphériques. Car deux
représentations sociales sont
distinctes si elles ont des noyaux
centraux différents.
Selon Abric (2003), le
système central est constitué
d’un ensemble d’éléments peu
nombreux mais stables. Il est
le fruit des déterminismes
historiques, symboliques et
sociaux et structure les pensées
relatives à l’objet. Le noyau
central est composé d’éléments
essentiels qui forment l’identité
d’un groupe comme les valeurs,
les normes, croyances et les
attentes. Sa dimension est
essentiellement qualitative. La
fréquence d’apparition d’un
ou de plusieurs éléments
dans le discours des sujets,
ne suffit pas à affirmer qu’il
s’agit d’éléments constitutifs
du noyau central. Par contre,
lorsque ceux-ci sont connexes,
c’est-à-dire, entretiennent un
nombre de relations élevé avec
les autres éléments du champ de
la représentation et déterminent
la nature des relations et des
liens entretenus par les diverses
cognitions. L’importance
quantitative de ces liaisons est
donc un indicateur pertinent de
la centralité.
D’autres éléments de la
représentation, s’organisent
autour du noyau central et
se caractérise par l’instabilité,
et sont moins prégnants. En
effet, ces éléments constituent
le système périphérique de la
représentation. Cependant, les
éléments périphériques sont
plus variables, plus contingents
puisqu’ils sont plus proches
de la réalité extérieure et plus
45
© educi
46
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
soumis aux situations. (Abric,
1994). C’est «la face la plus
visible celle qui est accessible
par l’observation et l’entretien»
(Moliner 2001). La fonction
du système périphérique est
l’adaptation de la représentation
à de nouveaux contextes sociaux.
(Flament, 1989) parle de la
métaphore du «pare-chocs» en
désignant cette fonction qui
permet l’adaptation entre la
représentation et la réalité. Ces
éléments fonctionnent comme
grille de décryptage d’ un e
situation, selon l’expression
employée par Flament (1989).
Etant donné d’une part que les
éléments du noyau central ont
des spécificités propres, parce
qu’ils construisent un système
structurant, lié non seulement
aux normes, aux valeurs, aux
attentes d’un groupe, à sa
mémoire, à son histoire collective,
mais aussi aux stéréotypes et
croyances du groupe. D’autre
part en partant du fait que, c’est
la nature et le contenu du noyau
central, fondement de toute
représentation, qui distinguent
deux groupes dans leur rapport
à un objet, nous formulons
l’hypothèse unique suivante :
Les représentations sociales
des déterminants de la
déperdition scolaire varient selon
la catégorie sociale à laquelle
appartient le sujet.
2- OBJECTIFS DE L’ETUDE
2.1- Objectif général
Connaitre les représentations
sociales des déterminants de
la déperdition scolaire dans la
circonscription de l’enseignement
primaire de Bonoua.
2.2- Objectifs opérationnels
•
déterminer les représentations
sociales des parents et des
enseignants.
•
comparer les représentations
sociales de ces différentes sous
populations.
3- METHODOLOGIE
Il s’agit ici de présenter la
démarche suivie pour une analyse
efficiente des déterminants de
la déperdition scolaire dans la
circonscription de l’enseignement
primaire de Bonoua.
3.1- Technique de recueil des
données
Le recueil des données s’est
opéré à partir d’un questionnaire
de caractérisation. Cette technique
proposée par l’Ecole Aixoise
des représentations sociales est
dédiée à la détermination de la
structure de la représentation,
c’est-à-dire le noyau central et
les éléments périphériques. En
ce qui concerne cette étude, ce
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
questionnaire est composé de
douze (15) items qui ont été
conçus à partir d’un pré enquête
sous la forme d’un focus groupe
auprès de 60 sujets composés de
parents d’élèves et d’enseignants.
Nous avons alors sélectionné les
items les plus fréquents et les
plus pertinents, et nous avons
constitué une liste définitive. Ces
items ont alors été présentés aux
sujets dans un ordre arbitraire.
Il s’agissait pour eux de procéder
dans un premier temps à un
repérage des 5 items qui sont
selon eux les plus déterminants
de la déperdition scolaire, dans
un deuxième moment les 5 items
les moins déterminants et enfin
les 5 items les plus ou moins
déterminants.
Items du questionnaire de
caractérisation
1. l’âge de l’élève
2. le genre de l’élève
3. le niveau d’instruction du
père de l’élève
4. le niveau d’instruction de
la mère de l’élève
5. le manque de fournitures
scolaires
6. Le manque de suivi des
parents
7. N o n e n c a d r e m e n t d e
l’enfant à la maison
8. La taille de la classe
9. La langue parlée à la
maison
10. la religion de l’élève
11.le nombre de repas par
jour
12.i m p a c t d e s m é d i a s
(télévision, radio, jeux
vidéos, portables, etc.)
13.niveau socioéconomique
des parents
14.a b s e n c e d e m a t é r i e l
didactique et pédagogique
15.c o m p é t e n c e
des
enseignants
3.2- Outils d’analyse des
données.
Nous avons opté pour
l’analyse de similitude, pour
mieux caractériser le mode
d’organisation des structures
sociocognitives. (Flament, 1989 ;
Verges, 2001 ). Il s’agit d’une
technique d’analyse des données
permettant d’explorer le graphe
d’une relation qui unit deux à deux
les éléments d’un ensemble. Avec
cette technique on vise à mettre
en évidence la structure sousjacente à l’organisation interne
des représentations sociales
élaborées par les différentes
catégories sociales. Nous avons
utilisé l’indice de cooccurrence
simple pour le traitement des
données de similitude.
3.3- Variables de l’étude
Les variables indépendantes
sont les statuts des sujets ayant
rempli le questionnaire : les
47
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
enseignants, les parents. Les
variables dépendantes constituent
les représentations sociales
élaborées par les différents sujets
à propos des déterminants de la
déperdition scolaire.
3.4- Échantillon de l’étude
48
Cette recherche a porté sur
soixante (60) sujets, dont trente
(30) enseignants et trente (30)
parents d’élèves. Les sujets
auxquels le questionnaire a été
administré provenaient de la
circonscription de l’enseignement
primaire de Bonoua. Il s’agit de
sujets des deux sexes. Leur choix
est donc fondé sur la pertinence
et l’exemplarité de leurs rapports
au phénomène de la déperdition
scolaire dans cette circonscription.
3.5- Procédure d’enquête
Les sujets enquêtés durant cette
étude ont reçu le questionnaire
en situation de groupe. Après
avoir donné des consignes, le
questionnaire a été administré
collectivement en notre présence.
4- RESULTATS DE L’ETUDE
Nous nous sommes attachés
au cours de la première phase à
réaliser une analyse globale portant
sur l’ensemble de la population.
Dans une deuxième phase nous
réalisons une analyse intragroupe.
Enfin dans une dernière
phase nous procéderons à une
étude intergroupe, c’est-à-dire
situation par situation afin de
déterminer les spécificités de
chaque population.
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
4.1- les déterminants de la
déperdition scolaire chez
l’ensemble des sujets.
N°
Items
Tableau 1 : Caractérisation
des déterminants de la déperdition
scolaire chez l’ensemble des sujets
Le plus
Le moins
déterminant déterminant
Le plus
ou moins
déterminant
1
Age de l’élève
20 (33,3%)
25 (41,7%)
15 (25,0%)
2
Le genre de l’élève
01 (1,7%)
49 (81,7%)
10 (16,7%)
3
Le niveau d’instruction du
père de l’élève
18 (30,0%)
22 (36,7%)
20 (33,3%)
4
Le niveau d’instruction de
la mère de l’élève
11 (18,3%)
19 (31,7%)
30 (50,0%)
5
Le manque de fournitures
scolaires
32 (53,3%)
05 (08,3%)
23 (38,3%)
6
Le manque de suivi des parents
50 (83,3%)
01 (1,7%)
09 (15,0%)
7
Non encadrement de
l’enfant à la maison
54 (90,0%)
01 (1,7%)
05 (8,3%)
8
La taille de la classe
08 (13,3%)
17 (28,3%)
35 (58,3%)
9
La langue parlée à la
maison
07 (11,7%)
36 (60,0%)
17 (28,3%)
10
la religion de l’élève
01 (1,7%)
48 (80,0%)
11 (18,3%)
11
Le nombre de repas par jour
09 (15,0%)
16 (26,7%)
35 (58,3%)
12
Impact des médias
(télévision,radio, jeux
vidéos, portables, etc)
44 (73,3%)
05 (08,3%)
11 (18,3%)
13
Niveau socioéconomique
des parents
22 (36,7%)
14 (23,3%)
24 (40,0%)
14
Absence de matériel
didactique et pédagogique
10 (16,7%)
11 (18,3%)
39 (65,0%)
15
Compétence des
enseignants
12 (20,0%)
30 (50,0%)
18 (30,0%)
49
© educi
50
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Le tableau1, présente les
résultats obtenus à partir des
réponses de l’ensemble des sujets.
Comme l’indique ce tableau, pour
l’ensemble des sujets (enseignants,
parents), les causes principales
de la déperdition scolaire sont
par ordre d’importance : Non
encadrement à la maison (90,0%)
, le manque de suivi des parents
(83,3%), impact des médias
(73,3%), le manque de fournitures
scolaires (53,3%), le niveau
socioéconomique des parents
(36,7%). L’examen de l’ensemble
de ces items saillants montre
d’une part que les causes de la
déperdition scolaire sont d’ordre
attitudinale, comportemental
et structurel. On note d’autre
part que la responsabilité est
partagée entre les parents et
l’environnement de l’élève.
Ce résultat peut s’expliquer
par le fait que les différentes
composantes du système ne sont
pas simplement juxtaposées.
Il y a une dynamique qui les
organisent, qui les combinent
et qui les met en rapport les
uns avec les autres dans le but
d’atteindre une certaine efficacité.
En revanche et dans une certaine
mesure, le genre de l’élève (81,7%)
et la religion de l’élève(80,0%)
ne sont pas mises en doute,
dans la mesure où plus de la
moitié des sujets pensent qu’ils
ne sont les causes principales de
la déperdition scolaire.
Cependant, il ne faut pas
uniquement s’arrêter à ces chiffres
car nous savons que la centralité
d’un élément ne peut être rapportée
exclusivement à sa dimension
quantitative. C’est pourquoi nous
allons examiner l’importance
qualitative des éléments à partir
d’un graphe de similitude. La
qualité de ces éléments ne peut
être véritablement appréciée que
par leurs liens avec d’autres
éléments, c’est-à-dire leur statut
d’éléments organisateurs. Cette
organisation est représentée dans
l’arbre maximum de cooccurrence
que voici :
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
Figure 1 : Graphe de similitude des déterminants de la
déperdition scolaire pour l’ensemble des sujets.
L’examen de ce graphe nous
révèle que la représentation des
déterminants de la déperdition
scolaire est une représentation
stabilisée et ceci se traduit ici à
la fois par une grande connexité
des items et de très fortes liaisons
entre les éléments du champ
représentationnel et ceci se traduit
par des indices de similitudes
particulièrement élevés. L’examen
de l’arbre maximum de similitude
(figure1), réalisé à partir des
cooccurrences portant sur les
réponses de l’ensemble des sujets
ayant rendu le questionnaire,
laisse apparaître que les
représentations sociales des
raisons de la déperdition scolaire
sont articulées autour de cinq (05)
items : nombre de repas, le manque
de suivi des parents, le manque de
fournitures scolaires, le niveau
socioéconomique des parents
et la religion. Comme on peut
le remarquer, ces constructions
représentatives dans leurs essences
portent sur les défaillances
humaines et institutionnelles.
Nous remarquons que comme
précédemment, la représentation
globale s’organise autour des
éléments qui mettent en cause tous
les acteurs du système à savoir les
parents et l’institution scolaire.
Cependant, en examinant de plus
près la connexité des items et les
indices de similitude, on note une
51
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
prédominance des dimensions
attitudes et comportement des
acteurs. Comment les sujets de
chaque sous-population articulentils leurs différences au sein du
raisonnement organisé autour de
la représentation globale qui vient
d’être dégagée ?
N°
52
Items
4.2. Les déterminants de la
déperdition scolaire chez
les enseignants.
Tableau 2 : Caractérisation des
déterminants de la déperdition
scolairechez les enseignants
Le plus
déterminant
Le moins
déterminant
Le plus ou moins
déterminant
12 (40,0%)
13 (43,3%)
05 (16,7%)
1
Age de l’élève
2
Le genre de l’élève
0 (0,0%)
26 (86,7%)
04 (13,3%)
3
Le niveau d’instruction du
père de l’élève
10 (33,3%)
08 (26,7%)
12 (40,0%)
4
Le niveau d’instruction de la
mère de l’élève
06 (20,0%)
08 (26,7%)
16 (53,3%)
5
Le manque de fournitures
scolaires
15 (50,0%)
03 (10,0%)
12 (40,0%)
6
Le manque de suivi des
parents
26 (86,7%)
0 (0,0%)
04 (13,3%)
7
Non encadrement de l’enfant
à la maison
29 (96,7%)
0 (0,0%)
01 (3,3%)
8
La taille de la classe
02 (06,5%)
10 (33,3%)
18 (60,0%)
04 (13,3%)
17 (56,7%)
09 (30,0%)
0 (0,0%)
24 (80,0%)
06 (20,0%)
9
La langue parlée à la maison
10
la religion de l’élève
11
Le nombre de repas par jour
02 (06,7%)
08 (26,7%)
20 (66,7%)
12
Impact des médias
(télévision,radio, jeux vidéos,
portables, etc)
25 (83,3%)
01 (3,3%)
04 (13,3%)
13
Niveau socioéconomique des
parents
11 (36,7%)
09 (30,0%)
10 (33,3%)
14
Absence de matériel
didactique et pédagogique
05 (16,7%)
05 (16,7%)
20 (66,7%)
15
Compétence des enseignants
03 (10,0%)
17 (56,7%)
10 (33,3%)
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
Si nous partons du principe
que les éléments centraux sont les
plus caractéristiques, l’analyse du
tableau 2 nous renseigne et nous
autorise à formuler l’hypothèse
que pour les enseignants, le
champ représentationnel de la
déperdition scolaire est organisé
autour de quatre éléments : le
non encadrement de l’enfant à
la maison (96,7%), le manque
de suivi des parents (86,7%),
l’impact des médias (83,3%) et le
manque de fournitures scolaires
(50,0%). Cette représentation
marque la prédominance des
causes de la déperdition scolaire
liées au non encadrement de
l’élève à la maison. Voyons
l’aspect structural de cette
représentation sociale c’est-àdire son organisation :
53
Figure 2 : Graphe de similitude des
déperdition scolaire chez les enseignants.
L’examen de l’arbre maximum
de similitude réalisé à partir des
cooccurrences portant sur les
réponses des enseignants ayant
rendu le questionnaire, laisse
apparaître que les représentations
sociales s’articulent autour de
cinq (05) items : non encadrement
déterminants de la
de l’enfant à la maison, le niveau
socioéconomique des parents, le
manque de fournitures scolaires, la
religion et le manque de suivi des
parents. Il existe cependant deux(03)
sphères de r e g r o u p e m e n t s
sémantiques :
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Une a sphère composée
essentiellement du niveau
d’instruction des parents. Une
deuxième composée du manque
de suivi, de l’effectif de la classe, du
nombre de repas par jour, de l’âge
de l’élève et de la langue parlée
à la maison. Et enfin, la sphère
constituée par : non encadrement
de l’enfant à la maison, le niveau
socioéconomique des parents, le
manque de fournitures scolaires.
On note de façon remarquable
N°
54
Items
que, les enseignants rejettent tous
les aspects de la représentation
des déterminants de la déperdition
axés sur les items les mettant en
cause. Ils accusent surtout les
parents d’élèves.
4.3- Les déterminants de la
déperdition scolaire chez
les parents
Tableau 3 : Caractérisation
déterminants de la déperdition
scolaire chez les parents
Le plus
déterminant
Le moins
déterminant
Le plus ou moins
déterminant
1
Age de l’élève
08 (26,7%)
12 (40,0%)
10 (33,3%)
2
Le genre de l’élève
01( 3,3%)
23 (76,7%)
06 (20,0%)
3
Le niveau d’instruction du père de
l’élève
08 (26,7%)
14 (46,7%)
08 (26,7%)
4
Le niveau d’instruction de la mère
de l’élève
05 (16,7%)
11 (36,7%)
14 (46,7%)
5
Le manque de fournitures scolaires
17 (56,7%)
02 (06,7%)
11 (36,7%)
6
Le manque de suivi des parents
24 (80,0%)
01 (3,3%)
05 (16,7%)
7
Non encadrement de l’enfant à la
maison
17 (56,7%)
02 (06,7%)
11 (36,7%)
8
La taille de la classe
06 (20,0%)
07 (23,3%)
17 (56,7%)
9
La langue parlée à la maison
03 (10,0%)
19 (63,3%)
08 (26,7%)
10
la religion de l’élève
01 (3,3%)
24 (80,0%)
05 (16,7%)
11
Le nombre de repas par jour
07 (23,3%)
08 (26,7%)
15 (50,0%)
12
Impact des médias (télévision,radio,
jeux vidéos, portables, etc)
17 (56,7%)
02 (06,7%)
11 (36,7%)
13
Niveau socioéconomique des
parents
11 (36,7%)
05 (16,7%)
14 (46,7%)
14
Absence de matériel didactique et
pédagogique
05 (16,7%)
06 (20,0%)
19 (63,3%)
15
Compétence des enseignants
25 (83,0%)
01 (43,3%)
04 (13,7%)
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
Dans cette population quatre
(04) items émergent et sont
susceptibles d’être des éléments
prioritaires de leur représentation.
Ce sont : la compétence des
enseignants (83,0%), le manque de
suivi des parents (80,0%), impact
des médias (56,7%) et le manque
de fournitures scolaires (56,7%).
Ainsi ces éléments constituent
donc les principes organisateurs
des constructions effectuées par
les parents d’élèves. On note
que par rapport à la population
des enseignants, l’absence
l’élément niveau socioéconomique
des parents et l’apparition d’un
élément : impact des médias.
Comment cette représentation
sociale se structure-t-elle ?
55
Figure 3 : Graphe de similitude des déterminants de la déperdition
scolaire chez les parents
Ici les données et l’analyse
du graphe montrent que les
représentations sociales sont
organisées autour de trois
(3) éléments qui concentrent
le maximum de relations. Ces
éléments organisateurs qui
donnent à la représentation sociale
toutes ses propriétés significatives,
et le sens de l’ensemble de la
configuration définie par le
champ représentationnel sont :
le manque de suivi de l’élève,
la langue parlée à la maison et
l’absence de matériel didactique
et pédagogique. On note que
par rapport à la population des
enseignants deux éléments
nouveaux apparaissent au niveau
central, la langue parlée à la
maison et l’absence de matériel
didactique et pédagogique. En
outre les parents ne privilégient pas
l’impact des médiaset surtout la
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
démission des parents dans leurs
constructions sociocognitives.
Autrement dit, ils ne retiennent
pas cette dernière appréciation
comme les caractérisant ou
comme les symbolisant.
Le rejet relatif à cet item est
l’illustration du fait que les parents
pensent ne pas être à la base ou
la cause de la déperdition scolaire.
Ainsi, comme le prévoyait notre
hypothèse, on observe une variation
importante dans la structure de
cette représentation. On pourrait
voir dans cette indication le reflet
vraisemblable du fait que les deux
populations n’ont pas la même
grille de lecture.
56
Nous pouvons affirmer,
qu’en passant des enseignants
aux parents d’élèves, les
représentations sociales des
déterminants de la déperdition
scolaire sont différents. En effet les
grilles de lecture mises en œuvre
par les deux sous populations
ne sont pas identiques d’une
population à l’autre. L’analyse
des données nous a permis de
montrer qu’en ce qui concerne la
déperdition scolaire, même s’il y a
un consensus autour des rôles
négatifs du non encadrement
de l’enfant à la maison, des
différences apparaissent selon les
sous populations, c’est-à-dire selon
les pratiques vécues, socialement
ancrées et reconnues des individus
(Flament, 2001). Plus précisément,
selon le type d’appartenance des
sujets, des prises de position
différentes apparaissent liées sans
doute aux pratiques, à l’histoire,
aux normes, aux valeurs ou la
mémoire sociale des groupes
(Roussiau et Bonardi, 2002 ; 2003 ;
Doise, 2003) Il est indubitable
que les sujets se positionnent en
fonction de leurs pratiques et leur
groupe d’appartenance. Ainsi,
les représentations sociales des
déterminants de la déperdition
scolaire dans la circonscription de
l’enseignement primaire de Bonoua
sont déterminées par la catégorie à
laquelle appartient le sujet.
5- DISCUSSION
les représentations sociales
construites par les enseignants
et les parents à l’égard des
déterminants de la déperdition
scolaire tel est sens de notre étude.
Et pour ce faire, il fallait déterminer
les représentations sociales des
parents, des enseignants et comparer
les représentations sociales de
ces différentes sous populations.
Les hypothèses ont porté sur
l’influence du statut (enseignant,
ou parent) sur les représentations
sociales des déterminants de la
déperdition scolaire. L’analyse
structurale des représentations
sociales construites par ces deux
populations avait pour but de
dégager les éléments fédérateurs
des constructions cognitives et de
voir si en définitive, les populations
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
concernées partagent les mêmes
principes organisateurs dans la
construction de ces représentations
sociales. Cette étude permet
d’affirmer que les constructions
que nous avons obtenues
indiquent des représentations
sociales des déterminants de la
déperdition scolaire stabilisée,
bien structurée chez la population
sous étude. Cependant, les acteurs
et partenaires du système n’ont
des représentations sociales
univoques et unidimensionnelles
des déterminants de la déperdition
scolaire. La position sociale des
sujets constituent donc une
variable différentielle influençant
leurs constructions sociocognitives.
Ce qui confirme notre hypothèse de
départ à savoir : Les représentations
sociales des déterminants
de la déperdition scolaire sont
déterminées par la catégorie à
laquelle appartient le sujet.
Cependant une triangulation
dans l’analyse des données
nous auraient permis de vérifier
non seulement la stabilité
mais également de préciser la
signification de certains éléments
du champ de la représentation.
Et pour cela, il aurait fallu
enrichir notre travail par un
entretien en profondeur ou un
focus group. Car le paradigme
qualitatif sous certains rapport
permet d’affiner et d’enrichir
la perspective systémique que
rend possible une analyse de
similitude par un renforcement
et un approfondissement de
l’analyse des significations
sémantiques. D’autre part, il
aurait été intéressant d’analyser
les structures à moindre saillances
c’est-à-dire, les items que les
sujets ne considèrent pas comme
les déterminants de la déperdition
scolaire ou le sont moins dans
leurs univers cognitifs.
Par ailleurs, ces résultats
ont également mis en évidence
l’impact des facteurs sociaux,
familiaux dans le parcours
scolaire et la réussite scolaire ; en
cela ces résultats sont conformes
à ceux mis en évidence par les
travaux antérieurs (Drevillon,
1980,). Ces résultats, ont montré
également l’importance et le
poids de l’effet établissement.
En effet, la manière dont sont
gérées les ressources internes
et externes fait la force et la
faiblesse de l’établissement.
Ainsi la déperdition scolaire
est aussi en partie produit
par l’établissement parce qu’il
s’articule à l’organisation interne
de l’établissement. La déperdition
dépend de la capacité à construire
une politique d’ensemble ou
d’objectifs particuliers. Faute de
quoi l’établissement est le lieu
qui favorise la déperdition. Ces
résultats corroborent ceux de (
Miramon, 2009 ; Lefebvre, 2011 ;
57
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Garnier et Rouquette, 2000). Enfin,
les sujets interrogés pensent que
les déperditions scolaires sont les
résultats des forces, des conditions
et des personnes extérieures.
Ainsi, en général les sujets
produisent des réponses externes.
Ce résultat est conforme à la
théorie des attributions causales
(Heider, 1958), c’est-à-dire, les
sujets on tendance à favoriser
les causes externes pour leurs
échecs et les causes internes pour
l’échec d’un autre. Cette étude
vient certainement compléter
modestement celles qui ont été
réalisées sur le même sujet en y
apportant le regard psychosocial.
58
Cependant, les analyses des
graphes que nous avons faites ne
se sont appuyées essentiellement
que sur les données de l’indice de
similitude (indice de cooccurrences
symétriques). Les structures
dégagées à partir de cet indice pour
cerner l’organisation du champ
représentationnel des déterminants
de la déperdition scolaire ainsi que
son contenu, constituent-elles
des représentations stéréotypées
décrivant une tendance ou, au
contraire, l’expression d’une
idéologie plus structurée et
d’une vision cohérente de
cette population ? pour mieux
comprendre et expliquer les
représentations sociales des
déterminants de la déperdition
scolaire, il serait utile de poursuivre
l’investigation ébauchée ici par une
approche qualitative (entretien par
exemple).
BIBLIOGRAPHIE
Abric, J C. (2004). pratiques sociales et
représentations. Paris, PUF.
De Ketele, (2004). La scolarisation primaire
universelle et une éducation de qualité
pour tous : un défi considérable pour tous
les pays du monde. Paris : UNESCO.
De Ketele, (2007). La qualité et le pilotage
du système éducatif. http //www.
fmgerard.be/textes/pilotage.html. (page
consultée le 3 février, 2010).
De Landsheere, (1979). Dictionnaire
de l’évaluation et de la recherche en
éducation. Paris : PUF.
De Landsheere, (1994). Le pilotage des
systèmes éducatifs. Paris : PUF..
Deblé, (1964). Le rendement scolaire en
Afrique. Paris : PUF.
Deblé, (1980). La scolarisation des filles.
Paris : UNESCO.
Debray-Ritzen, (1970). L’écolier, sa santé,
son éducation. Paris: Casterman.
Delors, (1996). L’Éducation : un trésor est
caché dedans : Rapport à l’UNESCO
de le Commission internationale sur
l’éducation pour le vingt et unième sicle.
Paris : UNESCO.
Demeuse, Straeten, Nicaise, T. et
Moutoul, A. (2005). Vers une école
juste et efficace. 26 contributions sur es
systèmes éducatifs d’enseignement et de
formation. Bruxelles : De Boeck.
Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la...
Dépover et Noël, (2005). Le curriculum
et ses logiques. Une approche
contextualisée pour analyser les réformes
et les politiques éducatives. Paris
L’harmattan.
Deslandes, et Cloutier (2005). Pratiques
parentales et réussite scolaire en
fonction de la structure de la famille
et du genre des adolescents. Revue
française de pédagogie, (151), 61-74
Diallo, (2001). L’influence des facteurs
familiaux, scolaires, et individuels
sur l’abandon scolaire des filles de
l’enseignement fondamental en milieu
rural de la région de Ségou au Mali.
Québec : Université de Laval.
Diambomba, Ouellet, (1992). Le
redoublement et l’abandon
scolaire:comparaisons internationales. In CRIRES /FECS (Eds.), Pour
favoriser la réussite scolaire. Réflexions
et pratiques (pp. 58-76). Québec :
CEQ/Saint Martin.
Diambomba, Quellet, Moisset, et
Bouazzaoui, (1996). Les déterminant
de la réussite au Congo : enquête sur
les causes du faible rendement de
l’enseignement primaire au Congo.
Québec : CERPS
Gimeno, (1984). L’échec scolaire dans
l’enseignement primaire : moyens
de la combattre. Étude comparée
internationale. Paris : UNESCO
Flament, J. 2001 Pratiques sociales et
réussite scolaire en fonction de la
structure de la famille et du genre des
adolescents. Paris, PUF
Jarousse, et Mingat, A. (1992). L’école
primaire en Afrique. Fonctionnement,
qualité, produit : le cas du Togo. Dijon :
IREDU
Kaboré, (2003). La problématique de
l’éducation des filles au Burkina Faso.
Ouagadougou.
Kaboré, (2008). Les déperditions
scolaires au Bourkina Faso : Causes,
conséquences et perspectives. http://
www.whep.info/spip.php? Article102
(page consultée le 14 octobre 2012)
Rapport d’Etat du Système Educatif
Ivoirien (RESEN 2000) , côte d’ivoire
Rapport PASEC (2012), côte d’ivoire
59
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
IMPACT DE L’USAGE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION
ET DE LA COMMUNICATION (TIC) SUR L’APPRENTISSAGE
DANS LE SECONDAIRE EN COTE D’IVOIRE
N’DEDE Bosoma Florence
RESUME
60
L’étude : Impact de l’usage des
TIC sur l’apprentissage dans le
secondaire en Côte d’Ivoire vise à
analyser l’effet de l’usage des TIC
sur l’apprentissage et l’accès à la
connaissance des apprenants. Les
données qui ont permis la rédaction
de cet article sont disponibles sur
l’observatoire du PanAf : HYPERLINK
«http://www.observatoiretic.org»
www.observatoiretic.org.Les résultats
montrent que les apprenants se servent
des TIC pour améliorer la préparation
et l’approfondissement des cours et des
évaluations. L’usage des TIC modifie
positivement les moyens d’accès à la
connaissance et de façon spécifique, la
relation entre l’enseignant et l’enseigné.
La production de la documentation
à l’aide des TIC reste étroitement liée
au traitement de texte à l’ordinateur.
Il s’agit des devoirs de maison, des
projets de fin de cycle et des exposés
de classe. Toutefois, l’impact positif
des TIC sur l’apprentissage reste
limité à un type d’établissements et à
des apprenants privilégiés. En effet,
l’absence de politique officielle en faveur
de l’intégration pédagogique et le coût
élevé des équipements TIC ne favorisent
pas l’émergence d’une culture des TIC
Enseignant- Chercheur
IREEP/Université Félix
HouphouëtBoigny de Cocody
[email protected]
dans l’apprentissage en milieu scolaire
secondaire en Côte d’Ivoire.
Mots clés: Intégration
pédagogique, TIC, apprentissage
ABSTRACT
The study: Impact of ICT use on
learning in high school in Côte d’Ivoire is
to analyze the effect of the use of ICT on
learning and access to the knowledge
of learners. The data that led to the
writing of this article are available on
the observatory PanAf: HYPERLINK
«http://www.observatoiretic.org»
www.observatoiretic.org.The results
show that learners use ICT to improve
preparedness and deepening courses
and assessments. The use of ICT
positively alters the means of access
and specifically, the relationship
between the teacher and the learner.
Production of documentation using
ICT is closely linked to computer
processing of homework, projects
and end-of-class presentations.
However the positive impact is limited
to institutions and learners preferred.
Indeed, the absence of official policy of
educational integration and the high
cost of ICT equipment are not conducive
to the emergence of a culture of ICT
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
in learning in secondary schools in
secondary schools in Ivory Coast.
Keywords: Pedagogical
Integration, ICT, Training
INTRODUCTION
La déclaration du millénium,
adoptée en 2000, souligne
l’urgence de rendre disponible
les TIC à tous1. En effet, l’usage
des TIC améliore les pratiques
humaines de façon efficiente et
les facilite. L’utilité sociale et
économique de ces outils dans
tous les secteurs d’activités
n’est plus à démontrer. Le
choix d’une technologie et
d’un moyen de communication
reste capital, en économie,
en environnement, etc. Les
TIC permettent la production
de multiples activités de
commerce. C’est aussi des
espaces de socialisation et
de développement. Ainsi,
l’information demeure le pivot
de toutes les formes d’activités
humaines.
Les TIC facilitent l’accès et
l’échange d’informations. Elles
véhiculent un ensemble de
connaissances et d’informations
variées. Dans le secteur de
l’éducation particulièrement,
l’intégration des TIC dans
1
Tchombé T. (2009), TIC et genre, in un recueil des bulletins du projet Panaf, P 11
l’apprentissage vise à améliorer
la qualité de celui-ci, en
palliant souvent l’absence
de bibliothèques fournies.
Selon Fonkoua (2006), «les
TIC constituent de puissants
outils techniques qui offrent
de multiples solutions pour
plusieurs difficultés dans
l’enseignement au Cameroun».
Ainsi, préconiser l’intégration
pédagogique des TIC permet de
faire d’elles, un outil favorisant
l’atteinte des objectifs de
l’éducation pour tous (EPT).
Les TIC se sont répandues très
rapidement en Afrique2notamment
dans le système éducatif. De ce
fait, les stratégies d’enseignement
intègrent de plus en plus les TIC.
En Côte d’Ivoire, on peut
identifier trois stratégies
(fusionnées ou non) d’intégration
pédagogique des TIC au sein des
établissements scolaires :
1. mise en place d’une salle
multimédia ;
2. d i f f u s i o n d ’ u n c o u r s
d’informatique ;
3. diffusion de plusieurs
enseignements à l’aide
des TIC.
Une dichotomie apparait dans
l’utilisation des TIC. L’on note
2
T Karsenty (2009), chap 10 conclusion générale, www.
rocare.org/guide TIC/pdf
61
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
d’une part une faible appropriation
des TIC par les enseignants pour
diffuser les enseignements et
d’autre part, un usage important
des TIC par les apprenants dans
plusieurs écoles.
Cette étude vise à analyser
les effets de l’usage des TIC sur
l’apprentissage des élèves du
secondaire en Côte d’Ivoire. Il
s’agit singulièrement de :
62
•
Déterminer l’impact des
TIC sur l’apprentissage ;
•
Identifier les conséquences
de l’usage des TIC sur
l’accès à la connaissance
des apprenants ;
•
Evaluer la documentation
produite à l’aide des TIC
par les apprenants.
Les TIC affectent à des degrés
différents, l’environnement
économique, social et culturel.
Ainsi l’intégration des TIC dans
le secteur de l’éducation semble
être en mesure de favoriser
l’accès à l’information, de
faciliter la construction de la
connaissance et d’accroitre
l’acquisition du savoir (Traoré,
2008 : 159).
En conséquence, l’usage des
TIC modifie les rapports entre les
apprenants et les enseignants.
L’autorité du maitre semble mise
à mal par la démocratisation de
la recherche de l’information
scientifique. En effet, l’évolution
des rapports au savoir, entre les
enseignants et apprenants, ainsi
que la confiance croissante des
élèves, est provoquée en partie
par l’utilisation des technologies
interactives (Touré, Tchombé et
Karsenti, 2008: 33).
En outre, «l’élève identifie luimême ses sources d’informations
et les organise» (Matchinda,
2008: 176). L’appropriation
rapide des TIC par les apprenants
encourage leur appropriation
par les enseignants. Toutefois,
«l’élève qui construit son
savoir en maitrisant l’outil
informatique devra contribuer à
son apprentissage grâce à son
interaction avec une pléthore
de connaissances qu’il devra
sélectionner sous la guidance du
professeur» (Onguéné Essono et
Onguéné Essono, 2006: 70)
Suivant la littérature, les
TIC ont des impacts positifs et
négatifs sur les apprentissages
scolaires :
Impacts positifs des TIC sur
l’apprentissage
Les TIC ont facilité l’accès au
savoir. Elles ont diversifié les
méthodes d’apprentissage et mis
en confiance les apprenants pour
produire des travaux de recherche
de qualité. La comparaison entre
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
l’apprentissage traditionnel et
l’apprentissage par les TIC,
établie par Glenda (1996) 3 ,
permet de constater plusieurs
mutations entre autres, le statut
de l’enseignant passe de l’expert
à un statut de guide ou de
facilitateur; l’information qui était
présélectionnée est désormais à
découvrir; l’accent autrefois mis
sur le produit de l’apprentissage
relève dorénavant du processus;
en lieu et place des manuels
scolaires, on a une variété de
ressources et de médias.
Ainsi, le recours aux TIC
dans l’apprentissage induit
des conséquences positives
sur les apprenants. Selon
les directeurs de 36 écoles
primaires et secondaires de
cinq pays d’Afrique de l’ouest
(Bénin, Cameroun, Ghana,
mali, Sénégal) lors de l’étude
transnationale pour comprendre
les points de vue des acteurs
sur l’utilisation de l’ordinateur
et d’internet, l’utilisation des
TIC à l’école 4 permet d’offrir
de nouvelles opportunités
pédagogiques aux élèves et aux
enseignants. (…) Les TIC aident à
3
4
Cité par L.M. Onguéné Essono et Ch. Onguéné Essono,
2006, p70
ROCARE. (2006). Intégration des TIC dans l’éducation
en Afrique de l’Ouest et du Centre: étude d’écoles pionnières. Rapport de recherche soumis au CRDI. Bamako:
ROCARE
surmonter les lacunes de services
comme le manque de bibliothèque
bien garnie ou de laboratoire
(Touré et al. 2008: 31). Elles
permettent la prise en compte
des différences individuelles,
favorisent l’individualisation des
enseignements et représentent
de fait, une alternative pour gérer
l’hétérogénéité des apprenants.
De plus, l’utilisation des TIC
peut favoriser une meilleure
attitude face aux apprentissages
(Karsenti, 2003).Une enquête
menée par la Commission
européenne auprès d’enseignants
français révèle que ces derniers
reconnaissent l’impact de ces
équipements sur l’attention et la
motivation des élèves (88 % pour
le Tableau Numérique Interactif
et 76,8 % pour l’ordinateur, tous
niveaux confondus). «Les TIC
incitent les élèves à un travail
régulier pour satisfaire leur
curiosité» (Matchinda, 2008). En
effet, l’utilisation d’internet joue
un rôle actif dans le processus
d’apprentissage chez les jeunes
en augmentant leur motivation et
leur curiosité (Touré et all, 2008).
Ainsi dans l’environnement de
l’apprentissage, l’ordinateur
par ses fonctionnalités, éveille
l’intelligence de l’apprenant et lui
permet d’être créatif pour utiliser
la technologie informatique
63
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
(Onguéné Essono et Onguéné
Essono, 2006, p. 63).
Impacts négatifs des TIC sur
l’apprentissage
Karsenti (2005) 5 , pour le
Canada, montrent combien il
est difficile d’avoir une vision
précise de l’impact des TIC
sur les apprentissages. «Ainsi,
même si un nombre important
d’études, tant européennes que
nord-américaines, montrent que
les TIC favorisent de meilleurs
enseignements et apprentissages,
une vaste littérature souligne
qu’il n’existe pas de différences
significatives sur le plan de
l’apprentissage».
64
Aussi plusieurs études
rappellent des impacts négatifs
de l’utilisation des TIC au
niveau des apprentissages.
Selon Armstrong (1999), «l’écran
installe, entre l’élève et l’objet
de son apprentissage, une
distance préjudiciable sur le plan
cognitif » ; cet ordinateur pouvant
aussi avoir des effets négatifs au
plan physique et psychologique.
Parmi les effets négatifs, est
évoquée l’influence plus générale
d’une utilisation intensive des
TIC sur les capacités cognitives
et langagières des apprenants.
5
Cité par Poyet F., (2009), http://www.inrp.fr/vst/
LettreVST/41-janvier-2009
En effet, «les meilleures
performances aussi bien en
mathématiques qu’en lecture
s’observent généralement chez
les élèves qui ont un degré moyen
d’utilisation des ordinateurs.
Cette dernière constatation laisse
penser qu’une utilisation excessive
des ordinateurs pourrait avoir un
impact négatif sur les performances
scolaires » (Becta &Ramboll, 2006).
De plus, les usages périphériques
(chat, jeux) ont tendance à
pervertir le projet initial de l’usage
pédagogique des TIC.
Au regard de la littérature,
l’impact des TIC sur
l’apprentissage peut être négatifs
ou positifs selon les acteurs
et les bénéficiaires de l’école.
En somme, les TIC semblent
améliorer les connaissances,
les aptitudes à l’école,
particulièrement la motivation,
le plaisir d’apprendre, l’estime
de soi (Poyet 2009). L’usage des
TIC modifient aussi les rapports
entre les apprenants eux même
et entre les apprenants et leurs
formateurs. Cependant, l’usage
intensif des TIC par les apprenants
peut être à l’origine d’effets
néfastes sur les apprentissages
Quelle évaluation peut-on faire
les effets de l’enseignement
avec les TIC sur la formation
des apprenants ? En d’autres
termes, quels sont les impacts
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
des TIC sur l’apprentissage, sur
l’accès à la connaissance et à la
documentation produite ?
Les résultats de la présente
étude s’organisent autour de
trois points :
1. I m p a c t d e l ’ u s a g e
pédagogique des TIC sur
l’apprentissage ;
2. I m p a c t d e l ’ u s a g e
pédagogique des TIC sur
l’accès au savoir ;
3. I m p a c t d e l ’ u s a g e
pédagogique des TIC sur la
documentation produite.
1- MÉTHODOLOGIE
1.1- site de l’étude
Les sites de l’étude sont
des collèges et des lycées de
la ville d’Abidjan et des villes
environnantes. Le choix des sites
de l’étude a été motivé par la
présence d’une salle informatique
au sein de l’établissement. Nos
investigations ont eu lieu dans
huit (8) établissements du secondaire en Côte d’Ivoire. Ce sont des
établissements mixtes ou non, situés dans la zone urbaine et dans la
zone péri urbaine.
Tableau 1 : Répartition des établissements en fonction de la
localisation et du genre
Localisation des
établissements
Zone urbaine
Zone semiurbaine
Genre
Non mixte (Filles)
Lycée Sainte Marie d’Abidjan
Lycée Moderne
et Classique
Garçons de
Bingerville
Non mixte (Garçons)
Lycée Technique d’Abidjan Cocody
Mixte
Groupe Scolaire
Emmanuel
Collège International de la Corniche
Lycée Moderne de Treichville
Cours Secondaire Méthodiste de Cocody
Institut Raggi
Anne-Marie
(IRMA)
65
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
1.2- Participants et
échantillon
L’enquête réalisée sur la
question de l’impact de l’usage
des TIC sur l’apprentissage
des élèves du secondaire s’est
intéressée aux acteurs de
l’école. Elle a pris en compte :
•
•
66
Les enseignants qui sont
les acteurs terminaux
de l’éducation. Il leur
revient la tâche pratique
d’intégration pédagogique
des TIC dans les
enseignements;
Les apprenants qui
sont bénéficiaires de
l’intégration pédagogique
des TIC.
Pour cette étude, nous avons
opté pour l’échantillon par choix
raisonné en ce qui concerne les
participants. «Le postulat sur
lequel repose cet échantillonnage
c’est qu’à condition d’user de
jugement et d’une stratégie
appropriée, on peut faire le tri des
cas à inclure dans l’échantillon
et en composer ainsi un qui
réponde de façon satisfaisante à
l’enquête».
Au total, 80 enseignants et 96
apprenants ont été interrogés soit
10 enseignants et 12 apprenants
par établissement scolaire.
1.3- Instruments de collecte
des données
Deux guides d’entretien ont
été utilisés pour la collecte
de données. Il s’agit du guide
d’entretien avec les enseignants
et du guide d’entretien avec les
apprenants.
Guide d’entretien avec les
enseignants
Des entretiens individuels
ont été réalisés sur chaque site
avec 10 enseignants. Le guide
d’entretien s’articulait autour
des rubriques suivantes :
•
Usage pédagogique des
TIC ;
•
Habiletés des enseignants
en TIC ;
•
Facteurs favorisant
l’usage pédagogique des
TIC.
Guide d’entretien avec les
apprenants
Les entretiens avec les
apprenants étaient des focus
group. Le guide d’entretien
s’organisait autour des rubriques
suivantes :
•
Usage des TIC par les
apprenants ;
•
Habiletés des apprenants
en TIC.
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
1.4- Méthodes de traitement
et d’analyse
Concernant le traitement des
données, la technique utilisée
était l’analyse de contenu par
la catégorisation des thèmes
du discours en fonction des
objectifs de l’étude en trois
grandes catégories.
La méthode d’analyse des
données est la dialectique car
l’analyse s’attache à structurer
les conséquences de l’usage des
TIC sur l’accès à la connaissance.
Elle nous a aidé à cerner les
contradictions concernant les
effets de l’enseignement avec les
TIC au regard des enseignants
et des apprenants mais aussi
à évaluer les écarts entre la
documentation produite et les
conséquences de l’usage des TIC
sur les apprentissages.
2- RÉSULTATS
2.1- Impact de l’usage
pédagogique des TIC sur
l’apprentissage des élèves
du secondaire
Selon les apprenants du
secondaire, l’accroissement de
l’usage des TIC en milieu scolaire
a eu plusieurs impacts positifs
sur leurs apprentissages.
En situation de classe, les
TIC influencent positivement les
apprenants. Elles permettent de :
• anticiper la préparation
des cours : «Sans attendre que
les cours soient dispensés par
les éducateurs, nous avons la
possibilité de nous documenter
dès la diffusion du contenu
du programme de chaque
matière» (Collège International
la Corniche).
«Nous faisons des recherches
en ligne sur le programme
de cours. Cela nous permet
d’être informé, de répondre
aux questions des enseignants
et de mieux participer aux
cours» (Lycée des Garçons de
Bingerville).
Ainsi, «nous avons la possibilité
de faire des recherches sur le
sujet, de disposer d’autant
d’informations et de connaissances
que l’enseignant. La rencontre avec
l’enseignant est faite d’échanges.
L’apprentissage est immédiat. Il se
fait parallèlement à l’enseignement
puisse que nous disposons déjà de
plusieurs informations sur le sujet
abordé par l’enseignant » (Lycée
Technique d’Abidjan).
Au total, «les élèves n’attendent
plus que le cours soit dispensé pour
apprendre les leçons et maîtriser
le contenu des enseignements.
Ils travaillent par anticipation
le module à dispenser» (Cours
Secondaire Méthodiste)
67
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
• améliorer les possibilités
d’approfondissement des
cours : «Avant l’avènement
des TIC, nous apprenions
uniquement sur la base des cours
dispensés par les enseignants et
quelques fois, nous consultions
des ouvrages pour avoir une
plus grande compréhension
des contenus reçus» (Lycée
Technique d’Abidjan).
68
En effet, «sans les TIC
l’apprentissage se faisait, mais
difficilement parce que nous ne
disposions pas suffisamment
d’informations pour nous aider
à comprendre. Avec les TIC nous
accédons facilement aux sources
d’informations, nous construisons
nous même partiellement le
savoir, et avec l’enseignant nous
échangeons» (Lycée Moderne de
Treichville).
Ainsi, «après les cours, les
orientations données par les
éducateurs permettent aux
apprenants d’approfondir les
connaissances sur le chapitre
étudié à partir de nouvelles
recherches sur les sites conseillés
par les éducateurs» (Collège
International la Corniche).
• mieux se préparer aux
évaluations: «la préparation des
devoirs en Histoire / Géographie,
en Anglais, en Français nécessitent
des recherches. L’accès à Internet
permet de trouver des solutions
appropriées» (Groupe Scolaire
Emmanuel de Bonoua).
«Les disciplines concernées
par cette évolution des
connaissances sont le Français,
l’Histoire, la Physique sur le
pétrole et le gaz naturel, la
musique, l’Anglais, l’Espagnol
et l’Allemand» (Lycée Moderne de
Treichville).
Les TIC ont un effet positif sur
les potentialités des apprenants.
Elles les aident à :
• accroitre l’aptitude à la
recherche chez les apprenants:
«les méthodes de travail ont
connu une évolution, plusieurs
apprenants s’adonnent aux
recherches sur les différents
chapitres des programmes des
disciplines mis à leur disposition»
(Cours Secondaire Méthodiste).
De plus, «les apprenantes
qui naviguent sur la toile le plus
souvent comprennent mieux
et plus vite les explications
de l’enseignant puisqu’elles
disposent déjà d’information le
sujet» (Groupe Scolaire Emmanuel
de Bonoua).
Ainsi, «l’impact des ordinateurs
et surtout de l’Internet sur nos
études se situe au niveau des
recherches que nous effectuons
sur le net. Grâce à cet outil, nous
disposons de beaucoup de données
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
que nous ne pouvions avoir dans
notre établissement» (IRMA).
• moderniser les moyens de
communication : «les TIC nous
permettent de ne pas être coupé
du reste du monde» (Groupe
Scolaire Emanuel de Bonoua).
• réduire le temps de
travail «Nous gagnons aussi
en temps, car nous saisissons
les textes et nous imprimons
autant d’exemplaires pour tous
les membres du groupe. Nous
faisons aussi des recherches
d’informations sur Internet »
(Lycée de Garçons de Bingerville).
Selon les éducateurs, les TIC
améliorent la connaissance et
la formation des apprenants
qui les utilisent. En effet,
plusieurs apprenants ont un
grand engouement à travailler
sur les ordinateurs, à faire des
recherches sur les différents
sites conseillés soit par les
éducateurs, soit par les parents
pour leur apprentissage. Aussi
l’impact positif des TIC peut
il être apprécié à plusieurs
niveaux. Il s’agit de la:
•réduction du temps
d’enseignement : «le temps
mis pour expliquer un cours et le
faire comprendre aux apprenants
est relativement moins long
aujourd’hui que par le passé»
(Lycée Technique d’Abidjan).
• facilitation des apprentissages: «Cet apprentissage est
d’autant plus simplifié que les
TIC nous offrent sur le Web des
ouvrages téléchargeables gratuitement, des cours en ligne, des
logiciels de simulation gratuits,
des apprentissages interactifs etc.
Nous suggérons à nos apprenants
de faire de la recherche sur le net
pour qu’ensemble nous puissions
atteindre nos objectifs de formation» (Lycée Technique d’Abidjan).
• consolidation des acquis
scolaires « En tant qu’enseignant,
on le constate dans les échanges
pendant le cours et même dans
les devoirs. Les élèves qui font
des recherches sur le net à des
fins pédagogiques participent aux
cours et ont des interventions
plus constructives. Au niveau
des devoirs, ils ont de bonnes
informations et des exemples pour
soutenir leurs arguments. Leurs
raisonnements sont plus cohérents»
(Lycée des Garçons de Bingerville).
Au total, l’impact positif des TIC
sur l’apprentissage est perceptible
en situation de classe d’une part.
En effet, les TIC offrent plusieurs
possibilités pour la préparation
et l’approfondissement des
cours et des évaluations.
D’autre part, l’usage des TIC
dans l’apprentissage améliore
les aptitudes et les capacités
intellectuelles de l’apprenant.
69
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
2.2- Impact de l’usage des TIC
sur l’accès des apprenants
au savoir
L’usage pédagogique des TIC a
eu plusieurs impacts positifs sur
l’accès au savoir des apprenants
du secondaire. Il s’agit de la :
• facilitation de l’accès
aux informations et à la
documentation : «Les TIC ont
facilité l’accès à la connaissance
des apprenants. Ce constat est
fait par la majorité des élèves du
collège, car la bibliothèque renferme
de nombreux ouvrages mais
Internet offre plus de possibilité aux
apprenants». (Collège International
la Corniche).
70
En effet, «l’établissement ne
disposant pas d’une bibliothèque
équipée en ouvrages, le recours à
Internet permet aux élèves de se
documenter et de bien renseigner
tous leurs devoirs». (Groupe
Scolaire Emanuel de Bonoua).
Grâce à Internet, nous pouvons
avoir accès à de nombreuses
informations à travers les ouvrages
et les travaux de recherches à
partir des moteurs de recherche
tels que Google, Yahoo Search
et les sites des organisations
internationales» (Lycée des
Garçons de Bingerville).
• accès au contenu des
cours en ligne : «Avant que
l’éducateur ne dispense son
cours, les apprenants que
nous sommes, avons déjà des
informations sur le contenu du
cours et cela facilite les échanges
pendant l’enseignement » (Collège
International la Corniche).
• universalisation de
l’accès à la connaissance :
«avec les TIC, on acquiert des
connaissances et on échange
avec d’autres apprenants. La
connaissance n’est plus réservée
aux apprenants des pays du
nord, mais tout apprenant d’un
pays du sud peut y avoir accès»
(Cours Secondaire Méthodiste).
«Les ordinateurs et Internet
ont apporté beaucoup en matière
d›information. Aujourd›hui avec le
peu de temps dont nous disposons
pour utiliser les ordinateurs
et avec les faibles possibilités
qui nous sont offertes en zone
semi rurale, nous avons accès
à de nombreuses informations
importantes, riches et actualisées
pour notre formation» (Groupe
Scolaire Emanuel de Bonoua).
• modification de l’accès
à la connaissance : «avant
les TIC, nous n’accédions à
la connaissance que par les
enseignements reçus. Les
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
établissements scolaires sont
souvent dépourvus d’ouvrages.
Les opportunités d’accès à la
connaissance étaient rares.
Aujourd’hui avec les TIC, ce sont des
bibliothèques, des encyclopédies,
des dictionnaires, des didacticiels
d’apprentissage et des logiciels.
Désormais pour nos exposés et
autres travaux d’apprentissage,
nous sommes aidés par les TIC»
(Lycée Technique d’Abidjan).
impact certain sur la présentation
des documents qu’ils produisent
dans le cadre de leur formation
«Nous faisons des recherches
sur les différents sites internet.
Nous pouvons aussi saisir nos
travaux d’exposé et nous savons
aussi faire des graphiques grâce
aux cours d’informatique pour
améliorer la présentation de nos
travaux de recherches» (Lycée
Sainte Marie).
Selon les éducateurs, les TIC
ont facilité également l’accès
aux connaissances. En effet,
«Internet est une bibliothèque
qui met à la disposition des
apprenants les connaissances
sans trop de difficultés. Ainsi
Internet aide à développer la
recherche documentaire et facilite
la consultation des ouvrages et
des publications qui ne sont pas
disponibles dans les bibliothèques»
(Collège International la Corniche).
La documentation produite
est constituée de travaux de
recherche réalisés à l’école. Il
s’agit essentiellement des :
En somme, l’usage des TIC
par les apprenants modifie
positivement les moyens d’accès
à la connaissance et de façon
spécifique, la relation entre
l’enseignant et l’enseigné.
•
•
projet de fin de cycle :
«Conformément au bulletin
officiel français chaque
élève doit, avant de finir
son cycle présenter un
projet informatique»
(Collège International la
Corniche).
•
exposés de classe «Les
TIC ont aidé les élèves à
2.3- Impact des TIC sur la
documentation produite
par les apprenants
Les TIC influencent
positivement la production de
documents par les apprenants.
Selon eux, les TIC ont eu un
devoirs de maison : les
devoirs de maison se
font avec l’utilisation de
différents logiciels Word
et Excel. Il n’est plus
question de rendre des
manuscrits. Cette exigence
s’applique également
aux exposés réalisés par
les apprenants» (Collège
International la Corniche).
71
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
produire essentiellement
des travaux de recherche.
Auparavant ils rendaient
des manuscrits Aujourd’hui,
avec la pratique de l’outil
informatique, les élèves
saisissent leur travail, le
corrigent avant de le remettre
à l’enseignant. Certains
travaux sont illustrés par
des schémas ou graphiques
qui permettent une meilleure
présentation du travail»
(Groupe Scolaire Emanuel
de Bonoua).
•
72
Les seuls documents que
nous avons produits en
tant qu›élèves, ce sont
des exposés. Nous avons
fait des recherches, saisie
les données nous-mêmes
avant de présenter le
travail en classe. Il y
a quelques années,
après avoir effectué des
recherches dans les
centres de documentation
et bibliothèques, nous
nous rendions chez des
opératrices de saisie
pour confectionner notre
document ou le rendions
de façon manuscrite aux
éducateurs» (IRMA)
Facteurs qui restent
des défis : L’impact positif
des TIC est encore limité au
niveau des établissements
et des apprenants. En effet,
on dénombre trois facteurs
principaux qui restent des défis
à relever en Côte d’Ivoire:
Réticence des managers et
des enseignants en raison de
l’absence de politique en faveur
de l’intégration pédagogique des
TIC dans l’éducation en Côte
d’Ivoire
Faible disponibilité des
ordinateurs et absence de
cours d’informatique:
«beaucoup d’élèves n’ont pas
accès à l’outil informatique
compte tenu de l’absence de cours
d’informatique et de l’absence
de connexion à Internet dans
l’établissement» (Lycée des
Garçons de Bingerville).
De plus, «On ne peut pas
vraiment parler d’impact des Tic
sur l’apprentissage des élèves
étant donné que le lycée n’est pas
bien équipé en outil informatique.
Le nombre d’ordinateurs est
insuffisant pour les filles». (Lycée
Sainte Marie de Cocody).
«La majorité des élèves ne
savent même pas utiliser le
logiciel Word pour la saisie d’un
texte encore moins construire un
tableau dans Excel. Pire, certains
ne peuvent pas identifier les
éléments qui le composent» (Lycée
Moderne de Treichville).
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
• Coûts élevés du matériel
informatique : «le coût élevé des
ordinateurs ne permet pas aux
familles d’en acquérir, compte tenu
de la baisse du pouvoir d’achat»
(Lycée moderne de Treichville).
«L’accès à l’ordinateur et à
Internet n’est pas aisé pour tous,
compte tenu du manque de moyens
financiers des apprenants» (Cours
Secondaire Méthodiste).
3- DISCUSSION
Quels sont les impacts des
TIC sur l’apprentissage, sur
l’accès à la connaissance et la
documentation produite par les
apprenants ?
Au niveau de l’apprentissage,
les apprenants utilisent les TIC
pour améliorer la préparation et
l’approfondissement des cours et
des évaluations. Elles accroissent
aussi les potentialités et les
compétences de l’apprenant.
Ce résultat de l’étude rejoint
celui de Jefferson et Edwards
(2000) pour qui, «une utilisation
judicieuse des TIC encourage
le développement d’habiletés
transversales. En effet, en
même temps qu’il réalise des
apprentissages disciplinaires et
technologiques, l’élève a l’occasion
d’effectuer, dans un contexte TIC
approprié, des apprentissages
qui contribuent au développement
d’habiletés intellectuelles».
Ainsi, selon Karsenti, «Si
les TIC sont mises à profit tout
en insufflant une motivation
accrue aux élèves, elles seront
susceptibles de participer au
développement d’un large éventail
de compétences transversales
autant que disciplinaires qui sont
déterminées dans le Programme
de formation».
Au niveau de l’accès à la
connaissance, l’usage des TIC
modifie positivement les moyens
d’accès au savoir et de façon
spécifique, la relation entre
l’enseignant et l’enseigné.
Ce résultat de l’étude a été
relevé par Perreault N., (2005).
Selon elle, dans un contexte TIC,
le rôle du professeur est appelé
à se transformer: d’une part,
l’information devient de plus
en plus facilement accessible
et le savoir de plus en plus
décloisonné; dès lors, on ne peut
plus concevoir la professeure et
le professeur comme dépositaire
unique des connaissances reliées
à une discipline.
Toutefois l’usage des TIC
en milieu scolaire ne saurait
remplacer les autres démarches
pédagogiques, ni de faire
disparaître les autres types de
ressources comme le livre. En
somme l’usage pédagogique des
TIC demeure un facteur bonifiant
dans l’accès à la connaissance
selon l’apprenant et le formateur
73
© educi
74
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Concernant la production de
la documentation à l’aide des
TIC, elle reste étroitement liée
au traitement à l’ordinateur
des devoirs de maison, des
projets de fin de cycle et des
exposés de classe. En effet, les
résultats de l’étude du ROCARE,
réalisée de 2003 à 2005 en
collaboration avec l’Université
de Montréal «indiquent que 54%
des élèves pense que l’ordinateur
et l’internet facilite la réalisation
des travaux scolaires et 77 %
affirment qu’il est important
d’utiliser les TIC à l’école».
Ainsi, «Tous les enseignants et
les élèves utilisateurs de TIC
interrogés affirment qu’ils ne
pourraient plus travailler efficace
sans l’apport des TIC».
Toutefois, malgré la gamme
variée de possibilités qu’offrent les
TIC et l’impact qu’elles ont dans la
formation, le constat est le même
que celui des pays de l’OCDE en
1989 «l’ l’utilisation des microordinateurs dans l’éventail des
matières du programme scolaire
reste relativement faible dans la
plupart des pays membres. Les
technologies de l’information
recèlent un potentiel considérable
pour l’amélioration de l’éducation.
Cependant, ce potentiel ne se
matérialise pas dans les écoles».
CONCLUSION L’étude : Impact de l’usage des
TIC sur l’apprentissage dans le
secondaire en Côte d’Ivoire visait à
analyser l’effet de l’usage des TIC
sur l’apprentissage et l’accès à la
connaissance des apprenants.
Les résultats montrent que :
Au niveau de l’apprentissage,
les apprenants se servent des TIC
pour améliorer la préparation et
l’approfondissement des cours et
des évaluations. Elles accroissent
aussi les potentialités et les
compétences de l’apprenant.
Au niveau de l’accès à la
connaissance, l’usage des TIC
modifie positivement les moyens
d’accès et de façon spécifique,
la relation entre l’enseignant et
l’enseigné.
La production de la documentation à l’aide des TIC reste
étroitement liée au traitement
à l’ordinateur des devoirs de
maison, des projets de fin de cycle
et des exposés de classe.
Toutefois l’impact positif reste
limité à des établissements et à des
apprenants privilégiés. En effet,
l’absence de politique officielle en
faveur de l’intégration pédagogique
et le coût élevé des équipements
TIC ne favorisent pas l’émergence
d’une culture des TIC dans
l’apprentissage en milieu scolaire
secondaire en Côte d’Ivoire.
N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ...
BIBLIOGRAPHIE
Armstrong A. (1999). The Child and the
Machine : How Computers Put Our
Children’s Education at Risk. www.
Missionfougous-tice.fr
Becta, Ramboll, (2006). The ICT Impact
Report: A review of studies of
ICT impact on schools in Europe.
http://ec.europa.eu/education/
pdf/doc254_en.pdf (consulté le 8
mars 2010).
Butcher N., (2004). L’infrastructure
technologique et utilisation des TIC
dans le secteur de l’éducation en
Afrique : vue générale, ADEA.
Fonkoua P. Dir, (2006). Intégration des
TIC dans le processus enseignementapprentissage au Cameroun. édition
terroirs. Yaoundé.
Jefferson, A. L. et Edwards S. D., (2000).
Technology implies LTD and FTE, PanCanadian Education Research Agenda.
Toronto, Canadian Association of
Education (CEA), p. 137-150.
Karsenty T. (2003) Favoriser la motivation
et la réussite en contexte scolaire : les
TIC font elle mouche ? Vie pédagogique
N° 127, PP27 – 32, consulté le 2 mars
2010, WWW. ThierryKarsenti.ca/pdf/
publications/2003/vp127-27 pdf.
Karsenti T. (2005). L’impact des
technologies de l’information et de
la communication sur la réussite
éducative des garçons à risque
de milieux défavorisés. Montréal,
Rapport de recherches du CRIPFE.
Matchinda B., (2008). Les TIC,
l’apprentissage et la motivation des
filles te des garcons au secondaire.
In ICT and changing mindsets in
education: Repenserl’éducation à l’aide
des TIC, Langaa, Cameroun.
Perreault N., (2005). Rôle et impact des TIC
sur l’enseignement et l’apprentissage
au collégial. http://repere3.sdm.
qc.ca/cgi-bin/reptexte.cgi.
Poyet F., (2009), Impact des TIC dans
l’enseignement : une alternative
pour l’individualisation ? Dossier
d’actualité n°41. www.inrp.fr/vst.
ROCARE. (2006). Intégration des TIC
dans l’éducation en Afrique de
l’Ouest et du Centre : étude d’écoles
pionnières. Rapport de recherche
soumis au CRDI. Bamako: ROCARE
Tchombé T. (2009), TIC et genre, in un
recueil des bulletins du projet Panaf,
ROCARE /CRDI, Mali.
Touré K., Tchombé T., Karsenti T.,
(2008), ICT and changingmindsets in
education: Repenser l’éducation à l’aide
des TIC, Langaa RPCIG, Cameroun.
Traoré D., (2008), Quel avenir pour
l’usage pédagogique des TIC en
Afrique subsaharienne ? Cas de cinq
pays membres du ROCARE, in ICT
and changingmindsets in education :
Repenser l’éducation à l’aide des TIC,
Langaa RPCIG, Cameroun.
75
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DE PHYSIQUE ET
CHIMIE AU SECONDAIRE : COMMENT L’OPTIMISER ?
Kouamé NGUESSAN
IREEP/Ecole Normale Supérieure d’Abidjan
Département des Sciences de l’Education [email protected]
RÉSUMÉ
76
Cette étude présente les principales
implications de la pédagogie, de la
didactique et de l’épistémologie sur la
formation des enseignants de physique
et chimie au secondaire. Nous notons
un certain nombre de points qui
sont fondamentaux et constituent
manifestement une rupture avec
l’idée simpliste de la formation de ces
derniers. L’enseignant de physique et
chimie étant un «cadre» du savoir dans
son domaine, il doit non seulement
connaitre sa discipline, situer l’état
de sa discipline au travers de son
histoire, ses enjeux épistémologiques,
ses problèmes didactiques et les
débats qui la traversent, mais aussi
et surtout maitriser les connaissances
curriculaires et pédagogiques.
Mots-clés : formation, épistémologie, didactique, pédagogie, connaissances, physique, chimie.
ABSTRACT
This study presents the main implications of pedagogy, didactics and
epistemology on the training of physics
teachersin secondary schools. We notea
number of points that are fundamental
and clearly constitute a break with
the simple idea of​​training them.The
teacher of physicsis a «framework» of
knowledge inhis field, hemust not only
know his discipline, locatethe state of
his disciplinet hroughi ts history, epistemological, its educational issues and
debates which through, but also and
especially mastering the curriculum and
pedagogical knowledge.
Key words : education, epistemology, learning, education, knowledge,
physics, chemistry.
INTRODUCTION
L’enseignant est un professionnel
de l’apprentissage, de la gestion
des conditions d’apprentissage
et de la régulation interactive en
classe (Fauré, 2008). Son action en
classe est nécessairement appuyée
sur une préparation dans laquelle
il mobilise des connaissances
professionnelles. Cette préparation,
nous la définissons comme étant
l’activité du professeur en amont
de la mise en œuvre d’une séance
ou d’une séquence ; et laquelle
préparation nécessite la mise en
condition pour réussir cette mise
en œuvre.
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
Elle peut donner lieu à la
conception et à l’organisation
de supports matériels (fiche de
préparation…). Les prises de
décisions y sont importantes sans
pour autant que le professeur soit
assuré d’atteindre ses objectifs
dans sa mise en œuvre. Notre
travail se situe dans le cadre général
de la formation professionnelle des
enseignants de physique et chimie
sur les problèmes d’enseignement
et d’apprentissage, abordé
sous l’angle des connaissances
approfondies et de leurs évolutions.
Nous considérons ce qui se passe
hors de la classe et dans la classe
ainsi que la manière dont ces deux
moments s’articulent.
Dans ce cadre, nous avons
choisi d’étudier la préparation de la
leçon par l’enseignant puis sa mise
en œuvre en classe dans le cas de
l’enseignement de la physique et de
la chimie au secondaire, en étant
spécialement attentifs aux écarts
entre le prévu et le réalisé. Dans la
première partie de ce travail, nous
présentons les cadres théoriques
retenus et notre questionnement
précis. Dans la deuxième partie
nous présentons un ensemble de
connaissances nécessaires pour
rendre le contenu des enseignements
en physique et chimie au lycée
et au collège optimum pour les
apprenants. Enfin, nous présentons
des éléments de conclusion.
1- CADRE THEORIQUE DE
L’ETUDE ET QUESTIONS DE
RECHERCHE
1.1- Cadre théorique de l’étude
L’étude des différentes
connaissances mobilisées par
l’enseignant pendant la préparation
de la classe fait référence au
concept de Pedagogical Content
Knowledge (PCK), issu des travaux
de Shulman (1986, 1987), de
Grossman (1990) et au modèle
élargi de Magnusson et al. (1999).
Le concept de PCK est défini comme
une connaissance spécifique pour
enseigner (Shulman, 1986b).
Chaque PCK est liée à un
contenu. Grossman (1990) définit
quatre grands domaines de
connaissances : les connaissances
pédagogiques générales, les
connaissances disciplinaires, les
PCK, et les connaissances sur le
contexte. De ces quatre domaines,
les PCK sont, selon Grossman, celles
qui ont la plus grande influence sur
l’action de l’enseignant.
Les travaux de Magnusson,
Krajcik, Borko (1999) se situent
dans la lignée de ceux de
Grossman. Ils définissent les PCK
selon la composition suivante : les
connaissances sur les stratégies
d’enseignement, les connaissances
du programme, les connaissances
de l’évaluation, les connaissances
77
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
sur les difficultés des élèves ; quatre
composantes chapeautées par une
cinquième, les orientations pour
l’enseignement de la physique et
la chimie. Ces cinq catégories sont
elles-mêmes constituées de souscatégories.
78
L’analyse de la plupart des
programmes de formation des
enseignants de physique et chimie
se limitent pratiquement à deux
dimensions: la connaissance par
l’enseignant des deux disciplines
que sont la physique et la chimie
dont il doit maitriser leurs notions
fondamentales et ensuite la
possession par ce dernier des
méthodes grâce auxquelles il
emmènera l’élève à apprendre
ces contenus disciplinaires. A
ces dimensions correspond la
formation dans la physique et la
chimie et dans leur didactique.
Certes la didactique a connu un
développement impressionnant
(Tiberghien, 1985 ; Linn, 1987 ;
Viennot, 1989) et est devenue
un corps cohérent et spécifique
(Gil et al, 1991 ; Hodson, 1992)
mais la formation destinée aux
enseignants sur cette base, est
limitée et inefficace. En effet,
nous constatons qu’un fort
pourcentage d’élèves (plus de
69%) échoue en physique et
chimie et l’attitude négative
des élèves face à ces disciplines
et à leur apprentissage est en
constante progression. Cette
constatation brise les idées
simplistes sur l’enseignement de
ces disciplines comme activité
exigeant uniquement un solide
savoir scientifique et une certaine
expérience.
Pour ce qui concerne notre
contribution, nous mettrons en
lumière d’autres domaines à propos
desquels les enseignants de la
physique et de la chimie devraient
posséder des connaissances, si,
du moins, on considère que leur
travail vise à une éducation des
jeunes dans une société. Perçu
dans cette dimension sociétale, le
métier d’enseignant devient clair
en ce sens que pour enseigner la
physique et la chimie à un élève
X ou une élève Y, il ne suffit pas
de maîtriser ces savoirs et de
connaître la psychologie et les
problèmes de ces jeunes, mais il
faut aussi savoir pourquoi, en vue
de quoi et pour qui on se sent prêt à
imposer cet apprentissage à l’élève
X ou à l’élève Y (Fourez, 1998). Il y a
intérêt à situer ces savoirs et cette
mission d’enseignement dans un
cadre plus large.
1.2- Questions de recherche
Vu sous cet angle, la formation
des enseignants en physique et
en chimie doit prendre en compte
les trois conceptions de leur
enseignement/apprentissage en
s’appuyant sur d’autres disciplines,
en particulier l’épistémologie, la
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
philosophie et l’histoire des
sciences, et la linguistique,
d’explorer les potentialités de
divers types de ressources et
de modalités d’enseignement,
pour améliorer le confort des
élèves, leur motivation, leur
plaisir d’apprendre, leur image
des activités et l’efficacité des
dispositifs d’enseignement/
apprentissage en termes de
développement de compétences.
C’est dans cette perspective que
nous présentons ici quelques
orientations pour une formation
des futurs enseignants de
physique et de chimie qui aille
au delà de la discipline et de sa
didactique.
Dans ce travail, nous tentons
ainsi de répondre à différents types
de questions en nous appuyant
sur le cadre théorique présenté
ci-dessus. Il s’agit, d’une part, de
caractériser les connaissances
mobilisées par les enseignants
pendant la préparation de la classe
et au cours de sa mise en œuvre.
Quelles sont ces connaissances ?
Peut-on les diviser en catégories ?
Comment sont-elles structurées ?
Il s’agit, d’autre part, de s’intéresser
à l’évolution de ces connaissances.
Peut-on identifier leurs origines ?
Peut-on en observer des évolutions,
et lesquelles ?
Nous présentons ci-dessous une
méthodologie permettant d’apporter
des éléments de réponses à ces
questions, ainsi que sa mise en
œuvre pour le suivi des enseignants
de physique et chimie.
2- CONNAISSANCES DE LA
PHYSIQUE ET DE LA CHIMIE
2.1- L’épistémologie des
sciences
Définie comme la théorie de
la connaissance scientifique,
l’épistémologie des sciences
étudie la formation et la structure
des concepts et des théories
scientifiques. Elle se penche
sur d’abord la syntaxe et la
sémantique des théories, ensuite
la méthode scientifique et enfin, les
limites et la valeur de l’entreprise
scientifique.
Il n’est donc pas possible
d’être un excellent scientifique
sans pouvoir bien se représenter
comment les scientifiques
construisent leurs savoirs et
même en ayant une série d’idées
incorrectes sur ces sujets. Il
est déjà plus difficile d’être un
bon didacticien si on ne peut
conceptualiser et verbaliser
des démarches scientifiques,
notamment celles liées aux preuves,
aux modèles, aux représentations,
aux paradigmes scientifiques, à
la standardisation des savoirs,
aux tests expérimentaux, etc. De
tels savoirs sur nos savoirs sont
nécessaires pour enseigner des
méthodes scientifiques et posséder
79
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
une métacognition à leur propos.
Sans ce genre de connaissances,
il devient presque impossible de
faire œuvre d’éducation et de
conduire les élèves à considérer
les sciences comme des oeuvres
humaines, construites pour et
par les humains, historiques et
collectives.
80
A propos de l’épistémologie,
les futurs enseignants auront
notamment à rencontrer divers
débats relatifs au rôle des êtres
humains et de leur créativité
par rapport aux sciences. Les
modèles scientifiques sont-ils
des représentations produites et
inventées par les humains, ou
sont-ils des réalités éternelles
qu’on ne fait que découvrir ? Ces
modèles sont-ils des artefacts et
des simplifications destinées à
tenir la place, comme une carte
géographique, d’un terrain trop
complexe, ou sont-ils des reflets
directs de l’état du monde ?
Sont-ils construits par et
pour les humains, comme les
technologies des ingénieurs,
en fonction du contexte et des
projets dont les scientifiques sont,
implicitement ou consciemment,
porteurs, ou sont-ils une vérité
universelle socialement neutre ? 0n
peut se demander si l’enseignant
des sciences désireux de faire
ouvre éducative peut contourner
ces interrogations.
Pour pouvoir gérer de telles
questions, une formation à
l’épistémologie est utile.
2.2- Connaitre l’histoire des
concepts en physique et en
chimie
Dans la mesure où l’on estime
que la physique et la chimie sont
des œuvres humaines, faites par
les humains et pour les humains et
non des doctrines tombées du ciel,
une certaine ouverture à l’histoire
des concepts en physique et en
chimie est utile aux enseignants.
Celle-ci peut les aider à situer les
créations scientifiques dans leur
cadre de société et à éviter de
s’imaginer que les développements
scientifiques d’hier, comme ceux
d’aujourd’hui, ont eu lieu dans
une tour d’ivoire.
L’histoire des concepts
scientifiques peut être réduite à
l’étude de l’album de famille de la
tradition scientifique : elle serait
alors trop idéologique et véhiculerait
trop les intérêts des communautés
scientifiques. L’histoire devrait
permettre de replacer l’évolution
des concepts en mécanique ou en
thermodynamique par exemple
dans leurs cadres culturel, social et
économique. Car le type d’histoire
des concepts scientifiques véhiculés
dans les cours, contribuera
beaucoup à forger l’image que
les élèves se feront des savoirs
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
et de leur construction. En effet,
l’étude de l’histoire des concepts
scientifiques doit permettre de
montrer que la physique et la
chimie ne sont pas un domaine
figé, qu’elles ont évolué avec des
avancées mais aussi des reculs,
dans des théories.
Une telle formation doit
permettre à l’enseignant de savoir
relier les périodes scientifiques aux
périodes historiques ; connaître
les grandes idées de certaines
époques, et de l’évolution de ces
idées ; et de percevoir la durée du
cheminement d’une idée jusqu’à
l’élaboration d’une loi.
2.3- Formation à l’analyse
idéologique des cours de
physique et de chimie
Un cours de physique ou de
chimie selon Martinand (1993)
ne transmet pas uniquement
des résultats ou des méthodes
scientifiques mais aussi toute une
vision du monde. Ainsi, de même
qu’il y a une différence entre
parler d’un verre “à moitié plein”
ou d’un verre “à moitié vide”, cela
ne revient pas au même d’affirmer
que “Nous allons prouver que la
distinction entre les matériaux
conducteurs et isolants est un fait”
ou “Dans un certain nombre de
circonstances, les physiciens ou
chimistes ont trouvé intéressant
de faire la distinction entre des
matériaux dits conducteurs et
d’autres dits isolants”. Ni non plus
de dire “Darwin a systématisé les
connaissances biologiques de son
temps autour de l’idée d’évolution
qui était à la mode dans la culture
qui l’entourait” plutôt que “Darwin
a déduit la théorie de l’évolution
de ses observations lors de son
voyage autour du monde”. La
différence entre ces propositions
renvoie à des visions idéologiques
du monde (Fourez, 1989).
Un cours de physique ou
chimie véhicule ainsi des
idéologies. Ne serait-il pas utile
qu’un professeur de physique et
chimie ait été formé à l’analyse
de ces contenus idéologiques ?
Non pas pour prétendre donner
un enseignement pur de toute
idéologie, mais pour être capable
de mieux contrôler ce qu’il
transmet et éviter que son action
idéologique ne soit contraire à
des valeurs ou des positions qu’il
voudrait défendre.
Parmi les dimensions
idéologiques d’un enseignement
de physique ou de chimie, on peut
mettre en évidence la représentation
des relations physique et chimietechnologies-sociétés qu’il véhicule.
La formation des professeurs
devrait leur permettre d’examiner
diverses représentations pour
pouvoir décider en meilleure
connaissance de causes de celle(s)
qui seront véhiculées dans son
enseignement.
81
© educi
82
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Peut-être une telle formation
permettra-t-elle à l’enseignant
de décider s’il veut transmettre
une image des savoirs selon
laquelle ceux-ci auraient à être
vrais une fois pour toute (comme
lorsqu’on prétend “prouver”
péremptoirement des vérités
scientifiques) ou s’il veut
restaurer la dimension de risque
toujours présente dans la prise
de parole. Selon cette dernière
perspective, il s’agira de mettre
en valeur le fait que le choix
d’une représentation du monde
est une décision risquée, en
ce sens que la représentation
qu’on se donne ouvre toujours
à certaines possibilités et en
renferme d’autres. Ce sera
toujours un choix risqué de dire:
“voici comment je me représente
le monde”. À l’opposé, ceux
qui estiment qu’il n’y a qu’une
“bonne” ou “vraie” représentation
du monde occultent cette
dimension de choix et de risque.
Leur vision rejoint peut-être
une philosophie technocratique
qui prétendrait que les sciences
déterminent ce qu’il faut faire
(Boure, 2007).
Une vision constructiviste des
savoirs, elle, en soulignant le
caractère relatif des représentations
scientifiques sans pour cela être
relativiste met davantage en
évidence la dimension humaine
et risquée de la construction des
représentations du monde.
2.4- Formation à l’interdisciplinarité
La fécondité de la discipline
dans l’histoire de la science n’a
pas à être démontrée ; d’une
part, elle opère la circonscription
d’un domaine de compétence
sans laquelle la connaissance se
fluidifierait et deviendrait vague ;
d’autre part, elle dévoile, extrait
ou construit un objet non trivial
pour l’étude scientifique : c’est en
ce sens que Charaudeau (2010)
disait que la chimie crée son propre
objet. Cependant l’institution
disciplinaire entraîne à la fois
un risque d’hyperspécialisation
du chercheur et un risque de
«chosification» de l’objet étudié
dont on risque d’oublier qu’il est
extrait ou construit. L’objet de la
discipline sera alors perçu comme
une chose en soi ; les liaisons
et solidarité de cet objet avec
d’autres objets, traités par d’autres
disciplines, seront négligées ainsi
que les liaisons et solidarités avec
l’univers dont l’objet fait partie.
La frontière disciplinaire, son
langage et ses concepts propres
vont isoler la discipline par rapport
aux autres et par rapport aux
problèmes qui chevauchent
les disciplines. L’esprit hyper
disciplinaire va devenir un esprit
de propriétaire qui interdit toute
incursion étrangère dans sa
parcelle de savoir (Morin, 1990).
On sait qu’à l’origine, le mot
discipline désignait un petit fouet
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
qui servait à s’auto-flageller,
permettant donc l’autocritique
; dans son sens dégradé, la
discipline devient un moyen de
flageller celui qui s’aventure
dans le domaine des idées que
le spécialiste considère comme
sa propriété.
La plupart des enseignements
scientifiques sont et resteront
disciplinaires. Mais la majorité
des situations concrètes qu’il
peut être intéressant de se
représenter ne peuvent l’être de
façon adéquate par une approche
mono-disciplinaire. Il s’agit de
montrer que les connaissances ne
sont plus séparées du sujet mais
elles font partie intégrante de luimême. Par exemple, la maîtrise du
concept d’énergie né de la physique
à la suite de la décomposition
du newtonianisme, nécessite
pour l’enseignant une meilleure
représentation dans les autres
disciplines comme les sciences de
la vie et de la terre, les sciences de la
société, les sciences économiques
et sociales ; lesquelles disciplines
entretiennent des rapports
différents à ce concept. De même
pour se représenter l’alimentation
du petit déjeuner, il faudra faire
appel à la biologie, à la diététique,
à la psychologie, à l’économie, au
droit, à l’anthropologie culturelle,
etc. Et l’on pourrait dire des choses
similaires si l’objectif est de se
représenter l’usage de la drogue
ou celui d’un Fax. C’est aussi
l’exemple de la notion d’homme qui
se trouve morcelée entre différentes
disciplines biologiques et toutes les
disciplines des sciences humaines
: le psychisme est étudié d’un
côté, le cerveau d’un autre côté,
l’organisme d’un troisième, les
gènes, la culture etc. : il s’agit
effectivement d’aspects multiples
d’une réalité complexe, mais qui ne
prennent sens que s’ils sont reliés
à cette réalité au lieu de l’ignorer.
Ces quelques exemples, hâtifs,
fragmentaires, hachés, dispersés,
veulent insister sur l’étonnante
variété des circonstances qui font
progresser les sciences en brisant
l’isolement des disciplines, soit
par la circulation des concepts ou
des schèmes cognitifs, soit par des
empiètements et des interférences,
soit par des complexifications
de disciplines en champs poly
compétents, soit par l’émergence de
nouveaux schèmes cognitifs et de
nouvelles hypothèses explicatives,
soit enfin par la constitution de
conceptions organisatrices qui
permettent d’articuler les domaines
disciplinaires dans un système
théorique commun.
Aujourd’hui, il faut prendre
conscience de cet aspect qui est
le moins éclairé dans l’histoire
officielle des sciences et qui est
un peu comme la face obscure
de la lune. Les disciplines
83
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
sont pleinement justifiées
intellectuellement à condition
qu’elles gardent un champ
de vision qui reconnaisse et
conçoive l’existence des liaisons
et des solidarités (Darbellay,
2005). Plus encore, elles ne
sont pleinement justifiées que si
elles n’occultent pas de réalités
globales.
84
L’utilisation concrète
des sciences appelle le plus
souvent une méthodologie de
l’interdisciplinarité. C’est pourquoi
on peut se demander si un
professeur pourra donner un
cours de sciences ayant du sens
si, quand il est confronté à la
complexité du concret, il n’est
pas capable de faire se croiser
plusieurs savoirs disciplinaires
et de consulter les spécialistes
d’autres disciplines, pour se
construire une représentation
adéquate de sa situation.
En conséquence, on peut
considérer qu’une certaine
formation aux méthodologies de
l’interdisciplinarité est nécessaire
pour prodiguer un enseignement
des sciences ayant du sens. Il ne
s’agit pas de prétendre remplacer
la formation disciplinaire par
une hypothétique formation
interdisciplinaire, mais il faut
pouvoir compléter cette dernière
par une éducation aux méthodes
de l’interdisciplinarité.
3-
CONNAISSANCES
CURRICULAIRES
3.1- Formation à l’analyse
politique des constructions
de programmes
Construire un programme de
physique et de chimie (ou d’une
autre discipline scientifique) n’est
pas un acte qui relève uniquement
de la physique et de la chimie (ou
de la discipline concernée). Décider
d’un programme, au contraire,
est d’abord un acte politique au
sens le plus strict du terme: il
s’agit en effet de déterminer des
normes qui seront imposées avec
éventuellement des menaces de
sanctions en cas de transgression.
Ce que vise un programme
de physique et chimie dépend
davantage d’une analyse que l’on
fait de la société et des objectifs
qu’on se donne à son sujet que des
disciplines scientifiques. On vise à
imposer certains apprentissages
à des jeunes en fonction de ce
qu’on estime intéressant pour eux
et la société, dans un contexte
particulier. Ce que les enseignants
de physique et chimie peuvent
apporter à la construction d’un
programme de physique et
de chimie peut être considéré
comme des offres de services. Ils
peuvent indiquer ce qu’ils estiment
intéressant d’enseigner à des
groupes de jeunes, et pourquoi.
Ils peuvent aussi, à l’instar des
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
pédagogues, indiquer quelles sont
les contraintes que, selon eux,
les traditions de leur discipline
imposent à un tel enseignement.
Mais l’analyse qui éclairera
l’utilité éducative et sociale d’un
enseignement de la physique
et de la chimie ne relève pas de
cette discipline. Ces enseignants
de physique et chimie peuvent y
contribuer, mais ce n’est pas leur
formation scientifique comme telle
qui y est primordiale. Au centre de
la problématique, il y a les enjeux
sociaux et éducatifs de la pratique
enseignante (Boure, 2002); et ceuxci ne relèvent pas de la physique et
de la chimie.
On peut trouver raisonnable
que les enseignants de physique et
chimie aient reçu une formation les
aidant à comprendre ces enjeux et,
par là, à participer avec pertinence
aux débats relatifs aux finalités
de l’enseignement des sciences.
Il s’agit là d’une formation en
sciences sociales relative aux
politiques et aux idées qui ont
présidés et président aux choix de
programmes en sciences.
3.2- Formation au courant
technologique et à
l’évaluation des technologies
On peut considérer que la
pensée scientifique s’est divisée,
vers le début du 19ème siècle,
en deux courants: celui des
“sciences à projets” (dont
l’ingénierie, la médecine et
l’architecture sont des exemples
typiques) et celui des “sciences
disciplinaires” (les “sciences
des professeurs” représentées
surtout par la physique, la
chimie et la biologie). Pour la
grande partie de la population,
parler des progrès des sciences
renvoie aux “sciences à projets”
et aux technologies (notamment,
l’informatique, la conquête de
l’espace et les technologies
médicales). On trouve surtout
les sciences disciplinaires dans
l’enseignement secondaire
et dans les laboratoires de
recherche universitaires. Mais
beaucoup de professeurs de
sciences n’ont guère d’idées sur la
façon de travailler des médecins,
ingénieurs et architectes. Un bon
nombre regarde d’ailleurs les
technologies avec méfiance quand
ils ne vont pas jusqu’à s’imaginer
que celles-ci se réduisent à être
des applications des sciences
(alors que, généralement, le
développement d’une technologie
met en jeu des mécanismes au
moins aussi complexes que ceux
des sciences disciplinaires, et
exige la mise en œuvre de modèles
théoriques aussi compliqués, tout
en nécessitant des approches
interdisciplinaires). Ils ne voient
pas toujours que si l’on peut
voir comment des principes
disciplinaires permettent une
analyse des technologies, ces
85
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
dernières selon Requeplo (1974),
mettent généralement en oeuvres
plusieurs de ces principes
provenant souvent de différentes
disciplines et les articulent avec
des démarches sociales.
Bref, on peut être un excellent
scientifique et ne pas y comprendre
grand chose au fonctionnement
des technologies. Une formation
des enseignants dans ce sens ne
serait donc vraiment pas un luxe
dans une société où sciences et
technologies interagissent sans
cesse. Si du moins, on désire
que les cours scientifiques soient
perçus par les élèves comme ayant
du sens dans un monde où les
techno sciences sont partout.
86 3.3- Formation à la vulgarisation
scientifique
Il y a un lien entre l’enseignement
des sciences dans le primaire ou le
secondaire et la popularisation des
sciences et des technologies. Dans
les deux cas, les finalités sont à la
fois culturelles (avoir une vision du
monde) et pratiques (permettre au
citoyen de se débrouiller dans une
société où sciences et technologies
sont devenues incontournables.
C’est d’ailleurs ce que développent
les réflexions tournant autour de
l’alphabétisation scientifique et
technique (Tilman, 1994).
Les professeurs de physique
et chimie devraient percevoir la
différence entre une vulgarisation
- ou un enseignement - qui
se limiterait à montrer les
belles choses réalisées par les
scientifiques et celle qui viserait
à une véritable démocratisation,
impliquant alors un partage du
pouvoir lié au savoir. Il s’agit de
leur faire percevoir la différence
entre une action se limitant à un
effet de vitrine (ou à une opération
de relations publiques des
communautés scientifiques), et
celle conférant une réelle maîtrise
et une capacité de négociation
face tant aux choses qu’aux
spécialistes ou aux technologies.
3.4- Formation à articuler
savoirs scientifiques et
décisions humaines
L’intérêt d’un enseignement
scientifique ne se limite pas à
la connaissance des modèles
scientifiques: il s’agit aussi
de rendre les élèves capables
d’utiliser ces savoirs quand
il s’agit de gérer leur propre
existence et de participer à la
vie sociale. L’enjeu soulevé ici
concerne la capacité d’utiliser
les savoirs scientifiques dans les
débats éthiques et/ou politiques
(comme ceux concernant la
drogue, l’énergie, la transmission
du SIDA, etc.). Cela implique
la capacité de se situer par
rapport à la technocratie, comme
celle de distinguer entre les
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
dimensions techniques, éthiques
et politiques d’un débat ou d’une
décision. Et ici encore, une
certaine formation ne serait pas
de trop pour les enseignants de
physique et chimie.
3.5- Formation aux dimensions
“Physique et chimie,
Technologies, Société”
En lien avec les questions
que l’on vient de soulever, on
peut situer les compétences qui
permettent d’articuler les trois
dimensions citées dans ce soustitre. Les enseignants de physique
et chimie n’auraient-ils pas à
posséder un modèle clair des
relations entre physique et chimie,
et technologies ? Ne devraientils pas être capables, aussi,
de percevoir les répercussions
sociales de l’adoption d’une
technologie (comme d’ailleurs
aussi d’une vision scientifique du
monde) ? Tout cela renvoie aux
méthodes d’évaluation sociale des
technologies. Les technologies, en
effet, selon Tilman et Grootaers
(1994) ne sont pas seulement
des outils neutres pouvant être
utilisés d’une façon ou d’une
autre, elles engendrent aussi
comme des sortes de gènes
sociaux des organisations de
société. Elles ont des effets qu’il
importe de pouvoir analyser.
Une autre conscience, celle
de ce que Piaget appelait le
cercle des sciences qui établit
l’interdépendance de facto des
diverses sciences est également
nécessaire. Les sciences
humaines traitent de l’homme,
mais celui-ci est, non seulement
un être psychique et culturel,
mais aussi un être biologique,
et les sciences humaines sont
d’une certaine façon enracinées
dans les sciences biologiques
lesquelles sont enracinées
dans la physique et la chimie,
aucune de ces sciences n’étant
évidemment réductible l’une à
l’autre. Toutefois la physique et la
chimie ne sont pas le socle ultime
et primitif sur lequel s’édifient
toutes les autres ; la physique
et la chimie, pour fondamentales
qu’elles soient, sont aussi
des sciences humaines dans
le sens où elles apparaissent
dans une histoire humaine
et dans une société humaine
(Layton, 1993). L’élaboration du
concept d’énergie est inséparable
de la techn icisation et de
l’industrialisation des sociétés
occidentales au 19ème siècle. Donc,
dans un sens, tout est physique,
mais en même temps, tout est
humain. Le grand problème est
donc de trouver la voie difficile
de l’entre-articulation entre des
sciences qui ont chacune, non
seulement leur langage propre,
mais des concepts fondamentaux
qui ne peuvent pas passer d›un
langage à l’autre.
87
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Ne serait-il pas notamment
souhaitable que les élèves sachent
analyser les façons dont le technicotechnique et le social sont articulés
pour former une technologie
concrète comme le chemin de
fer, le fax, ou les méthodes de
procréation artificielle. Mais
pour les accompagner dans cette
démarche (ou tout simplement
pour ne pas la paralyser) une
formation des enseignants de
physique et chimie sera encore
nécessaire.
3.6- Formation à l’analyse de
société liée à l’enseignement
et l’école
88
Les professeurs de physique
et chimie (ou d’autres disciplines)
ne vivent pas seulement dans
leur classe : ils évoluent et sont
conditionnés par l’institutionécole. Ils ne pratiquent pas
seulement ce que les sociologues
appellent les “relations courtes”
(celles où l’on voit et connaît
bien ses interlocuteurs). Ils sont
immergés dans des “relations
longues” (comme celles qui les
relient aux forces politiques ou
économiques régissant notre
société). Ils vivent, par exemple,
toutes les difficultés provenant
de la perte de crédibilité de l’école
dans nos sociétés d’aujourd’hui.
Il ne s’agit pas seulement de la
capacité des enseignants à former
des élèves; ce qui est en jeu, c’est
aussi leur existence à eux et leur
autonomie. Il y a des politiques
scolaires qui les touchent, eux
et leurs moyens d’action. Ils se
trouvent au milieu de diverses
violences, depuis celles qui éclatent
parfois parmi leurs élèves à celles,
plus froides, qui décident de la
façon dont le monde économique
tend à instrumentaliser l’éducation
et l’école à ses finalités.
Pour ne pas être des ignorants
face à ces instances diverses de la
“grande société” les enseignants
doivent pouvoir comprendre
ces mécanismes de société. Et,
là encore, les professeurs de
physique et chimie pourraient
être preneurs, comme les autres.
4-
CONNAISSANCES
PEDAGOGIQUES
Il revient à répondre à la
question fondamentale suivante :
comment organiser les différentes
activités du cours pour que
les apprenants atteignent les
objectifs d’apprentissage ?
4.1- Formation des enseignants
aux stratégies et styles
d’enseignement
4.1.1- Formation des
enseignants aux stratégies
d’enseignement
Ruffenach (2007), définit
la stratégie d’enseignement
comme étant l’art de planifier,
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
de coordonner et d’anticiper une
séance d’enseignement pour
atteindre des objectifs. Vues sur
cet angle, les différentes stratégies
d’enseignement doivent être
maitrisées par l’enseignant pour
aider les élèves à devenir des
apprenants indépendants ou
stratèges. En effet, ces stratégies
d’enseignement deviennent
des stratégies d’apprentissage
lorsque les élèves en choisissent
certaines de manière indépendante
et les utilisent efficacement
pour accomplir des tâches ou
atteindre des objectifs. Avec ces
stratégies, l’apprentissage doit
se centrer sur l’apprenant et le
développement des compétences
plutôt que sur l’acquisition de
savoirs, l’évaluation doit porter
sur l’état de développement des
compétences et non sur la stricte
restitution, voire l’utilisation de
savoirs ou savoir-faire.
Une formation des enseignants
aux stratégies d’enseignement
leur permettra de faire des
choix judicieux au niveau du
matériel didactique et des
méthodes d’enseignement variés.
L’enseignant créera ainsi d’une
part, de liens significatifs entre les
habiletés et les idées ; et d’autre
part, des situations réelles,
d’occasions d’être indépendants
et de montrer ce qu’ils
connaissent; d’encouragement
pour s’auto évaluer et se corriger;
d’outils pour réfléchir sur leur
apprentissage et évaluer celui-ci.
Il s’agit en fin de compte d’une
formation des enseignants qui
aura pour finalité les apprenants
en vue de les motiver, et les aider
à se concentrer. En outre, elle
va permettre aux enseignants
d’organiser l’information pour
mieux la comprendre et la
retenir, surveiller et évaluer leur
apprentissage.
4.1.2- Formation des
enseignants aux styles
d’enseignement
En s’inspirant librement des
travaux de Blake et Mouton (1964)
en matière de management,
Therer et Willemart ont tenté
d’identifier et de décrire
quatre styles d’enseignement
représentatifs des pratiques
pédagogiques observables. Ces
styles se définissent à partir
d’un modèle bidimensionnel
qui combine deux attitudes de
l’enseignant : attitude vis-à-vis
de la matière et attitude vis-à-vis
des apprenants. Chacune de ces
attitudes s’exprime à des degrés
divers, faibles ou forts, désintérêt
ou intérêt. La combinaison de ces
deux attitudes permet d’identifier
quatre styles de base :
•
Style transmissif (9.1),
centré davantage sur la
matière ;
89
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
•
Style incitatif (9.9), centré
à la fois sur la matière et
sur les apprenants ;
•
Style associatif (1.9),
centré davantage sur les
apprenants ;
•
Style permissif (1.1), très
peu centré tant sur les
apprenants que sur la
matière.
Schématiquement, la grille se présente comme suit :
90
Grille Therer - Willemart (1983), inspiré de Blake et Mouton (1964)
En outre, Therer et Willemart
formulent l’hypothèse que chacun
de ces quatre styles peut se révéler
efficace ou inefficace en fonction
des situations et en fonction des
interventions plus spécifiques de
l’enseignant ou du formateur.
A l’analyse de ce qui précède,
nous pouvons dire que l’enseignant
de physique et chimie doit être formé
aux différents styles d’enseignement
en vue de maîtriser :
- la nature des objectifs à
atteindre : l’enseignant doit
savoir que les objectifs socioaffectifs de haut niveau (esprit
critique, capacité de travail en
groupe,...) sont atteints plus
aisément par les styles incitatifs
et associatifs faisant appel à des
stratégies telles que discussions
de groupe, méthode des cas et
les objectifs psychomoteurs en
physique et chimie (par exemple
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
le titrage, les manipulations...),
ils requièrent nécessairement
le recours à tous les styles et à
de multiples stratégies comme
la démonstration, les travaux
pratiques et même le drill.
- le degré de motivation des
apprenants : une stratégie
d’enseignement est opportune
si elle induit chez l’apprenant un
sentiment de réussite, de progrès
personnel, de responsabilité...
Les stratégies centrées sur
l’apprenant favorisent ces
attitudes et induisent ainsi un
apprentissage intrinsèquement
motivant. Il convient pourtant
de préparer progressivement
les apprenants à ces stratégies
moins directives. Le professeur
donnera d’abord un « cadre
général « et des informations
fondamentales puis il s’orientera
vers un style de plus en plus
associatif.
- la capacité des apprenants :
peu de recherches expérimentales existent dans ce domaine.
Il semblerait (Davies, 1971 et
Dupont, 1982) que les apprenants moins «performants» préféreraient au départ un enseignement plus directif et plus
formalisé ; et les apprenants
«plus performants» ou «très
performants» préféreraient des
stratégies plus associatives.
4.2- Formation des enseignants
de physique et chimie à
l’approche par compétence
et à l’évaluation
4.2.1- Formation à l’approche
par compétence
Les systèmes éducatifs sont
aujourd’hui dans un mouvement
dans lequel «une des composantes
du verbe connaître, c’est de
démontrer sa compétence»,
ce qui est présenté comme
qualitativement différent de la
simple « maîtrise d’objectifs traduits
en comportements observables » et
à la fragmentation pédagogique
sous-jacente. De ce point de vue,
la problématique des compétences
dans le domaine scolaire marque
un tournant dans la manière de
concevoir l’éducation en rapport
aux attentes de l’environnement.
Les compétences figurent
désormais dans les textes
officiels. Cependant la notion
de compétence est employée
avec un nombre d’acceptions
tellement différentes qu’il est
difficile de trouver dans cette
expression une signification
stable et partagée. Le sens pluriel
de son emploi conduit à des
ambiguïtés importantes qui
ont des conséquences dans
les échanges entre praticiens,
formateurs et chercheurs. Pour
91
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
certains auteurs, il n’y a pas de
différence fondamentale entre
cette notion et celle d’aptitude,
de savoir-faire, d’habileté,
d’expertise ou de capacité. Pour
d’autres, la compétence ne se
réduit pas à un savoir ou à un
savoir-faire. On peut par exemple,
disposer des compétences et ne
pas être capable de les appliquer
pour résoudre un problème
(Beckers et al., 2001).
92
De ce point de vue, il serait
absurde de prétendre que
l’émergence de la compétence dans
les documents officiels résout les
problèmes de compréhension
des phénomènes d’enseignement
et d’apprentissage. Face aux
problèmes de fond qui semblent
se poser à propos de l’usage
de la notion de compétence,
une formation des enseignants
de physique et chimie est
nécessaire pour leur permettre
de cerner la différence entre les
perspectives praxéologique et
académique ; la compréhension
de la notion de compétence ; le
statut des dimensions cognitives
individuelles ; et les niveaux
d’analyse abordés.
4.2.2- Formation à l’évaluation
de l’apprentissage
Pour comprendre l’importance
de l’évaluation, l’enseignant
de physique et chimie doit
répondre aux quatre questions
suivantes : Pourquoi faire ?
Pour qui ? Quand ? Avec quelles
références ?
Il devient alors important
pour l’enseignant de physique
et chimie de connaître les trois
grandes fonctions de l’évaluation :
l’évaluation formative (la
régulation de l’enseignement et
l’apprentissage) ; l’évaluation
pronostique (l’orientation ou la
prédiction) ; et enfin l’évaluation
certificative (impliquant un bilan à
la fin d’un cursus) (Paquay, 2000).
De ce point de vue, nous pensons
que l’enseignant de physique
et chimie doit être formé aux
différentes fonctions de l’évaluation
en vue de : avant l’enseignement,
dégager les capacités et les lacunes
des apprenants pour lancer
des situations d’apprentissage
adaptées ; durant l’enseignement,
identifier les difficultés et les
stratégies des apprenants en
continu pour aménager le milieu
didactique et intervenir à bon
escient de manière à réguler les
processus dans l’apprentissage ;
après l’enseignement, analyser les
progrès.
Une formation des enseignants
de physique et chimie aux
techniques de l’évaluation doit
leur permettre d’être attentif à
certains risques et aux éventuelles
dérives tels que :
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
- les confusions entre les trois
grandes fonctions de l’évaluation,
notamment les risques de
transformer sans précautions
l’évaluation formative continue
interne en évaluation certificative ;
- la création d’instruments
d’évaluation fondés sur des critères
et des indicateurs qui ne sont pas
cohérents avec la complexité des
compétences analysées ;
- l’absence de clarté en ce qui
concerne les critères de l’évaluation
certificative et le danger d’utiliser les
batteries d’épreuves réalisées à titre
indicatif comme le seul élément de
certification : l’évaluation externe
risque de devenir alors dominante ;
- la tendance qui se dégage
à mettre en route des formes
d’évaluation des potentialités des
apprenants en faisant abstraction
des contenus disciplinaires et des
familles de situations peut conduire
à évaluer des généralités sur le
fonctionnement de la personne ;
- la tendance à vouloir attribuer
trop de fonctions à un outil
d’évaluation créé dans un but
particulier.
CONCLUSION
Il ne faudrait pas croire qu’on
propose ici de transformer nos
professeurs de physique et chimie
en enseignants pluridisciplinaires.
Leur formation sera principalement
disciplinaire. Mais, s’ils veulent
être des acteurs participants et
non simplement des spectateurs
des diverses dimensions de
l’action éducative dans laquelle
ils sont impliqués, ils doivent
aussi avoir une formation allant
au delà de la physique et la chimie.
Si cela ne doit pas prendre trop
de leur temps il faudrait pourtant
se demander si, actuellement, ce
type de formation non technique
est suffisant pour permettre aux
enseignants de physique et chimie
de s’insérer efficacement dans la
société dont ils font partie.
C’est par une action et une
réflexion conjuguées sur différentes
facettes du système éducatif,
une instrumentation didactique
appropriée, assortie de la formation
initiale sur ces nouvelles pratiques
d’enseignement-apprentissage et
d’évaluation et une modification
des conditions d’exercice du
métier dans les classes permettant
l’exercice d’une responsabilité
collégiale, que l’enseignant sera
à l’aise dans la construction des
savoirs des apprenants.
BIBLIOGRAPHIE
Beckers, J. et Dumortier, J.-L. (2001),
Construire des outils d’évaluation
de compétences qui permettent
d’apprendre. Un enjeu de formation
pour de futurs enseignants, Actes
du colloque de l’Admée, Aix en
Provence, 11-13 Janvier 2001.
93
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Blake, R. et Mouton, J. (1964), Managerial
grid in Gulf publishing Cy - Houston
– Texas.
Bourdon, J. (2011), «L’interdisciplinarité
n’existe pas», Questions de
communication, n° 19, pp. 155-170
Boure, R. (2007), Les sciences humaines et sociales
en France, E.M.E. et intercommunication,
Fernelmont BE.
Boure, R. (2002), Les origines des sciences
de l’information et de la communication.
Regards croisés, Lille, Presses
universitaires du Septentrion.
94
Charaudeau, P. (2010), «Pour une
interdisciplinarité «focalisée» dans
les sciences humaines et sociales»,
Questions de communication, n°17,
pp. 195-222. Egalement disponible
à http://www.patrick-charaudeau.
comPour-une-interdisciplinarite.html.
Crahay, M. (1997), Une école de qualité pour
tous !, Bruxelles, Labor. (Thème 2.10)
Darbellay, F. (2005), Interdisciplinarité
et transdisciplinarité en analyse
des discours. Complexité des textes,
intertextualité et transtextualité,
Slatkine, Genève, 2005
Develay M, Donner du sens à l’école, Paris,
ESF, 1996 (Thème 2.5 & 2.10)
Dubet, F. &Maitricelli D., À l’école:
sociologie de l’expérience scolaire, Paris,
Seuil, 1996 (Thème 2.10)
Fauré, B. (2008), «Décomplexer les SIC
– Assumer le couple info-com et
l’interdisciplinarité», Actes du XVIe
Congrès SFSIC. Disponible sur http
://www.sfsic.org/congres_2008/
spip.php?article 140
Fourez, G. (1989), “Scientific Literacy:
Societal Choices and Ideologies”
in Champagne A.B. ed.:Scientific
Literacy; AAAS Yearbook; Washington,
pp. 91-108 ; 1989 (Thème 2.3 & 2.5)
Fourez, G. (1998), “Se représenter et
mettre en œuvre l’interdisciplinarité
à l’école” in Revue des sciences de
l’éducation, (Thème 2.4)
Fourez, G., Englebert-Lecompte V.,
Mathy Ph.,(1987), Nos Savoirs sur nos
Savoirs, Un lexique d’épistémologie pour
l’enseignement, Ed. De Boeck Univ.,
Paris &Bruxelles, (Thème 2.1)
Grossman, P. L. (1990). The making
of a teacher: Teacher knowledge
and teacher education. New York.
TeachersCollegePress.
Houssaye, J. (1992), Les valeurs à
l’école, l’éducation aux temps de la
sécularisation, Paris, PUF. (Thèmes
2.3, 2.8 et 2.10)
Layton, D., Jenkins, E., Macgill, S., Davey, A.
(1993), Inarticulate Science?perspectives
on the public understanding of Science,
Studies in Education, Driffield.
(Thème 2.7)
Layton, D. (1993), Technology’s Challenge
to Science Education, Open University
Press, Buckingham, (Thème 2.6)
Leclerc, M. (1989), «La notion de discipline
scientifique», Politique,n°15, 1989, pp. 23-51.
Magnusson, S., Krajcik, J., & Borko,
H. (1999). Nature, sources, and
development of pedagogical content
knowledge for science teaching. In
N. G. L. Julie Gess-Newsome (Ed.),
Examining Pedagogical ContentKnowledge
(pp. 95 - 132). Boston : Kluwer.
Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique...
Maingueneau, D. (2010), «Analyse de
discours et champ disciplinaire»,
Questions de communication, n°18,
pp. 185-196.
Martinand, J.L. (1993), “Histoire et didactique
de la physique et de la chimie : quelles
relations ?” in Didaskalia, n° 2, pp. 89-99.
(Thème 2.2)
Mathy, Ph. (1997), Donner du sens au
cours de sciences, De Boek Université,
Paris & Bruxelles. (Thèmes 2.2, 2.3,
2.5, 2.10)
Roqueplo, Ph. (1974), Le partage du savoir,
sciences, culture, vulgarisation, Paris,
Seuil. (Thème 2.7)
Shulman, L.S. (1986), Those who
understand : Knowledge growth
in teaching. Educational researcher,
15(2), 4-14.
Shulman, L.S. (1987), Knowledge and
teaching : Foundations of the new
reform. EducationalReview, 57(1), 1-22.
Mattelart, A. et Mattelart, M.
(2004), Histoire des théories de la
communication, Paris, La Découverte.
Therer J., Willemart Cl. (1984), Styles
et Stratégies d’enseignement et de
formation - Approche paradigmatique
par vidéo, in Education Tribune Libre,
in Probio Revue, vol. 7, n°1.
Morin, E. (1990), «Sur l’interdisciplinarité»,
Carrefour des sciences, Actes du Colloque
du Comité National de la Recherche
Scientifique Interdisciplinarité, éditions
du CNRS.
Tilman, F. (1994), Alphabétisation
scientifique et technique. Essai sur les
finalités de l’enseignement des sciences,
De Boek Université, Paris &Bruxelles
219 p., (Thèmes 2. 1 à 9).
Nissani, M. (1995), «Fruits, salads, and
Smoothies : A Working Definition
of Interdisciplinarity», in Journal of
Education Thought, 29, pp. 119-126.
Tilman, F. &Grootaers, D. (1994), Les
chemins de la pédagogie, Guide des
idées sur l’éducation et l’apprentissage,
Bruxelles & Lyon, EVO & Chronique
Sociale,(Thème 2.10)
95
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
QUELLE STRATEGIE POUR LE MAINTIEN DES
ENSEIGNEMENTS A L’UNIVERSITE DE BOUAKE PENDANT
LA PERIODE DE CRISE SOCIO POLITIQUE DE 2002 EN
COTE D’IVOIRE ?
KOFFI Sosthène Konan
KOUADIO Brou Ghislain
KOMENAN Beugré Raphaël
ZERBO Ahoua Christelle Anne
IREEP/Université Alassane
Ouattara- Côte d’Ivoire [email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
RÉSUMÉ
96
En Côte d’Ivoire, le conflit armé
de 2002 a entrainé le départ massif
des populations et la fermeture de
la plupart des services de l’Etat,
dans la moitié nord du pays. La
ville de Bouaké ayant été le site
de plusieurs affrontements armés,
l’université qu’elle abritait a été
affectée. La présente étude vise
à comprendre les stratégies de
maintien des enseignements à
l’Université de Bouaké durant la crise
socio-politique à partir d’une étude
qualitative. L’enquête a consisté à
réaliser 72 entretiens individuels
avec les acteurs internes et externes
de l’institution et 04 focus groups
avec les étudiants. Les résultats
montrent que la délocalisation a été
la stratégie principale. En effet, les
formes de mobilisation collectives, à
travers le comité de délocalisation,
ont permis de disposer des locaux, de
reconstituer les archives et d’obtenir
l’appui de certains partenaires.
Par ailleurs, un certain nombre de
stratégies ont été initiées pour assurer
le maintien des enseignements.
Mots-clés : conflit armé, stratégie,
enseignement supérieur, maintien,
fonctionnement.
ABSTRACT
In Côte d’Ivoire, the armed conflict
in 2002 led to the mass exodus
of people and the closure of most
state services in the northern half
of the country. Bouaké has been
the site of many armed clashes, it
housed the university of Bouaké
whitch has been greatly affected.
This study aims to understand the
teachings maintenance strategies at
the University of Bouaké in the sociopolitical crisis from a qualitative study.
The survey was to make 72 individual
interviews with internal and external
stakeholders of the institution and
04 focus groups with students. The
results show that the relocation was
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
the main strategy. Indeed, forms of
collective mobilization, through the
relocation committee, allowed to
obtain local, to restore the files and
get the support of some partners. In
addition, a number of strategies have
been initiated to maintain lessons.
L’enseignement supérieur en
Afrique entre alors dans une
phase de crise de fonctionnement,
en raison de la forte croissance
démographique et de l’instabilité
politique en 1990 (Makosso, 2006).
Key words : armed conflict,
strategy, higher education,
maintenance, operation.
En Côte d’Ivoire, l’Université
d’Abidjan1 d’alors qui ne comptait
que 48 étudiants en 1959, est
passée en 1977 à 7 587 étudiants
pour atteindre 44 000 en 1992
(Sato, 2003). Les infrastructures
deviennent alors insuffisantes et
inadaptées, entachant la qualité
de l’enseignement.
INTRODUCTION
L’histoire des universités
africaines remonte au lendemain
de la seconde guerre mondiale.
Conçues pour former les cadres
destinés à diriger les pays
nouvellement indépendants,
ces universités auraient joué
pleinement leur rôle, en pourvoyant
aux besoins de l’administration
(Mve-Ondo, 1998).
A partir des années 1980, on
assiste, dans la plupart des pays
africains, à une réduction d’environ
19,1%, de la part moyenne du
budget alloué à l’enseignement
supérieur du fait de la persistance
de la crise économique, du poids
de la dette et de la poursuite
des Programmes d’Ajustement
Structurel (PAS) (Banque Mondiale,
1995). Pendant ce temps, le nombre
d’étudiants a considérablement
augmenté alors que le rythme de
recrutement des enseignants et
de création d’infrastructures n’a
pas été suffisant pour assurer
des conditions d’encadrement
satisfaisantes.
Pour y faire face, les universités
d’Abobo-Adjamé et de Bouaké ont
été créées en 1995. Une année
plus tard les URES de Daloa
et de Korhogo ont été créées et
rattachées respectivement à ces
deux établissements. En outre,
le budget d’investissement dans
l’enseignement supérieur est
passé de 10% en 1992 à 22,6%
en 1998 (Makosso et al, 2009).
Cependant, l’ampleur des besoins
en termes d’infrastructures et
de personnel n’a pas permis
d’améliorer la situation de
l’enseignement supérieur.
L’Université de Bouaké n’est
pas épargnée par la situation
de crise généralisée que connaît
1
Notons que cette université a plusieurs appellations.
Au début elle était Université d’Abidjan, après elle est
devenue Université Nationale de Côte d’Ivoire, ensuite
Université de Cocody pour enfin, être appelée Université
Félix Houphouët-Boigny de Cocody Abidjan
97
© educi
98
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
l’enseignement supérieur ivoirien
depuis les années 1990. En effet
construite pour décongestionner
l’Université nationale d’alors,
l’Université de Bouaké se trouve
confrontée aux mêmes réalités
d’inadéquation entre les capacités
d’accueil et les effectifs d’étudiants.
De 2820 étudiants à sa création
en 1992, l’on est passé à 13503 en
1999 (Zinsou, 2009). De plus en
2002, une crise militaro-politique
survient en Côte d’Ivoire et plonge
les universités ivoiriennes dans
l’enlisement, particulièrement
l’Université de Bouaké, située
dans la ville abritant le siège
de cette rébellion. Cette crise
qui a eu pour conséquence la
fermeture de la plupart des
services de l’Etat, a entrainé
un déplacement tous azimuts
des populations. Au niveau de
l’Université de Bouaké, on note
plusieurs cas d’abandons de poste
de certains agents, la destruction
d’infrastructures et la perte de
documents administratifs. En
dépit de cette désorganisation,
l’Université de Bouaké n’a cessé
de dispenser des enseignements.
L’institution a été délocalisée à
Abidjan pendant environ une
décennie pour parvenir à cette
fin. Cet article tente de répondre
à la question suivante : comment
s’est-elle réorganisée pour assurer
la continuité des enseignements ?
Au regard des difficultés
induites par les crises, certains
établissements ne parviennent
toujours pas à assumer leur
mission éducative ou du
moins de façon qualitative. Au
nombre des contraintes, il y a
les difficultés financières qui
constituent l’un des obstacles
majeurs ne permettant pas
de recruter des enseignants
compétents en dehors des
réfugiés des camps pour
assurer une éducation parfaite
(UNESCO, 2011). Cependant, la
délocalisation s’apparente à un
recours privilégié dans les pays
africains en proie aux conflits
armé. En Sierra Léone, Sobhi
(1998) souligne que face aux
effets multiples de la guerre,
les autorités éducatives étaient
contraintes de transférer les
institutions éducatives de leur
site d’origine vers d’autres
horizons. De même Kodia
(1999) s’intéressant au Congo
Brazzaville, met en relief les ruines
notoires des infrastructures
universitaires du fait de la guerre
et la délocalisation des écoles du
Sud du pays vers le Nord.
La réflexion menée sur les
stratégies de maintien des
enseignements à l’Université
de Bouaké s’appuie sur les
théories de l’action collective et
de la résilience. La première,
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
conduit à porter un regard
sur les formes de mobilisation
collective mise en œuvre dans
le cadre de la délocalisation. La
seconde, à savoir la résilience,
privilégie les «comportements
adaptatifs» développés au sein
de l’institution universitaire pour
garantir les enseignants durant la
décennie de crise sociopolitique.
En conséquence, trois objectifs
spécifiques ont été visés. Il s’est
agi : i) d’identifier les actions
entreprises par les acteurs de
l’institution pour la réouverture
de l’Université de Bouaké, ii) de
relever le niveau de participation
des acteurs de l’institution et leurs
interactions, iii) de dégager les
stratégies initiées par les acteurs
en vue d’assurer la continuité des
enseignements.
Cet article est organisé en
trois points, dont le premier traite
des aspects méthodologiques de
l’étude. Le second point expose
les résultats et le troisième
présente la discussion des
résultats obtenus à la lumière
des d’autres travaux similaires.
1- MÉTHODOLOGIE
1.1- Type d’étude
Au regard de nos objectifs qui
consistent en la découverte et
la compréhension des stratégies
mobilisées à l’Université de Bouaké
pour garantir ses enseignements,
cette étude a une dimension
essentiellement qualitative.
1.2- Site de l’étude
L’étude a été réalisée en
Côte d’Ivoire particulièrement
à Abidjan, ville ayant abrité
les services de l’Université de
Bouaké, suite aux perturbations
liées à la crise de 2002. Le
choix de cette localité repose
sur le fait qu’à l’éclatement du
conflit armé, les services de
l’université ont été délocalisés à
Abidjan en 2003. L’étude s’est
donc déroulée sur les sites des
établissements d’enseignement
supérieur (universités et grandes
écoles) dans ladite ville.
1.3- Population cible de
l’enquête
La population cible regroupe
deux catégories d’enquêtés : les
acteurs internes et les acteurs
externes de l’université.
Les acteurs internes
interrogés au cours de cette
étude sont d’abord les dirigeants
de l’Université de Bouaké
(présidents, vice-présidents,
secrétaire général). Ensuite,
nous avons interviewé les
chefs de service (directeurs
de scolarité et des UFR) et les
chefs de départements. Enfin,
le personnel administratif et
99
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
technique, les enseignantchercheurs, les étudiants et
les responsables syndicaux ont
également fait objet d’enquête.
En ce qui concerne les acteurs
externes, ils sont constitués de
trois catégories de personnes.
Il s’agit des dirigeants des
universités et des grandes écoles,
des autorités du ministère de
l’enseignement supérieur et de la
recherche scientifique (MESRS) et
des responsables des organismes
nationaux et internationaux qui
ont accompagné l’Université de
Bouaké dans son fonctionnement.
1.4- Techniques d’échantillonnage
et critères de choix
100
Deux techniques d’échantillonnage ont été retenues dans cette
étude, à savoir le choix raisonné
et la technique de boule de neige.
Fondé sur le jugement
du chercheur, le recours à
l’échantillonnage par choix
raisonné repose sur le fait que les
informations clés sont détenues
par les acteurs spécifiques, en
l’occurrence les dirigeants et
les responsables de l’institution
universitaire. Pour ce faire, nous
avons interrogé le président,
le vice-président, le secrétaire
général au niveau de la haute
hiérarchie et les autres dirigeants
tels que les directeurs de la
scolarité, les doyens d’UFR et
les chefs de départements. A
ceux-là, nous avons ajouté tous
les anciens responsables et
dirigeants de l’Université qui
étaient en fonction au début
de la crise. Les enseignantchercheurs ont été sélectionnés
par département et/ou filière, en
raison d’un enseignant par grade
(rang A et rang B), soit deux
enseignants par département
et/ou filière. Pour ce qui est des
étudiants, les délégués d’amphi
et les anciens étudiants qui
étaient à l’Université de Bouaké
avant le conflit armé de 2002 ont
été interrogés en focus group.
La technique de la boule de
neige a été utilisée pour les
acteurs non identifiés a priori,
notamment les partenaires de
l’Université de Bouaké. En effet, à
partir des informations recueillies
auprès de certains acteurs clés,
nous avons pu repérer d’autres
acteurs que nous avons intégrés
à la population d’enquête.
1.5- Techniques de collecte de
données
Les entretiens semi-directifs et
les focus groups ont constitué les
techniques d’enquête mobilisées
dans le cadre de cette étude.
D’une part, les entretiens
individuels ont concerné
toutes les cibles interrogées, à
l’exception des étudiants. Ils
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
ont été conduits avec 11 guides
d’entretien semi dirigés qui
ont porté sur la réouverture de
l’Université de Bouaké et sur les
changements opérés au niveau
académique. D’autre part, un
focus group a été réalisé avec
les étudiants de chaque UFR,
soit un total de 04 focus avec
une moyenne de 08 participants
par groupe de discussion. Les
groupes étaient constitués
de délégués d’amphithéâtre,
d’anciens étudiants qui étaient
inscrits à l’Université de Bouaké
avant la crise. Les échanges ont
porté sur leur participation à
la reprise des cours et sur les
changements intervenus dans
l’organisation des enseignements
durant la période de crise
Tableau 1 : Récapitulatif de la collecte des données
Entretiens
individuels
Administration
centrale
Personnel
administratif
et technique
Enseignantchercheurs
Syndicat
d’étudiants
Partenaires
Total
11
20
36
02
03
72
Focus group
(étudiants)
04
1.6- Traitement et analyse des
données
2-
PRÉSENTATION ET
ANALYSE DES RÉSULTATS
L’analyse des données a reposé
sur une analyse de contenu assisté
par ordinateur. Pour ce faire, une
transcription intégrale de tous les
discours a été effectuée à l’aide
du logiciel Word Office 2007.
Avec le logiciel N’VIVO 2.0, nous
avons procédé à une codification
des textes transcrits à partir
des unités de sens. Puis, une
reconstruction du sens global des
corpus a été réalisée à partir d’une
mise en relation des différentes
unités de signification.
Les principaux résultats
de cette étude sont axés sur
les actions menées pour la
réouverture de l’Université de
Bouaké et les stratégies de
maintien des enseignements.
2.1- Actions menées pour la
réouverture de l’Université
de Bouaké
Plusieurs initiatives ont été
entreprises pour la réouverture
de l’Université de Bouaké à
101
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Abidjan. Elles ont été structurées
en étapes, avant de mettre
l’accent sur la participation des
différents acteurs.
II.1.1- Etapes de la réouverture
L’ouverture de l’Université de
Bouaké à Abidjan s’est déroulée
en plusieurs étapes qui sont :
• Mise en place du comité
de délocalisation
102
La première initiative
envisagée par les acteurs de
l’université à Abidjan a été la
mise en place d’un comité de
délocalisation qui a permis
non seulement de recenser le
personnel et les étudiants sortis
de Bouaké, mais aussi de faire
l’état des lieux afin de rouvrir
l’université. Les membres du
comité se réunissaient une fois
par semaine.
«Tout le monde a migré
vers Abidjan et on a mis
en place sous la houlette
de quelques enseignants
et étudiants, un comité de
localisation de ’Université
de Bouaké à Abidjan. (…)
Parce que nous avons jugé
que quand on commence une
crise, on ne sait pas la fin,
donc nous avons jugé utile
de reprendre les activités dès
qu’il y a eu un minimum de
sécurité. (…) Il y a eu cette
coordination, on a mis au
point un plan, une stratégie.
Et d’abord dans les premiers
moments, on se réunissait
tous les jeudis à l’ENS pour
pouvoir compter le nombre de
personnes qui était rentrées,
voire ceux qui étaient en vie.»
Propos d’un enseignant.
Ce comité de délocalisation a
vu la participation de toutes les
catégories d’acteurs notamment,
la présidence, le personnel
administratif et technique, et
les responsables des étudiants.
La mission principale du
comité était de réunir les
conditions pour une reprise
des enseignements. Au delà de
cette mission académique, le
comité menait des actions en
vue de l’intégration des acteurs
qui étaient confrontés à des
difficultés particulières. En effet,
des cotisations étaient souvent
initiées en vue de porter une
assistance aux plus sinistrés.
•
Recherche d’appui
auprès des partenaires
La réouverture de l’université
a nécessité des moyens tant
financiers que matériels. De ce
fait, les acteurs se sont mobilisés,
soit de manière collective soit de
manière individuelle, pour réunir
les ressources nécessaires au
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
fonctionnement de l’institution.
Le comité de délocalisation
a sollicité l’appui de l’Etat et
l’aide d’autres partenaires
tels que les ambassades, les
organismes internationaux, les
ONG, etc. En retour, les dons
reçus de l’Etat et de certaines
structures publiques ont permis
de poser les bases de la reprise
des enseignements. Il s’agit
essentiellement de matériels
informatiques et roulants, et
de sommes d’argents qui ont
été offerts.
«J’ai mis avec un ami un
projet sur pied qu’on a adressé
à différentes ambassades.
C’est l’ambassade du
Japon qui avait répondu
vorablement qui nous a
soutenus dans cette étape
à hauteur d’environ un
milliard en cars et matériels.
Donc, on est passé d’un (1)
véhicule à l’université à un
parc de trente (30) véhicules.
On avait du matériel
informatique spécialement
composé d’ordinateur. Il y
a eu une petite subvention
pour aider les enseignants
pour le retour, ce qu’on a
appelé l’aide pédagogique.
J’ai travaillé avec une (1)
ou deux (2) personnes mais
surtout il y avait un appui
de la tutelle, c’est-à-dire du
ministère de cette époque. On
avait un interlocuteur direct
qui était aussi quelqu’un qui
avait de bonnes relations
personnelles avec moi. »
Autorité de l’administration
centrale.
• Recherche des locaux
La réouverture de l’Université
de Bouaké nécessitait également
des locaux pour l’hébergement
des différents services. Ainsi, les
grandes écoles, les universités
et des bâtiments de particuliers
ont été utilisés pour remettre
en activité les différentes
structures. De prime abord, des
démarches ont été entreprises
pour exploiter les salles des
établissements d’enseignement
supérieur publics d’Abidjan,
en l’occurrence les universités
de Cocody et d’Abobo-Adjamé
et l’Ecole Nationale Supérieure
(ENS). Puis, du fait de l’effectif
pléthorique des étudiants,
d’autres sollicitations de salles
ont été effectuées auprès des
responsables d’établissements
d’enseignement supérieur privés.
• R e c o n s t i t u t i o n d e s
archives
Pour la reconstitution des
archives, un bilan des documents
administratifs a été effectué au
niveau de la scolarité. En effet,
certains documents (procès
103
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
verbaux d’examen) avaient pu
être sauvegardés par des agents
ou des enseignants.
A la suite de ce bilan, toutes
les structures de l’université
ont été impliquées dans la
reconstitution des documents
administratifs perdus suite à la
crise. D’abord, le comité de crise
avait à charge le recensement
des enseignants et du personnel
administratif et technique. Quant
aux étudiants, les listes ont été
reconstituées grâce à l’implication
des responsables de la FESCI
(Fédération Estudiantine et
Scolaire de Côte d’Ivoire) et des
délégués d’amphithéâtre.
Ensuite, pour la reconstitution
104 des procès verbaux d’examen,
plusieurs actions synchronisées
ont été entreprises. Les autorités
universitaires ont procédé à une
triangulation des informations
détenues par la scolarité, les
décanats, les départements et les
déclarations des étudiants. Ces
derniers faisaient les déclarations
de leurs notes et étaient soumis à
des tests pour vérifier la véracité
de leurs propos. Le recoupement
de ces informations a permis de
rendre fiables les résultats des
étudiants.
«Nous avons invité
les étudiants à venir
reconstituer leurs dossiers
tout simplement. Ils
viennent d’abord avec leur
extrait de naissance et
avec tout le dossier qu’ils
avaient à Bouaké. Donc,
nous avons reconstitué les
dossiers à partir de ces
documents parce qu’on a
estimé que chacun a pu
sortir quand même avec un
petit document qui pouvait
retracer son cursus. A partir
de ces documents qu’ils
nous fournissaient, on
faisait des recoupements
avec les informations des
départements » Secrétaire
principal d’un décanat.
En 2004, soit deux années
après le début de la crise,
d’autres documents ont été
retrouvés à Bouaké et acheminés
à Abidjan. Au total, la compilation
des documents issus de ces
différentes actions a permis
de reconstituer les archives
en vue du démarrage des
enseignements. Les étapes de
la réouverture de l’Université de
Bouaké peuvent être résumées à
travers la figure ci-après.
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
1 - Mise en place du
comité de délocalisation
2A - Recherche des
locaux
2B
Mobilisation
ressources
3Reconstitution
archives
des
des
4 - Redémarrage des
activités académiques
Figure 1 : Etapes de la réouverture de l’Université de Bouaké
2.1.2- Participation des acteurs
Les différents acteurs ont,
quelle que soit leur catégorie
socio professionnelle, contribué
au processus de réouverture de
l’Université de Bouaké.
La présidence de l’université a
joué un rôle d’accompagnement
et de supervision de tout le
processus de réouverture de
l’Université de Bouaké à Abidjan.
Elle a commandité l’état des lieux
en vue d’évaluer les conditions
de la reprise. En outre, la
présidence a initié des actions
de sensibilisation à l’endroit des
acteurs de l’université en vue de
leur mobilisation.
«Il eut un comité qui a
été mis en place par les
anciens et c’est ce comité
qui, en rapport avec la
présidence a travaillé
dur pour que l’université
reprenne ses activités à
Abidjan. Ils ont effectué
plusieurs passages à la
télévision et à la radio pour
mobiliser les enseignants et
les étudiants» Propos d’un
enseignant.
105
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Les enseignants ont, quant à
eux, constitué les acteurs clés de la
réouverture. Ils sont les instigateurs
de la relance des activités de
l’université à Abidjan. Après s’être
constitués en comité de crise,
ils ont organisé des rencontres
hebdomadaires pour planifier les
différentes activités nécessaires
à la réouverture. Par ailleurs, ils
se sont chargés de la recherche
des partenaires qui ont octroyé
les locaux et les aides nécessaires
à la reprise. Les enseignants ont
également participé à la reprise par
l’organisation et la transmission
des enseignements.
106
Le personnel administratif et
technique s’est occupé de faire l’état
des lieux pour évaluer les conditions
de fonctionnalité de l’université
après la crise. A la suite de cela,
il a procédé à la reconstitution
des dossiers administratifs et
autres documents nécessaires au
fonctionnement de l’institution.
A travers les syndicats (FESCI),
les étudiants ont procédé au
recensement des étudiants et
par conséquent ont participé à
la reconstitution des listes. De
plus, ils ont contribué à informer
et à sensibiliser les étudiants qui
étaient encore sceptiques à l’idée
de reprise. Ils ont donc permis à
ceux-ci d’effectuer les démarches
en vue de remplir les conditions
de réinscription.
«Au niveau des étudiants
par exemple, il y a quelquesuns qui étaient réticents. La
participation des syndicats
d’étudiants a été de voir
leurs camarades pour leur
expliquer la nécessité de
reprendre. Certains ont joué
ce rôle là. (…) ils faisaient
la sensibilisation auprès
d’autres étudiants et nous
avons donc pu reprendre
les activités» Propos d’un
étudiant.
Au-delà, les responsables
de la FESCI ont négocié auprès
des autorités étatiques pour
l’obtention de titres de transport
subventionnés auprès de la SOTRA
(Société de Transport Abidjanais) et
de chambres dans les résidences
universitaires d’Abidjan.
En définitive, le processus
de réouverture de l’Université
de Bouaké s’est effectué en
plusieurs étapes et a impliqué la
participation de l’ensemble des
acteurs. Suite à la réouverture,
quelles ont été les nouvelles
formes d’organisations pour
permettre la continuité des
enseignements dans la durée ?
2.2- Stratégies de maintien des
enseignements à l’Université
de Bouaké
Les stratégies qui ont été
déployées pour garantir les
enseignements suite à la crise
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
ont été répertoriées à plusieurs
niveaux. Nous nous intéressons
dans un premier temps aux
stratégies relevant du domaine
administratif ; puis dans un
second temps, celles concernant
les aspects académiques.
2.2.1- Stratégies adoptées au
niveau administratif
•
Délocalisation
l’université
de
Suite à l’éclatement du conflit
armé de 2002, la délocalisation
a été la toute première action
menée pour maintenir le
fonctionnement de l’Université
de Bouaké. En effet, compte tenu
de la précarité des conditions
sécuritaires, le personnel
administratif et technique, les
enseignants et les étudiants sont
sortis, pour la plupart de la ville
de Bouaké, pour se retrouver
dans la zone gouvernementale.
Cela justifie la délocalisation de
l’Université de Bouaké à Abidjan.
Le changement précipité de site
n’ayant pas permis la construction
d’infrastructures, les dirigeants
de l’université ont opté pour la
diversification des sites.
•
Diversification des sites
Outre la délocalisation,
l’une des stratégies mobilisées
par l’Université de Bouaké
pour garantir ses activités a été
l’éparpillement de ses services
en divers endroits. En effet,
suite à la crise qui a occasionné
la délocalisation inopinée
de l’université, celle-ci ne
disposait pas de site aménagé
ou de locaux pour installer
ses services. Pour y remédier,
les acteurs de l’institution
ont jugé convenable d’éclater
l’institution sur plusieurs sites.
Au total, 13 sites ont abrité
les services de l’université à
Abidjan durant la période de
crise. Cette politique consistait
à exploiter plusieurs sites,
situés dans la ville d’Abidjan,
qui étaient propices au
déroulement des activités.
Car, s’il fallait attendre un
site bien aménagé avant de
démarrer les activités de
l’université, la reprise n’aurait
pas été immédiate en raison des
difficultés pour disposer d’un
espace approprié pour abriter
tous les services. L’éclatement
de l’institution sur plusieurs
sites dans la ville d’Abidjan a
permis d’acquérir des locaux et
de débuter les enseignements.
La crise ayant débuté la nuit
du 18 au 19 septembre 2002, la
première rentrée s’est faite en
Janvier 2003 soit 4 mois après
et la deuxième en avril, soit
7 mois après. Ces différentes
rentrées étaient liées à la
disponibilité des locaux.
Outre la délocalisation de
l’institution et la diversification
des sites, on enregistre la
multiplication des partenariats.
107
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
• M u l t i p l i c a t i o n d e s
partenariats
108
L’adoption de l’idée de
délocalisation a conduit à la
recherche de locaux pour abriter
les structures de l’université.
Pour ce faire, les liens auparavant
tissés avec les établissements
d’enseignement supérieur
publics d’Abidjan, ont constitué
une ressource essentielle. En
effet, étant à Bouaké, certains
enseignants qui animaient
l’université provenaient des
établissements d’Abidjan pour
des missions d’enseignement. Par
ailleurs, la plupart des dirigeants
et enseignants de l’Université
de Bouaké ont été formés dans
les universités d’Abidjan. Ce
qui leur offrait un réseau de
relation relativement dense
au niveau de ces institutions.
L’Université de Bouaké s’est donc
appuyée sur ces partenariats
pour l’obtention de salles dans
les universités d’Abidjan. En
raison des effectifs importants
et croissants, les locaux offerts
par les universités publiques à
l’Université de Bouaké se sont
avérés insuffisants pour satisfaire
les besoins de formation. Les
autorités de l’Université de
Bouaké ont donc eu recours
à certaines Grandes Ecoles et
universités privées.
Au-delà du partenariat avec les
établissements d’enseignement
supérieur d’Abidjan, des
conventions de coopération ont
été signées avec des universités
à l’étranger. On peut citer le
cas du département d’anglais
de l’Université de Bouaké qui
sollicitait des enseignants de
l’extérieur (Université de Lagos
au Nigeria, Université Cheik
AntaDiop au Sénégal) pour
l’encadrement des étudiants et
enseignants, ou qui envoyait
certains étudiants en formation
dans ces établissements.
Pour l’acquisition des
moyens financiers et des
équipements, l’Université de
Bouaké a sollicité les organismes
internationaux (ambassades,
ONG internationale, etc.) et
certaines structures étatiques.
Après avoir soumis des projets à
plusieurs organismes, quelques
uns ont répondu favorablement
aux requêtes des acteurs de
l’Université de Bouaké. Il s’agit
principalement des ambassades
du Japon, de la Corée du Sud, de la
Chine et des organismes tels que le
FNUAP, l’ONUCI, la Force Licorne,
etc. Au niveau national, l’université
a bénéficié également de l’appui
financier de la Présidence de la
République, de l’Ecole Normale
Supérieur(ENS) etc.
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
2.2.2- Stratégie adoptées au
niveau académique
l’extension des cours aux weekends et aux jours fériés.
Les principaux changements
opérés au niveau de la gestion
académique de l’Université
de Bouaké pendant la
période de crise ont concerné
essentiellement l’extension des
cours aux week-ends et jours
fériés, la réduction de certains
volumes horaires et le recours
aux évaluations continues.
«A l’ENS, on commence
à 7h 30 et nous arrêtons
généralement à 17h
30. Donc pour les jours
ouvrables, l’Ecole mettait
à la disposition de
l’Université de Bouaké,
l’établissement de 18h
à 22h. C’est ainsi qu’on
a décidé de leur laisser
l’établissement les jours
ouvrables de 18h à 22h et
toute la journée du samedi
et du dimanche» Propos
d’un responsables d’un
établissement d’accueil.
•
Extension
des
enseignements aux
week-ends et jours fériés
Au niveau académique,
l’extension des enseignements
aux week-ends et jours fériés
a énormément contribué à
l’achèvement des programmes.
Avant la crise, les enseignements
à l’Université de Bouaké se
déroulaient du lundi à la mijournée du samedi. Suite à la
délocalisation à Abidjan, les
établissements d’enseignement
ont accueilli l’Université de
Bouaké avec certaines conditions.
L’accès aux locaux de ces
établissements était réduit (18
heures à 22 heures), du fait de
leur grande exploitation par les
hôtes. Face à cette situation,
les responsables pédagogiques
de l’Université de Bouaké ont
réaménagé les calendriers et les
horaires des enseignements. Cette
réorganisation s’est traduite par
« Ce sont les samedis que
toutes les UFR étaient aux
aguets pour les grandes
salles cela a entrainé des
réaménagements. (…) Nous
étions obligés de faire les
cours les samedis aprèsmidi de 13h à 18h, voire
19h.Toute la journée du
dimanche, on n’allait plus
au culte, on n’avait plus de
jours de repos. Donc nous
étions obligés d’être sur le
campus les samedis, les
dimanches, les jours fériés,
pour pouvoir rattraper le
taux d’enseignement, pour
avoir le temps suffisant
pour dispenser les cours»
Propos d’un enseignant.
109
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
En revanche, les UFR et
départements qui étaient dans
les établissements privés, dont
les locaux faisaient l’objet de
location, n’étaient pas concernés
par les cours du soir.
• R é d u c t i o n
des
volumes horaires des
enseignements non
fondamentaux
110
En raison de l’insuffisance des
salles de cours, il était difficile
d’achever les programmes à
l’Université de Bouaké durant la
période de crise. Pour y remédier,
certains UFR et départements ont
réduit les volumes horaires. Cette
réduction des volumes horaires
a concerné les enseignements
non fondamentaux, et ce en
fonction des disciplines. Des
enseignements qui étaient prévus
par exemple pour 36 heures
ont été revus à 24 heures. De
même, au niveau de certains TD
(travaux dirigés) l’on est passé
de 15 séances à 8. Ainsi, non
seulement les heures de cours
étaient revues à la baisse mais
aussi, les enseignements étaient
donnés à un rythme accéléré.
«La crise a fait que
certains départements
se sont réorganisés. Par
exemple, les cours de 36h
ont été ramenés à 24h
parce qu’il fallait aller vite,
il n’y avait pas assez de
locaux. Il n’y avait pas
assez de temps pour aller
jusqu’à long terme » Propos
d’un chef de département.
Cette stratégie a permis à tous
les départements de disposer de
salles et de temps pour donner
l’essentiel des programmes.
•
Recours aux évaluations
continues au détriment
des compositions
partielles
La méthode d’évaluation
continue a été exclusivement
privilégiée à cause des difficultés
liées à la disponibilité des salles
sur une longue période (une ou
deux semaines) pour organiser
les compositions. Elle a consisté
à évaluer les étudiants à la fin
de chaque enseignement, au
lieu de le faire à la fin de chaque
semestre. Dans la pratique, les
enseignants, au terme du cours,
s’accordaient sur une date avec
les étudiants pour programmer
la composition. Généralement,
u n délai minimal de deux
semaines était observé avant le
déroulement de l’examen.
Ainsi, les évaluations
anticipées qui sont normalement
des mesures exceptionnelles,
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
ont été érigées en normes au
détriment des évaluations
partielles de fin de semestre.
3-
DISCUSSION DES
RÉSULTATS DE L’ÉTUDE
L’Université de Bouaké
confrontée à la crise sociopolitique
débutée en 2002, a été durement
affectée. Elle s’est retrouvée à
Abidjan avec un personnel plus
reluit cependant, elle doit son
salut aux différentes stratégies
déployées par les acteurs. Cellesci ont permis de reprendre et de
maintenir les enseignements sur
un site délocalisé.
De prime abord, la
délocalisation de l’institution a été
le socle du maintien des activités
pédagogiques. En effet, les autres
stratégies ont été initiées sont
consécutives à cette délocalisation.
Elle a permis d’éviter la fermeture
systématique de l’université dès
le déclenchement de la crise.
Selon un rapport de l’UNESCO
(1997), la délocalisation des
établissements d’enseignement
affectés par les conflits armés, est
la solution d’urgence envisagée
par les Etats ou les différents
acteurs éducatifs pour poursuivre
le processus éducatif. Ainsi au
Congo Brazzaville, en raison des
ruines notoires des infrastructures
universitaires et scolaires du fait
de la guerre dans cet Etat, ces
établissements ont opté pour leur
délocalisation du sud du pays
vers le nord (Kodia 1999). Pour les
mêmes raisons, les universités du
sud du Soudan ont été transférées
à Khartoum (UNICEF, 2006).
En Sierra Léone, confrontées
aux multiples difficultés de la
guerre, les autorités éducatives ont
procédé à un déménagement des
institutions éducatives de leur site
d’origine vers d’autres horizons.
Ainsi, le collège de Bunumbu a
été transféré à Kenema, capitale
de la province orientale. De même
l’University College de Njala et le
HarfordSecondarySchool for girls
ont été transférés à Freetown, la
capitale.
Les acteurs de l’Université
de Bouaké se sont inspirés
de ce modèle de sauvegarde
de l’éducation, couramment
pratiqué pendant les conflits
armés pour préserver l’institution
de la fermeture.
Bien que la délocalisation fût
déterminante dans le maintien
de l’Université, elle ne constitue
pas l’unique action ayant favorisé
la continuité des activités de
ladite institution. En effet, la
multiplication des partenaires
a permis d’acquérir des locaux
pour l’organisation des cours
et aussi des financements afin
de disposer de ressources pour
111
© educi
112
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
renouveler les équipements
perdus à Bouaké en vue d’assurer
les enseignements. En outre,
l’extension des enseignements
aux week-ends et jours fériés, la
réduction des volumes horaires des
cours et le recours aux évaluations
anticipées témoignent bien de
la détermination des acteurs
de l’institution à garantir les
enseignements, matérialisée par les
initiatives et les sacrifices multiples
que cela implique. Cette volonté
des acteurs à vouloir sauvegarder
les activités pédagogiques de
l’Université de Bouaké est une
attitude généralement partagée
par les acteurs du système éducatif
pendant les situations de forces
majeures. De ce fait, l’UNESCO (op.
cit.) a relevé que les acteurs tels que
les parents et les élèves font preuve
d’une volonté extraordinaire pour
préserver l’éducation pendant les
conflits lorsque les structures
(UNICEF, UNHCR, UNESCO,
Etats …) censés les assumer
n’y parviennent pas. Parfois, ils
s’organisent avec les ONG pour
créer les conditions d’éducation
(Aka, opcit) telles que « les écoles
de brousse » en République
centrafricaine, les écoles dans
les maisons en Bosnie ou les
écoles communautaires dans
les mosquées en Afghanistan,
etc. L’UNESCO (2011) justifie
cette implication des différentes
catégories éducatives en proie à
des conflits par le fait qu’il n’existe
pas de modèle standard de gestion
des systèmes éducatifs confrontés
à des crises armées. Chaque acteur
ou établissement fait montre
de son ingéniosité pour juguler
les effets du conflit. C’est cette
capacité de faire face à la crise qui
a permis à l’Université de Bouaké
dans l’ensemble de garantir ses
enseignements.
La théorie de l’action collective
permettant de montrer les
raisons et intérêts qui soustendent les actions des individus
impliqués dans un groupe, a
permis de comprendre que cette
motivation des acteurs éducatifs
de Bouaké s’explique par leur
volonté d’assurer la formation des
générations futures indispensable
pour le bien-être des jeunes euxmêmes et aussi pour tout pays
aspirant au développement.
Outre cela, la pérennisation
des enseignements suite à la
délocalisation a été aussi rendue
possible grâce aux opportunités
offertes par la ville d’Abidjan, en
termes d’infrastructures d’accueil
(locaux, bibliothèques…), de
rapprochement des différentes
universités et de disponibilité des
ressources humaines.
KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des...
CONCLUSION
L’analyse des stratégies de
maintien des enseignements à
l’Université de Bouaké suite au
conflit armé de 2002, révèle que
l’institution a été profondément
affectée. Les difficultés sont
de diverses natures. Pour
préserver la formation, certaines
stratégies ont été mobilisées et
déployées pour faire fonctionner
l’université de Bouaké. La
délocalisation a été la première
stratégie déployée suivie de la
multiplication des partenariats
au niveau administratif. Quant
aux stratégies académiques,
elles ont consisté à la réduction
des volumes horaires des
enseignements, l’extension
des cours aux week-ends et
jours fériés et le recours aux
évaluations anticipées.
Si dans l’ensemble, la
délocalisation de l’Université de
Bouaké à Abidjan a permis la
reprise des activités, cela a été
possible grâce à la mobilisation
des acteurs, aux atouts offerts
par la ville d’Abidjan et à la
mobilisation des partenaires.
Toutefois, quelques
imperfections ont été identifiées
dans les stratégies déployées. Il
s’agit de l’insuffisance des locaux
des services, le déploiement
de l’université sur deux villes
et l’accumulation des impayés
des frais de location. Aussi, la
réduction des volumes horaires
d’enseignement, l’extension
des cours aux week-ends et
jours fériés, et le recours aux
évaluations anticipées ont-ils
quelque peu affecté la qualité des
enseignements.
Cet article s’est uniquement
intéressé au maintien des
enseignements dans l’institution
universitaire. Qu’en est-il
des changements structurels
engendrés par la crise au sein
de cette université ?
BIBLIOGRAPHIE
AKA F.K. (2010) Guerre et Education
en Afrique : une analyse systémique
de l’éducation et perspectives. Paris :
l’Harmattan, 207 p.
BANQUE MONDIALE. (2003)
Enseignement supérieur en Afrique
subsaharienne : Quels leviers pour
des politiques financièrement
soutenables?, 52 p.
BERNOUX P. (2009).La sociologie
des organisations. Paris : édition
Seuil ; 6ème édition, 466 p.
DIARRABASSOUBA V. C. (1979).
L’université ivoirienne et le
développement de la nation.
Abidjan : CEDA, 209 p.
GBAYERE S.A. (2005). Politiques
éducatives et développement en
Afrique. Paris : L’Harmattan, 172 p.
113
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
GRÜNEWALD F. (2005). La résilience,
clé de la survie des sociétés rurale face
au conflit, in Grain de sel N° 31, 22 p.
HOUPHOUET-BOIGNY D. (2008). Le
système LMD : les défis d’une reforme
incontournable. In Débats Courrier
d’Afrique de l’Ouest, n° 51, pp. 21-26
KODIA N. (1999). Congo Brazzaville,
l’école et les guerres civiles. In
Développement et coopération, n°
6, pp. 23-25
KOUAME Y.S., (2007). Privatisation
et stratégies de résilience dans les
exploitations villageoises de palmier
à huile en basse Côte d’Ivoire, thèse
de doctorat, sociologie économique
Université de Bouaké 370 p.
114
MACE C. (2011). D’une perspective
normative vers une perspective
interactionniste compréhensive pour
aborder le concept de résilience,
in recherche qualitative, vol 30
pp. 274-298
MAKOSSO B.et al. (2009). Enseignement
supérieur en Afrique francophone :
crises, réformes et transformations.
Etude comparative entre le Congo, le
Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Burkina
Faso. Dakar : CODESRIA, 139 p.
MAKOSSO B. (2006). La crise de
l’enseignement supérieur en Afrique
francophone: une analyse pour les
cas du Burkina Faso, du Cameroun,
du Congo, et de la Côte d’Ivoire. In
JHEA/RESA Vol. 4, No. 1, pp 69 – 86
N’DA P. (2006).Méthodologie de la
recherche, de la problématique à la
discussion des résultats Abidjan
EDUCI 3ème édition, ,159 p.
NDONGO J. F. (2009) : Quel
enseignement supérieur et quelle
recherche, en Afrique, à l’horizon 2015 in géostratégiques, pp 229-235
ROCARE, (2003) : Analyse de l’incidence
du soutien public au secteur privé de
l’éducation, 91p.
UNESCO (1997) : La destruction et la
reconstruction de l’éducation dans
les sociétés perturbées, rapport final
et études de cas, bureau international
d’éducation ; Genève 64 p.
UNESCO (2004) : L’enseignement
supérieur dans une société
mondialisée, document cadre de
l’UNESCO, Paris, édit Unesco, 31P.
UNESCO, (2011) : La crise cachée : les
conflits armés et l’éducation, rapport
mondial de suivi sur l’EPT, édition
UNESCO, Paris 463 p.
UNICEF (2006) : Education et conflit :
recherche, politique et pratique,
revue Migration forcée
VERHAEGEN B. (1991) : L’enseignement
supérieur : vers l’explosion, in
Politique africaine, n° 41, pp 49 – 55
ZINSOU E.M.Y. (2009) : L’Université
de Côte d’Ivoire et la société, Paris,
édition l’Harmattan 318 p.
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
ANALYSE DE L’OFFRE D’ALPHABETISATION DES
ADULTES EN COTE D’IVOIRE
Soungari YEO
Université Félix Houphouët BOIGNY de Cocody
Email: [email protected]
RÉSUMÉ
ABSTRACT
L’alphabétisation des populations
adultes est une nécessité pour les pays
en quête du développement. En Côte
d’Ivoire, les différents gouvernements
qui se succèdent depuis 1960 se sont
toujours engagés à réduire de manière
considérable l’analphabétisme des
populations. A cet égard, la politique
nationale d’alphabétisation des
adultes a plusieurs fois subi des
reformes dont l’objectif a toujours
été d’accroitre significativement
l’offre d’alphabétisation en faveur des
adultes pour toucher un grand nombre
d’individus. Cependant, l’analyse de
la situation montre que le nombre
de centres, de projets et programmes
ainsi que les ressources mises à la
disposition de l’action d’alphabétisation
ne sont pas suffisants. En d’autres
termes, notre étude révèle qu’il y a une
insuffisance de l’offre d’alphabétisation
en Côte d’Ivoire.
Adult population literacy is
essential for a country in search of
development. In Cote d’Ivoire, the
different successive governments,
since 1960, have been committing
themselves to considerably reducing
populations’ illiteracy. In this respect,
the national literacy teaching policy
has been on many occasions reformed
with the aim greatly increasing
the possibility of literacy teaching
in favor of adults to reach a great
number of individuals. However, the
analysis of the situation shows that
literacy centers teaching, projects
and programs of literacy teaching
and the resources necessary to fight
against efficiently illiteracy are not
sufficient. In others words, in Côte
d’Ivoire, the opportunities of literacy
teaching are not enough.
Mots-clés : alphabétisation,
analphabétisme, populations adultes,
offre d’alphabétisation
Keys words: literacy teaching,
illiteracy, adult populations,
opportunity of literacy teaching,
government, development.
115
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
INTRODUCTION
116
La valorisation des ressources
humaines dont l’éducation
est le vecteur directeur, est,
sans conteste, au cœur de
l’efficacité de toute organisation
humaine et du développement
socioéconomique et culturel des
pays. Il est donc important que
les populations, à quelque niveau
qu’elles se situent et quelle que
soit leur tranche d’âge, puissent
bénéficier d’une éducation à
même de leur permettre de
contribuer de manière efficace
au bon fonctionnement et au
développement de leurs sociétés.
Les autorités gouvernementales
des différents pays doivent,
dans cette perspective, accorder
une attention aux populations
adultes non scolarisées et qui
sont les principales actrices du
développement.
La question de l’alphabétisation
des adultes constitue
apparemment une préoccupation
pour les dirigeants du monde.
Cette préoccupation est encore
plus visible en Afrique qui
est l’un des continents où les
problèmes d’éducation et surtout
d’alphabétisation se posent avec
acuité. Pourtant depuis plusieurs
décennies, les dirigeants du
continent, lors des conférences
organisées et surtout dans les
discours qu’ils tiennent sur la
question de l’éducation, ont
toujours affiché leur volonté
d’éradiquer l’analphabétisme.
Cette volonté des dirigeants
africains devrait se matérialiser
par une offre d’alphabétisation
conséquente.
En Côte d’Ivoire, plusieurs
structures sont impliquées dans
le domaine de l’alphabétisation.
Au niveau central, on a le Service
autonome de l’alphabétisation
(SAA) qui a été créé par décret
n° 96-229 du 13 mars 1996,
portant organisation du ministère
de l’éducation nationale, en lieu
et place de la sous direction
de l’alphabétisation. Placé
sous l’autorité du Ministère de
l’Education Nationale, le SAA
est chargé de toutes les actions
de lutte contre l’analphabétisme
et de la formation des adultes.
C’est la structure principale
chargé de conduire et d’exécuter
la politique gouvernementale en
matière d’alphabétisation. Il y a
aussi le Fonds National d’Appui
à l’Alphabétisation (FNAA), créé
par décret n°99-400 du 04 juin
1999. Cet organisme est chargé
du financement de la politique
nationale d’alphabétisation. Il est
placé sous la tutelle technique du
MEN et sous la tutelle économique
du Ministère de l’Economie et des
Finances. Enfin, on a le Comité
National d’Alphabétisation qui est
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
un cadre de concertation de tous
les acteurs de l’alphabétisation.
Au niveau déconcentré, on a
les conseillers extrascolaires en
alphabétisation dans les Directions
Régionales de l’Education
nationale, dans les Directions
Départementales de l’Education
Nationale et dans les inspections
de l’Enseignement Primaire. Les
conseillers extrascolaires sont les
représentations du SAA au niveau
déconcentré. En plus de ces acteurs,
on a aussi les Organisations
Non Gouvernementales
et les promoteurs privés qui
interviennent dans ce domaine.
Toutes ces structures et
tous ces acteurs doivent tout
mettre en œuvre pour éradiquer
l’analphabétisme. C’est pourquoi
nous voulons analyser l’offre
d’alphabétisation pour voir si elle
peut favoriser une lutte efficace
contre l’analphabétisme en Côte
d’Ivoire.
Par offre d’alphabétisation,
il faut entendre ici, l’ensemble
des structures d’accueil des
apprenants, c’est-à-dire le nombre
de centres d’alphabétisation,
l’ensemble des ressources
disponibles pour l’alphabétisation,
le nombre et la qualité des
programmes et projets mis en
œuvre en la matière et la typologie
de l’alphabétisation pratiquée.
1-PROBLEMATIQUE
L’analphabétisme des
populations adultes demeure
encore, au troisième millénaire,
un phénomène mondial et une
préoccupation pour les organismes
internationaux de développement
et pour les différents Etats. A
moins de trois ans de la date
butoir de la réalisation des
Objectifs du Millénaire pour
le Développement, le nombre
d’analphabètes demeure élevé
dans le monde et particulièrement
en Afrique subsaharienne. Ainsi,
le rapport de l’Unesco sur L’EPT
de 2008 indique que 776 millions
d’adultes (dont les deux tiers
sont des femmes) ne possèdent
pas les compétences de base en
lecture et en écriture et 75 millions
d’enfants ne sont pas scolarisés.
L’Afrique subsaharienne comptait,
en 1990, 40,5 % d’analphabètes
hommes et 64,4% de femmes.
En 2000 ces taux sont passés
respectivement à 29,8% et à
50,4% (UNESCO/BREDA,
1995). Par ailleurs, on estime à
plus de 146 millions le nombre
d’analphabètes âgés de plus de 15
ans dans la partie subsaharienne
du continent africain (UNESCO,
2009). Ces chiffres montrent que
la persistance de l’analphabétisme
dans le monde et particulièrement
en Afrique est un phénomène réel.
117
© educi
118
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Cette persistance de
l’analphabétisme est diversement
analysée par les auteurs,
chercheurs et spécialistes de la
question. Ainsi Meister (1973)
estime que la pauvreté des pays et la
dégradation des économies sont à
l’origine des difficultés rencontrées
dans la mise en œuvre et le
fonctionnement des programmes
et projets d’alphabétisation. Pour
lui, les fragilités économiques et
les difficultés de la programmation
économique expliquent
l’inefficacité de la lutte contre
l’analphabétisme Il souligne que la
situation précaire des économies
et la dette excessivement élevée
des pays pauvres constituent une
entrave au bon fonctionnement
et à l’efficacité des politiques
éducatives. Cette situation
économique délétère constitue
un obstacle majeur à la réalisation
des OMD, parmi lesquels les
questions éducatives de façon
générale et d’alphabétisation en
particulier occupent une place
prépondérante.
D’autres auteurs révèlent
que c’est le manque de volonté
politique qui est à l’origine de
l’efficacité de la lutte contre
l’analphabétisme. Ce manque
de volonté politique, selon Lange
(1998), constitue un facteur
explicatif des dysfonctionnements
des politiques éducatives et de la
persistance de l’analphabétisme
des populations africaines,
surtout chez les femmes A cet
égard, Coulibaly (1976) estime
que les projets et programmes
d’alphabétisation ne peuvent
produire des résultats significatifs
sans un engagement politique
réel et efficace.
En Côte d’Ivoire, l’engagement
des autorités politiques à valoriser
les ressources humaines, depuis
son indépendance, par l’éducation
et l’alphabétisation des adultes,
n’a pas encore produit les résultats
escomptés. Les données statistiques
montrent que le pays est sous
alphabétisé comme on peut le
constater dans le tableau ci-dessous.
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
Tableau N° 1 : Répartition des effectifs d’analphabètes âgés de 15 ans et
plus selon les régions (données du RGPH de 1998).
Nombre
d’analphabètes
Régions
Total
Pourcentage
Hommes Femmes
Haut Sassandra
204583
218822
423405
73,2
Savanes
183814
235039
418853
82,9
153593
231728
385321
63,6
Moyen Comoé
71995
78083
150078
67,9
Montagnes
145400
208608
354008
67,5
Lacs
65510
97917
163427
63,5
Zanzan
119693
170570
290263
82,2
Bas Sassandra
302581
277470
580051
75,4
Denguélé
41616
55377
96993
84,1
Nzi Comoé
95330
147077
242407
72,5
Marahoué
107037
121459
228496
76,2
Sud Comoé
82044
88853
170897
64,9
Vallée
Bandama
Worodougou
81274
91205
172479
85,4
Sud Bandama
129923
142078
272001
73,1
Agneby
65526
93382
158908
53,8
Fromager
97617
108333
205950
67,6
Moyen Cavally
100317
107356
207673
72,9
25938
35257
61195
80
Bafing
Total
du
2.487.011 3.061.582 5.548.593
Source : Tableau réalisé à partir des données du RGPH de 1998
L’analyse du tableau ci-dessus
montre que plus de 5.500.000
personnes âgées de plus de
15 ans sont analphabètes. On
constate aussi que le phénomène
de l’analphabétisme est plus
accentué chez la population
féminine (3.061.582 analphabètes)
que chez la population masculine
(2.487.011 analphabètes).
119
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
En plus de ces chiffres du
recensement de 1998 qui décrivent
la situation préoccupante de
l’analphabétisme en Côte-d’Ivoire,
des données récentes montrent
que la lutte contre ce phénomène
demeure un défi majeur. Selon
le Rapport d’Etat sur le Système
Educatif National (2007), 71,5%
des femmes et 59,5% des
hommes, âgés de 15 à 45 ans, sont
analphabètes. Le Rapport mondial
de suivi sur l’EPT (UNESCO, 2006)
indique qu’en Côte d’Ivoire, 51%
des personnes âgées de 15 ans et
plus sont analphabètes.
120
A l’analyse, la lutte contre
l’analphabétisme n’a pas enregistré
de progrès significatifs.
Pourtant, en septembre
1997, lors de la Table ronde des
bailleurs de fonds sur le Plan
National de Développement du
secteur Education/Formation
(1998-2010), des objectifs à
atteindre avaient été définis
à l’horizon 2010. Il était
question d’alphabétiser 70% des
femmes contre 30% en 1996,
d’alphabétiser 50% des femmes
des zones à faible scolarisation
contre 3% en 1996, d’alphabétiser
52% des jeunes analphabètes en
milieu urbain contre 20% en
1996, d’alphabétiser enfin, 85%
de la population totale contre 43%
en 1996. Tous ces objectifs n’ont
pu être atteints et, les chiffres
actuels sur l’analphabétisme
montrent l’ampleur de la situation.
L’enquête de ménage (MICS 2006)
réalisée en Côte d’Ivoire sur un
échantillon d’environ 54 441
individus (dont l’âge est compris
entre 15 et 45 ans) répartis
sur l’ensemble du territoire,
dans toutes les régions et en
milieux urbain et rural du pays
donne plus d’informations sur la
situation de l’analphabétisme (
Tableau 2).
Tableau N° 2: Compétences de la population en lecture selon l’enquête
MICS (2006).
Compétences en lecture
Proportion (%)
Nombre
Ne peut pas lire du tout
54,7
4 645 623
Peut lire certaines parties
8,4
771 217
Peut lire aisément toute la phrase
36,8
3 127 660
100,00
8 490 500
Total
Source : RESEN 2009
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
A la lecture du tableau,
on constate que 54,7% de la
population d’âge compris entre
15 et 45 ans ne sait pas lire du
tout contre seulement 36,8% des
personnes de la même tranche
d’âge qui peuvent lire sans
difficulté. Par ailleurs, 8,4% des
individus peuvent lire mais avec
difficulté. Cette situation montre
que la proportion des individus
capables de lire aisément est
très faible. A cela, si on rajoute
la proportion des personnes
qui lisent mais avec difficulté,
on peut considérer, selon les
résultats de ce test, qu’environ
63 % de la population de Côte
d’Ivoire d’âge compris entre 15
et 45 ans souffrent d’un déficit
en matière d’alphabétisation.
En termes de nombres, et au
niveau national, cette population
analphabète serait d’environ 5,4
millions de personnes dans la
classe d’âge de 15 à 45 ans.
Ces populations analphabètes
sont inégalement reparties dans
les différentes régions du pays,
comme on peut le constater dans
le tableau ci-après.
Tableau N° 3 : Répartition des proportions et effectifs d’analphabètes par région
Régions
Pourcentage
des analphabètes
Nombre
d’analphabètes
Centre
Centre
Nord
Nord
Est
Centre
Est
Sud
( s a u f
Abidjan)
Sud
Ouest
Centre
Ouest
Ouest
Nord
Ouest
Nord
Ville
d’Abidjan
64,6
75,0
85,2
62,3
58,2
68,7
68,3
77,5
88,7
82,4
45,6
519 686
347 766
269 166
122 592
1 010 477
375 134
617 636
492 103
241 447
391 984
849
Source : RESEN 2009
A l’analyse, on constate, après
lecture des données du tableau cidessus que l’analphabétisme est un
phénomène important dans toutes
les régions du pays. Cependant, on
observe des disparités régionales.
Ainsi, la proportion des individus
analphabètes dans la population
15-45 ans varie de 45,6 % à Abidjan
à 88,7 % dans le Nord-Ouest. Les
régions Nord-Est, Nord, Ouest et
Centre sont également caractérisées
par une proportion élevée d’individus
analphabètes (respectivement
85,2 %, 82,4 %, 77,5 % et 75
%). Compte tenu des différences
dans la population des régions, on
observe que près de la moitié de la
population non alphabétisée est
localisée dans les régions du Sud
(1 010 480 individus), d’Abidjan
(974 850 individus) et du CentreOuest (617 640 individus). Cette
enquête a aussi exposé la situation
de l’alphabétisation selon, l’âge, le
genre et selon le lieu d’habitation.
121
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Les tableaux ci-dessous réalisés
à partir des données de l’enquête
MICS (2006) donnent la situation de
l’analphabétisme selon l’âge (tableau
4), selon le genre (tableau 5) et selon
le lieu de résidence (tableau 6).
Tableau N° 4 : Répartition des proportions et effectifs d’analphabètes selon l’âge
Age au moment de l’enquête
15-25 ans
26-35 ans
36-45 ans
58,0
65,8
72,5
2 468 352
1 733 839
1 160 649
Pourcentage des
analphabètes
Nombre d’analphabètes
Source : Tableau réalisé à partir des données de l’enquête de ménage MICS (2006)
122
On constate dans ce tableau
que 58% des individus dont l’âge
varie entre 15 et 25 ans sont
analphabètes contre 65,8 % dans
le groupe d’individus de 26 à 35
ans et 72,5 % dans le groupe de 36
à 45 ans. Cette situation surtout
au niveau des jeunes s’explique,
d’une manière générale, par une
insuffisance de l’offre d’éducation
primaire, mais aussi par une
faible demande dans certaines
régions. En effet, l’insuffisance
de l’offre et de la demande
d’éducation primaire constitue
une source d’alimentation
de l’analphabétisme qui se
manifeste aussi selon le genre
(voir tableau ci-dessous).
Tableau N° 5: Répartition des proportions et effectifs d’analphabètes selon le genre
Genre
Pourcentage des
analphabètes
Nombre d’analphabètes
Hommes
Femmes
58,8
67,1
2 375 363
2 987 477
Source : Tableau réalisé à partir des données de l’enquête de ménage MICS (2006).
Le tableau ci-dessus montre
l’existence de disparités de genre
en matière d’alphabétisation. La
proportion d’analphabètes chez
les femmes est de 67,1% contre
58,8% chez les hommes. Le
nombre de femmes analphabètes
dans le pays (2.987.477) est
plus élevé que celui des hommes
(2.375.363). La situation des
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
femmes donc préoccupante. Elle
peut s’expliquer par le taux la
pauvreté dont elles sont victimes
mais aussi par leur faible taux
de scolarisation primaire. En
effet, la pauvreté des parents,
les stéréotypes en défaveur et la
faible demande dans certaines
sociétés peut expliquer le fort
taux d’analphabétisme chez les
femmes. L’analphabétisme varie
aussi selon le milieu d’habitation
(voir tableau ci-dessous).
Tableau N° 6 : Nombre d’analphabètes selon le lieu de résidence
Type d’habitat
Pourcentage des analphabètes
Nombre d’analphabètes
Urbain
Rural
56,0
69,7
2 266 564
3 096 276
Source : Tableau réalisé à partir des données de l’enquête de ménage MICS (2006)
La lecture du tableau montre
que l’analphabétisme est plus
important en milieu rural qu’en
milieu urbain. On observe que
3.096276 analphabètes (69,7%)
résident en milieu rural contre
2.266.564 d’analphabètes (56%)
en milieu urbain. Cette disparité
en matière l’alphabétisation
selon le lieu de résidence peut
s’expliquer par le fait que les
populations rurales adultes ont
pu avoir un déficit de scolarisation
primaire dans leur jeunesse. Ce
déficit de scolarisation primaire
qui peut s’expliquer soit par
une offre d’éducation primaire
insuffisante ou par une demande
d’éducation primaire insuffisante
n’a donc pas favorisé une
réduction considérable du taux
d’analphabétisme dans ce milieu.
L’état des lieux de
l’analphabétisme décrit dans les
pages précédentes soulève des
interrogations. Ces interrogations
portent essentiellement l’offre de
l’alphabétisation en Côte d’Ivoire
en vue de réduire l’analphabétisme
dans le pays. En d’autres termes,
quel est l’état des lieux de
l’offre d’alphabétisation en Côte
d’Ivoire ? Le nombre de centres
d’alphabétisation est-il suffisant
pour lutter contre le phénomène ?
La quantité et la qualité des projets
et programmes peuvent-elles
123
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
améliorer de manière significative
le taux d’alphabétisation des
populations ? Les ressources
mises à la disposition de l’action
d’alphabétisation sont-elles à
même de favoriser l’efficacité de
la lutte contre l’analphabétisme ?
L’objectif de cet article est
de faire une analyse évaluative
de l’offre d’alphabétisation pour
comprendre son impact réel sur
le fonctionnement et l’efficacité
de la politique nationale
d’alphabétisation des adultes
en Côte d’Ivoire. Pour recueillir
les données, une démarche
méthodologique a été adoptée.
2-METHODOLOGIE
124
La méthodologie de la présente
étude porte sur les sites de l’étude,
la population de l’étude et les
techniques de recueil des données.
2-1- Sites de l’étude
Les sites de l’étude sont :
- la région des Lagunes
(Abidjan) dans le sud de la Côte
d’Ivoire ; c’est la région la plus
peuplée, mais aussi elle est celle
où sont implantées les structures
centrales de l’alphabétisation ;
- la région de la Vallée du
Bandama (Bouaké) dont le taux
d’analphabétisme est aussi
important ;
- et la région des Savanes
(Korhogo) qui est une zone à
faible taux de scolarisation et à
fort taux d’analphabétisme.
2-2- Population de l’étude
La population de l’étude
est composée de l’ensemble
des acteurs impliqués dans
l’alphabétisation des adultes.
Ces acteurs sont nombreux et
se situent aux niveaux central,
déconcentré, décentralisé et local.
Cette population est composée :
- de responsables du Service
Autonome de l’Alphabétisation
et du Fonds National d’Appui à
l’Alphabétisation ;
de responsables d’Organisations
Non Gouvernementales impliquées
dans l’alphabétisation ;
- de conseillers extrascolaires
chargés de l’alphabétisation ;
- de responsables de collectivités
locales (Conseils généraux, mairies)
- de promoteurs privés en
alphabétisation et d’alphabétiseurs.
2-3- Techniques de recueil des
données
Pour recueillir les informations
relatives à l’offre d’alphabétisation
des adultes, nous avons recouru
essentiellement à la recherche
documentaire et à des entretiens
avec les différents acteurs
intervenant dans le domaine.
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
2-3-1-Recherche documentaire
La recherche documentaire
est une démarche de collecte
des données relatives à l’étude à
réaliser. Dans le cadre de cette
étude, elle a consisté à répertorier et
à consulter les documents relatifs
à l’alphabétisation, d’une façon
générale, et plus singulièrement à
l’offre d’alphabétisation des adultes
en Côte d’Ivoire. Les documents
d’une recherche documentaire
peuvent être sonores (disques),
visuels (dessins), écrits (textes) ou
des objets. Pour cette étude, une
attention particulière a porté sur
les documents écrits. La recherche
documentaire a permis d’obtenir
des données fiables sur l’offre
d’alphabétisation des adultes
en Côte d’Ivoire, notamment le
nombre de centres, les ressources
disponibles, la quantité et la
qualité des projets et programmes.
2-3-2-Entretiens
Pour recueillir les données
relatives à l’offre d’alphabétisation
des adultes, nous avons eu des
entretiens avec les différents
acteurs impliqués dans ce domaine.
Les entretiens réalisés ont été semidirectifs et ont concerné :
les responsables du Service
Autonome d’Alphabétisation et
du Fonds National d’Appui à
l’Alphabétisation ;
les conseillers extrascolaires
en alphabétisation ;
- des responsables des
collectivités locales ;
- des responsables d’ONG ;
- des promoteurs privés
en alphabétisation et des
alphabetiseurs ;
Ces entretiens ont permis
d’avoir les informations sur le
fonctionnement des structures
d’alphabétisation, les activités
menées par chacune de
ces structures et sur l’offre
d’alphabétisation sur tout le
territoire national.
3-PRESENTATION ET
INTERPRETATION DES
RESULTATS
Cette partie porte sur le nombre
de centres d’alphabétisation,
le nombre et la qualité des
programmes et projets
d’alphabétisation et sur les
ressources mises à la disposition
de l’action d’alphabétisation.
3-1-Nombre de centres
d’alphabétisation
Le nombre de centres
d’alphabétisation est un élément
important dans l’analyse de l’offre
d’alphabétisation des adultes.
Le gouvernement ivoirien ne
créant pas de centres, cette tâche
125
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
incombe aux organisations de la
société civile (ONG, Organisations
à base communautaire,
organisations religieuses, …), aux
organisations de développement
local et aux promoteurs privés.
On note cependant qu’il y a
eu ces dernières années, une
augmentation mais non suffisante
du nombre de centres ouverts par
les promoteurs privés comme le
montre le tableau suivant :
Tableau N° 7: Evolution du nombre de centres d’alphabétisation ouverts par les promoteurs privés et encadrés par les structures déconcentrées du SAA depuis 2001-2002.
Nombre
Nombre
de centres
d’animateurs
2001-2002
1566
2002-2003
2078
2003-2004
Période
126
Nombre d’apprenants
Responsables
Total
Structure
d’encadrement
Hommes
Femmes
2470
22 387
51 704
74 091
Promoteur privé
SAA
2093
18 035
44 754
62 789
Promoteur privé
SAA
1231
1668
20 722
29 338
50 060
Promoteur privé
SAA
2004-2005
1261
1716
21 181
30 303
51 484
Promoteur privé
SAA
2005-2006
746
921
11 114
16 536
27 650
Promoteur privé
SAA
2006-2007
1894
2533
33 048
42 959
76 007
Promoteur privé
SAA
2007-2008
2150
2819
38 230
46 349
84 579
Promoteur privé
SAA
2008-2009
2404
2992
40 167
50 932
91 099
Promoteur privé
SAA
TOTAL
13 330
17 212
204 884
312 875
517 759
Source : SAA
En observant le tableau, on
constate que le nombre de centres
créés par les promoteurs privés a
considérablement augmenté en
2002-2003 (2.078 centres), en
2007-2008 (2.150 centres) et en
2008-2009 (2.404 centres). On
remarque également que c’est
en 2005-2006 que la création
des centres a connu une baisse
(seulement 746 centres). Sur
l’ensemble de la période 20012002 à 2008-2009, tout comme le
nombre de centres, les effectifs des
apprenants ont connu aussi une
augmentation, passant de 74.091
apprenants (dont 51.704 femmes)
à 91.099 apprenants (dont 50.932
femmes) sur la période indiquée. Il
faut cependant noter que certains
de ces centres ne fonctionnent pas
toujours jusqu’au terme de l’année.
L’état des lieux des centres
d’alphabétisation au deuxième
trimestre de l’année 2010 se
présentait comme suit (Tableau 8).
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
Tableau N° 8 : Nombre de centres d’alphabétisation au deuxième trimestre de l’année 2010
Apprenants
Nombre de centres
d’alphabétisation
Hommes
Femmes
Abidjan1
217
1532
2885
Abidjan 2
145
1327
3770
Abidjan 3
337
1876
5515
Abidjan 4
254
3474
5830
Abengourou
66
2446
2105
Aboisso
101
1525
1482
Adzopé
49
625
1049
Agboville
66
561
689
Bouaflé
73
1036
755
Bouaké
44
1745
2069
Bondoukou
244
3965
4363
Boundiali
61
1885
1533
Daloa
195
5151
3580
Dimbokro
94
1353
1489
Divo
176
3141
2286
Guiglo
29
784
979
Korhogo
141
364
5940
Man
223
2718
5388
Gagnoa
114
3026
1763
San-Pedro
118
1367
1901
DREN
Séguéla
28
316
190
Odienné
156
1348
1534
-
-
-
Touba
189
1735
2420
Katiola
-
-
-
Dabou
110
1797
1674
Total
3230
45097
60489
Yamoussoukro
Source : Tableau effectué à partir des données fournies par le SAA
127
© educi
128
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Pour l’année 2008-2009,
on dénombrait 2404 centres
d’alphabétisation ouverts sur le
territoire national. Au deuxième
trimestre de l’année 2010, le
nombre de centres ouverts en Côte
d’Ivoire était de 3230 pour un effectif
de 105586 apprenants dont 60489
femmes. Ces chiffres de l’année
2010 montrent qu’il y a eu certes
une augmentation du nombre
de centres et des apprenants par
rapport à l’année précédente,
mais il faut avouer que face au
défi à relever dans le domaine,
cette progression demeure peu
significative. En effet, en passant
2404 centres en 2008-2009 à
3.230 centres d’alphabétisation
en 2010, la progression n’est que
de 25,57%. Si cette progression
est maintenue au fil des années, il
n’est pas évident que la couverture
du territoire national en centres
d’alphabétisation soit effective
avant plusieurs dizaines d’années.
Et même si on a beaucoup de
centres d’alphabétisation, il faut
bien qu’ils soient fréquentés
massivement par les populations
en cause. En passant de 91099
apprenants en 2009 à 105586
apprenants en 2010, on note
qu’il y a eu un accroissement
de 13,70%. Mais à vrai dire,
cette augmentation du nombre
d’apprenants n’est pas suffisante
pour la réalisation de l’objectif
d’alphabétisation. En effet, en Côte
d’Ivoire, les analphabètes dont
l’âge varie entre 15 ans et 45 ans
sont estimés à au moins 5 millions
(SAA, 2010). On voit bien qu’il faut
augmenter aussi bien le nombre de
centres que celui des apprenants si
l’on veut que la politique nationale
d’alphabétisation soit efficace.
3-2- Analyse de la quantité et de
la qualité des programmes et
projets d’alphabétisation
Réduire l’évolution de
l’analphabétisme nécessite la prise
en considération de la quantité et
de la qualité des programmes,
projets et de toutes les autres
actions mis en œuvre dans le
domaine. Autrement dit, l’efficacité
de la politique d’alphabétisation
dépend fortement du nombre et
de la qualité des actions menées
ou mises en œuvre.
3-2-1- Quantité des
programmes et projets
d’alphabétisation
Le nombre de projets est l’un
des éléments importants dans
le processus d’élimination de
l’analphabétisme. Un nombre
important de projets mis en œuvre
peut contribuer significativement
à la réduction du phénomène. En
revanche, l’absence de projets ou
leur insuffisance peut s’avérer
comme un obstacle à l’efficacité
de la politique d’alphabétisation.
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
Nous nous sommes intéressé,
au cours de l’enquête, au nombre
de projets qui ont été mis en
œuvre ou qui sont en cours et
aux effectifs des apprenants
bénéficiaires. Il ressort de
cette investigation que certains
organismes tels que le Fonds de
Développement de la Formation
Professionnelle, le Centre de
Recherche et d’Action pour
la Paix (CERAP), ou encore
la Compagnie Ivoirienne de
Développement du Textile
(CIDT) financent des projets
d’alphabétisation. Cependant, il
faut reconnaître que les actions
menées par ces organismes dans
le domaine de l’alphabétisation
sont certes importantes, mais
elles ne suffisent pas pour
espérer aboutir à une réduction
significative de l’analphabétisme.
En général, mentions-le, les
actions d’alphabétisation menées
par les entités économiques
ne s’adressent généralement
qu’aux hommes, excluant de
facto, la population féminine
qui regroupe, pourtant, le plus
grand nombre d’analphabètes.
A ce sujet, le coordonnateur
du SAA a fait la déclaration
suivante : «certaines entreprises
mettent en place des actions
d’alphabétisation en faveur de
leurs employés ; mais il faut
avouer que ce genre d’initiatives
ne sont pas nombreuses et
ne peuvent suffire à réduire
le taux d’analphabétisme au
seuil voulu par les autorités.
Le gouvernement ivoirien qui a
adopté la stratégie dite du «Faire
Faire» et qui consiste à céder
les actions d’alphabétisation
aux organisations de la société
civile, ne finance pas de projets
en la matière. Ce sont donc ces
organisations de la société civile
qui doivent chercher à obtenir des
financements avec des bailleurs
de fonds afin de mettre en place
des projets et programmes
d’alphabétisation à destination
des populations analphabètes.
Il y a donc une insuffisance
de projets ou de programmes
d’alphabétisation en Côte
d’Ivoire ».Selon les responsables
du SAA, le nombre de projets
mis en œuvre entre 1988 et 2008
ne dépasse pas la vingtaine.
Par ailleurs, ces programmes
ou projets ne concernent pas
une frange importante de la
population analphabète âgée de
15 ans et plus et qui représente
aujourd’hui au moins 51% de
la population totale. Dans cette
perspective, on peut avouer que
ces projets, compte tenu du
faible nombre de bénéficiaires,
ne sont pas de nature à entrainer
une réduction significative
de l’analphabétisme comme
le souhaitent les organismes
internationaux de l’éducation
129
© educi
130
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
et les autorités ivoiriennes. Les
responsables du SAA et ceux
du FNAA jugent nécessaire
d’augmenter le nombre de projets
et celui des bénéficiaires. Le
coordonnateur des actions du
SAA n’a cessé, durant le temps
de notre enquête, de dénoncer
l’insuffisance du nombre de
centres hors projets et de celui
des projets ou programmes
d’alphabétisation initiés ou
exécutés au niveau national. A
ce propos, il a fait la déclaration
suivante : «les programmes ou
projets mis en œuvre sur le
territoire national sont largement
insuffisants pour l’élimination
souhaitée de l’analphabétisme. La
plupart des centres sont ouverts
par des promoteurs privés ;
et là encore, de nombreuses
localités rurales n’en possèdent
pas, d’où l’impossibilité de la
réalisation des objectifs en
matière d’alphabétisation».
Hormis l’insuffisance de
leur nombre, il faut souligner
que certains de ces projets et
programmes n’ont pu fonctionner
jusqu’à terme. Ce fut le cas du
projet pilote d’alphabétisation
qui a été interrompu dans
les régions du Denguélé, du
Worodougou et des Savanes
suite à la crise politico-militaire
du 19 septembre 2002. D’autres
projets enregistrent beaucoup de
défections. A ce niveau, on peut
citer l’exemple des projets initiés
dans les localités de Didiévi,
Ouellé et Mbahiakro entre 1996
et 1999, de Sikensi en 19971999 ou encore de Sinfra en
1997-1999 (SAA, 2006). Tous ces
projets et bien d’autres que nous
n’avons pas cités, ont enregistré
beaucoup d’abandons chez les
populations bénéficiaires. Dans
ce contexte, il se pose la question
de la qualité des programmes et
projets d’alphabétisation.
3-2-2- Qualité des programmes
et projets d’alphabétisation
Comme nous le soulignions
tantôt, l’augmentation du nombre
de projets d’alphabétisation sur
le territoire national est plus que
jamais nécessaire pour toucher
un grand nombre de personnes
analphabètes. Cependant, il faut
reconnaitre que, quel que soit
le nombre de projets, la qualité
des services offerts doit pouvoir
garantir une durabilité des acquis.
En Côte d’Ivoire, les autorités
chargées de la conduite et
de l’exécution de la politique
nationale d’alphabétisation
estiment que l’alphabétisation
fonctionnelle est un moyen
efficace de pérenniser les
acquis chez les néo-alphabètes.
C’est donc pour cette raison
qu’elles recommandent sa
pratique pour toutes les actions
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
entreprises dans le domaine.
Mais dans la pratique sur le
terrain, ce type d’alphabétisation
prôné est inexistant surtout
dans les centres ouverts par
les promoteurs privés. C’est
plutôt l’alphabétisation générale
encore appelée traditionnelle
qui se pratique dans ces centres
d’alphabétisation. Or, pour les
acteurs de ce sous secteur de
l’éducation, l’alphabétisation
fonctionnelle est un moyen de
pérenniser les connaissances
acquises par les apprenants.
La pérennisation des acquis
d’apprentissage dépend aussi et
surtout de l’environnement mis
en place après l’alphabétisation.
En effet, la post-alphabétisation
est considérée comme l’une des
conditions nécessaires pour
favoriser chez les néo-alphabètes,
la durabilité des acquis
d’apprentissage. Or, nous avons,
au cours de cette recherche,
constaté que ce volet important
de l’alphabétisation qu’est la
post-alphabétisation n’existe pas
dans toutes les actions entreprises
dans le domaine. Les acteurs
ont estimé que sans la mise en
place d’un environnement lettré
ou d’une post-alphabétisation,
de nombreux apprenants sont
susceptibles de perdre leurs
acquis en lecture, en calcul ou
en écriture et redevenir par la
suite des analphabètes. Cette
situation n’est donc pas de nature
à favoriser l’efficacité de la politique
nationale d’alphabétisation. Bien
au contraire, elle favorise la
persistance de l’analphabétisme.
Lors des visites effectuées dans les
centres d’alphabétisation, nous
avons rencontré des apprenants
qui avaient été alphabétisés les
années antérieures et qui sont
revenus se faire alphabétiser
parce qu’ayant perdu les acquis
en lecture, écriture ou en
calcul. L’absence de la postalphabétisation en Côte d’Ivoire
est constamment revenue dans
les entretiens que nous avons
eus avec les responsables
du SAA, ceux du FNAA et les
conseillers extrascolaires
chargés de l’alphabétisation et
représentants du SAA dans les
districts, les Directions Régionales
de l’Education Nationales (DREN),
les Directions Départementales de
l’Education Nationale (DDEN) et
les Inspections de l’Enseignement
Primaire (IEP). Au sujet de la postalphabétisation, le coordonnateur
des actions du SAA s’est exprimé
en ces termes : «Il n’y a pas
de post-alphabétisation en Côte
d’Ivoire. Même les projets financés
par les bailleurs de fonds ne
comprennent pas un volet postalphabétisation. L’absence donc
de la post-alphabétisation conduit
les néo-alphabètes à perdre
souvent les acquis scolaires et
ceux-ci se retrouvent en fin de
131
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
compte plongés encore dans
l’analphabétisme. Toutes ces
choses constituent une entrave
sérieuse à l’efficacité de la politique
nationale d’alphabétisation».
132
Les conseillers extrascolaires
chargés de l’alphabétisation qui
sont en contact permanent avec
les apprenants et les opérateurs
sur le terrain confirment et
regrettent même l’absence
de la post-alphabétisation en
Côte d’Ivoire. Son absence
est perçue par l’ensemble des
acteurs du secteur comme
une entrave à l’élimination de
l’analphabétisme dans le pays.
Pour eux, l’absence de la postalphabétisation est l’un des
éléments caractéristiques de la
persistance de l’analphabétisme
chez les populations adultes.
3-3- Ressources mises
à la disposition de
l’alphabétisation
L’organisation (en tant
que processus) de la politique
nationale d’alphabétisation
nécessite la disponibilité des
ressources devant servir à son
fonctionnement. Ces ressources
sont d’ordre humain, financier,
matériel et didactique. 3-3-1- Ressources humaines
Les ressources humaines
de l’action d’alphabétisation se
situent au niveau des structures
centrales que sont le Service
Autonome de l’Alphabétisation
(SAA), le Fonds Nationale d’Appui à
l’Alphabétisation (FNAA), au niveau
des structures déconcentrées du
SAA. Ces ressources humaines
portent aussi et surtout sur
les alphabétiseurs qui sont
une composante essentielle et
incontournable pour mener à bien
toute action d’alphabétisation
Au niveau du SAA, en
plus du chef de ce service, on
dénombre 42 agents repartis
dans les différentes divisions
qui le composent. Ces agents
sont amenés à conduire la
politique assignée au SAA. Ils
travaillent en collaboration avec
les responsables des structures
déconcentrées. Au niveau
du FNAA, ce sont moins de
20 personnes, y compris le
coordonnateur, qui sont chargées
d’animer la structure et de
travailler en collaboration avec
les conseillers extrascolaires en
alphabétisation ainsi qu’avec
les ONG impliquées dans le
domaine. Les agents du FNAA,
tout comme ceux du SAA, sont
des fonctionnaires de l’Etat.
En ce qui concerne les
responsables des structures
déconcentrées, ce sont,
comme nous l’avons maintes
fois mentionné, des conseillers
extrascolaires en alphabétisation.
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
Ceux qui sont dans les districts
sont appelés superviseurs. Ceux
qui sont dans les Directions
Régionales de l’Education Nationale
sont des coordonnateurs et ceux
exerçant dans les Directions
Départementales de l’Education
Nationales ou dans les Inspections
de l’Education Primaire sont
appelés simplement des conseillers.
Il faut cependant noter qu’ils sont
tous des fonctionnaires de l’Etat, et
ce sont eux qui sont constamment
en contact avec les promoteurs
privés de l’alphabétisation, les ONG
et autres personnes exerçant sur le
terrain. A cet effet, ils doivent être
en nombre suffisant pour couvrir
l’ensemble du territoire national,
identifier, suivre et évaluer toutes
les actions d’alphabétisation en
cours dans le pays.
Les responsables des structures
déconcentrées sont chargés
de l’application de la politique
d’alphabétisation du SAA dans
les régions, départements, sous
préfectures, communes et villages
de la côte d’Ivoire. A cet effet, ils
sont les collaborateurs directs
des organisations de la société
civile, des promoteurs privés des
centres d’alphabétisation et de
tout autre acteur intervenant
dans le domaine. Les conseillers
extrascolaires en alphabétisation
doivent, sur tout le territoire
national, sensibiliser les
populations analphabètes à
l’effet de les amener à s’inscrire
dans les centres pour se faire
alphabétiser. A cet égard, le
niveau de participation des
populations cibles aux actions
d’alphabétisation est en partie
fonction des actions menées par
ces représentants du SAA. Ils sont
aussi chargés de l’identification,
du suivi et de l’évaluation de toutes
les actions d’alphabétisation en
cours dans le pays.
Pour mener à bien leur mission,
les conseillers extrascolaires doivent
être en nombre suffisant afin
d’assurer une couverture complète
du territoire national. Or, les
données recueillies au cours de
l’enquête font état de ce qu’ils sont
en nombre insuffisant, comme on le
constate dans le tableau suivant qui
donne l’ensemble des ressources
disponibles et des besoins exprimés
par le SAA en 2004-2005.
133
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Tableau N° 9 : Nombre et besoins exprimés en conseillers extrascolaires en alphabétisation en 2004-2005.
Nombre
d’IEP
Coordonnateurs et
Conseillers disponibles
Besoin en
coordonnateurs
et conseillers
Déficit
Abengourou
03
08
09
01
Abidjan1
25
73
45
00
Abidjan 2
23
60
48
00
Bondoukou
09
15
27
12
Daloa
10
20
30
10
Gagnoa
06
13
18
05
Dimbokro
07
13
24
11
Man
12
12
27
15
San Pedro
05
11
15
04
Yamoussoukro
05
14
15
01
Bouaké
11
01
33
32
Korhogo
07
07
21
14
Odienné
05
04
18
14
Total
129
251
330
79
DREN
134
Source : Tableau réalisé à partir des données du SAA.
L’observation du tableau
ci-dessus montre qu’il y a
une mauvaise allocation des
ressources humaines en ce
qui concerne les conseillers
extrascolaires en alphabétisation.
Le besoin exprimé par la DREN
d’Abidjan 1 est de 45 conseillers,
et pourtant cette DREN en dispose
de 73. A la DREN d’Abidjan 2,
les conseillers extrascolaires en
alphabétisation sont au nombre
de 60 alors que le besoin exprimé
n’est que 48 conseillers. Les deux
DREN d’Abidjan totalisent 133
coordonnateurs et conseillers
(soit 53% du nombre total au
niveau national) alors que le
besoin est seulement de 93.
Pourtant la ville d’Abidjan est
la région où cette proportion
est la plus faible (45,6 %). Cette
proportion est de 58% pour le
Sud (Hors Abidjan).Selon les
données du RESEN (2009), le
taux d’analphabétisme est de
64,% dans le Centre du pays,
75% dans le Centre-Nord, 85,2%
dans le Nord-est, 62,3% dans le
Centre-Est, 68,7% dans le Sudouest, 68,3% dans le CentreOuest, 77, 5% dans l’Ouest,
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
88,7% dans le Nord-Ouest et
82,4% dans le Nord. Les DREN
ou régions de Bondoukou au
Nord-est, de Daloa au CentreOuest, de Gagnoa au Sud-ouest,
de Man à l’Ouest, de Dimbokro
au Centre, de Bouaké au CentreNord, de Korhogo au Nord et
d’Odienné au Nord-ouest dont
la proportion des analphabètes
est très élevée accusent un déficit
de conseillers extrascolaires
en alphabétisation. Au niveau
national, le besoin exprimé à
cette même époque était de 330
conseillers extrascolaires alors
qu’il y en avait que 251, soit un
déficit de 79. Cette insuffisance
des responsables des structures
déconcentrées du SAA est
revenue dans les entretiens
que nous avons eus avec les
acteurs de l’alphabétisation.
Les points de vue exprimés par
l’ensemble des acteurs font
état de ce que le déficit de ces
agents représentant le SAA au
niveau déconcentré entraine un
véritable dysfonctionnement au
niveau des actions menées ou
à mener. Les coordonnateurs
et conseillers interviewés ont
souligné le caractère insuffisant
de leur nombre, qui, selon
eux, ne leur permet pas de
parcourir toutes les localités
du pays. Pour eux, cet état
de fait est l’un des facteurs
explicatifs de l’inefficacité des
actions d’alphabétisation. « Notre
mission est d’identifier, de suivre
et d’évaluer toutes les actions
d’alphabétisation sur le territoire
national. Nous sommes aussi
chargés de la sensibilisation des
populations sur l’importance de
l’alphabétisation et d’amener les
personnes physiques ou morales
à s’intéresser à l’alphabétisation
par la création de centres
d’alphabétisation. Nous sommes
donc des acteurs très importants
de la politique d’alphabétisation ;
malheureusement, nous sommes
en nombre insuffisant. A part
la région d’Abidjan, les autres
régions accusent un déficit de
conseillers d’alphabétisation.
Dans la région des Savanes par
exemple, nous sommes en nombre
insuffisant; ce qui fait que nous
n’arrivons pas à couvrir et à visiter
constamment toutes les localités
de cette région qui est l’une des
plus grandes régions du pays»,
a affirmé, l’un des conseillers
d’alphabétisation. L’un des
coordonateurs interviewés est lui
aussi revenu sur l’insuffisance
des ressources qui caractérise
la politique d’alphabétisation.
« Il faut avouer que l’organisation
mise en place par le
gouvernement en vue de la lutte
contre l’analphabétisme est
véritablement caractérisée par
une insuffisance de ressources
humaines, matérielles et
135
© educi
136
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
financières. En prenant l’exemple
des ressources humaines, on note
qu’il y a une insuffisance criarde
des conseillers extrascolaires.
Prenons le cas du département
de Korhogo qui comprend au
moins 10 sous préfectures ; dans
ce département, nous n’arrivons
pas à parcourir toutes les souspréfectures et villages comme il
se doit afin de sensibiliser les
populations pour les amener à
comprendre l’importance et la
nécessité de se faire alphabétiser.
En clair, je voudrais relever qu’il y
a une insuffisance de ressources
humaines tant au niveau central,
déconcentré que local », a-t-il
dit. Les responsables du SAA
déplorent cette insuffisance des
agents au niveau déconcentré qui
constitue, leurs yeux, un obstacle
majeur au bon fonctionnement
de la politique d’alphabétisation
de Côte d’Ivoire. C’est pourquoi,
ils estiment que l’Etat devrait
penser à recruter suffisamment
de conseillers en alphabétisation
si l’on veut lutter efficacement
contre l’analphabétisme. Dans
cet ordre d’idées, l’un d’entre eux
a fait la déclaration suivante :
«tant que les communes, sous
préfectures et autres localités
importantes ne seront pas
suffisamment pourvues en
conseillers d’alphabétisation,
l’analphabétisme va toujours
persister et l’on ne pourra
d’ailleurs pas identifier tous les
operateurs afin de pouvoir avoir
des données statistiques fiables».
Les acteurs de l’alphabétisation
ont insisté sur le fait que l’Etat
devrait recruter suffisamment
de conseillers d’alphabétisation.
Ces derniers, tout comme les
agents du SAA et ceux du FNAA,
sont des fonctionnaires de l’Etat.
L’autre composante des
ressources humaines est relative
aux alphabétiseurs. Contrairement
aux responsables du SAA, du
FNAA et aux responsables des
structures déconcentrées du SAA
qui sont tous des fonctionnaires
et qui perçoivent un salaire
mensuel, les alphabétiseurs qui
sont pourtant considérés comme la
pierre angulaire des programmes,
projets et de toutes autres actions
d’alphabétisation, sont des
bénévoles et ne perçoivent pas de
revenu mensuel de la part de l’Etat.
Les informations recueillies
auprès de tous les acteurs qui ont
fait l’objet d’enquête font état d’un
manque criard d’alphabétiseurs
dans toutes les localités. Les visites
effectuées sur le terrain ont aussi
permis de constater qu’en plus du
déficit de moniteurs, on assiste
aussi régulièrement à l’abandon
des cours par ceux-ci. Etant donné
qu’ils ne perçoivent pas de salaire,
ils n’hésitent pas à abandonner
la dispensation des cours dès
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
qu’ils ont un emploi. Le statut de
bénévole pourrait donc expliquer
le déficit des animateurs constaté
dans les centres d’alphabétisation.
C’est le point de vue de la plupart
des acteurs, qu’ils soient au niveau
central ou au niveau déconcentré.
A ce sujet, le coordonateur du
SAA a déclaré ce qui suit : «Ce
sont les apprenants qui cotisent
chaque fin de mois pour payer les
alphabétiseurs. Or ces cotisations
ne sont pas régulières ; ce qui fait
que de nombreux alphabétiseurs
abandonnent les cours parce
qu’ils ne sont pas rémunérés.
On ne peut pas empêcher un
alphabétiseur d’abandonner
les cours s’il a pu obtenir un
nouvel emploi qui lui permettra
de subvenir convenablement à
ses besoins. L’abandon des cours
par les animateurs entraine des
dysfonctionnements au niveau de
la lutte contre l’analphabétisme. Et
je pense que le gouvernement doit
penser à y remédier s’il souhaite
éradiquer le phénomène». La
démotivation, le découragement
et même l’abandon constatés chez
certains auditeurs s’expliquent
aussi par l’existence d’une
confusion entre pédagogie et
andragogie. Cette confusion a
des répercussions sérieuses sur
les méthodes d›alphabétisation L›absence de formation spécifique
des animateurs de centres fait que
les stratégies d’enseignement/
apprentissage et les contenus de
l’enseignement des adultes ne
sont qu’une transposition des
méthodes pédagogiques appliquées
aux enfants. La conséquence
de cette infantilisation, selon le
coordonnateur des actions du SAA,
est la lenteur dans la progression
et le découragement des auditeurs.
3-3-2-Ressources financières
Au niveau financier, les
investigations entreprises auprès
du Ministère de l’Education
Nationale (MEN), du SAA et du
FNAA ont permis de comprendre
qu’il n’existe pas de budget alloué
aux actions d’alphabétisation
proprement dites. Cependant, les
informations recueillies auprès
de ces responsables ministériels,
du SAA et du FNAA soulignent
que 1% du budget du MEN est
consacré à l’alphabétisation,
non pas pour financer des
projets d’alphabétisation ou pour
rémunérer les alphabétiseurs,
mais plutôt pour le fonctionnement
du SAA. C’est sans doute pour
cette raison qu’au SAA, les
responsables estiment que la
volonté du gouvernement de
réduire significativement
l’analphabétisme n’est pas suivie
de façon conséquente par la
disponibilité des ressources
financières. Les entretiens avec
les acteurs de l’alphabétisation
137
© educi
138
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
ont permis de comprendre que
l’Etat ivoirien n’est pas engagé
dans le financement des actions
ou projets d’alphabétisation. Le
financement de l’alphabétisation
en Côte d’Ivoire est donc exogène,
dépendant des bailleurs de fonds
et autres organisations non
étatiques. La stratégie dite du Faire
Faire adoptée par la Côte d’Ivoire
en matière d’alphabétisation des
adultes demande une implication
accrue des Organisations Non
Gouvernementales (ONG) qui
peuvent bénéficier du soutien
de d’autres organisations
internationales, notamment celles
de l’Organisation des Nations Unies
ou de certaines organisations
africaines comme la Banque
Africaine de Développement (BAD).
La faible implication financière de
l’Etat et l’absence de rémunération
des alphabétiseurs ne sont pas
de nature à favoriser l’efficacité
de la politique d’alphabétisation.
Cette insuffisance de ressources
financières existe également
au niveau des structures
déconcentrées du SAA où les
coordonnateurs et les conseillers
rencontrent d’énormes difficultés
dans l’exercice de leur fonction.
Tous les acteurs attendent
toujours que les moyens financiers
proviennent des bailleurs de fonds
afin de pouvoir entreprendre des
actions d’alphabétisation.
3-3-3-Ressources matérielles
Au niveau matériel, les
acteurs rencontrent également
des problèmes. En effet, les
structures centrales chargées de
l’alphabétisation sont dépourvues
de ressources matérielles. Au
moment de l’enquête, le SAA ne
possédait que trois véhicules dont
un seul était fonctionnel, les deux
autres étant en panne. Compte tenu
de l’importance de l’analphabétisme
et surtout des différentes régions à
parcourir, il est peu probable que
les responsables du SAA puissent
accomplir leur mission sur toute
l’étendue du territoire national. Dans
ce contexte le suivi, l’encadrement
et l’évaluation des actions et projets
d’alphabétisation devient ainsi une
mission quasi impossible sans
moyens de déplacement appropriés.
Au niveau déconcentré,
l’insuffisance des ressources
matérielles a été constatée pendant
l’enquête et aussi soulignée par les
responsables du SAA. Et pourtant,
les superviseurs dans les districts,
coordonnateurs dans les DREN et
les conseillers dans les IEP doivent
aller sur le terrain, à la rencontre
des ONG, des promoteurs
privés, des communautés et des
apprenants. « Nous sommes tenus
d’informer, de sensibiliser et de
motiver les populations locales
et les organisations de la société
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
civile pour les amener à adhérer
aux actions d’alphabétisation
ou à s’y impliquer davantage. A
ce titre, nous devons parcourir
et fréquenter régulièrement les
localités placées sous notre
responsabilité. Mais le problème,
c’est que le gouvernement n’a
pas mis à notre disposition les
moyens de déplacement pour
faire ce travail. Nous utilisons nos
propres motos pour parcourir la
région ; et c’est nous qui achetons
le carburant avec nos propres
moyens financiers. C’est une
situation qui nous conduit à
faire trop de dépenses et cela
est démotivant», a affirmé, un
conseiller en alphabétisation. « Nous utilisons déjà nos motos
pour mener les activités et je
pense qu’il serait souhaitable que
les autorités gouvernementales, à
défaut de nous fournir les moyens
de déplacement, fassent l’effort de
nous fournir le carburant dont
nous avons besoin pour faire le
travail », a-t-il conclu. Le manque
de moyens de déplacement
constitue sans aucun doute un
handicap sérieux au déroulement
des actions d’alphabétisation.
Nous avons noté aussi
que les agents des structures
déconcentrées qui sont censées faire
collecte les données statistiques à
l’effet de les transmettre au SAA ne
possèdent pas d’ordinateur à cet
effet. «Au niveau déconcentré, nos
agents manquent cruellement de
ressources matérielles que ce soit
les moyens de déplacement ou les
ordinateurs nécessaires à la collecte
et au traitement des données.
Dans ce contexte, il est difficile
d’avoir une idée claire et précise
des activités d’alphabétisation
sur toute l’étendue du territoire
national», a déclaré, l’un des
responsables du SAA. L’un des
coordonnateurs interrogé a abondé
dans le même sens. Ce dernier a fait
la déclaration suivante : «certains
centres d’alphabétisation sont
situés à des centaines de kilomètres
de notre lieu de résidence. Sans
moyens de déplacement et sans
soutien financier, comment voulezvous qu’on puisse se rendre
régulièrement dans ces localités ?
J’ai plusieurs fois utilisé ma moto
et acheté moi-même le carburant
pour me rendre dans certains
centres à l’effet d’accomplir ma
mission. Mais les centres qui
sont trop éloignés et ceux dont
l’accès n’est pas facile ne peuvent
être visités de façon régulière. Ce
qui pose donc le problème de la
sensibilisation des populations
analphabètes de ces localités
sur la nécessité de participer
aux cours d’alphabétisation. Par
ailleurs, nous ne possédons pas
d’ordinateurs alors que nous
devons collecter et traiter les
informations sur l’alphabétisation
dans notre région. Pour faire des
139
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
rapports d’activité, nous nous
rendons dans les cybercafés et
là encore, c’est nous qui payons
les frais de saisie et d’impression.
Je trouve cela dommage et
dommageable pour l’efficacité de
la politique d’alphabétisation».
140
Notons que malgré les
difficultés rencontrées et les
mésententes entre acteurs,
les cours d’alphabétisation
se déroulent en général dans
des établissements scolaires.
Cependant, de nombreux villages
n’ont pas d’écoles et cela pose
le problème de local pour la
dispensation des cours. Bien
évidemment ces cours peuvent
se dérouler à l’air libre si les
promoteurs possèdent le matériel
didactique surtout les tableaux ;
mais, il faut reconnaitre que c’est
un réel problème auquel sont
souvent confrontés les acteurs de
l’alphabétisation.
Au niveau du matériel
didactique, nous avons noté que
les ouvrages utilisés sont conçus
par le SAA et édités par NEI et
CEDA avec le soutien financier
des bailleurs de fonds. Ces
ouvrages sont des livres de lecture
et de calcul pour les trois niveaux
et sont vendus aux apprenants.
Ces derniers estiment cependant
que les livres coûtent chers et
constituent un handicap à leur
apprentissage. Les responsables
de l’alphabétisation au niveau
central ainsi qu’au niveau
déconcentré estiment, eux aussi,
que les ouvrages sont chers et que
cette cherté constitue une entrave
à la participation des populations
aux cours. C’est pourquoi, ils
souhaitent que les ouvrages
didactiques soient distribués
gratuitement aux apprenants.
CONCLUSION
Les investigations menées
dans les structures et auprès des
acteurs de l’alphabétisation en Côte
d’Ivoire permettent de soutenir que
l’organisation mise en place par les
autorités gouvernementales pour
la lutte contre l’analphabétisme
est caractérisée par des
dysfonctionnements, notamment
en ce qui concerne l’offre
d’alphabétisation.
Dans l’ensemble, on note
une insuffisance quantitative et
qualitative des services offerts
dans le processus de lutte
contre l’analphabétisme des
populations adultes.
Au niveau quantitatif,
l’efficacité de la politique nationale
d’alphabétisation est freinée par
une insuffisance du nombre de
centres d’alphabétisation et des
projets ou programmes. En effet,
pour réussir à alphabétiser une
grande partie de la population visée,
il importe de créer suffisamment
Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes...
de centres d’alphabétisation et
de mettre en œuvre beaucoup de
projets et programmes à cet effet.
Or dans toutes les régions du pays
y compris celles à faible taux de
scolarisation, il y a une insuffisance
de centres d’alphabétisation et
un manque de projets. Cette
insuffisance du nombre de
centres d’alphabétisation est plus
criarde en milieu rural où le taux
d’analphabétisme est très élevé.
En plus de l’insuffisance des
centres et des projets d’alphabétisation, on note également que
l’alphabétisation des adultes en
Côte d’Ivoire manque de ressources humaines, financières
et matérielles.
Du point de vue qualitatif,
on peut retenir que l’absence de
l’alphabétisation fonctionnelle
et surtout celle de la postalphabétisation dans toutes
les actions entreprises jouent
en défaveur de l’efficacité de
la politique d’alphabétisation.
Or pour réussir une action
d’alphabétisation, l’apprentissage
doit s’accompagner de la mise en
place d’un environnement devant
permettre aux bénéficiaires de
capitaliser et consolider les acquis
de l’apprentissage.
BIBLIOGRAPHIE
AKTOUF, O.(1987), Méthodologie des
sciences sociales et approche qualitative
des organisations ; Montréal, Les
Presses de l’université du Québec.
ANTONIOLI, A (1993), Le dr oit
d’apprendre. Une école pour tous
en Afrique, Paris, Editions
HARMATTAN.
CHERKAOUI, M (1986), Sociologie de
l’éducation. Que sais-je ? Paris, PUF.
COULIBALY, N (1976), Essai d’analyse
comparée des fondements sociopolitiques
de deux expériences d’alphabétisation :
l’alphabétisation de masse à Cuba et
l’alphabétisation fonctionnelle au Mali ;
Université de Montréal.
LANGE, M F (1998), L’école au Togo :
processus de scolarisation et institution
de l’école en Afrique subsaharienne, Paris,
KARTHALA.
MEISTER, A (1973.), Alphabétisation
et développement. Le rôle de
l’alphabétisation fonctionnelle dans
le développement économique et
la modernisation, Paris, Editions
ANTHROPOS
MEN/METFP/MESRS (2009), Rapport
d’Etat du Système Educatif Ivoirien :
Comprendre les forces et les faiblesses du
système pour identifier les bases d’une
politique nouvelle et ambitieuse ; Abidjan.
MEN/METFP/MESRS (2005), Rapport
d’Etat du Système Educatif Ivoirien :
éléments d’analyse pour instruire une
politique éducative nouvelle dans le contexte
de l’EPT et du PRSP ; Abidjan.
MENFB, METFP, MESRS (1997), Plan
national de développement du secteur
Education / Formation (PNDEF) 1998 – 2010,
Table ronde des bailleurs de Fonds,
141
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
volume 1, Yamoussoukro.
QUIVY, R ; CAMPENHOUDT, V L (1995),
Manuel de recherche en sciences sociales ;
Paris, DUNOD 2ème édition.
SAA (1996), Propositions pour une politique
d’alphabétisation et d’éducation non
formelle efficace ; Abidjan, SAA.
THOMAS, P (1976), L’alphabétisation
en Côte d’Ivoire : situation actuelle,
Abidjan, Cahiers ivoiriens de
Recherche Linguistique.
UNESCO (2009), Le défi mondial de
l’alphabétisation. Bilan de l’alphabétisation
142
des jeunes et des adultes à mi-parcours de
la DNUA 2003-2012 ; Paris, UNESCO.
UNESCO (2010): Rapport mondial de Suivi
de l’Education Pour Tous 2011 ; Paris.
UNESCO (2006), Rapport mondial de Suivi
de l’Education Pour Tous 2007; Paris.
UNESCO/BREDA (1995), Rapport
sur lݎducation en Afrique 1995.
Stratégies éducatives pour les années
90. Orientations et réalisations, Dakar.
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
CORRUPTION EN MILIEU SCOLAIRE
IVOIRIEN, REPRESENTATIONS SOCIALES DE SA
SOLUTION PAR LES ENSEIGNANTS.
MEITE Zoumana,
Université Félix
Houphouét-Boigny,
Abidjan, [email protected]
RÉSUMÉ
SUMMARY
Cette étude s’est intéressée à
l’impact de la formation pédagogique
sur la représentation sociale de la
solution à la corruption en milieu
scolaire des enseignants du secondaire.
This survey is focussed on the
impact the pedagogical training on social
representation of teachers’ solution
against corruption in school midst.
L’enquête s’est déroulée dans
03 établissements publics et 04
établissements privés.
Les résultats montrent que la
représentation sociale de la solution
à la corruption en milieu scolaire des
enseignants qui ont une formation
pédagogique est plus répressive que
celle des enseignants qui n’ont pas de
formation pédagogique. Ces différences
dans les représentations sociales de
la solution à la corruption en milieu
scolaire des enseignants expliquent des
différences dans leurs comportements à
l’égard du processus de lutte contre la
corruption et à l’égard de la corruption
à l’école qui sont à l’origine de l’échec de
la lutte contre la corruption.
Mots clés : Solutions à la
corruption - Représentations sociales –
Enseignants - Formation pédagogique.
The inquiry was made in 03 public
schools and 04 private schools.
The results show that the social
representation of corruption in school
midst of teachers with a pedagogical
training is more repressive than that
of teachers without pedagogical
background. These differences in
social representations of teachers’
solution against corruption in school
midst explain the differences in the
behaviours towards the process
of fighting against corruption and
towards corruption in school midst.
These behaviours are in fact the
main source of the failure of the fight
against corruption.
Key words: Solutions against
corruption – social representations –
teachers – pedagogical training.
143
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
INTRODUCTION
La corruption est devenue un
problème crucial qui suscite une
grave préoccupation en Afrique.Elle
constitue un obstacle de taille au
progrès économique, à la prestation
de services d’aide sociale et à la
bonne gouvernance (Kaufmann,
Kraay et Mastruzzi, 2010).
144
En côte d’Ivoire, la corruption
demeure un défi redoutable.
Les classements de l’Indice de
Perception de la Corruption publiés
par Transparency International
classent en 2001 la Côte d’ivoire
au 77ème rang sur 91 pays et
en 2012 au 130ème rang sur
180 pays. Selon Tressia (2013),
85% des ivoiriens reconnaissent
expérimenter quotidiennement
toutes les formes de corruption:
corruption transactionnelle,
privative, d’extorsion, d’une part,
népotisme et favoritisme d’autre
part et le secteur public ivoirien
est le plus corrompu.
L’école n’est pas épargnée par
cette corruption. Concernant les
évaluations, on peut signaler, la
tricherie au cours des examens. Les
formes sont nombreuses ; parmi
elles, on peut citer : «le pétrole»
désignant l’obtention du sujet
avant qu’il ne soit même distribué
dans les salles d’examens ; «les
opérations hiboux» qui consistent
à traiter le sujet hors de la salle
d’examen pour ensuite l’introduire
dans le lot des copies à corriger et
cela avec la complicité de celui ou
ceux qui sont chargés de garder
les feuilles d’examens ; «les notes
sexuellement transmissibles » ou
notes subjectives accordées
aux élèves (filles) en échange
de relations sexuelles. Les
données de Ettien, Bendé et
Konan (2010) montrent que les
formes de corruption les plus
répandues sont les notes de
complaisance (61,9%), le droit de
cuissage (59,1%) et le favoritisme
(46,3%) des réponses. Les parents
d’élèves, partenaires de l’école, ne
sont pas tout à fait étrangers au
phénomène de la corruption. Ils
en sont tantôt les témoins muets,
tantôt les complices, voire des
agents actifs du système car c’est
eux qui achètent ces diplômes
pour leurs enfants.
Pourtant les autorités ivoiriennes
comme les organisations non
gouvernementales ne sont pas
restées insensibles à la persistance
de la corruption.
Au niveau international, la
Côte d’Ivoire a ratifié en novembre
2011, CNUCC (la Convention des
Nations Unies de lutte contre
la corruption), et la Convention
de l’Union Africaine relative à la
prévention et à la lutte contre la
corruption. Cette Convention des
Nations Unies de lutte contre la
corruption, est entrée en vigueur
le 14 décembre 2005.
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
Au niveau du gouvernement
ivoirien, le plan national de
bonne gouvernance et de
lutte contre la corruption de
même que la charte d’éthique
et de bonne gouvernance du
gouvernement ont été mise en
place. Le SNGRC (Secrétariat
National à la Gouvernance et
au renforcement des Capacités)
a été crée. Cette structure à
travers son programme d’appui
à la gouvernance contribue
à la promotion de la bonne
gouvernance. La campagne
de lutte contre la corruption
lancée le 8 juillet 2013 par le
SNGRC, est marquée par des
affiches publicitaires et des
films qui mettent en exergue les
expressions choquantes comme
«ça a tué mon fils», «ça a tué ma
femme», «ça a détruit ma région»,
«ça a ruiné mon pays».
Au MEN (Ministère de l’Education Nationale), des actions de
lutte contre la corruption sont
menées. Depuis 2000, pour éviter
tout changement de copies hors
des salles d’examens les feuilles
de composition sont marquées.
En Août 2003, 47 élèves, et des
agents de la DECOB (Direction
des Examens et Concours, de
l’Orientation et des Bourses)
impliqués dans la vente et l’achat
de diplômes sont mis aux arrêts.
La même année, au cours du
Baccalauréat, six enseignants
du secondaire sont arrêtés à
Dabou pour avoir traité les sujets
d’examens pour des candidats.
Malgré ces différentes solutions,
la corruption demeure et prend de
l’ampleur dans tous les secteurs
d’activité (Tressia, 2013). Selon
Quinones (2000) la recherche de
mesures plus efficaces, crédibles
et applicables pour désigner
les responsables et éradiquer
la corruption, n’est donc pas
seulement un noble objectif, c’est
peut être la survie des institutions
Juridique, politique, économique
et sociale qui est en jeu.
Selon Transparency International la corruption est l’abus d’un
pouvoir conféré, à des fins de gains
privés. Cette définition s’applique
au secteur public comme au
secteur privé. Pour Klitgaard
(1996), il y a corruption lorsqu’un
individu place de manière illicite
ses propres intérêts au dessus
de ceux des gens et des idéaux
qu’il s’est engagé à servir. Cette
définition de Klitgaard (o.p.cit.), fait
référence tant à la petite corruption
qu’à la grande corruption. Ainsi,
la corruption revêt des formes
multiples et elle peut fleurir dans
le secteur privé comme dans le
secteur public. De même elle est
une pratique sociale qui peut
s’appuyer sur des promesses, des
menaces ou les deux formes à la fois
et peut comporter des omissions ou
des commissions. Pour Lascoumes
145
© educi
146
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
(1999), la corruption est la
transgression de ses propres lois
ou règles de vie. C’est donc un acte
de corruption d’être enseignant
et ne pas respecter les principes
pédagogiques liés à la fonction
enseignante.
L’implication des acteurs du
secteur concerné par la corruption
et leur formation professionnelle
peut être déterminante pour
la réussite des actions de lutte
contre la corruption selon
différentes études.
La résolution politique de
l’internationale de l’éducation,
du 26 juillet 2004, souligne
l’importance de l’éducation comme
outil de lutte contre la corruption,
car à l’école se joue en grande
partie le sort de l’éthique sociale
d’une nation. L’éducation est
une forme de reproduction et de
dépassement social indispensable
au progrès de tout pays. Quand
cette fonction est abolie, selon
Ki-Zerbo (1990), il se produit
un dépérissement profond dans
les métabolismes de base de la
société. Dans ce cas, l’éducation,
si elle ne s’écarte pas de tout acte
corrompu, pourrait reproduire
une société corrompue.
Une implication accrue
des femmes dans les équipes,
permet de limiter la confiance
dans les collusions corrompues
caractéristiques des réseaux
dominés par les hommes
(Lambsdorff, 2007). La participation
des collectivités locales dans
la gestion des ressources
financières de l’éducation dans
la mesure où elle accroît le
sentiment d’appropriation des
projets, favorise la lutte contre
la corruption. L’expérience de
Khandelwal et Biswal (2005)
montre également que l’adoption de
codes de conduite des enseignants
peut favoriser un changement
de comportements, sous réserve
d’impliquer les enseignants dans
leur conception, leur mise en
œuvre et de mettre en place des
procédures efficaces pour en faire
respecter l’application.
Finalement l’école a une place
importante à occuper dans la
lutte contre la corruption selon
deux perspectives en corrélation.
L’une est de lutter contre la
corruption en milieu scolaire et
l’autre est d’utiliser l’éducation
comme outil de prévention de la
corruption. Alors l’école devra se
doter de moyens pédagogiques et
de personnels qualifiés et motivés
pour faire face à la corruption.
Toutefois, l’implication dans
le processus de lutte contre la
corruption est conditionnée par
les solutions à la corruption ou
les réactions face à la corruption.
Selon ANLC-TI (Association
Nigérienne de lutte contre
la corruption et Transparency
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
international) (2005) la lutte contre
la corruption sera difficile si les
rémunérations des agents de l’état
restent De même, la répression
comme solution à la corruption
n’est pas acceptable par tous,
d’où leur passivité devant les faits
de corruption. Pour Lazic (2005),
en Bosnie-Herzégovine, bien que
les amendements du code pénal
punissent les actes de corruption et
prévoient des peines allant jusqu’à
cinq ans d’emprisonnement ferme
pour la pratique des pots-de-vin,
les étudiants ne sont pas motivés
à réagir devant des preuves de
cas de corruption. Selon Azoh
(2011) le détournement de biens
sociaux n’est pas sévèrement jugé
quand les actions réalisées avec
ces fonds détournés profitent plus
à la communauté qu’à l’individu.
Les bénéfices tirés des actes de
corruption par la communauté
justifient donc le phénomène.
Dans cette logique, il serait donc
inacceptable de punir les actes de
corruption à visée communautaire.
Carlsmith, Darley et Robinson
(2002) précisent que la punition
est motivée par le juste mérite
ou déterminée par la prévention.
Elle est donc fonction d’une
hiérarchie de préjudices et de
dommages moraux. Tous les faits
de corruption ne sont donc pas
condamnables au même titre et
les individus mesurent l’impact de
la dénonciation de la corruption
avant de s’y engager.
En somme, l’implication de
chaque acteur dans le processus
de lutte contre la corruption est
déterminante pour réduire la
corruption. Cette implication est
conditionnée par nos réactions
face aux solutions à la corruption
en cours. Une solution considérée
trop répressive pour certains
individus peut démotivés ceux-ci
à dénoncer des faits de corruption.
Or la lutte contre la corruption
commence par sa dénonciation.
Les solutions à la corruption
doivent donc tenir compte de
l’éthique sociale des personnes
concernées par la lutte contre
la corruption. C’est pourquoi la
détermination des solutions à la
corruption en milieu scolaire des
enseignants est nécessaire pour
faire de chacun d’eux des acteurs
du processus de lutte contre la
corruption.
Par ailleurs, pour Peoch et al
(2004) et Lac (2003), la formation
professionnelle transforme la
représentation sociale. Elle permet
au travailleur l’acquisition de
connaissances qui lui donnent
des compétences particulières
dans l’exercice de son métier.
Latvack et Barrington (2003)
également montrent que la
formation professionnelle
combinée avec l’augmentation
de la rémunération permet de
réduire les cas de corruption
en entreprise. La formation
147
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
professionnelle a donc un lien
avec la représentation sociale de
la solution à la corruption.
Toutefois, il reste beaucoup
à faire dans le sens d’une
exploration des systèmes de
représentation et de valeur
des acteurs concernés, de près
ou de loin, par les pratiques
corruptrices, et dans le sens
d’une mise au clair des logiques
qui orientent les comportements.
148
En effet, les représentations
sociales répondent à quatre fonctions
essentielles. Premièrement, elles
permettent de comprendre et
d’expliquer la réalité. Deuxièmement,
les représentations sociales
définissent l’identité et permettent
la sauvegarde de la spécificité des
groupes. Troisièmement, elles
guident les comportements et les
pratiques. Les représentations
sociales tiennent alors un rôle
important dans la détermination
des types de comportement d’une
part et pour élaborer une échelle de
sanctions qui leur est applicables
d’autre part.
Cependant, tous les objets de
l’environnement n’entraînent pas
l’émergence de représentations
sociales. La corruption en tant
que pratique sociale est un objet
de représentation sociale (Azoh,
o.p.cit.). Il est alors possible que
les solutions liées aux pratiques
de corruption soient également
l’objet de représentations sociales.
Pour les tenants de la théorie
du noyau central comme Abric
(2001), la fonction de savoir des
représentations sociales repose
essentiellement sur le noyau
central et le système périphérique.
Cette théorie peut être formulée en
ces termes : l’organisation d’une
représentation sociale présente
une modalité particulière,
spécifique. Non seulement les
éléments de la représentation
sont hiérarchisés mais par
ailleurs toute représentation
sociale est organisée autour
d’un noyau central, constitué
d’un ou de quelques éléments
qui donnent à la représentation
sociale sa signification.
Les différences dans les
représentations sociales de la
solution à la corruption en milieu
scolaire des enseignants pourraient
être à l’origine d’incompréhensions,
de problèmes de communication et
éventuellement d’un échec de la
lutte contre la corruption.
D’où l’importance de chercher
à comprendre, dans le contexte
ivoirien, les différences dans la
structuration et l’organisation
des représentations sociales de la
solution à la corruption en milieu
scolaire des enseignants selon
leur formation professionnelle.
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
Spécifiquement il s’agit de :
- Déterminer la structure et
l’organisation des représentations
sociales de la solution à la
corruption en milieu scolaire
des enseignants du public d’une
part et celle des enseignants du
privé d’autre part.
- Comparer ces deux représentations sociales de la solution
à la corruption en milieu scolaire
étudiées.
Nous formulons l’hypothèse
que :les enseignants du public qui
ont reçu une formation pédagogique
ont une représentation sociale de
la solution à la corruption en
milieu scolaire plus répressive
que celle des enseignants du privé
qui n’ont pas reçu de formation
pédagogique.
1- METHODOLOGIE
1-1- Echantillon
Il comprend 224 enseignants en
fonction dans des établissements
secondaires (03 établissements
publics et 04 établissements privés)
du district d’Abidjan en Côte
d’Ivoire. Les sujets sont repartis
en 2 catégories : Les enseignants
du public (E-Public) ont reçu
une formation pédagogique dans
une structure de formation
pédagogique et les enseignants
du privé (E-Privé) n’ont pas reçu
de formation pédagogique. Ces
différents enseignants sont au
moins titulaires du DEUG (Diplôme
d’études universitaires générales).
Le tableau I indique la répartition
des enquêtés par catégories
enseignants et par genre.
Tableau I : Répartition des enquêtés
par catégories enseignants et
par genre
Catégories d’enseignants
Hommes
Genre
E-Public
E-Privé
Totaux
56
56
112
Femmes
56
56
112
Totaux
112
112
224
1-2- Instruments et procédure
Les questionnaires utilisés
dans cette recherche sont basés
sur une liste de 15 items relatifs
à la solution à la corruption en
milieu scolaire ivoirien. Ces items
sont issus de l’analyse préalable
d’un questionnaire d’évocation
sur le terme de «la solution à
la corruption en milieu scolaire
ivoirien», adressé à 200 sujets,
acteurs du système éducatif.
Ce premier questionnaire a
permis le repérage du contenu
de la représentation sociale de
la solution à la corruption de la
population globale.
Un second questionnaire dit
«d’identification» a été soumis, sans
tenir compte des caractéristiques
de notre échantillon, à 50 sujets
ayant au moins un niveau d’étude
149
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
universitaire. Pour son élaboration
nous nous sommes inspirés du
questionnaire de caractérisation
et du questionnaire de mise
en cause de Moliner (1993). Ce
questionnaire propose aux sujets
les items issus du traitement
des données du questionnaire
d’évocation afin qu’ils déterminent
parmi ces items ceux qui semblent
être pour eux des items faisant
référence à la sanction. Il a permis
de constituer deux bloc d’items :
un bloc constitué des items
sanctions et l’autre bloc constitué
des items qui ne sont pas des
sanctions ou item amélioration
des conditions de vie.
150
Un troisième questionnaire ou
questionnaire de caractérisation
à été proposé à tous les sujets
des 2 groupes d’enseignants
(soit 224 sujets). La consigne
essentielle était : A la suite de
la lecture attentive de cette
liste (liste des 15 items), vous
êtes prié d’indiquer ce que les
ivoiriens considèrent comme :
1- les 5mots ou expressions les
plus importants qui traduisent
les meilleures actions de lutte
contre la corruption, et 2- les
5mots ou expressions les moins
importants dans la lutte contre la
corruption en milieu scolaire. Ce
questionnaire de caractérisation
a permis de déterminer la
structure et l’organisation de
la représentation sociale de la
solution à la corruption de chaque
groupe d’enseignants.
Un quatrième questionnaire
ou questionnaire de mise en cause
proposé lui aussi à l’ensemble
des sujets de l’échantillon (224)
a permis la confirmation des
éléments des noyaux centraux
des représentations sociales de
la solution à la corruption des
enseignants du public et des
enseignants du privé. La consigne
pratique essentielle était : Pour
chaque item, indiquez par une
croix si : 1- Oui, c’est possible
ou 2- Oui, ça peut être possible
ou 3- Non, ce n’est pas possible.
Les sujets ont rempli les
différents questionnaires au
sein de leurs établissements
pendant leurs heures de pause,
en présence de l’enquêteur. Dans
les cas où nous avons eu la
présence de plusieurs enquêtés
au même moment, ceux-ci ont
été organisés dans la salle des
professeurs ou autre salle de
l’école afin de répondre par
écrit aux questions qui étaient
soumis à chacun. Dans le cas
contraire, la passation se faisait
individuellement.
En définitive, cette enquête
nous a conduit à aller plusieurs fois
sur le terrain afin d’administrer à
différents moments et dans l’ordre
le questionnaire d’évocation, le
questionnaire d’identification
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
des items, le questionnaire de
caractérisation et le questionnaire
de mise en cause.
1-3- Traitement des données
Le logiciel «EVOC 2005», a
permis le traitement des données
du questionnaire d’évocation
qui à aboutit à la détermination
des items du questionnaire
de caractérisation. Ce dernier
questionnaire à été traité avec le
logiciel «SIM 2005» afin d’obtenir
les graphes de similitude. En plus
des logiciels informatiques, le
test du Khi-deux (X²) de Pearson
a permis la comparaison des
fréquences des items à l’issu du
questionnaire de centralité.
1-4- Variables
La variable indépendante est
la formation professionnelle. Elle
a deux modalités : enseignant
du public (enseignants qui ont
une formation pédagogique) et
enseignant du privé (enseignants
qui n’ont pas de formation
pédagogique). La variable
dépendante est étudiée sous
deux aspects qui correspondent à
différents niveaux de solution. Il
s’agit de la représentation sociale
de la solution à la corruption
marquée par les sanctions
ou (représentation sociale
répressive de la corruption) et
la représentation sociale de la
solution à la corruption marquée
par l’amélioration des conditions
de vie (représentation sociale non
répressive de la corruption).
2- RESULTATS
2-1- Contenu de la
représentation sociale de
la solution à la corruption
en milieu scolaire
Le traitement des données
du questionnaire d’évocation
a abouti à la détermination et
au regroupement du contenu
de la représentation de la
solution à la corruption de la
population globale en 15 items.
Le questionnaire d’identification
des items a pour but d’identifier
dans la liste des 15 items issue
du traitement du questionnaire
d’évocation, les solutions qui
renvoient à des sanctions. Le
tableau II suivant présente
les fréquences des réponses
sanction ou non sanction pour
les 15 items relatifs à la solution
à la corruption en milieu scolaire.
151
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Tableau II : Fréquences des réponses sanctions ou non sanctions pour les 15 items relatifs à la solution à la corruption en milieu scolaire.
OUI,
c’est une
sanction
NON,
ce n’est
pas une
sanction
01- Sensibiliser les acteurs du milieu éducatif
0 (0%)
50 (100%)
02- Travailler avec Rigueur
2 (4%)
48 (96%)
03- Créer des Structures et voter des lois anticorruption
1 (2%)
49 (98%)
04- Education Civique Morale et Religieuse des
élèves
0 (0%)
50 (100%)
05- Dénoncer les corrompus et corrupteurs
42 (84%)
8 (16%)
06- Suspendre les salaires des corrompus et des
corrupteurs
45 (90%)
5 (10%)
07- Licencier le personnel éducatif et exclure
l’élève en cas de corruption avérée.
50 (100%)
0 (0%)
08-Noter la conduite des élèves
44 (88%)
6 (12%)
09- Emprisonner les corrupteurs et les corrompus
50 (100%)
0 (0%)
10- Exemplarité du personnel éducatif
0 (0%)
50 (100%)
11- Augmenter les salaires des enseignants
0 (0%)
50 (100%)
Items
152
12- Reconnaître le mérite
0 (0%)
50 (100%)
47 (94%)
3 (6%)
14- Construire plus d’écoles avec suffisamment
de matériels de travail.
0 (0%)
50 (100%)
15- Donner une formation pédagogique aux
enseignants
0 (0%)
50 (100%)
13- Amender les corrompus et les corrupteurs
N= 50, Pourcentage entre parenthèse, Seuil D= 80,76% (41/50 sujets)
Sur la base des réponses
observées à ce questionnaire
d’identification des items, nous
avons choisi de diviser nos items
en deux blocs selon qu’une
majorité de sujets les aient
classés dans la catégorie des
items sanctions ou non.
Ainsi, 6 items ont été identifiés
comme items sanctions. Ce sont les
items 5, 6, 7, 8, 9, 13. Pour chacun
de ces items, plus de 81% de la
population interrogée confirment
qu’il renvoie à une sanction. Les 9
autres items ne font pas référence à
des sanctions. Nous avons qualifié
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
ces items «d’items amélioration des
conditions de vie». Ce sont les items
1, 2, 3, 4, 10, 11, 12, 14, 15.
2-2- L’analyse des graphes de
similitude
L’analyse du graphe de
similitude de la représentation
sociale de la solution à la
corruption en milieu scolaire
(RSSC) des Enseignants du Privé
(E-privé) et celui des Enseignants
du Public (E-public) met en
lumière les différences dans la
connexité et la saillance de leurs
différents éléments (items).
Figure 1 : Graphe de similitude de la RSSC des E- public au seuil [20-20%]
153
Figure 2: Graphe de similitude de la RSSC des E-privé au seuil [20-20%]
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
L’observation de ces deux
graphes de similitude au seuil
.20, nous montre que les deux
représentations sociales de la
solution à la corruption, ici, sont
différentes quant à leur organisation.
154
En effet la représentation sociale
de la solution à la corruption des
enseignants du privé semble
s’organiser autour d’une seule
dimension. Il s’agit des items
«rigueur», «exemplarité»,«sensibiliser
»,«augmenter-salaires», «reconnaîtremérite» et «amender». Pourtant,
en ce qui concerne le graphe des
Enseignants du Public, il montre une
représentation sociale de la solution
à la corruption qui s’organise autour
de 3 univers. Le premier univers
est formé par le lien entre des
items sanctions essentiellement.
Il s’agit de la suspension des
salaires et le payement d’amende
en cas de corruption. Le deuxième
univers s’organise autour des
solutions associant les sanctions
et l’amélioration des conditions
de vie. Précisément, ce dernier
univers privilégie la dénonciation,
la sensibilisation, et la rigueur dans
le travail. Le troisième univers,
met exclusivement en relation les
items amélioration des conditions
de vie tels que l’augmentation des
salaires du personnel éducatif,
la reconnaissance du mérite,
la formation pédagogique des
enseignants, et la mise en place des
infrastructures.
Ces deux représentations
sociales de la solution à la
corruption ont en commun
d’associer sanctions et amélioration
des conditions de vie pour une
efficacité de la lutte contre la
corruption à l’école.
Au niveau des arêtes,
nous remarquons que dans
la représentation sociale de la
solution à la corruption en milieu
scolaire des enseignants du
privé il existe une forte relation
entre la reconnaissance du
mérite et l’amendement, entre
l’augmentation des salaires
du personnel éducatif et la
reconnaissance du mérite, entre
la sensibilisation et l’exemplarité,
de même qu’entre la sensibilisation
et l’augmentation des salaires
du personnel éducatif, en plus
entre rigueur et exemplarité. Or,
dans la représentation sociale
de la solution à la corruption en
milieu scolaire des enseignants du
public, les quatre arêtes les plus
importantes mettent en relation des
items relatifs à l’amélioration des
conditions de vie. Ces arêtes lient
la dénonciation à la sensibilisation,
la rigueur dans le travail à la
sensibilisation, l’augmentation des
salaires à la formation pédagogique,
et l’augmentation des salaires à la
disponibilité des infrastructures.
Il ressort de ces constats que
la relation entre «reconnaîtremérite» et «augmenter-salaires»
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
se vérifie au niveau des deux
représentions sociales de la
solution à la corruption des deux
groupes d’enseignants.
2-3- Comparaison des
noyaux centraux des 2
représentations sociales de
solution à la corruption en
milieu scolaire.
La confrontation des deux
résultats au x épreu ves de
centralité (tableau III) nous situe
sur les rapports entre le noyau
central des deux représentations
sociales de la solution à la
corruption en milieu scolaire
mises en cause.
Tableau III : Comparaison des score de centralité (fréquences de
réponses négatives) des 15 items dans les RSSC des E-Privé et des
E-Public.
Items
E-Privé
E-Public
X²
DDL
Seuil
Signif.
Items amélioration des conditions de vie
01- Sensibiliser
106 (94,64%)
105 (93,75%)
0,77
2
.05
DNS
02- Rigueur
80 (71,43%)
99 (88,39%)
0,01
2
.05
DNS
03- Structures-lois
74 (66,07%)
91 (81,25%)
0,01
2
.05
DNS
04- ECMR
77 (68,75%)
69 (61,61%)
0,26
2
.05
DNS
10- Exemplarité
71 (63,39%)
90 (80,36%)
10,04
2
.05
DS
11- Augmenter-salaires
103 (91,96%)
107 (95,54%)
0,27
2
.05
DNS
12- Reconnaitre-mérite
61 (54,46%)
95 (84,82%)
7,01
2
.05
DS
14- Infrastructures
99 (88,39%)
76 (67,86%)
0,02
2
.05
DNS
15- Pédagogique
72 (64,29%)
78 (69,64%)
0,39
2
.05
DNS
Items sanctions
05- Dénoncer
48 (42,86%)
100 (89,28%)
10,05
2
.05
DS
06- Suspendre-salaires
15 (13,39%)
20 (17,86%)
0,35
2
.05
DNS
07- Licencier-exclure
36 (32,14%)
98 (87,75%)
9,02
2
.05
DS
08- Notes-conduite
91 (81,25%)
22 (19,64%)
7,01
2
.05
DS
09- Emprisonner
52 (46,43%)
73 (65,18%)
0,01
2
.05
DNS
13- Amender
50 (44,64%)
36 (32,14%)
0,05
2
.05
DNS
155
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Seuil de significativité D = 87,15% (98
sujets /112)
156
Les noyaux centraux de ces
deux représentations sociales de
la solution à la corruption en
milieu scolaire ont en commun
certains éléments. Il s’agit de la
sensibilisation et de l’augmentation
des salaires du personnel éducatif.
En revanche les noyaux centraux
de ces deux représentations sociales
de la solution à la corruption
sont différents quant à certains
éléments et au poids de la sanction.
En effet, le noyau central de la
représentation sociale de la solution
à la corruption en milieu scolaire
des enseignants du privé contient
l’item sensibilisation alors que
cet item est absent dans le noyau
central de la représentation sociale
de la solution à la corruption en
milieu scolaire des enseignants
du public. De même, les items
«dénoncer», et «licencier-exclure»
sont présents dans le noyau central
de la représentation sociale de la
solution à la corruption en milieu
scolaire des enseignants du public
alors qu’ils ne le sont pas dans
celui des enseignants du privé.
En plus, la représentation sociale
de la solution à la corruption
en milieu scolaire (RSSC) des
enseignants du privé est différente
de celle des enseignants du public
par la présence dans son noyau
central (NC) d’éléments faisant
exclusivement appel aux actions
d’amélioration des conditions de vie.
Ainsi, les enseignants du privé
accordent peu d’importance aux
sanctions dans la lutte contre
la corruption à l’école comme
l’indique le tableau IV.
Tableau IV : Comparaison des fréquences des deux blocs d’items dans les
NC des RSSC des E-Privé et E-Public
Blocs d’items
Amélioration des
conditions de vie
Sanctions
E-Privé
E-Public
X²
DDL
Seuil
Signif.
308 (100%)
311 (61,10%)
0,85
1
.05
DS
0 (0%)
198 (38,90%)
0,96
1
.05
DS
Pour chacune de ces
représentations sociales, les
sanctions sont significativement
peu représentées dans le noyau
central par rapport aux actions
d’amélioration des conditions
de vie. La présence des items
sanctions dans le noyau central de
la représentation des Enseignants
du Public est significativement
supérieure à la présence des items
sanctions dans le noyau central
de la représentation sociale de
la solution à la corruption des
enseignants du privé.
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
Ainsi les représentations
sociales de la solution à la
corruption des deux groupes
d’enseignants sont différentes. En
effet, les enseignants du public
ont une la représentation sociale
de la solution à la corruption en
milieu scolaire plus répressive que
celle des enseignants du privé. Ce
résultat confirme notre hypothèse.
3- DISCUSSION
Les résultats de cette étude
montrent que les représentations
sociales de la solution à la corruption
des enseignants du public et
ceux du privé sont différentes
les unes des autres quant aux
éléments constituant leur noyau
central. Pour Abric (1994), ces
différences de représentations
sociales sont dues à des différences
de pratiques. Ainsi les Enseignants
du Privé et les Enseignants du
Public, n’ont pas les mêmes
niveaux de tolérance à l’égard de la
corruption ou les mêmes rapports
à la corruption. Les Enseignants
du Privé envisagent une lutte
contre la corruption dans le milieu
scolaire nécessairement basée sur
la sensibilisation de la population,
l’augmentation des salaires du
personnel éducatif et la disponibilité
des infrastructures. Or, pour les
Enseignants du Public l’on ne
pourrait pas lutter efficacement
contre la corruption sans les
actions prioritaires suivantes :
la sensibilisation, la rigueur au
travail, l’augmentation des
salaires du personnel éducatif,
la dénonciation de la corruption,
le licenciement et l’exclusion des
corrompus et corrupteurs.
La formation pédagogique
est à l’origine des différences
dans les représentations
sociales de la solution à la
corruption en milieu scolaire
des enseignants du public et
ceux du privé selon Latvack et
Barrington (2003). Pour Peoch
et al (2004), ces différences dans
les représentations sociales de
la solution à la corruption en
milieu scolaire des 2 groupes
d’enseignants étudiés expliquent
des différences de stratégies
de lutte contre la corruption
en milieu scolaire souhaitées
par les enseignants. Au-delà,
elles expliquent des différences
dans les comportements des
enseignants à l’égard du
processus de lutte contre la
corruption et à l’égard de la
corruption à l’école. Certains
groupes d’enseignants
pourraient accepter volontiers
d’être des acteurs de la lutte
contre la corruption en éduquant
leurs enfants ou élèves dans
ce sens et en refusant toutes
formes de corruption si la
stratégie de lutte contre la
corruption mise en place prend
au moins en compte les éléments
157
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
des noyaux centraux de leurs
représentations sociales de
la solution à la corruption.
Alors que d’autres groupes
d’enseignants refuseraient de
s’engager dans la lutte contre
la corruption pour devenir des
acteurs passifs (qui ne dénonce
pas les cas avérés de corruption)
ou des acteurs corrompus si
le processus de lutte contre
la corruption ne prend pas en
compte au moins les éléments
des noyaux centraux de leurs
représentations sociales de
la solution à la corruption en
milieu scolaire.
158
Au niveau de la qualité
répressive des différentes
RSSC (représentation sociale
de la solution à la corruption
en milieu scolaire) l’hypothèse
selon laquelle les enseignants
du public ont une RSSC plus
marquée par les sanctions
que celle des enseignants
du privé est confirmée. Ces
différences interindividuelles
sont considérées comme des
variations dans des prises de
positions par rapport à des enjeux
communs (Doise, 1992). Les
prises de position par rapport
à la lutte contre la corruption
dans le milieu scolaire sont
organisées selon des principes
organisateurs différents et ancrés
dans les différences de formation
professionnelle. Ainsi, la formation
pédagogique des enseignants du
public explique une plus forte
présence des sanctions dans
la représentation sociale de la
solution à la corruption de ceuxci contrairement à celle des
enseignants du privé.A ce titre,
la formation pédagogique forge
la conscience professionnelle
des enseignants. Elle inculque
aux enseignants les principes
pédagogiques qui sont pour
eux des lois à respecter afin
d’être efficaces dans leur mission
d’éducation (Lac, 2003). Il est donc
nécessaire d’exiger la formation
pédagogique des enseignants et
d’encourager la communication
entre les différents acteurs
du système éducatif afin de
réduire les divergences autour
de la question de la corruption et
préconiser des stratégies de lutte
prenant en compte les exigences
des différents acteurs.
TransparenciaMexicana
(2005) considèrent l’école et les
enseignants comme la deuxième
institution la plus importante
en matière de lutte contre la
corruption après la famille. C’est
pourquoi au sens de Khandelwal
et Biswal (2005) l’implication des
acteurs du système éducatif dans
la conception et la mise en œuvre
des mesures de lutte contre la
corruption est donc déterminante
dans réussite du processus de
lutte contre la corruption en
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
milieu scolaire. Il est souhaitable
que l’on encourage l’école pour
tous afin de relever le niveau
d’instruction de la population.
Avec Glaeser et Saks (2004) nous
pouvons dire que le relèvement
du niveau d’instruction favorise
l’accès des citoyens à des travaux
mieux rémunérés et leur permet
de comprendre leur droit et
devoirs afin de faire face à toute
tentative de corruption.
Cette étude permet de situer les
éléments importants et primordiaux
pour une lutte efficace contre la
corruption en milieu scolaire. Ce
sont : la sensibilisation, la rigueur
dans le travail, l’augmentation
du salaire du personnel, la
disponibilité des infrastructures, la
dénonciation, l’emprisonnement,
l’exclusion ou le licenciement des
corrompus et corrupteurs. Pour
Reinikka et Svensson, (2003), la
diffusion de l’information favorise
la transparence permet une baisse
de la corruption. La sensibilisation
des acteurs du milieu scolaire
permet la diffusion d’information
sur la corruption et favorise une
prise de conscience des effets
néfastes du phénomène.
A la suite de cette étude dont
les conclusions sont celles que
nous venons de présenter, nous
pouvons relever des limites qui
pourraient susciter des recherches
ultérieures. En effet, notre étude
s’est limitée à la représentation
sociale de la solution à la
corruption en milieu scolaire
des enseignants. Or il serait
plus complet d’élargir l’enquête
à d’autres acteurs du système
éducatif tels que les parents
d’élèves, les élèves, l’administration
scolaire, les ministères impliqués
et les bailleurs de fonds dans
le système scolaire. De même,
il est important de déterminer
clairement ce que c’est que la
corruption pour chacun des
acteurs, les pratiques en cours
et les causes de la corruption.
Aussi faut-il prévoir des études
longitudinales pour évaluer
les politiques de lutte contre la
corruption.
BIBLIOGRAPHIE
Abric, J.-C : (1994), «Les représentations
sociales : aspects théoriques», dans
ABRIC, J.-C. (éd.), Pratiques sociales
et représentation, Paris, PUF, P.11-35.
Abric, J.-C. (2001), «L’approche structurale
des représentations sociales :
développements récents», Psychologie
et société, vol.2, n°4, p. 81-104.
Association Nigérienne de lutte contre
la corruption et Transparency
international (2005), «La corruption
dans l’enseignement supérieur :
perception du public», dans
Transparency International, Avenir
dérobée, Berlin. p 72-79.
159
© educi
160
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Azoh, F. J. (2011), «Attitudes et
Représentations sociales face aux
pratiques corruptives ou comment
éduquer à la citoyenneté?», Revue
Africaine de Recherche en Education,
n° 3, 2011, p.13-19.
Ki-Zerbo, J. (1990), Éduquer ou périr, Abidjan, Bureau régional de l’UNICEF
pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre
; Dakar, Bureau régional d’éducation
pour l’Afrique, UNESCO ; Paris,
L’Harmattan.
Carlsmith K. M., Darley J. M. et
Robinson P. H. (2002), Why do we
punish ?Deterrence and just deserts
as motives for punishiment.Journal of
personality and social psychology, vol.
83, n° 2, p. 284-299.
Klitgaard, R. (1996), «corruption et
développement économique»,
Politicaldecicions in a strategyagainst
corruption, preventing corruption,
SickInstitution’s and Francophone
Africa, Dakar, 5-7 mars.
Doise, W. (1992), L’ancrage dans les
études sur les représentations
sociales. Bulletin de Psychologie, XLV,
405, p.189-195.
Lac, M. (2003), Un groupe en formation,
contribution à l’analyse des
transformations de l’implication
et des représentations. L’exemple
du D.E.U.S.T. «médiation sociale,
éducative et documentaire : les
métiers de l’animation», Thèse de
doctorat en Sciences de l’Education,
Université de Toulouse-Le Mirail.
Ettien A. A-M, Bende N. F. etKonan K. A.
(2010) , «Causes de la corruption chez
les filles à l’école.», EDUCI/ROCARE
Revue Africaine de Développement de
l’Education-ROCARE, 2010, p.188-202.
Glaeser, E. et Saks, R. E. (2004), «Corruption
in America», National Bureau of
Economic Research Working Paper,
n°. 10821, October.
Gneproust, M. (2001), «La corruption,
hélas!», Fraternité Matin, n.° 10879, p. 5.
Kaufmann D., KraayA et Mastruzzi M.
(2010), “The Worldwide Governance
Indicators: Methodology and Analytical Issues”, Draft Policy Researc
Working Paper.www.govindicators.org.
Khandelawl, B. et Biswal, P (2005),
«Responsabilité dans les écoles
indiennes : les codes de conduite des
enseignants», Lettre d’information de
l’Institut Internationale de planification
de l’Education (IIEP) vol, XXIII, N°4,
octobre-décembre, p.6.
Lambsdorff, J.G. (2007), “La
réciprocitécorrompue”,
TheInstitutional Economics of
Corruption and Reform,Cambridge:
Cambridge, University Press.
Lascoumes, P. (1999), Corruptions, Paris,
Presse de Sciences Po.
Latvack, K. et Barrington, R. (2003), «La
gestion de la corruption : Revue des
pratiques actuelles des entreprises»,
T.I., Rapport mondial sur la corruption
2003, p.389-392.
Lazic D. (2005), «Copier et coller : Une
approche pour réussir à l’université» in Meier B. et Griffin M. (Eds)
,Un avenir dérobé, la corruption dans
l´éducation, dix expériences vécues
à travers le monde, Transparency
International, Berlin, p. 27-34,
MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations...
Moliner, P. (1993), «ISA : L’induction par
scénario ambigu. Une méthode pour
l’étude des représentations sociales»,
Revue internationale de psychologie
sociale, 6, n°2, p.7-21.
Moliner, P., Rateau, P. ; Cohen-Scali, V.
(2002), Les représentations sociales.
Pratique des études de terrain, Presses
Universitaires de Rennes.
Peoc’h, N., Lopez, G., Castes, N.,
Lamonzié, J., Bongard, V. et Vieu L.
(2004), «Ce que je suis, moi soignant,
influence-t-il ma manière de prendre
en charge la douleur ?» Peer Reviewed
Online Journal, Vol. 13 p.214- 219.
Reinikka, R.et Svensson, J., (2002),
«Explaining leakage of public
funds», Centre for Economic Policy
Research (CEPR), Document de
synthèse, London, p.32-27.
Stefan, V. (2007), Institutional and
International Economics, Department
of Economics and Management, Philipps
University Marburg.
Tressia, G. (2013), «Le SNGRC et Voodoo
Groupe décèlent le mal et proposent
des solutions par électrochoc» ; le
banco.net. du 9 juillet.
TransparenciaMexicana, (2005), «Le
prix d’une place à l’école», dans
Meier B. et Griffin M (éd), Un avenir
dérobé, la corruption dans l’éducation, dix
expériences vécues à travers le monde, T.I,
Berlin, p.50-56.
161
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
REPRESENTATION SOCIALE DE LA FILLE-MERE
EN MILIEU SCOLAIRE IVOIRIEN
GNAMBA Adou Pascal
Maître-Assistant au Département
de Psychologie UFR des Sciences
de l’Homme et de la Société
Université Félix Houphouët Boigny
Abidjan 22 BP 34 Abidjan 22 (RCI)
Mobile : (225) 07 871 333/(225)
05 421 724/ [email protected]
RÉSUMÉ
162
Cette recherche a pour but
d’analyser les représentations
sociales de la fille-mère en fonction
du genre et de l’âge. Elle est basée
sur la théorie des représentations
sociales. Nous nous sommes appuyés
sur l’approche structurale proposée
par Abric. Le recueil des données s’est
fait au moyen des questionnaires
d’évocation et de caractérisation.
La technique d’échantillonnage
utilisée est de type accidentel avec
un échantillon de 100 sujets.
données permettent d’affirmer que le
genre et l’âge ont une incidence sur
la nature des éléments consensuels
des représentations sociales de la
fille-mère en milieu scolaire ivoirien.
Mots clés : représentation sociale,
fille-mère, noyau central, éléments
périphériques.
ABSTRACT
Les résultats obtenus indiquent
des différences de représentations
selon l’âge et le genre. Les données
recueillies sont traitées à l’aide des
logiciels EVOC 2005 et le SIMI 2005.
Le nombre total de mots recueillis
est de 500, avec 149 mots différents
dont le rang moyen est de 2,50.
This research aims to analyze
the social representations of teenage
mother according to gender and the
age. It based on the theory of the
social representations. We leaned
on the structural approach proposed
by Abric. The data collection was
done through the evocation and
characterization questionnaires.
The sampling technique used is an
accidental type with a sample of 100
individuals.
Selon les critères de prototypicalité
et grâce aux catégories de mots
repérés, un graphe est construit.
L’analyse et l’interprétation des
The results indicate differences of
representations according to the age
and gender. The data are processed
using the software EVOC 2005 and
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
SIMI 2005. The total number of words
collected is 500, consisting of 149
different words with an average rank
of 2.50. According to the criteria of
prototypicality and the categories of
words marked, a similarity graph
is constructed. The analysis and
the interpretation of the data allow
asserting that gender and the age
have an impact on the nature of
the consensual elements of social
representations of teenage mother in
schools of Cote d’Ivoire.
Key words : Social representation,
teenage mother, central system,
peripheral element
INTRODUCTION
Les grossesses en milieu
scolaire font l’objet d’une
préoccupation majeure en
Côte d’Ivoire. Les effets de cette
situation dans le système éducatif
sont non négligeables. Selon
les estimations recueillies en
2012 par l’Organisation Non
Gouvernementale (ONG) N Christ,
notre pays compte environ 4
millions d’élèves dont 73% du
primaire, 17% du premier cycle,
5% du second cycle, 1% de
l’enseignement technique et
professionnel et 4% du supérieur.
Selon cette ONG, les élèves âgés
de 6 à17 ans ayant abandonné
l’école sont évalués à 374893
dont 53% de sexe féminin. Parmi
elles, on dénombre 39738 fillesmères soit un ratio de 20%.
Les dernières statistiques du
Programme National de la Santé
Scolaire et Universitaire (Pnssu,
2011) font état de 10000 cas
de grossesse en 2010 dans les
écoles de Côte d’Ivoire dont 3191
dans les lycées et collèges. Parmi
elles, on compte 1394 fillesmères dont l’âge varie entre 18
et 30 ans et qui ont au moins un
ou deux enfants. Le phénomène
des filles mères connait donc
une ampleur alarmante en Côte
d’Ivoire (rézo-ivoire.net, 2011).
Au cours de l’année scolaire
2012-2013, la Direction de la
Planification de l’Evaluation
et des Statistiques (DPES)
du Ministère de l’Education
Nationale et de l’Enseignement
Technique (MENET) a enregistré
5076 cas de grossesse de fillesmères dont 3868 cas dans les
établissements secondaires,
soit 76 % du ratio national avec
une prépondérance dans la
tranche d’âges de 11 à 15 ans
(1437cas). Tirant la sonnette
d’alarme, Bédé (2013 ; P.8)
parle d’un véritable scandale
pour l’éducation des filles en
Côte d’Ivoire. Plusieurs facteurs
sont à l’origine du phénomène
d’adolescente mère. Il s’agit,
entre autres, des facteurs socioéconomiques et culturels ainsi
que des facteurs psychologiques
et cognitifs.
163
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Au niveau socio-économique,
Le Van (1995) a montré que
la maternité à l’adolescence
survient plus fréquemment dans
les milieux socio-économiques
défavorisés, dans les quartiers
plus pauvres, chez les jeunes
filles qui ont de faibles attentes
concernant leurs perspectives
d’avenir sur le plan scolaire et
professionnel.
164
L’apparition d’une maternité
à l’adolescence est également
influencée par des facteurs
culturels (Corcoran et al, 2000 ;
Loignon, 1996). Dans une étude
réalisée en France, Francher
et al. (2002) ont montré que
46,8% des adolescentes mères
étaient originaires d’Afrique
subsaharienne où la maternité
précoce est valorisée. Toujours
en rapport avec l’environnement
social, Loignon (1996) avance
que les mass médias entrainent
une dépravation des mœurs. Ils
plongent, selon lui, l’adolescente
dans un autre monde culturel en
modifiant tout ce qu’elle a reçu
comme valeurs morales dans la
famille et à l’école. A cela, il faut
ajouter l’échec de l’éducation
sexuelle à l’école du fait de sa
nature informative.
Au plan psychologique, un
certain nombre d’études ont
montré que la maternité précoce
était souvent intentionnelle.
Davies et al. (2003) ont affirmé
que 23,6% des adolescentes
exprimaient un certain désir
d’être mères. La maternité (et
plus encore le désir d’enfant) est
utilisée comme une démarche
de comblement des carences de
l’enfance (Marcelli, 2000).
En effet, les violences
physiques, les carences affectives
et les négligences éducatives
pendant la petite enfance
apparaissent fortement corrélée
avec la maternité précoce (Uzan,
1998).
Un autre facteur pouvant
expliquer la maternité précoce
est le manque de connaissances.
De manière générale, les jeunes
filles connaissent l’existence
des principales méthodes
contraceptives (Sundby et
al, 1999), mais manquent de
connaissances sur leur bonne
utilisation.
De son côté, Kamuna (1996)
considère le phénomène de fillesmères comme la conséquence
sociale des rapports sexuels
non contrôlés qui, pour cet
auteur, débouchent sur les
naissances non désirées. Les
enfants qui naissent dans des
telles conditions sont souvent
mal aimés et au fur et à mesure
qu’ils grandissent, ils deviennent
insupportables pour la famille.
Pour Filakembo (2006), le
fléau des filles-mères est vraiment
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
présent dans nos familles avec
toutes les difficultés que cela
engendre. Selon l’auteur, cette
problématique crée des conflits
parce qu’elle enfreint à l’idéal
africain de la virginité et du
mariage pour la jeune fille.
Elle introduit des nouveaux
rapports sociaux dans la famille
et occasionne de nouvelles
charges supplémentaires pour
ces familles, elles-mêmes
démunies. L’auteur (op.cit.) met
donc en relief les conditions de
précarité des familles de la fillemère et son enfant.
Dans le système scolaire
ivoirien, cette situation prend de
plus en plus un axe ascendant
malgré les campagnes de
sensibilisation, les différentes
méthodes contraceptives,
les cours dispensés et les
conférences prononcées dans les
établissements scolaires. Cette
réalité sociale nous a encouragé
à analyser et à comprendre les
représentations des ivoiriens
concernant les grossesses en
milieu scolaire.
En effet, il est de plus en plus
récurrent de voir de nos jours
des élèves pré-adolescentes avec
des grossesses prématurées, qui
ont souvent du mal à identifier
l’auteur de leur état gravidique.
Les conséquences sont patentes
: compromission d’avenir,
éducation ratée, délinquance,
etc. Lorsqu’une jeune élève est
enceinte, elle constitue un véritable
problème pour elle-même, pour
ses parents, un handicap pour
ses études et son développement
personnel. Ainsi, selon Sekandji
(2012), les conséquences de ce
phénomène sont d’ordre sanitaire,
moral et scolaire.
Au niveau sanitaire, le corps
de la fille n’étant pas préparé
à recevoir un fœtus, subit des
changements, des complications
suite au développement du futur
bébé. De même la fille, sous
les regards malveillants de son
entourage, rentre dans un état
profond de soucis, d’anxiété. Ce
qui peut aboutir à des troubles
psychiques. Aussi, dans la
plupart des cas de grossesse en
milieu scolaire, le premier réflexe
de la jeune fille est de procéder
à un avortement clandestin qui
crée la stérilité, des troubles
obstétricaux voire la mort.
Au plan moral, soutient
Sekandji (op.cit.), l’honneur
d’une fille est un exemple pour
ses camarades et une valeur pour
ses parents. Mais lorsqu’elle est
enceinte, elle devient la risée de
toute la communauté et un objet
de honte pour la famille. Toutes
les religions condamnent le
rapport sexuel avant le mariage.
Les parents de cette jeune fille
ressentent un échec personnel
sur l’éducation qu’ils ont donnée
165
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
à leur progéniture et deviennent
par conséquent très sévères avec
cette enfant et sa fratrie.
Au niveau scolaire, l’élève qui
est en grossesse peut continuer
de suivre les cours pendant
quelques mois encore, mais
sera toujours contrainte à
abandonner. Dans le meilleur
des cas, elle perd une année
ou échoue à son examen, si
elle n’a pas été bien suivie.
La déscolarisation devient
inévitable. Par contre, si le suivi
est bien effectué, la jeune fille
reprend sa scolarisation en
prenant conscience de combler
son retard scolaire.
Du point de vue social,
166 l’étude apporte sa contribution
à l’analyse des contradictions
que renferme notre société.
Elle apparaît pour éveiller les
consciences des responsables
politiques, des partenaires de
l’école et des familles face à
l’ampleur du phénomène des
filles-mères qui fragilise de plus en
plus les institutions éducatives,
familiales et communautaires
(Dmoss 2012).
La situation est tellement
alarmante que parents d’élèves,
enseignants, et partenaires de
l’école initient des campagnes
de sensibilisation pour éviter les
grossesses des jeunes filles en
milieu scolaire.
En Côte d’Ivoire, la Direction
de la Mutualité et des Œuvres
Sociales en Milieu Scolaire
(DMOSS) organise à l’endroit
des élèves une campagne de
sensibilisation en collaboration
avec l’ONG « Save the children »
(Gnéproust, 2008).
L’école se présente comme un
canal pour assurer l’éducation et
la formation des filles afin de leur
permettre d’atteindre la capacité
d’insertion socioprofessionnelle.
Cependant, force est de constater
en Côte d’Ivoire que cette école
devient souvent source de
maternité pour les filles et les éjecte
par la suite de son système. Dans
le milieu scolaire, les grossesses
nous interpellent. Elles constituent
le signe d’un danger : celui de la
sexualité des adolescents, sphère
remplie de non-dits et d’interdits
(Dmoss, 2012).
Pour Dubois (2011 ; p.8), la
maternité précoce est en quelque
sorte «le flagrant délit» de la
sexualité des jeunes. Elle est
vécue par beaucoup d’adultes
comme un événement ingérable
et un peu insensé : c’est un corps
tiraillé entre l’enfance et l’âge
adulte qui porte un autre enfant.
«C’est un jeune jugé incompétent
ou immature qu’on pointe du
doigt, c’est une aberration
et ça ne devrait pas exister».
C’est pourquoi, nous voulons
comprendre la représentation que
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
les ivoiriens ont de la fille-mère
en milieu scolaire. Les conduites
quotidiennes de l’entourage vis-àvis de la fille constituent en général
le facteur principal de son rejet ou
de son acceptation. Les facteurs
individuels comme le genre et l’âge
constituent donc pour nous des
variables essentielles de référence
impliquées dans la justification
des représentations que les
ivoiriens se font de la fille-mère.
Le choix de ces variables relève
des principales observations que
nous avons effectuées. Il y a
d’abord les stéréotypes et les
préjugés sur ces filles. Le fait que
certaines personnes acceptent
ces filles-mères et d’autres les
récusent indique bien que les
pratiques des individus dans
leur milieu de vie sont fonction
de leur représentation sociale
(Gnamba et Moumou 2013).
A l’heure de l’évolution des
mentalités, de la disponibilité des
moyens contraceptifs et la diffusion
de l’information concernant la
contraception, nombre de jeunes
filles se retrouvent enceintes,
parfois malgré elles ou en toute
insouciance. En observant de
près le phénomène de la maternité
précoce, on peut remarquer que
cette réalité sociale est plus
complexe qu’elle n’y parait.
Cette complexité a été révélée
par Lefebvre (2007) à travers
une étude intitulée «ni filles, ni
femmes ; ces inclassables fillesmères». Dans cette recherche, il
décrit la situation des filles-mères
à Ouahiguaha en s’intéressant
à leur vécu et à l’ensemble
des représentations qui y sont
associées.
C’est dans cette perspective
que s’inscrit notre recherche
qui vise à comprendre les
représentations sociales que les
ivoiriens, en fonction de leur genre
et de leur âge, organisent autour
du phénomène des filles-mères.
Selon Moscovici (1976), la
représentation sociale est un
système de valeurs, de notions,
des pratiques relatives à un objet,
des aspects ou des dimensions du
milieu qui permet la stabilisation
et l’orientation de la perception
des situations et l’élaboration
des réponses.
La représentation sociale, en
tant que processus mental, remplit
une fonction intermédiaire entre les
concepts scientifiques et l’action.
Pour Morf (1984), Grize et coll.
(1987), elle articule deux univers
différents, l’un en relation
avec la conceptualisation et le
raisonnement dans lequel un
individu fonctionne en tant que
système cognitif et l’autre en
relation avec les déterminations
sociales, socio-économiques,
culturelles, idéologiques, etc.
167
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Jodelet (1989, p.36) définit les
représentations sociales comme
«des phénomènes cognitifs
engageant l’appartenance sociale
des individus par l’intériorisation
de pratiques et d’expérience,
de modèles de conduite et de
pensée». Cela dit, la fille-mère est
perçue selon les représentations
sociales des individus.
168
En effet, la façon dont l’on gère
et utilise une ressource repose, en
partie, sur la représentation que
l’on se fait. Il est aujourd’hui admis
qu’une représentation sociale
entretient avec les pratiques qui
lui correspondent une relation
interactionnelle (Abric, 1994), et
que pratique et représentation
«s’engendrent mutuellement».
Ainsi, comme le soulignent Garnier
et Sauvé (1999), il existe un lien
étroit entre la représentation et
l’agir. Selon cet auteur (1989 ; p
39), la représentation sociale se
distingue par son caractère social.
Elle est élaborée et partagée par
tous les membres de la société.
Elle a une finalité d’organisation et
d’orientation des communications
et des conduites permettant
d’acquérir une vision de la réalité
commune à tous les membres
d’un ensemble social déterminé.
En somme, les membres d’un
groupe social ont en commun
des croyances, des idées, des
valeurs, des attitudes en un mot
des représentations.
En tant que modèle de
connaissance, la représentation
sociale implique d’abord
une activité de reproduction
des propriétés d’un objet,
s’effectuant à un niveau concret,
fréquemment métaphorique
et organisée autour d’une
organisation centrale. Cette
reproduction n’est pas dans
l’esprit d’une réalité externe
parfaitement achevé, mais un
remodelage, une véritable«
construction » mentale de l’objet,
conçu comme non séparable de
l’activité symbolique d’un sujet
; elle-même solidaire de son
champ social (Herzlich, 1972).
De son côté, Abric (1994a,
p.13) définit la représentation
sociale comme une vision
fonctionnelle du monde qui
permet à un individu ou un
groupe de donner un sens à
ses conduites et de comprendre
la réalité à travers son propre
système de référence, donc de
s’y adapter, d’y définir une place.
Pour cet auteur (1994a),
deux représentations d’un même
objet sont différentes si leur
système central est différent. Les
représentations sociales des fillesmères chez les ivoiriens seront
donc différentes selon leur genre et
leur âge car elles se constituent à
partir de leurs expériences et leur
vécu. Ainsi ces représentations
conditionnent leurs attitudes et
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
leurs comportements ; l’attitude
situant l’objet de la représentation
de manière positive ou négative.
Pour Ajcardi et Therme (2007), le
contenu de la représentation sociale
est lié à l’appartenance à un groupe
social et à l‘existence d’un objet
précis de représentation. Dans
notre cas, il est question de voir
sur quelle représentation s’érigent
le discours et le comportement
des ivoiriens concernant le
phénomène des filles-mères. Les
représentations sociales sont en
effet porteuses de sens, elles créent
du lien. En cela, elles ont une
fonction sociale en aidant les gens
à communiquer, à se diriger dans
leur environnement et à agir.
Les représentations sociales
engendrent donc des attitudes,
des opinions et des comportements. Quelles sont alors les
représentations sociales de la
fille-mère pour la population
ivoirienne ? De façon spécifique,
quel est l’impact du genre et de
l’âge sur les représentations des
habitants de la commune de
Port-Bouët au sujet des fillesmères scolarisées ?
Parmi la multitude des
approches théoriques et des
méthodes employées pour étudier
les représentations sociales,
l’approche structurale proposée
par Abric paraît la plus appropriée
pour atteindre les objectifs de cette
recherche. Selon cette approche,
la représentation sociale est
constituée par le système central
(noyau central) et le système
périphérique (Abric, 1994). Le
système central «est déterminé par
la nature de l’objet, par le type de
relations que le groupe maintient
avec cet objet, et finalement, par le
système de valeurs et de normes
qui constituent l’environnement
idéologique du moment et du
groupe»(Abric, 2001, p.43).
Composé d’éléments stables et
peu nombreux, le système central
de la représentation est une
manifestation de la pensée sociale
qui forme la part non négociable
de la représentation. Ces éléments
inscrits dans le noyau central sont
nécessaires et constituent des
prescriptions absolues. En ce qui
concerne le système périphérique,
il est constitué d’éléments en
grand nombre, instables qui font
l’interface entre les éléments
centraux et la situation dans
laquelle se trouve l’individu. Ils
concrétisent le noyau central en
créant une ambiance contextuelle
particulière (Ehrlich, 1985),
régulent la dynamique structurale
de la représentation et fonctionnent
comme un système de défense des
éléments centraux en intégrant les
changements à l’image d’un «parechoc» (Flament, 1987) qui amortit
et résorbe les chocs.
169
© educi
170
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
La théorie du noyau central
va donc nous permettre
d’appréhender les éléments
stables et résistants qui donnent
le sens de la représentation que les
ivoiriens ont des filles-mères ainsi
que les éléments périphériques
variables qui permettent la
compréhension de ce noyau. Ce
repérage du système central va
permettre l’étude comparative
des représentations au regard des
variables que sont le genre et l’âge.
De plus, le statut des éléments
centraux est susceptible de varier
en fonction «de la relation que le
groupe entretient à un moment
donné avec l’objet représenté
» (Abric &Tafani, 1995, p.31).
La théorie du noyau central en
tant que modèle explicatif des
représentations sociales nous
aidera à mieux comprendre
la structure interne de la
représentation du phénomène
des filles-mères par les ivoiriens.
Autrement dit, nous voulons
connaître les représentations
sociales de la fille-mère en milieu
scolaire, chez les hommes et les
femmes selon leur âge, de quoi sont
composées ces représentations et
comment elles sont structurées.
Fort de ces argumentations,
nous formulons les hypothèses
suivantes :
H1 : Les hommes ont une
représentation sociale des fillesmères différente de celle des femmes.
H2 : La composition et la
structure des représentations
sociales des filles-mères ne sont
pas les mêmes chez les jeunes et
chez les adultes.
2-Méthodologie
Au regard des hypothèses
ci-dessus, nous avons adopté
une approche comparative entre
les groupe de sujets. Comme
variables indépendantes, nous
avons le genre et l’âge. La variable
«genre», est de nature qualitative
avec deux modalités : masculin
et féminin. Elle est appréhendée
à travers le questionnaire
d’identification. En ce qui
concerne la variable «âge», elle
est de nature quantitative et se
regroupe en deux catégories : les
jeunes âgés de 16 ans à 35 ans
et les adultes de 36 ans à 55 ans.
La variable dépendante est la
représentation que les ivoiriens
ont de la fille-mère. Cette variable
est de nature qualitative. Elle
concerne les réponses des
répondants au questionnaire
d’évocation ou association libre
et qui représentent les structures
sociocognitives mises en œuvre
par les sujets à propos de la fillemère en milieu scolaire.
2.1. Population
Cette étude a été menée par
auto-questionnaires administrés
à un échantillon de cent (100)
sujets repartis en sous-groupes
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
selon le genre (50 hommes et 50
femmes) et l’âge (50 jeunes et 50
adultes). Ces sujets ont tous un
niveau d’études secondaires du
second cycle. La constitution de
cet échantillon s’est faite à l’aide
de la technique d’échantillonnage
accidentel.
La recherche a été réalisée
dans la commune de Port Bouët
qui fait partie des dix communes
du district d’Abidjan, capitale
économique de la Côte d’Ivoire.
Le choix de cette agglomération
n’est pas fortuit. Selon les
statistiques réalisées par le
Ministère d’Etat, Ministère du
plan et du développement (juillet
2012), la commune de Port
Bouët est l’une des communes
du district d’Abidjan où l’on
dénombre le plus grand de fillesmères en milieu scolaire (3,8%
du ratio national en 2012).
2.2. Dispositif
Le questionnaire a été construit
grâce à la littérature scientifique
relative aux méthodologies
de recueil et d’analyse des
représentations sociales (Doise,
Clémence &Lorenzi-Cioldi, 1992
; Abric, 2003). Il est composé de
trois volets comprenant en plus
du volet sociodémographique
classique (genre, âge, niveau
d’études, commune de résidence),
deux outils différents de recueil
des représentations : un
questionnaire d’évocation (Vergès,
Tyszka& Vergès, 1994) et un
questionnaire de caractérisation
(Flament, 1996).
Le questionnaire d’évocation
consiste à demander d’abord aux
sujets enquêtés d’énumérer les
cinq (5) mots qui leur viennent
à l’esprit lorsqu’ils entendent
l’expression «fille-mère». Ensuite,
ils doivent hiérarchiser les trois
mots les plus importants selon
un ordre décroissant. Enfin, une
dernière question est demandée
aux sujets de souligner les deux
mots les plus caractéristiques
selon eux de la «fille-mère».
Trois indicateurs de centralité
sont alors pris en compte simultanément. Il s’agit de la fréquence
d’évocation, du rang moyen
d’apparition et du soulignement du
mot (Grise, Vergès et Silem, 1987 ;
Vergès, 1992).
Pour définir les éléments du
noyau central de la représentation
sociale, nous avons utilisé la
méthode créée par Vergès (1992)
qui repose d’une part, sur une
analyse lexicographique et
d’autre part, sur la définition
de catégories. Ce traitement
s’effectue à l’aide d’un programme
informatique Evoc 2000 (version
2005). L’analyse lexicographique
permet à partir de la fréquence
d’apparition des termes, de leur
rang moyen d’évocation et de leur
importance (matérialisée par leur
171
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
soulignage) de caractériser les
éléments du noyau. Cette approche
postule qu’un mot apparaissant
fréquemment, en début d’évocation
et souligné revêt un caractère
central dans la représentation.
Il est ainsi possible de le définir
comme étant du noyau central ou
du système périphérique.
3-RÉSULTATS
Les résultats sont présentés
sous la forme d’une approche
comparative d’une part, entre les
hommes et les femmes et d’autre
part, entre les jeunes et les
adultes. Tous les questionnaires
sont exploitables à 100 %.
Les sujets ont élaboré 500
associations pour caractériser
le phénomène de filles-mères.
Ces mots et expressions ont été
distribués en 12 catégories qui
sont : «difficultés économiques»,
«inconsciente», «manque éducation», «immaturité», «courageuse»,
«violence», «avenir compromis»,
«irresponsabilité», «moralité»,
«déshonneur», «affection» et «cas
sociaux». Le nombre des mots
différents recueillis sur les données
générales de l’ensemble de la
population est de 149 et le rang
moyen est de 2,50 (classement
de 1 à 5).
172 3-1. Représentation sociale de la fille-mère par l’ensemble des
sujets enquêtés
Tableau I : Répartition des évocations chez l’ensemble des sujets selon la fréquence et le rang moyen
Rang moyen < 3
Rang moyen >= 3
Fréquence supérieure ou
égale à 10
25 Difficultés économiques (2.90)
21 immatures (2.25)
20 célibataires (2.25)
24 déscolarisation (3.20)
22 ignorantes (3.50)
Fréquence inférieure à 10
16 inconscientes (2.87)
14 irresponsables (3.02)
14 enfants indésirés (2.71)
14 Pas protection (2.18)
11 manque éducation (2.09)
6 avenirs compromis (2.72)
12 innocentes (4.08)
12 irrespectueuses (3.25)
Pour les sujets interrogés,
lorsqu’on parle de filles-mères
en milieu scolaire, les mots ou
expressions qui leur viennent en
tête sont : «difficultés économiques»
(25 fois ; rang : 2,90), «immatures»
(21 fois ; rang : 2,25) et «célibataires»
(20 fois ; rang : 2,25). Les
expressions «déscolarisation» (24
fois ; rang : 3,20), «ignorantes» (22
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
fois ; rang : 3,50), etc. sont plus ou
moins prises en compte dans les
évocations des sujets. Cependant,
ces éléments sont contenus dans
leur système périphérique. Ils
sont variables d’un sujet à un
autre en fonction des situations
immédiates. Ces éléments sont liés
aux conditions de vie des individus,
aux événements de tous les jours
auxquels ils sont confrontés.
Ce système périphérique est
composé de zones potentielles
de changement et de schèmes
périphériques. Le tableau 1 en
fait une illustration.
Cependant, l’analyse de la
centralité d’un élément ne peut se
limiter à sa valence quantitative.
C’est pourquoi, nous allons prendre
en compte la dimension qualitative
de ces éléments indiqués ci-dessus
à partir d’un graphe de similitude.
La qualité des éléments évoqués ne
peut être véritablement appréciée
que par leurs liens avec d’autres
schèmes d’évocation organisés.
Cette organisation est structurée
de la manière suivante :
173
Figure 1 : Graphe de similitude caractéristique de la fille-mère pour l’ensemble des sujets au seuil de 7%
© educi
174
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
L’examen du graphe de
similitude (figure 1) fait apparaitre
clairement qu’il existe bien
une représentation sociale de
la fille-mère partagée par la
population enquêtée. Le champ
représentationnel se structure
particulièrement autour de
quatre items qui sont : «manqueéducation», «immatures»,
«déshonneur», et «cas-sociaux».
Ce sont les éléments qui, dans
cette structure, ont plus de
relations (plus connexes) avec les
autres éléments. Nous pouvons
penser qu’ils jouent un rôle
organisateur et donnent un
sens à la représentation globale.
Cependant, les cooccurrences les
plus élevées se trouvent d’abord
entre les items «immatures» et
inconscients» (.13). Ensuite,
viennent les relations entre
«immature-manque éducation»
(.11), entre «avenir compromis–
cas sociaux» (.10), enfin «manque
éducation–inconscient» (.9). Ainsi,
à l’analyse, c’est le bloc composé
par le triangle sémantique
«immature-inconsciente-manque
éducation» qui est fortement
valorisé. Il semble donc exister
dans la représentation de la fillemère, une triple connotation.
Pour les habitants de Port-Bouët,
la fille-mère en milieu scolaire
est immature, inconsciente
et manque d’éducation. Pour
cette population, l’immaturité,
l’inconscience et le manque
d’éducation sont les principales
sources de sa grossesse en milieu
scolaire. Ici, les dimensions
psychosociale et socioéducative
sont donc mises en exergue.
Ces éléments constituent
ainsi la structure de base autour
de laquelle vont s’élaborer les
différentes représentations selon
le groupe d’appartenance.
3.2- Représentation sociale de la fille-mère selon le genre
Tableau II : Evocations hiérarchisées selon le genre
HOMMES
Fréquences
supérieures ou
égales à 10
Fréquences
inférieures à 10
FEMMES
Rang moyen < 3
Rang moyen >= 3
Rang moyen < 3
Rang moyen >= 3
25 difficultés
économiques (2.78)
12 avenir
compromis (2.95)
12 déscolarisation (3.10)
10 immatures (3.30)
6 grossesses précoces
(2.33)
13 célibataires (2.46)
11 immatures (2.54)
10 enfants indésirés (2.50)
10 innocentes (3.00)
10 pas protection (2.45)
16 ignorantes (3.40)
12 déscolarisations
(3.20)
10 irrespectueuses
(3.90)
7 célibataires (1.85)
7 naïveté (2.28)
6 innocentes (2.66)
5 insouciantes (2.80)
5 manque éducation
(1.60)
7 mineures (3.50)
6 ignorantes (3.60)
5 mode (4.00)
5 problème social (3.60)
5 irresponsables (3.20)
9 irresponsables (3.02)
6 avenir compromis (2.72)
6 difficultés éco. (2.71)
6 manque d’éducation
(2.09)
5 charges parentales
(3.60)
5 marginalisées (3.40)
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
L’analyse du tableau 2 cidessus nous indique que
pour les hommes, le champ
représentationnel du phénomène
des filles-mères est organisé
autour des éléments centraux que
sont : «difficultés économiques»
(25 fois ; rang : 2,78) et «avenir
compromis» (12 fois ; rang : 2,95).
Leur apparition dans le premier
quadrant indique qu’il s’agit
d’éléments les plus évoqués dans
cette population masculine. Ce
sont des composantes stables et
invariables. De ce qui précède,
il ressort que pour les hommes,
le phénomène des filles-mères
trouve son explication dans les
problèmes d’ordre économique.
De même, leur évocation centrale
fait allusion à l’avenir de ces filles
qui s’assombrit du fait de leur
maternité précoce survenue en
pleine année scolaire. Au niveau
du genre féminin, les éléments
centraux sont : «célibataires» (13
fois ; rang : 2,46), «immatures»
(11 fois ; rang : 2,54), «innocentes»
(10 fois ; rang : 3,00), «enfants
indésirés» (10 fois ; rang : 2,50)
et «pas protection»(10 fois ; rang
: 2,45). Les femmes enquêtées
évoquent ainsi des items qui ne
condamnent pas directement
ces filles scolarisées. A travers
le mécanisme d’identification
vicinale, les femmes enquêtées
ont tendance, par solidarité
féminine, à évoquer des items qui
dédouanent ces adolescentesmères comme si ces dernières
ne sont pas comptables de
leur grossesse prématurée. Ce
camouflage des femmes enquêtées
se remarque également dans le fait
que les items centraux (difficultés
économiques ; avenir compromis)
des hommes sont considérés
comme périphériques chez elles.
Les composantes des schèmes
périphériques sont les moins
évoquées par cette population
enquêtée. Elles sont négligeables
et pas trop prises en compte
par les enquêtés à cause de
ce qu’ils ne leur accordent
pas de l’importance ou les
méconnaissent. Cette disposition
est liée généralement aux
sensibilisations, aux évènements
divers que présentent les masses
médias et d’autres actions
menées par certains individus
visant le même but.
L’analyse de similitude
appliquée aux douze catégories
conçues nous a permis d’obtenir
le graphe suivant (figure 2) :
175
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Figure 2 : Graphe de similitude pour l’échantillon des hommes au seuil de 3%
Le graphe de similitude (figure
176 2) montre que les éléments les
plus connexes donc supposés
centraux dans la représentation
sociale des hommes sont les items
«manque éducation», «immature»,
«déshonneur», «cas sociaux»,
«irresponsable». Ce sont ces
éléments qui ont plus de relations
avec les autres cognitions du
champ représentationnel. Cette
puissance associative est une
des propriétés fondamentales
des éléments centraux d’une
représentation. Elle est inhérente
à leur fonction génératrice
de sens. Par ailleurs, nous
remarquons que l’indice de
similitude le plus élevé se trouve
entre «cas sociaux» et «avenir
compromis» (.7) suivi de l’item
«immature-inconsciente» (.6),
«immature-manque éducation»
(.6). Pour les hommes, les fillesmères représentent celles qui ont
un avenir incertain pour ellesmêmes, pour l’enfant qu’elles
engendrent en tant qu’élèves.
Elles abandonnent les études
avec la responsabilité d’éduquer
un autre enfant étant ellesmêmes éduquées par leurs
parents.
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
Figure 3 : Graphe de similitude pour l’échantillon des femmes au seuil de 4%
Ici, les données et l’analyse du
graphe de similitude construit
par les femmes, montrent
que leur représentation
sociale est organisée autour
de quatre items fédérateurs
qui concentrent le maximum
de relations. Ce sont les items
«immature», «manque éducation»,
«inconsciente», «déshonneur».
L’item «inconsciente» est l’élément
central prioritaire de cette
structure et est composé de
«manque éducation», «immature»,
«inconsciente». Ce sont donc les
éléments structurants de cette
représentation. Les cooccurrences
les plus élevées se situent entre
«inconsciente-immature» (.7) et
«inconsciente-manque éducation»
(.7). Pour les femmes, la fille-mère
est vue comme une inconsciente.
Ce qui l’amène à adopter des
comportements à risque comme
les rapports sans protection.
3.3- Représentation sociale de la fille-mère selon l’âge
Tableau 3 : Evocations hiérarchisées selon l’âge
JEUNES
Rang moyen < 3
Fréquences
supérieures ou
égales à 10
Fréquences
inférieures à 10
19 difficultés
économiques (2.78)
12 avenir
compromis (2.92)
7 célibataires (1.85)
6 innocentes (2.66)
6 grossesses précoces
(2.33)
5 insouciantes (2.80)
5 manque éducation
(1.60)
ADULTES
Rang moyen >= 3
Rang moyen < 3
Rang moyen >= 3
24déscolarisation (3.10)
22 immatures (3.50)
17 difficultés économiques.
(2.52)
11 immatures (2.72)
11 célibataires (2.36)
10 innocentes (3.00)
13 ignorantes (3.40)
11 déscolarisation
(3.40)
10 irrespectueuses
(3.30)
7 mineures (3.50)
6 ignorantes (3.60)
5 mode (4.00)
5 problème social (3.60)
8 irresponsables (3.62)
6 inconscientes (2.87)
6 enfants indésirés (2.51)
6 pas protection (2.50)
5 avenir compromis (2.82)
6 innocentes (4.10)
5 mode (4.00)
5 pauvreté (4.00)
5 irresponsables (3.25)
177
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Au vu du tableau ci-dessus
(Tableau 3), il apparait spécifiquement chez les jeunes les
termes suivants : «difficultés
économiques» (19 fois ; rang :
2,78) et «avenir compromis» (12
fois ; rang : 2,92).
178
Les fréquences élevées et
les rangs faibles de ces mots ou
expressions les situent dans le
cadrant supérieur du tableau,
faisant d’eux des éléments
caractéristiques du noyau central
de ce groupe. Ainsi, chez les
jeunes, la question de la fille-mère
est abordée en termes d’avenir
compromis et de difficultés
économiques. En tant que jeunes,
ils se sont mis à la place de ces
filles capables de compromettre
leur avenir en cas de grossesse.
Pour eux, les difficultés
économiques constituent les
raisons fondamentales qui
peuvent amener des filles à
contracter une grossesse pendant
leur cursus scolaire.
Les éléments représentationnels
du système périphérique sont :
«déscolarisation» (12), «immature»
(10), «grossesse précoce» (6). Ils
sont issus des zones potentielles de
changement et varient à tout moment
en fonction des circonstances
Au plan structural, l’analyse de
similitude a permis d’obtenir le
graphe suivant (figure 4) :
Figure 4 : Graphe de similitude pour l’échantillon des jeunes au seuil de 3%
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
Le graphe de la figure 4 fait
ressortir l’item «immaturité» qui
est l’élément central prioritaire
de cette structure. Ce graphe
se compose d’items comme
«déshonneur», «immature»,
«irresponsable». Ce sont les
éléments structurants de cette
représentation. Cependant, la
cooccurrence la plus élevée
se situe entre «immature»,
«déshonneur» et «immature»,
«manque éducation» (.6). Ce
qui signifie que pour la plupart
des jeunes ces éléments vont
ensemble. Ceci peut s’expliquer
par le fait que pour les jeunes, la
fille mère en milieu scolaire est
une immature et avec son état
de grossesse, elle représente un
déshonneur pour sa famille. Les
dimensions socioculturelles et
psychosociales évoquées sont
l’immaturité, le déshonneur.
179
Figure 5 : Graphe de similitude pour l’échantillon des adultes au seuil de 3%
L’observation attentive puis
l’analyse du graphe de similitude
(figure 5) de la représentation
construite par les adultes de
notre échantillon montrent que
leur représentation de la fillemère est organisée autour de
quatre items qui sont : «manque
éducation», «inconsciente»,
«difficultés économiques» et «cas
sociaux».Ce sont les éléments
saillants et les plus connexes
dans la représentation de la
fille-mère en milieu scolaire de
ce groupe. Par ailleurs, le score
de cooccurrence le plus fort est
compris entre «inconsciente»
et «immature» (.10). Ensuite,
nous avons «immature-manque
éducation» (.5), «manque
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
éducation-inconsciente» (.5),
enfin «avenir compromis- cas
sociaux» (. 5).
Il semble donc que ce sont
les éléments organisateurs qui
donnent à la représentation
sociale toutes ses propriétés
significatives et le sens de
la configuration définie par
le champ représentationnel.
Ainsi, les adultes focalisent leurs
représentations sur l’immaturité,
l’inconscience et sur le manque
d’éducation. Ce sont les
dimensions psychosociales et
socioéducatives qui sont mises
en exergue.
4. DISCUSSION
180
La présente étude tente de
déterminer les représentations
sociales développées à l’égard du
phénomène de filles-mères en
milieu scolaire. Les hypothèses
ont porté sur l’incidence des
différences individuelles sur
la représentation sociale de la
fille-mère. Pour effectuer cette
étude, nous avons essentiellement
travaillé sur du matériau
discursif (association de mots).
Dans l’exploitation des données,
nous nous sommes appuyés sur
deux techniques d’analyse des
données formelles (SIMI 2005 et
EVOC 2005). Cette triangulation
méthodologique a permis de faire
ressortir des éléments qui seraient
passés inaperçus dans la logique
d’une seule méthode. L’utilisation
simultanée des deux techniques a
consolidé les analyses suggérées
par les données de l’enquête.
Les résultats auxquels nous
sommes parvenus dans cette
perspective pluri méthodologique
(association de mots et analyse
de similitude), confirment nos
hypothèses. En effet, l’analyse
du repère sémantique utilisé par
chaque population montre que les
représentations sont différentes
d’un groupe à un autre.Les jeunes
considèrent la fille-mère, comme
une personne immature qui
manque d’éducation et avec son
état de grossesse précoce à l’école,
elle représente un déshonneur
pour sa famille. Leurs structures
cognitives sont surtout centrées
sur la dimension culturelle.
Concernant la population des
adultes, la fille mère est une
personne immature, inconsciente
qui manque d’éducation. Elle n’a
pas la capacité requise pour être
mère et assurer une éducation
parce qu’elle-même est une
enfant. Les adultes insistent sur
la dimension psychologique et
éducative.
En ce qui concerne les femmes,
elles qualifient la fille-mère
d’inconsciente. Pour elles, c’est son
inconscience qui lui a permis de
contracter une grossesse en étant
à l’école nonobstant les méthodes
contraceptives existantes. Quant
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
aux hommes, ils perçoivent le côté
social c’est-à-dire l’avenir de la
fille. La mère et l’enfant ayant un
avenir incertain.
Ces résultats peuvent s’expliquer de différentes manières.
En effet, de nombreux travaux
menés sur les représentations
sociales ont mis en évidence que
ces derniers sont la résultante
organisée d’un grand nombre
d’interactions sociocognitives.
On peut dire que les résultats
viennent confirmer la thèse selon
laquelle les éléments centraux
d’une représentation sont liés
aux normes, aux valeurs, aux
attentes d’un groupe social.
Ainsi, les significations que les
sujets attribuent à l’objet de la
représentation sont largement
déterminées par les valeurs,
les idées, les modèles et les
références du groupe auxquels
ils appartiennent. Ce sont donc
les pratiques liées au milieu
qui ont une influence sur les
représentations (Flament,
1989 ; Doise, 1985, 1994). Les
représentations sociales sont des
principes générateurs des prises
de position qui sont liées à des
insertions spécifiques dans un
ensemble de rapports sociaux. Ces
prises de position s’effectuent dans
des rapports de communication et
sont activées selon le contexte
social (Doise, 1985).
Par ailleurs, ces résultats
révèlent que l’item «manque
éducation» est l’élément central
prioritaire (Rateau, 1995;
Moliner, 1998 ; Flament, 1994).
Cela signifie qu’il constitue
un élément déterminant et
véritablement inconditionnel. Les
autres éléments centraux sont
qualifiés d’éléments centraux
adjoints (Rateau, op. cit.). C’està-dire, qu’ils n’ont pas la même
saillance prescriptive que l’item
«manque éducation». Ainsi,
tous les éléments faisant partie
du noyau central n’ont pas le
même rôle, le même poids. Leur
importance relative peut varier
d’un groupe social à un autre
voire pour un même groupe,
d’une situation à une autre. Dans
notre cas ici, l’item «manque
éducation» joue davantage le rôle
de principe organisateur que les
autres éléments.
Par ailleurs, nous nous
demandons si cette expansion
du phénomène n’est pas liée à
des facteurs tels que la perte des
repères traditionnels des parents
et la modernisation.
CONCLUSION
L’étude des représentations
sociales des Ivoiriens à l’égard
du phénomène des fillesmères en milieu scolaire a été
menée dans une perspective
représentationnelle. Nos objectifs
181
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
étaient de mettre en évidence
le contenu et les éléments
structuraux des représentations
sociales de la fille-mère chez
les populations ivoiriennes, de
faire une différenciation des
représentations de quatre souspopulations étudiées.
182
A la lumière des concepts
théoriques et de l’analyse des
questionnaires, nos résultats
montrent une divergence des
représentations sociales de la
fille-mère chez les individus.
Ainsi, les principaux résultats
fournis par cette étude permettent
de faire émerger, les attitudes,
les croyances, les opinions,
c’est-à-dire les représentations
sociales de la fille-mère dans
une partie de la population. Ils
viennent ainsi non seulement
confirmer mais compléter les
résultats antérieurs sur le sujet
en y intégrant un autre regard
qui est d’ordre psychosocial.
Par ailleurs, cette étude a montré
que le concept de représentation
sociale constitue un cadre
d’analyse pertinent susceptible de
fournir des résultats intéressants
dans l’analyse, l’interprétation et
la compréhension des processus
éducatifs. Elle peut être enrichie
par d’autres recherches prenant
en compte la représentation
culturelle, économique et sociétale
chez cette population ivoirienne.
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
Abric, J.-C. .(1994a), Les représentations
sociales : aspects théoriques. In J.-C
Abric (éd.), Pratiques sociales et
représentations, Paris, PUF, 11-36.
Abric, J.-C. (1994b), Introduction. In
J.-C. Abric (éd.), Pratiques sociales
et représentations, Paris, PUF, 7-9.
Abric, J.-C. (2007), Méthodes d’études
des représentations sociales,
Ramonville Saint-Agne, Erès, , 295
pages.
Abric, J.-C. et Tafani, E. (1995), Nature
et fonctionnement du système
central d’une représentation
sociale : les représentations des
entreprises. Cahiers Internationaux
de Psychologie Sociale, 22-31.
Bédé, C. (2013), Education Nationale :
grossesses en milieu scolaire. Notre
Voie, n°4508 ((mardi 3 septembre),
page 8.
Ajcardi, R. et Therme, P. (2007),
Représentation sociale d’un sport
à risques en fonction de la pratique
sportive et de la modalité de pratique
: l’exemple du ski extrême. Papers on
Social Representations, 16, 1.1-1.20.
Filakembo, C. M. (2006), Filles mères et
conflits familiaux dans les ménages
de Kinshasa. Une enquête menée
dans la commune de Bumbu.
Mémoire de licence en sociologie,
Université de Kinshasa, inédit.
Corcoran, J. et al. (2000), Ecological
factors associated with adolescent
pregnancy and parenting. Social
Work Research, 24, 1, 29-39.
GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu...
Davies, S. et al. (2003), Pregnancy desire
among disadvantaged African,
American adolescent females.
American journal of health behavior,
55-62.
Dmoss (2013), Enquête de la direction
de la planification de l’évaluation
des statistiques, Abidjan, inédit, 89.
Doise, W. (1985), Les représentations
sociales : Définition d’un concept.
Connexions, 45, 243-253.
Doise, W. (1994), Représentations
sociales chez des élèves: effets du
statut scolaire et de l’origine sociale.
Revue Suisse de Psychologie, 67-78.
Dpes, (2013), les statistiques du Ministère
de l’Education Nationale et de
l’Enseignement Technique, Abidjan,
inédit, 165 pages.
Dubois, M. (2011), Mères mineures,
grossesses précoces : regards
croisés entre professionnels et
jeunes. Rapport de stage en sciences
politiques aux droits des enfants
à l’Institut d’Etudes Politiques de
Paris, 8-9.
Ehrlich, S. (1985), La notion de
représentation : diversité et
convergence. Psychologie française,
30, 3-4.
Flament, C. (1989), Structure et
dynamique des représentations
sociales. C.Guimelli (Eds), Les
représentations sociales, Paris,
Presses Universitaires de France,
204-219.
Flament, C. (1994), Structure, dynamique
et transformation des représentations
sociales. J-C. Abric (éd.), Pratiques
sociales et représentations, Paris,
PUF, .36-58.
Francher, P. et Madelenat, P. (2002),
Maternité à l’adolescence : analyse
obstétricale et revue de l’influence
des facteurs culturels, socioéconomiques et psychologique à
partir d’une étude rétrospective de
62 dossiers. Gynécologie, obstétrique
et fertilité, 944-952.
Garnier, C. et Sauvé, L. (1999), Apport
de la théorie des représentations
sociales à l’éducation relative à
l’environnement. Conditions pour
un design de recherche, Éducation
relative à l’environnement, Arlon,
FUL, 65-77.
Gnamba, A. P. et Mounou, A. M.
(2013), Représentation sociale du
phénomène des filles-mères en
milieu scolaire. Mémoire de Maîtrise,
Abidjan, Université Felix Houphouet
Boigny, 63 pages et annexes.
Gneproust, M. (2008), Grossesses en
milieu scolaire. Frat.Mat, 13214,
(jeudi 27 novembre), page 7.
Grize, J. B. et al. (1987), Salariés face
aux nouvelles technologies: vers
une approche sociologique des
représentations sociales, Paris,
CNRS, 223 pages.
Herzlich, C. (1972), La représentation
sociale. In MOSCOVICI (S.),
Introduction à la psychologie sociale,
Larousse, Paris, pp. 303-325.
Jodelet, D. (1989), Folies et représentations
sociales, PUF, Paris, 398 pages.
Kamuna, M. (1996), Le désordre sexuel
et l’enfance difficile. Cas de la
zone de Katuba », Mémoire de
licence en sociologie, Université de
Lubumbashi.
Le Van, C. (1998), Les grossesses à
l’adolescence: normes sociales, réalités
vécues. L’Harmattan, Paris, 205 pages.
183
© educi
184
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Lefebvre, A. (2007), Ni filles, ni femmes :
ces inclassables filles mères, Mémoire
de diplôme d’études spécialisées en
anthropologie, UCL, Louvain-laNeuve,.
Marcelli, D. (2000), Adolescence,
grossesse et sexualité : une
douloureuse conjonction. Actes du
colloque Grossesse et Adolescence
(9 décembre), Poitiers.
Loignon, C. (1996), L’adolescence
bousculée, prévention et soutien
de la grossesse et de la maternité
/ paternité à l’adolescence : État
de la situation pour la région de
Montréal, Rapport de recherche
menée dans le cadre du programme
projet placement carrière, ,http://
wwwCam.org/~rnr/adolescence.
[Page consultée le 10 juillet 2013].
Ministère du plan et du développement
(2010). Plan quinquennal de
développement : 2010-2014, Abidjan,
inédit, 234 pages.
Moliner, P. (1998), Dynamique et nature
des représentations sociales. Cahiers
Internationaux de Psychologie
Sociale, 40, pp.62-70.
Morf, A. (1984), Expérience, connaissance
et représentation. - Tentative
d’unification. In B. Schiele (Eds) Les s
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
STATUT ET REPRESENTATIONS SOCIALES DU
BACCALAUREAT CHEZ LES PARENTS ET LES ELEVES DES
ETABLISSEMENTS SECONDAIRES
DU DISTRICT D’ABIDJAN.
KEI MATHIAS,
Université Felix Houphouët
Boigny Cocody [email protected]
RESUME
ABSTRACT
Le baccalauréat occupe une place
de choix dans le cursus scolaire et
universitaire. Mais depuis un certain
temps, du fait d’un certain nombre de
facteurs socioéconomiques, il se pose
des questions liées à son image, à son
utilité. Cette étude vise à déterminer,
le contenu et l’organisation des
représentations sociales construites
par les parents et les élèves à propos
de ce diplôme. Les réponses recueillies
et analysées, permettent de conclure
que les représentations sociales
des deux populations ne sont pas
identiques. Si le baccalauréat demeure
encore un diplôme important pour les
deux populations, pour les parents
l’acquisition de ce diplôme marque
le début des souffrances alors que
pour les élèves, il est synonyme de
maturité, d’autonomie et permet
d’ouvrir plusieurs portes.
The baccalaureat occupies a
place of choice in the university and
school course of study. But since
a moment, because of some facts,
questions concerning its image and
its utility are raised. This study
aims at determining, the contents
and the organization of the social
representations built by the parents
and the pupils concerning this
diploma. The answers collected
and analyzed, allow concluding
that the social representations of
both populations are not identical.
If the baccalaureat still remains
a significant diploma for both
populations, for the parents the
acquisition of this diploma marks the
beginning of the sufferings whereas
for the pupils, it is synonymous with
maturity, autonomy and can permit
to open several doors.
Mots-clés : diplôme, baccalauréat,
parents, élèves, représentations
sociales, éléments centraux, éléments
périphériques.
Key words:diploma, baccalaureat,
parents, pupils, social representations,
central elements, peripheral elements.
185
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
1-PROBLEMATIQUE
186
Les travaux consacrés aux
attentes des individus par
rapport aux études sont en
grande partie en rapport avec
la nature des bénéfices que les
sujets entendent tirés de leur
cursus scolaire et universitaire.
(Tafani, 1997, 2011 ; Bourdieu,
1998 ; Flament, 1999 ; Tafani et
Bellion, 2001). Leurs conclusions
concernent les finalités
poursuivies par les sujets. Ainsi
certains sujets privilégient soit la
finalité intellectuelle des études,
c’est-à-dire leurs bienfaits ou leur
apport en termes de connaissance
acquise et d’épanouissement
personnel, pour d’autres c’est
la finalité pragmatique, qui est
en rapport avec les perspectives
professionnelles. D’autres encore
insistent sur les investissements
qu’elles requièrent notamment
en termes d’efforts à fournir et
de travail à réaliser.
La question de la réussite ou
des bénéfices attendus des études
a été également analysés sous
le prisme du rapport au savoir
(Charlot, 1997, 1999, 2003 ;
Mosconi, Beillerot et BlanchardLaville, 2000 ; Perrenoud, 1995 ;
Doise, 1994). Cette notion peut
se définir comme l’ensemble
organisé des relations qu’un
sujet entretient avec tout ce
qui relève de l’apprendre et du
savoir ou encore, le rapport
au monde à l’autre et à soimême d’un sujet confronté à la
nécessité d’apprendre. (Charlot,
1997). Ainsi l’entrée à l’école
questionne, et peut modifier et
transformer le rapport au savoir
de l’adolescent. Il s’approprie
non seulement des objets de
savoir-faire et des savoirs être
susceptibles d’engendrer des
conflits avec les savoirs familiaux
en termes de perception de la
réussite, du rendement scolaire.
Pour donc comprendre le
rapport au savoir d’un individu,
il fau t prendre en compte
son appartenance sociale,
l’influence de l’environnement
économique et socio- culturel
sur le sujet. Car, l’école où se fait
la transmission des savoirs est
traversée par des changements
sociétaux, culturels, conceptuels
qui bousculent nécessairement
les représentations du savoir.
Généralement, le regard que l’on
pose sur les objets et les autres
sont liés à notre appartenance
ou la position sociale que l’on
occupe ou encore le statut
et le rôle que nous jouons.
Car le baccalauréat depuis
des décennies est un diplôme
important qui constitue l’une des
étapes déterminantes du cursus
scolaire et universitaire. Et
pourtant aujourd’hui, ce diplôme
sous l’influence conjuguée de
plusieurs facteurs, semble-t-
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
il, est en train de perdre son
lustre d’antan. Au nombre de ces
facteurs on peut citer d’une part,
le manque d’infrastructures
d’accueil dans les universités
qui contraste avec la demande
toujours croissante, les systèmes
endémiques de tricheries
développés par les parents,
les élèves et les enseignants,
la baisse continue du niveau
des candidats au baccalauréat
depuis 1990, qui a conduit,
sur la pression des parents
d’élèves à la délivrance de faux
baccalauréats (Fadiga,1997).
D’autre part, les différentes
réformes subies par cet examen,
la dégradation des conditions
socio-économique des étudiants
et les années universitaires
interminables, conséquences
de grèves intempestives, ont
certainement eu raison de
l’image et de la perception de ce
diplôme par les parents d’élèves
et les élèves eux-mêmes.
Cependant, les réalités telles
que présentées ne sont pas
saisies en tant que tel par les
sujets, elles sont décodées,
réappropriées, ce qui aboutit
certainement à un système de
représentation.
Or depuis les travaux de
(Moscovici, 1961), il est établi
que les relations des individus au
monde extérieur sont médiatisées par les représentations sociales.
C’est pourquoi, notre travail
s’inscrit dans la problématique
théorique des représentations
sociales. Et notamment, la
théorie du noyau central (Abric,
1987,1994, 2003). Selon cette
approche, la structure d’une
représentation sociale a pour
caractéristique essentielle
d’être organisée autour d’un
noyau central. Ce noyau est
un élément ou un ensemble de
quelques éléments qui donnent
à la représentation sa cohérence
et sa signification globale.
L’absence ou la transformation
des éléments du noyau central
entraine un bouleversement
de la représentation car ce
sont ces éléments qui sont
générateurs de la signification
de la représentation. Dès lors,
il est clair que toute analyse de
représentation doit consister à
déterminer ce noyau central.
C’est pourquoi nous formulons
l’hypothèse de travail suivante :
le statut de parent d’élèves
ou d’élève, a une incidence
sur la représentation sociale
du Baccalauréat. Ainsi, les
élèves et leurs parents ont une
représentation sociale différente
de la réussite au baccalauréat.
Ainsi, les élèves vont privilégier
les constructions représentatives
valorisantes fondées sur les
cognitions relatives à leur
épanouissement alors que les
187
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
parents vont organiser leurs
représentations autour des
aspects négatifs.
2- OBJECTIFS DE L’ETUDE
2.1. Objectif général
Connaitre et analyser les
représentations sociales du
baccalauréat par les parents
et les élèves des classes de
terminales.
2.2. Objectifs opérationnels
• déterminer le contenu et
l’organisation des représentations
sociales du baccalauréat chez les
parents et les élèves.
188
• comparer les représentations
sociales de ces deux sous
populations.
3. LA METHODOLOGIE
3.1. INSTRUMENTS DE
RECUEIL DES DONNEES
Nous avons adopté une
perspective méthodologique
plurielle, en utilisant plusieurs
instruments de recueil des
données. Ainsi, cette volonté de
connaître à la fois le contenu et
l’organisation de la représentation
sociale du baccalauréat par les
élèves et leurs parents, nous a
conduit à utiliser une méthodologie
qui associe à la fois association
libre et une technique formelle
d’analyse des données , l’analyse
de similitude. L’association libre
consiste à proposer aux sujets
enquêtés un mot inducteur et à leur
demander de produire, les mots,
les adjectifs, les expressions, et
tout ce qui vient à l’esprit lorsqu’ils
pensent au mot inducteur. C’est
une technique très souvent utilisée
dans les études entreprises sur les
représentations sociales, (Grize,
Vergès&Silem, 1987 ; Vergès,
2001; Flament, 1981 ; Flament,
Rouquette, 2003). L’application
de chaque instrument correspond
à une étape de la recherche, il ne
s’agit point d’une juxtaposition de
techniques.
3.2. INSTRUMENTS DE
TRAITEMENT
ET
D’ANALYSE DES DONNEES
Les éléments ainsi recueillis ont
été analysés et interprétés selon la
méthode de Vergès, qui consiste
à tenir compte simultanément
de la fréquence du mot et de
son rang d’apparition. Ces deux
critères permettent d’établir un
tableau à 4 cases où les mots
sont classés en fonction de leur
fréquence et de leur rang moyen.
La case où il y a une congruence
positive entre ces deux critères
(très fréquents et premiers
rangs), c’est la case des éléments
centraux de la représentation
sociale sous étude. Les autres
les éléments constituent des
éléments périphériques. Les
données ont été traitées à l’aide
des logiciels SIMI et EVOC 2005.
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
3.3. POPULATION- ECHANTILLON
Cette recherche a été réalisée à
partir d’un échantillon de 200 sujets
des lycees du district d’Abidjan.
Il s’agit de cent (100) élèves en
classes de terminales toutes séries
confondues candidats au bac. Cet
échantillon d’élèves est composé de
50 pour cent de filles et 50 pour cent
de garçons dont l’âge varie entre 16
ans et 22 ans. L’échantillon des
parents est composé de 100sujets
dont les enfants sont en classe
de terminale et, donc préparent
effectivement le baccalauréat.
Cependant, compte tenu de la
nature du questionnaire pour que
les parents puissent le remplir
eux-mêmes, sans intermédiaire,
nous avons pris la précaution
d’administrer le questionnaire aux
parents ayant le niveau bac et plus.
L’âge desdits sujets varie entre 45
ans et 60 ans.
3.4. LES VARIABLES DE
L’ETUDE
Pour cette étude qui vise à
déterminer la représentation
sociale du baccalauréat, nous
avons adopté une approche
comparative. Ainsi pour vérifier
la validité des hypothèses qui
viennent d’être définies nous
avons deux types de variables.
Les variables dépendantes qui
concernent les réponses des
répondants au questionnaire
d’évocation ou association
libre et qui représentent les
structures sociocognitives
mises en œuvre par les sujets
à propos du Baccalauréat. Les
variables indépendantes quant
à elles concernent le statut des
répondants ; cette variable à
deux modalités à savoir : parent
d’élèves ou élève de Terminale.
3.5. LA PROCEDURE
D’ENQUETE
Les élèves des classes
de terminales ont reçu le
questionnaire en situation de
classe. Ils l’ont donc rempli sur-lechamp et l’ont remis à l’enseignant
présent à l’heure de cours. Quant
aux parents, ils ont reçu le
questionnaire par l’intermédiaire
de leurs enfants. Ils disposaient
d’un délai d’une semaine pour le
remplir. Si le taux de retour pour
les élevés est de 100%, ce taux
pour les parents était de 40 %,
tandis que taux de questionnaire
exploitable était de 80%.
4. PRESENTATION DES
RESULTATS DE L’ETUDE
Les données recueillies ont
été traitées à partir du logiciel
(analyse d’évocation de Vergès)
afin de repérer à la fois les points
communs et les singularités de
chaque population.
La méthode rang/fréquence
(Grize, Verges, &Silem, 1987)
s’est imposée comme la plus
189
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
adéquate pour rendre compte
de la représentation sociale du
baccalauréat chez les parents
et les élèves. Les résultats sont
présentés sous la forme d’une
approche comparative entre
les deux groupes de sujets. Les
évocations de la population totale
sont présentées dans le tableau1.
Tableau 1 : Analyse des évocations globales
Rang moyen <3
Rang moyen >=3
54 accès-études-supérieures 50 début-souffrances 3.140
Fréquences
2.578
supérieures
66 dévalorisé 3.042
ou
42 clé-réussite 1.776
46 indépendance 3.379
égales à 30
30 diplôme-important 1.977
35 libération 3.30036
maturité 3.439
25 fin-cycle-secondaire
2.460
190
20 niveau-faible 4.750
Fréquences
25 premier-diplômeinférieures
u n i v e r s i t a i r e 21 problèmes-orientation
à 30
4.61929 tricheries 3.862
1.640
24 réalisation-rêve 2.092
La population globale (200 sujets) a produit 1262 évocations
constituées de 453 mots différents.
Cela signifie que chaque sujet a
évoqué en moyenne 6.31 mots.
Cela démontre une certaine
connaissance du sujet. Il ressort
de l’examen du tableau1 que :
Dans la case en haut à gauche,
censée contenir les éléments
centraux (très fréquents et premiers
rangs), nous trouvons : accèsétudes-supérieures (54), clé de la
réussite(42), diplôme important(30).
Cependant, dans case réservée à la
première périphérie, nous avons
les items avec des fréquences
particulièrement élevées : dévalorisé
(66), début de souffrances(50),
indépendance(46), libération(35).
Les éléments périphériques
sont : fin de cycle secondaire(25),
premier diplôme universitaire(25),
réalisation d’un rêve(24).
Le tableau2, nous présente
les évocations des élèves.
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
Tableau 2 : Analyse des évocations des élèves.
Rang moyen <3
Rang moyen >=3
23 accès-étudesFréquences supérieures 2.930
supérieures 30 clé-réussite 2.200
ou égales
24 réalisation-rêve 2.592
à 20
43 indépendance 3.05642
fierté-parents 4.371
35 libération 3.800
24 maturité 3.300
17 diplôme-important
19 f in-uniforme 5.747
2.741
Fréquences
10 fin-cycle-secondaire 14 joie 5.571
inférieures
2.900
12 ouvre-portes 3.550
à 20
1 1 p r e m i e r - d i p l ô m e - 12 respect 5.550
universitaire 1.982
La lecture de ce tableau
nous permet de repérer les
différents éléments du champ
représentationnel des élèves. Dans
le groupe des élèves (100 sujets),
parmi les 659 mots cités 222
sont différents. Ainsi, la moyenne
des mots s’élève à 6.39, ce qui
est légèrement supérieur à la
moyenne de la population totale.
Il apparait que le noyau central
du champ représentationnel
des éléments suivants : clé de la
réussite(30), réalisation d’un rêve
(24), accès aux études supérieures
(23). La première périphérie est
constituée de : indépendance(43),
une fierté pour les parents (42),
libération (35), maturité (24). Les
éléments périphériques sont :
diplôme important (17), premier
diplôme universitaire (11), fin du
cycle secondaire (10).
Dans l’ensemble, la représentation
du bac par les élèves s’organisent autour
d’items à connotation positive.
Le tableau 3 rend compte
des différents éléments du champ
représentationnel social du bac par les
parents d’élèves :
191
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
Tableau 3 : Analyse des évocations des parents
Rang moyen <3
Rang moyen >=3
28 accès-études-supérieures
2.521
23 niveau-faible 3.200
Fréquences 49 début-souffrances 2.914
21 problèmes-orientation
supérieures
3.819
60
dévalorisé
2.693
ou égales à
20
4 3 p r e m i e r - d i p l ô m e - 64 tricheries 3.497
universitaire 1.674
19 chômage 2.568
Fréquences 14 fin-cycle-secondaire 2.486
inférieures
10 ouvre-portes 2.000
à 20
17perte-crédibilité 2.612
192
Les cet (100) sujets ont
produits 587 mots dont 219 mots
différents, ce qui équivaut à 5.87
mots par personne. On note donc
que de ce point de vue, il n’y a
de différences significatives entre
les deux populations.
Il ressort de cet tableau que
le noyau central qui structure
la représentation sociale du
baccalauréat par les parents est
composé de: dévalorisé (60), début
des souffrances (49), premier
diplôme universitaire (43), accès
aux études supérieures(28) ;
La premier périphérie est
constituée de ; tricheries (64),
niveau faible (23),problèmes
d’orientation (21). Les éléments
périphériques sont : chômage
(19), début des dépenses (18),
18 début-dépenses 4.867
11 maturité 4.836
perte de crédibilité (17), fin cycle
secondaire (14), maturité (11),
ouvre-portes (10), accès aux
concours (10). L’analyse au plus
près de cette structure, révèle que
les parents majoritairement ont
une représentation négative du
baccalauréat aujourd’hui.
Au total, on note un décalage
entre les représentations des élèves
et celles de leurs parents. Pour les
parents le bac est vu comme un
diplôme déprécié qui est sources de
souffrances et de difficultés pour
les parents et les enfants.
Il est intéressante de vérifier
si les éléments qui ressortent
des représentations de chaque
groupe comme étant les plus
caractéristiques du baccalauréat
sont isolés et n’appartiennent
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
pas à aucune catégoriel
représentatives ou au contraire,
si chacun de ces mots fait partie
intégrante d’un ensemble de
mots sémantiquement voisin.
Pour la totalité des
évocations, nous avons regroupé
par catégories tous les mots
relevant d’un même ensemble
sémantique. En procédant ainsi
nous avons constitué douze
(12) catégories qui sont : accès
à l’emploi, accès aux études
supérieures, acquisition du
savoir, début des souffrances,
dévalorisé, diplôme important,
autonomie, maturité, nouvelle
vie, ouvre des portes, satisfaction,
perte de crédibilité. Sur ces
catégories nous avons effectué
une analyse de similitude pour
déterminer quelles sont celles
qui sont les plus connexes, donc
centrales dans la représentation
de chaque groupe de sujets.
Figure 1 : Representation sociale du baccalaureat par l’ensemble des sujets.
193
Les résultats, (cf. figure1),
montrent que la représentation
sociale du baccalauréat dans
l’ensemble de la population est
organisée autour de trois (3)
sphères sémantiques reliées
entre elles par des indices
de similitudes assez fortes :
-satisfaction- autonomie, nouvelle
vie ,-début des souffrances, perte
de crédibilité, dévalorisé ;
- diplôme important, ouvre
des portes, accès aux études
supérieures.
L’examen minutieux du graphe
révèle que trois items se distinguent
par la force de leurs relations en
concentrant le maximum de
relation avec les autres éléments
du champ représentationnel :
satisfaction, diplôme
important,début des souffrances.
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
On peut penser qu’ils jouent un
rôle organisateur et donnent un
sens à la représentation globale.
Cependant, les cooccurrences les
plus fortes se trouvent entre perte
de crédibilité et dévalorisé(.80).
Ensuite viennent de façon
dégressive les relations entre :
perte de crédibilité et début des
souffrances (.54) et entre début
souffrance et dévalorisé (.48),
enfin diplôme important et ouvre
des portes (.40).
Ainsi, à l’analyse c’est le
bloc composé par le triangle
sémantique perte de crédibilité,
début-souffrances et dévalorisé
qui est fortement valorisé.
Il semble donc exister dans la
représentation du baccalauréat,
une triple connotation : il est
un diplôme important source
de satisfaction, cependant, il
représente aujourd’hui le début
des souffrances.
Figure 2: Representation sociale du baccalauréat par les élèves.
194
Ici, les données et l’analyse
du graphe de similitude,
montrent que les structures
sociocognitives développées
par les élèves sont organisées
autour de : Satisfaction, diplôme
important, autonomie, ouvre
des portes. Ce sont les éléments
saillants et les plus connexes
dans la représentation du
baccalauréat par ce groupe.
Par ailleurs les scores de
cooccurrences sont les plus
élevés, il s’agit de : satisfactionautonomie, (.30), satisfactionnouvelle vie (.40), et nouvelle
vie-autonomie (.24). Il semble
donc que ce sont les éléments
organisateurs qui donnent à
la représentation sociale toute
ses propriétés significatives
et le sens de l’ensemble de
la configuration définie par
le champ représentationnel.
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
Ainsi, les élèves focalisent leurs
représentations sur des aspects
à connotation positive. Pour
eux, le succès au Baccalauréat
est source de satisfaction
car, il permet essentiellement
deux choses : Il permet d’être
indépendant et permet de mener
une nouvelle vie. L’acquisition
du baccalauréat permet ainsi
d’accéder à une certaine
maturité intellectuelle et civile.
Les parents partagent-ils la
même représentation ?
Figure 3: Representation sociale du baccalauréat par les parents.
195
En ce qui concerne les
parents, les résultats illustrées
par le graphe (cf.figure3),
différent nettement de ceux de
la population globale et surtout
de ceux des élèves. Il ressort de
ce graphe que la représentation
des parents s’articule autour du
triangle sémantique : début des
souffrances, dévalorisé, perte de
crédibilité. Cette trilogie contient
les éléments les plus connexes
de leur structure mentale. La
signification qui se dégage de
cette organisation sociocognitive
est que le bac a perdu toute
crédibilité parce que dévalorisé
et de surcroît, il représente le
début des souffrances pour les
parents et pour les élèves.
Cependant, il est important de
noter que la représentation des
parents prend aussi en compte
le fait que le baccalauréat, est
un diplôme important qui ouvre
des portes notamment celles des
études supérieures. Par ailleurs,
les scores de cooccurrence les plus
fortes se situent entre dévalorisé
et perte de crédibilité (.76), ensuite
entre début souffrances et perte de
crédibilité (.40) et enfin entre début
des souffrances et dévalorisé (.40).
Il ressort de cette analyse que les
constructions représentatives des
parents sont négatives.
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
5-DISCUSSION DES RESULTATS
196
La présente étude tente de
déterminer les représentations
sociales développées à l’égard
du baccalauréat aujourd’hui
par les élèves et leurs parents.
Les hypothèses ont porté sur
l’incidence du statut (élève ou
parent) sur la représentation
sociale du baccalauréat. Pour
construire les développements
que nous avons proposé dans ce
travail, nous avons essentiellement
travaillé sur du matériau discursif
(association de mots). Nous
nous sommes appuyés dans
l’exploitation des données sur
deux techniques d’analyse des
données formelles (SIMI2005 et
EVOC 2005). Cette triangulation
méthodologique a permis de faire
ressortir des éléments qui seraient
passés inaperçus dans la logique
d’une seule méthode. L’utilisation
simultanée des deux techniques a
consolidé les analyses suggérées
par les données de l’enquête. Les
résultats auxquels nous sommes
parvenus dans cette perspective
pluri méthodologique (association
de mots et analyse de similitude),
confirment nos hypothèses. En
effet, d’une part l’analyse du
repère sémantique utilisé par
chaque population montre que les
représentations sont valorisantes
au niveau de la population des
élèves, tandis que les parents
évoquent le Baccalauréat en des
termes dépréciatifs. En effet, les
élèves considèrent le Baccalauréat,
comme un diplôme important
qui leur permettra d’acquérir
une certaine indépendance,
une autonomie et de mener une
nouvelle vie. Leurs structures
cognitives sont surtout centrées
sur la finalité intellectuelle des
études, c’est-à-dire leurs bienfaits
ou leurs apports en termes
de connaissances acquises,
d’épanouissement personnel et
la finalité pragmatique qui est
en rapport avec les perspectives
professionnelles. Quant à
la population des parents, le
Baccalauréat est un diplôme
dévalorisé qui a perdu sa
crédibilité parce que entaché par
des problèmes de tricheries de
faiblesse du niveau des candidats
et des problèmes d’orientation.
Mais surtout le baccalauréat
représente le début des souffrances
en tous genres. Les parents
insistent sur les investissements
que le baccalauréat requiert
notamment en termes d’effort à
fournir et de travail à réaliser.
Ce qui confirme les résultats
des études antérieures. D’autre
part, le nombre et le type des
items recueillis par la méthode
d’association de mots, montrent
que la taille et la nature du champ
représentationnel est différente
pour chaque groupe. Ce résultat
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
confirme que le baccalauréat
est un objet non consensuel sur
lequel il y a divergence de point de
vue en fonction du statut.
L’analyse des résultats a permis
également, par les divergences
entre parents et enfants, de
confirmer que le noyau central
d’une représentation sociale
est déterminé d’une part par
la nature de l’objet représenté,
d’autre part par la relation que le
sujet ou le groupe entretient avec
cet objet, enfin par le système
de valeurs et de normes sociales
qui constituent l’environnement
idéologique du moment et du
groupe.(Abric, 1994 : P.23). Ces
représentations polémiques
entre parents et élèves, peuvent
tirer leurs sources de la pression
à l’inférence c’est-à-dire les
contraintes cognitives et sociales
que subit le sujet de la part de
son groupe d’appartenance.
Cette étude ne prend en
compte seulement, comme le
suggère la théorie du noyau,
que les éléments centraux dans
l’interprétation des résultats.
Nous pensons, qu’il aurait été
également intéressant d’inclure
dans l’interprétation des données,
les éléments périphériques.
C’est le système périphérique
qui prescrit les comportements
et les prises de décision et
permet une personnalisation
des représentations sociales. Par
ailleurs, nous nous demandons
si cette représentation du
baccalauréat n’est pas liée à des
facteurs tels que les conditions
socioéconomiques des parents ?
Cette étude n’a pas la prétention
de résoudre tous ces problèmes
et de répondre à toutes ces
interrogations. Cependant, ces
préoccupations sont autant de
pistes de réflexions intéressantes
pour des études antérieures.
CONCLUSION
A la lumière des concepts
théoriques et de l’analyse des
questionnaires, nos résultats
montrent une divergence des
représentations sociales du
baccalauréat des parents et
des élèves. Ainsi, les principaux
résultats fournis par cette étude
permettent de faire émerger,
les attitudes, les croyances,
les opinions, c’est-à-dire les
représentations sociales du
baccalauréat dans une partie
de la population. Ils viennent
ainsi non seulement confirmer
mais compléter les résultantes
antérieurs sur le sujet en y
intégrante un autre regard c’està-dire le regard psychosocial. Par
ailleurs, cette étude a montré que
le concept de représentation social
constitue un cadre d’analyse
pertinent susceptible de fournir
des résultats intéressants dans
l’analyse, l’interprétation, et la
197
© educi
Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014
compréhension des processus
éducatifs. Cette étude a
certainement des limites,
c’est pourquoi, il conviendrait
d’une part, de l’étendre à des
populations plus élargies et
diversifiées, et d’autre part à
affiner les outils d’analyse des
données en contrôlant la centralité
de certains éléments par les
méthodes existantes.
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
Abric, J-C. (1987), coopération, compétition
et représentations sociales. Couset :
Delval.
Abric, J-C. (éds), (1994), Pratiques sociales
et représentations sociales, Paris, PUF.
198
Abric, J-C. (2003), Méthodes d’études
des représentations sociales, Saintagne ; Erès.
Bourdieu, p. (1998), La domination
masculine, Paris, seuil.
Charlot, B. (1997) : Rapport au savoir :
Eléments pour une théorie, Paris,
Anthropos.
Charlot, B. (1999), Le rapport au savoir en
milieu populaire : Une recherche dans les
lycées professionnels de banlieue, Paris :
Anthropos.
Charlot, B. (2003), La problématique du
rapport au savoir, In S. Maury et M.
Caillot(Ed), rapport au savoir et
didactique, Paris, Faber, p.33-50.
Diarrassouba, Ch. (1979), L’université
ivoirienne et le développement de la
nation, Abidjan, NEA.
Doise, W. (1994), «Représentations
sociales chez des élèves : effets du
statut scolaire et de l’origine sociale».
Revue Suisse de Psychologie, 44, 67-78.
Essane, S. (2000), Une sociologie de l’Université
noire francophone, Abidjan, PUCI.
Fadiga, K. (1997), «la crise de l’éducation :
analyse et perspectives», Revue
ivoirienne des Sciences de l’Education,
n°1, Abidjan, presses de SII.
Grize, J-B, Vergès, P., &Silem, A.
(1987), Les salariés face aux nouvelles
technologies, Paris : CNRS.
Flament, C. (1981), «L’analyse de similitude:
une technique pour les recherches sur
les représentations sociales». Cahiers de
psychologie cognitive, 1 (4), 377.
Flament, C. (1999), « Les représentations
sociales comme système normatif »,
psychologie etsociété, 1 (1), p.29-54.
Ministère de l’Enseignement Supérieur
de La Recherche et de l’Innovation
Technologique, (1999) : concertation
nationale sur l’enseignement supérieur
et la recherche scientifique : rapport de
synthèse.
Ministère de l’Enseignement Supérieur
de La Recherche et de l’Innovation
Technologique, (1996) : Formations
d’enseignement supérieur en Cote
d’Ivoire, Documentation ivoirienne.
Mosconi, N. Beillerot, J. et BlanchardLaville, C. (2000), Formes et formation
du rapport au savoir, Paris : L’Harmattan.
Moscovici, S. (1961) : La Psychanalyse, son
image et son public, PUF.
Perrenoud, P. (1995), Métier d’élève et sens
du travail scolaire. Paris, PUF.
Sawadogo, G. (1995), L’avenir des
Universités africaines : mission et rôle,
AUA.
Rouquette, M.L. & Flament, C. (2003).
Anatomie des idées ordinaires. Paris :
Armand Colin.
KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat...
Tafani E. (2011), «Attitudes, engagement
et dynamique des représentations
sociales : Etudes expérimentales»,
Revue internationale de psychologie
sociale, 14, (1), p.7-29.
Tafani, E, Bellion, S. (2001), «principe
d’homologie structurale et dynamique
représentationnelle», dans P. Moliner
(Ed), la dynamique des représentations
sociales, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, P.163-193.
Vergès, P. (2001), «L’analyse des représentations sociales par questionnaire».
Revue Française de sociologie, 42,3.
Zinsou, M. (2009), L’Université de
Cote d’Ivoire et la société, Abidjan,
L’Harmattan.
199
Téléchargement