ISSN 0258 5774/ N°1 - Décembre 2013 Auteur & Titre ASSEMPE ‘‘Promouvoir et diffuser la recherche en Education’’ ADMINISTRATION Revue semestrielle des Sciences de l’Education créée en 1974, éditée par EDUCI (Université FHB de Cocody). REDACTEUR EN CHEF : Dr. KEI MATHIAS, IREEP Université Felix Houphouët Boigny COMITE SCIENTIFIQUE ET DE LECTURE Pr Aka Adou, (Pr Titulaire, Université FHB de Cocody, Côte d’Ivoire) Pr FADIGA KANVALY (Pr Titulaire, Ecole Normale Supérieure, Abidjan) Pr NDA PAUL (Pr Titulaire, Ecole Normale Supérieure, Abidjan, Côte d’Ivoire) Pr.KOUDOU OPADOU (Pr Titulaire, Ecole Normale Supérieure, Abidjan, Côte d’Ivoire) PR GBONGUE (Maître de Conférences, IPNETP Abidjan) Pr. ASKA KOUADIO (Pr Titulaire, Université FHB de Cocody, Côte d’Ivoire) Pr ZINSOU MICHEL (Maître de Conférences, Université FHB de Cocody, Côte d’Ivoire) Pr YAPO YAPI (Pr Titulaire, Ecole Normale Supérieure, Abidjan, Côte d’Ivoire) COMITE SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL Pr LILIANE PORTELANCE (UQTR, Canada) Pr GEORGES KPAZAI (Université Laurentian, Canada) Pr CHRISTIAN DEPOVER (Professeur Université du Hainaut à Mons de Belgique) Pr JOSE LUIS WOLFS (Professeur, Université Libre de Belgique) Pr. NACUZON SALL (Pr Titulaire, Université CAD, Dakar, Sénégal) COMITE DE REDACTION Dr. ANON NGUESSAN, Dr GBAYORO ZEREGBE, Dr YEO SOUNGARI, Dr ETTIEN ASSOA, Dr NDEDE FLORENCE. Contact : ASSEMPE IREEP (Institut de Recherches d’Expérimentation et d’Enseignement en Pédagogie, Université Felix Houphouët Boigny de Cocody) 08 BP 42 Abidjan 08 Tel: 225 06 00 23 91/225 44 05 96 48/ 225 01 20 36 66 / 225 05 52 96 43/03010597 E-mail: [email protected] ISSN 0258 5774/ Dépôt légal N°404 3 © educi 4 Revue Intit rech expérim pedag, N°...., 20... Auteur & Titre SOMMAIRE L’évaluation des apprentissages à l’université : perceptions et attentes des étudiants. AKA Adou....................................................................9-41 Représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire dans la circonscription de l’enseignement primaire de Bonoua. GBAHOUI Jean-Marie Nicaise....................................42-59 Impact de l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sur l’apprentissage dans le secondaire en Côte d’Ivoire N’DEDE Bosoma Florence..........................................60-75 La formation des enseignants de physique et chimie au secondaire : comment l’optimiser ? Kouamé NGUESSAN..................................................76-95 Quelle stratégie pour le maintien des enseignements à l’Universite de Bouake pendant la période de crise socio politique de 2002 en Côte d’Ivoire ? KOFFI Sosthène Konan, KOUADIO Brou Ghislain KOMENAN Beugré R., ZERBO Ahoua Christelle A....96-114 Analyse de l’offre d’alphabétisation des adultes en Côte d’Ivoire. Soungari YEO........................................................115-142 Corruption en milieu scolaire ivoirien, représentations sociales de sa solution par les enseignants. MEITE Zoumana....................................................143-161 Representation sociale de la fille-mère en milieu scolaire ivoirien. GNAMBA Adou Pascal............................................162-184 Statut et représentations sociales du baccalauréat chez les parents et les élèves des établissements secondaires du district d’Abidjan. KEI MATHIAS.........................................................185-199 5 © educi 6 Revue Intit rech expérim pedag, N°...., 20... Auteur & Titre EDITORIAL Créé en 1974, le bulletin universitaire de pédagogie avait pour objectifs à la fois, d’offrir à la communauté universitaire, un espace d’information et d’échange, et d’œuvrer à la promotion de la pédagogie universitaire, alors naissante dans le monde francophone. C’est de retour d’une mission auprès des universités Laval à Québec et de Montréal que le Professeur Valy Charles Diarrassouba, Premier Recteur ivoirien de l’Université Nationale de Côte d’Ivoire décida de mettre en place en 1976, le Service Universitaire de Pédagogie (SUP). En 1983, le SUP fut rattaché à l’UFR Sciences de l’Homme et de la Société, à la faveur du mouvement de regroupement de certaines structures de notre université. C’est en 1995 que conformément à l’Arrêté Rectoral n° 95-339 du 26 Avril 1995 portant réhabilitation de l’IREEP, cette institution fut remise sur pied dans la forme que nous connaissons aujourd’hui. Le Bulletin universitaire de Pédagogie créé en 1981 à l’initiative de Professeur Claudine TahiriZAGRET devait aider l’IREEP à accomplir l’ensemble des missions à lui confiées. Hélas, cet instrument grâce auquel l’IREEP avait commencé à être connu tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Côte d’Ivoire, disparut de l’espace universitaire avec la transformation de l’IREEP en Département de Pédagogie du Centre Universitaire de Formation Permanente, plus connu sous le sigle CUFOP. Depuis la réhabilitation de l’IREEP et donc sa séparation d’avec le CUFOP, c’est par ce premier numéro que la revue ASSEMPE (ex Bulletin) refait surface. Elle vivra, et c’est notre vœu, le plus longtemps possible. Elle enrichira ainsi, la famille des revues scientifiques de l’espace universitaire ivoirien et plus particulièrement, les revues spécifiques au domaine des Sciences de l’Education en nombre généralement très réduit. Le premier numéro de cette revue rassemble plusieurs thèmes. Aka Adou y aborde par exemple, la question brulante de l’évaluation des apprentissages à l’université, et les perceptions et attentes des étudiants. Son travail aboutit à la conclusion que si les critiques formulées à l’encontre des pratiques évaluatives ne sont pas dénuées de tout sens, elles ne font pas toutes, dans leur perception par les étudiants, l’objet d’un unanimisme indiscutable. Concernant Gbahoui Nicaise, un autre auteur, les échecs scolaires constituent son centre d’intérêt. Pour lui, de nombreux efforts ont été consentis par les acteurs et partenaires du système éducatif ivoirien. Mais malgré ces efforts, certains problèmes inhérents au système affectent les indicateurs de performance de l’enseignement primaire. NdedeBossoma Florence, quant à elle, va centrer sa réflexion sur l’impact de l’usage des TIC sur l’apprentissage dans le secondaire 7 © educi 8 Revue Intit rech expérim pedag, N°...., 20... en Côte d’ Ivoire. Cette étude, vise à analyser l’effet de l’usage des TIC sur l’apprentissage et l’accès à la connaissance des apprenants. Les résultats ont montré que l’usage des TIC modifie positivement les modalités d’acquisition des connaissances des apprenants et de façon spécifique, la relation entre l’enseignant et l’enseigné. En ce qui concerne l’étude de NguessanKouamé, elle a pour objectif de présenter les principales implications de la pédagogie, de la didactique et de l’épistémologie sur la formation des enseignants de physique et de chimie au secondaire. Selon les résultats de ce travail, l’enseignant de physique et de chimie doit non seulement connaitre sa discipline, situer l’état de sa discipline au travers de son histoire, ses enjeux épistémologiques, ses problèmes didactiques et les débats qui la traversent, mais aussi et surtout maitriser les connaissances curriculaires et pédagogiques. L’étude de Koffi Sosthène et al, se proposent de répondre à la question de savoir quelle a été la stratégie pour le maintien des enseignements à l’université de Bouaké pendant la période de la crise sociopolitique de 2002. Cette étude a révélé qu’un certain nombre d’actions ont été initiées pour assurer le maintien des enseignements. Selon l’étude de Yeo Soungari, en Côte d’Ivoire, les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 1960 se sont toujours engagés à réduire de manière considérable, l’analphabétisme des populations. Cependant, l’analyse de la situation montre qu’il y a une insuffisance de l’offre d’alphabétisation en Côte d’Ivoire.AdouGnamba quant à lui, s’est préoccupé des représentations sociales de la fille-mère dans le système scolaire ivoirien en fonction du genre et de l’âge. A travers ce travail, on observe des différences de représentations selon l’âge et le genre. Kei Mathias, aborde lui, le problème de la représentation sociale du baccalauréat. Les résultats de son étude montrent que si le baccalauréat demeure encore un diplôme important pour les deux populations, pour les parents, l’acquisition de ce diplôme marque le début des souffrances alors que pour les élèves, il est synonyme de maturité, d’autonomie et permet d’ouvrir plusieurs portes. Enfin, MeitéZoumana, s’est intéressé à l’impact de la formation pédagogique sur la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du secondaire. Il retient que la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants qui ont une formation pédagogique est plus répressive que celle de leurs collègues qui n’ont pas eu de formation pédagogique. A tous, bonne lecture pour que vivent les Sciences de l’Education ! Prof AKA ADOU, Professeur Titulaire des Sciences de l’Education à l’Université Felix Houphouët Boigny de Cocody Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... L’ÉVALUATION DES APPRENTISSAGES À L’UNIVERSITÉ : PERCEPTIONS ET ATTENTES DES ÉTUDIANTS Aka Adou IREEP/Université de Cocody Bp.v. 34 Abidjan (RCI) [email protected] RESUME Les discours tenus aussi bien sur le campus qu’à l’extérieur, à propos de la façon dont les enseignants pratiquent l’évaluation des apprentissages sont généralement négatifs et récurrents. Si l’on s’en tient à ce qui se dit, on croirait qu’à l’université de Cocody, aujourd’hui Université Houphouët Boigny, il y a une telle pagaille qu’en la matière, on pourrait, si l’on n’y prend garde tomber dans une situation de non validation de toutes les formations qui y sont dispensées. Ce qui serait un véritable drame et pour l’ensemble de la communauté universitaire, et pour l’ensemble du pays. La question paraît tellement chargée d’appréhensions que nous n’avons pas pu nous empêcher d’essayer de comprendre ce qui se passe dans la réalité. Aussi, avonsnous entrepris cette étude. On en retient que si les critiques formulées à l’encontre des pratiques évaluatives ne sont pas dénuées de tout sens, elles ne font pas toutes, dans leur perception par les intéressés, l’objet d’un unanimisme indiscutable. Un certain nombre d’entre elles sont fondées mais les enquêtés n’en n’ont pas tous la même vision. D’autres études centrées sur des dimensions précises de l’évaluation en milieu universitaire devraient suivre pour permettre de disposer de davantage d’éclairage sur la question. SUMMARY Speeches held on campus as well as those alleged outside abouthow evaluation of learning is performed by teachers are generally negativeand recurring.Ifwe stickto what issaid, one couldbelievethat at the University ofCocody, today UniversitéHouphouetBoigny,there issuch a messthat, if we are not careful, we could fall into a situation ofnonvalidation ofall coursesthat aretaught. That would be areal tragedyfor theentire universitycommunity,and the whole country. This questionseems sofull ofapprehensionthatwe have notbeen able toprevent ourselves from tryingto understandwhat is going onin reality. Thus, weundertook this study. We noticedthat, ifcriticismagainstevaluation practicesare not devoidof meaning, they are notperceived by the parties as subject to undeniable unanimity. A numberof themare proved but respondents do not have a unique vision.Other 9 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 studies based on specificdimensions ofacademicassessment should follow in order to bring more light on the issue. INTRODUCTION Parmi les principales tâches auxquelles l’enseignant est au quotidien confronté dans l’exercice de sa profession se trouve l’évaluation des apprentissages. 10 Lorsque la situation d’enseignement/formation initiée, animée, et gérée par l’enseignant est achevée, il lui reste à s’assurer que les apprenants à qui il s’est adressé pendant un temps déterminé sont bien parvenus au niveau auquel il avait la prétention de les conduire. Le mot «évaluation» désigne cette opération qui consiste pour l’enseignant à opérer de façon efficace, cette vérification de la réalisation effective par les étudiants des apprentissages visés. Si l’évaluation est le fait de l’enseignant dans la mesure où il en conçoit les instruments, les applique et en analyse les résultats avant de décider, les apprenants eux aussi en sont évidemment concernés et de très près. C’est en effet eux qui sont les producteurs des matériaux ou des données qui vont être soumis(es) à la sagacité de l’enseignant grâce aux instruments à travers lesquels ces données vont être recueillies, puis traitées. C’est aussi à eux que seront appliquées les décisions qui seront prises en conséquence du traitement der celles-ci. Ainsi donc, l’évaluation des apprentissages concerne au même titre, l’enseignant et l’apprenant, chacun la percevant et la vivant à sa manière. Dans la pratique de la classe, c’est l’enseignant qui dans un cadre défini par l’institution, met en œuvre le dispositif technicopédagogique à même de permettre de situer de façon exacte, le niveau de réalisation atteint par l’étudiant à la fin du processus d’apprentissage puis de rendre compte à qui de droit. Ayant été celui qui a dispensé le cours, c’est en effet lui qui sait de façon précise, les objectifs qu’il visait à travers le cours tel qu’il l’a dispensé ; c’est lui qui a conçu et mis en forme, le cours dans son contenu, qui a décidé de la stratégie pédagogique mise en œuvre, et qui de façon pratique, l’a réalisé. C’est à ce titre qu’il est la personne désignée pour démontrer que l’apprenant a bien assimilé ou non, ce qu’il a passé des heures à lui expliquer, à lui apprendre. Ainsi donc l’enseignant est plus que concerné par cette opération que nous avons désignée sous le vocable d’évaluation. Au niveau de la classe c’est donc lui qui a la décision. Mais nous le disions plus haut, l’apprenant est également concerné par l’évaluation car c’est à lui qu’elle s’applique. En tant Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... que celui à qui l’enseignant s’est adressé dans le but de l’amener à acquérir des apprentissages précis, c’est à lui que s’applique le dispositif d’évaluation conçu et mis en œuvre par ce dernier. C’est, pourrait-on le dire, lui qui subit les épreuves dans le dessein de se situer par rapport aux objectifs d’apprentissage visés au départ, une fois le processus d’enseignement-apprentissage achevé. Par l’évaluation il est invité à exprimer une réaction pertinente au stimulus que constitue l’épreuve à lui soumise. Donne t-il comme le chien de Pavlov1, les bonnes réponses ou non ? Dans ce jeu à deux, les rôles comme on le voit, sont clairs et commandent donc entre évaluateur et évalué, des rapports de confiance. Parce que l’enseignant est certain d’avoir appris quelque chose de précis et de significatif aux apprenants, il estime que le dispositif qu’il met en place est de nature à permettre de vérifier cela. Et il considère que normalement, l’étudiant s’il a bien étudié et bien appris ce qui lui a été enseigné, devrait sans problème, en rendre compte grâce à cette épreuve. De même l’apprenant qui est évalué est sensé se faire confiance et estimer que grâce au travail qu’il aura à 1- Voir le conditionnement réflexe de Pavlov ou le conditionnement réflexe de Skinner fournir, il pourra sans problème rendre compte de ce qu’il a appris en formulant les réponses ou les solutions acceptables aux questions ou aux problèmes qui lui seront posé(e)s. Tant que cette relation de confiance mutuelle règne, l’évaluation devrait en principe se dérouler sans problème majeur. Tant que chacun des deux partenaires garde confiance en luimême et en l’autre, nous sommes dans une situation idéale, favorable à une évaluation acceptée par tous. Au lieu de cela, l’évaluation apparaît pour nombre de personnes comme un instrument utilisé par certains enseignants pour «attraper» les apprenants ou leur nuire. Ainsi, l’évaluation, cette activité pédagogique, n’aurait pas bonne presse. Elle constituerait un lieu privilégié de magouille. Pourquoi donc l’évaluation des apprentissages à l’université de Cocody est-elle décriée ? 1- CONSIDERATIONS DORDRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE 1.1- Considérations théoriques Revue de littérature Depuis des années, de nombreux discours tenus notamment par les étudiants laissent apparaître des dysfonctionnements, des lacunes au niveau du processus de vérification ou de certification 11 © educi 12 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 des connaissances auquel ils sont soumis. De plus en plus, ces derniers formulent des récriminations à l’encontre de l’évaluation et de ceux-là mêmes qui les évaluent. Ils doutent des conditions et de la qualité des outils de cette opération. Que de supputations à ce propos ? Dans une étude que nous avons menée auprès des enseignants, ces jugements apparaissent très clairement. Voici quelques uns des propos tenus par les étudiants à l’égard de leurs maîtres : ils sont «injustes envers les étudiants», des «auteurs de magouilles aux examens, de la tricherie en général, au moment de l’évaluation». Ils sont «méchants, sévères vis-àvis des étudiants, autoritaires, excessifs.» et «commettent des abus de pouvoir». Ils sont «contre la réussite des étudiants», «non ouverts, trop distants vis-à-vis des étudiants». «Il ne communiquent pas leurs heures de réception aux étudiants» et «ils les traitent comme des enfants2». Par rapport à l’évaluation elle-même, ils sont depuis des années parvenus à créer des concepts nouveaux notamment celui que traduit le sigle «NST», à savoir «note sexuellement transmissible» pour signifier que les notes, tout au moins pour certaines, sont attribuées non pas par rapport 2- Aka A., De la nécessitéDéontologie et enseignement universitaire, in , pp. à des critères objectifs, mais en fonction de ce que l’étudiante peut offrir en échange à son maître, c’est-à-dire le sexe par exemple pour le cas d’espèce pour ce qui concerne les filles. On pourrait évidemment penser qu’il en est également de même pour les étudiants par rapport aux enseignantes. Dans cette même étude, les enseignants interrogés ont pour la plupart reconnu que certains de leurs collègues offrent trop souvent, des raisons aux étudiants de penser de la sorte : Selon les enseignants invités à indiquer les jugements qu’ils formuleraient à l’encontre des enseignants s’ils n’avaient pas été eux-mêmes de la corporation, ils soutiennent que ces derniers sont véritablement des «coureurs de jupons, des dragueurs, des gens qui se livrent au harcèlement sexuel», et qui sont en conséquence, «portés sur le favoritisme lié au genre», etc. Au niveau de l’institution universitaire elle-même, la chose ne semble plus étonner les responsables au plus haut niveau qui ont du à certains moment faire appel au Conseil de Discipline pour statuer sur des cas avérés3. Petit à petit, l’évaluation à 3- On se souvient du cas relativement récent de cet enseignant du Département d’anglais suspendu pour implication dans une affaire de trafic de notes qui fut suspendu d’enseignement. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... l’université, mais peut-être pas seulement à ce niveau, en est venu à constituer véritablement une source de doute sérieux avec la rupture de cette confiance constructrice qu’au début de ce texte nous donnions comme utile, voire indispensable au fonctionnement normal et efficace du dispositif de vérification du niveau de réalisation des objectifs d’apprentissage visés. Les étudiants doutent de l’évaluation puisqu’elle peut donner lieu à des notes qui ne correspondent pas toujours à ce qu’ils valent réellement. Les enseignants doutent de l’évaluation puisqu’ils pensent ou même savent que les étudiants, au lieu d’étudier réellement, passent le plus clair de leur temps à inventer des stratégies efficaces de fraude et de tricherie. Et l’institution doute de l’évaluation parce qu’elle sait qu’il se passe des choses pas toujours catholiques qui peuvent lui enlever toute sa valeur pédagogique. Il se dit même que dans certains établissements universitaires, certaines copies d’examen ne sont pas corrigées, tellement il y en a, avec des effectifs pléthoriques et des ratios d’encadrement particulièrement élevés.!La situation apparaît donc suffisamment grave pour qu’on doive s’y intéresser. Approche conceptuelle Le sujet tel que libellé renvoie à un certain nombre de concepts importants dont la définition opérationnelle s’impose. a- Perceptions et attentes des étudiants Par perception ici, il faut entendre non pas «le processus par lequel une personne acquiert de l’information de son environnement» 4, mais plutôt la résultante de celui-ci, c’està dire la «représentation et la compréhension par l’esprit de quelque chose»5, d’une situation, d’un fait, etc. Que retiennent de l’évaluation des apprentissages telle que pratiquée à l’université, les étudiants qui la subissent ? Quelles images fortes, positives ou négatives, en gardent-ils ? Selon Sillamy Norbert (1967)6, la perception se définit comme une «conduite par laquelle un individu organise ses sensations et prend connaissance du réel. La perception est faite de ce qui est directement donné par les organes des sens (sensibilité extéroceptives), mais aussi, de la projection immédiate dans l’objet de qualités connues par inférence… La perception est un rapport du sujet à l’objet : celui4- Legendre R. Dictionnaire actuel de l’éducation, Montréal, Guérin-ESKA, 1993 (2ème édition), p. 975 5- Dico Encarta 6- Sillamy N., ,Dictionnaire de la Psychologie, Paris, Librairie Larousse, 1967 13 © educi 14 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 ci a ses caractéristiques propres, mais c’est avec ma subjectivité que je le perçois». s’impose à ce niveau. Un même résultat peut avoir été obtenu par des processus différents»7. Dans ce sens, les étudiants qui subissent les pratiques évaluatives de leurs Maîtres les vivent de façon concrète et ont des réactions spécifiques par rapports à celles-ci. Quelle est donc la nature des relations qu’ils entretiennent avec l’évaluation pédagogique à laquelle ils sont soumis au long de leur parcours académique ? L’apprentissage est aussi un résultat «c’est-à-dire un acquis résultant d’expériences d’ordres divers imposées au sujet ou faites librement par lui. Cet état final est susceptible d’appréciation et de mesure». Voilà ce qu’il nous intéresse de cerner ici. A un second niveau, notre préoccupation est de recueillir, au regard de leur vécu actuel, leurs attentes c’està-dire, leurs souhaits en termes de changements à opérer dans ce domaine.. b- Apprentissage Ce second concept peut se comprendre au moins de deux manières : il peut s’agir soit d’un processus, soit du résultat de ce processus : L’apprentissage comme processus désigne le «passage d’un état initial à un état final, d’une étape d’une progression séquentielle à la suivante. L’observation du déroulement et la mesure des états successifs Dans son fondement psychologique, on appelle apprentissage, «une modification de conduite en cas de répétition de la même situation stimulante. Pour qu’on puisse parler d’apprentissage, cette modification doit être systématique, c’est-à-dire se faire dans une direction déterminée, relativement durable et présenter un caractère adaptatif». Sur la manière dont se réalise le processus d’appropriation par l’apprenant des connaissances à lui enseignées, plusieurs théories ont été développées. Dans le cadre de ce travail, nous avons pris le parti de ne pas nous y étendre outre mesure. Nous nous contenterons d’en évoquer quelques-unes : citons par exemple, la théorie associationniste avec Köhler et son singe (Apprentissage par insight), Les théories behavioristes dans lesquelles il faut classer les 7- Thines G. et Lempereur A., Dictionnaire général des Sciences Humaines, Paris, Editions universitaire, 1975, p. 84 Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... expériences et enseignements de Pavlov (conditionnement reflexe ou conditionnement reflexe), et de Skinner (conditionnement opérant), le constructivisme de Piaget qui a permis de savoir que l’intelligence, facteur essentiel dans le processus d’apprentissage, se met en place de manière progressive et par étape et qu’à chaque étape correspondent des catégories d’apprentissage que l’enfant devrait normalement pouvoir réaliser puisqu’il s’agit d’une question de maturation. C’est pour quoi, trop tôt introduites à l’école primaire, dans le contexte de l’expérience de l’enseignement télévisuel (PETV), les mathématiques modernes, abstraites par essence, furent officiellement retirées des programmes d’enseignement de ce niveau sur recommandation, entre autres , de l’Institut de Recherche Mathématique (IRMA), quelques temps après la suppression de la télévision scolaire (1982-83). Ce qui signifie donc que si l’on soumet des enfants qui n’ont pas encore atteint, le niveau de développement intellectuel requis à des apprentissages à des apprentissage supérieurs,, il est tout à fait normal qu’ils ne les réussissent pas. Il faut également en référer au Cognitivisme, «théorie de la connaissance soutenue par la psychologie cognitive, qui conçoit la pensée comme un centre de traitement des informations capable de se représenter la réalité et de prendre des décisions» . Selon cette théorie, « pour traiter les informations, la pensée est tenue pour réductible à des fonctions intellectuelles aptes à accomplir certaines tâches spécifiques : discrimination sensorielle, décodage perceptuel, entreposage, compilation, hiérarchisation, rappel, codage, symbolisation, etc. En s’appuyant sur les neurosciences, la cybernétique, le développement des ordinateurs et les sciences de l’informatique et de la computation, le cognitivisme contemporain essaie de simuler les activités intelligentes (intelligence) et de modéliser les fonctions mentales (reconnaissance des formes, pattern recognition)». Comme tel, l’apprentissage apparaît donc comme la finalité du système d’enseignementformation, En effet, si l’on décide d’enseigner des contenus ou de former des apprenants, c’est bien pour que ces derniers réalisent les apprentissages pour lesquels ils ont été placés dans cette situation de classe qui leur confère ce statut. Lorsque nous parlons d’évaluation de l’apprentissage, c’est cette deuxième acception que nous retenons parce que la question fondamentale à laquelle 15 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 l’enseignant ou formateur doit répondre lorsqu’il a terminé sa séquence pédagogique est bien la suivante : Les étudiants à qui je me suis adressé ont-ils assimilé ce que j’ai voulu leur faire comprendre’? En d’autres termes, ont-ils atteint les objectifs d’apprentissage à eux assignés ? La réponse à cette interrogation passe nécessairement par cette opération complexe que nous appelons l’évaluation des apprentissages. c- Evaluation 16 La littérature disponible offre de ce concept de nombreuses définitions dont quelques unes suivent. Dans son sens général, Bloom B.S. (1956) considère que l’évaluation est la «formulation, dans un but déterminé, de jugements sur la valeur de certaines idées, travaux, situations, méthodes, matériels, etc.». Pour Copie (1979) l’évaluation s’entend dans le sens de «jugement et interprétation que l’on donne de la qualité ou de la valeur de l’objet étudié, dans une perspective opérationnelle de prise de décision». Plus spécifiquement, l’évaluation est définie par Legendre R. comme la «démarche ou le processus conduisant au jugement et à la prise de décision. Jugement qualitatif ou quantitatif sur la valeur d’une personne, d’un objet, d’un processus, d’une situation ou d’une organisation, en comparant les caractéristiques observables à des normes établies, à partir de critères explicites, en vue de fournir des données utiles à la prise de décision dans la poursuite d’un but ou d’un objectif». Selon STUFFLEBEAM : «L’évaluation en éducation est le processus par lequel on délimite, obtient et fournit des informations utiles permettant de juger des décisions possibles». Tyler R.W. lui, estime que «L ‘évaluation est un processus qui consiste essentiellement à déterminer dans quelle mesure les objectifs d’éducation sont en voie d’être atteints par le programme d’études et de cours. Cependant, comme les objectifs d’éducation visent essentiellement à changer les êtres humains, c’est à dire que le but est de produire dans le comportement des étudiants certains changements souhaitables, alors l’évaluation est le processus consistant à déterminer dans quelle mesure ces changements de comportements sont en train de se produire». Cette seconde proposition qui dit pratiquement la même chose, élargit cependant la perspective Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... ou le champ de l’évaluation en visant à la fois le programme en tant qu’ensemble cohérent et la séquence pédagogique ou plus précisément le cours ou encore la leçon. C’est cette seconde dimension qui nous préoccupe dans cette étude. Il s’agit en effet de ce qui se passe à la fin d’une séquence pédagogique, lorsqu’il s’impose au pédagogue de vérifier comme relevé plus haut, le niveau réel auquel l’apprenant se situe par rapport aux objectifs visés au départ ainsi que le suggère le graphique ci-dessous : X = apprentissage à réaliser = objectif 0 Niveau de départ A quelle distance de l’objectif terminal (X), l’étudiant qui part du point zéro (0) se trouve t-il de façon objective grâce au cours à lui dispensé ? Est-il effectivement parvenu à (X), en dessous ou au-dessus ? Telle est la préoccupation fondamentale de l’évaluation des apprentissages. On peut donc déduire de cela que MESURE OBJECTIF l’évaluation des apprentissages est toute activité qui vise à recueillir des données ou des indices lié(e)s à la production de l’apprenant grâce à la mesure, à les analyser et à les interpréter afin de prendre la décision qui s’impose le concernant. En d’autres mots, retenons qu’évaluer, c’est accorder une valeur à un résultat de la mesure et disposer ainsi d’un critère ou d’une norme de comparaison afin de situer ce résultat par rapport à un cadre de référence. L’évaluation des apprentissages est une opération complexe qui comporte trois phases ou étapes essentielles, à savoir la mesure dont le but est de recueillir les données ou indices pertinents en rapport avec l’objectif d’apprentissage visé, la confrontation de ces données et indices aux normes arrêtées, leur interprétation et enfin, la prise de décision. Chacun de ces éléments constitue une phase incontournable de cette opération. C’est ce que traduit le schéma ci-dessous : CONFRONTATION DES DONNEES ET INDICES RECUEILLIS AUX NORMES ET CRITERES ARRETES PRISE DE DECISION 17 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 L’enseignant ou le formateur est bien concerné par ces trois volets d’une opération plus globale qu’est l’évaluation des apprentissages. Aucun d’entre eux ne lui échappe, et personne n’est commis pour assumer une de ces phases à sa place. C’est cela la réalité. Dans la pratique de la classe, l’évaluation des apprentissages se décline principalement en évaluation formative et en évaluation sommative. 18 Dans l’évaluation formative, le souci qui habite l’enseignant est celui d’aider l’apprenant, de l’accompagner au long du processus d’apprentissage sans qu’il soit nécessaire d’attribuer des notes devant compter à un moment ou un autre pour la prise de décisions concernant l’avenir de ce dernier. C’est une évaluation destinée à servir de miroir à l’apprenant à des moments précis de sa propre démarche pour lui permettre de prendre conscience du niveau auquel il se trouve chaque fois, par rapport à l’apprentissage à réaliser. L’évaluation sommative elle, a pour destinée de faire le bilan de ce que l’apprenant a acquis. Elle se déroule à la fin de l’apprentissage ou d’une séquence d’apprentissage et vise à attribuer des notes qui, consignées dans des registres, vont servir à calculer les moyennes (par matières, par trimestre, par semestre ou par année) intervenant dans la prise de décision relative à l’avenir scolaire de l’étudiant : il est admis, ajourné ou exclu. L’évaluation sommative ou bilan relève de l’institution puisque compte doit lui être rendu alors que l’évaluation formative relève essentiellement de l’initiative et de la compétence de l’enseignant dans sa classe. C’est pour lui un instrument pédagogique au sens où il l’utilise comme un moyen d’accompagner l’apprenant dans sa démarche d’apprentissage. L’évaluation, cette opération pédagogique peut viser dans son utilisation, plusieurs buts. Elle peut avoir un but de diagnostic : dans ce caselle vise à faire le point sur l’état actuel des connaissances de l’apprenant dans un domaine donné en vue de dégager ses point forts et ses points faibles, avec probablement en projet de faire de la remédiation (exemple : mise à niveau, cours de rattrapage, etc.). L’évaluation peut être destinée à faire un pronostic, c’est-à-dire qu’elle vise à fournir des données à partir desquelles, on va pouvoir estimer les chances de réussite de l’apprenant par rapport à un nouvel apprentissage, à un nouveau programme, etc. Il s’agit de faire de la prédiction en quelque sorte. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... Enfin, l’évaluation peut tout simplement consister à faire le bilan de l’apprenant par rapport à un apprentissage, une série d’apprentissages, ou tout un programme. Il s’agit ici de la visée ordinaire de l’évaluation classique que nous avons appelée plus haut, l’évaluation sommative ou bilan. L’apprenant a été engagé dans un processus d’enseignement-apprentissage donné. Une fois ce processus achevé, où en est-il par rapport aux objectifs visé ? Cette évaluation sommative ou bilan peut aussi prendre la forme d’une évaluation continue. Il s’agit de la même évaluation sommative sauf qu’elle est distribuée dans le temps (trimestre, semestre, etc.). Mais qu’elle soit ou formative, la préoccupation fondamentale de l’évaluation qui est de situer de façon précise le niveau atteint par l’apprenant par rapport à l’objectif projeté, demeure la même. Comment y répondre de façon efficace ? d- Mesure Comme mentionné dans les définitions ci-dessus, la mesure constitue le premier de ces trois volets du processus de l’évaluation des apprentissages. Le terme mesure revêt plusieurs acceptions. Pour ce qui nous concerne ici, il faut retenir l’acception dans laquelle la mesure est «une activité consistant à recueillir des résultats ou autres indices permettant la description quantitative des connaissances, des capacités ou des habiletés d’un élève» ou tout simplement d’un apprenant. Elle est la première étape de la démarche d’évaluation pédagogique qui consiste à recueillir des informations, à les organiser et à les interpréter8. Maillon premier du processus d’évaluation, la mesure est l’opération préalable grâce à laquelle les données et indices à analyser et à interpréter sont recueillies et mis(e)s à disposition en vue d’une prise de décision. Toute mesure a un objet. L’objet représente ce sur quoi porte la mesure (ex : les élèves de CM2 de Cocody). La caractéristique elle n’est rien d’autre que ce que l’on veut mesurer, c’est à dire la variable concernée : il peut s’agir du QI, de l’âge, de la taille, du niveau de développement intellectuel, etc. Le symboleest l’unité qui va être retenue dans le cadre de la mesure à effectuer. Si nous prenons par exemple le poids, il va sans dire que le symbole à 8 Legendre R, Dictionnaire actuel de l’éducation, Montréal-Paris, Guérin-ESKA, 1993 (2ième édition), citant Le Ministère de l’Education du Québec (DGDP), p.831 19 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 utiliser sera l’unité de mesure du poids, c’est-à-dire le gramme (g) et s’il s’agit de la distance ou la longueur, ce sera le mètre. Enfin, le résultat est exprimé par le nombre de fois que ce symbole ou cette unité de mesure aura été observé(e) dans son application à la caractéristique retenueTout ce cheminement renvoie bien évidemment à la problématique de la construction de l’instrument de mesure, problématique à laquelle l’enseignant ou formateur est de façon constante confronté.. S’agissant des apprenants, que faut-il mesurer ? 20 La capacité de mémoriser, l’aptitude à résoudre un problème, la capacité d’analyser, d’appliquer une méthode, une technique, etc. ? La mesure repose sur la conception et la mise en œuvre d’un instrument (instrument de mesure) spécialement confectionné à cet effet et qui en principe, a pour particularité de permettre de capter sans ambages, de façon exacte les données ou indices à soumettre à l’analyse et à l’interprétation en vue de la décision. En matière d’évaluation des apprentissages, les enseignants ont à leur disposition une multitude d’instruments ou d’outils dont ils ont le choix en fonction du cas. Observant la pratique de tous les jours, citons en quelques-uns des plus connus, par exemple : les questions à choix multiples (QCM), les questions à réponse courte et ouverte (QROC), la dissertation, la résolution de problème, la mise en situation, le commentaire ou l’explication de texte, la question à appariement, la question avec réponse à compléter, les tests de connaissance, etc. Lorsque l’enseignant a achevé son cours et qu’il entreprend de se faire une idée précise du niveau d’avancement de ses apprenants par rapport à l’apprentissage auquel ils ont été soumis, il lui revient de décider, en tenant compte d’un certain nombre de paramètres, de l’instrument qui lui paraît le plus pertinent et le plus adapté au cas qui se présente devant lui. Lorsque le choix de l’instrument est fait de façon judicieuse et que sa construction est conforme aux normes en la matière, c’est-à-dire qu’il est fait pour mesurer de manière effective ce pour quoi il a été conçu et construit (validité), la qualité de l’évaluation ne devrait souffrir d’aucune récrimination de la part de ceux à qui elle s’adresse ou à tout autre observateur. Au lieu de cela, la pratique évaluative à l’université de Cocody est ouvertement ou sournoisement Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... contestée et globalement accusée de complaisance, d’emprunte de favoritisme, de constituer souvent, une source de règlement de compte, etc. Et des faits observables tendent à créditer le sort qui est ainsi fait à cette partie pourtant fondamentale des attributions de tout enseignant. Citons par exemple, les démarches des étudiantes et étudiants pour « négocier des notes ou les points complémentaires» qui leur manquent, le développement et la généralisation des techniques et stratégies pour tricher, les nombreuses accusations contre certains enseignants qui distribueraient des notes par complaisance, etc. Somme toute, des pratiques qui si elles étaient avérées, risqueraient à la longue, d’entraîner la dépréciation progressive et durable de l’ensemble des formations dispensées et donc des diplômes délivrées par l’université. Pour éviter d’aboutir de façon irrémédiable à une telle issue,la question fondamentale à laquelle il nous semble utile de répondre est la suivante : Comment les étudiants perçoivent-ils l’évaluation des apprentissages telle que pratiquée à l’université de Cocody ? Objectifs et hypothèses de l’étude Les objectifs L’objectif général ici visé est d’analyser les perceptions et attentes des étudiants par rapport à l’évaluation des apprentissages telle que pratiquée à l’université de Cocody. Il s’agit, dans ce sens: - de recueillir les sentiments et opinions des étudiants sur les pratiques évaluatives en cours à l’université de Cocody ; - d’Identifier à partir de ces données, les problèmes réels que pose l’évaluation des apprentissages à l’université; - de Dégager des pistes possibles d’amélioration de la pratique en matière d’évaluation des apprentissages. Les hypothèses Hypothèse principale Quels que soient leur nationalité, leur établissement d’origine (filière) et le rythme auquel se déroulent leurs études (redoublant, non redoublant), les étudiants de l’université de Cocody ont de l’évaluation des apprentissages, une perception unique, négative en général. 21 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Hypothèses secondaires - Les sentiments et attentes exprimés par les étudiants à l’égard des pratiques évaluatives à l’université sont indépendants du sexe, de l’établissement (ou filière) dans lequel ils sont inscrits, et du fait qu’ils aient déjà repris une année ou non (expérience personnelle) 22 - Les attitudes et opinionsdes étudiants vis-à-vis de l’évaluation des apprentissages telle que pratiquée à l’université sont liées au fait qu’ils sont informés ou non au préalable, par rapport aux objectifs et modalités de l’évaluation des apprentissages. On peut penser que s’ils disposaient au préalable, des informations nécessaires, ils en auraient une vision probablement plus objective et positive. Comment Vérifier sur le terrain les hypothèses ainsi formulées ? 2- MÉTHODOLOGIE Le champ géographique de la recherche Sur les trois universités que comptait alors la Côte d’Ivoire9, seule l’université de Cocody a été retenue. Située dans le quartier de Cocody, à Abidjan, capitale économique du pays, cette institution universitaire est la plus grande, la plus importante et la 9 Depuis, la Côte d’Ivoire en compte au total ciq (5). Les URES de Daloa et de Korhogo sont érigées en universités à part entière plus ancienne du pays. L’université de Cocody occupe l’emplacement exact de l’ancienne Université Nationale de Côte d’Ivoire. L’effectif actuel est d’environ 70.000 étudiants repartis entre 13 Unités de Formation et de Recherche (UFR) et de deux Ecole et Centre. C’est la réforme de 1995-1996 qui a restructuré les 7 anciennes facultés en ces13 UFR10. S’agissant des enseignantschercheurs leur nombre était estimé au moment de l’enquête à 1500 environs parmi lesquels, des Professeurs Titulaires, des Maîtres de Conférences, des Maîtresassistants et des Assistants, qui constituent le corps professoral. Les moniteurs et autres Lecteurs sont censés aider au fonctionnement de ces différentes structures en raison de leur faible nombre. Ce qui en termes d’encadrement, conduit à un taux d’environ 1/50, alors que la norme en la matière se situe selon l’UNESCO autour de 1/25. Population et échantillonnage Cette étude a concerné les étudiants en troisième année d’études universitaires, ou en année de Licence. Nous avons visé ceux-là parce qu’à ce niveau d’études, ils ont suffisamment d’expérience en matière d’évaluation pour pouvoir s’en faire une idée assez précise. Il ne nous a pas paru utile de monter 10 Il s’agit des Facultés des Lettres des Arts et des Sciences Humaines (FLASH), des Sciences et Techniques, de Médecine, d’ Odontostomatologie, de Pharmacie, Droit et Sciences Economiques. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... jusqu’aux étudiants de quatrième année (Maîtrise) ou de Troisième cycle même si une comparaison entre les trois cycles d’études universitaires n’aurait peut-être pas été sans intérêt. Notre souci était simplement de limiter le nombre de variables. Au total, sept cents étudiants ont été interrogés dans sept (0 7) des 13 UFR qui constituent l’université de Cocody et se répartissent comme suit : Etablissements universitaires retenus Nombres d’étudiants retenus Garçons Filles Total UFR Mathématique Informatique 70 30 100 UFR Sciences Juridiques et Politiques 70 30 100 UFR Langues Littératures et Civilisations 70 30 100 UFR Sciences Médicales et Biologiques 70 30 100 UFR Odontostomatologie/ Pharmacie1 70 30 100 UFR Sciences de la terre et des ressources minières 70 30 100 UFR Sciences de l’homme et de la société 70 30 100 Total 490 210 700 Un regroupement par affinité de ces établissements permet de voir qu’ont été pris en compte, les différents groupes disciplinaires d’avant la reforme qui a transformé les Facultés en Unités de Formation et de Recherche (UFR). On a ainsi, L’ex-Faculté des Sciences et Techniques (FAST) avec les UFR Mathématiques et Informatique et Sciences de la terre et des ressources minières; l’ex- Faculté des Lettres, des Arts et des sciences humaines (FLASH) avec les UFR Sciences de l’homme et de la société et Langues, Littératures et Civilisations; les Sciences de la santé (Médecine, Odontostomatologie et Pharmacie) et enfin, l’UFR Sciences juridiques et politiques. Dans chacune de ces huit UFR, nous avons prélevé sans considération de la taille de l’établissement, des souséchantillons théoriques de 100 personnes, avec 70 garçons pour 30 filles. Ce qui nous fait un total de 700 étudiants à interroger dont 490 garçons et 210 filles. Instrument de recueil des données et administration Le recueil des données a été réalisé par le biais d’un questionnaire écrit comportant 19 items dont trois sont consacrés à l’identification des répondants. Afin de nous donner la chance de recueillir le plus possible d’exemplaires remplis, nous avions 23 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 sollicité et obtenu la complicité d’un certain nombre de collègues des UFR concernées qui ont accepté qu’une trentaine de minutes de leur temps de cours soit sacrifiée au profit de l’administration directe des questionnaires. Nous leur en resterons reconnaissant. 24 Commencée au début du mois de Mars, cette enquête s’est terminée dans la première quinzaine du mois de Mai de la même année. Le temps d’administration a été quelque peu rallongé d’abord à cause des congés de Pacques, du fait que dans un certain nombre d’UFR, les étudiants de troisième année étaient en plein examen (1ère ou 2ème session). A ces deux évènements s’était ensuite ajoutée la grève de protestation de trois jours, soit du 27 au 29 Avril) décrétée par la CNEC (Coordination Nationale des Enseignants et Chercheurs). Finalement l’enquête sur le terrain avait pris fin l deux (2) semaines plus tard. Le traitement des données a été fait grâce au logiciel spécial d’analyse des données, le SPSS11. Configuration des répondants Etablissements universitaires retenus Nombre d’étudiants échantillons répondants % répondants UFR MathématiqueInformatique 100 83 83 UFR Sciences Juridiques et Politiques 100 81 81 UFR Langues Littératures et Civilisations 100 64 64 UFR Sciences Médicales et Biologiques 100 34 34 UFR Odontostomatologie/ Pharmacie 100 68(40+28) 68 UFR Sciences de la terre et des ressources minières 100 41 41 UFR Sciences de l’homme et de la société 100 94 94 Total 700 465 66,42 Grâce à la stratégie d’administrationdes questionnaires que nous avons adoptée dans le cadre de la présente étude (recours à la complicité de collègues enseignants), nous avons obtenu dans l’ensemble , un taux intéressant de répondants, soit 66,42 %. Le tableau récapitulatif ci-dessus laisse voir tout de 11 Statistical package for social sciences : SPSS Base 9.0 Applications guide, USA, SPSS Inc., 1999 Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... même, quelques taux de réponse relativement bas. Il s’agit de cas ou les exemplaires n’ont en définitive, pas pu être remplis sur place. Probablement à cause du retard pris dans les cours et la nécessité urgente de les rattraper, certains collègues contactés ont du procéder de façon classique, c’est-à-dire qu’ils ont remis les exemplaires à remplir aux étudiants dont certains n’ont évidemment pas rendu leurs «copies». Sur les personnes qui ont participé de façon active à l’enquête, on note que les étudiantes représentent 32,3 % soit 154 personnes. Par ailleurs, que 67,5% d’entre eux, soit 322 étudiants ont déjà doublé au moins une fois pour 137 (28,7%) qui n’ont pas encore perdu d’année. Telle est la configuration des étudiants qui ont accepté de participer à cette enquête. Quelles réponses donnent-ils aux différentes questions qui leur on été posées ? 3- LES RESULTATS OBSERVES 3.1- Appréciation générale de l’évaluation des apprentissages telle que pratiquée à l’université On note qu’une majorité de 280 répondants sur 462, soit 58,7% jugent l’évaluation «peu efficace». Si on y ajoute 33 qui la jugent «tout à fait inefficace, on obtient une majorité forte de 313 personnes, soit 65,6% des enquêtés qui se sont prononcés sur cette question. En revanche, 149 autres, soit 31,2% pensent le contraire. Cette configuration des réponses est-elle influencée de façon significative par les variables retenues, notamment le sexe des répondants ?Avec α=0,534, à 3 degrés de liberté, on retient que le test x²=2,188 n’est pas significatif au seuil de 5%. Autrement dit, les réponses à la question posée ne varient pas en fonction du sexe. La tendance est la même tant chez les garçons que chez les filles. Ces deux catégories de répondants trouvent que l’évaluation est « peu efficace » voir « tout à fait inefficace », soit 69,5% des garçons et 63,3% des filles. 3.2- Des critères pris en compte dans l évaluation des apprentissages Les enquêtés ont eu à se prononcer sur plusieurs critères : 3.2.1- Le genre Sur les 323 personnes qui se sont prononcées sur cette question, sur les 477 interrogées (67,7%), 280 (58,7%) rejettent le genre comme critère pris en compte dans l’évaluation des apprentissages. Ils considèrent qu’il ne s’agit pas d’un critère pertinent. 25 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 3.2.2- Les rapports enseignants-enseignés 3.2.5- Présentation générale de la production de l’étudiant Au total, 344 (72,1%) sur 477 répondants ont exprimé un point de vue par rapport à ce critère. Parmi eux, une majorité relative de 46,3% rejette ce critère. En revanche, si on ne considère que ceux qui se sont prononcés, les partisans du rejet du critère «rapport enseignants-enseignés» constituent une majorité absolue de 64,2%. On observe ici aussi, une tendance similaire. En effet, non seulement ce critère retient l’attention de 368 étudiants sur les 477 répondants, soit 77,1%, mais il se dégage une majorité de 325 (soit 68,1% ou même de 88,3% si on en reste à ceux qui s’y sont intéressés, qui pensent qu’il s’agit d’un critère d’évaluation valable. 3.2.3- La situation particulière de l’étudiant(e) 26 Il se dégage une majorité de 268 sur 305 enquêtés dont l’attention a été retenue par ce critère, soit 56,2% qui ne considèrent pas que la condition particulière que vit l’apprenant(e) soit un critère pertinent à prendre en compte. Cette majorité passe à 87% si on ne considère que ceux qui ont exprimé une opinion sur ce critère. 3.2.4- L’exactitude du contenu 402 étudiants sur 477, soit 84,3% de l’ensemble des répondants se sont exprimé à ce niveau. Parmi, eux, on relève une majorité écrasante de 79,9% qui retient ce critère comme tout à fait pertinent, majorité qui s’avère encore plus forte si l’on ne considère que les 402 enquêtés concernés, soit, 94,8%. 3.2.6- Tendance générale de la réponse 328 étudiants sur 477, soit 68,8% de l’ensemble des répondants ont jugé de la pertinence de ce critère. Parmi eux, 220, soit 67,1% estiment que la tendance ou allure générale de la production de l’étudiant est un critère valable que l’on doit ou peut prendre en compte dans l’évaluation des apprentissages. 3.2.7- Autres critères 80,6% des 134 étudiants qui se sont intéressés à cette question n’ont pas trouvé d’autres critères susceptibles d’entrer en ligne de compte dans l’évaluation des apprentissages que ceux soumis à leur appréciation. 3.3- De la pertinence des critères 445 des 477 étudiants qui ont participé à l’enquête, soit 93% d’entre eux se sont prononcés par rapport à la question posée. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... Parmi ces derniers, une majorité relative de 194 éléments, soit 40,7% considère que ces critères sont «assez pertinents». Si on y ajoute les 73 autres (15,3%) qui les trouvent «tout à fait pertinents», on obtient une majorité de 267 éléments,, soit 56% des enquêtés qui expriment cet avis favorable. En revanche, 31,7% des répondants trouvent ces critères «peu pertinents» et 5,7% autres, «tout à fait erronés». Par rapport à la variable «sexe», le x² calculé est égal à 12,334. Avec =0,006, inférieur au seuil de 5% à 3 degés de liberté, le test x² est significatif. Ce qui veut dire que garçons et filles n’ont pas la même appréciation de la pertinence des critères auxquels les enseignants ont recours. On note en effet que si la majorité des filles (52,4%) les trouvent « assez pertinents», chez les garçons il n’y a qu’une majorité relative de 39,3% qui souscrit à cette appréciation. «L’établissement d’origine des répondants» n’influence pas significativement, leurs réponses à cette question. En effet le test x² (0,130) au seuil de 5%, à 9 degrés de liberté, n’est pas significatif. S’agissant de la variable « rythme des études», elle n’influence pas non plus la répartition des réponses des enquêtés par rapport aux quatre (4) modalités de réponse à la question posée. On a en effet, x²=0,325 au seuil de 5%, à 3 degrés de liberté. 3.4- Communication des critères aux étudiants Les critères pris en compte dans l’évaluation des apprentissages par les enseignants sont-ils communiqués au préalable aux étudiants ? Les réponses des enquêtés à cette question paraissent assez disparates. En effet, si on considère les 462 opinions exprimées sur les 477 enquêtés, soit 96,9% et si on prend isolément chacune des valeurs de l’échelle, on note que ceux qui estiment que ces critères sont « souvent » communiqués aux étudiants sont les plus nombreux. Ils représentent 38,6%. Mais ils sont suivis par ceux qui pensent plutôt qu’ils ne sont que «rarement» communiqués, 151 personnes représentant 31,7% des étudiants concernés. Ensuite viennent ceux selon qui les critères retenus ne sont « jamais » communiqués et enfin ceux qui au contraire, soutiennent que c’est plutôt « toujours » qu’ils sont communiqués aux étudiants. Si on procède au regroupement par affinité, deux à deux de ces 4 valeurs, la tendance majoritaire apparaît très clairement : Il ressort en effet que si l’on met ensemble, les répondants qui affirment que 27 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 les critères en question sont communiqués «rarement» et «jamais», on obtient une majorité de 52,2% contre 44,5% pour l’ensemble de ceux qui affirment le contraire, c’est-à-dire « souvent » et «toujours». On doit donc conclure que la communication des critères d’évaluation aux étudiants ne se fait pas de façon systématique. 28 On note par ailleurs que les réponses des enquêtés à cette question sont influencées par la variable «sexe». En effet, avec α =0,035, au seuil de 5 %, le test x² =8,616 est significatif (0,0350,5). Ce qui veut dire que garçons et filles n’y répondent pas tout à fait de la même manière. On note dans ce sens que du point de vue de la « concentration des réponses par sexe, les filles semblent plus sévères dans leur jugement que les garçons. Par exemple, pour la réponse majoritaire «souvent», on enregistre 45,9% des filles et 36,9% des garçons. En revanche, pour ceux qui estiment que les critères ne sont « jamais » communiqués aux étudiants, la tendance est inverse : les garçons sont plus nombreux à y souscrire, (24,8%) que les filles (13,5%). Par rapport à la variable «établissement d’origine», on retient que le test x² (0,053) est significatif au seuil α =5 %, à 9 degrés de liberté. Autrement dit, les réponses exprimées ici ne sont pas les mêmes et varient d’un établissement à l’autre. Enfin, il faut retenir que la variable «Rythme de progression dans les études» n’a pas d’influence significative sur les réponses à la question posée. Avec x²=0536, au seuil de 5%, à 1 degré de liberté. Autrement dit, étudiants redoublants et non redoublants se repartissent de manière à peu près semblable pour toutes les modalités de réponse. 3.5- Enseignant dont on apprécie la façon d’évaluer Sur 477 étudiants interrogés, 461, soit 96,6%s’expriment sur la question. Parmi eux, 426, soit 89,3% répondent «oui», c’està-dire qu’il y a au moins un enseignant dont ils apprécient positivement la façon d’évaluer. Le sexe n’influence pas les réponses des enquêtés. Garçons et filles répondent de façon fortement majoritaire «oui» à la question posée, soit respectivement 91,3% et 94,6%. Autrement dit, le test x² (= 1,118) n’est pas significatif au seuil de 5% à 1 degré de liberté. Par rapport à la variable «établissement d’origine», le test x² (=2,878) au seuil de 5% à 3 degrés de liberté, n’est pas significatif. Autrement dit, les répondants s’expriment indépendamment de cette variable. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... Il en est de même pour la variable «rythme des études», avec x² = 0,439 au seuil de 5% et 1 degré de liberté. Elle n’a pas d’influence significative sur les réponses des enquêtés. La question leur avait donc été posée de savoir sur quelle bases apprécient-ils la façon d’évaluer de ces enseignants. En réponse, plusieurs éléments ont été évoqués par les intéressés, à savoir : 3.5.1- la générosité de l’enseignant 266 soit 55,8% des enseignants se sont prononcés sur la question. De cette catégorie de répondants, il se dégage une forte majorité de 86,5% qui rejette « la générosité » de l’enseignant comme critère crédible pour expliquer le fait que les étudiants aiment ou acceptent la façon d’évaluer de tel ou tel enseignant. Ce n’est apparemment pas ce qu’ils cherchent chez leurs Maîtres. 3.5.2- La pertinence de ses observations Sur 359 personnes qui se sont exprimées (75,3%) sur 477 enquêtés, 327, soit 91,1% retiennent cet argument comme justifiant leur préférence pour la façon d’évaluer d’un enseignant. 3.5.3- La logique entre les observations formulées et la note attribuée Parmi les 330 étudiants sur 477, soit 69,2% des interrogés, 297, soit 90%, c’est-à-dire la quasi-totalité des intéressés estiment que le fait qu’il y ait une logique perceptible entre les observations formulées par l’enseignant et la note qu’il a attribuée à la copie est un gage de compétence qui justifie donc qu’ils aient une préférence pour sa façon d’évaluer. 3.5.4- Sa rigueur La rigueur dont l’enseignant fait preuve dans l’évaluation des productions des élèves est un des facteurs que les enquêtés retiennent pour justifier leur choix pour sa façon d’évaluer. Cette opinion est partagée par une majorité écrasante de 89,1% des 304 personnes (63,7%) qui se sont intéressées à la pertinence de ce facteur. 3.5.5- Autres qualités ou facteurs A la question de savoir si en dehors de ceux ci-dessuscités, les enquêtés en identifient d’autres, ils sont 127 sur les 477 enquêtés à réagir. Et parmi ces derniers, une forte majorité de 77,2% considèrent que c’est là l’essentiel et qu’ils n’en voient pas d’autres de vraiment importants et significatifs. 29 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 3.6- Enseignants dont on n’apprécie pas la façon d’évaluer Cette question a intéressé 451 des 477 enquêtés, soit 94,5%. Parmi les 357 intéressés, soit, 74,8%, affirment qu’il y a des enseignants dont ils n’aiment pas la façon d’enseigner. Il n’y a que 94 personnes, soit 19,7% qui soutiennent le contraire, c’est à dire qu’ils apprécient la manière d’évaluer de tous les enseignants. 30 Ces réponses varient-elles en fonction des variables retenues ? Indépendamment de la variable «sexe», les répondants affirment de façon majoritaire, qu’il y a des enseignants dont ils n’apprécient pas la façon d’enseigner. Autrement dit, aussi bien les garçons (78,9%) que les filles(79,2%) expriment ce point de vue. En effet, avec x²=0,875, au seuil de 5% et à 1degré de liberté, la différence entre ces deux catégories d’enquêtés n’est pas significative. Les réponses des enquêtés ne sont pas non plus influencées par la variable «établissement d’origine», avec x² = 4,289, au seuil α= 5%, à 3 degrés de liberté. Elles sont indépendantes de cette variable. Enfin, qu’ils soient redoublants ou non redoublants, leurs réponses ne varient pas de façon significative avec x² = 0,883,au seuil de 5%, à 1 degré de liberté. Mais sur quels arguments les partisans de la tendance majoritaire en question s’appuient-ils pour justifier cette attitude ? 3.6.1- La méchanceté de l’enseignant Sur 477 enquêtés, 292, soit 61,2% réagissent par rapport à cet item. Sur cet effectif, 159, soit 54,5% stigmatisent la méchanceté de l’enseignant comme pesant de façon significative sur le fait qu’ils n’aiment pas sa manière d’évaluer les apprentissages 3.6.2- Sa sévérité Au total, 309 répondants sur 477 enquêtés réagissent par rapport à cet item. Parmi eux, on note qu’une majorité importante de 71,5% (221) retient comme élément fondant leur avis, la sévérité de l’enseignant. 3.6.3- Sa sensibilité au genre (sexe) Seuls 263 des 477 répondants se sont intéressés à la question. Une majorité de 70,7% de ces derniers rejettent en revanche, ce critère comme susceptible de justifier leur attitudes visà-vis des enseignants par rapport à leur façon d’évaluer les apprentissages. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... 3.6.4- Son manque de rigueur Sur les 258 (54,4%) intéressés par la question, il se dégage une majorité de 59,3%, 153 personnes pour qui le manque de rigueur de l’enseignant est une des raisons pour lesquelles ils n’aiment pas leur façon d’évaluer les apprentissages. 3.6.5- Absence de critères objectifs d’évaluation 302 répondants sur 477 ont réagi par rapport à cet item, soit 63,3%. La majorité de ces derniers, soit 72,2%, pense qu’il s’agit là d’une des raisons fondamentales pour lesquelles elle n’apprécie pas de façon positive, la façon d’évaluer de certains enseignants. Ces réponses sont-elles influencées par certaines variables ? Avec x²=0,266 au seuil de 5%, à 3 degrés de liberté, on retient que les enquêtés, donnent des réponses qui sont indépendantes de la variable «établissement d’origine». Quant aux enquêtés, non redoublants ou redoublants, ils soutiennent dans leur majorité (73,3% et 71,3%) qu’il n’y a pas de critères objectifs d’évaluation. Avec x²=0,733, toujours au seuil de 5%, à 1 degré de liberté, ils estiment que la variable « rythme des études n’influence pas de façon significative, leurs réponses. 3.6.6- Subjectivisme dans l’attribution des notes Les 243 personnes qui se sont exprimées sur la question, émettent des avis tout à fait partagés. En effet, 50,2% d’entre elles soutiennent que le subjectivisme n’est pas un fondement significatif et positif de l’attribution des notes, alors que 49,2% autres soutiennent le contraire. Le test x² étant égal à 0,818 au seuil α=5%, à 1degré de liberté, il n’est pas significatif. Autrement dit, filles et garçons se retrouvent dans chacune des deux positions adoptées. En revanche, on doit retenir que les réponses des enquêtés sont influencées par leur établissement d’origine dans la mesure où x²=0,011, avec 3 degrés de liberté, au seuil de 5%. En observant bien les données , on remarque en effet que les enseignants de Droit/ Sciences économiques et de l’ex FLASH donnent majoritairement la réponse «oui», c’est-à-dire qu’ils affirment l’existence d’un certain subjectivisme dans l’attribution des notes alors que ceux des Sciences de la santé et des Sciences et techniques répondent plutôt « non ». Ces derniers n’admettent pas l’existence d’un tel subjectivisme. Ce sont eux qui font semble t-il, le plus confiance en l’objectivité des notes qu’ils attribuent aux étudiants. 31 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 3.6.7- Négligence dans la correction 3.7.3- Les Questions à réponse ouverte et courte (QROC) 59,7% des 477répondants (285) ont réagi à cet item. Parmi eux, il y a une majorité de 62,5% qui retient la négligence comme une justification pertinente du jugement porté sur ces enseignants 339 enquêtés sur 477 se sont exprimés sur cette forme d’évaluation. Parmi eux, 68,4%, soit 232 personnes, estiment que cette méthode est souvent utilisée par les enseignants dans l’évaluation des apprentissages. 3.6.8- Autres défauts Seuls 143 personnes prennent position et parmi eux, 108, soit 75,5% n’en voient pas d’autres. 3.7- Méthodes d’évaluation utilisées 3.7.1- La résolution de problème 32 Parmi les 363 répondants sur 477 qui ont réagi, soit 76,1% il se dégage une majorité de 74,7% qui soutient que cette façon d’évaluer, les apprentissages est souvent utilisée. 3.7.2- Les questions à choix multiples (QCM) 328 des 477 enquêtés, soit 68,8% ont réagi. Parmi ces derniers, une majorité courte de 52,4% estime que les QCM ne sont pas souvent utilisés. En revanche, on enregistre aussi, 47,6 % autres des enquêtés qui disent le contraire. 3.7.4- La dissertation On a 333 enquêtés sur 477, soit 69,8% qui se sont intéressés à la question. Parmi ces derniers, 54,7% (182) affirment que la dissertation est suffisamment utilisée par les professeurs. 45,3% autres soutiennent le contraire. 3.7.5- Le commentaire et l’explication de texte Sur les 477 enquêtés, 296 expriment un point de vue et parmi ces derniers, on relève une majorité de 62,8% (186) qui soutiennent que le commentaire et l’explication de texte ne sont pas souvent utilisés comme méthodes d’évaluation des apprentissages. Ceux qui soutiennent le contraire constituent une minorité de 37,2%. 3.7.6- Les travaux de recherche Sur 303 personnes qui se sont prononcées sur la question, soit 63,5% des 477 personnes interrogées, 62,4% estiment l’évaluation sous forme de Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... travaux de recherche est assez souvent utilisée. 3 . 7 . 7 - L e s q u e s t i o n s à appariement 225 personnes (53,5%) des 477 enquêtées ont réagi ; la grande majorité d’entre elles estiment que les questions à appariement sont souvent utilisées par les enseignants au niveau de l’évaluation 3.7.8- Les questions avec réponse à compléter Sur les 477 personnes interrogées, 281 se sont exprimées dont 69, soit 14,5% seulement soutiennent que les QRC sont souvent utilisées. Ce n’est pas l’avis de la majorité des 212 autres, soit 75,4% qui elles, ne le pensent pas. , Autrement dit, les questions à réponse à compléter sont peu utilisées à ce niveau. 3.7.9- Le travail en groupe Cet item a intéressé 319 (66,9%) personnes sur 477. C’est la majorité. Parmi eux, 197, soit 61,8% soutiennent que le travail de groupe est souvent utilisé par les enseignants. 3.7.10- Autres Instruments Seuls 148 personnes sur 477 ont réagi, soit 31%. La majorité de ces derniers, c’est-à-dire 84,5% (125) affirment ne pas connaître d’autres instruments d’évaluation des apprentissages. Ce qui paraît tout de même un peu court ! 3.8- Les instruments d’évaluation ayant le plus marqué les étudiants 3.8.1- La résolution de problèmes sur 477 concernés, 318, soit 66,7% ont exprimé une position. Parmi eux, il se dégage une majorité de 207 individus, soit 65,1% qui soutiennent qu’ils ont été vraiment marqués par la résolution de problème comme forme d’évaluation 3.8.2- Les Questions à Choix Multiples (QCM) 297 personnes sur les 477 individus interrogées, soit 62,3%ont pu réagir. Parmi eux, 57,9%, soit 172 individus disent avoir été aussi marqués par les QCM comme instruments d’évaluation des apprentissages. 3.8.3- Les Questions à Réponse Ouverte et Courte (QROC) Par rapport à cet item,, 299 personnes (62,7%) ont pris position. Parmi eux, nous avons une majorité de 60% qui soutiennent que les QROC les ont marqués comme forme d’évaluation. 33 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 3.8.4- La Dissertation 279 enquêtés sur 477, soit 58,5% ont réagi. Une courte majorité de 50,5% de ces derniers estime avoir été marquée par cette forme d’évaluation. Toutefois, on peut dire que les points de vue sont partagés puisqu’une autre moitié (49,5%) dit le contraire. 3.8.5- Le Commentaire et l’Explication de texte 34 sur 477 enquêtés, 53,9%, soit 257 personnes ont exprimé une position. La majorité d’entre elles, c’est-à-dire 170 (66,1% estime n’avoir pas été marquée par ces deux formes d’évaluation. Seule une minorité de 87 personnes (33,9% soutient le contraire. 3.8.6- Le Travail de recherche 276 répondants sur 477 expriment une position, soit 60 (57,9)% de l’ensemble. Parmi ceux-ci, 161, soit 58,3% soutiennent avoir été impressionnés ou marqués par le travail personnel de recherche comme forme d’évaluation. 3.8.7- Les Questions à appariement 42,2% des 477 répondants, c’està-dire 225 personnes ont exprimé une position précise : sur cette courte majorité, il se dégage une forte majorité de 86,7% qui soutient n’avoir nullement été marquée par les questions à appariement comme forme d’évaluation. En clair, ils ne connaissent pas tellement cet instrument au service de l’évaluation ! 3.8.8- Le Travail de groupe 289 répondants sur 477 donnent un point de vue. On trouve parmi eux, 174 personnes, soit 60,2% qui ont été marquées par cette forme d’évaluation. 3 . 8 . 9 - D ’ a u t re s m é t h o d e s d’évaluation On enregistre ici, 142 répondants sur 477 qui ont réagi par rapport à cette forme d’évaluation. Ils représentent 29,8%. Parmi eux, la grande majorité, soit 93% n’ont été marquées par aucune autre forme d’évaluation que celles soumises à leur appréciation. Ce qui pourrait aussi signifier que les intéressés ne connaissent tout simplement pas d’autres formes d’évaluation des apprentissages. 3-9 Les préférences des étudiants 3.9.1- La Résolution de problème On note ici que sur les 477 répondants, 313 réagissent, soit 65,6%, parmi lesquels, 221, soit 70,6% affirment leur préférence Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... pour la résolution de problème comme forme d’évaluation 3.9.2- Les QCM 313 répondants sur 477 s’expriment, soit 65,6%. Parmi eux, on a 201 personnes, soit 64,2% qui expriment leur préférence pour les Questions à Choix Multiples comme méthodes d’évaluation. Il s’agit d’une opinion majoritaire. 3.9.3- Les QROC Sur les 477 répondants, 281 ont exprimé un point de vue, soit 58,9%. Parmi ces derniers, 178, soit une majorité de 63,3% déclarent leur préférence pour les QROC. 3.9.4- La Dissertation Sur 477 répondants, nous avons 273 réactions qui ont été enregistrées, c’est-à-dire 57,2%. Ici, on observe une courte majorité de 53,1% qui exprime sa préférence pour la dissertation. 3.9.5- Commentaire et Explication de texte 247 (51,8) sur 477 répondants se sont exprimés sur ce point. Parmi eux, 66,4%, soit 164 personnes préférences deux formes que peut prendre l’évaluation des apprentissages que sont le commentaire et l’explication de texte. 3.9.6- Les travaux de recherche 304 des 477 enquêtés, soit 63,7% ont formulé une opinion sur la question.76,6% d’entre eux, soit 233 personnes disent avoir une préférence pour les travaux de recherche comme forme ou instrument d’évaluation. 3.9.7- Les questions à appariement Ceux qui ont réagi à cet item sont au nombre de 227 sur 477, soit 47, 6%. Parmi eux, la majorité, soit 170 individus qui représentent 75%, ne retiennent pas cette forme d’évaluation parmi leurs préférences 3.9.8- Les questions à réponse à compléter Sur 477 enquêtés au total, on a 244 réponses, soit 51,2%. Parmi ces derniers, on a une majorité de 62,3%, soit 152 personnes qui retiennent cette forme d’évaluation comme une de leurs préférences. 3.9.9- Le travail de groupe 286 répondants sur 477, soit 60% ont donné leur opinion. Parmi eux, 185, soit 64,7% expriment leur préférence pour cette forme d’évaluation entre autres 3.9.10- D’autres formes ou méthodes d’évaluation Au total, 141, soit 29,26% seulement sont concernés. Sur 35 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 cet effectif, il y a 121, soit 85, 8% qui n’ont aucune autre préférence. Ceci pour dire qu’ils ne connaissent peut-être pas d’autres formes d’évaluation. 36 appréciation (75,1%) contre 66,4% pour ceux qui n’ont jamais doublé. Dans leur majorité, les étudiants interrogés pensent tout de même que les notes attribuées par leurs maîtres sont 3.9.11- Appréciation des notes relativement justifiées. Elle ne distribuées sont donc pas systématiquement 446 personnes sur 477, soit vues comme arbitraires. 93,5% se sont sentis concernées Tels sont là exposés, les par cette question. Parmi ces résultats de cette étude. Que dernières, 322, soit 72,2% faut-il en penser ? estiment que les notes attribuées sont «plus ou moins justifiées». 4- DISCUSSION On en trouve 93 autres, soit L’objectif général de ce travail, 21% qui les estiment «tout à faut-il le rappeler, est d’analyser fait justifiées». Il apparaît tout les perceptions et attentes à fait clair que les étudiants des étudiants par rapport à interrogés ne remettent pas l’évaluation des apprentissages systématiquement en cause les notes qui leurs sont attribuées telle que pratiquée à l’université de Cocody. par leurs Maîtres. Celui-ci a été ensuite décliné en Par rapport à la variable trois objectifs spécifiques, à savoir : «établissement d’origine, le test de x² n’est pas valide, plus de 25% de valeur théorique étant inférieurs à 5 Quant à la variable « rythme des études, elle influence de façon significative les réponses avec x²=0,048à 3 degrés de liberté, au seuil de 5%. L’examen des chiffres montre bien que si non redoublants et redoublants soutiennent de façon majoritaire que les notes attribuées par les enseignants sont «plus ou moins justifiées», les redoublants ont plus tendance à donner cette 1. recueillir les sentiments et opinions des étudiants sur les pratiques évaluatives en cours à l’université de Cocody ; 2. identifier à partir de ces données, les problèmes réels que pose l’évaluation des apprentissages à l’université ; 3. dégager des pistes possibles d’amélioration de la pratique en matière d’évaluation des apprentissages. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... L’examen des résultats exposés nous permet de noter que ces objectifs ont été atteints. En effet, l’enquête que nous avons conduite nous a permis de recenser les sentiments et opinions des étudiants aux pratiques d’évaluation des apprentissages à l’université de Cocody, et de mettre en reliefs les principales difficultés qui y sont attachées Des pistes de solution ont été ensuite proposées : En rapport avec ces objectifs, des hypothèses avaient été formulées et il s’agissait de vérifier sur le terrain. L’hypothèse principale était la suivante : Quels que soient la nationalité, le sexe, l’établissement d’origine (filière) et le rythme auquel se déroulent leurs études (redoublant, non redoublant), les étudiants de l’université de Cocody ont de l’évaluation des apprentissages, une perception unique, négative en général. A partir de cette hypothèse principales, des hypothèses secondaires ont été formulées, à savoir : Les sentiments et attentes exprimés par les étudiants à l’égard des pratiques évaluatives à l’université varient avec le sexe, l’établissement(ou filière) dans lequel ils sont inscrits, et le fait qu’ils aient déjà repris une année ou non (expérience personnelle). Les attitudes et opinionsdes étudiants vis-à-vis de l’évaluation des apprentissages telle que pratiquée à l’université sont liées au fait qu’ils sont au préalable informés ou non, par rapport aux objectifs et modalités de l’évaluation des apprentissages. On peut penser que s’ils disposaient au préalable, des informations nécessaires, ils en auraient une vision probablement plus objective et positive. Ces hypothèses ont-elles été vérifiées sur le terrain ? 4-1 Lapremière hypothèse L’analyse des données recueillies sur le terrain permet d’affirmer que cette première hypothèse a été pour l’essentiel, vérifiée. On observe en effet que le sexe,l’établissement d’origine et le rythme de déroulement des études (expérience) influencent de façon significative, certaines réponses formulées par les enquêtés à propos de l’évaluation des apprentissages telle que pratiquées par leurs Maîtres.Certaines réponses des enquêtés ne sont pas linéaires.Elles varient en fonction de l’une ou l’autre de ces trois variables. A propos de l’appréciation globale des pratiques d’évaluation des apprentissages : Dans leur écrasante majorité les enquêtés, filles et garçons 37 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 estiment que l’évaluation des apprentissages telle que pratiquée à l’université est «peu efficace», voire même «tout à fait inefficace». La variable sexe n’a pas d’incidence significative sur les points de vue exprimés par les filles et les garçons. Sur les modalités de réponses proposées par rapport à la question de savoir quels sont les critères précis dont les enseignants tiennent comptent dans l’évaluation de leurs productions, les intéressés retiennent principalement : - l’exactitude du contenu ; 38 - la présentation générale du travail fourni - la tendance générale des réponses de l’étudiant Certains expriment une attitude positive, parfois nuancée. Toutefois, la tendance majoritaire est à la faveur de ceux qui estiment que le système d’évaluation connaît des problèmes assez sérieux auxquels il urge de trouver des solutions adéquates. En revanche, on relève que des critères comme le genre, les relations enseignants /enseignés et la situation particulière des étudiants sont rejetés de manière franche ; En plus, ils n’ont pas trouvé d’autres critères possibles, en dehors de ceux qui leur ont été proposés pour appréciation. S’agissant des trois critères qu’ils retiennent, ils affirment qu’ils sont tout à fait pertinents. C’est ce qu’affirment 56 % d’entre eux. On a pu noter par ailleurs que seule la variable «sexe» influence de façon significative les réponses exprimées en ce qui concerne les critères pris en compte par les enseignants Il apparaît en effet que les filles sont plus nombreuses à soutenir cet avis que leurs condisciples garçons. Il aurait toutefois été intéressant d’identifier et d’analyser les raisons qui fondent cette opinion. 4-2 Deuxième hypothèse L’information préalable et suffisante des étudiants sur les modalités et outils d’évaluation : par rapport à la question de savoir si ces critères sont communiqués aux étudiants avant leur mise en application, il faut retenir avec les participants à l’enquête que cela ne se fait pas de façon systématique. Il ne s’agit pas vraiment d’une pratique avérée en ce sens que très peu d’enseignants le font. Par rapport aux variables retenues on observe que le sexe et l’établissement d’origine Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... influencent quelque peu les réponses des enquêtés: ici, les filles paraissent en effet, plus déterminées dans leur souscription à cette réponse que les garçons. Par ailleurs, les attitudes des répondants varient ici, d’un établissement à l’autre. En revanche, il n’y a pas de différence entre redoublants et non redoublants. Quel que soit le rythme de dé roulement de leurs études, la majorité des enquêtés soutient que communiquer d’avance les modalités et outils de l’évaluation n’est pas une pratique régulière et systématique de la part des enseignants. En dépit de toute cette situation, retiennentils des enseignants dont ils apprécient de façon positive, la façon d’évaluer ? Il ressort de cette enquête que de nombreux étudiants interrogés reconnaissent qu’il y a des enseignants qui évaluent de façon «correcte». Les enseignants ne sont donc pas vus dans leur ensemble, comme mauvais en soi, en matière d’évaluation. C’est de façon majoritaire qu’ils optent pour cette réponse qu’aucune des variables retenues n’influence de façon significative. Ils fondent cette opinion sur un certain nombre d’arguments, à savoir : la pertinence des observations qu’ils formulent,, la logique entre les observations et la note attribuée, la rigueur dans la façon dont ils travaillent, etc... Parallèlement, les étudiants interrogés connaissent aussi des enseignants dont ils n’apprécient pas la manière d’évaluer ? Ils sont, également nombreux à en connaitre dont ils n’apprécient point les pratiques en matière d’évaluation. Et cette réponse est également indépendante des variables sexe, établissement d’origine et rythme des études (le fait d’avoir re doublé ou non). Les facteurs qui militent selon eux, en faveur du fait qu’ils ne les aiment pas sont principalement : leur «méchanceté», leur «sévérité», leur «absence de rigueur», «l’absence de critères objectifs» d’évaluation, le «subjectivisme dans l’attribution des notes» ainsi que la «négligence dans la correction». Dans l’ensemble, on doit retenir que les discours et autres rumeurs relatives à la fois aux enseignants et à leurs pratiques dans le domaine de l’évaluation des apprentissages ne sont pas toujours justes. Des nuances sont à faire. Si beaucoup d’enquêtés trouvent l’évaluation telle que pratiquée à l’université de Cocody «peu efficace», ils considèrent cependant que leurs Maîtres ne sont pas si injustes et subjectifs que cela, lorsqu’ils procèdent à 39 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 l’évaluation des productions de apprenants qu’ils sont. CONCLUSION 40 Au terme de cette étude, on peut retenir entre autre que : par apport aux rumeurs et autres informations qui circulent sur la façon dont l’évaluation des apprentissages se déroule dans les universités ivoiriennes et en particulier à l’université de Cocody aujourd’hui Université Félix Houphouët-Boigny, notre intention au départ de cette étude était d’analyser les sentiments, attitudes et attentes réelles des étudiants. Nous avions dans ce sens engagé une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon de 700 étudiants dont 210 filles. Sept (7) Unités de Formation et de Recherche (UFR) sur les 13 que compte l’UFHB ont été concernées par cette étude. Sur cet ensemble, 465 répondants effectifs ont été enregistrés, soit un taux de réponse de 66,42% de l’échantillon de départ. Les données de l’étude quantitative ont été traitées avec le logiciel SPSS . De l’analyse ainsi faite, que retenir ? S’agissant des résultats on a pu retenir notamment que les objectifs visés et énoncés dès le départ, ont tous été atteints. Au niveau des hypothèses, en ce qui concerne la première, seule la variable «sexe» n’influence pas de manière significative, les différentes réactions exprimées par les répondants. Dans l’ensemble, les variables sexe, établissement ou filière d’origine , tout comme le fait d’avoir redoublé au moins une fois ou non ont une incidence significative sur ce que les répondants pensent des pratiques des enseignants en matière d’évaluation des apprentissages à l’université Félix Houphouët-Boigny: Ils expriment des points de vue qui divergent pour certains d’un établissement à l’autre, d’autres, selon le rythme de déroulement de leurs études, c’est-à-dire selon qu’ils ont déjà redoublé ou non Nous ne sommes donc pas dans une logique d’unanimisme notoire comme les rumeurs pourraient le laisser penser. Autrement dit, la façon dont les étudiants apprécient les pratiques de leurs Maîtres en matière d’évaluation n’est pas linéaire. Des études plus approfondies permettront certainement de mieux comprendre l’ensemble des problèmes liés aux pratiques évaluatives en milieu universitaire. Aka Adou : L’évaluation des apprentissages à l’université perceptions... BIBLIOGRAPHIE Aka A., De la nécessité d’un code de Déontologie à l’université, in les Annales de l’Université Omar Bongo, Libreville, vol.2,n° 3 et 4, pp. 53-62. Aka, A. (2012), l’évaluation des apprentissages à l’université : points de vue de quelques enseignantsChercheurs débutants de l’université de Cocody, in Revue Gabonaise de Recherche en Education n°2, Paris, Editions L’Harmattan, pp. 13-44 Dico Encarta. Bonnard Jacqueline,(2012), Vers une évaluation positive du travail de l’élève, www.propertyfrontiers.com. Jocke D. (2008), L’évaluation par compétences, www. propertyfrontiers.com. 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Elle correspond à une sortie prématurée d’une partie des effectifs scolaires engagés dans un cycle ou dans un programme d’étude. Pour une analyse efficiente, le recueil des données s’est opéré à partir d’un questionnaire de caractérisation. Pour mieux caractériser le mode d’organisation des structures sociocognitives, nous avons opté pour l’analyse de similitude. Il ressort de cette étude que les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire dans la circonscription de l’enseignement primaire de Bonoua sont déterminées par la catégorie à laquelle appartient le sujet. Bonoua is one the place in Côte d’Ivoire where the rate of schooling remains higher 84% (report of PASEC, Côte d’Ivoire 2012). Many efforts have been done by decision makers and parteners of educational system and beside of those efforts, some problems inherent to the system affect the figures of performance of the primary school. Schooling lost remains the major problem. For an effective analysis, the collection of data is operated through a specific questionnaire. As a result of that survey, social representation due to lost of schooling in primary education of Bonoua, are determined the categories which belong is the pupil himself. MOTS-CLES: Déperdition scolaire, déterminants, enseignants, parents, élèves, noyau central, éléments périphériques, principes organisateurs, représentations sociales. Key-words: Schooling lost, inherent, teachers, parents, pupils, organizers principle, social representation. Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... NTRODUCTION La politique de la scolarisation primaire universelle prônée par la Conférence de Jomtien 1990 et La démocratisation de l’enseignement introduite après la deuxième guerre mondiale dans la plupart des pays développés ont eu un effet sur l’accroissement des effectifs scolaires. L’effectif de l’enseignement primaire est passé de 206 millions en 1950 à 688 millions en 2005 (Mingat et Suchaut, 2000 ; UNESCO, 2007b). Cependant, le problème du rendement interne des systèmes éducatifs soulève beaucoup de questions : le système est-il efficace ? Les élèves maîtrisentils les compétences que l’école est censée développer ? Les systèmes éducatifs prévoientils des stratégies efficaces pour éviter les déperditions scolaires ? Dans les pays développés où la scolarisation est obligatoire et gratuite, les études montrent que le taux de déperdition en 2011 était évalué à 04,2% (Beaucker, 2012) ; De Ketele, (2004) ; De landsheere, (1979) ; dépover (2005) ; deblé (1964). Diallo, (2001) ; Diambomba (1992) ; Gimeno (1984) ; kaboré (2003). Si beaucoup d’enfants quittent l’école primaire avant terme, avec peu de compétences nécessaires pour une bonne intégration dans la société, on constate que d’autres abandonnent les études avant la fin du cycle dans lequel ils sont inscrits. Au niveau mondial, le taux moyen de déperdition scolaire pour les cinq premières années d’études s’élevait à 1,9% en 2004 contre 20,0% en 2010. La volonté politique du Gouvernement Ivoirien et celle des partenaires du système éducatif d’assurer une éducation de base pour tous a été accompagnée par un accroissement des effectifs scolaires au niveau de la circonscription de l’enseignement primaire de Bonoua. Ainsi, le taux brut de scolarisation (TBS) au niveau de cette circonscription est passé de 10% en 1960 à 84% en 2012 (DIPES, Ministère de l’Education Nationale et de l’Enseignement Technique). Cependant, le taux brut de scolarisation de 84% donne une image surestimée de la production effective du primaire qui doit être évaluée sur la base de la proportion de la classe d’âge qui achève le primaire (Taux d’Achèvement du Primaire). En effet, d’année en année ce sont des milliers d’élèves qui rejoignent le nombre toujours croissant d’adolescents sans issus. Ainsi pour les différentes rentrées scolaires (2009-2010 ; 2010-2011 ; 2011-2012), le taux de déperdition scolaire s’élèvait respectivement à 25% ; 26,53% et 27,84%. 43 © educi 44 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 A qui la faute ? Aux parents d’élèves qui ne remplissent pas correctement leurs fonctions ? Aux élèves qui ne travaillent plus suffisamment ? Aux enseignants mal formés, démotivés et inconscients ? A l’environnement politique, social et économique ? La notion même de déperdition scolaire est polysémique, vaste et complexe de telle sorte qu’elle est au croisement de plusieurs sciences (la psychologie de l’éducation, la sociologie de l’éducation, la didactique des disciplines, etc.). Ainsi, les travaux concernant les origines et les causes de la déperdition scolaire sont multiples et variées. Certains de ces travaux mettent en cause les déficiences psychologiques innées ou acquises dans les échecs scolaires en insistant sur les concepts de quotient intellectuel, d’inadaptation scolaire, de débilité mentale profonde ou légère, de dyslexie, de dysorthographie etc. D’autre part, certains chercheurs ont insisté sur les facteurs liés aux inégalités sociales au niveau de la scolarisation (Bourdieu et Passeron, 1970) Comme on le voit, la question de la déperdition scolaire interpelle une pluralité de discours relevant de savoirs scientifiques (sociologie, psychologie, économie etc.). Cependant, les individus établissent toujours et dans tous les cas et quelle que soit la situation une image mentale avec leur environnement. Et les représentations constituent l’essence du contenu de la pensée qui permet justement l’action et l’interaction de l’individu avec le milieu social. Le contenu des représentations sociales nous informe sur les croyances, les attitudes et les pratiques partagées par un ensemble d’individus. Le Bouedec (1984) ; La recherche des points d’ancrage pour une meilleure définition des causes ou déterminants de la déperdition scolaire constitue un problème entier relativement à la manière dont les acteurs sociaux(parents et enseignants) impliqués objectivement dans le système s’approprient, pensent et évoquent éventuellement ce concept comme une dimension de leur rapport au monde éducatif à travers leur vécu quotidien, les normes, les valeurs, les attentes. Autrement dit, il s’agit de conduire cette étudeconcernant la déperdition scolaire à Bonoua sous l’éclairage des représentations sociales, notamment la théorie du noyau central. Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... 1- CADRE THEORIQUE DE REFERENCE L’une des approches élaborée pour l’analyse et l’interprétation des représentations sociales est l’approche structurale emmenée par la théorie du noyau central. Sa démarche consiste à décrire et à comprendre l’organisation des éléments constitutifs desdites représentations sociales, et s’avère utile pour l’étude de l’évolution des représentations sociales. Selon cette approche, « Une représentation se définit par deux composantes : ses éléments constitutifs d’une part, et son organisation, c’est-à dire les relations qu’entretiennent ces éléments d’autre part.» (Abric, 1994). En effet, l’étude des représentations sociales, passe nécessairement par le repérage du contenu composé d’éléments dits «invariants structuraux» ou noyau qui est le fondement et la détermination des relations qui existent entre ces éléments et les autres appelés, éléments périphériques. Car deux représentations sociales sont distinctes si elles ont des noyaux centraux différents. Selon Abric (2003), le système central est constitué d’un ensemble d’éléments peu nombreux mais stables. Il est le fruit des déterminismes historiques, symboliques et sociaux et structure les pensées relatives à l’objet. Le noyau central est composé d’éléments essentiels qui forment l’identité d’un groupe comme les valeurs, les normes, croyances et les attentes. Sa dimension est essentiellement qualitative. La fréquence d’apparition d’un ou de plusieurs éléments dans le discours des sujets, ne suffit pas à affirmer qu’il s’agit d’éléments constitutifs du noyau central. Par contre, lorsque ceux-ci sont connexes, c’est-à-dire, entretiennent un nombre de relations élevé avec les autres éléments du champ de la représentation et déterminent la nature des relations et des liens entretenus par les diverses cognitions. L’importance quantitative de ces liaisons est donc un indicateur pertinent de la centralité. D’autres éléments de la représentation, s’organisent autour du noyau central et se caractérise par l’instabilité, et sont moins prégnants. En effet, ces éléments constituent le système périphérique de la représentation. Cependant, les éléments périphériques sont plus variables, plus contingents puisqu’ils sont plus proches de la réalité extérieure et plus 45 © educi 46 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 soumis aux situations. (Abric, 1994). C’est «la face la plus visible celle qui est accessible par l’observation et l’entretien» (Moliner 2001). La fonction du système périphérique est l’adaptation de la représentation à de nouveaux contextes sociaux. (Flament, 1989) parle de la métaphore du «pare-chocs» en désignant cette fonction qui permet l’adaptation entre la représentation et la réalité. Ces éléments fonctionnent comme grille de décryptage d’ un e situation, selon l’expression employée par Flament (1989). Etant donné d’une part que les éléments du noyau central ont des spécificités propres, parce qu’ils construisent un système structurant, lié non seulement aux normes, aux valeurs, aux attentes d’un groupe, à sa mémoire, à son histoire collective, mais aussi aux stéréotypes et croyances du groupe. D’autre part en partant du fait que, c’est la nature et le contenu du noyau central, fondement de toute représentation, qui distinguent deux groupes dans leur rapport à un objet, nous formulons l’hypothèse unique suivante : Les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire varient selon la catégorie sociale à laquelle appartient le sujet. 2- OBJECTIFS DE L’ETUDE 2.1- Objectif général Connaitre les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire dans la circonscription de l’enseignement primaire de Bonoua. 2.2- Objectifs opérationnels • déterminer les représentations sociales des parents et des enseignants. • comparer les représentations sociales de ces différentes sous populations. 3- METHODOLOGIE Il s’agit ici de présenter la démarche suivie pour une analyse efficiente des déterminants de la déperdition scolaire dans la circonscription de l’enseignement primaire de Bonoua. 3.1- Technique de recueil des données Le recueil des données s’est opéré à partir d’un questionnaire de caractérisation. Cette technique proposée par l’Ecole Aixoise des représentations sociales est dédiée à la détermination de la structure de la représentation, c’est-à-dire le noyau central et les éléments périphériques. En ce qui concerne cette étude, ce Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... questionnaire est composé de douze (15) items qui ont été conçus à partir d’un pré enquête sous la forme d’un focus groupe auprès de 60 sujets composés de parents d’élèves et d’enseignants. Nous avons alors sélectionné les items les plus fréquents et les plus pertinents, et nous avons constitué une liste définitive. Ces items ont alors été présentés aux sujets dans un ordre arbitraire. Il s’agissait pour eux de procéder dans un premier temps à un repérage des 5 items qui sont selon eux les plus déterminants de la déperdition scolaire, dans un deuxième moment les 5 items les moins déterminants et enfin les 5 items les plus ou moins déterminants. Items du questionnaire de caractérisation 1. l’âge de l’élève 2. le genre de l’élève 3. le niveau d’instruction du père de l’élève 4. le niveau d’instruction de la mère de l’élève 5. le manque de fournitures scolaires 6. Le manque de suivi des parents 7. N o n e n c a d r e m e n t d e l’enfant à la maison 8. La taille de la classe 9. La langue parlée à la maison 10. la religion de l’élève 11.le nombre de repas par jour 12.i m p a c t d e s m é d i a s (télévision, radio, jeux vidéos, portables, etc.) 13.niveau socioéconomique des parents 14.a b s e n c e d e m a t é r i e l didactique et pédagogique 15.c o m p é t e n c e des enseignants 3.2- Outils d’analyse des données. Nous avons opté pour l’analyse de similitude, pour mieux caractériser le mode d’organisation des structures sociocognitives. (Flament, 1989 ; Verges, 2001 ). Il s’agit d’une technique d’analyse des données permettant d’explorer le graphe d’une relation qui unit deux à deux les éléments d’un ensemble. Avec cette technique on vise à mettre en évidence la structure sousjacente à l’organisation interne des représentations sociales élaborées par les différentes catégories sociales. Nous avons utilisé l’indice de cooccurrence simple pour le traitement des données de similitude. 3.3- Variables de l’étude Les variables indépendantes sont les statuts des sujets ayant rempli le questionnaire : les 47 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 enseignants, les parents. Les variables dépendantes constituent les représentations sociales élaborées par les différents sujets à propos des déterminants de la déperdition scolaire. 3.4- Échantillon de l’étude 48 Cette recherche a porté sur soixante (60) sujets, dont trente (30) enseignants et trente (30) parents d’élèves. Les sujets auxquels le questionnaire a été administré provenaient de la circonscription de l’enseignement primaire de Bonoua. Il s’agit de sujets des deux sexes. Leur choix est donc fondé sur la pertinence et l’exemplarité de leurs rapports au phénomène de la déperdition scolaire dans cette circonscription. 3.5- Procédure d’enquête Les sujets enquêtés durant cette étude ont reçu le questionnaire en situation de groupe. Après avoir donné des consignes, le questionnaire a été administré collectivement en notre présence. 4- RESULTATS DE L’ETUDE Nous nous sommes attachés au cours de la première phase à réaliser une analyse globale portant sur l’ensemble de la population. Dans une deuxième phase nous réalisons une analyse intragroupe. Enfin dans une dernière phase nous procéderons à une étude intergroupe, c’est-à-dire situation par situation afin de déterminer les spécificités de chaque population. Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... 4.1- les déterminants de la déperdition scolaire chez l’ensemble des sujets. N° Items Tableau 1 : Caractérisation des déterminants de la déperdition scolaire chez l’ensemble des sujets Le plus Le moins déterminant déterminant Le plus ou moins déterminant 1 Age de l’élève 20 (33,3%) 25 (41,7%) 15 (25,0%) 2 Le genre de l’élève 01 (1,7%) 49 (81,7%) 10 (16,7%) 3 Le niveau d’instruction du père de l’élève 18 (30,0%) 22 (36,7%) 20 (33,3%) 4 Le niveau d’instruction de la mère de l’élève 11 (18,3%) 19 (31,7%) 30 (50,0%) 5 Le manque de fournitures scolaires 32 (53,3%) 05 (08,3%) 23 (38,3%) 6 Le manque de suivi des parents 50 (83,3%) 01 (1,7%) 09 (15,0%) 7 Non encadrement de l’enfant à la maison 54 (90,0%) 01 (1,7%) 05 (8,3%) 8 La taille de la classe 08 (13,3%) 17 (28,3%) 35 (58,3%) 9 La langue parlée à la maison 07 (11,7%) 36 (60,0%) 17 (28,3%) 10 la religion de l’élève 01 (1,7%) 48 (80,0%) 11 (18,3%) 11 Le nombre de repas par jour 09 (15,0%) 16 (26,7%) 35 (58,3%) 12 Impact des médias (télévision,radio, jeux vidéos, portables, etc) 44 (73,3%) 05 (08,3%) 11 (18,3%) 13 Niveau socioéconomique des parents 22 (36,7%) 14 (23,3%) 24 (40,0%) 14 Absence de matériel didactique et pédagogique 10 (16,7%) 11 (18,3%) 39 (65,0%) 15 Compétence des enseignants 12 (20,0%) 30 (50,0%) 18 (30,0%) 49 © educi 50 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Le tableau1, présente les résultats obtenus à partir des réponses de l’ensemble des sujets. Comme l’indique ce tableau, pour l’ensemble des sujets (enseignants, parents), les causes principales de la déperdition scolaire sont par ordre d’importance : Non encadrement à la maison (90,0%) , le manque de suivi des parents (83,3%), impact des médias (73,3%), le manque de fournitures scolaires (53,3%), le niveau socioéconomique des parents (36,7%). L’examen de l’ensemble de ces items saillants montre d’une part que les causes de la déperdition scolaire sont d’ordre attitudinale, comportemental et structurel. On note d’autre part que la responsabilité est partagée entre les parents et l’environnement de l’élève. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les différentes composantes du système ne sont pas simplement juxtaposées. Il y a une dynamique qui les organisent, qui les combinent et qui les met en rapport les uns avec les autres dans le but d’atteindre une certaine efficacité. En revanche et dans une certaine mesure, le genre de l’élève (81,7%) et la religion de l’élève(80,0%) ne sont pas mises en doute, dans la mesure où plus de la moitié des sujets pensent qu’ils ne sont les causes principales de la déperdition scolaire. Cependant, il ne faut pas uniquement s’arrêter à ces chiffres car nous savons que la centralité d’un élément ne peut être rapportée exclusivement à sa dimension quantitative. C’est pourquoi nous allons examiner l’importance qualitative des éléments à partir d’un graphe de similitude. La qualité de ces éléments ne peut être véritablement appréciée que par leurs liens avec d’autres éléments, c’est-à-dire leur statut d’éléments organisateurs. Cette organisation est représentée dans l’arbre maximum de cooccurrence que voici : Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... Figure 1 : Graphe de similitude des déterminants de la déperdition scolaire pour l’ensemble des sujets. L’examen de ce graphe nous révèle que la représentation des déterminants de la déperdition scolaire est une représentation stabilisée et ceci se traduit ici à la fois par une grande connexité des items et de très fortes liaisons entre les éléments du champ représentationnel et ceci se traduit par des indices de similitudes particulièrement élevés. L’examen de l’arbre maximum de similitude (figure1), réalisé à partir des cooccurrences portant sur les réponses de l’ensemble des sujets ayant rendu le questionnaire, laisse apparaître que les représentations sociales des raisons de la déperdition scolaire sont articulées autour de cinq (05) items : nombre de repas, le manque de suivi des parents, le manque de fournitures scolaires, le niveau socioéconomique des parents et la religion. Comme on peut le remarquer, ces constructions représentatives dans leurs essences portent sur les défaillances humaines et institutionnelles. Nous remarquons que comme précédemment, la représentation globale s’organise autour des éléments qui mettent en cause tous les acteurs du système à savoir les parents et l’institution scolaire. Cependant, en examinant de plus près la connexité des items et les indices de similitude, on note une 51 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 prédominance des dimensions attitudes et comportement des acteurs. Comment les sujets de chaque sous-population articulentils leurs différences au sein du raisonnement organisé autour de la représentation globale qui vient d’être dégagée ? N° 52 Items 4.2. Les déterminants de la déperdition scolaire chez les enseignants. Tableau 2 : Caractérisation des déterminants de la déperdition scolairechez les enseignants Le plus déterminant Le moins déterminant Le plus ou moins déterminant 12 (40,0%) 13 (43,3%) 05 (16,7%) 1 Age de l’élève 2 Le genre de l’élève 0 (0,0%) 26 (86,7%) 04 (13,3%) 3 Le niveau d’instruction du père de l’élève 10 (33,3%) 08 (26,7%) 12 (40,0%) 4 Le niveau d’instruction de la mère de l’élève 06 (20,0%) 08 (26,7%) 16 (53,3%) 5 Le manque de fournitures scolaires 15 (50,0%) 03 (10,0%) 12 (40,0%) 6 Le manque de suivi des parents 26 (86,7%) 0 (0,0%) 04 (13,3%) 7 Non encadrement de l’enfant à la maison 29 (96,7%) 0 (0,0%) 01 (3,3%) 8 La taille de la classe 02 (06,5%) 10 (33,3%) 18 (60,0%) 04 (13,3%) 17 (56,7%) 09 (30,0%) 0 (0,0%) 24 (80,0%) 06 (20,0%) 9 La langue parlée à la maison 10 la religion de l’élève 11 Le nombre de repas par jour 02 (06,7%) 08 (26,7%) 20 (66,7%) 12 Impact des médias (télévision,radio, jeux vidéos, portables, etc) 25 (83,3%) 01 (3,3%) 04 (13,3%) 13 Niveau socioéconomique des parents 11 (36,7%) 09 (30,0%) 10 (33,3%) 14 Absence de matériel didactique et pédagogique 05 (16,7%) 05 (16,7%) 20 (66,7%) 15 Compétence des enseignants 03 (10,0%) 17 (56,7%) 10 (33,3%) Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... Si nous partons du principe que les éléments centraux sont les plus caractéristiques, l’analyse du tableau 2 nous renseigne et nous autorise à formuler l’hypothèse que pour les enseignants, le champ représentationnel de la déperdition scolaire est organisé autour de quatre éléments : le non encadrement de l’enfant à la maison (96,7%), le manque de suivi des parents (86,7%), l’impact des médias (83,3%) et le manque de fournitures scolaires (50,0%). Cette représentation marque la prédominance des causes de la déperdition scolaire liées au non encadrement de l’élève à la maison. Voyons l’aspect structural de cette représentation sociale c’est-àdire son organisation : 53 Figure 2 : Graphe de similitude des déperdition scolaire chez les enseignants. L’examen de l’arbre maximum de similitude réalisé à partir des cooccurrences portant sur les réponses des enseignants ayant rendu le questionnaire, laisse apparaître que les représentations sociales s’articulent autour de cinq (05) items : non encadrement déterminants de la de l’enfant à la maison, le niveau socioéconomique des parents, le manque de fournitures scolaires, la religion et le manque de suivi des parents. Il existe cependant deux(03) sphères de r e g r o u p e m e n t s sémantiques : © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Une a sphère composée essentiellement du niveau d’instruction des parents. Une deuxième composée du manque de suivi, de l’effectif de la classe, du nombre de repas par jour, de l’âge de l’élève et de la langue parlée à la maison. Et enfin, la sphère constituée par : non encadrement de l’enfant à la maison, le niveau socioéconomique des parents, le manque de fournitures scolaires. On note de façon remarquable N° 54 Items que, les enseignants rejettent tous les aspects de la représentation des déterminants de la déperdition axés sur les items les mettant en cause. Ils accusent surtout les parents d’élèves. 4.3- Les déterminants de la déperdition scolaire chez les parents Tableau 3 : Caractérisation déterminants de la déperdition scolaire chez les parents Le plus déterminant Le moins déterminant Le plus ou moins déterminant 1 Age de l’élève 08 (26,7%) 12 (40,0%) 10 (33,3%) 2 Le genre de l’élève 01( 3,3%) 23 (76,7%) 06 (20,0%) 3 Le niveau d’instruction du père de l’élève 08 (26,7%) 14 (46,7%) 08 (26,7%) 4 Le niveau d’instruction de la mère de l’élève 05 (16,7%) 11 (36,7%) 14 (46,7%) 5 Le manque de fournitures scolaires 17 (56,7%) 02 (06,7%) 11 (36,7%) 6 Le manque de suivi des parents 24 (80,0%) 01 (3,3%) 05 (16,7%) 7 Non encadrement de l’enfant à la maison 17 (56,7%) 02 (06,7%) 11 (36,7%) 8 La taille de la classe 06 (20,0%) 07 (23,3%) 17 (56,7%) 9 La langue parlée à la maison 03 (10,0%) 19 (63,3%) 08 (26,7%) 10 la religion de l’élève 01 (3,3%) 24 (80,0%) 05 (16,7%) 11 Le nombre de repas par jour 07 (23,3%) 08 (26,7%) 15 (50,0%) 12 Impact des médias (télévision,radio, jeux vidéos, portables, etc) 17 (56,7%) 02 (06,7%) 11 (36,7%) 13 Niveau socioéconomique des parents 11 (36,7%) 05 (16,7%) 14 (46,7%) 14 Absence de matériel didactique et pédagogique 05 (16,7%) 06 (20,0%) 19 (63,3%) 15 Compétence des enseignants 25 (83,0%) 01 (43,3%) 04 (13,7%) Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... Dans cette population quatre (04) items émergent et sont susceptibles d’être des éléments prioritaires de leur représentation. Ce sont : la compétence des enseignants (83,0%), le manque de suivi des parents (80,0%), impact des médias (56,7%) et le manque de fournitures scolaires (56,7%). Ainsi ces éléments constituent donc les principes organisateurs des constructions effectuées par les parents d’élèves. On note que par rapport à la population des enseignants, l’absence l’élément niveau socioéconomique des parents et l’apparition d’un élément : impact des médias. Comment cette représentation sociale se structure-t-elle ? 55 Figure 3 : Graphe de similitude des déterminants de la déperdition scolaire chez les parents Ici les données et l’analyse du graphe montrent que les représentations sociales sont organisées autour de trois (3) éléments qui concentrent le maximum de relations. Ces éléments organisateurs qui donnent à la représentation sociale toutes ses propriétés significatives, et le sens de l’ensemble de la configuration définie par le champ représentationnel sont : le manque de suivi de l’élève, la langue parlée à la maison et l’absence de matériel didactique et pédagogique. On note que par rapport à la population des enseignants deux éléments nouveaux apparaissent au niveau central, la langue parlée à la maison et l’absence de matériel didactique et pédagogique. En outre les parents ne privilégient pas l’impact des médiaset surtout la © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 démission des parents dans leurs constructions sociocognitives. Autrement dit, ils ne retiennent pas cette dernière appréciation comme les caractérisant ou comme les symbolisant. Le rejet relatif à cet item est l’illustration du fait que les parents pensent ne pas être à la base ou la cause de la déperdition scolaire. Ainsi, comme le prévoyait notre hypothèse, on observe une variation importante dans la structure de cette représentation. On pourrait voir dans cette indication le reflet vraisemblable du fait que les deux populations n’ont pas la même grille de lecture. 56 Nous pouvons affirmer, qu’en passant des enseignants aux parents d’élèves, les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire sont différents. En effet les grilles de lecture mises en œuvre par les deux sous populations ne sont pas identiques d’une population à l’autre. L’analyse des données nous a permis de montrer qu’en ce qui concerne la déperdition scolaire, même s’il y a un consensus autour des rôles négatifs du non encadrement de l’enfant à la maison, des différences apparaissent selon les sous populations, c’est-à-dire selon les pratiques vécues, socialement ancrées et reconnues des individus (Flament, 2001). Plus précisément, selon le type d’appartenance des sujets, des prises de position différentes apparaissent liées sans doute aux pratiques, à l’histoire, aux normes, aux valeurs ou la mémoire sociale des groupes (Roussiau et Bonardi, 2002 ; 2003 ; Doise, 2003) Il est indubitable que les sujets se positionnent en fonction de leurs pratiques et leur groupe d’appartenance. Ainsi, les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire dans la circonscription de l’enseignement primaire de Bonoua sont déterminées par la catégorie à laquelle appartient le sujet. 5- DISCUSSION les représentations sociales construites par les enseignants et les parents à l’égard des déterminants de la déperdition scolaire tel est sens de notre étude. Et pour ce faire, il fallait déterminer les représentations sociales des parents, des enseignants et comparer les représentations sociales de ces différentes sous populations. Les hypothèses ont porté sur l’influence du statut (enseignant, ou parent) sur les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire. L’analyse structurale des représentations sociales construites par ces deux populations avait pour but de dégager les éléments fédérateurs des constructions cognitives et de voir si en définitive, les populations Gbahoui Jean M. N. : Représentation sociales des déterminants de la... concernées partagent les mêmes principes organisateurs dans la construction de ces représentations sociales. Cette étude permet d’affirmer que les constructions que nous avons obtenues indiquent des représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire stabilisée, bien structurée chez la population sous étude. Cependant, les acteurs et partenaires du système n’ont des représentations sociales univoques et unidimensionnelles des déterminants de la déperdition scolaire. La position sociale des sujets constituent donc une variable différentielle influençant leurs constructions sociocognitives. Ce qui confirme notre hypothèse de départ à savoir : Les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire sont déterminées par la catégorie à laquelle appartient le sujet. Cependant une triangulation dans l’analyse des données nous auraient permis de vérifier non seulement la stabilité mais également de préciser la signification de certains éléments du champ de la représentation. Et pour cela, il aurait fallu enrichir notre travail par un entretien en profondeur ou un focus group. Car le paradigme qualitatif sous certains rapport permet d’affiner et d’enrichir la perspective systémique que rend possible une analyse de similitude par un renforcement et un approfondissement de l’analyse des significations sémantiques. D’autre part, il aurait été intéressant d’analyser les structures à moindre saillances c’est-à-dire, les items que les sujets ne considèrent pas comme les déterminants de la déperdition scolaire ou le sont moins dans leurs univers cognitifs. Par ailleurs, ces résultats ont également mis en évidence l’impact des facteurs sociaux, familiaux dans le parcours scolaire et la réussite scolaire ; en cela ces résultats sont conformes à ceux mis en évidence par les travaux antérieurs (Drevillon, 1980,). Ces résultats, ont montré également l’importance et le poids de l’effet établissement. En effet, la manière dont sont gérées les ressources internes et externes fait la force et la faiblesse de l’établissement. Ainsi la déperdition scolaire est aussi en partie produit par l’établissement parce qu’il s’articule à l’organisation interne de l’établissement. La déperdition dépend de la capacité à construire une politique d’ensemble ou d’objectifs particuliers. Faute de quoi l’établissement est le lieu qui favorise la déperdition. Ces résultats corroborent ceux de ( Miramon, 2009 ; Lefebvre, 2011 ; 57 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Garnier et Rouquette, 2000). Enfin, les sujets interrogés pensent que les déperditions scolaires sont les résultats des forces, des conditions et des personnes extérieures. Ainsi, en général les sujets produisent des réponses externes. Ce résultat est conforme à la théorie des attributions causales (Heider, 1958), c’est-à-dire, les sujets on tendance à favoriser les causes externes pour leurs échecs et les causes internes pour l’échec d’un autre. Cette étude vient certainement compléter modestement celles qui ont été réalisées sur le même sujet en y apportant le regard psychosocial. 58 Cependant, les analyses des graphes que nous avons faites ne se sont appuyées essentiellement que sur les données de l’indice de similitude (indice de cooccurrences symétriques). Les structures dégagées à partir de cet indice pour cerner l’organisation du champ représentationnel des déterminants de la déperdition scolaire ainsi que son contenu, constituent-elles des représentations stéréotypées décrivant une tendance ou, au contraire, l’expression d’une idéologie plus structurée et d’une vision cohérente de cette population ? pour mieux comprendre et expliquer les représentations sociales des déterminants de la déperdition scolaire, il serait utile de poursuivre l’investigation ébauchée ici par une approche qualitative (entretien par exemple). BIBLIOGRAPHIE Abric, J C. (2004). pratiques sociales et représentations. Paris, PUF. De Ketele, (2004). La scolarisation primaire universelle et une éducation de qualité pour tous : un défi considérable pour tous les pays du monde. Paris : UNESCO. De Ketele, (2007). La qualité et le pilotage du système éducatif. http //www. fmgerard.be/textes/pilotage.html. (page consultée le 3 février, 2010). De Landsheere, (1979). 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Article102 (page consultée le 14 octobre 2012) Rapport d’Etat du Système Educatif Ivoirien (RESEN 2000) , côte d’ivoire Rapport PASEC (2012), côte d’ivoire 59 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 IMPACT DE L’USAGE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC) SUR L’APPRENTISSAGE DANS LE SECONDAIRE EN COTE D’IVOIRE N’DEDE Bosoma Florence RESUME 60 L’étude : Impact de l’usage des TIC sur l’apprentissage dans le secondaire en Côte d’Ivoire vise à analyser l’effet de l’usage des TIC sur l’apprentissage et l’accès à la connaissance des apprenants. Les données qui ont permis la rédaction de cet article sont disponibles sur l’observatoire du PanAf : HYPERLINK «http://www.observatoiretic.org» www.observatoiretic.org.Les résultats montrent que les apprenants se servent des TIC pour améliorer la préparation et l’approfondissement des cours et des évaluations. L’usage des TIC modifie positivement les moyens d’accès à la connaissance et de façon spécifique, la relation entre l’enseignant et l’enseigné. La production de la documentation à l’aide des TIC reste étroitement liée au traitement de texte à l’ordinateur. Il s’agit des devoirs de maison, des projets de fin de cycle et des exposés de classe. Toutefois, l’impact positif des TIC sur l’apprentissage reste limité à un type d’établissements et à des apprenants privilégiés. En effet, l’absence de politique officielle en faveur de l’intégration pédagogique et le coût élevé des équipements TIC ne favorisent pas l’émergence d’une culture des TIC Enseignant- Chercheur IREEP/Université Félix HouphouëtBoigny de Cocody [email protected] dans l’apprentissage en milieu scolaire secondaire en Côte d’Ivoire. Mots clés: Intégration pédagogique, TIC, apprentissage ABSTRACT The study: Impact of ICT use on learning in high school in Côte d’Ivoire is to analyze the effect of the use of ICT on learning and access to the knowledge of learners. The data that led to the writing of this article are available on the observatory PanAf: HYPERLINK «http://www.observatoiretic.org» www.observatoiretic.org.The results show that learners use ICT to improve preparedness and deepening courses and assessments. The use of ICT positively alters the means of access and specifically, the relationship between the teacher and the learner. Production of documentation using ICT is closely linked to computer processing of homework, projects and end-of-class presentations. However the positive impact is limited to institutions and learners preferred. Indeed, the absence of official policy of educational integration and the high cost of ICT equipment are not conducive to the emergence of a culture of ICT N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... in learning in secondary schools in secondary schools in Ivory Coast. Keywords: Pedagogical Integration, ICT, Training INTRODUCTION La déclaration du millénium, adoptée en 2000, souligne l’urgence de rendre disponible les TIC à tous1. En effet, l’usage des TIC améliore les pratiques humaines de façon efficiente et les facilite. L’utilité sociale et économique de ces outils dans tous les secteurs d’activités n’est plus à démontrer. Le choix d’une technologie et d’un moyen de communication reste capital, en économie, en environnement, etc. Les TIC permettent la production de multiples activités de commerce. C’est aussi des espaces de socialisation et de développement. Ainsi, l’information demeure le pivot de toutes les formes d’activités humaines. Les TIC facilitent l’accès et l’échange d’informations. Elles véhiculent un ensemble de connaissances et d’informations variées. Dans le secteur de l’éducation particulièrement, l’intégration des TIC dans 1 Tchombé T. (2009), TIC et genre, in un recueil des bulletins du projet Panaf, P 11 l’apprentissage vise à améliorer la qualité de celui-ci, en palliant souvent l’absence de bibliothèques fournies. Selon Fonkoua (2006), «les TIC constituent de puissants outils techniques qui offrent de multiples solutions pour plusieurs difficultés dans l’enseignement au Cameroun». Ainsi, préconiser l’intégration pédagogique des TIC permet de faire d’elles, un outil favorisant l’atteinte des objectifs de l’éducation pour tous (EPT). Les TIC se sont répandues très rapidement en Afrique2notamment dans le système éducatif. De ce fait, les stratégies d’enseignement intègrent de plus en plus les TIC. En Côte d’Ivoire, on peut identifier trois stratégies (fusionnées ou non) d’intégration pédagogique des TIC au sein des établissements scolaires : 1. mise en place d’une salle multimédia ; 2. d i f f u s i o n d ’ u n c o u r s d’informatique ; 3. diffusion de plusieurs enseignements à l’aide des TIC. Une dichotomie apparait dans l’utilisation des TIC. L’on note 2 T Karsenty (2009), chap 10 conclusion générale, www. rocare.org/guide TIC/pdf 61 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 d’une part une faible appropriation des TIC par les enseignants pour diffuser les enseignements et d’autre part, un usage important des TIC par les apprenants dans plusieurs écoles. Cette étude vise à analyser les effets de l’usage des TIC sur l’apprentissage des élèves du secondaire en Côte d’Ivoire. Il s’agit singulièrement de : 62 • Déterminer l’impact des TIC sur l’apprentissage ; • Identifier les conséquences de l’usage des TIC sur l’accès à la connaissance des apprenants ; • Evaluer la documentation produite à l’aide des TIC par les apprenants. Les TIC affectent à des degrés différents, l’environnement économique, social et culturel. Ainsi l’intégration des TIC dans le secteur de l’éducation semble être en mesure de favoriser l’accès à l’information, de faciliter la construction de la connaissance et d’accroitre l’acquisition du savoir (Traoré, 2008 : 159). En conséquence, l’usage des TIC modifie les rapports entre les apprenants et les enseignants. L’autorité du maitre semble mise à mal par la démocratisation de la recherche de l’information scientifique. En effet, l’évolution des rapports au savoir, entre les enseignants et apprenants, ainsi que la confiance croissante des élèves, est provoquée en partie par l’utilisation des technologies interactives (Touré, Tchombé et Karsenti, 2008: 33). En outre, «l’élève identifie luimême ses sources d’informations et les organise» (Matchinda, 2008: 176). L’appropriation rapide des TIC par les apprenants encourage leur appropriation par les enseignants. Toutefois, «l’élève qui construit son savoir en maitrisant l’outil informatique devra contribuer à son apprentissage grâce à son interaction avec une pléthore de connaissances qu’il devra sélectionner sous la guidance du professeur» (Onguéné Essono et Onguéné Essono, 2006: 70) Suivant la littérature, les TIC ont des impacts positifs et négatifs sur les apprentissages scolaires : Impacts positifs des TIC sur l’apprentissage Les TIC ont facilité l’accès au savoir. Elles ont diversifié les méthodes d’apprentissage et mis en confiance les apprenants pour produire des travaux de recherche de qualité. La comparaison entre N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... l’apprentissage traditionnel et l’apprentissage par les TIC, établie par Glenda (1996) 3 , permet de constater plusieurs mutations entre autres, le statut de l’enseignant passe de l’expert à un statut de guide ou de facilitateur; l’information qui était présélectionnée est désormais à découvrir; l’accent autrefois mis sur le produit de l’apprentissage relève dorénavant du processus; en lieu et place des manuels scolaires, on a une variété de ressources et de médias. Ainsi, le recours aux TIC dans l’apprentissage induit des conséquences positives sur les apprenants. Selon les directeurs de 36 écoles primaires et secondaires de cinq pays d’Afrique de l’ouest (Bénin, Cameroun, Ghana, mali, Sénégal) lors de l’étude transnationale pour comprendre les points de vue des acteurs sur l’utilisation de l’ordinateur et d’internet, l’utilisation des TIC à l’école 4 permet d’offrir de nouvelles opportunités pédagogiques aux élèves et aux enseignants. (…) Les TIC aident à 3 4 Cité par L.M. Onguéné Essono et Ch. Onguéné Essono, 2006, p70 ROCARE. (2006). Intégration des TIC dans l’éducation en Afrique de l’Ouest et du Centre: étude d’écoles pionnières. Rapport de recherche soumis au CRDI. Bamako: ROCARE surmonter les lacunes de services comme le manque de bibliothèque bien garnie ou de laboratoire (Touré et al. 2008: 31). Elles permettent la prise en compte des différences individuelles, favorisent l’individualisation des enseignements et représentent de fait, une alternative pour gérer l’hétérogénéité des apprenants. De plus, l’utilisation des TIC peut favoriser une meilleure attitude face aux apprentissages (Karsenti, 2003).Une enquête menée par la Commission européenne auprès d’enseignants français révèle que ces derniers reconnaissent l’impact de ces équipements sur l’attention et la motivation des élèves (88 % pour le Tableau Numérique Interactif et 76,8 % pour l’ordinateur, tous niveaux confondus). «Les TIC incitent les élèves à un travail régulier pour satisfaire leur curiosité» (Matchinda, 2008). En effet, l’utilisation d’internet joue un rôle actif dans le processus d’apprentissage chez les jeunes en augmentant leur motivation et leur curiosité (Touré et all, 2008). Ainsi dans l’environnement de l’apprentissage, l’ordinateur par ses fonctionnalités, éveille l’intelligence de l’apprenant et lui permet d’être créatif pour utiliser la technologie informatique 63 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 (Onguéné Essono et Onguéné Essono, 2006, p. 63). Impacts négatifs des TIC sur l’apprentissage Karsenti (2005) 5 , pour le Canada, montrent combien il est difficile d’avoir une vision précise de l’impact des TIC sur les apprentissages. «Ainsi, même si un nombre important d’études, tant européennes que nord-américaines, montrent que les TIC favorisent de meilleurs enseignements et apprentissages, une vaste littérature souligne qu’il n’existe pas de différences significatives sur le plan de l’apprentissage». 64 Aussi plusieurs études rappellent des impacts négatifs de l’utilisation des TIC au niveau des apprentissages. Selon Armstrong (1999), «l’écran installe, entre l’élève et l’objet de son apprentissage, une distance préjudiciable sur le plan cognitif » ; cet ordinateur pouvant aussi avoir des effets négatifs au plan physique et psychologique. Parmi les effets négatifs, est évoquée l’influence plus générale d’une utilisation intensive des TIC sur les capacités cognitives et langagières des apprenants. 5 Cité par Poyet F., (2009), http://www.inrp.fr/vst/ LettreVST/41-janvier-2009 En effet, «les meilleures performances aussi bien en mathématiques qu’en lecture s’observent généralement chez les élèves qui ont un degré moyen d’utilisation des ordinateurs. Cette dernière constatation laisse penser qu’une utilisation excessive des ordinateurs pourrait avoir un impact négatif sur les performances scolaires » (Becta &Ramboll, 2006). De plus, les usages périphériques (chat, jeux) ont tendance à pervertir le projet initial de l’usage pédagogique des TIC. Au regard de la littérature, l’impact des TIC sur l’apprentissage peut être négatifs ou positifs selon les acteurs et les bénéficiaires de l’école. En somme, les TIC semblent améliorer les connaissances, les aptitudes à l’école, particulièrement la motivation, le plaisir d’apprendre, l’estime de soi (Poyet 2009). L’usage des TIC modifient aussi les rapports entre les apprenants eux même et entre les apprenants et leurs formateurs. Cependant, l’usage intensif des TIC par les apprenants peut être à l’origine d’effets néfastes sur les apprentissages Quelle évaluation peut-on faire les effets de l’enseignement avec les TIC sur la formation des apprenants ? En d’autres termes, quels sont les impacts N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... des TIC sur l’apprentissage, sur l’accès à la connaissance et à la documentation produite ? Les résultats de la présente étude s’organisent autour de trois points : 1. I m p a c t d e l ’ u s a g e pédagogique des TIC sur l’apprentissage ; 2. I m p a c t d e l ’ u s a g e pédagogique des TIC sur l’accès au savoir ; 3. I m p a c t d e l ’ u s a g e pédagogique des TIC sur la documentation produite. 1- MÉTHODOLOGIE 1.1- site de l’étude Les sites de l’étude sont des collèges et des lycées de la ville d’Abidjan et des villes environnantes. Le choix des sites de l’étude a été motivé par la présence d’une salle informatique au sein de l’établissement. Nos investigations ont eu lieu dans huit (8) établissements du secondaire en Côte d’Ivoire. Ce sont des établissements mixtes ou non, situés dans la zone urbaine et dans la zone péri urbaine. Tableau 1 : Répartition des établissements en fonction de la localisation et du genre Localisation des établissements Zone urbaine Zone semiurbaine Genre Non mixte (Filles) Lycée Sainte Marie d’Abidjan Lycée Moderne et Classique Garçons de Bingerville Non mixte (Garçons) Lycée Technique d’Abidjan Cocody Mixte Groupe Scolaire Emmanuel Collège International de la Corniche Lycée Moderne de Treichville Cours Secondaire Méthodiste de Cocody Institut Raggi Anne-Marie (IRMA) 65 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 1.2- Participants et échantillon L’enquête réalisée sur la question de l’impact de l’usage des TIC sur l’apprentissage des élèves du secondaire s’est intéressée aux acteurs de l’école. Elle a pris en compte : • • 66 Les enseignants qui sont les acteurs terminaux de l’éducation. Il leur revient la tâche pratique d’intégration pédagogique des TIC dans les enseignements; Les apprenants qui sont bénéficiaires de l’intégration pédagogique des TIC. Pour cette étude, nous avons opté pour l’échantillon par choix raisonné en ce qui concerne les participants. «Le postulat sur lequel repose cet échantillonnage c’est qu’à condition d’user de jugement et d’une stratégie appropriée, on peut faire le tri des cas à inclure dans l’échantillon et en composer ainsi un qui réponde de façon satisfaisante à l’enquête». Au total, 80 enseignants et 96 apprenants ont été interrogés soit 10 enseignants et 12 apprenants par établissement scolaire. 1.3- Instruments de collecte des données Deux guides d’entretien ont été utilisés pour la collecte de données. Il s’agit du guide d’entretien avec les enseignants et du guide d’entretien avec les apprenants. Guide d’entretien avec les enseignants Des entretiens individuels ont été réalisés sur chaque site avec 10 enseignants. Le guide d’entretien s’articulait autour des rubriques suivantes : • Usage pédagogique des TIC ; • Habiletés des enseignants en TIC ; • Facteurs favorisant l’usage pédagogique des TIC. Guide d’entretien avec les apprenants Les entretiens avec les apprenants étaient des focus group. Le guide d’entretien s’organisait autour des rubriques suivantes : • Usage des TIC par les apprenants ; • Habiletés des apprenants en TIC. N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... 1.4- Méthodes de traitement et d’analyse Concernant le traitement des données, la technique utilisée était l’analyse de contenu par la catégorisation des thèmes du discours en fonction des objectifs de l’étude en trois grandes catégories. La méthode d’analyse des données est la dialectique car l’analyse s’attache à structurer les conséquences de l’usage des TIC sur l’accès à la connaissance. Elle nous a aidé à cerner les contradictions concernant les effets de l’enseignement avec les TIC au regard des enseignants et des apprenants mais aussi à évaluer les écarts entre la documentation produite et les conséquences de l’usage des TIC sur les apprentissages. 2- RÉSULTATS 2.1- Impact de l’usage pédagogique des TIC sur l’apprentissage des élèves du secondaire Selon les apprenants du secondaire, l’accroissement de l’usage des TIC en milieu scolaire a eu plusieurs impacts positifs sur leurs apprentissages. En situation de classe, les TIC influencent positivement les apprenants. Elles permettent de : • anticiper la préparation des cours : «Sans attendre que les cours soient dispensés par les éducateurs, nous avons la possibilité de nous documenter dès la diffusion du contenu du programme de chaque matière» (Collège International la Corniche). «Nous faisons des recherches en ligne sur le programme de cours. Cela nous permet d’être informé, de répondre aux questions des enseignants et de mieux participer aux cours» (Lycée des Garçons de Bingerville). Ainsi, «nous avons la possibilité de faire des recherches sur le sujet, de disposer d’autant d’informations et de connaissances que l’enseignant. La rencontre avec l’enseignant est faite d’échanges. L’apprentissage est immédiat. Il se fait parallèlement à l’enseignement puisse que nous disposons déjà de plusieurs informations sur le sujet abordé par l’enseignant » (Lycée Technique d’Abidjan). Au total, «les élèves n’attendent plus que le cours soit dispensé pour apprendre les leçons et maîtriser le contenu des enseignements. Ils travaillent par anticipation le module à dispenser» (Cours Secondaire Méthodiste) 67 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 • améliorer les possibilités d’approfondissement des cours : «Avant l’avènement des TIC, nous apprenions uniquement sur la base des cours dispensés par les enseignants et quelques fois, nous consultions des ouvrages pour avoir une plus grande compréhension des contenus reçus» (Lycée Technique d’Abidjan). 68 En effet, «sans les TIC l’apprentissage se faisait, mais difficilement parce que nous ne disposions pas suffisamment d’informations pour nous aider à comprendre. Avec les TIC nous accédons facilement aux sources d’informations, nous construisons nous même partiellement le savoir, et avec l’enseignant nous échangeons» (Lycée Moderne de Treichville). Ainsi, «après les cours, les orientations données par les éducateurs permettent aux apprenants d’approfondir les connaissances sur le chapitre étudié à partir de nouvelles recherches sur les sites conseillés par les éducateurs» (Collège International la Corniche). • mieux se préparer aux évaluations: «la préparation des devoirs en Histoire / Géographie, en Anglais, en Français nécessitent des recherches. L’accès à Internet permet de trouver des solutions appropriées» (Groupe Scolaire Emmanuel de Bonoua). «Les disciplines concernées par cette évolution des connaissances sont le Français, l’Histoire, la Physique sur le pétrole et le gaz naturel, la musique, l’Anglais, l’Espagnol et l’Allemand» (Lycée Moderne de Treichville). Les TIC ont un effet positif sur les potentialités des apprenants. Elles les aident à : • accroitre l’aptitude à la recherche chez les apprenants: «les méthodes de travail ont connu une évolution, plusieurs apprenants s’adonnent aux recherches sur les différents chapitres des programmes des disciplines mis à leur disposition» (Cours Secondaire Méthodiste). De plus, «les apprenantes qui naviguent sur la toile le plus souvent comprennent mieux et plus vite les explications de l’enseignant puisqu’elles disposent déjà d’information le sujet» (Groupe Scolaire Emmanuel de Bonoua). Ainsi, «l’impact des ordinateurs et surtout de l’Internet sur nos études se situe au niveau des recherches que nous effectuons sur le net. Grâce à cet outil, nous disposons de beaucoup de données N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... que nous ne pouvions avoir dans notre établissement» (IRMA). • moderniser les moyens de communication : «les TIC nous permettent de ne pas être coupé du reste du monde» (Groupe Scolaire Emanuel de Bonoua). • réduire le temps de travail «Nous gagnons aussi en temps, car nous saisissons les textes et nous imprimons autant d’exemplaires pour tous les membres du groupe. Nous faisons aussi des recherches d’informations sur Internet » (Lycée de Garçons de Bingerville). Selon les éducateurs, les TIC améliorent la connaissance et la formation des apprenants qui les utilisent. En effet, plusieurs apprenants ont un grand engouement à travailler sur les ordinateurs, à faire des recherches sur les différents sites conseillés soit par les éducateurs, soit par les parents pour leur apprentissage. Aussi l’impact positif des TIC peut il être apprécié à plusieurs niveaux. Il s’agit de la: •réduction du temps d’enseignement : «le temps mis pour expliquer un cours et le faire comprendre aux apprenants est relativement moins long aujourd’hui que par le passé» (Lycée Technique d’Abidjan). • facilitation des apprentissages: «Cet apprentissage est d’autant plus simplifié que les TIC nous offrent sur le Web des ouvrages téléchargeables gratuitement, des cours en ligne, des logiciels de simulation gratuits, des apprentissages interactifs etc. Nous suggérons à nos apprenants de faire de la recherche sur le net pour qu’ensemble nous puissions atteindre nos objectifs de formation» (Lycée Technique d’Abidjan). • consolidation des acquis scolaires « En tant qu’enseignant, on le constate dans les échanges pendant le cours et même dans les devoirs. Les élèves qui font des recherches sur le net à des fins pédagogiques participent aux cours et ont des interventions plus constructives. Au niveau des devoirs, ils ont de bonnes informations et des exemples pour soutenir leurs arguments. Leurs raisonnements sont plus cohérents» (Lycée des Garçons de Bingerville). Au total, l’impact positif des TIC sur l’apprentissage est perceptible en situation de classe d’une part. En effet, les TIC offrent plusieurs possibilités pour la préparation et l’approfondissement des cours et des évaluations. D’autre part, l’usage des TIC dans l’apprentissage améliore les aptitudes et les capacités intellectuelles de l’apprenant. 69 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 2.2- Impact de l’usage des TIC sur l’accès des apprenants au savoir L’usage pédagogique des TIC a eu plusieurs impacts positifs sur l’accès au savoir des apprenants du secondaire. Il s’agit de la : • facilitation de l’accès aux informations et à la documentation : «Les TIC ont facilité l’accès à la connaissance des apprenants. Ce constat est fait par la majorité des élèves du collège, car la bibliothèque renferme de nombreux ouvrages mais Internet offre plus de possibilité aux apprenants». (Collège International la Corniche). 70 En effet, «l’établissement ne disposant pas d’une bibliothèque équipée en ouvrages, le recours à Internet permet aux élèves de se documenter et de bien renseigner tous leurs devoirs». (Groupe Scolaire Emanuel de Bonoua). Grâce à Internet, nous pouvons avoir accès à de nombreuses informations à travers les ouvrages et les travaux de recherches à partir des moteurs de recherche tels que Google, Yahoo Search et les sites des organisations internationales» (Lycée des Garçons de Bingerville). • accès au contenu des cours en ligne : «Avant que l’éducateur ne dispense son cours, les apprenants que nous sommes, avons déjà des informations sur le contenu du cours et cela facilite les échanges pendant l’enseignement » (Collège International la Corniche). • universalisation de l’accès à la connaissance : «avec les TIC, on acquiert des connaissances et on échange avec d’autres apprenants. La connaissance n’est plus réservée aux apprenants des pays du nord, mais tout apprenant d’un pays du sud peut y avoir accès» (Cours Secondaire Méthodiste). «Les ordinateurs et Internet ont apporté beaucoup en matière d›information. Aujourd›hui avec le peu de temps dont nous disposons pour utiliser les ordinateurs et avec les faibles possibilités qui nous sont offertes en zone semi rurale, nous avons accès à de nombreuses informations importantes, riches et actualisées pour notre formation» (Groupe Scolaire Emanuel de Bonoua). • modification de l’accès à la connaissance : «avant les TIC, nous n’accédions à la connaissance que par les enseignements reçus. Les N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... établissements scolaires sont souvent dépourvus d’ouvrages. Les opportunités d’accès à la connaissance étaient rares. Aujourd’hui avec les TIC, ce sont des bibliothèques, des encyclopédies, des dictionnaires, des didacticiels d’apprentissage et des logiciels. Désormais pour nos exposés et autres travaux d’apprentissage, nous sommes aidés par les TIC» (Lycée Technique d’Abidjan). impact certain sur la présentation des documents qu’ils produisent dans le cadre de leur formation «Nous faisons des recherches sur les différents sites internet. Nous pouvons aussi saisir nos travaux d’exposé et nous savons aussi faire des graphiques grâce aux cours d’informatique pour améliorer la présentation de nos travaux de recherches» (Lycée Sainte Marie). Selon les éducateurs, les TIC ont facilité également l’accès aux connaissances. En effet, «Internet est une bibliothèque qui met à la disposition des apprenants les connaissances sans trop de difficultés. Ainsi Internet aide à développer la recherche documentaire et facilite la consultation des ouvrages et des publications qui ne sont pas disponibles dans les bibliothèques» (Collège International la Corniche). La documentation produite est constituée de travaux de recherche réalisés à l’école. Il s’agit essentiellement des : En somme, l’usage des TIC par les apprenants modifie positivement les moyens d’accès à la connaissance et de façon spécifique, la relation entre l’enseignant et l’enseigné. • • projet de fin de cycle : «Conformément au bulletin officiel français chaque élève doit, avant de finir son cycle présenter un projet informatique» (Collège International la Corniche). • exposés de classe «Les TIC ont aidé les élèves à 2.3- Impact des TIC sur la documentation produite par les apprenants Les TIC influencent positivement la production de documents par les apprenants. Selon eux, les TIC ont eu un devoirs de maison : les devoirs de maison se font avec l’utilisation de différents logiciels Word et Excel. Il n’est plus question de rendre des manuscrits. Cette exigence s’applique également aux exposés réalisés par les apprenants» (Collège International la Corniche). 71 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 produire essentiellement des travaux de recherche. Auparavant ils rendaient des manuscrits Aujourd’hui, avec la pratique de l’outil informatique, les élèves saisissent leur travail, le corrigent avant de le remettre à l’enseignant. Certains travaux sont illustrés par des schémas ou graphiques qui permettent une meilleure présentation du travail» (Groupe Scolaire Emanuel de Bonoua). • 72 Les seuls documents que nous avons produits en tant qu›élèves, ce sont des exposés. Nous avons fait des recherches, saisie les données nous-mêmes avant de présenter le travail en classe. Il y a quelques années, après avoir effectué des recherches dans les centres de documentation et bibliothèques, nous nous rendions chez des opératrices de saisie pour confectionner notre document ou le rendions de façon manuscrite aux éducateurs» (IRMA) Facteurs qui restent des défis : L’impact positif des TIC est encore limité au niveau des établissements et des apprenants. En effet, on dénombre trois facteurs principaux qui restent des défis à relever en Côte d’Ivoire: Réticence des managers et des enseignants en raison de l’absence de politique en faveur de l’intégration pédagogique des TIC dans l’éducation en Côte d’Ivoire Faible disponibilité des ordinateurs et absence de cours d’informatique: «beaucoup d’élèves n’ont pas accès à l’outil informatique compte tenu de l’absence de cours d’informatique et de l’absence de connexion à Internet dans l’établissement» (Lycée des Garçons de Bingerville). De plus, «On ne peut pas vraiment parler d’impact des Tic sur l’apprentissage des élèves étant donné que le lycée n’est pas bien équipé en outil informatique. Le nombre d’ordinateurs est insuffisant pour les filles». (Lycée Sainte Marie de Cocody). «La majorité des élèves ne savent même pas utiliser le logiciel Word pour la saisie d’un texte encore moins construire un tableau dans Excel. Pire, certains ne peuvent pas identifier les éléments qui le composent» (Lycée Moderne de Treichville). N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... • Coûts élevés du matériel informatique : «le coût élevé des ordinateurs ne permet pas aux familles d’en acquérir, compte tenu de la baisse du pouvoir d’achat» (Lycée moderne de Treichville). «L’accès à l’ordinateur et à Internet n’est pas aisé pour tous, compte tenu du manque de moyens financiers des apprenants» (Cours Secondaire Méthodiste). 3- DISCUSSION Quels sont les impacts des TIC sur l’apprentissage, sur l’accès à la connaissance et la documentation produite par les apprenants ? Au niveau de l’apprentissage, les apprenants utilisent les TIC pour améliorer la préparation et l’approfondissement des cours et des évaluations. Elles accroissent aussi les potentialités et les compétences de l’apprenant. Ce résultat de l’étude rejoint celui de Jefferson et Edwards (2000) pour qui, «une utilisation judicieuse des TIC encourage le développement d’habiletés transversales. En effet, en même temps qu’il réalise des apprentissages disciplinaires et technologiques, l’élève a l’occasion d’effectuer, dans un contexte TIC approprié, des apprentissages qui contribuent au développement d’habiletés intellectuelles». Ainsi, selon Karsenti, «Si les TIC sont mises à profit tout en insufflant une motivation accrue aux élèves, elles seront susceptibles de participer au développement d’un large éventail de compétences transversales autant que disciplinaires qui sont déterminées dans le Programme de formation». Au niveau de l’accès à la connaissance, l’usage des TIC modifie positivement les moyens d’accès au savoir et de façon spécifique, la relation entre l’enseignant et l’enseigné. Ce résultat de l’étude a été relevé par Perreault N., (2005). Selon elle, dans un contexte TIC, le rôle du professeur est appelé à se transformer: d’une part, l’information devient de plus en plus facilement accessible et le savoir de plus en plus décloisonné; dès lors, on ne peut plus concevoir la professeure et le professeur comme dépositaire unique des connaissances reliées à une discipline. Toutefois l’usage des TIC en milieu scolaire ne saurait remplacer les autres démarches pédagogiques, ni de faire disparaître les autres types de ressources comme le livre. En somme l’usage pédagogique des TIC demeure un facteur bonifiant dans l’accès à la connaissance selon l’apprenant et le formateur 73 © educi 74 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Concernant la production de la documentation à l’aide des TIC, elle reste étroitement liée au traitement à l’ordinateur des devoirs de maison, des projets de fin de cycle et des exposés de classe. En effet, les résultats de l’étude du ROCARE, réalisée de 2003 à 2005 en collaboration avec l’Université de Montréal «indiquent que 54% des élèves pense que l’ordinateur et l’internet facilite la réalisation des travaux scolaires et 77 % affirment qu’il est important d’utiliser les TIC à l’école». Ainsi, «Tous les enseignants et les élèves utilisateurs de TIC interrogés affirment qu’ils ne pourraient plus travailler efficace sans l’apport des TIC». Toutefois, malgré la gamme variée de possibilités qu’offrent les TIC et l’impact qu’elles ont dans la formation, le constat est le même que celui des pays de l’OCDE en 1989 «l’ l’utilisation des microordinateurs dans l’éventail des matières du programme scolaire reste relativement faible dans la plupart des pays membres. Les technologies de l’information recèlent un potentiel considérable pour l’amélioration de l’éducation. Cependant, ce potentiel ne se matérialise pas dans les écoles». CONCLUSION L’étude : Impact de l’usage des TIC sur l’apprentissage dans le secondaire en Côte d’Ivoire visait à analyser l’effet de l’usage des TIC sur l’apprentissage et l’accès à la connaissance des apprenants. Les résultats montrent que : Au niveau de l’apprentissage, les apprenants se servent des TIC pour améliorer la préparation et l’approfondissement des cours et des évaluations. Elles accroissent aussi les potentialités et les compétences de l’apprenant. Au niveau de l’accès à la connaissance, l’usage des TIC modifie positivement les moyens d’accès et de façon spécifique, la relation entre l’enseignant et l’enseigné. La production de la documentation à l’aide des TIC reste étroitement liée au traitement à l’ordinateur des devoirs de maison, des projets de fin de cycle et des exposés de classe. Toutefois l’impact positif reste limité à des établissements et à des apprenants privilégiés. En effet, l’absence de politique officielle en faveur de l’intégration pédagogique et le coût élevé des équipements TIC ne favorisent pas l’émergence d’une culture des TIC dans l’apprentissage en milieu scolaire secondaire en Côte d’Ivoire. N’DEDE Bosoma Florence : Impact de l’usage des technologies de ... BIBLIOGRAPHIE Armstrong A. (1999). The Child and the Machine : How Computers Put Our Children’s Education at Risk. www. Missionfougous-tice.fr Becta, Ramboll, (2006). The ICT Impact Report: A review of studies of ICT impact on schools in Europe. http://ec.europa.eu/education/ pdf/doc254_en.pdf (consulté le 8 mars 2010). Butcher N., (2004). L’infrastructure technologique et utilisation des TIC dans le secteur de l’éducation en Afrique : vue générale, ADEA. Fonkoua P. Dir, (2006). Intégration des TIC dans le processus enseignementapprentissage au Cameroun. édition terroirs. Yaoundé. Jefferson, A. L. et Edwards S. D., (2000). 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Kouamé NGUESSAN IREEP/Ecole Normale Supérieure d’Abidjan Département des Sciences de l’Education [email protected] RÉSUMÉ 76 Cette étude présente les principales implications de la pédagogie, de la didactique et de l’épistémologie sur la formation des enseignants de physique et chimie au secondaire. Nous notons un certain nombre de points qui sont fondamentaux et constituent manifestement une rupture avec l’idée simpliste de la formation de ces derniers. L’enseignant de physique et chimie étant un «cadre» du savoir dans son domaine, il doit non seulement connaitre sa discipline, situer l’état de sa discipline au travers de son histoire, ses enjeux épistémologiques, ses problèmes didactiques et les débats qui la traversent, mais aussi et surtout maitriser les connaissances curriculaires et pédagogiques. Mots-clés : formation, épistémologie, didactique, pédagogie, connaissances, physique, chimie. ABSTRACT This study presents the main implications of pedagogy, didactics and epistemology on the training of physics teachersin secondary schools. We notea number of points that are fundamental and clearly constitute a break with the simple idea oftraining them.The teacher of physicsis a «framework» of knowledge inhis field, hemust not only know his discipline, locatethe state of his disciplinet hroughi ts history, epistemological, its educational issues and debates which through, but also and especially mastering the curriculum and pedagogical knowledge. Key words : education, epistemology, learning, education, knowledge, physics, chemistry. INTRODUCTION L’enseignant est un professionnel de l’apprentissage, de la gestion des conditions d’apprentissage et de la régulation interactive en classe (Fauré, 2008). Son action en classe est nécessairement appuyée sur une préparation dans laquelle il mobilise des connaissances professionnelles. Cette préparation, nous la définissons comme étant l’activité du professeur en amont de la mise en œuvre d’une séance ou d’une séquence ; et laquelle préparation nécessite la mise en condition pour réussir cette mise en œuvre. Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... Elle peut donner lieu à la conception et à l’organisation de supports matériels (fiche de préparation…). Les prises de décisions y sont importantes sans pour autant que le professeur soit assuré d’atteindre ses objectifs dans sa mise en œuvre. Notre travail se situe dans le cadre général de la formation professionnelle des enseignants de physique et chimie sur les problèmes d’enseignement et d’apprentissage, abordé sous l’angle des connaissances approfondies et de leurs évolutions. Nous considérons ce qui se passe hors de la classe et dans la classe ainsi que la manière dont ces deux moments s’articulent. Dans ce cadre, nous avons choisi d’étudier la préparation de la leçon par l’enseignant puis sa mise en œuvre en classe dans le cas de l’enseignement de la physique et de la chimie au secondaire, en étant spécialement attentifs aux écarts entre le prévu et le réalisé. Dans la première partie de ce travail, nous présentons les cadres théoriques retenus et notre questionnement précis. Dans la deuxième partie nous présentons un ensemble de connaissances nécessaires pour rendre le contenu des enseignements en physique et chimie au lycée et au collège optimum pour les apprenants. Enfin, nous présentons des éléments de conclusion. 1- CADRE THEORIQUE DE L’ETUDE ET QUESTIONS DE RECHERCHE 1.1- Cadre théorique de l’étude L’étude des différentes connaissances mobilisées par l’enseignant pendant la préparation de la classe fait référence au concept de Pedagogical Content Knowledge (PCK), issu des travaux de Shulman (1986, 1987), de Grossman (1990) et au modèle élargi de Magnusson et al. (1999). Le concept de PCK est défini comme une connaissance spécifique pour enseigner (Shulman, 1986b). Chaque PCK est liée à un contenu. Grossman (1990) définit quatre grands domaines de connaissances : les connaissances pédagogiques générales, les connaissances disciplinaires, les PCK, et les connaissances sur le contexte. De ces quatre domaines, les PCK sont, selon Grossman, celles qui ont la plus grande influence sur l’action de l’enseignant. Les travaux de Magnusson, Krajcik, Borko (1999) se situent dans la lignée de ceux de Grossman. Ils définissent les PCK selon la composition suivante : les connaissances sur les stratégies d’enseignement, les connaissances du programme, les connaissances de l’évaluation, les connaissances 77 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 sur les difficultés des élèves ; quatre composantes chapeautées par une cinquième, les orientations pour l’enseignement de la physique et la chimie. Ces cinq catégories sont elles-mêmes constituées de souscatégories. 78 L’analyse de la plupart des programmes de formation des enseignants de physique et chimie se limitent pratiquement à deux dimensions: la connaissance par l’enseignant des deux disciplines que sont la physique et la chimie dont il doit maitriser leurs notions fondamentales et ensuite la possession par ce dernier des méthodes grâce auxquelles il emmènera l’élève à apprendre ces contenus disciplinaires. A ces dimensions correspond la formation dans la physique et la chimie et dans leur didactique. Certes la didactique a connu un développement impressionnant (Tiberghien, 1985 ; Linn, 1987 ; Viennot, 1989) et est devenue un corps cohérent et spécifique (Gil et al, 1991 ; Hodson, 1992) mais la formation destinée aux enseignants sur cette base, est limitée et inefficace. En effet, nous constatons qu’un fort pourcentage d’élèves (plus de 69%) échoue en physique et chimie et l’attitude négative des élèves face à ces disciplines et à leur apprentissage est en constante progression. Cette constatation brise les idées simplistes sur l’enseignement de ces disciplines comme activité exigeant uniquement un solide savoir scientifique et une certaine expérience. Pour ce qui concerne notre contribution, nous mettrons en lumière d’autres domaines à propos desquels les enseignants de la physique et de la chimie devraient posséder des connaissances, si, du moins, on considère que leur travail vise à une éducation des jeunes dans une société. Perçu dans cette dimension sociétale, le métier d’enseignant devient clair en ce sens que pour enseigner la physique et la chimie à un élève X ou une élève Y, il ne suffit pas de maîtriser ces savoirs et de connaître la psychologie et les problèmes de ces jeunes, mais il faut aussi savoir pourquoi, en vue de quoi et pour qui on se sent prêt à imposer cet apprentissage à l’élève X ou à l’élève Y (Fourez, 1998). Il y a intérêt à situer ces savoirs et cette mission d’enseignement dans un cadre plus large. 1.2- Questions de recherche Vu sous cet angle, la formation des enseignants en physique et en chimie doit prendre en compte les trois conceptions de leur enseignement/apprentissage en s’appuyant sur d’autres disciplines, en particulier l’épistémologie, la Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... philosophie et l’histoire des sciences, et la linguistique, d’explorer les potentialités de divers types de ressources et de modalités d’enseignement, pour améliorer le confort des élèves, leur motivation, leur plaisir d’apprendre, leur image des activités et l’efficacité des dispositifs d’enseignement/ apprentissage en termes de développement de compétences. C’est dans cette perspective que nous présentons ici quelques orientations pour une formation des futurs enseignants de physique et de chimie qui aille au delà de la discipline et de sa didactique. Dans ce travail, nous tentons ainsi de répondre à différents types de questions en nous appuyant sur le cadre théorique présenté ci-dessus. Il s’agit, d’une part, de caractériser les connaissances mobilisées par les enseignants pendant la préparation de la classe et au cours de sa mise en œuvre. Quelles sont ces connaissances ? Peut-on les diviser en catégories ? Comment sont-elles structurées ? Il s’agit, d’autre part, de s’intéresser à l’évolution de ces connaissances. Peut-on identifier leurs origines ? Peut-on en observer des évolutions, et lesquelles ? Nous présentons ci-dessous une méthodologie permettant d’apporter des éléments de réponses à ces questions, ainsi que sa mise en œuvre pour le suivi des enseignants de physique et chimie. 2- CONNAISSANCES DE LA PHYSIQUE ET DE LA CHIMIE 2.1- L’épistémologie des sciences Définie comme la théorie de la connaissance scientifique, l’épistémologie des sciences étudie la formation et la structure des concepts et des théories scientifiques. Elle se penche sur d’abord la syntaxe et la sémantique des théories, ensuite la méthode scientifique et enfin, les limites et la valeur de l’entreprise scientifique. Il n’est donc pas possible d’être un excellent scientifique sans pouvoir bien se représenter comment les scientifiques construisent leurs savoirs et même en ayant une série d’idées incorrectes sur ces sujets. Il est déjà plus difficile d’être un bon didacticien si on ne peut conceptualiser et verbaliser des démarches scientifiques, notamment celles liées aux preuves, aux modèles, aux représentations, aux paradigmes scientifiques, à la standardisation des savoirs, aux tests expérimentaux, etc. De tels savoirs sur nos savoirs sont nécessaires pour enseigner des méthodes scientifiques et posséder 79 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 une métacognition à leur propos. Sans ce genre de connaissances, il devient presque impossible de faire œuvre d’éducation et de conduire les élèves à considérer les sciences comme des oeuvres humaines, construites pour et par les humains, historiques et collectives. 80 A propos de l’épistémologie, les futurs enseignants auront notamment à rencontrer divers débats relatifs au rôle des êtres humains et de leur créativité par rapport aux sciences. Les modèles scientifiques sont-ils des représentations produites et inventées par les humains, ou sont-ils des réalités éternelles qu’on ne fait que découvrir ? Ces modèles sont-ils des artefacts et des simplifications destinées à tenir la place, comme une carte géographique, d’un terrain trop complexe, ou sont-ils des reflets directs de l’état du monde ? Sont-ils construits par et pour les humains, comme les technologies des ingénieurs, en fonction du contexte et des projets dont les scientifiques sont, implicitement ou consciemment, porteurs, ou sont-ils une vérité universelle socialement neutre ? 0n peut se demander si l’enseignant des sciences désireux de faire ouvre éducative peut contourner ces interrogations. Pour pouvoir gérer de telles questions, une formation à l’épistémologie est utile. 2.2- Connaitre l’histoire des concepts en physique et en chimie Dans la mesure où l’on estime que la physique et la chimie sont des œuvres humaines, faites par les humains et pour les humains et non des doctrines tombées du ciel, une certaine ouverture à l’histoire des concepts en physique et en chimie est utile aux enseignants. Celle-ci peut les aider à situer les créations scientifiques dans leur cadre de société et à éviter de s’imaginer que les développements scientifiques d’hier, comme ceux d’aujourd’hui, ont eu lieu dans une tour d’ivoire. L’histoire des concepts scientifiques peut être réduite à l’étude de l’album de famille de la tradition scientifique : elle serait alors trop idéologique et véhiculerait trop les intérêts des communautés scientifiques. L’histoire devrait permettre de replacer l’évolution des concepts en mécanique ou en thermodynamique par exemple dans leurs cadres culturel, social et économique. Car le type d’histoire des concepts scientifiques véhiculés dans les cours, contribuera beaucoup à forger l’image que les élèves se feront des savoirs Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... et de leur construction. En effet, l’étude de l’histoire des concepts scientifiques doit permettre de montrer que la physique et la chimie ne sont pas un domaine figé, qu’elles ont évolué avec des avancées mais aussi des reculs, dans des théories. Une telle formation doit permettre à l’enseignant de savoir relier les périodes scientifiques aux périodes historiques ; connaître les grandes idées de certaines époques, et de l’évolution de ces idées ; et de percevoir la durée du cheminement d’une idée jusqu’à l’élaboration d’une loi. 2.3- Formation à l’analyse idéologique des cours de physique et de chimie Un cours de physique ou de chimie selon Martinand (1993) ne transmet pas uniquement des résultats ou des méthodes scientifiques mais aussi toute une vision du monde. Ainsi, de même qu’il y a une différence entre parler d’un verre “à moitié plein” ou d’un verre “à moitié vide”, cela ne revient pas au même d’affirmer que “Nous allons prouver que la distinction entre les matériaux conducteurs et isolants est un fait” ou “Dans un certain nombre de circonstances, les physiciens ou chimistes ont trouvé intéressant de faire la distinction entre des matériaux dits conducteurs et d’autres dits isolants”. Ni non plus de dire “Darwin a systématisé les connaissances biologiques de son temps autour de l’idée d’évolution qui était à la mode dans la culture qui l’entourait” plutôt que “Darwin a déduit la théorie de l’évolution de ses observations lors de son voyage autour du monde”. La différence entre ces propositions renvoie à des visions idéologiques du monde (Fourez, 1989). Un cours de physique ou chimie véhicule ainsi des idéologies. Ne serait-il pas utile qu’un professeur de physique et chimie ait été formé à l’analyse de ces contenus idéologiques ? Non pas pour prétendre donner un enseignement pur de toute idéologie, mais pour être capable de mieux contrôler ce qu’il transmet et éviter que son action idéologique ne soit contraire à des valeurs ou des positions qu’il voudrait défendre. Parmi les dimensions idéologiques d’un enseignement de physique ou de chimie, on peut mettre en évidence la représentation des relations physique et chimietechnologies-sociétés qu’il véhicule. La formation des professeurs devrait leur permettre d’examiner diverses représentations pour pouvoir décider en meilleure connaissance de causes de celle(s) qui seront véhiculées dans son enseignement. 81 © educi 82 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Peut-être une telle formation permettra-t-elle à l’enseignant de décider s’il veut transmettre une image des savoirs selon laquelle ceux-ci auraient à être vrais une fois pour toute (comme lorsqu’on prétend “prouver” péremptoirement des vérités scientifiques) ou s’il veut restaurer la dimension de risque toujours présente dans la prise de parole. Selon cette dernière perspective, il s’agira de mettre en valeur le fait que le choix d’une représentation du monde est une décision risquée, en ce sens que la représentation qu’on se donne ouvre toujours à certaines possibilités et en renferme d’autres. Ce sera toujours un choix risqué de dire: “voici comment je me représente le monde”. À l’opposé, ceux qui estiment qu’il n’y a qu’une “bonne” ou “vraie” représentation du monde occultent cette dimension de choix et de risque. Leur vision rejoint peut-être une philosophie technocratique qui prétendrait que les sciences déterminent ce qu’il faut faire (Boure, 2007). Une vision constructiviste des savoirs, elle, en soulignant le caractère relatif des représentations scientifiques sans pour cela être relativiste met davantage en évidence la dimension humaine et risquée de la construction des représentations du monde. 2.4- Formation à l’interdisciplinarité La fécondité de la discipline dans l’histoire de la science n’a pas à être démontrée ; d’une part, elle opère la circonscription d’un domaine de compétence sans laquelle la connaissance se fluidifierait et deviendrait vague ; d’autre part, elle dévoile, extrait ou construit un objet non trivial pour l’étude scientifique : c’est en ce sens que Charaudeau (2010) disait que la chimie crée son propre objet. Cependant l’institution disciplinaire entraîne à la fois un risque d’hyperspécialisation du chercheur et un risque de «chosification» de l’objet étudié dont on risque d’oublier qu’il est extrait ou construit. L’objet de la discipline sera alors perçu comme une chose en soi ; les liaisons et solidarité de cet objet avec d’autres objets, traités par d’autres disciplines, seront négligées ainsi que les liaisons et solidarités avec l’univers dont l’objet fait partie. La frontière disciplinaire, son langage et ses concepts propres vont isoler la discipline par rapport aux autres et par rapport aux problèmes qui chevauchent les disciplines. L’esprit hyper disciplinaire va devenir un esprit de propriétaire qui interdit toute incursion étrangère dans sa parcelle de savoir (Morin, 1990). On sait qu’à l’origine, le mot discipline désignait un petit fouet Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... qui servait à s’auto-flageller, permettant donc l’autocritique ; dans son sens dégradé, la discipline devient un moyen de flageller celui qui s’aventure dans le domaine des idées que le spécialiste considère comme sa propriété. La plupart des enseignements scientifiques sont et resteront disciplinaires. Mais la majorité des situations concrètes qu’il peut être intéressant de se représenter ne peuvent l’être de façon adéquate par une approche mono-disciplinaire. Il s’agit de montrer que les connaissances ne sont plus séparées du sujet mais elles font partie intégrante de luimême. Par exemple, la maîtrise du concept d’énergie né de la physique à la suite de la décomposition du newtonianisme, nécessite pour l’enseignant une meilleure représentation dans les autres disciplines comme les sciences de la vie et de la terre, les sciences de la société, les sciences économiques et sociales ; lesquelles disciplines entretiennent des rapports différents à ce concept. De même pour se représenter l’alimentation du petit déjeuner, il faudra faire appel à la biologie, à la diététique, à la psychologie, à l’économie, au droit, à l’anthropologie culturelle, etc. Et l’on pourrait dire des choses similaires si l’objectif est de se représenter l’usage de la drogue ou celui d’un Fax. C’est aussi l’exemple de la notion d’homme qui se trouve morcelée entre différentes disciplines biologiques et toutes les disciplines des sciences humaines : le psychisme est étudié d’un côté, le cerveau d’un autre côté, l’organisme d’un troisième, les gènes, la culture etc. : il s’agit effectivement d’aspects multiples d’une réalité complexe, mais qui ne prennent sens que s’ils sont reliés à cette réalité au lieu de l’ignorer. Ces quelques exemples, hâtifs, fragmentaires, hachés, dispersés, veulent insister sur l’étonnante variété des circonstances qui font progresser les sciences en brisant l’isolement des disciplines, soit par la circulation des concepts ou des schèmes cognitifs, soit par des empiètements et des interférences, soit par des complexifications de disciplines en champs poly compétents, soit par l’émergence de nouveaux schèmes cognitifs et de nouvelles hypothèses explicatives, soit enfin par la constitution de conceptions organisatrices qui permettent d’articuler les domaines disciplinaires dans un système théorique commun. Aujourd’hui, il faut prendre conscience de cet aspect qui est le moins éclairé dans l’histoire officielle des sciences et qui est un peu comme la face obscure de la lune. Les disciplines 83 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 sont pleinement justifiées intellectuellement à condition qu’elles gardent un champ de vision qui reconnaisse et conçoive l’existence des liaisons et des solidarités (Darbellay, 2005). Plus encore, elles ne sont pleinement justifiées que si elles n’occultent pas de réalités globales. 84 L’utilisation concrète des sciences appelle le plus souvent une méthodologie de l’interdisciplinarité. C’est pourquoi on peut se demander si un professeur pourra donner un cours de sciences ayant du sens si, quand il est confronté à la complexité du concret, il n’est pas capable de faire se croiser plusieurs savoirs disciplinaires et de consulter les spécialistes d’autres disciplines, pour se construire une représentation adéquate de sa situation. En conséquence, on peut considérer qu’une certaine formation aux méthodologies de l’interdisciplinarité est nécessaire pour prodiguer un enseignement des sciences ayant du sens. Il ne s’agit pas de prétendre remplacer la formation disciplinaire par une hypothétique formation interdisciplinaire, mais il faut pouvoir compléter cette dernière par une éducation aux méthodes de l’interdisciplinarité. 3- CONNAISSANCES CURRICULAIRES 3.1- Formation à l’analyse politique des constructions de programmes Construire un programme de physique et de chimie (ou d’une autre discipline scientifique) n’est pas un acte qui relève uniquement de la physique et de la chimie (ou de la discipline concernée). Décider d’un programme, au contraire, est d’abord un acte politique au sens le plus strict du terme: il s’agit en effet de déterminer des normes qui seront imposées avec éventuellement des menaces de sanctions en cas de transgression. Ce que vise un programme de physique et chimie dépend davantage d’une analyse que l’on fait de la société et des objectifs qu’on se donne à son sujet que des disciplines scientifiques. On vise à imposer certains apprentissages à des jeunes en fonction de ce qu’on estime intéressant pour eux et la société, dans un contexte particulier. Ce que les enseignants de physique et chimie peuvent apporter à la construction d’un programme de physique et de chimie peut être considéré comme des offres de services. Ils peuvent indiquer ce qu’ils estiment intéressant d’enseigner à des groupes de jeunes, et pourquoi. Ils peuvent aussi, à l’instar des Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... pédagogues, indiquer quelles sont les contraintes que, selon eux, les traditions de leur discipline imposent à un tel enseignement. Mais l’analyse qui éclairera l’utilité éducative et sociale d’un enseignement de la physique et de la chimie ne relève pas de cette discipline. Ces enseignants de physique et chimie peuvent y contribuer, mais ce n’est pas leur formation scientifique comme telle qui y est primordiale. Au centre de la problématique, il y a les enjeux sociaux et éducatifs de la pratique enseignante (Boure, 2002); et ceuxci ne relèvent pas de la physique et de la chimie. On peut trouver raisonnable que les enseignants de physique et chimie aient reçu une formation les aidant à comprendre ces enjeux et, par là, à participer avec pertinence aux débats relatifs aux finalités de l’enseignement des sciences. Il s’agit là d’une formation en sciences sociales relative aux politiques et aux idées qui ont présidés et président aux choix de programmes en sciences. 3.2- Formation au courant technologique et à l’évaluation des technologies On peut considérer que la pensée scientifique s’est divisée, vers le début du 19ème siècle, en deux courants: celui des “sciences à projets” (dont l’ingénierie, la médecine et l’architecture sont des exemples typiques) et celui des “sciences disciplinaires” (les “sciences des professeurs” représentées surtout par la physique, la chimie et la biologie). Pour la grande partie de la population, parler des progrès des sciences renvoie aux “sciences à projets” et aux technologies (notamment, l’informatique, la conquête de l’espace et les technologies médicales). On trouve surtout les sciences disciplinaires dans l’enseignement secondaire et dans les laboratoires de recherche universitaires. Mais beaucoup de professeurs de sciences n’ont guère d’idées sur la façon de travailler des médecins, ingénieurs et architectes. Un bon nombre regarde d’ailleurs les technologies avec méfiance quand ils ne vont pas jusqu’à s’imaginer que celles-ci se réduisent à être des applications des sciences (alors que, généralement, le développement d’une technologie met en jeu des mécanismes au moins aussi complexes que ceux des sciences disciplinaires, et exige la mise en œuvre de modèles théoriques aussi compliqués, tout en nécessitant des approches interdisciplinaires). Ils ne voient pas toujours que si l’on peut voir comment des principes disciplinaires permettent une analyse des technologies, ces 85 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 dernières selon Requeplo (1974), mettent généralement en oeuvres plusieurs de ces principes provenant souvent de différentes disciplines et les articulent avec des démarches sociales. Bref, on peut être un excellent scientifique et ne pas y comprendre grand chose au fonctionnement des technologies. Une formation des enseignants dans ce sens ne serait donc vraiment pas un luxe dans une société où sciences et technologies interagissent sans cesse. Si du moins, on désire que les cours scientifiques soient perçus par les élèves comme ayant du sens dans un monde où les techno sciences sont partout. 86 3.3- Formation à la vulgarisation scientifique Il y a un lien entre l’enseignement des sciences dans le primaire ou le secondaire et la popularisation des sciences et des technologies. Dans les deux cas, les finalités sont à la fois culturelles (avoir une vision du monde) et pratiques (permettre au citoyen de se débrouiller dans une société où sciences et technologies sont devenues incontournables. C’est d’ailleurs ce que développent les réflexions tournant autour de l’alphabétisation scientifique et technique (Tilman, 1994). Les professeurs de physique et chimie devraient percevoir la différence entre une vulgarisation - ou un enseignement - qui se limiterait à montrer les belles choses réalisées par les scientifiques et celle qui viserait à une véritable démocratisation, impliquant alors un partage du pouvoir lié au savoir. Il s’agit de leur faire percevoir la différence entre une action se limitant à un effet de vitrine (ou à une opération de relations publiques des communautés scientifiques), et celle conférant une réelle maîtrise et une capacité de négociation face tant aux choses qu’aux spécialistes ou aux technologies. 3.4- Formation à articuler savoirs scientifiques et décisions humaines L’intérêt d’un enseignement scientifique ne se limite pas à la connaissance des modèles scientifiques: il s’agit aussi de rendre les élèves capables d’utiliser ces savoirs quand il s’agit de gérer leur propre existence et de participer à la vie sociale. L’enjeu soulevé ici concerne la capacité d’utiliser les savoirs scientifiques dans les débats éthiques et/ou politiques (comme ceux concernant la drogue, l’énergie, la transmission du SIDA, etc.). Cela implique la capacité de se situer par rapport à la technocratie, comme celle de distinguer entre les Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... dimensions techniques, éthiques et politiques d’un débat ou d’une décision. Et ici encore, une certaine formation ne serait pas de trop pour les enseignants de physique et chimie. 3.5- Formation aux dimensions “Physique et chimie, Technologies, Société” En lien avec les questions que l’on vient de soulever, on peut situer les compétences qui permettent d’articuler les trois dimensions citées dans ce soustitre. Les enseignants de physique et chimie n’auraient-ils pas à posséder un modèle clair des relations entre physique et chimie, et technologies ? Ne devraientils pas être capables, aussi, de percevoir les répercussions sociales de l’adoption d’une technologie (comme d’ailleurs aussi d’une vision scientifique du monde) ? Tout cela renvoie aux méthodes d’évaluation sociale des technologies. Les technologies, en effet, selon Tilman et Grootaers (1994) ne sont pas seulement des outils neutres pouvant être utilisés d’une façon ou d’une autre, elles engendrent aussi comme des sortes de gènes sociaux des organisations de société. Elles ont des effets qu’il importe de pouvoir analyser. Une autre conscience, celle de ce que Piaget appelait le cercle des sciences qui établit l’interdépendance de facto des diverses sciences est également nécessaire. Les sciences humaines traitent de l’homme, mais celui-ci est, non seulement un être psychique et culturel, mais aussi un être biologique, et les sciences humaines sont d’une certaine façon enracinées dans les sciences biologiques lesquelles sont enracinées dans la physique et la chimie, aucune de ces sciences n’étant évidemment réductible l’une à l’autre. Toutefois la physique et la chimie ne sont pas le socle ultime et primitif sur lequel s’édifient toutes les autres ; la physique et la chimie, pour fondamentales qu’elles soient, sont aussi des sciences humaines dans le sens où elles apparaissent dans une histoire humaine et dans une société humaine (Layton, 1993). L’élaboration du concept d’énergie est inséparable de la techn icisation et de l’industrialisation des sociétés occidentales au 19ème siècle. Donc, dans un sens, tout est physique, mais en même temps, tout est humain. Le grand problème est donc de trouver la voie difficile de l’entre-articulation entre des sciences qui ont chacune, non seulement leur langage propre, mais des concepts fondamentaux qui ne peuvent pas passer d›un langage à l’autre. 87 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Ne serait-il pas notamment souhaitable que les élèves sachent analyser les façons dont le technicotechnique et le social sont articulés pour former une technologie concrète comme le chemin de fer, le fax, ou les méthodes de procréation artificielle. Mais pour les accompagner dans cette démarche (ou tout simplement pour ne pas la paralyser) une formation des enseignants de physique et chimie sera encore nécessaire. 3.6- Formation à l’analyse de société liée à l’enseignement et l’école 88 Les professeurs de physique et chimie (ou d’autres disciplines) ne vivent pas seulement dans leur classe : ils évoluent et sont conditionnés par l’institutionécole. Ils ne pratiquent pas seulement ce que les sociologues appellent les “relations courtes” (celles où l’on voit et connaît bien ses interlocuteurs). Ils sont immergés dans des “relations longues” (comme celles qui les relient aux forces politiques ou économiques régissant notre société). Ils vivent, par exemple, toutes les difficultés provenant de la perte de crédibilité de l’école dans nos sociétés d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement de la capacité des enseignants à former des élèves; ce qui est en jeu, c’est aussi leur existence à eux et leur autonomie. Il y a des politiques scolaires qui les touchent, eux et leurs moyens d’action. Ils se trouvent au milieu de diverses violences, depuis celles qui éclatent parfois parmi leurs élèves à celles, plus froides, qui décident de la façon dont le monde économique tend à instrumentaliser l’éducation et l’école à ses finalités. Pour ne pas être des ignorants face à ces instances diverses de la “grande société” les enseignants doivent pouvoir comprendre ces mécanismes de société. Et, là encore, les professeurs de physique et chimie pourraient être preneurs, comme les autres. 4- CONNAISSANCES PEDAGOGIQUES Il revient à répondre à la question fondamentale suivante : comment organiser les différentes activités du cours pour que les apprenants atteignent les objectifs d’apprentissage ? 4.1- Formation des enseignants aux stratégies et styles d’enseignement 4.1.1- Formation des enseignants aux stratégies d’enseignement Ruffenach (2007), définit la stratégie d’enseignement comme étant l’art de planifier, Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... de coordonner et d’anticiper une séance d’enseignement pour atteindre des objectifs. Vues sur cet angle, les différentes stratégies d’enseignement doivent être maitrisées par l’enseignant pour aider les élèves à devenir des apprenants indépendants ou stratèges. En effet, ces stratégies d’enseignement deviennent des stratégies d’apprentissage lorsque les élèves en choisissent certaines de manière indépendante et les utilisent efficacement pour accomplir des tâches ou atteindre des objectifs. Avec ces stratégies, l’apprentissage doit se centrer sur l’apprenant et le développement des compétences plutôt que sur l’acquisition de savoirs, l’évaluation doit porter sur l’état de développement des compétences et non sur la stricte restitution, voire l’utilisation de savoirs ou savoir-faire. Une formation des enseignants aux stratégies d’enseignement leur permettra de faire des choix judicieux au niveau du matériel didactique et des méthodes d’enseignement variés. L’enseignant créera ainsi d’une part, de liens significatifs entre les habiletés et les idées ; et d’autre part, des situations réelles, d’occasions d’être indépendants et de montrer ce qu’ils connaissent; d’encouragement pour s’auto évaluer et se corriger; d’outils pour réfléchir sur leur apprentissage et évaluer celui-ci. Il s’agit en fin de compte d’une formation des enseignants qui aura pour finalité les apprenants en vue de les motiver, et les aider à se concentrer. En outre, elle va permettre aux enseignants d’organiser l’information pour mieux la comprendre et la retenir, surveiller et évaluer leur apprentissage. 4.1.2- Formation des enseignants aux styles d’enseignement En s’inspirant librement des travaux de Blake et Mouton (1964) en matière de management, Therer et Willemart ont tenté d’identifier et de décrire quatre styles d’enseignement représentatifs des pratiques pédagogiques observables. Ces styles se définissent à partir d’un modèle bidimensionnel qui combine deux attitudes de l’enseignant : attitude vis-à-vis de la matière et attitude vis-à-vis des apprenants. Chacune de ces attitudes s’exprime à des degrés divers, faibles ou forts, désintérêt ou intérêt. La combinaison de ces deux attitudes permet d’identifier quatre styles de base : • Style transmissif (9.1), centré davantage sur la matière ; 89 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 • Style incitatif (9.9), centré à la fois sur la matière et sur les apprenants ; • Style associatif (1.9), centré davantage sur les apprenants ; • Style permissif (1.1), très peu centré tant sur les apprenants que sur la matière. Schématiquement, la grille se présente comme suit : 90 Grille Therer - Willemart (1983), inspiré de Blake et Mouton (1964) En outre, Therer et Willemart formulent l’hypothèse que chacun de ces quatre styles peut se révéler efficace ou inefficace en fonction des situations et en fonction des interventions plus spécifiques de l’enseignant ou du formateur. A l’analyse de ce qui précède, nous pouvons dire que l’enseignant de physique et chimie doit être formé aux différents styles d’enseignement en vue de maîtriser : - la nature des objectifs à atteindre : l’enseignant doit savoir que les objectifs socioaffectifs de haut niveau (esprit critique, capacité de travail en groupe,...) sont atteints plus aisément par les styles incitatifs et associatifs faisant appel à des stratégies telles que discussions de groupe, méthode des cas et les objectifs psychomoteurs en physique et chimie (par exemple Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... le titrage, les manipulations...), ils requièrent nécessairement le recours à tous les styles et à de multiples stratégies comme la démonstration, les travaux pratiques et même le drill. - le degré de motivation des apprenants : une stratégie d’enseignement est opportune si elle induit chez l’apprenant un sentiment de réussite, de progrès personnel, de responsabilité... Les stratégies centrées sur l’apprenant favorisent ces attitudes et induisent ainsi un apprentissage intrinsèquement motivant. Il convient pourtant de préparer progressivement les apprenants à ces stratégies moins directives. Le professeur donnera d’abord un « cadre général « et des informations fondamentales puis il s’orientera vers un style de plus en plus associatif. - la capacité des apprenants : peu de recherches expérimentales existent dans ce domaine. Il semblerait (Davies, 1971 et Dupont, 1982) que les apprenants moins «performants» préféreraient au départ un enseignement plus directif et plus formalisé ; et les apprenants «plus performants» ou «très performants» préféreraient des stratégies plus associatives. 4.2- Formation des enseignants de physique et chimie à l’approche par compétence et à l’évaluation 4.2.1- Formation à l’approche par compétence Les systèmes éducatifs sont aujourd’hui dans un mouvement dans lequel «une des composantes du verbe connaître, c’est de démontrer sa compétence», ce qui est présenté comme qualitativement différent de la simple « maîtrise d’objectifs traduits en comportements observables » et à la fragmentation pédagogique sous-jacente. De ce point de vue, la problématique des compétences dans le domaine scolaire marque un tournant dans la manière de concevoir l’éducation en rapport aux attentes de l’environnement. Les compétences figurent désormais dans les textes officiels. Cependant la notion de compétence est employée avec un nombre d’acceptions tellement différentes qu’il est difficile de trouver dans cette expression une signification stable et partagée. Le sens pluriel de son emploi conduit à des ambiguïtés importantes qui ont des conséquences dans les échanges entre praticiens, formateurs et chercheurs. Pour 91 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 certains auteurs, il n’y a pas de différence fondamentale entre cette notion et celle d’aptitude, de savoir-faire, d’habileté, d’expertise ou de capacité. Pour d’autres, la compétence ne se réduit pas à un savoir ou à un savoir-faire. On peut par exemple, disposer des compétences et ne pas être capable de les appliquer pour résoudre un problème (Beckers et al., 2001). 92 De ce point de vue, il serait absurde de prétendre que l’émergence de la compétence dans les documents officiels résout les problèmes de compréhension des phénomènes d’enseignement et d’apprentissage. Face aux problèmes de fond qui semblent se poser à propos de l’usage de la notion de compétence, une formation des enseignants de physique et chimie est nécessaire pour leur permettre de cerner la différence entre les perspectives praxéologique et académique ; la compréhension de la notion de compétence ; le statut des dimensions cognitives individuelles ; et les niveaux d’analyse abordés. 4.2.2- Formation à l’évaluation de l’apprentissage Pour comprendre l’importance de l’évaluation, l’enseignant de physique et chimie doit répondre aux quatre questions suivantes : Pourquoi faire ? Pour qui ? Quand ? Avec quelles références ? Il devient alors important pour l’enseignant de physique et chimie de connaître les trois grandes fonctions de l’évaluation : l’évaluation formative (la régulation de l’enseignement et l’apprentissage) ; l’évaluation pronostique (l’orientation ou la prédiction) ; et enfin l’évaluation certificative (impliquant un bilan à la fin d’un cursus) (Paquay, 2000). De ce point de vue, nous pensons que l’enseignant de physique et chimie doit être formé aux différentes fonctions de l’évaluation en vue de : avant l’enseignement, dégager les capacités et les lacunes des apprenants pour lancer des situations d’apprentissage adaptées ; durant l’enseignement, identifier les difficultés et les stratégies des apprenants en continu pour aménager le milieu didactique et intervenir à bon escient de manière à réguler les processus dans l’apprentissage ; après l’enseignement, analyser les progrès. Une formation des enseignants de physique et chimie aux techniques de l’évaluation doit leur permettre d’être attentif à certains risques et aux éventuelles dérives tels que : Kouamé NGUESSAN : La formation des enseignants de physique... - les confusions entre les trois grandes fonctions de l’évaluation, notamment les risques de transformer sans précautions l’évaluation formative continue interne en évaluation certificative ; - la création d’instruments d’évaluation fondés sur des critères et des indicateurs qui ne sont pas cohérents avec la complexité des compétences analysées ; - l’absence de clarté en ce qui concerne les critères de l’évaluation certificative et le danger d’utiliser les batteries d’épreuves réalisées à titre indicatif comme le seul élément de certification : l’évaluation externe risque de devenir alors dominante ; - la tendance qui se dégage à mettre en route des formes d’évaluation des potentialités des apprenants en faisant abstraction des contenus disciplinaires et des familles de situations peut conduire à évaluer des généralités sur le fonctionnement de la personne ; - la tendance à vouloir attribuer trop de fonctions à un outil d’évaluation créé dans un but particulier. CONCLUSION Il ne faudrait pas croire qu’on propose ici de transformer nos professeurs de physique et chimie en enseignants pluridisciplinaires. Leur formation sera principalement disciplinaire. Mais, s’ils veulent être des acteurs participants et non simplement des spectateurs des diverses dimensions de l’action éducative dans laquelle ils sont impliqués, ils doivent aussi avoir une formation allant au delà de la physique et la chimie. Si cela ne doit pas prendre trop de leur temps il faudrait pourtant se demander si, actuellement, ce type de formation non technique est suffisant pour permettre aux enseignants de physique et chimie de s’insérer efficacement dans la société dont ils font partie. C’est par une action et une réflexion conjuguées sur différentes facettes du système éducatif, une instrumentation didactique appropriée, assortie de la formation initiale sur ces nouvelles pratiques d’enseignement-apprentissage et d’évaluation et une modification des conditions d’exercice du métier dans les classes permettant l’exercice d’une responsabilité collégiale, que l’enseignant sera à l’aise dans la construction des savoirs des apprenants. BIBLIOGRAPHIE Beckers, J. et Dumortier, J.-L. (2001), Construire des outils d’évaluation de compétences qui permettent d’apprendre. Un enjeu de formation pour de futurs enseignants, Actes du colloque de l’Admée, Aix en Provence, 11-13 Janvier 2001. 93 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Blake, R. et Mouton, J. (1964), Managerial grid in Gulf publishing Cy - Houston – Texas. Bourdon, J. (2011), «L’interdisciplinarité n’existe pas», Questions de communication, n° 19, pp. 155-170 Boure, R. 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La ville de Bouaké ayant été le site de plusieurs affrontements armés, l’université qu’elle abritait a été affectée. La présente étude vise à comprendre les stratégies de maintien des enseignements à l’Université de Bouaké durant la crise socio-politique à partir d’une étude qualitative. L’enquête a consisté à réaliser 72 entretiens individuels avec les acteurs internes et externes de l’institution et 04 focus groups avec les étudiants. Les résultats montrent que la délocalisation a été la stratégie principale. En effet, les formes de mobilisation collectives, à travers le comité de délocalisation, ont permis de disposer des locaux, de reconstituer les archives et d’obtenir l’appui de certains partenaires. Par ailleurs, un certain nombre de stratégies ont été initiées pour assurer le maintien des enseignements. Mots-clés : conflit armé, stratégie, enseignement supérieur, maintien, fonctionnement. ABSTRACT In Côte d’Ivoire, the armed conflict in 2002 led to the mass exodus of people and the closure of most state services in the northern half of the country. Bouaké has been the site of many armed clashes, it housed the university of Bouaké whitch has been greatly affected. This study aims to understand the teachings maintenance strategies at the University of Bouaké in the sociopolitical crisis from a qualitative study. The survey was to make 72 individual interviews with internal and external stakeholders of the institution and 04 focus groups with students. The results show that the relocation was KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... the main strategy. Indeed, forms of collective mobilization, through the relocation committee, allowed to obtain local, to restore the files and get the support of some partners. In addition, a number of strategies have been initiated to maintain lessons. L’enseignement supérieur en Afrique entre alors dans une phase de crise de fonctionnement, en raison de la forte croissance démographique et de l’instabilité politique en 1990 (Makosso, 2006). Key words : armed conflict, strategy, higher education, maintenance, operation. En Côte d’Ivoire, l’Université d’Abidjan1 d’alors qui ne comptait que 48 étudiants en 1959, est passée en 1977 à 7 587 étudiants pour atteindre 44 000 en 1992 (Sato, 2003). Les infrastructures deviennent alors insuffisantes et inadaptées, entachant la qualité de l’enseignement. INTRODUCTION L’histoire des universités africaines remonte au lendemain de la seconde guerre mondiale. Conçues pour former les cadres destinés à diriger les pays nouvellement indépendants, ces universités auraient joué pleinement leur rôle, en pourvoyant aux besoins de l’administration (Mve-Ondo, 1998). A partir des années 1980, on assiste, dans la plupart des pays africains, à une réduction d’environ 19,1%, de la part moyenne du budget alloué à l’enseignement supérieur du fait de la persistance de la crise économique, du poids de la dette et de la poursuite des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) (Banque Mondiale, 1995). Pendant ce temps, le nombre d’étudiants a considérablement augmenté alors que le rythme de recrutement des enseignants et de création d’infrastructures n’a pas été suffisant pour assurer des conditions d’encadrement satisfaisantes. Pour y faire face, les universités d’Abobo-Adjamé et de Bouaké ont été créées en 1995. Une année plus tard les URES de Daloa et de Korhogo ont été créées et rattachées respectivement à ces deux établissements. En outre, le budget d’investissement dans l’enseignement supérieur est passé de 10% en 1992 à 22,6% en 1998 (Makosso et al, 2009). Cependant, l’ampleur des besoins en termes d’infrastructures et de personnel n’a pas permis d’améliorer la situation de l’enseignement supérieur. L’Université de Bouaké n’est pas épargnée par la situation de crise généralisée que connaît 1 Notons que cette université a plusieurs appellations. Au début elle était Université d’Abidjan, après elle est devenue Université Nationale de Côte d’Ivoire, ensuite Université de Cocody pour enfin, être appelée Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody Abidjan 97 © educi 98 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 l’enseignement supérieur ivoirien depuis les années 1990. En effet construite pour décongestionner l’Université nationale d’alors, l’Université de Bouaké se trouve confrontée aux mêmes réalités d’inadéquation entre les capacités d’accueil et les effectifs d’étudiants. De 2820 étudiants à sa création en 1992, l’on est passé à 13503 en 1999 (Zinsou, 2009). De plus en 2002, une crise militaro-politique survient en Côte d’Ivoire et plonge les universités ivoiriennes dans l’enlisement, particulièrement l’Université de Bouaké, située dans la ville abritant le siège de cette rébellion. Cette crise qui a eu pour conséquence la fermeture de la plupart des services de l’Etat, a entrainé un déplacement tous azimuts des populations. Au niveau de l’Université de Bouaké, on note plusieurs cas d’abandons de poste de certains agents, la destruction d’infrastructures et la perte de documents administratifs. En dépit de cette désorganisation, l’Université de Bouaké n’a cessé de dispenser des enseignements. L’institution a été délocalisée à Abidjan pendant environ une décennie pour parvenir à cette fin. Cet article tente de répondre à la question suivante : comment s’est-elle réorganisée pour assurer la continuité des enseignements ? Au regard des difficultés induites par les crises, certains établissements ne parviennent toujours pas à assumer leur mission éducative ou du moins de façon qualitative. Au nombre des contraintes, il y a les difficultés financières qui constituent l’un des obstacles majeurs ne permettant pas de recruter des enseignants compétents en dehors des réfugiés des camps pour assurer une éducation parfaite (UNESCO, 2011). Cependant, la délocalisation s’apparente à un recours privilégié dans les pays africains en proie aux conflits armé. En Sierra Léone, Sobhi (1998) souligne que face aux effets multiples de la guerre, les autorités éducatives étaient contraintes de transférer les institutions éducatives de leur site d’origine vers d’autres horizons. De même Kodia (1999) s’intéressant au Congo Brazzaville, met en relief les ruines notoires des infrastructures universitaires du fait de la guerre et la délocalisation des écoles du Sud du pays vers le Nord. La réflexion menée sur les stratégies de maintien des enseignements à l’Université de Bouaké s’appuie sur les théories de l’action collective et de la résilience. La première, KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... conduit à porter un regard sur les formes de mobilisation collective mise en œuvre dans le cadre de la délocalisation. La seconde, à savoir la résilience, privilégie les «comportements adaptatifs» développés au sein de l’institution universitaire pour garantir les enseignants durant la décennie de crise sociopolitique. En conséquence, trois objectifs spécifiques ont été visés. Il s’est agi : i) d’identifier les actions entreprises par les acteurs de l’institution pour la réouverture de l’Université de Bouaké, ii) de relever le niveau de participation des acteurs de l’institution et leurs interactions, iii) de dégager les stratégies initiées par les acteurs en vue d’assurer la continuité des enseignements. Cet article est organisé en trois points, dont le premier traite des aspects méthodologiques de l’étude. Le second point expose les résultats et le troisième présente la discussion des résultats obtenus à la lumière des d’autres travaux similaires. 1- MÉTHODOLOGIE 1.1- Type d’étude Au regard de nos objectifs qui consistent en la découverte et la compréhension des stratégies mobilisées à l’Université de Bouaké pour garantir ses enseignements, cette étude a une dimension essentiellement qualitative. 1.2- Site de l’étude L’étude a été réalisée en Côte d’Ivoire particulièrement à Abidjan, ville ayant abrité les services de l’Université de Bouaké, suite aux perturbations liées à la crise de 2002. Le choix de cette localité repose sur le fait qu’à l’éclatement du conflit armé, les services de l’université ont été délocalisés à Abidjan en 2003. L’étude s’est donc déroulée sur les sites des établissements d’enseignement supérieur (universités et grandes écoles) dans ladite ville. 1.3- Population cible de l’enquête La population cible regroupe deux catégories d’enquêtés : les acteurs internes et les acteurs externes de l’université. Les acteurs internes interrogés au cours de cette étude sont d’abord les dirigeants de l’Université de Bouaké (présidents, vice-présidents, secrétaire général). Ensuite, nous avons interviewé les chefs de service (directeurs de scolarité et des UFR) et les chefs de départements. Enfin, le personnel administratif et 99 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 technique, les enseignantchercheurs, les étudiants et les responsables syndicaux ont également fait objet d’enquête. En ce qui concerne les acteurs externes, ils sont constitués de trois catégories de personnes. Il s’agit des dirigeants des universités et des grandes écoles, des autorités du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS) et des responsables des organismes nationaux et internationaux qui ont accompagné l’Université de Bouaké dans son fonctionnement. 1.4- Techniques d’échantillonnage et critères de choix 100 Deux techniques d’échantillonnage ont été retenues dans cette étude, à savoir le choix raisonné et la technique de boule de neige. Fondé sur le jugement du chercheur, le recours à l’échantillonnage par choix raisonné repose sur le fait que les informations clés sont détenues par les acteurs spécifiques, en l’occurrence les dirigeants et les responsables de l’institution universitaire. Pour ce faire, nous avons interrogé le président, le vice-président, le secrétaire général au niveau de la haute hiérarchie et les autres dirigeants tels que les directeurs de la scolarité, les doyens d’UFR et les chefs de départements. A ceux-là, nous avons ajouté tous les anciens responsables et dirigeants de l’Université qui étaient en fonction au début de la crise. Les enseignantchercheurs ont été sélectionnés par département et/ou filière, en raison d’un enseignant par grade (rang A et rang B), soit deux enseignants par département et/ou filière. Pour ce qui est des étudiants, les délégués d’amphi et les anciens étudiants qui étaient à l’Université de Bouaké avant le conflit armé de 2002 ont été interrogés en focus group. La technique de la boule de neige a été utilisée pour les acteurs non identifiés a priori, notamment les partenaires de l’Université de Bouaké. En effet, à partir des informations recueillies auprès de certains acteurs clés, nous avons pu repérer d’autres acteurs que nous avons intégrés à la population d’enquête. 1.5- Techniques de collecte de données Les entretiens semi-directifs et les focus groups ont constitué les techniques d’enquête mobilisées dans le cadre de cette étude. D’une part, les entretiens individuels ont concerné toutes les cibles interrogées, à l’exception des étudiants. Ils KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... ont été conduits avec 11 guides d’entretien semi dirigés qui ont porté sur la réouverture de l’Université de Bouaké et sur les changements opérés au niveau académique. D’autre part, un focus group a été réalisé avec les étudiants de chaque UFR, soit un total de 04 focus avec une moyenne de 08 participants par groupe de discussion. Les groupes étaient constitués de délégués d’amphithéâtre, d’anciens étudiants qui étaient inscrits à l’Université de Bouaké avant la crise. Les échanges ont porté sur leur participation à la reprise des cours et sur les changements intervenus dans l’organisation des enseignements durant la période de crise Tableau 1 : Récapitulatif de la collecte des données Entretiens individuels Administration centrale Personnel administratif et technique Enseignantchercheurs Syndicat d’étudiants Partenaires Total 11 20 36 02 03 72 Focus group (étudiants) 04 1.6- Traitement et analyse des données 2- PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS L’analyse des données a reposé sur une analyse de contenu assisté par ordinateur. Pour ce faire, une transcription intégrale de tous les discours a été effectuée à l’aide du logiciel Word Office 2007. Avec le logiciel N’VIVO 2.0, nous avons procédé à une codification des textes transcrits à partir des unités de sens. Puis, une reconstruction du sens global des corpus a été réalisée à partir d’une mise en relation des différentes unités de signification. Les principaux résultats de cette étude sont axés sur les actions menées pour la réouverture de l’Université de Bouaké et les stratégies de maintien des enseignements. 2.1- Actions menées pour la réouverture de l’Université de Bouaké Plusieurs initiatives ont été entreprises pour la réouverture de l’Université de Bouaké à 101 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Abidjan. Elles ont été structurées en étapes, avant de mettre l’accent sur la participation des différents acteurs. II.1.1- Etapes de la réouverture L’ouverture de l’Université de Bouaké à Abidjan s’est déroulée en plusieurs étapes qui sont : • Mise en place du comité de délocalisation 102 La première initiative envisagée par les acteurs de l’université à Abidjan a été la mise en place d’un comité de délocalisation qui a permis non seulement de recenser le personnel et les étudiants sortis de Bouaké, mais aussi de faire l’état des lieux afin de rouvrir l’université. Les membres du comité se réunissaient une fois par semaine. «Tout le monde a migré vers Abidjan et on a mis en place sous la houlette de quelques enseignants et étudiants, un comité de localisation de ’Université de Bouaké à Abidjan. (…) Parce que nous avons jugé que quand on commence une crise, on ne sait pas la fin, donc nous avons jugé utile de reprendre les activités dès qu’il y a eu un minimum de sécurité. (…) Il y a eu cette coordination, on a mis au point un plan, une stratégie. Et d’abord dans les premiers moments, on se réunissait tous les jeudis à l’ENS pour pouvoir compter le nombre de personnes qui était rentrées, voire ceux qui étaient en vie.» Propos d’un enseignant. Ce comité de délocalisation a vu la participation de toutes les catégories d’acteurs notamment, la présidence, le personnel administratif et technique, et les responsables des étudiants. La mission principale du comité était de réunir les conditions pour une reprise des enseignements. Au delà de cette mission académique, le comité menait des actions en vue de l’intégration des acteurs qui étaient confrontés à des difficultés particulières. En effet, des cotisations étaient souvent initiées en vue de porter une assistance aux plus sinistrés. • Recherche d’appui auprès des partenaires La réouverture de l’université a nécessité des moyens tant financiers que matériels. De ce fait, les acteurs se sont mobilisés, soit de manière collective soit de manière individuelle, pour réunir les ressources nécessaires au KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... fonctionnement de l’institution. Le comité de délocalisation a sollicité l’appui de l’Etat et l’aide d’autres partenaires tels que les ambassades, les organismes internationaux, les ONG, etc. En retour, les dons reçus de l’Etat et de certaines structures publiques ont permis de poser les bases de la reprise des enseignements. Il s’agit essentiellement de matériels informatiques et roulants, et de sommes d’argents qui ont été offerts. «J’ai mis avec un ami un projet sur pied qu’on a adressé à différentes ambassades. C’est l’ambassade du Japon qui avait répondu vorablement qui nous a soutenus dans cette étape à hauteur d’environ un milliard en cars et matériels. Donc, on est passé d’un (1) véhicule à l’université à un parc de trente (30) véhicules. On avait du matériel informatique spécialement composé d’ordinateur. Il y a eu une petite subvention pour aider les enseignants pour le retour, ce qu’on a appelé l’aide pédagogique. J’ai travaillé avec une (1) ou deux (2) personnes mais surtout il y avait un appui de la tutelle, c’est-à-dire du ministère de cette époque. On avait un interlocuteur direct qui était aussi quelqu’un qui avait de bonnes relations personnelles avec moi. » Autorité de l’administration centrale. • Recherche des locaux La réouverture de l’Université de Bouaké nécessitait également des locaux pour l’hébergement des différents services. Ainsi, les grandes écoles, les universités et des bâtiments de particuliers ont été utilisés pour remettre en activité les différentes structures. De prime abord, des démarches ont été entreprises pour exploiter les salles des établissements d’enseignement supérieur publics d’Abidjan, en l’occurrence les universités de Cocody et d’Abobo-Adjamé et l’Ecole Nationale Supérieure (ENS). Puis, du fait de l’effectif pléthorique des étudiants, d’autres sollicitations de salles ont été effectuées auprès des responsables d’établissements d’enseignement supérieur privés. • R e c o n s t i t u t i o n d e s archives Pour la reconstitution des archives, un bilan des documents administratifs a été effectué au niveau de la scolarité. En effet, certains documents (procès 103 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 verbaux d’examen) avaient pu être sauvegardés par des agents ou des enseignants. A la suite de ce bilan, toutes les structures de l’université ont été impliquées dans la reconstitution des documents administratifs perdus suite à la crise. D’abord, le comité de crise avait à charge le recensement des enseignants et du personnel administratif et technique. Quant aux étudiants, les listes ont été reconstituées grâce à l’implication des responsables de la FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire) et des délégués d’amphithéâtre. Ensuite, pour la reconstitution 104 des procès verbaux d’examen, plusieurs actions synchronisées ont été entreprises. Les autorités universitaires ont procédé à une triangulation des informations détenues par la scolarité, les décanats, les départements et les déclarations des étudiants. Ces derniers faisaient les déclarations de leurs notes et étaient soumis à des tests pour vérifier la véracité de leurs propos. Le recoupement de ces informations a permis de rendre fiables les résultats des étudiants. «Nous avons invité les étudiants à venir reconstituer leurs dossiers tout simplement. Ils viennent d’abord avec leur extrait de naissance et avec tout le dossier qu’ils avaient à Bouaké. Donc, nous avons reconstitué les dossiers à partir de ces documents parce qu’on a estimé que chacun a pu sortir quand même avec un petit document qui pouvait retracer son cursus. A partir de ces documents qu’ils nous fournissaient, on faisait des recoupements avec les informations des départements » Secrétaire principal d’un décanat. En 2004, soit deux années après le début de la crise, d’autres documents ont été retrouvés à Bouaké et acheminés à Abidjan. Au total, la compilation des documents issus de ces différentes actions a permis de reconstituer les archives en vue du démarrage des enseignements. Les étapes de la réouverture de l’Université de Bouaké peuvent être résumées à travers la figure ci-après. KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... 1 - Mise en place du comité de délocalisation 2A - Recherche des locaux 2B Mobilisation ressources 3Reconstitution archives des des 4 - Redémarrage des activités académiques Figure 1 : Etapes de la réouverture de l’Université de Bouaké 2.1.2- Participation des acteurs Les différents acteurs ont, quelle que soit leur catégorie socio professionnelle, contribué au processus de réouverture de l’Université de Bouaké. La présidence de l’université a joué un rôle d’accompagnement et de supervision de tout le processus de réouverture de l’Université de Bouaké à Abidjan. Elle a commandité l’état des lieux en vue d’évaluer les conditions de la reprise. En outre, la présidence a initié des actions de sensibilisation à l’endroit des acteurs de l’université en vue de leur mobilisation. «Il eut un comité qui a été mis en place par les anciens et c’est ce comité qui, en rapport avec la présidence a travaillé dur pour que l’université reprenne ses activités à Abidjan. Ils ont effectué plusieurs passages à la télévision et à la radio pour mobiliser les enseignants et les étudiants» Propos d’un enseignant. 105 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Les enseignants ont, quant à eux, constitué les acteurs clés de la réouverture. Ils sont les instigateurs de la relance des activités de l’université à Abidjan. Après s’être constitués en comité de crise, ils ont organisé des rencontres hebdomadaires pour planifier les différentes activités nécessaires à la réouverture. Par ailleurs, ils se sont chargés de la recherche des partenaires qui ont octroyé les locaux et les aides nécessaires à la reprise. Les enseignants ont également participé à la reprise par l’organisation et la transmission des enseignements. 106 Le personnel administratif et technique s’est occupé de faire l’état des lieux pour évaluer les conditions de fonctionnalité de l’université après la crise. A la suite de cela, il a procédé à la reconstitution des dossiers administratifs et autres documents nécessaires au fonctionnement de l’institution. A travers les syndicats (FESCI), les étudiants ont procédé au recensement des étudiants et par conséquent ont participé à la reconstitution des listes. De plus, ils ont contribué à informer et à sensibiliser les étudiants qui étaient encore sceptiques à l’idée de reprise. Ils ont donc permis à ceux-ci d’effectuer les démarches en vue de remplir les conditions de réinscription. «Au niveau des étudiants par exemple, il y a quelquesuns qui étaient réticents. La participation des syndicats d’étudiants a été de voir leurs camarades pour leur expliquer la nécessité de reprendre. Certains ont joué ce rôle là. (…) ils faisaient la sensibilisation auprès d’autres étudiants et nous avons donc pu reprendre les activités» Propos d’un étudiant. Au-delà, les responsables de la FESCI ont négocié auprès des autorités étatiques pour l’obtention de titres de transport subventionnés auprès de la SOTRA (Société de Transport Abidjanais) et de chambres dans les résidences universitaires d’Abidjan. En définitive, le processus de réouverture de l’Université de Bouaké s’est effectué en plusieurs étapes et a impliqué la participation de l’ensemble des acteurs. Suite à la réouverture, quelles ont été les nouvelles formes d’organisations pour permettre la continuité des enseignements dans la durée ? 2.2- Stratégies de maintien des enseignements à l’Université de Bouaké Les stratégies qui ont été déployées pour garantir les enseignements suite à la crise KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... ont été répertoriées à plusieurs niveaux. Nous nous intéressons dans un premier temps aux stratégies relevant du domaine administratif ; puis dans un second temps, celles concernant les aspects académiques. 2.2.1- Stratégies adoptées au niveau administratif • Délocalisation l’université de Suite à l’éclatement du conflit armé de 2002, la délocalisation a été la toute première action menée pour maintenir le fonctionnement de l’Université de Bouaké. En effet, compte tenu de la précarité des conditions sécuritaires, le personnel administratif et technique, les enseignants et les étudiants sont sortis, pour la plupart de la ville de Bouaké, pour se retrouver dans la zone gouvernementale. Cela justifie la délocalisation de l’Université de Bouaké à Abidjan. Le changement précipité de site n’ayant pas permis la construction d’infrastructures, les dirigeants de l’université ont opté pour la diversification des sites. • Diversification des sites Outre la délocalisation, l’une des stratégies mobilisées par l’Université de Bouaké pour garantir ses activités a été l’éparpillement de ses services en divers endroits. En effet, suite à la crise qui a occasionné la délocalisation inopinée de l’université, celle-ci ne disposait pas de site aménagé ou de locaux pour installer ses services. Pour y remédier, les acteurs de l’institution ont jugé convenable d’éclater l’institution sur plusieurs sites. Au total, 13 sites ont abrité les services de l’université à Abidjan durant la période de crise. Cette politique consistait à exploiter plusieurs sites, situés dans la ville d’Abidjan, qui étaient propices au déroulement des activités. Car, s’il fallait attendre un site bien aménagé avant de démarrer les activités de l’université, la reprise n’aurait pas été immédiate en raison des difficultés pour disposer d’un espace approprié pour abriter tous les services. L’éclatement de l’institution sur plusieurs sites dans la ville d’Abidjan a permis d’acquérir des locaux et de débuter les enseignements. La crise ayant débuté la nuit du 18 au 19 septembre 2002, la première rentrée s’est faite en Janvier 2003 soit 4 mois après et la deuxième en avril, soit 7 mois après. Ces différentes rentrées étaient liées à la disponibilité des locaux. Outre la délocalisation de l’institution et la diversification des sites, on enregistre la multiplication des partenariats. 107 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 • M u l t i p l i c a t i o n d e s partenariats 108 L’adoption de l’idée de délocalisation a conduit à la recherche de locaux pour abriter les structures de l’université. Pour ce faire, les liens auparavant tissés avec les établissements d’enseignement supérieur publics d’Abidjan, ont constitué une ressource essentielle. En effet, étant à Bouaké, certains enseignants qui animaient l’université provenaient des établissements d’Abidjan pour des missions d’enseignement. Par ailleurs, la plupart des dirigeants et enseignants de l’Université de Bouaké ont été formés dans les universités d’Abidjan. Ce qui leur offrait un réseau de relation relativement dense au niveau de ces institutions. L’Université de Bouaké s’est donc appuyée sur ces partenariats pour l’obtention de salles dans les universités d’Abidjan. En raison des effectifs importants et croissants, les locaux offerts par les universités publiques à l’Université de Bouaké se sont avérés insuffisants pour satisfaire les besoins de formation. Les autorités de l’Université de Bouaké ont donc eu recours à certaines Grandes Ecoles et universités privées. Au-delà du partenariat avec les établissements d’enseignement supérieur d’Abidjan, des conventions de coopération ont été signées avec des universités à l’étranger. On peut citer le cas du département d’anglais de l’Université de Bouaké qui sollicitait des enseignants de l’extérieur (Université de Lagos au Nigeria, Université Cheik AntaDiop au Sénégal) pour l’encadrement des étudiants et enseignants, ou qui envoyait certains étudiants en formation dans ces établissements. Pour l’acquisition des moyens financiers et des équipements, l’Université de Bouaké a sollicité les organismes internationaux (ambassades, ONG internationale, etc.) et certaines structures étatiques. Après avoir soumis des projets à plusieurs organismes, quelques uns ont répondu favorablement aux requêtes des acteurs de l’Université de Bouaké. Il s’agit principalement des ambassades du Japon, de la Corée du Sud, de la Chine et des organismes tels que le FNUAP, l’ONUCI, la Force Licorne, etc. Au niveau national, l’université a bénéficié également de l’appui financier de la Présidence de la République, de l’Ecole Normale Supérieur(ENS) etc. KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... 2.2.2- Stratégie adoptées au niveau académique l’extension des cours aux weekends et aux jours fériés. Les principaux changements opérés au niveau de la gestion académique de l’Université de Bouaké pendant la période de crise ont concerné essentiellement l’extension des cours aux week-ends et jours fériés, la réduction de certains volumes horaires et le recours aux évaluations continues. «A l’ENS, on commence à 7h 30 et nous arrêtons généralement à 17h 30. Donc pour les jours ouvrables, l’Ecole mettait à la disposition de l’Université de Bouaké, l’établissement de 18h à 22h. C’est ainsi qu’on a décidé de leur laisser l’établissement les jours ouvrables de 18h à 22h et toute la journée du samedi et du dimanche» Propos d’un responsables d’un établissement d’accueil. • Extension des enseignements aux week-ends et jours fériés Au niveau académique, l’extension des enseignements aux week-ends et jours fériés a énormément contribué à l’achèvement des programmes. Avant la crise, les enseignements à l’Université de Bouaké se déroulaient du lundi à la mijournée du samedi. Suite à la délocalisation à Abidjan, les établissements d’enseignement ont accueilli l’Université de Bouaké avec certaines conditions. L’accès aux locaux de ces établissements était réduit (18 heures à 22 heures), du fait de leur grande exploitation par les hôtes. Face à cette situation, les responsables pédagogiques de l’Université de Bouaké ont réaménagé les calendriers et les horaires des enseignements. Cette réorganisation s’est traduite par « Ce sont les samedis que toutes les UFR étaient aux aguets pour les grandes salles cela a entrainé des réaménagements. (…) Nous étions obligés de faire les cours les samedis aprèsmidi de 13h à 18h, voire 19h.Toute la journée du dimanche, on n’allait plus au culte, on n’avait plus de jours de repos. Donc nous étions obligés d’être sur le campus les samedis, les dimanches, les jours fériés, pour pouvoir rattraper le taux d’enseignement, pour avoir le temps suffisant pour dispenser les cours» Propos d’un enseignant. 109 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 En revanche, les UFR et départements qui étaient dans les établissements privés, dont les locaux faisaient l’objet de location, n’étaient pas concernés par les cours du soir. • R é d u c t i o n des volumes horaires des enseignements non fondamentaux 110 En raison de l’insuffisance des salles de cours, il était difficile d’achever les programmes à l’Université de Bouaké durant la période de crise. Pour y remédier, certains UFR et départements ont réduit les volumes horaires. Cette réduction des volumes horaires a concerné les enseignements non fondamentaux, et ce en fonction des disciplines. Des enseignements qui étaient prévus par exemple pour 36 heures ont été revus à 24 heures. De même, au niveau de certains TD (travaux dirigés) l’on est passé de 15 séances à 8. Ainsi, non seulement les heures de cours étaient revues à la baisse mais aussi, les enseignements étaient donnés à un rythme accéléré. «La crise a fait que certains départements se sont réorganisés. Par exemple, les cours de 36h ont été ramenés à 24h parce qu’il fallait aller vite, il n’y avait pas assez de locaux. Il n’y avait pas assez de temps pour aller jusqu’à long terme » Propos d’un chef de département. Cette stratégie a permis à tous les départements de disposer de salles et de temps pour donner l’essentiel des programmes. • Recours aux évaluations continues au détriment des compositions partielles La méthode d’évaluation continue a été exclusivement privilégiée à cause des difficultés liées à la disponibilité des salles sur une longue période (une ou deux semaines) pour organiser les compositions. Elle a consisté à évaluer les étudiants à la fin de chaque enseignement, au lieu de le faire à la fin de chaque semestre. Dans la pratique, les enseignants, au terme du cours, s’accordaient sur une date avec les étudiants pour programmer la composition. Généralement, u n délai minimal de deux semaines était observé avant le déroulement de l’examen. Ainsi, les évaluations anticipées qui sont normalement des mesures exceptionnelles, KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... ont été érigées en normes au détriment des évaluations partielles de fin de semestre. 3- DISCUSSION DES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE L’Université de Bouaké confrontée à la crise sociopolitique débutée en 2002, a été durement affectée. Elle s’est retrouvée à Abidjan avec un personnel plus reluit cependant, elle doit son salut aux différentes stratégies déployées par les acteurs. Cellesci ont permis de reprendre et de maintenir les enseignements sur un site délocalisé. De prime abord, la délocalisation de l’institution a été le socle du maintien des activités pédagogiques. En effet, les autres stratégies ont été initiées sont consécutives à cette délocalisation. Elle a permis d’éviter la fermeture systématique de l’université dès le déclenchement de la crise. Selon un rapport de l’UNESCO (1997), la délocalisation des établissements d’enseignement affectés par les conflits armés, est la solution d’urgence envisagée par les Etats ou les différents acteurs éducatifs pour poursuivre le processus éducatif. Ainsi au Congo Brazzaville, en raison des ruines notoires des infrastructures universitaires et scolaires du fait de la guerre dans cet Etat, ces établissements ont opté pour leur délocalisation du sud du pays vers le nord (Kodia 1999). Pour les mêmes raisons, les universités du sud du Soudan ont été transférées à Khartoum (UNICEF, 2006). En Sierra Léone, confrontées aux multiples difficultés de la guerre, les autorités éducatives ont procédé à un déménagement des institutions éducatives de leur site d’origine vers d’autres horizons. Ainsi, le collège de Bunumbu a été transféré à Kenema, capitale de la province orientale. De même l’University College de Njala et le HarfordSecondarySchool for girls ont été transférés à Freetown, la capitale. Les acteurs de l’Université de Bouaké se sont inspirés de ce modèle de sauvegarde de l’éducation, couramment pratiqué pendant les conflits armés pour préserver l’institution de la fermeture. Bien que la délocalisation fût déterminante dans le maintien de l’Université, elle ne constitue pas l’unique action ayant favorisé la continuité des activités de ladite institution. En effet, la multiplication des partenaires a permis d’acquérir des locaux pour l’organisation des cours et aussi des financements afin de disposer de ressources pour 111 © educi 112 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 renouveler les équipements perdus à Bouaké en vue d’assurer les enseignements. En outre, l’extension des enseignements aux week-ends et jours fériés, la réduction des volumes horaires des cours et le recours aux évaluations anticipées témoignent bien de la détermination des acteurs de l’institution à garantir les enseignements, matérialisée par les initiatives et les sacrifices multiples que cela implique. Cette volonté des acteurs à vouloir sauvegarder les activités pédagogiques de l’Université de Bouaké est une attitude généralement partagée par les acteurs du système éducatif pendant les situations de forces majeures. De ce fait, l’UNESCO (op. cit.) a relevé que les acteurs tels que les parents et les élèves font preuve d’une volonté extraordinaire pour préserver l’éducation pendant les conflits lorsque les structures (UNICEF, UNHCR, UNESCO, Etats …) censés les assumer n’y parviennent pas. Parfois, ils s’organisent avec les ONG pour créer les conditions d’éducation (Aka, opcit) telles que « les écoles de brousse » en République centrafricaine, les écoles dans les maisons en Bosnie ou les écoles communautaires dans les mosquées en Afghanistan, etc. L’UNESCO (2011) justifie cette implication des différentes catégories éducatives en proie à des conflits par le fait qu’il n’existe pas de modèle standard de gestion des systèmes éducatifs confrontés à des crises armées. Chaque acteur ou établissement fait montre de son ingéniosité pour juguler les effets du conflit. C’est cette capacité de faire face à la crise qui a permis à l’Université de Bouaké dans l’ensemble de garantir ses enseignements. La théorie de l’action collective permettant de montrer les raisons et intérêts qui soustendent les actions des individus impliqués dans un groupe, a permis de comprendre que cette motivation des acteurs éducatifs de Bouaké s’explique par leur volonté d’assurer la formation des générations futures indispensable pour le bien-être des jeunes euxmêmes et aussi pour tout pays aspirant au développement. Outre cela, la pérennisation des enseignements suite à la délocalisation a été aussi rendue possible grâce aux opportunités offertes par la ville d’Abidjan, en termes d’infrastructures d’accueil (locaux, bibliothèques…), de rapprochement des différentes universités et de disponibilité des ressources humaines. KOFFI Sosthène Konan et al : Quelle strategie pour le maintien des... CONCLUSION L’analyse des stratégies de maintien des enseignements à l’Université de Bouaké suite au conflit armé de 2002, révèle que l’institution a été profondément affectée. Les difficultés sont de diverses natures. Pour préserver la formation, certaines stratégies ont été mobilisées et déployées pour faire fonctionner l’université de Bouaké. La délocalisation a été la première stratégie déployée suivie de la multiplication des partenariats au niveau administratif. Quant aux stratégies académiques, elles ont consisté à la réduction des volumes horaires des enseignements, l’extension des cours aux week-ends et jours fériés et le recours aux évaluations anticipées. Si dans l’ensemble, la délocalisation de l’Université de Bouaké à Abidjan a permis la reprise des activités, cela a été possible grâce à la mobilisation des acteurs, aux atouts offerts par la ville d’Abidjan et à la mobilisation des partenaires. Toutefois, quelques imperfections ont été identifiées dans les stratégies déployées. Il s’agit de l’insuffisance des locaux des services, le déploiement de l’université sur deux villes et l’accumulation des impayés des frais de location. Aussi, la réduction des volumes horaires d’enseignement, l’extension des cours aux week-ends et jours fériés, et le recours aux évaluations anticipées ont-ils quelque peu affecté la qualité des enseignements. Cet article s’est uniquement intéressé au maintien des enseignements dans l’institution universitaire. Qu’en est-il des changements structurels engendrés par la crise au sein de cette université ? BIBLIOGRAPHIE AKA F.K. (2010) Guerre et Education en Afrique : une analyse systémique de l’éducation et perspectives. Paris : l’Harmattan, 207 p. BANQUE MONDIALE. (2003) Enseignement supérieur en Afrique subsaharienne : Quels leviers pour des politiques financièrement soutenables?, 52 p. BERNOUX P. (2009).La sociologie des organisations. Paris : édition Seuil ; 6ème édition, 466 p. DIARRABASSOUBA V. C. (1979). L’université ivoirienne et le développement de la nation. Abidjan : CEDA, 209 p. GBAYERE S.A. (2005). Politiques éducatives et développement en Afrique. 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A cet égard, la politique nationale d’alphabétisation des adultes a plusieurs fois subi des reformes dont l’objectif a toujours été d’accroitre significativement l’offre d’alphabétisation en faveur des adultes pour toucher un grand nombre d’individus. Cependant, l’analyse de la situation montre que le nombre de centres, de projets et programmes ainsi que les ressources mises à la disposition de l’action d’alphabétisation ne sont pas suffisants. En d’autres termes, notre étude révèle qu’il y a une insuffisance de l’offre d’alphabétisation en Côte d’Ivoire. Adult population literacy is essential for a country in search of development. In Cote d’Ivoire, the different successive governments, since 1960, have been committing themselves to considerably reducing populations’ illiteracy. In this respect, the national literacy teaching policy has been on many occasions reformed with the aim greatly increasing the possibility of literacy teaching in favor of adults to reach a great number of individuals. However, the analysis of the situation shows that literacy centers teaching, projects and programs of literacy teaching and the resources necessary to fight against efficiently illiteracy are not sufficient. In others words, in Côte d’Ivoire, the opportunities of literacy teaching are not enough. Mots-clés : alphabétisation, analphabétisme, populations adultes, offre d’alphabétisation Keys words: literacy teaching, illiteracy, adult populations, opportunity of literacy teaching, government, development. 115 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 INTRODUCTION 116 La valorisation des ressources humaines dont l’éducation est le vecteur directeur, est, sans conteste, au cœur de l’efficacité de toute organisation humaine et du développement socioéconomique et culturel des pays. Il est donc important que les populations, à quelque niveau qu’elles se situent et quelle que soit leur tranche d’âge, puissent bénéficier d’une éducation à même de leur permettre de contribuer de manière efficace au bon fonctionnement et au développement de leurs sociétés. Les autorités gouvernementales des différents pays doivent, dans cette perspective, accorder une attention aux populations adultes non scolarisées et qui sont les principales actrices du développement. La question de l’alphabétisation des adultes constitue apparemment une préoccupation pour les dirigeants du monde. Cette préoccupation est encore plus visible en Afrique qui est l’un des continents où les problèmes d’éducation et surtout d’alphabétisation se posent avec acuité. Pourtant depuis plusieurs décennies, les dirigeants du continent, lors des conférences organisées et surtout dans les discours qu’ils tiennent sur la question de l’éducation, ont toujours affiché leur volonté d’éradiquer l’analphabétisme. Cette volonté des dirigeants africains devrait se matérialiser par une offre d’alphabétisation conséquente. En Côte d’Ivoire, plusieurs structures sont impliquées dans le domaine de l’alphabétisation. Au niveau central, on a le Service autonome de l’alphabétisation (SAA) qui a été créé par décret n° 96-229 du 13 mars 1996, portant organisation du ministère de l’éducation nationale, en lieu et place de la sous direction de l’alphabétisation. Placé sous l’autorité du Ministère de l’Education Nationale, le SAA est chargé de toutes les actions de lutte contre l’analphabétisme et de la formation des adultes. C’est la structure principale chargé de conduire et d’exécuter la politique gouvernementale en matière d’alphabétisation. Il y a aussi le Fonds National d’Appui à l’Alphabétisation (FNAA), créé par décret n°99-400 du 04 juin 1999. Cet organisme est chargé du financement de la politique nationale d’alphabétisation. Il est placé sous la tutelle technique du MEN et sous la tutelle économique du Ministère de l’Economie et des Finances. Enfin, on a le Comité National d’Alphabétisation qui est Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... un cadre de concertation de tous les acteurs de l’alphabétisation. Au niveau déconcentré, on a les conseillers extrascolaires en alphabétisation dans les Directions Régionales de l’Education nationale, dans les Directions Départementales de l’Education Nationale et dans les inspections de l’Enseignement Primaire. Les conseillers extrascolaires sont les représentations du SAA au niveau déconcentré. En plus de ces acteurs, on a aussi les Organisations Non Gouvernementales et les promoteurs privés qui interviennent dans ce domaine. Toutes ces structures et tous ces acteurs doivent tout mettre en œuvre pour éradiquer l’analphabétisme. C’est pourquoi nous voulons analyser l’offre d’alphabétisation pour voir si elle peut favoriser une lutte efficace contre l’analphabétisme en Côte d’Ivoire. Par offre d’alphabétisation, il faut entendre ici, l’ensemble des structures d’accueil des apprenants, c’est-à-dire le nombre de centres d’alphabétisation, l’ensemble des ressources disponibles pour l’alphabétisation, le nombre et la qualité des programmes et projets mis en œuvre en la matière et la typologie de l’alphabétisation pratiquée. 1-PROBLEMATIQUE L’analphabétisme des populations adultes demeure encore, au troisième millénaire, un phénomène mondial et une préoccupation pour les organismes internationaux de développement et pour les différents Etats. A moins de trois ans de la date butoir de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, le nombre d’analphabètes demeure élevé dans le monde et particulièrement en Afrique subsaharienne. Ainsi, le rapport de l’Unesco sur L’EPT de 2008 indique que 776 millions d’adultes (dont les deux tiers sont des femmes) ne possèdent pas les compétences de base en lecture et en écriture et 75 millions d’enfants ne sont pas scolarisés. L’Afrique subsaharienne comptait, en 1990, 40,5 % d’analphabètes hommes et 64,4% de femmes. En 2000 ces taux sont passés respectivement à 29,8% et à 50,4% (UNESCO/BREDA, 1995). Par ailleurs, on estime à plus de 146 millions le nombre d’analphabètes âgés de plus de 15 ans dans la partie subsaharienne du continent africain (UNESCO, 2009). Ces chiffres montrent que la persistance de l’analphabétisme dans le monde et particulièrement en Afrique est un phénomène réel. 117 © educi 118 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Cette persistance de l’analphabétisme est diversement analysée par les auteurs, chercheurs et spécialistes de la question. Ainsi Meister (1973) estime que la pauvreté des pays et la dégradation des économies sont à l’origine des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre et le fonctionnement des programmes et projets d’alphabétisation. Pour lui, les fragilités économiques et les difficultés de la programmation économique expliquent l’inefficacité de la lutte contre l’analphabétisme Il souligne que la situation précaire des économies et la dette excessivement élevée des pays pauvres constituent une entrave au bon fonctionnement et à l’efficacité des politiques éducatives. Cette situation économique délétère constitue un obstacle majeur à la réalisation des OMD, parmi lesquels les questions éducatives de façon générale et d’alphabétisation en particulier occupent une place prépondérante. D’autres auteurs révèlent que c’est le manque de volonté politique qui est à l’origine de l’efficacité de la lutte contre l’analphabétisme. Ce manque de volonté politique, selon Lange (1998), constitue un facteur explicatif des dysfonctionnements des politiques éducatives et de la persistance de l’analphabétisme des populations africaines, surtout chez les femmes A cet égard, Coulibaly (1976) estime que les projets et programmes d’alphabétisation ne peuvent produire des résultats significatifs sans un engagement politique réel et efficace. En Côte d’Ivoire, l’engagement des autorités politiques à valoriser les ressources humaines, depuis son indépendance, par l’éducation et l’alphabétisation des adultes, n’a pas encore produit les résultats escomptés. Les données statistiques montrent que le pays est sous alphabétisé comme on peut le constater dans le tableau ci-dessous. Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... Tableau N° 1 : Répartition des effectifs d’analphabètes âgés de 15 ans et plus selon les régions (données du RGPH de 1998). Nombre d’analphabètes Régions Total Pourcentage Hommes Femmes Haut Sassandra 204583 218822 423405 73,2 Savanes 183814 235039 418853 82,9 153593 231728 385321 63,6 Moyen Comoé 71995 78083 150078 67,9 Montagnes 145400 208608 354008 67,5 Lacs 65510 97917 163427 63,5 Zanzan 119693 170570 290263 82,2 Bas Sassandra 302581 277470 580051 75,4 Denguélé 41616 55377 96993 84,1 Nzi Comoé 95330 147077 242407 72,5 Marahoué 107037 121459 228496 76,2 Sud Comoé 82044 88853 170897 64,9 Vallée Bandama Worodougou 81274 91205 172479 85,4 Sud Bandama 129923 142078 272001 73,1 Agneby 65526 93382 158908 53,8 Fromager 97617 108333 205950 67,6 Moyen Cavally 100317 107356 207673 72,9 25938 35257 61195 80 Bafing Total du 2.487.011 3.061.582 5.548.593 Source : Tableau réalisé à partir des données du RGPH de 1998 L’analyse du tableau ci-dessus montre que plus de 5.500.000 personnes âgées de plus de 15 ans sont analphabètes. On constate aussi que le phénomène de l’analphabétisme est plus accentué chez la population féminine (3.061.582 analphabètes) que chez la population masculine (2.487.011 analphabètes). 119 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 En plus de ces chiffres du recensement de 1998 qui décrivent la situation préoccupante de l’analphabétisme en Côte-d’Ivoire, des données récentes montrent que la lutte contre ce phénomène demeure un défi majeur. Selon le Rapport d’Etat sur le Système Educatif National (2007), 71,5% des femmes et 59,5% des hommes, âgés de 15 à 45 ans, sont analphabètes. Le Rapport mondial de suivi sur l’EPT (UNESCO, 2006) indique qu’en Côte d’Ivoire, 51% des personnes âgées de 15 ans et plus sont analphabètes. 120 A l’analyse, la lutte contre l’analphabétisme n’a pas enregistré de progrès significatifs. Pourtant, en septembre 1997, lors de la Table ronde des bailleurs de fonds sur le Plan National de Développement du secteur Education/Formation (1998-2010), des objectifs à atteindre avaient été définis à l’horizon 2010. Il était question d’alphabétiser 70% des femmes contre 30% en 1996, d’alphabétiser 50% des femmes des zones à faible scolarisation contre 3% en 1996, d’alphabétiser 52% des jeunes analphabètes en milieu urbain contre 20% en 1996, d’alphabétiser enfin, 85% de la population totale contre 43% en 1996. Tous ces objectifs n’ont pu être atteints et, les chiffres actuels sur l’analphabétisme montrent l’ampleur de la situation. L’enquête de ménage (MICS 2006) réalisée en Côte d’Ivoire sur un échantillon d’environ 54 441 individus (dont l’âge est compris entre 15 et 45 ans) répartis sur l’ensemble du territoire, dans toutes les régions et en milieux urbain et rural du pays donne plus d’informations sur la situation de l’analphabétisme ( Tableau 2). Tableau N° 2: Compétences de la population en lecture selon l’enquête MICS (2006). Compétences en lecture Proportion (%) Nombre Ne peut pas lire du tout 54,7 4 645 623 Peut lire certaines parties 8,4 771 217 Peut lire aisément toute la phrase 36,8 3 127 660 100,00 8 490 500 Total Source : RESEN 2009 Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... A la lecture du tableau, on constate que 54,7% de la population d’âge compris entre 15 et 45 ans ne sait pas lire du tout contre seulement 36,8% des personnes de la même tranche d’âge qui peuvent lire sans difficulté. Par ailleurs, 8,4% des individus peuvent lire mais avec difficulté. Cette situation montre que la proportion des individus capables de lire aisément est très faible. A cela, si on rajoute la proportion des personnes qui lisent mais avec difficulté, on peut considérer, selon les résultats de ce test, qu’environ 63 % de la population de Côte d’Ivoire d’âge compris entre 15 et 45 ans souffrent d’un déficit en matière d’alphabétisation. En termes de nombres, et au niveau national, cette population analphabète serait d’environ 5,4 millions de personnes dans la classe d’âge de 15 à 45 ans. Ces populations analphabètes sont inégalement reparties dans les différentes régions du pays, comme on peut le constater dans le tableau ci-après. Tableau N° 3 : Répartition des proportions et effectifs d’analphabètes par région Régions Pourcentage des analphabètes Nombre d’analphabètes Centre Centre Nord Nord Est Centre Est Sud ( s a u f Abidjan) Sud Ouest Centre Ouest Ouest Nord Ouest Nord Ville d’Abidjan 64,6 75,0 85,2 62,3 58,2 68,7 68,3 77,5 88,7 82,4 45,6 519 686 347 766 269 166 122 592 1 010 477 375 134 617 636 492 103 241 447 391 984 849 Source : RESEN 2009 A l’analyse, on constate, après lecture des données du tableau cidessus que l’analphabétisme est un phénomène important dans toutes les régions du pays. Cependant, on observe des disparités régionales. Ainsi, la proportion des individus analphabètes dans la population 15-45 ans varie de 45,6 % à Abidjan à 88,7 % dans le Nord-Ouest. Les régions Nord-Est, Nord, Ouest et Centre sont également caractérisées par une proportion élevée d’individus analphabètes (respectivement 85,2 %, 82,4 %, 77,5 % et 75 %). Compte tenu des différences dans la population des régions, on observe que près de la moitié de la population non alphabétisée est localisée dans les régions du Sud (1 010 480 individus), d’Abidjan (974 850 individus) et du CentreOuest (617 640 individus). Cette enquête a aussi exposé la situation de l’alphabétisation selon, l’âge, le genre et selon le lieu d’habitation. 121 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Les tableaux ci-dessous réalisés à partir des données de l’enquête MICS (2006) donnent la situation de l’analphabétisme selon l’âge (tableau 4), selon le genre (tableau 5) et selon le lieu de résidence (tableau 6). Tableau N° 4 : Répartition des proportions et effectifs d’analphabètes selon l’âge Age au moment de l’enquête 15-25 ans 26-35 ans 36-45 ans 58,0 65,8 72,5 2 468 352 1 733 839 1 160 649 Pourcentage des analphabètes Nombre d’analphabètes Source : Tableau réalisé à partir des données de l’enquête de ménage MICS (2006) 122 On constate dans ce tableau que 58% des individus dont l’âge varie entre 15 et 25 ans sont analphabètes contre 65,8 % dans le groupe d’individus de 26 à 35 ans et 72,5 % dans le groupe de 36 à 45 ans. Cette situation surtout au niveau des jeunes s’explique, d’une manière générale, par une insuffisance de l’offre d’éducation primaire, mais aussi par une faible demande dans certaines régions. En effet, l’insuffisance de l’offre et de la demande d’éducation primaire constitue une source d’alimentation de l’analphabétisme qui se manifeste aussi selon le genre (voir tableau ci-dessous). Tableau N° 5: Répartition des proportions et effectifs d’analphabètes selon le genre Genre Pourcentage des analphabètes Nombre d’analphabètes Hommes Femmes 58,8 67,1 2 375 363 2 987 477 Source : Tableau réalisé à partir des données de l’enquête de ménage MICS (2006). Le tableau ci-dessus montre l’existence de disparités de genre en matière d’alphabétisation. La proportion d’analphabètes chez les femmes est de 67,1% contre 58,8% chez les hommes. Le nombre de femmes analphabètes dans le pays (2.987.477) est plus élevé que celui des hommes (2.375.363). La situation des Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... femmes donc préoccupante. Elle peut s’expliquer par le taux la pauvreté dont elles sont victimes mais aussi par leur faible taux de scolarisation primaire. En effet, la pauvreté des parents, les stéréotypes en défaveur et la faible demande dans certaines sociétés peut expliquer le fort taux d’analphabétisme chez les femmes. L’analphabétisme varie aussi selon le milieu d’habitation (voir tableau ci-dessous). Tableau N° 6 : Nombre d’analphabètes selon le lieu de résidence Type d’habitat Pourcentage des analphabètes Nombre d’analphabètes Urbain Rural 56,0 69,7 2 266 564 3 096 276 Source : Tableau réalisé à partir des données de l’enquête de ménage MICS (2006) La lecture du tableau montre que l’analphabétisme est plus important en milieu rural qu’en milieu urbain. On observe que 3.096276 analphabètes (69,7%) résident en milieu rural contre 2.266.564 d’analphabètes (56%) en milieu urbain. Cette disparité en matière l’alphabétisation selon le lieu de résidence peut s’expliquer par le fait que les populations rurales adultes ont pu avoir un déficit de scolarisation primaire dans leur jeunesse. Ce déficit de scolarisation primaire qui peut s’expliquer soit par une offre d’éducation primaire insuffisante ou par une demande d’éducation primaire insuffisante n’a donc pas favorisé une réduction considérable du taux d’analphabétisme dans ce milieu. L’état des lieux de l’analphabétisme décrit dans les pages précédentes soulève des interrogations. Ces interrogations portent essentiellement l’offre de l’alphabétisation en Côte d’Ivoire en vue de réduire l’analphabétisme dans le pays. En d’autres termes, quel est l’état des lieux de l’offre d’alphabétisation en Côte d’Ivoire ? Le nombre de centres d’alphabétisation est-il suffisant pour lutter contre le phénomène ? La quantité et la qualité des projets et programmes peuvent-elles 123 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 améliorer de manière significative le taux d’alphabétisation des populations ? Les ressources mises à la disposition de l’action d’alphabétisation sont-elles à même de favoriser l’efficacité de la lutte contre l’analphabétisme ? L’objectif de cet article est de faire une analyse évaluative de l’offre d’alphabétisation pour comprendre son impact réel sur le fonctionnement et l’efficacité de la politique nationale d’alphabétisation des adultes en Côte d’Ivoire. Pour recueillir les données, une démarche méthodologique a été adoptée. 2-METHODOLOGIE 124 La méthodologie de la présente étude porte sur les sites de l’étude, la population de l’étude et les techniques de recueil des données. 2-1- Sites de l’étude Les sites de l’étude sont : - la région des Lagunes (Abidjan) dans le sud de la Côte d’Ivoire ; c’est la région la plus peuplée, mais aussi elle est celle où sont implantées les structures centrales de l’alphabétisation ; - la région de la Vallée du Bandama (Bouaké) dont le taux d’analphabétisme est aussi important ; - et la région des Savanes (Korhogo) qui est une zone à faible taux de scolarisation et à fort taux d’analphabétisme. 2-2- Population de l’étude La population de l’étude est composée de l’ensemble des acteurs impliqués dans l’alphabétisation des adultes. Ces acteurs sont nombreux et se situent aux niveaux central, déconcentré, décentralisé et local. Cette population est composée : - de responsables du Service Autonome de l’Alphabétisation et du Fonds National d’Appui à l’Alphabétisation ; de responsables d’Organisations Non Gouvernementales impliquées dans l’alphabétisation ; - de conseillers extrascolaires chargés de l’alphabétisation ; - de responsables de collectivités locales (Conseils généraux, mairies) - de promoteurs privés en alphabétisation et d’alphabétiseurs. 2-3- Techniques de recueil des données Pour recueillir les informations relatives à l’offre d’alphabétisation des adultes, nous avons recouru essentiellement à la recherche documentaire et à des entretiens avec les différents acteurs intervenant dans le domaine. Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... 2-3-1-Recherche documentaire La recherche documentaire est une démarche de collecte des données relatives à l’étude à réaliser. Dans le cadre de cette étude, elle a consisté à répertorier et à consulter les documents relatifs à l’alphabétisation, d’une façon générale, et plus singulièrement à l’offre d’alphabétisation des adultes en Côte d’Ivoire. Les documents d’une recherche documentaire peuvent être sonores (disques), visuels (dessins), écrits (textes) ou des objets. Pour cette étude, une attention particulière a porté sur les documents écrits. La recherche documentaire a permis d’obtenir des données fiables sur l’offre d’alphabétisation des adultes en Côte d’Ivoire, notamment le nombre de centres, les ressources disponibles, la quantité et la qualité des projets et programmes. 2-3-2-Entretiens Pour recueillir les données relatives à l’offre d’alphabétisation des adultes, nous avons eu des entretiens avec les différents acteurs impliqués dans ce domaine. Les entretiens réalisés ont été semidirectifs et ont concerné : les responsables du Service Autonome d’Alphabétisation et du Fonds National d’Appui à l’Alphabétisation ; les conseillers extrascolaires en alphabétisation ; - des responsables des collectivités locales ; - des responsables d’ONG ; - des promoteurs privés en alphabétisation et des alphabetiseurs ; Ces entretiens ont permis d’avoir les informations sur le fonctionnement des structures d’alphabétisation, les activités menées par chacune de ces structures et sur l’offre d’alphabétisation sur tout le territoire national. 3-PRESENTATION ET INTERPRETATION DES RESULTATS Cette partie porte sur le nombre de centres d’alphabétisation, le nombre et la qualité des programmes et projets d’alphabétisation et sur les ressources mises à la disposition de l’action d’alphabétisation. 3-1-Nombre de centres d’alphabétisation Le nombre de centres d’alphabétisation est un élément important dans l’analyse de l’offre d’alphabétisation des adultes. Le gouvernement ivoirien ne créant pas de centres, cette tâche 125 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 incombe aux organisations de la société civile (ONG, Organisations à base communautaire, organisations religieuses, …), aux organisations de développement local et aux promoteurs privés. On note cependant qu’il y a eu ces dernières années, une augmentation mais non suffisante du nombre de centres ouverts par les promoteurs privés comme le montre le tableau suivant : Tableau N° 7: Evolution du nombre de centres d’alphabétisation ouverts par les promoteurs privés et encadrés par les structures déconcentrées du SAA depuis 2001-2002. Nombre Nombre de centres d’animateurs 2001-2002 1566 2002-2003 2078 2003-2004 Période 126 Nombre d’apprenants Responsables Total Structure d’encadrement Hommes Femmes 2470 22 387 51 704 74 091 Promoteur privé SAA 2093 18 035 44 754 62 789 Promoteur privé SAA 1231 1668 20 722 29 338 50 060 Promoteur privé SAA 2004-2005 1261 1716 21 181 30 303 51 484 Promoteur privé SAA 2005-2006 746 921 11 114 16 536 27 650 Promoteur privé SAA 2006-2007 1894 2533 33 048 42 959 76 007 Promoteur privé SAA 2007-2008 2150 2819 38 230 46 349 84 579 Promoteur privé SAA 2008-2009 2404 2992 40 167 50 932 91 099 Promoteur privé SAA TOTAL 13 330 17 212 204 884 312 875 517 759 Source : SAA En observant le tableau, on constate que le nombre de centres créés par les promoteurs privés a considérablement augmenté en 2002-2003 (2.078 centres), en 2007-2008 (2.150 centres) et en 2008-2009 (2.404 centres). On remarque également que c’est en 2005-2006 que la création des centres a connu une baisse (seulement 746 centres). Sur l’ensemble de la période 20012002 à 2008-2009, tout comme le nombre de centres, les effectifs des apprenants ont connu aussi une augmentation, passant de 74.091 apprenants (dont 51.704 femmes) à 91.099 apprenants (dont 50.932 femmes) sur la période indiquée. Il faut cependant noter que certains de ces centres ne fonctionnent pas toujours jusqu’au terme de l’année. L’état des lieux des centres d’alphabétisation au deuxième trimestre de l’année 2010 se présentait comme suit (Tableau 8). Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... Tableau N° 8 : Nombre de centres d’alphabétisation au deuxième trimestre de l’année 2010 Apprenants Nombre de centres d’alphabétisation Hommes Femmes Abidjan1 217 1532 2885 Abidjan 2 145 1327 3770 Abidjan 3 337 1876 5515 Abidjan 4 254 3474 5830 Abengourou 66 2446 2105 Aboisso 101 1525 1482 Adzopé 49 625 1049 Agboville 66 561 689 Bouaflé 73 1036 755 Bouaké 44 1745 2069 Bondoukou 244 3965 4363 Boundiali 61 1885 1533 Daloa 195 5151 3580 Dimbokro 94 1353 1489 Divo 176 3141 2286 Guiglo 29 784 979 Korhogo 141 364 5940 Man 223 2718 5388 Gagnoa 114 3026 1763 San-Pedro 118 1367 1901 DREN Séguéla 28 316 190 Odienné 156 1348 1534 - - - Touba 189 1735 2420 Katiola - - - Dabou 110 1797 1674 Total 3230 45097 60489 Yamoussoukro Source : Tableau effectué à partir des données fournies par le SAA 127 © educi 128 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Pour l’année 2008-2009, on dénombrait 2404 centres d’alphabétisation ouverts sur le territoire national. Au deuxième trimestre de l’année 2010, le nombre de centres ouverts en Côte d’Ivoire était de 3230 pour un effectif de 105586 apprenants dont 60489 femmes. Ces chiffres de l’année 2010 montrent qu’il y a eu certes une augmentation du nombre de centres et des apprenants par rapport à l’année précédente, mais il faut avouer que face au défi à relever dans le domaine, cette progression demeure peu significative. En effet, en passant 2404 centres en 2008-2009 à 3.230 centres d’alphabétisation en 2010, la progression n’est que de 25,57%. Si cette progression est maintenue au fil des années, il n’est pas évident que la couverture du territoire national en centres d’alphabétisation soit effective avant plusieurs dizaines d’années. Et même si on a beaucoup de centres d’alphabétisation, il faut bien qu’ils soient fréquentés massivement par les populations en cause. En passant de 91099 apprenants en 2009 à 105586 apprenants en 2010, on note qu’il y a eu un accroissement de 13,70%. Mais à vrai dire, cette augmentation du nombre d’apprenants n’est pas suffisante pour la réalisation de l’objectif d’alphabétisation. En effet, en Côte d’Ivoire, les analphabètes dont l’âge varie entre 15 ans et 45 ans sont estimés à au moins 5 millions (SAA, 2010). On voit bien qu’il faut augmenter aussi bien le nombre de centres que celui des apprenants si l’on veut que la politique nationale d’alphabétisation soit efficace. 3-2- Analyse de la quantité et de la qualité des programmes et projets d’alphabétisation Réduire l’évolution de l’analphabétisme nécessite la prise en considération de la quantité et de la qualité des programmes, projets et de toutes les autres actions mis en œuvre dans le domaine. Autrement dit, l’efficacité de la politique d’alphabétisation dépend fortement du nombre et de la qualité des actions menées ou mises en œuvre. 3-2-1- Quantité des programmes et projets d’alphabétisation Le nombre de projets est l’un des éléments importants dans le processus d’élimination de l’analphabétisme. Un nombre important de projets mis en œuvre peut contribuer significativement à la réduction du phénomène. En revanche, l’absence de projets ou leur insuffisance peut s’avérer comme un obstacle à l’efficacité de la politique d’alphabétisation. Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... Nous nous sommes intéressé, au cours de l’enquête, au nombre de projets qui ont été mis en œuvre ou qui sont en cours et aux effectifs des apprenants bénéficiaires. Il ressort de cette investigation que certains organismes tels que le Fonds de Développement de la Formation Professionnelle, le Centre de Recherche et d’Action pour la Paix (CERAP), ou encore la Compagnie Ivoirienne de Développement du Textile (CIDT) financent des projets d’alphabétisation. Cependant, il faut reconnaître que les actions menées par ces organismes dans le domaine de l’alphabétisation sont certes importantes, mais elles ne suffisent pas pour espérer aboutir à une réduction significative de l’analphabétisme. En général, mentions-le, les actions d’alphabétisation menées par les entités économiques ne s’adressent généralement qu’aux hommes, excluant de facto, la population féminine qui regroupe, pourtant, le plus grand nombre d’analphabètes. A ce sujet, le coordonnateur du SAA a fait la déclaration suivante : «certaines entreprises mettent en place des actions d’alphabétisation en faveur de leurs employés ; mais il faut avouer que ce genre d’initiatives ne sont pas nombreuses et ne peuvent suffire à réduire le taux d’analphabétisme au seuil voulu par les autorités. Le gouvernement ivoirien qui a adopté la stratégie dite du «Faire Faire» et qui consiste à céder les actions d’alphabétisation aux organisations de la société civile, ne finance pas de projets en la matière. Ce sont donc ces organisations de la société civile qui doivent chercher à obtenir des financements avec des bailleurs de fonds afin de mettre en place des projets et programmes d’alphabétisation à destination des populations analphabètes. Il y a donc une insuffisance de projets ou de programmes d’alphabétisation en Côte d’Ivoire ».Selon les responsables du SAA, le nombre de projets mis en œuvre entre 1988 et 2008 ne dépasse pas la vingtaine. Par ailleurs, ces programmes ou projets ne concernent pas une frange importante de la population analphabète âgée de 15 ans et plus et qui représente aujourd’hui au moins 51% de la population totale. Dans cette perspective, on peut avouer que ces projets, compte tenu du faible nombre de bénéficiaires, ne sont pas de nature à entrainer une réduction significative de l’analphabétisme comme le souhaitent les organismes internationaux de l’éducation 129 © educi 130 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 et les autorités ivoiriennes. Les responsables du SAA et ceux du FNAA jugent nécessaire d’augmenter le nombre de projets et celui des bénéficiaires. Le coordonnateur des actions du SAA n’a cessé, durant le temps de notre enquête, de dénoncer l’insuffisance du nombre de centres hors projets et de celui des projets ou programmes d’alphabétisation initiés ou exécutés au niveau national. A ce propos, il a fait la déclaration suivante : «les programmes ou projets mis en œuvre sur le territoire national sont largement insuffisants pour l’élimination souhaitée de l’analphabétisme. La plupart des centres sont ouverts par des promoteurs privés ; et là encore, de nombreuses localités rurales n’en possèdent pas, d’où l’impossibilité de la réalisation des objectifs en matière d’alphabétisation». Hormis l’insuffisance de leur nombre, il faut souligner que certains de ces projets et programmes n’ont pu fonctionner jusqu’à terme. Ce fut le cas du projet pilote d’alphabétisation qui a été interrompu dans les régions du Denguélé, du Worodougou et des Savanes suite à la crise politico-militaire du 19 septembre 2002. D’autres projets enregistrent beaucoup de défections. A ce niveau, on peut citer l’exemple des projets initiés dans les localités de Didiévi, Ouellé et Mbahiakro entre 1996 et 1999, de Sikensi en 19971999 ou encore de Sinfra en 1997-1999 (SAA, 2006). Tous ces projets et bien d’autres que nous n’avons pas cités, ont enregistré beaucoup d’abandons chez les populations bénéficiaires. Dans ce contexte, il se pose la question de la qualité des programmes et projets d’alphabétisation. 3-2-2- Qualité des programmes et projets d’alphabétisation Comme nous le soulignions tantôt, l’augmentation du nombre de projets d’alphabétisation sur le territoire national est plus que jamais nécessaire pour toucher un grand nombre de personnes analphabètes. Cependant, il faut reconnaitre que, quel que soit le nombre de projets, la qualité des services offerts doit pouvoir garantir une durabilité des acquis. En Côte d’Ivoire, les autorités chargées de la conduite et de l’exécution de la politique nationale d’alphabétisation estiment que l’alphabétisation fonctionnelle est un moyen efficace de pérenniser les acquis chez les néo-alphabètes. C’est donc pour cette raison qu’elles recommandent sa pratique pour toutes les actions Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... entreprises dans le domaine. Mais dans la pratique sur le terrain, ce type d’alphabétisation prôné est inexistant surtout dans les centres ouverts par les promoteurs privés. C’est plutôt l’alphabétisation générale encore appelée traditionnelle qui se pratique dans ces centres d’alphabétisation. Or, pour les acteurs de ce sous secteur de l’éducation, l’alphabétisation fonctionnelle est un moyen de pérenniser les connaissances acquises par les apprenants. La pérennisation des acquis d’apprentissage dépend aussi et surtout de l’environnement mis en place après l’alphabétisation. En effet, la post-alphabétisation est considérée comme l’une des conditions nécessaires pour favoriser chez les néo-alphabètes, la durabilité des acquis d’apprentissage. Or, nous avons, au cours de cette recherche, constaté que ce volet important de l’alphabétisation qu’est la post-alphabétisation n’existe pas dans toutes les actions entreprises dans le domaine. Les acteurs ont estimé que sans la mise en place d’un environnement lettré ou d’une post-alphabétisation, de nombreux apprenants sont susceptibles de perdre leurs acquis en lecture, en calcul ou en écriture et redevenir par la suite des analphabètes. Cette situation n’est donc pas de nature à favoriser l’efficacité de la politique nationale d’alphabétisation. Bien au contraire, elle favorise la persistance de l’analphabétisme. Lors des visites effectuées dans les centres d’alphabétisation, nous avons rencontré des apprenants qui avaient été alphabétisés les années antérieures et qui sont revenus se faire alphabétiser parce qu’ayant perdu les acquis en lecture, écriture ou en calcul. L’absence de la postalphabétisation en Côte d’Ivoire est constamment revenue dans les entretiens que nous avons eus avec les responsables du SAA, ceux du FNAA et les conseillers extrascolaires chargés de l’alphabétisation et représentants du SAA dans les districts, les Directions Régionales de l’Education Nationales (DREN), les Directions Départementales de l’Education Nationale (DDEN) et les Inspections de l’Enseignement Primaire (IEP). Au sujet de la postalphabétisation, le coordonnateur des actions du SAA s’est exprimé en ces termes : «Il n’y a pas de post-alphabétisation en Côte d’Ivoire. Même les projets financés par les bailleurs de fonds ne comprennent pas un volet postalphabétisation. L’absence donc de la post-alphabétisation conduit les néo-alphabètes à perdre souvent les acquis scolaires et ceux-ci se retrouvent en fin de 131 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 compte plongés encore dans l’analphabétisme. Toutes ces choses constituent une entrave sérieuse à l’efficacité de la politique nationale d’alphabétisation». 132 Les conseillers extrascolaires chargés de l’alphabétisation qui sont en contact permanent avec les apprenants et les opérateurs sur le terrain confirment et regrettent même l’absence de la post-alphabétisation en Côte d’Ivoire. Son absence est perçue par l’ensemble des acteurs du secteur comme une entrave à l’élimination de l’analphabétisme dans le pays. Pour eux, l’absence de la postalphabétisation est l’un des éléments caractéristiques de la persistance de l’analphabétisme chez les populations adultes. 3-3- Ressources mises à la disposition de l’alphabétisation L’organisation (en tant que processus) de la politique nationale d’alphabétisation nécessite la disponibilité des ressources devant servir à son fonctionnement. Ces ressources sont d’ordre humain, financier, matériel et didactique. 3-3-1- Ressources humaines Les ressources humaines de l’action d’alphabétisation se situent au niveau des structures centrales que sont le Service Autonome de l’Alphabétisation (SAA), le Fonds Nationale d’Appui à l’Alphabétisation (FNAA), au niveau des structures déconcentrées du SAA. Ces ressources humaines portent aussi et surtout sur les alphabétiseurs qui sont une composante essentielle et incontournable pour mener à bien toute action d’alphabétisation Au niveau du SAA, en plus du chef de ce service, on dénombre 42 agents repartis dans les différentes divisions qui le composent. Ces agents sont amenés à conduire la politique assignée au SAA. Ils travaillent en collaboration avec les responsables des structures déconcentrées. Au niveau du FNAA, ce sont moins de 20 personnes, y compris le coordonnateur, qui sont chargées d’animer la structure et de travailler en collaboration avec les conseillers extrascolaires en alphabétisation ainsi qu’avec les ONG impliquées dans le domaine. Les agents du FNAA, tout comme ceux du SAA, sont des fonctionnaires de l’Etat. En ce qui concerne les responsables des structures déconcentrées, ce sont, comme nous l’avons maintes fois mentionné, des conseillers extrascolaires en alphabétisation. Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... Ceux qui sont dans les districts sont appelés superviseurs. Ceux qui sont dans les Directions Régionales de l’Education Nationale sont des coordonnateurs et ceux exerçant dans les Directions Départementales de l’Education Nationales ou dans les Inspections de l’Education Primaire sont appelés simplement des conseillers. Il faut cependant noter qu’ils sont tous des fonctionnaires de l’Etat, et ce sont eux qui sont constamment en contact avec les promoteurs privés de l’alphabétisation, les ONG et autres personnes exerçant sur le terrain. A cet effet, ils doivent être en nombre suffisant pour couvrir l’ensemble du territoire national, identifier, suivre et évaluer toutes les actions d’alphabétisation en cours dans le pays. Les responsables des structures déconcentrées sont chargés de l’application de la politique d’alphabétisation du SAA dans les régions, départements, sous préfectures, communes et villages de la côte d’Ivoire. A cet effet, ils sont les collaborateurs directs des organisations de la société civile, des promoteurs privés des centres d’alphabétisation et de tout autre acteur intervenant dans le domaine. Les conseillers extrascolaires en alphabétisation doivent, sur tout le territoire national, sensibiliser les populations analphabètes à l’effet de les amener à s’inscrire dans les centres pour se faire alphabétiser. A cet égard, le niveau de participation des populations cibles aux actions d’alphabétisation est en partie fonction des actions menées par ces représentants du SAA. Ils sont aussi chargés de l’identification, du suivi et de l’évaluation de toutes les actions d’alphabétisation en cours dans le pays. Pour mener à bien leur mission, les conseillers extrascolaires doivent être en nombre suffisant afin d’assurer une couverture complète du territoire national. Or, les données recueillies au cours de l’enquête font état de ce qu’ils sont en nombre insuffisant, comme on le constate dans le tableau suivant qui donne l’ensemble des ressources disponibles et des besoins exprimés par le SAA en 2004-2005. 133 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Tableau N° 9 : Nombre et besoins exprimés en conseillers extrascolaires en alphabétisation en 2004-2005. Nombre d’IEP Coordonnateurs et Conseillers disponibles Besoin en coordonnateurs et conseillers Déficit Abengourou 03 08 09 01 Abidjan1 25 73 45 00 Abidjan 2 23 60 48 00 Bondoukou 09 15 27 12 Daloa 10 20 30 10 Gagnoa 06 13 18 05 Dimbokro 07 13 24 11 Man 12 12 27 15 San Pedro 05 11 15 04 Yamoussoukro 05 14 15 01 Bouaké 11 01 33 32 Korhogo 07 07 21 14 Odienné 05 04 18 14 Total 129 251 330 79 DREN 134 Source : Tableau réalisé à partir des données du SAA. L’observation du tableau ci-dessus montre qu’il y a une mauvaise allocation des ressources humaines en ce qui concerne les conseillers extrascolaires en alphabétisation. Le besoin exprimé par la DREN d’Abidjan 1 est de 45 conseillers, et pourtant cette DREN en dispose de 73. A la DREN d’Abidjan 2, les conseillers extrascolaires en alphabétisation sont au nombre de 60 alors que le besoin exprimé n’est que 48 conseillers. Les deux DREN d’Abidjan totalisent 133 coordonnateurs et conseillers (soit 53% du nombre total au niveau national) alors que le besoin est seulement de 93. Pourtant la ville d’Abidjan est la région où cette proportion est la plus faible (45,6 %). Cette proportion est de 58% pour le Sud (Hors Abidjan).Selon les données du RESEN (2009), le taux d’analphabétisme est de 64,% dans le Centre du pays, 75% dans le Centre-Nord, 85,2% dans le Nord-est, 62,3% dans le Centre-Est, 68,7% dans le Sudouest, 68,3% dans le CentreOuest, 77, 5% dans l’Ouest, Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... 88,7% dans le Nord-Ouest et 82,4% dans le Nord. Les DREN ou régions de Bondoukou au Nord-est, de Daloa au CentreOuest, de Gagnoa au Sud-ouest, de Man à l’Ouest, de Dimbokro au Centre, de Bouaké au CentreNord, de Korhogo au Nord et d’Odienné au Nord-ouest dont la proportion des analphabètes est très élevée accusent un déficit de conseillers extrascolaires en alphabétisation. Au niveau national, le besoin exprimé à cette même époque était de 330 conseillers extrascolaires alors qu’il y en avait que 251, soit un déficit de 79. Cette insuffisance des responsables des structures déconcentrées du SAA est revenue dans les entretiens que nous avons eus avec les acteurs de l’alphabétisation. Les points de vue exprimés par l’ensemble des acteurs font état de ce que le déficit de ces agents représentant le SAA au niveau déconcentré entraine un véritable dysfonctionnement au niveau des actions menées ou à mener. Les coordonnateurs et conseillers interviewés ont souligné le caractère insuffisant de leur nombre, qui, selon eux, ne leur permet pas de parcourir toutes les localités du pays. Pour eux, cet état de fait est l’un des facteurs explicatifs de l’inefficacité des actions d’alphabétisation. « Notre mission est d’identifier, de suivre et d’évaluer toutes les actions d’alphabétisation sur le territoire national. Nous sommes aussi chargés de la sensibilisation des populations sur l’importance de l’alphabétisation et d’amener les personnes physiques ou morales à s’intéresser à l’alphabétisation par la création de centres d’alphabétisation. Nous sommes donc des acteurs très importants de la politique d’alphabétisation ; malheureusement, nous sommes en nombre insuffisant. A part la région d’Abidjan, les autres régions accusent un déficit de conseillers d’alphabétisation. Dans la région des Savanes par exemple, nous sommes en nombre insuffisant; ce qui fait que nous n’arrivons pas à couvrir et à visiter constamment toutes les localités de cette région qui est l’une des plus grandes régions du pays», a affirmé, l’un des conseillers d’alphabétisation. L’un des coordonateurs interviewés est lui aussi revenu sur l’insuffisance des ressources qui caractérise la politique d’alphabétisation. « Il faut avouer que l’organisation mise en place par le gouvernement en vue de la lutte contre l’analphabétisme est véritablement caractérisée par une insuffisance de ressources humaines, matérielles et 135 © educi 136 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 financières. En prenant l’exemple des ressources humaines, on note qu’il y a une insuffisance criarde des conseillers extrascolaires. Prenons le cas du département de Korhogo qui comprend au moins 10 sous préfectures ; dans ce département, nous n’arrivons pas à parcourir toutes les souspréfectures et villages comme il se doit afin de sensibiliser les populations pour les amener à comprendre l’importance et la nécessité de se faire alphabétiser. En clair, je voudrais relever qu’il y a une insuffisance de ressources humaines tant au niveau central, déconcentré que local », a-t-il dit. Les responsables du SAA déplorent cette insuffisance des agents au niveau déconcentré qui constitue, leurs yeux, un obstacle majeur au bon fonctionnement de la politique d’alphabétisation de Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, ils estiment que l’Etat devrait penser à recruter suffisamment de conseillers en alphabétisation si l’on veut lutter efficacement contre l’analphabétisme. Dans cet ordre d’idées, l’un d’entre eux a fait la déclaration suivante : «tant que les communes, sous préfectures et autres localités importantes ne seront pas suffisamment pourvues en conseillers d’alphabétisation, l’analphabétisme va toujours persister et l’on ne pourra d’ailleurs pas identifier tous les operateurs afin de pouvoir avoir des données statistiques fiables». Les acteurs de l’alphabétisation ont insisté sur le fait que l’Etat devrait recruter suffisamment de conseillers d’alphabétisation. Ces derniers, tout comme les agents du SAA et ceux du FNAA, sont des fonctionnaires de l’Etat. L’autre composante des ressources humaines est relative aux alphabétiseurs. Contrairement aux responsables du SAA, du FNAA et aux responsables des structures déconcentrées du SAA qui sont tous des fonctionnaires et qui perçoivent un salaire mensuel, les alphabétiseurs qui sont pourtant considérés comme la pierre angulaire des programmes, projets et de toutes autres actions d’alphabétisation, sont des bénévoles et ne perçoivent pas de revenu mensuel de la part de l’Etat. Les informations recueillies auprès de tous les acteurs qui ont fait l’objet d’enquête font état d’un manque criard d’alphabétiseurs dans toutes les localités. Les visites effectuées sur le terrain ont aussi permis de constater qu’en plus du déficit de moniteurs, on assiste aussi régulièrement à l’abandon des cours par ceux-ci. Etant donné qu’ils ne perçoivent pas de salaire, ils n’hésitent pas à abandonner la dispensation des cours dès Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... qu’ils ont un emploi. Le statut de bénévole pourrait donc expliquer le déficit des animateurs constaté dans les centres d’alphabétisation. C’est le point de vue de la plupart des acteurs, qu’ils soient au niveau central ou au niveau déconcentré. A ce sujet, le coordonateur du SAA a déclaré ce qui suit : «Ce sont les apprenants qui cotisent chaque fin de mois pour payer les alphabétiseurs. Or ces cotisations ne sont pas régulières ; ce qui fait que de nombreux alphabétiseurs abandonnent les cours parce qu’ils ne sont pas rémunérés. On ne peut pas empêcher un alphabétiseur d’abandonner les cours s’il a pu obtenir un nouvel emploi qui lui permettra de subvenir convenablement à ses besoins. L’abandon des cours par les animateurs entraine des dysfonctionnements au niveau de la lutte contre l’analphabétisme. Et je pense que le gouvernement doit penser à y remédier s’il souhaite éradiquer le phénomène». La démotivation, le découragement et même l’abandon constatés chez certains auditeurs s’expliquent aussi par l’existence d’une confusion entre pédagogie et andragogie. Cette confusion a des répercussions sérieuses sur les méthodes d›alphabétisation L›absence de formation spécifique des animateurs de centres fait que les stratégies d’enseignement/ apprentissage et les contenus de l’enseignement des adultes ne sont qu’une transposition des méthodes pédagogiques appliquées aux enfants. La conséquence de cette infantilisation, selon le coordonnateur des actions du SAA, est la lenteur dans la progression et le découragement des auditeurs. 3-3-2-Ressources financières Au niveau financier, les investigations entreprises auprès du Ministère de l’Education Nationale (MEN), du SAA et du FNAA ont permis de comprendre qu’il n’existe pas de budget alloué aux actions d’alphabétisation proprement dites. Cependant, les informations recueillies auprès de ces responsables ministériels, du SAA et du FNAA soulignent que 1% du budget du MEN est consacré à l’alphabétisation, non pas pour financer des projets d’alphabétisation ou pour rémunérer les alphabétiseurs, mais plutôt pour le fonctionnement du SAA. C’est sans doute pour cette raison qu’au SAA, les responsables estiment que la volonté du gouvernement de réduire significativement l’analphabétisme n’est pas suivie de façon conséquente par la disponibilité des ressources financières. Les entretiens avec les acteurs de l’alphabétisation 137 © educi 138 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 ont permis de comprendre que l’Etat ivoirien n’est pas engagé dans le financement des actions ou projets d’alphabétisation. Le financement de l’alphabétisation en Côte d’Ivoire est donc exogène, dépendant des bailleurs de fonds et autres organisations non étatiques. La stratégie dite du Faire Faire adoptée par la Côte d’Ivoire en matière d’alphabétisation des adultes demande une implication accrue des Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui peuvent bénéficier du soutien de d’autres organisations internationales, notamment celles de l’Organisation des Nations Unies ou de certaines organisations africaines comme la Banque Africaine de Développement (BAD). La faible implication financière de l’Etat et l’absence de rémunération des alphabétiseurs ne sont pas de nature à favoriser l’efficacité de la politique d’alphabétisation. Cette insuffisance de ressources financières existe également au niveau des structures déconcentrées du SAA où les coordonnateurs et les conseillers rencontrent d’énormes difficultés dans l’exercice de leur fonction. Tous les acteurs attendent toujours que les moyens financiers proviennent des bailleurs de fonds afin de pouvoir entreprendre des actions d’alphabétisation. 3-3-3-Ressources matérielles Au niveau matériel, les acteurs rencontrent également des problèmes. En effet, les structures centrales chargées de l’alphabétisation sont dépourvues de ressources matérielles. Au moment de l’enquête, le SAA ne possédait que trois véhicules dont un seul était fonctionnel, les deux autres étant en panne. Compte tenu de l’importance de l’analphabétisme et surtout des différentes régions à parcourir, il est peu probable que les responsables du SAA puissent accomplir leur mission sur toute l’étendue du territoire national. Dans ce contexte le suivi, l’encadrement et l’évaluation des actions et projets d’alphabétisation devient ainsi une mission quasi impossible sans moyens de déplacement appropriés. Au niveau déconcentré, l’insuffisance des ressources matérielles a été constatée pendant l’enquête et aussi soulignée par les responsables du SAA. Et pourtant, les superviseurs dans les districts, coordonnateurs dans les DREN et les conseillers dans les IEP doivent aller sur le terrain, à la rencontre des ONG, des promoteurs privés, des communautés et des apprenants. « Nous sommes tenus d’informer, de sensibiliser et de motiver les populations locales et les organisations de la société Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... civile pour les amener à adhérer aux actions d’alphabétisation ou à s’y impliquer davantage. A ce titre, nous devons parcourir et fréquenter régulièrement les localités placées sous notre responsabilité. Mais le problème, c’est que le gouvernement n’a pas mis à notre disposition les moyens de déplacement pour faire ce travail. Nous utilisons nos propres motos pour parcourir la région ; et c’est nous qui achetons le carburant avec nos propres moyens financiers. C’est une situation qui nous conduit à faire trop de dépenses et cela est démotivant», a affirmé, un conseiller en alphabétisation. « Nous utilisons déjà nos motos pour mener les activités et je pense qu’il serait souhaitable que les autorités gouvernementales, à défaut de nous fournir les moyens de déplacement, fassent l’effort de nous fournir le carburant dont nous avons besoin pour faire le travail », a-t-il conclu. Le manque de moyens de déplacement constitue sans aucun doute un handicap sérieux au déroulement des actions d’alphabétisation. Nous avons noté aussi que les agents des structures déconcentrées qui sont censées faire collecte les données statistiques à l’effet de les transmettre au SAA ne possèdent pas d’ordinateur à cet effet. «Au niveau déconcentré, nos agents manquent cruellement de ressources matérielles que ce soit les moyens de déplacement ou les ordinateurs nécessaires à la collecte et au traitement des données. Dans ce contexte, il est difficile d’avoir une idée claire et précise des activités d’alphabétisation sur toute l’étendue du territoire national», a déclaré, l’un des responsables du SAA. L’un des coordonnateurs interrogé a abondé dans le même sens. Ce dernier a fait la déclaration suivante : «certains centres d’alphabétisation sont situés à des centaines de kilomètres de notre lieu de résidence. Sans moyens de déplacement et sans soutien financier, comment voulezvous qu’on puisse se rendre régulièrement dans ces localités ? J’ai plusieurs fois utilisé ma moto et acheté moi-même le carburant pour me rendre dans certains centres à l’effet d’accomplir ma mission. Mais les centres qui sont trop éloignés et ceux dont l’accès n’est pas facile ne peuvent être visités de façon régulière. Ce qui pose donc le problème de la sensibilisation des populations analphabètes de ces localités sur la nécessité de participer aux cours d’alphabétisation. Par ailleurs, nous ne possédons pas d’ordinateurs alors que nous devons collecter et traiter les informations sur l’alphabétisation dans notre région. Pour faire des 139 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 rapports d’activité, nous nous rendons dans les cybercafés et là encore, c’est nous qui payons les frais de saisie et d’impression. Je trouve cela dommage et dommageable pour l’efficacité de la politique d’alphabétisation». 140 Notons que malgré les difficultés rencontrées et les mésententes entre acteurs, les cours d’alphabétisation se déroulent en général dans des établissements scolaires. Cependant, de nombreux villages n’ont pas d’écoles et cela pose le problème de local pour la dispensation des cours. Bien évidemment ces cours peuvent se dérouler à l’air libre si les promoteurs possèdent le matériel didactique surtout les tableaux ; mais, il faut reconnaitre que c’est un réel problème auquel sont souvent confrontés les acteurs de l’alphabétisation. Au niveau du matériel didactique, nous avons noté que les ouvrages utilisés sont conçus par le SAA et édités par NEI et CEDA avec le soutien financier des bailleurs de fonds. Ces ouvrages sont des livres de lecture et de calcul pour les trois niveaux et sont vendus aux apprenants. Ces derniers estiment cependant que les livres coûtent chers et constituent un handicap à leur apprentissage. Les responsables de l’alphabétisation au niveau central ainsi qu’au niveau déconcentré estiment, eux aussi, que les ouvrages sont chers et que cette cherté constitue une entrave à la participation des populations aux cours. C’est pourquoi, ils souhaitent que les ouvrages didactiques soient distribués gratuitement aux apprenants. CONCLUSION Les investigations menées dans les structures et auprès des acteurs de l’alphabétisation en Côte d’Ivoire permettent de soutenir que l’organisation mise en place par les autorités gouvernementales pour la lutte contre l’analphabétisme est caractérisée par des dysfonctionnements, notamment en ce qui concerne l’offre d’alphabétisation. Dans l’ensemble, on note une insuffisance quantitative et qualitative des services offerts dans le processus de lutte contre l’analphabétisme des populations adultes. Au niveau quantitatif, l’efficacité de la politique nationale d’alphabétisation est freinée par une insuffisance du nombre de centres d’alphabétisation et des projets ou programmes. En effet, pour réussir à alphabétiser une grande partie de la population visée, il importe de créer suffisamment Soungari YEO : Analyse de l’offre d’alphabetisation des adultes... de centres d’alphabétisation et de mettre en œuvre beaucoup de projets et programmes à cet effet. Or dans toutes les régions du pays y compris celles à faible taux de scolarisation, il y a une insuffisance de centres d’alphabétisation et un manque de projets. Cette insuffisance du nombre de centres d’alphabétisation est plus criarde en milieu rural où le taux d’analphabétisme est très élevé. En plus de l’insuffisance des centres et des projets d’alphabétisation, on note également que l’alphabétisation des adultes en Côte d’Ivoire manque de ressources humaines, financières et matérielles. Du point de vue qualitatif, on peut retenir que l’absence de l’alphabétisation fonctionnelle et surtout celle de la postalphabétisation dans toutes les actions entreprises jouent en défaveur de l’efficacité de la politique d’alphabétisation. Or pour réussir une action d’alphabétisation, l’apprentissage doit s’accompagner de la mise en place d’un environnement devant permettre aux bénéficiaires de capitaliser et consolider les acquis de l’apprentissage. BIBLIOGRAPHIE AKTOUF, O.(1987), Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des organisations ; Montréal, Les Presses de l’université du Québec. ANTONIOLI, A (1993), Le dr oit d’apprendre. Une école pour tous en Afrique, Paris, Editions HARMATTAN. CHERKAOUI, M (1986), Sociologie de l’éducation. Que sais-je ? Paris, PUF. 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Stratégies éducatives pour les années 90. Orientations et réalisations, Dakar. MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... CORRUPTION EN MILIEU SCOLAIRE IVOIRIEN, REPRESENTATIONS SOCIALES DE SA SOLUTION PAR LES ENSEIGNANTS. MEITE Zoumana, Université Félix Houphouét-Boigny, Abidjan, [email protected] RÉSUMÉ SUMMARY Cette étude s’est intéressée à l’impact de la formation pédagogique sur la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du secondaire. This survey is focussed on the impact the pedagogical training on social representation of teachers’ solution against corruption in school midst. L’enquête s’est déroulée dans 03 établissements publics et 04 établissements privés. Les résultats montrent que la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants qui ont une formation pédagogique est plus répressive que celle des enseignants qui n’ont pas de formation pédagogique. Ces différences dans les représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants expliquent des différences dans leurs comportements à l’égard du processus de lutte contre la corruption et à l’égard de la corruption à l’école qui sont à l’origine de l’échec de la lutte contre la corruption. Mots clés : Solutions à la corruption - Représentations sociales – Enseignants - Formation pédagogique. The inquiry was made in 03 public schools and 04 private schools. The results show that the social representation of corruption in school midst of teachers with a pedagogical training is more repressive than that of teachers without pedagogical background. These differences in social representations of teachers’ solution against corruption in school midst explain the differences in the behaviours towards the process of fighting against corruption and towards corruption in school midst. These behaviours are in fact the main source of the failure of the fight against corruption. Key words: Solutions against corruption – social representations – teachers – pedagogical training. 143 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 INTRODUCTION La corruption est devenue un problème crucial qui suscite une grave préoccupation en Afrique.Elle constitue un obstacle de taille au progrès économique, à la prestation de services d’aide sociale et à la bonne gouvernance (Kaufmann, Kraay et Mastruzzi, 2010). 144 En côte d’Ivoire, la corruption demeure un défi redoutable. Les classements de l’Indice de Perception de la Corruption publiés par Transparency International classent en 2001 la Côte d’ivoire au 77ème rang sur 91 pays et en 2012 au 130ème rang sur 180 pays. Selon Tressia (2013), 85% des ivoiriens reconnaissent expérimenter quotidiennement toutes les formes de corruption: corruption transactionnelle, privative, d’extorsion, d’une part, népotisme et favoritisme d’autre part et le secteur public ivoirien est le plus corrompu. L’école n’est pas épargnée par cette corruption. Concernant les évaluations, on peut signaler, la tricherie au cours des examens. Les formes sont nombreuses ; parmi elles, on peut citer : «le pétrole» désignant l’obtention du sujet avant qu’il ne soit même distribué dans les salles d’examens ; «les opérations hiboux» qui consistent à traiter le sujet hors de la salle d’examen pour ensuite l’introduire dans le lot des copies à corriger et cela avec la complicité de celui ou ceux qui sont chargés de garder les feuilles d’examens ; «les notes sexuellement transmissibles » ou notes subjectives accordées aux élèves (filles) en échange de relations sexuelles. Les données de Ettien, Bendé et Konan (2010) montrent que les formes de corruption les plus répandues sont les notes de complaisance (61,9%), le droit de cuissage (59,1%) et le favoritisme (46,3%) des réponses. Les parents d’élèves, partenaires de l’école, ne sont pas tout à fait étrangers au phénomène de la corruption. Ils en sont tantôt les témoins muets, tantôt les complices, voire des agents actifs du système car c’est eux qui achètent ces diplômes pour leurs enfants. Pourtant les autorités ivoiriennes comme les organisations non gouvernementales ne sont pas restées insensibles à la persistance de la corruption. Au niveau international, la Côte d’Ivoire a ratifié en novembre 2011, CNUCC (la Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption), et la Convention de l’Union Africaine relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Cette Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption, est entrée en vigueur le 14 décembre 2005. MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... Au niveau du gouvernement ivoirien, le plan national de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption de même que la charte d’éthique et de bonne gouvernance du gouvernement ont été mise en place. Le SNGRC (Secrétariat National à la Gouvernance et au renforcement des Capacités) a été crée. Cette structure à travers son programme d’appui à la gouvernance contribue à la promotion de la bonne gouvernance. La campagne de lutte contre la corruption lancée le 8 juillet 2013 par le SNGRC, est marquée par des affiches publicitaires et des films qui mettent en exergue les expressions choquantes comme «ça a tué mon fils», «ça a tué ma femme», «ça a détruit ma région», «ça a ruiné mon pays». Au MEN (Ministère de l’Education Nationale), des actions de lutte contre la corruption sont menées. Depuis 2000, pour éviter tout changement de copies hors des salles d’examens les feuilles de composition sont marquées. En Août 2003, 47 élèves, et des agents de la DECOB (Direction des Examens et Concours, de l’Orientation et des Bourses) impliqués dans la vente et l’achat de diplômes sont mis aux arrêts. La même année, au cours du Baccalauréat, six enseignants du secondaire sont arrêtés à Dabou pour avoir traité les sujets d’examens pour des candidats. Malgré ces différentes solutions, la corruption demeure et prend de l’ampleur dans tous les secteurs d’activité (Tressia, 2013). Selon Quinones (2000) la recherche de mesures plus efficaces, crédibles et applicables pour désigner les responsables et éradiquer la corruption, n’est donc pas seulement un noble objectif, c’est peut être la survie des institutions Juridique, politique, économique et sociale qui est en jeu. Selon Transparency International la corruption est l’abus d’un pouvoir conféré, à des fins de gains privés. Cette définition s’applique au secteur public comme au secteur privé. Pour Klitgaard (1996), il y a corruption lorsqu’un individu place de manière illicite ses propres intérêts au dessus de ceux des gens et des idéaux qu’il s’est engagé à servir. Cette définition de Klitgaard (o.p.cit.), fait référence tant à la petite corruption qu’à la grande corruption. Ainsi, la corruption revêt des formes multiples et elle peut fleurir dans le secteur privé comme dans le secteur public. De même elle est une pratique sociale qui peut s’appuyer sur des promesses, des menaces ou les deux formes à la fois et peut comporter des omissions ou des commissions. Pour Lascoumes 145 © educi 146 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 (1999), la corruption est la transgression de ses propres lois ou règles de vie. C’est donc un acte de corruption d’être enseignant et ne pas respecter les principes pédagogiques liés à la fonction enseignante. L’implication des acteurs du secteur concerné par la corruption et leur formation professionnelle peut être déterminante pour la réussite des actions de lutte contre la corruption selon différentes études. La résolution politique de l’internationale de l’éducation, du 26 juillet 2004, souligne l’importance de l’éducation comme outil de lutte contre la corruption, car à l’école se joue en grande partie le sort de l’éthique sociale d’une nation. L’éducation est une forme de reproduction et de dépassement social indispensable au progrès de tout pays. Quand cette fonction est abolie, selon Ki-Zerbo (1990), il se produit un dépérissement profond dans les métabolismes de base de la société. Dans ce cas, l’éducation, si elle ne s’écarte pas de tout acte corrompu, pourrait reproduire une société corrompue. Une implication accrue des femmes dans les équipes, permet de limiter la confiance dans les collusions corrompues caractéristiques des réseaux dominés par les hommes (Lambsdorff, 2007). La participation des collectivités locales dans la gestion des ressources financières de l’éducation dans la mesure où elle accroît le sentiment d’appropriation des projets, favorise la lutte contre la corruption. L’expérience de Khandelwal et Biswal (2005) montre également que l’adoption de codes de conduite des enseignants peut favoriser un changement de comportements, sous réserve d’impliquer les enseignants dans leur conception, leur mise en œuvre et de mettre en place des procédures efficaces pour en faire respecter l’application. Finalement l’école a une place importante à occuper dans la lutte contre la corruption selon deux perspectives en corrélation. L’une est de lutter contre la corruption en milieu scolaire et l’autre est d’utiliser l’éducation comme outil de prévention de la corruption. Alors l’école devra se doter de moyens pédagogiques et de personnels qualifiés et motivés pour faire face à la corruption. Toutefois, l’implication dans le processus de lutte contre la corruption est conditionnée par les solutions à la corruption ou les réactions face à la corruption. Selon ANLC-TI (Association Nigérienne de lutte contre la corruption et Transparency MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... international) (2005) la lutte contre la corruption sera difficile si les rémunérations des agents de l’état restent De même, la répression comme solution à la corruption n’est pas acceptable par tous, d’où leur passivité devant les faits de corruption. Pour Lazic (2005), en Bosnie-Herzégovine, bien que les amendements du code pénal punissent les actes de corruption et prévoient des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ferme pour la pratique des pots-de-vin, les étudiants ne sont pas motivés à réagir devant des preuves de cas de corruption. Selon Azoh (2011) le détournement de biens sociaux n’est pas sévèrement jugé quand les actions réalisées avec ces fonds détournés profitent plus à la communauté qu’à l’individu. Les bénéfices tirés des actes de corruption par la communauté justifient donc le phénomène. Dans cette logique, il serait donc inacceptable de punir les actes de corruption à visée communautaire. Carlsmith, Darley et Robinson (2002) précisent que la punition est motivée par le juste mérite ou déterminée par la prévention. Elle est donc fonction d’une hiérarchie de préjudices et de dommages moraux. Tous les faits de corruption ne sont donc pas condamnables au même titre et les individus mesurent l’impact de la dénonciation de la corruption avant de s’y engager. En somme, l’implication de chaque acteur dans le processus de lutte contre la corruption est déterminante pour réduire la corruption. Cette implication est conditionnée par nos réactions face aux solutions à la corruption en cours. Une solution considérée trop répressive pour certains individus peut démotivés ceux-ci à dénoncer des faits de corruption. Or la lutte contre la corruption commence par sa dénonciation. Les solutions à la corruption doivent donc tenir compte de l’éthique sociale des personnes concernées par la lutte contre la corruption. C’est pourquoi la détermination des solutions à la corruption en milieu scolaire des enseignants est nécessaire pour faire de chacun d’eux des acteurs du processus de lutte contre la corruption. Par ailleurs, pour Peoch et al (2004) et Lac (2003), la formation professionnelle transforme la représentation sociale. Elle permet au travailleur l’acquisition de connaissances qui lui donnent des compétences particulières dans l’exercice de son métier. Latvack et Barrington (2003) également montrent que la formation professionnelle combinée avec l’augmentation de la rémunération permet de réduire les cas de corruption en entreprise. La formation 147 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 professionnelle a donc un lien avec la représentation sociale de la solution à la corruption. Toutefois, il reste beaucoup à faire dans le sens d’une exploration des systèmes de représentation et de valeur des acteurs concernés, de près ou de loin, par les pratiques corruptrices, et dans le sens d’une mise au clair des logiques qui orientent les comportements. 148 En effet, les représentations sociales répondent à quatre fonctions essentielles. Premièrement, elles permettent de comprendre et d’expliquer la réalité. Deuxièmement, les représentations sociales définissent l’identité et permettent la sauvegarde de la spécificité des groupes. Troisièmement, elles guident les comportements et les pratiques. Les représentations sociales tiennent alors un rôle important dans la détermination des types de comportement d’une part et pour élaborer une échelle de sanctions qui leur est applicables d’autre part. Cependant, tous les objets de l’environnement n’entraînent pas l’émergence de représentations sociales. La corruption en tant que pratique sociale est un objet de représentation sociale (Azoh, o.p.cit.). Il est alors possible que les solutions liées aux pratiques de corruption soient également l’objet de représentations sociales. Pour les tenants de la théorie du noyau central comme Abric (2001), la fonction de savoir des représentations sociales repose essentiellement sur le noyau central et le système périphérique. Cette théorie peut être formulée en ces termes : l’organisation d’une représentation sociale présente une modalité particulière, spécifique. Non seulement les éléments de la représentation sont hiérarchisés mais par ailleurs toute représentation sociale est organisée autour d’un noyau central, constitué d’un ou de quelques éléments qui donnent à la représentation sociale sa signification. Les différences dans les représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants pourraient être à l’origine d’incompréhensions, de problèmes de communication et éventuellement d’un échec de la lutte contre la corruption. D’où l’importance de chercher à comprendre, dans le contexte ivoirien, les différences dans la structuration et l’organisation des représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants selon leur formation professionnelle. MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... Spécifiquement il s’agit de : - Déterminer la structure et l’organisation des représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du public d’une part et celle des enseignants du privé d’autre part. - Comparer ces deux représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire étudiées. Nous formulons l’hypothèse que :les enseignants du public qui ont reçu une formation pédagogique ont une représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire plus répressive que celle des enseignants du privé qui n’ont pas reçu de formation pédagogique. 1- METHODOLOGIE 1-1- Echantillon Il comprend 224 enseignants en fonction dans des établissements secondaires (03 établissements publics et 04 établissements privés) du district d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Les sujets sont repartis en 2 catégories : Les enseignants du public (E-Public) ont reçu une formation pédagogique dans une structure de formation pédagogique et les enseignants du privé (E-Privé) n’ont pas reçu de formation pédagogique. Ces différents enseignants sont au moins titulaires du DEUG (Diplôme d’études universitaires générales). Le tableau I indique la répartition des enquêtés par catégories enseignants et par genre. Tableau I : Répartition des enquêtés par catégories enseignants et par genre Catégories d’enseignants Hommes Genre E-Public E-Privé Totaux 56 56 112 Femmes 56 56 112 Totaux 112 112 224 1-2- Instruments et procédure Les questionnaires utilisés dans cette recherche sont basés sur une liste de 15 items relatifs à la solution à la corruption en milieu scolaire ivoirien. Ces items sont issus de l’analyse préalable d’un questionnaire d’évocation sur le terme de «la solution à la corruption en milieu scolaire ivoirien», adressé à 200 sujets, acteurs du système éducatif. Ce premier questionnaire a permis le repérage du contenu de la représentation sociale de la solution à la corruption de la population globale. Un second questionnaire dit «d’identification» a été soumis, sans tenir compte des caractéristiques de notre échantillon, à 50 sujets ayant au moins un niveau d’étude 149 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 universitaire. Pour son élaboration nous nous sommes inspirés du questionnaire de caractérisation et du questionnaire de mise en cause de Moliner (1993). Ce questionnaire propose aux sujets les items issus du traitement des données du questionnaire d’évocation afin qu’ils déterminent parmi ces items ceux qui semblent être pour eux des items faisant référence à la sanction. Il a permis de constituer deux bloc d’items : un bloc constitué des items sanctions et l’autre bloc constitué des items qui ne sont pas des sanctions ou item amélioration des conditions de vie. 150 Un troisième questionnaire ou questionnaire de caractérisation à été proposé à tous les sujets des 2 groupes d’enseignants (soit 224 sujets). La consigne essentielle était : A la suite de la lecture attentive de cette liste (liste des 15 items), vous êtes prié d’indiquer ce que les ivoiriens considèrent comme : 1- les 5mots ou expressions les plus importants qui traduisent les meilleures actions de lutte contre la corruption, et 2- les 5mots ou expressions les moins importants dans la lutte contre la corruption en milieu scolaire. Ce questionnaire de caractérisation a permis de déterminer la structure et l’organisation de la représentation sociale de la solution à la corruption de chaque groupe d’enseignants. Un quatrième questionnaire ou questionnaire de mise en cause proposé lui aussi à l’ensemble des sujets de l’échantillon (224) a permis la confirmation des éléments des noyaux centraux des représentations sociales de la solution à la corruption des enseignants du public et des enseignants du privé. La consigne pratique essentielle était : Pour chaque item, indiquez par une croix si : 1- Oui, c’est possible ou 2- Oui, ça peut être possible ou 3- Non, ce n’est pas possible. Les sujets ont rempli les différents questionnaires au sein de leurs établissements pendant leurs heures de pause, en présence de l’enquêteur. Dans les cas où nous avons eu la présence de plusieurs enquêtés au même moment, ceux-ci ont été organisés dans la salle des professeurs ou autre salle de l’école afin de répondre par écrit aux questions qui étaient soumis à chacun. Dans le cas contraire, la passation se faisait individuellement. En définitive, cette enquête nous a conduit à aller plusieurs fois sur le terrain afin d’administrer à différents moments et dans l’ordre le questionnaire d’évocation, le questionnaire d’identification MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... des items, le questionnaire de caractérisation et le questionnaire de mise en cause. 1-3- Traitement des données Le logiciel «EVOC 2005», a permis le traitement des données du questionnaire d’évocation qui à aboutit à la détermination des items du questionnaire de caractérisation. Ce dernier questionnaire à été traité avec le logiciel «SIM 2005» afin d’obtenir les graphes de similitude. En plus des logiciels informatiques, le test du Khi-deux (X²) de Pearson a permis la comparaison des fréquences des items à l’issu du questionnaire de centralité. 1-4- Variables La variable indépendante est la formation professionnelle. Elle a deux modalités : enseignant du public (enseignants qui ont une formation pédagogique) et enseignant du privé (enseignants qui n’ont pas de formation pédagogique). La variable dépendante est étudiée sous deux aspects qui correspondent à différents niveaux de solution. Il s’agit de la représentation sociale de la solution à la corruption marquée par les sanctions ou (représentation sociale répressive de la corruption) et la représentation sociale de la solution à la corruption marquée par l’amélioration des conditions de vie (représentation sociale non répressive de la corruption). 2- RESULTATS 2-1- Contenu de la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire Le traitement des données du questionnaire d’évocation a abouti à la détermination et au regroupement du contenu de la représentation de la solution à la corruption de la population globale en 15 items. Le questionnaire d’identification des items a pour but d’identifier dans la liste des 15 items issue du traitement du questionnaire d’évocation, les solutions qui renvoient à des sanctions. Le tableau II suivant présente les fréquences des réponses sanction ou non sanction pour les 15 items relatifs à la solution à la corruption en milieu scolaire. 151 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Tableau II : Fréquences des réponses sanctions ou non sanctions pour les 15 items relatifs à la solution à la corruption en milieu scolaire. OUI, c’est une sanction NON, ce n’est pas une sanction 01- Sensibiliser les acteurs du milieu éducatif 0 (0%) 50 (100%) 02- Travailler avec Rigueur 2 (4%) 48 (96%) 03- Créer des Structures et voter des lois anticorruption 1 (2%) 49 (98%) 04- Education Civique Morale et Religieuse des élèves 0 (0%) 50 (100%) 05- Dénoncer les corrompus et corrupteurs 42 (84%) 8 (16%) 06- Suspendre les salaires des corrompus et des corrupteurs 45 (90%) 5 (10%) 07- Licencier le personnel éducatif et exclure l’élève en cas de corruption avérée. 50 (100%) 0 (0%) 08-Noter la conduite des élèves 44 (88%) 6 (12%) 09- Emprisonner les corrupteurs et les corrompus 50 (100%) 0 (0%) 10- Exemplarité du personnel éducatif 0 (0%) 50 (100%) 11- Augmenter les salaires des enseignants 0 (0%) 50 (100%) Items 152 12- Reconnaître le mérite 0 (0%) 50 (100%) 47 (94%) 3 (6%) 14- Construire plus d’écoles avec suffisamment de matériels de travail. 0 (0%) 50 (100%) 15- Donner une formation pédagogique aux enseignants 0 (0%) 50 (100%) 13- Amender les corrompus et les corrupteurs N= 50, Pourcentage entre parenthèse, Seuil D= 80,76% (41/50 sujets) Sur la base des réponses observées à ce questionnaire d’identification des items, nous avons choisi de diviser nos items en deux blocs selon qu’une majorité de sujets les aient classés dans la catégorie des items sanctions ou non. Ainsi, 6 items ont été identifiés comme items sanctions. Ce sont les items 5, 6, 7, 8, 9, 13. Pour chacun de ces items, plus de 81% de la population interrogée confirment qu’il renvoie à une sanction. Les 9 autres items ne font pas référence à des sanctions. Nous avons qualifié MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... ces items «d’items amélioration des conditions de vie». Ce sont les items 1, 2, 3, 4, 10, 11, 12, 14, 15. 2-2- L’analyse des graphes de similitude L’analyse du graphe de similitude de la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire (RSSC) des Enseignants du Privé (E-privé) et celui des Enseignants du Public (E-public) met en lumière les différences dans la connexité et la saillance de leurs différents éléments (items). Figure 1 : Graphe de similitude de la RSSC des E- public au seuil [20-20%] 153 Figure 2: Graphe de similitude de la RSSC des E-privé au seuil [20-20%] © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 L’observation de ces deux graphes de similitude au seuil .20, nous montre que les deux représentations sociales de la solution à la corruption, ici, sont différentes quant à leur organisation. 154 En effet la représentation sociale de la solution à la corruption des enseignants du privé semble s’organiser autour d’une seule dimension. Il s’agit des items «rigueur», «exemplarité»,«sensibiliser »,«augmenter-salaires», «reconnaîtremérite» et «amender». Pourtant, en ce qui concerne le graphe des Enseignants du Public, il montre une représentation sociale de la solution à la corruption qui s’organise autour de 3 univers. Le premier univers est formé par le lien entre des items sanctions essentiellement. Il s’agit de la suspension des salaires et le payement d’amende en cas de corruption. Le deuxième univers s’organise autour des solutions associant les sanctions et l’amélioration des conditions de vie. Précisément, ce dernier univers privilégie la dénonciation, la sensibilisation, et la rigueur dans le travail. Le troisième univers, met exclusivement en relation les items amélioration des conditions de vie tels que l’augmentation des salaires du personnel éducatif, la reconnaissance du mérite, la formation pédagogique des enseignants, et la mise en place des infrastructures. Ces deux représentations sociales de la solution à la corruption ont en commun d’associer sanctions et amélioration des conditions de vie pour une efficacité de la lutte contre la corruption à l’école. Au niveau des arêtes, nous remarquons que dans la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du privé il existe une forte relation entre la reconnaissance du mérite et l’amendement, entre l’augmentation des salaires du personnel éducatif et la reconnaissance du mérite, entre la sensibilisation et l’exemplarité, de même qu’entre la sensibilisation et l’augmentation des salaires du personnel éducatif, en plus entre rigueur et exemplarité. Or, dans la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du public, les quatre arêtes les plus importantes mettent en relation des items relatifs à l’amélioration des conditions de vie. Ces arêtes lient la dénonciation à la sensibilisation, la rigueur dans le travail à la sensibilisation, l’augmentation des salaires à la formation pédagogique, et l’augmentation des salaires à la disponibilité des infrastructures. Il ressort de ces constats que la relation entre «reconnaîtremérite» et «augmenter-salaires» MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... se vérifie au niveau des deux représentions sociales de la solution à la corruption des deux groupes d’enseignants. 2-3- Comparaison des noyaux centraux des 2 représentations sociales de solution à la corruption en milieu scolaire. La confrontation des deux résultats au x épreu ves de centralité (tableau III) nous situe sur les rapports entre le noyau central des deux représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire mises en cause. Tableau III : Comparaison des score de centralité (fréquences de réponses négatives) des 15 items dans les RSSC des E-Privé et des E-Public. Items E-Privé E-Public X² DDL Seuil Signif. Items amélioration des conditions de vie 01- Sensibiliser 106 (94,64%) 105 (93,75%) 0,77 2 .05 DNS 02- Rigueur 80 (71,43%) 99 (88,39%) 0,01 2 .05 DNS 03- Structures-lois 74 (66,07%) 91 (81,25%) 0,01 2 .05 DNS 04- ECMR 77 (68,75%) 69 (61,61%) 0,26 2 .05 DNS 10- Exemplarité 71 (63,39%) 90 (80,36%) 10,04 2 .05 DS 11- Augmenter-salaires 103 (91,96%) 107 (95,54%) 0,27 2 .05 DNS 12- Reconnaitre-mérite 61 (54,46%) 95 (84,82%) 7,01 2 .05 DS 14- Infrastructures 99 (88,39%) 76 (67,86%) 0,02 2 .05 DNS 15- Pédagogique 72 (64,29%) 78 (69,64%) 0,39 2 .05 DNS Items sanctions 05- Dénoncer 48 (42,86%) 100 (89,28%) 10,05 2 .05 DS 06- Suspendre-salaires 15 (13,39%) 20 (17,86%) 0,35 2 .05 DNS 07- Licencier-exclure 36 (32,14%) 98 (87,75%) 9,02 2 .05 DS 08- Notes-conduite 91 (81,25%) 22 (19,64%) 7,01 2 .05 DS 09- Emprisonner 52 (46,43%) 73 (65,18%) 0,01 2 .05 DNS 13- Amender 50 (44,64%) 36 (32,14%) 0,05 2 .05 DNS 155 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Seuil de significativité D = 87,15% (98 sujets /112) 156 Les noyaux centraux de ces deux représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire ont en commun certains éléments. Il s’agit de la sensibilisation et de l’augmentation des salaires du personnel éducatif. En revanche les noyaux centraux de ces deux représentations sociales de la solution à la corruption sont différents quant à certains éléments et au poids de la sanction. En effet, le noyau central de la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du privé contient l’item sensibilisation alors que cet item est absent dans le noyau central de la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du public. De même, les items «dénoncer», et «licencier-exclure» sont présents dans le noyau central de la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du public alors qu’ils ne le sont pas dans celui des enseignants du privé. En plus, la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire (RSSC) des enseignants du privé est différente de celle des enseignants du public par la présence dans son noyau central (NC) d’éléments faisant exclusivement appel aux actions d’amélioration des conditions de vie. Ainsi, les enseignants du privé accordent peu d’importance aux sanctions dans la lutte contre la corruption à l’école comme l’indique le tableau IV. Tableau IV : Comparaison des fréquences des deux blocs d’items dans les NC des RSSC des E-Privé et E-Public Blocs d’items Amélioration des conditions de vie Sanctions E-Privé E-Public X² DDL Seuil Signif. 308 (100%) 311 (61,10%) 0,85 1 .05 DS 0 (0%) 198 (38,90%) 0,96 1 .05 DS Pour chacune de ces représentations sociales, les sanctions sont significativement peu représentées dans le noyau central par rapport aux actions d’amélioration des conditions de vie. La présence des items sanctions dans le noyau central de la représentation des Enseignants du Public est significativement supérieure à la présence des items sanctions dans le noyau central de la représentation sociale de la solution à la corruption des enseignants du privé. MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... Ainsi les représentations sociales de la solution à la corruption des deux groupes d’enseignants sont différentes. En effet, les enseignants du public ont une la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire plus répressive que celle des enseignants du privé. Ce résultat confirme notre hypothèse. 3- DISCUSSION Les résultats de cette étude montrent que les représentations sociales de la solution à la corruption des enseignants du public et ceux du privé sont différentes les unes des autres quant aux éléments constituant leur noyau central. Pour Abric (1994), ces différences de représentations sociales sont dues à des différences de pratiques. Ainsi les Enseignants du Privé et les Enseignants du Public, n’ont pas les mêmes niveaux de tolérance à l’égard de la corruption ou les mêmes rapports à la corruption. Les Enseignants du Privé envisagent une lutte contre la corruption dans le milieu scolaire nécessairement basée sur la sensibilisation de la population, l’augmentation des salaires du personnel éducatif et la disponibilité des infrastructures. Or, pour les Enseignants du Public l’on ne pourrait pas lutter efficacement contre la corruption sans les actions prioritaires suivantes : la sensibilisation, la rigueur au travail, l’augmentation des salaires du personnel éducatif, la dénonciation de la corruption, le licenciement et l’exclusion des corrompus et corrupteurs. La formation pédagogique est à l’origine des différences dans les représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants du public et ceux du privé selon Latvack et Barrington (2003). Pour Peoch et al (2004), ces différences dans les représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire des 2 groupes d’enseignants étudiés expliquent des différences de stratégies de lutte contre la corruption en milieu scolaire souhaitées par les enseignants. Au-delà, elles expliquent des différences dans les comportements des enseignants à l’égard du processus de lutte contre la corruption et à l’égard de la corruption à l’école. Certains groupes d’enseignants pourraient accepter volontiers d’être des acteurs de la lutte contre la corruption en éduquant leurs enfants ou élèves dans ce sens et en refusant toutes formes de corruption si la stratégie de lutte contre la corruption mise en place prend au moins en compte les éléments 157 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 des noyaux centraux de leurs représentations sociales de la solution à la corruption. Alors que d’autres groupes d’enseignants refuseraient de s’engager dans la lutte contre la corruption pour devenir des acteurs passifs (qui ne dénonce pas les cas avérés de corruption) ou des acteurs corrompus si le processus de lutte contre la corruption ne prend pas en compte au moins les éléments des noyaux centraux de leurs représentations sociales de la solution à la corruption en milieu scolaire. 158 Au niveau de la qualité répressive des différentes RSSC (représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire) l’hypothèse selon laquelle les enseignants du public ont une RSSC plus marquée par les sanctions que celle des enseignants du privé est confirmée. Ces différences interindividuelles sont considérées comme des variations dans des prises de positions par rapport à des enjeux communs (Doise, 1992). Les prises de position par rapport à la lutte contre la corruption dans le milieu scolaire sont organisées selon des principes organisateurs différents et ancrés dans les différences de formation professionnelle. Ainsi, la formation pédagogique des enseignants du public explique une plus forte présence des sanctions dans la représentation sociale de la solution à la corruption de ceuxci contrairement à celle des enseignants du privé.A ce titre, la formation pédagogique forge la conscience professionnelle des enseignants. Elle inculque aux enseignants les principes pédagogiques qui sont pour eux des lois à respecter afin d’être efficaces dans leur mission d’éducation (Lac, 2003). Il est donc nécessaire d’exiger la formation pédagogique des enseignants et d’encourager la communication entre les différents acteurs du système éducatif afin de réduire les divergences autour de la question de la corruption et préconiser des stratégies de lutte prenant en compte les exigences des différents acteurs. TransparenciaMexicana (2005) considèrent l’école et les enseignants comme la deuxième institution la plus importante en matière de lutte contre la corruption après la famille. C’est pourquoi au sens de Khandelwal et Biswal (2005) l’implication des acteurs du système éducatif dans la conception et la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption est donc déterminante dans réussite du processus de lutte contre la corruption en MEITE Zoumana : corruption en milieu scolaire ivoirien, representations... milieu scolaire. Il est souhaitable que l’on encourage l’école pour tous afin de relever le niveau d’instruction de la population. Avec Glaeser et Saks (2004) nous pouvons dire que le relèvement du niveau d’instruction favorise l’accès des citoyens à des travaux mieux rémunérés et leur permet de comprendre leur droit et devoirs afin de faire face à toute tentative de corruption. Cette étude permet de situer les éléments importants et primordiaux pour une lutte efficace contre la corruption en milieu scolaire. Ce sont : la sensibilisation, la rigueur dans le travail, l’augmentation du salaire du personnel, la disponibilité des infrastructures, la dénonciation, l’emprisonnement, l’exclusion ou le licenciement des corrompus et corrupteurs. Pour Reinikka et Svensson, (2003), la diffusion de l’information favorise la transparence permet une baisse de la corruption. La sensibilisation des acteurs du milieu scolaire permet la diffusion d’information sur la corruption et favorise une prise de conscience des effets néfastes du phénomène. A la suite de cette étude dont les conclusions sont celles que nous venons de présenter, nous pouvons relever des limites qui pourraient susciter des recherches ultérieures. En effet, notre étude s’est limitée à la représentation sociale de la solution à la corruption en milieu scolaire des enseignants. Or il serait plus complet d’élargir l’enquête à d’autres acteurs du système éducatif tels que les parents d’élèves, les élèves, l’administration scolaire, les ministères impliqués et les bailleurs de fonds dans le système scolaire. De même, il est important de déterminer clairement ce que c’est que la corruption pour chacun des acteurs, les pratiques en cours et les causes de la corruption. Aussi faut-il prévoir des études longitudinales pour évaluer les politiques de lutte contre la corruption. BIBLIOGRAPHIE Abric, J.-C : (1994), «Les représentations sociales : aspects théoriques», dans ABRIC, J.-C. (éd.), Pratiques sociales et représentation, Paris, PUF, P.11-35. Abric, J.-C. 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La technique d’échantillonnage utilisée est de type accidentel avec un échantillon de 100 sujets. données permettent d’affirmer que le genre et l’âge ont une incidence sur la nature des éléments consensuels des représentations sociales de la fille-mère en milieu scolaire ivoirien. Mots clés : représentation sociale, fille-mère, noyau central, éléments périphériques. ABSTRACT Les résultats obtenus indiquent des différences de représentations selon l’âge et le genre. Les données recueillies sont traitées à l’aide des logiciels EVOC 2005 et le SIMI 2005. Le nombre total de mots recueillis est de 500, avec 149 mots différents dont le rang moyen est de 2,50. This research aims to analyze the social representations of teenage mother according to gender and the age. It based on the theory of the social representations. We leaned on the structural approach proposed by Abric. The data collection was done through the evocation and characterization questionnaires. The sampling technique used is an accidental type with a sample of 100 individuals. Selon les critères de prototypicalité et grâce aux catégories de mots repérés, un graphe est construit. L’analyse et l’interprétation des The results indicate differences of representations according to the age and gender. The data are processed using the software EVOC 2005 and GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... SIMI 2005. The total number of words collected is 500, consisting of 149 different words with an average rank of 2.50. According to the criteria of prototypicality and the categories of words marked, a similarity graph is constructed. The analysis and the interpretation of the data allow asserting that gender and the age have an impact on the nature of the consensual elements of social representations of teenage mother in schools of Cote d’Ivoire. Key words : Social representation, teenage mother, central system, peripheral element INTRODUCTION Les grossesses en milieu scolaire font l’objet d’une préoccupation majeure en Côte d’Ivoire. Les effets de cette situation dans le système éducatif sont non négligeables. Selon les estimations recueillies en 2012 par l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) N Christ, notre pays compte environ 4 millions d’élèves dont 73% du primaire, 17% du premier cycle, 5% du second cycle, 1% de l’enseignement technique et professionnel et 4% du supérieur. Selon cette ONG, les élèves âgés de 6 à17 ans ayant abandonné l’école sont évalués à 374893 dont 53% de sexe féminin. Parmi elles, on dénombre 39738 fillesmères soit un ratio de 20%. Les dernières statistiques du Programme National de la Santé Scolaire et Universitaire (Pnssu, 2011) font état de 10000 cas de grossesse en 2010 dans les écoles de Côte d’Ivoire dont 3191 dans les lycées et collèges. Parmi elles, on compte 1394 fillesmères dont l’âge varie entre 18 et 30 ans et qui ont au moins un ou deux enfants. Le phénomène des filles mères connait donc une ampleur alarmante en Côte d’Ivoire (rézo-ivoire.net, 2011). Au cours de l’année scolaire 2012-2013, la Direction de la Planification de l’Evaluation et des Statistiques (DPES) du Ministère de l’Education Nationale et de l’Enseignement Technique (MENET) a enregistré 5076 cas de grossesse de fillesmères dont 3868 cas dans les établissements secondaires, soit 76 % du ratio national avec une prépondérance dans la tranche d’âges de 11 à 15 ans (1437cas). Tirant la sonnette d’alarme, Bédé (2013 ; P.8) parle d’un véritable scandale pour l’éducation des filles en Côte d’Ivoire. Plusieurs facteurs sont à l’origine du phénomène d’adolescente mère. Il s’agit, entre autres, des facteurs socioéconomiques et culturels ainsi que des facteurs psychologiques et cognitifs. 163 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Au niveau socio-économique, Le Van (1995) a montré que la maternité à l’adolescence survient plus fréquemment dans les milieux socio-économiques défavorisés, dans les quartiers plus pauvres, chez les jeunes filles qui ont de faibles attentes concernant leurs perspectives d’avenir sur le plan scolaire et professionnel. 164 L’apparition d’une maternité à l’adolescence est également influencée par des facteurs culturels (Corcoran et al, 2000 ; Loignon, 1996). Dans une étude réalisée en France, Francher et al. (2002) ont montré que 46,8% des adolescentes mères étaient originaires d’Afrique subsaharienne où la maternité précoce est valorisée. Toujours en rapport avec l’environnement social, Loignon (1996) avance que les mass médias entrainent une dépravation des mœurs. Ils plongent, selon lui, l’adolescente dans un autre monde culturel en modifiant tout ce qu’elle a reçu comme valeurs morales dans la famille et à l’école. A cela, il faut ajouter l’échec de l’éducation sexuelle à l’école du fait de sa nature informative. Au plan psychologique, un certain nombre d’études ont montré que la maternité précoce était souvent intentionnelle. Davies et al. (2003) ont affirmé que 23,6% des adolescentes exprimaient un certain désir d’être mères. La maternité (et plus encore le désir d’enfant) est utilisée comme une démarche de comblement des carences de l’enfance (Marcelli, 2000). En effet, les violences physiques, les carences affectives et les négligences éducatives pendant la petite enfance apparaissent fortement corrélée avec la maternité précoce (Uzan, 1998). Un autre facteur pouvant expliquer la maternité précoce est le manque de connaissances. De manière générale, les jeunes filles connaissent l’existence des principales méthodes contraceptives (Sundby et al, 1999), mais manquent de connaissances sur leur bonne utilisation. De son côté, Kamuna (1996) considère le phénomène de fillesmères comme la conséquence sociale des rapports sexuels non contrôlés qui, pour cet auteur, débouchent sur les naissances non désirées. Les enfants qui naissent dans des telles conditions sont souvent mal aimés et au fur et à mesure qu’ils grandissent, ils deviennent insupportables pour la famille. Pour Filakembo (2006), le fléau des filles-mères est vraiment GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... présent dans nos familles avec toutes les difficultés que cela engendre. Selon l’auteur, cette problématique crée des conflits parce qu’elle enfreint à l’idéal africain de la virginité et du mariage pour la jeune fille. Elle introduit des nouveaux rapports sociaux dans la famille et occasionne de nouvelles charges supplémentaires pour ces familles, elles-mêmes démunies. L’auteur (op.cit.) met donc en relief les conditions de précarité des familles de la fillemère et son enfant. Dans le système scolaire ivoirien, cette situation prend de plus en plus un axe ascendant malgré les campagnes de sensibilisation, les différentes méthodes contraceptives, les cours dispensés et les conférences prononcées dans les établissements scolaires. Cette réalité sociale nous a encouragé à analyser et à comprendre les représentations des ivoiriens concernant les grossesses en milieu scolaire. En effet, il est de plus en plus récurrent de voir de nos jours des élèves pré-adolescentes avec des grossesses prématurées, qui ont souvent du mal à identifier l’auteur de leur état gravidique. Les conséquences sont patentes : compromission d’avenir, éducation ratée, délinquance, etc. Lorsqu’une jeune élève est enceinte, elle constitue un véritable problème pour elle-même, pour ses parents, un handicap pour ses études et son développement personnel. Ainsi, selon Sekandji (2012), les conséquences de ce phénomène sont d’ordre sanitaire, moral et scolaire. Au niveau sanitaire, le corps de la fille n’étant pas préparé à recevoir un fœtus, subit des changements, des complications suite au développement du futur bébé. De même la fille, sous les regards malveillants de son entourage, rentre dans un état profond de soucis, d’anxiété. Ce qui peut aboutir à des troubles psychiques. Aussi, dans la plupart des cas de grossesse en milieu scolaire, le premier réflexe de la jeune fille est de procéder à un avortement clandestin qui crée la stérilité, des troubles obstétricaux voire la mort. Au plan moral, soutient Sekandji (op.cit.), l’honneur d’une fille est un exemple pour ses camarades et une valeur pour ses parents. Mais lorsqu’elle est enceinte, elle devient la risée de toute la communauté et un objet de honte pour la famille. Toutes les religions condamnent le rapport sexuel avant le mariage. Les parents de cette jeune fille ressentent un échec personnel sur l’éducation qu’ils ont donnée 165 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 à leur progéniture et deviennent par conséquent très sévères avec cette enfant et sa fratrie. Au niveau scolaire, l’élève qui est en grossesse peut continuer de suivre les cours pendant quelques mois encore, mais sera toujours contrainte à abandonner. Dans le meilleur des cas, elle perd une année ou échoue à son examen, si elle n’a pas été bien suivie. La déscolarisation devient inévitable. Par contre, si le suivi est bien effectué, la jeune fille reprend sa scolarisation en prenant conscience de combler son retard scolaire. Du point de vue social, 166 l’étude apporte sa contribution à l’analyse des contradictions que renferme notre société. Elle apparaît pour éveiller les consciences des responsables politiques, des partenaires de l’école et des familles face à l’ampleur du phénomène des filles-mères qui fragilise de plus en plus les institutions éducatives, familiales et communautaires (Dmoss 2012). La situation est tellement alarmante que parents d’élèves, enseignants, et partenaires de l’école initient des campagnes de sensibilisation pour éviter les grossesses des jeunes filles en milieu scolaire. En Côte d’Ivoire, la Direction de la Mutualité et des Œuvres Sociales en Milieu Scolaire (DMOSS) organise à l’endroit des élèves une campagne de sensibilisation en collaboration avec l’ONG « Save the children » (Gnéproust, 2008). L’école se présente comme un canal pour assurer l’éducation et la formation des filles afin de leur permettre d’atteindre la capacité d’insertion socioprofessionnelle. Cependant, force est de constater en Côte d’Ivoire que cette école devient souvent source de maternité pour les filles et les éjecte par la suite de son système. Dans le milieu scolaire, les grossesses nous interpellent. Elles constituent le signe d’un danger : celui de la sexualité des adolescents, sphère remplie de non-dits et d’interdits (Dmoss, 2012). Pour Dubois (2011 ; p.8), la maternité précoce est en quelque sorte «le flagrant délit» de la sexualité des jeunes. Elle est vécue par beaucoup d’adultes comme un événement ingérable et un peu insensé : c’est un corps tiraillé entre l’enfance et l’âge adulte qui porte un autre enfant. «C’est un jeune jugé incompétent ou immature qu’on pointe du doigt, c’est une aberration et ça ne devrait pas exister». C’est pourquoi, nous voulons comprendre la représentation que GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... les ivoiriens ont de la fille-mère en milieu scolaire. Les conduites quotidiennes de l’entourage vis-àvis de la fille constituent en général le facteur principal de son rejet ou de son acceptation. Les facteurs individuels comme le genre et l’âge constituent donc pour nous des variables essentielles de référence impliquées dans la justification des représentations que les ivoiriens se font de la fille-mère. Le choix de ces variables relève des principales observations que nous avons effectuées. Il y a d’abord les stéréotypes et les préjugés sur ces filles. Le fait que certaines personnes acceptent ces filles-mères et d’autres les récusent indique bien que les pratiques des individus dans leur milieu de vie sont fonction de leur représentation sociale (Gnamba et Moumou 2013). A l’heure de l’évolution des mentalités, de la disponibilité des moyens contraceptifs et la diffusion de l’information concernant la contraception, nombre de jeunes filles se retrouvent enceintes, parfois malgré elles ou en toute insouciance. En observant de près le phénomène de la maternité précoce, on peut remarquer que cette réalité sociale est plus complexe qu’elle n’y parait. Cette complexité a été révélée par Lefebvre (2007) à travers une étude intitulée «ni filles, ni femmes ; ces inclassables fillesmères». Dans cette recherche, il décrit la situation des filles-mères à Ouahiguaha en s’intéressant à leur vécu et à l’ensemble des représentations qui y sont associées. C’est dans cette perspective que s’inscrit notre recherche qui vise à comprendre les représentations sociales que les ivoiriens, en fonction de leur genre et de leur âge, organisent autour du phénomène des filles-mères. Selon Moscovici (1976), la représentation sociale est un système de valeurs, de notions, des pratiques relatives à un objet, des aspects ou des dimensions du milieu qui permet la stabilisation et l’orientation de la perception des situations et l’élaboration des réponses. La représentation sociale, en tant que processus mental, remplit une fonction intermédiaire entre les concepts scientifiques et l’action. Pour Morf (1984), Grize et coll. (1987), elle articule deux univers différents, l’un en relation avec la conceptualisation et le raisonnement dans lequel un individu fonctionne en tant que système cognitif et l’autre en relation avec les déterminations sociales, socio-économiques, culturelles, idéologiques, etc. 167 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Jodelet (1989, p.36) définit les représentations sociales comme «des phénomènes cognitifs engageant l’appartenance sociale des individus par l’intériorisation de pratiques et d’expérience, de modèles de conduite et de pensée». Cela dit, la fille-mère est perçue selon les représentations sociales des individus. 168 En effet, la façon dont l’on gère et utilise une ressource repose, en partie, sur la représentation que l’on se fait. Il est aujourd’hui admis qu’une représentation sociale entretient avec les pratiques qui lui correspondent une relation interactionnelle (Abric, 1994), et que pratique et représentation «s’engendrent mutuellement». Ainsi, comme le soulignent Garnier et Sauvé (1999), il existe un lien étroit entre la représentation et l’agir. Selon cet auteur (1989 ; p 39), la représentation sociale se distingue par son caractère social. Elle est élaborée et partagée par tous les membres de la société. Elle a une finalité d’organisation et d’orientation des communications et des conduites permettant d’acquérir une vision de la réalité commune à tous les membres d’un ensemble social déterminé. En somme, les membres d’un groupe social ont en commun des croyances, des idées, des valeurs, des attitudes en un mot des représentations. En tant que modèle de connaissance, la représentation sociale implique d’abord une activité de reproduction des propriétés d’un objet, s’effectuant à un niveau concret, fréquemment métaphorique et organisée autour d’une organisation centrale. Cette reproduction n’est pas dans l’esprit d’une réalité externe parfaitement achevé, mais un remodelage, une véritable« construction » mentale de l’objet, conçu comme non séparable de l’activité symbolique d’un sujet ; elle-même solidaire de son champ social (Herzlich, 1972). De son côté, Abric (1994a, p.13) définit la représentation sociale comme une vision fonctionnelle du monde qui permet à un individu ou un groupe de donner un sens à ses conduites et de comprendre la réalité à travers son propre système de référence, donc de s’y adapter, d’y définir une place. Pour cet auteur (1994a), deux représentations d’un même objet sont différentes si leur système central est différent. Les représentations sociales des fillesmères chez les ivoiriens seront donc différentes selon leur genre et leur âge car elles se constituent à partir de leurs expériences et leur vécu. Ainsi ces représentations conditionnent leurs attitudes et GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... leurs comportements ; l’attitude situant l’objet de la représentation de manière positive ou négative. Pour Ajcardi et Therme (2007), le contenu de la représentation sociale est lié à l’appartenance à un groupe social et à l‘existence d’un objet précis de représentation. Dans notre cas, il est question de voir sur quelle représentation s’érigent le discours et le comportement des ivoiriens concernant le phénomène des filles-mères. Les représentations sociales sont en effet porteuses de sens, elles créent du lien. En cela, elles ont une fonction sociale en aidant les gens à communiquer, à se diriger dans leur environnement et à agir. Les représentations sociales engendrent donc des attitudes, des opinions et des comportements. Quelles sont alors les représentations sociales de la fille-mère pour la population ivoirienne ? De façon spécifique, quel est l’impact du genre et de l’âge sur les représentations des habitants de la commune de Port-Bouët au sujet des fillesmères scolarisées ? Parmi la multitude des approches théoriques et des méthodes employées pour étudier les représentations sociales, l’approche structurale proposée par Abric paraît la plus appropriée pour atteindre les objectifs de cette recherche. Selon cette approche, la représentation sociale est constituée par le système central (noyau central) et le système périphérique (Abric, 1994). Le système central «est déterminé par la nature de l’objet, par le type de relations que le groupe maintient avec cet objet, et finalement, par le système de valeurs et de normes qui constituent l’environnement idéologique du moment et du groupe»(Abric, 2001, p.43). Composé d’éléments stables et peu nombreux, le système central de la représentation est une manifestation de la pensée sociale qui forme la part non négociable de la représentation. Ces éléments inscrits dans le noyau central sont nécessaires et constituent des prescriptions absolues. En ce qui concerne le système périphérique, il est constitué d’éléments en grand nombre, instables qui font l’interface entre les éléments centraux et la situation dans laquelle se trouve l’individu. Ils concrétisent le noyau central en créant une ambiance contextuelle particulière (Ehrlich, 1985), régulent la dynamique structurale de la représentation et fonctionnent comme un système de défense des éléments centraux en intégrant les changements à l’image d’un «parechoc» (Flament, 1987) qui amortit et résorbe les chocs. 169 © educi 170 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 La théorie du noyau central va donc nous permettre d’appréhender les éléments stables et résistants qui donnent le sens de la représentation que les ivoiriens ont des filles-mères ainsi que les éléments périphériques variables qui permettent la compréhension de ce noyau. Ce repérage du système central va permettre l’étude comparative des représentations au regard des variables que sont le genre et l’âge. De plus, le statut des éléments centraux est susceptible de varier en fonction «de la relation que le groupe entretient à un moment donné avec l’objet représenté » (Abric &Tafani, 1995, p.31). La théorie du noyau central en tant que modèle explicatif des représentations sociales nous aidera à mieux comprendre la structure interne de la représentation du phénomène des filles-mères par les ivoiriens. Autrement dit, nous voulons connaître les représentations sociales de la fille-mère en milieu scolaire, chez les hommes et les femmes selon leur âge, de quoi sont composées ces représentations et comment elles sont structurées. Fort de ces argumentations, nous formulons les hypothèses suivantes : H1 : Les hommes ont une représentation sociale des fillesmères différente de celle des femmes. H2 : La composition et la structure des représentations sociales des filles-mères ne sont pas les mêmes chez les jeunes et chez les adultes. 2-Méthodologie Au regard des hypothèses ci-dessus, nous avons adopté une approche comparative entre les groupe de sujets. Comme variables indépendantes, nous avons le genre et l’âge. La variable «genre», est de nature qualitative avec deux modalités : masculin et féminin. Elle est appréhendée à travers le questionnaire d’identification. En ce qui concerne la variable «âge», elle est de nature quantitative et se regroupe en deux catégories : les jeunes âgés de 16 ans à 35 ans et les adultes de 36 ans à 55 ans. La variable dépendante est la représentation que les ivoiriens ont de la fille-mère. Cette variable est de nature qualitative. Elle concerne les réponses des répondants au questionnaire d’évocation ou association libre et qui représentent les structures sociocognitives mises en œuvre par les sujets à propos de la fillemère en milieu scolaire. 2.1. Population Cette étude a été menée par auto-questionnaires administrés à un échantillon de cent (100) sujets repartis en sous-groupes GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... selon le genre (50 hommes et 50 femmes) et l’âge (50 jeunes et 50 adultes). Ces sujets ont tous un niveau d’études secondaires du second cycle. La constitution de cet échantillon s’est faite à l’aide de la technique d’échantillonnage accidentel. La recherche a été réalisée dans la commune de Port Bouët qui fait partie des dix communes du district d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. Le choix de cette agglomération n’est pas fortuit. Selon les statistiques réalisées par le Ministère d’Etat, Ministère du plan et du développement (juillet 2012), la commune de Port Bouët est l’une des communes du district d’Abidjan où l’on dénombre le plus grand de fillesmères en milieu scolaire (3,8% du ratio national en 2012). 2.2. Dispositif Le questionnaire a été construit grâce à la littérature scientifique relative aux méthodologies de recueil et d’analyse des représentations sociales (Doise, Clémence &Lorenzi-Cioldi, 1992 ; Abric, 2003). Il est composé de trois volets comprenant en plus du volet sociodémographique classique (genre, âge, niveau d’études, commune de résidence), deux outils différents de recueil des représentations : un questionnaire d’évocation (Vergès, Tyszka& Vergès, 1994) et un questionnaire de caractérisation (Flament, 1996). Le questionnaire d’évocation consiste à demander d’abord aux sujets enquêtés d’énumérer les cinq (5) mots qui leur viennent à l’esprit lorsqu’ils entendent l’expression «fille-mère». Ensuite, ils doivent hiérarchiser les trois mots les plus importants selon un ordre décroissant. Enfin, une dernière question est demandée aux sujets de souligner les deux mots les plus caractéristiques selon eux de la «fille-mère». Trois indicateurs de centralité sont alors pris en compte simultanément. Il s’agit de la fréquence d’évocation, du rang moyen d’apparition et du soulignement du mot (Grise, Vergès et Silem, 1987 ; Vergès, 1992). Pour définir les éléments du noyau central de la représentation sociale, nous avons utilisé la méthode créée par Vergès (1992) qui repose d’une part, sur une analyse lexicographique et d’autre part, sur la définition de catégories. Ce traitement s’effectue à l’aide d’un programme informatique Evoc 2000 (version 2005). L’analyse lexicographique permet à partir de la fréquence d’apparition des termes, de leur rang moyen d’évocation et de leur importance (matérialisée par leur 171 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 soulignage) de caractériser les éléments du noyau. Cette approche postule qu’un mot apparaissant fréquemment, en début d’évocation et souligné revêt un caractère central dans la représentation. Il est ainsi possible de le définir comme étant du noyau central ou du système périphérique. 3-RÉSULTATS Les résultats sont présentés sous la forme d’une approche comparative d’une part, entre les hommes et les femmes et d’autre part, entre les jeunes et les adultes. Tous les questionnaires sont exploitables à 100 %. Les sujets ont élaboré 500 associations pour caractériser le phénomène de filles-mères. Ces mots et expressions ont été distribués en 12 catégories qui sont : «difficultés économiques», «inconsciente», «manque éducation», «immaturité», «courageuse», «violence», «avenir compromis», «irresponsabilité», «moralité», «déshonneur», «affection» et «cas sociaux». Le nombre des mots différents recueillis sur les données générales de l’ensemble de la population est de 149 et le rang moyen est de 2,50 (classement de 1 à 5). 172 3-1. Représentation sociale de la fille-mère par l’ensemble des sujets enquêtés Tableau I : Répartition des évocations chez l’ensemble des sujets selon la fréquence et le rang moyen Rang moyen < 3 Rang moyen >= 3 Fréquence supérieure ou égale à 10 25 Difficultés économiques (2.90) 21 immatures (2.25) 20 célibataires (2.25) 24 déscolarisation (3.20) 22 ignorantes (3.50) Fréquence inférieure à 10 16 inconscientes (2.87) 14 irresponsables (3.02) 14 enfants indésirés (2.71) 14 Pas protection (2.18) 11 manque éducation (2.09) 6 avenirs compromis (2.72) 12 innocentes (4.08) 12 irrespectueuses (3.25) Pour les sujets interrogés, lorsqu’on parle de filles-mères en milieu scolaire, les mots ou expressions qui leur viennent en tête sont : «difficultés économiques» (25 fois ; rang : 2,90), «immatures» (21 fois ; rang : 2,25) et «célibataires» (20 fois ; rang : 2,25). Les expressions «déscolarisation» (24 fois ; rang : 3,20), «ignorantes» (22 GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... fois ; rang : 3,50), etc. sont plus ou moins prises en compte dans les évocations des sujets. Cependant, ces éléments sont contenus dans leur système périphérique. Ils sont variables d’un sujet à un autre en fonction des situations immédiates. Ces éléments sont liés aux conditions de vie des individus, aux événements de tous les jours auxquels ils sont confrontés. Ce système périphérique est composé de zones potentielles de changement et de schèmes périphériques. Le tableau 1 en fait une illustration. Cependant, l’analyse de la centralité d’un élément ne peut se limiter à sa valence quantitative. C’est pourquoi, nous allons prendre en compte la dimension qualitative de ces éléments indiqués ci-dessus à partir d’un graphe de similitude. La qualité des éléments évoqués ne peut être véritablement appréciée que par leurs liens avec d’autres schèmes d’évocation organisés. Cette organisation est structurée de la manière suivante : 173 Figure 1 : Graphe de similitude caractéristique de la fille-mère pour l’ensemble des sujets au seuil de 7% © educi 174 Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 L’examen du graphe de similitude (figure 1) fait apparaitre clairement qu’il existe bien une représentation sociale de la fille-mère partagée par la population enquêtée. Le champ représentationnel se structure particulièrement autour de quatre items qui sont : «manqueéducation», «immatures», «déshonneur», et «cas-sociaux». Ce sont les éléments qui, dans cette structure, ont plus de relations (plus connexes) avec les autres éléments. Nous pouvons penser qu’ils jouent un rôle organisateur et donnent un sens à la représentation globale. Cependant, les cooccurrences les plus élevées se trouvent d’abord entre les items «immatures» et inconscients» (.13). Ensuite, viennent les relations entre «immature-manque éducation» (.11), entre «avenir compromis– cas sociaux» (.10), enfin «manque éducation–inconscient» (.9). Ainsi, à l’analyse, c’est le bloc composé par le triangle sémantique «immature-inconsciente-manque éducation» qui est fortement valorisé. Il semble donc exister dans la représentation de la fillemère, une triple connotation. Pour les habitants de Port-Bouët, la fille-mère en milieu scolaire est immature, inconsciente et manque d’éducation. Pour cette population, l’immaturité, l’inconscience et le manque d’éducation sont les principales sources de sa grossesse en milieu scolaire. Ici, les dimensions psychosociale et socioéducative sont donc mises en exergue. Ces éléments constituent ainsi la structure de base autour de laquelle vont s’élaborer les différentes représentations selon le groupe d’appartenance. 3.2- Représentation sociale de la fille-mère selon le genre Tableau II : Evocations hiérarchisées selon le genre HOMMES Fréquences supérieures ou égales à 10 Fréquences inférieures à 10 FEMMES Rang moyen < 3 Rang moyen >= 3 Rang moyen < 3 Rang moyen >= 3 25 difficultés économiques (2.78) 12 avenir compromis (2.95) 12 déscolarisation (3.10) 10 immatures (3.30) 6 grossesses précoces (2.33) 13 célibataires (2.46) 11 immatures (2.54) 10 enfants indésirés (2.50) 10 innocentes (3.00) 10 pas protection (2.45) 16 ignorantes (3.40) 12 déscolarisations (3.20) 10 irrespectueuses (3.90) 7 célibataires (1.85) 7 naïveté (2.28) 6 innocentes (2.66) 5 insouciantes (2.80) 5 manque éducation (1.60) 7 mineures (3.50) 6 ignorantes (3.60) 5 mode (4.00) 5 problème social (3.60) 5 irresponsables (3.20) 9 irresponsables (3.02) 6 avenir compromis (2.72) 6 difficultés éco. (2.71) 6 manque d’éducation (2.09) 5 charges parentales (3.60) 5 marginalisées (3.40) GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... L’analyse du tableau 2 cidessus nous indique que pour les hommes, le champ représentationnel du phénomène des filles-mères est organisé autour des éléments centraux que sont : «difficultés économiques» (25 fois ; rang : 2,78) et «avenir compromis» (12 fois ; rang : 2,95). Leur apparition dans le premier quadrant indique qu’il s’agit d’éléments les plus évoqués dans cette population masculine. Ce sont des composantes stables et invariables. De ce qui précède, il ressort que pour les hommes, le phénomène des filles-mères trouve son explication dans les problèmes d’ordre économique. De même, leur évocation centrale fait allusion à l’avenir de ces filles qui s’assombrit du fait de leur maternité précoce survenue en pleine année scolaire. Au niveau du genre féminin, les éléments centraux sont : «célibataires» (13 fois ; rang : 2,46), «immatures» (11 fois ; rang : 2,54), «innocentes» (10 fois ; rang : 3,00), «enfants indésirés» (10 fois ; rang : 2,50) et «pas protection»(10 fois ; rang : 2,45). Les femmes enquêtées évoquent ainsi des items qui ne condamnent pas directement ces filles scolarisées. A travers le mécanisme d’identification vicinale, les femmes enquêtées ont tendance, par solidarité féminine, à évoquer des items qui dédouanent ces adolescentesmères comme si ces dernières ne sont pas comptables de leur grossesse prématurée. Ce camouflage des femmes enquêtées se remarque également dans le fait que les items centraux (difficultés économiques ; avenir compromis) des hommes sont considérés comme périphériques chez elles. Les composantes des schèmes périphériques sont les moins évoquées par cette population enquêtée. Elles sont négligeables et pas trop prises en compte par les enquêtés à cause de ce qu’ils ne leur accordent pas de l’importance ou les méconnaissent. Cette disposition est liée généralement aux sensibilisations, aux évènements divers que présentent les masses médias et d’autres actions menées par certains individus visant le même but. L’analyse de similitude appliquée aux douze catégories conçues nous a permis d’obtenir le graphe suivant (figure 2) : 175 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Figure 2 : Graphe de similitude pour l’échantillon des hommes au seuil de 3% Le graphe de similitude (figure 176 2) montre que les éléments les plus connexes donc supposés centraux dans la représentation sociale des hommes sont les items «manque éducation», «immature», «déshonneur», «cas sociaux», «irresponsable». Ce sont ces éléments qui ont plus de relations avec les autres cognitions du champ représentationnel. Cette puissance associative est une des propriétés fondamentales des éléments centraux d’une représentation. Elle est inhérente à leur fonction génératrice de sens. Par ailleurs, nous remarquons que l’indice de similitude le plus élevé se trouve entre «cas sociaux» et «avenir compromis» (.7) suivi de l’item «immature-inconsciente» (.6), «immature-manque éducation» (.6). Pour les hommes, les fillesmères représentent celles qui ont un avenir incertain pour ellesmêmes, pour l’enfant qu’elles engendrent en tant qu’élèves. Elles abandonnent les études avec la responsabilité d’éduquer un autre enfant étant ellesmêmes éduquées par leurs parents. GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... Figure 3 : Graphe de similitude pour l’échantillon des femmes au seuil de 4% Ici, les données et l’analyse du graphe de similitude construit par les femmes, montrent que leur représentation sociale est organisée autour de quatre items fédérateurs qui concentrent le maximum de relations. Ce sont les items «immature», «manque éducation», «inconsciente», «déshonneur». L’item «inconsciente» est l’élément central prioritaire de cette structure et est composé de «manque éducation», «immature», «inconsciente». Ce sont donc les éléments structurants de cette représentation. Les cooccurrences les plus élevées se situent entre «inconsciente-immature» (.7) et «inconsciente-manque éducation» (.7). Pour les femmes, la fille-mère est vue comme une inconsciente. Ce qui l’amène à adopter des comportements à risque comme les rapports sans protection. 3.3- Représentation sociale de la fille-mère selon l’âge Tableau 3 : Evocations hiérarchisées selon l’âge JEUNES Rang moyen < 3 Fréquences supérieures ou égales à 10 Fréquences inférieures à 10 19 difficultés économiques (2.78) 12 avenir compromis (2.92) 7 célibataires (1.85) 6 innocentes (2.66) 6 grossesses précoces (2.33) 5 insouciantes (2.80) 5 manque éducation (1.60) ADULTES Rang moyen >= 3 Rang moyen < 3 Rang moyen >= 3 24déscolarisation (3.10) 22 immatures (3.50) 17 difficultés économiques. (2.52) 11 immatures (2.72) 11 célibataires (2.36) 10 innocentes (3.00) 13 ignorantes (3.40) 11 déscolarisation (3.40) 10 irrespectueuses (3.30) 7 mineures (3.50) 6 ignorantes (3.60) 5 mode (4.00) 5 problème social (3.60) 8 irresponsables (3.62) 6 inconscientes (2.87) 6 enfants indésirés (2.51) 6 pas protection (2.50) 5 avenir compromis (2.82) 6 innocentes (4.10) 5 mode (4.00) 5 pauvreté (4.00) 5 irresponsables (3.25) 177 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Au vu du tableau ci-dessus (Tableau 3), il apparait spécifiquement chez les jeunes les termes suivants : «difficultés économiques» (19 fois ; rang : 2,78) et «avenir compromis» (12 fois ; rang : 2,92). 178 Les fréquences élevées et les rangs faibles de ces mots ou expressions les situent dans le cadrant supérieur du tableau, faisant d’eux des éléments caractéristiques du noyau central de ce groupe. Ainsi, chez les jeunes, la question de la fille-mère est abordée en termes d’avenir compromis et de difficultés économiques. En tant que jeunes, ils se sont mis à la place de ces filles capables de compromettre leur avenir en cas de grossesse. Pour eux, les difficultés économiques constituent les raisons fondamentales qui peuvent amener des filles à contracter une grossesse pendant leur cursus scolaire. Les éléments représentationnels du système périphérique sont : «déscolarisation» (12), «immature» (10), «grossesse précoce» (6). Ils sont issus des zones potentielles de changement et varient à tout moment en fonction des circonstances Au plan structural, l’analyse de similitude a permis d’obtenir le graphe suivant (figure 4) : Figure 4 : Graphe de similitude pour l’échantillon des jeunes au seuil de 3% GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... Le graphe de la figure 4 fait ressortir l’item «immaturité» qui est l’élément central prioritaire de cette structure. Ce graphe se compose d’items comme «déshonneur», «immature», «irresponsable». Ce sont les éléments structurants de cette représentation. Cependant, la cooccurrence la plus élevée se situe entre «immature», «déshonneur» et «immature», «manque éducation» (.6). Ce qui signifie que pour la plupart des jeunes ces éléments vont ensemble. Ceci peut s’expliquer par le fait que pour les jeunes, la fille mère en milieu scolaire est une immature et avec son état de grossesse, elle représente un déshonneur pour sa famille. Les dimensions socioculturelles et psychosociales évoquées sont l’immaturité, le déshonneur. 179 Figure 5 : Graphe de similitude pour l’échantillon des adultes au seuil de 3% L’observation attentive puis l’analyse du graphe de similitude (figure 5) de la représentation construite par les adultes de notre échantillon montrent que leur représentation de la fillemère est organisée autour de quatre items qui sont : «manque éducation», «inconsciente», «difficultés économiques» et «cas sociaux».Ce sont les éléments saillants et les plus connexes dans la représentation de la fille-mère en milieu scolaire de ce groupe. Par ailleurs, le score de cooccurrence le plus fort est compris entre «inconsciente» et «immature» (.10). Ensuite, nous avons «immature-manque éducation» (.5), «manque © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 éducation-inconsciente» (.5), enfin «avenir compromis- cas sociaux» (. 5). Il semble donc que ce sont les éléments organisateurs qui donnent à la représentation sociale toutes ses propriétés significatives et le sens de la configuration définie par le champ représentationnel. Ainsi, les adultes focalisent leurs représentations sur l’immaturité, l’inconscience et sur le manque d’éducation. Ce sont les dimensions psychosociales et socioéducatives qui sont mises en exergue. 4. DISCUSSION 180 La présente étude tente de déterminer les représentations sociales développées à l’égard du phénomène de filles-mères en milieu scolaire. Les hypothèses ont porté sur l’incidence des différences individuelles sur la représentation sociale de la fille-mère. Pour effectuer cette étude, nous avons essentiellement travaillé sur du matériau discursif (association de mots). Dans l’exploitation des données, nous nous sommes appuyés sur deux techniques d’analyse des données formelles (SIMI 2005 et EVOC 2005). Cette triangulation méthodologique a permis de faire ressortir des éléments qui seraient passés inaperçus dans la logique d’une seule méthode. L’utilisation simultanée des deux techniques a consolidé les analyses suggérées par les données de l’enquête. Les résultats auxquels nous sommes parvenus dans cette perspective pluri méthodologique (association de mots et analyse de similitude), confirment nos hypothèses. En effet, l’analyse du repère sémantique utilisé par chaque population montre que les représentations sont différentes d’un groupe à un autre.Les jeunes considèrent la fille-mère, comme une personne immature qui manque d’éducation et avec son état de grossesse précoce à l’école, elle représente un déshonneur pour sa famille. Leurs structures cognitives sont surtout centrées sur la dimension culturelle. Concernant la population des adultes, la fille mère est une personne immature, inconsciente qui manque d’éducation. Elle n’a pas la capacité requise pour être mère et assurer une éducation parce qu’elle-même est une enfant. Les adultes insistent sur la dimension psychologique et éducative. En ce qui concerne les femmes, elles qualifient la fille-mère d’inconsciente. Pour elles, c’est son inconscience qui lui a permis de contracter une grossesse en étant à l’école nonobstant les méthodes contraceptives existantes. Quant GNAMBA Adou : representation sociale de la fille-mere en milieu... aux hommes, ils perçoivent le côté social c’est-à-dire l’avenir de la fille. La mère et l’enfant ayant un avenir incertain. Ces résultats peuvent s’expliquer de différentes manières. En effet, de nombreux travaux menés sur les représentations sociales ont mis en évidence que ces derniers sont la résultante organisée d’un grand nombre d’interactions sociocognitives. On peut dire que les résultats viennent confirmer la thèse selon laquelle les éléments centraux d’une représentation sont liés aux normes, aux valeurs, aux attentes d’un groupe social. Ainsi, les significations que les sujets attribuent à l’objet de la représentation sont largement déterminées par les valeurs, les idées, les modèles et les références du groupe auxquels ils appartiennent. Ce sont donc les pratiques liées au milieu qui ont une influence sur les représentations (Flament, 1989 ; Doise, 1985, 1994). Les représentations sociales sont des principes générateurs des prises de position qui sont liées à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux. Ces prises de position s’effectuent dans des rapports de communication et sont activées selon le contexte social (Doise, 1985). Par ailleurs, ces résultats révèlent que l’item «manque éducation» est l’élément central prioritaire (Rateau, 1995; Moliner, 1998 ; Flament, 1994). Cela signifie qu’il constitue un élément déterminant et véritablement inconditionnel. Les autres éléments centraux sont qualifiés d’éléments centraux adjoints (Rateau, op. cit.). C’està-dire, qu’ils n’ont pas la même saillance prescriptive que l’item «manque éducation». Ainsi, tous les éléments faisant partie du noyau central n’ont pas le même rôle, le même poids. Leur importance relative peut varier d’un groupe social à un autre voire pour un même groupe, d’une situation à une autre. Dans notre cas ici, l’item «manque éducation» joue davantage le rôle de principe organisateur que les autres éléments. Par ailleurs, nous nous demandons si cette expansion du phénomène n’est pas liée à des facteurs tels que la perte des repères traditionnels des parents et la modernisation. CONCLUSION L’étude des représentations sociales des Ivoiriens à l’égard du phénomène des fillesmères en milieu scolaire a été menée dans une perspective représentationnelle. Nos objectifs 181 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 étaient de mettre en évidence le contenu et les éléments structuraux des représentations sociales de la fille-mère chez les populations ivoiriennes, de faire une différenciation des représentations de quatre souspopulations étudiées. 182 A la lumière des concepts théoriques et de l’analyse des questionnaires, nos résultats montrent une divergence des représentations sociales de la fille-mère chez les individus. Ainsi, les principaux résultats fournis par cette étude permettent de faire émerger, les attitudes, les croyances, les opinions, c’est-à-dire les représentations sociales de la fille-mère dans une partie de la population. Ils viennent ainsi non seulement confirmer mais compléter les résultats antérieurs sur le sujet en y intégrant un autre regard qui est d’ordre psychosocial. Par ailleurs, cette étude a montré que le concept de représentation sociale constitue un cadre d’analyse pertinent susceptible de fournir des résultats intéressants dans l’analyse, l’interprétation et la compréhension des processus éducatifs. Elle peut être enrichie par d’autres recherches prenant en compte la représentation culturelle, économique et sociétale chez cette population ivoirienne. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Abric, J.-C. .(1994a), Les représentations sociales : aspects théoriques. In J.-C Abric (éd.), Pratiques sociales et représentations, Paris, PUF, 11-36. Abric, J.-C. (1994b), Introduction. In J.-C. Abric (éd.), Pratiques sociales et représentations, Paris, PUF, 7-9. Abric, J.-C. (2007), Méthodes d’études des représentations sociales, Ramonville Saint-Agne, Erès, , 295 pages. Abric, J.-C. et Tafani, E. (1995), Nature et fonctionnement du système central d’une représentation sociale : les représentations des entreprises. 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KEI MATHIAS, Université Felix Houphouët Boigny Cocody [email protected] RESUME ABSTRACT Le baccalauréat occupe une place de choix dans le cursus scolaire et universitaire. Mais depuis un certain temps, du fait d’un certain nombre de facteurs socioéconomiques, il se pose des questions liées à son image, à son utilité. Cette étude vise à déterminer, le contenu et l’organisation des représentations sociales construites par les parents et les élèves à propos de ce diplôme. Les réponses recueillies et analysées, permettent de conclure que les représentations sociales des deux populations ne sont pas identiques. Si le baccalauréat demeure encore un diplôme important pour les deux populations, pour les parents l’acquisition de ce diplôme marque le début des souffrances alors que pour les élèves, il est synonyme de maturité, d’autonomie et permet d’ouvrir plusieurs portes. The baccalaureat occupies a place of choice in the university and school course of study. But since a moment, because of some facts, questions concerning its image and its utility are raised. This study aims at determining, the contents and the organization of the social representations built by the parents and the pupils concerning this diploma. The answers collected and analyzed, allow concluding that the social representations of both populations are not identical. If the baccalaureat still remains a significant diploma for both populations, for the parents the acquisition of this diploma marks the beginning of the sufferings whereas for the pupils, it is synonymous with maturity, autonomy and can permit to open several doors. Mots-clés : diplôme, baccalauréat, parents, élèves, représentations sociales, éléments centraux, éléments périphériques. Key words:diploma, baccalaureat, parents, pupils, social representations, central elements, peripheral elements. 185 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 1-PROBLEMATIQUE 186 Les travaux consacrés aux attentes des individus par rapport aux études sont en grande partie en rapport avec la nature des bénéfices que les sujets entendent tirés de leur cursus scolaire et universitaire. (Tafani, 1997, 2011 ; Bourdieu, 1998 ; Flament, 1999 ; Tafani et Bellion, 2001). Leurs conclusions concernent les finalités poursuivies par les sujets. Ainsi certains sujets privilégient soit la finalité intellectuelle des études, c’est-à-dire leurs bienfaits ou leur apport en termes de connaissance acquise et d’épanouissement personnel, pour d’autres c’est la finalité pragmatique, qui est en rapport avec les perspectives professionnelles. D’autres encore insistent sur les investissements qu’elles requièrent notamment en termes d’efforts à fournir et de travail à réaliser. La question de la réussite ou des bénéfices attendus des études a été également analysés sous le prisme du rapport au savoir (Charlot, 1997, 1999, 2003 ; Mosconi, Beillerot et BlanchardLaville, 2000 ; Perrenoud, 1995 ; Doise, 1994). Cette notion peut se définir comme l’ensemble organisé des relations qu’un sujet entretient avec tout ce qui relève de l’apprendre et du savoir ou encore, le rapport au monde à l’autre et à soimême d’un sujet confronté à la nécessité d’apprendre. (Charlot, 1997). Ainsi l’entrée à l’école questionne, et peut modifier et transformer le rapport au savoir de l’adolescent. Il s’approprie non seulement des objets de savoir-faire et des savoirs être susceptibles d’engendrer des conflits avec les savoirs familiaux en termes de perception de la réussite, du rendement scolaire. Pour donc comprendre le rapport au savoir d’un individu, il fau t prendre en compte son appartenance sociale, l’influence de l’environnement économique et socio- culturel sur le sujet. Car, l’école où se fait la transmission des savoirs est traversée par des changements sociétaux, culturels, conceptuels qui bousculent nécessairement les représentations du savoir. Généralement, le regard que l’on pose sur les objets et les autres sont liés à notre appartenance ou la position sociale que l’on occupe ou encore le statut et le rôle que nous jouons. Car le baccalauréat depuis des décennies est un diplôme important qui constitue l’une des étapes déterminantes du cursus scolaire et universitaire. Et pourtant aujourd’hui, ce diplôme sous l’influence conjuguée de plusieurs facteurs, semble-t- KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat... il, est en train de perdre son lustre d’antan. Au nombre de ces facteurs on peut citer d’une part, le manque d’infrastructures d’accueil dans les universités qui contraste avec la demande toujours croissante, les systèmes endémiques de tricheries développés par les parents, les élèves et les enseignants, la baisse continue du niveau des candidats au baccalauréat depuis 1990, qui a conduit, sur la pression des parents d’élèves à la délivrance de faux baccalauréats (Fadiga,1997). D’autre part, les différentes réformes subies par cet examen, la dégradation des conditions socio-économique des étudiants et les années universitaires interminables, conséquences de grèves intempestives, ont certainement eu raison de l’image et de la perception de ce diplôme par les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes. Cependant, les réalités telles que présentées ne sont pas saisies en tant que tel par les sujets, elles sont décodées, réappropriées, ce qui aboutit certainement à un système de représentation. Or depuis les travaux de (Moscovici, 1961), il est établi que les relations des individus au monde extérieur sont médiatisées par les représentations sociales. C’est pourquoi, notre travail s’inscrit dans la problématique théorique des représentations sociales. Et notamment, la théorie du noyau central (Abric, 1987,1994, 2003). Selon cette approche, la structure d’une représentation sociale a pour caractéristique essentielle d’être organisée autour d’un noyau central. Ce noyau est un élément ou un ensemble de quelques éléments qui donnent à la représentation sa cohérence et sa signification globale. L’absence ou la transformation des éléments du noyau central entraine un bouleversement de la représentation car ce sont ces éléments qui sont générateurs de la signification de la représentation. Dès lors, il est clair que toute analyse de représentation doit consister à déterminer ce noyau central. C’est pourquoi nous formulons l’hypothèse de travail suivante : le statut de parent d’élèves ou d’élève, a une incidence sur la représentation sociale du Baccalauréat. Ainsi, les élèves et leurs parents ont une représentation sociale différente de la réussite au baccalauréat. Ainsi, les élèves vont privilégier les constructions représentatives valorisantes fondées sur les cognitions relatives à leur épanouissement alors que les 187 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 parents vont organiser leurs représentations autour des aspects négatifs. 2- OBJECTIFS DE L’ETUDE 2.1. Objectif général Connaitre et analyser les représentations sociales du baccalauréat par les parents et les élèves des classes de terminales. 2.2. Objectifs opérationnels • déterminer le contenu et l’organisation des représentations sociales du baccalauréat chez les parents et les élèves. 188 • comparer les représentations sociales de ces deux sous populations. 3. LA METHODOLOGIE 3.1. INSTRUMENTS DE RECUEIL DES DONNEES Nous avons adopté une perspective méthodologique plurielle, en utilisant plusieurs instruments de recueil des données. Ainsi, cette volonté de connaître à la fois le contenu et l’organisation de la représentation sociale du baccalauréat par les élèves et leurs parents, nous a conduit à utiliser une méthodologie qui associe à la fois association libre et une technique formelle d’analyse des données , l’analyse de similitude. L’association libre consiste à proposer aux sujets enquêtés un mot inducteur et à leur demander de produire, les mots, les adjectifs, les expressions, et tout ce qui vient à l’esprit lorsqu’ils pensent au mot inducteur. C’est une technique très souvent utilisée dans les études entreprises sur les représentations sociales, (Grize, Vergès&Silem, 1987 ; Vergès, 2001; Flament, 1981 ; Flament, Rouquette, 2003). L’application de chaque instrument correspond à une étape de la recherche, il ne s’agit point d’une juxtaposition de techniques. 3.2. INSTRUMENTS DE TRAITEMENT ET D’ANALYSE DES DONNEES Les éléments ainsi recueillis ont été analysés et interprétés selon la méthode de Vergès, qui consiste à tenir compte simultanément de la fréquence du mot et de son rang d’apparition. Ces deux critères permettent d’établir un tableau à 4 cases où les mots sont classés en fonction de leur fréquence et de leur rang moyen. La case où il y a une congruence positive entre ces deux critères (très fréquents et premiers rangs), c’est la case des éléments centraux de la représentation sociale sous étude. Les autres les éléments constituent des éléments périphériques. Les données ont été traitées à l’aide des logiciels SIMI et EVOC 2005. KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat... 3.3. POPULATION- ECHANTILLON Cette recherche a été réalisée à partir d’un échantillon de 200 sujets des lycees du district d’Abidjan. Il s’agit de cent (100) élèves en classes de terminales toutes séries confondues candidats au bac. Cet échantillon d’élèves est composé de 50 pour cent de filles et 50 pour cent de garçons dont l’âge varie entre 16 ans et 22 ans. L’échantillon des parents est composé de 100sujets dont les enfants sont en classe de terminale et, donc préparent effectivement le baccalauréat. Cependant, compte tenu de la nature du questionnaire pour que les parents puissent le remplir eux-mêmes, sans intermédiaire, nous avons pris la précaution d’administrer le questionnaire aux parents ayant le niveau bac et plus. L’âge desdits sujets varie entre 45 ans et 60 ans. 3.4. LES VARIABLES DE L’ETUDE Pour cette étude qui vise à déterminer la représentation sociale du baccalauréat, nous avons adopté une approche comparative. Ainsi pour vérifier la validité des hypothèses qui viennent d’être définies nous avons deux types de variables. Les variables dépendantes qui concernent les réponses des répondants au questionnaire d’évocation ou association libre et qui représentent les structures sociocognitives mises en œuvre par les sujets à propos du Baccalauréat. Les variables indépendantes quant à elles concernent le statut des répondants ; cette variable à deux modalités à savoir : parent d’élèves ou élève de Terminale. 3.5. LA PROCEDURE D’ENQUETE Les élèves des classes de terminales ont reçu le questionnaire en situation de classe. Ils l’ont donc rempli sur-lechamp et l’ont remis à l’enseignant présent à l’heure de cours. Quant aux parents, ils ont reçu le questionnaire par l’intermédiaire de leurs enfants. Ils disposaient d’un délai d’une semaine pour le remplir. Si le taux de retour pour les élevés est de 100%, ce taux pour les parents était de 40 %, tandis que taux de questionnaire exploitable était de 80%. 4. PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ETUDE Les données recueillies ont été traitées à partir du logiciel (analyse d’évocation de Vergès) afin de repérer à la fois les points communs et les singularités de chaque population. La méthode rang/fréquence (Grize, Verges, &Silem, 1987) s’est imposée comme la plus 189 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 adéquate pour rendre compte de la représentation sociale du baccalauréat chez les parents et les élèves. Les résultats sont présentés sous la forme d’une approche comparative entre les deux groupes de sujets. Les évocations de la population totale sont présentées dans le tableau1. Tableau 1 : Analyse des évocations globales Rang moyen <3 Rang moyen >=3 54 accès-études-supérieures 50 début-souffrances 3.140 Fréquences 2.578 supérieures 66 dévalorisé 3.042 ou 42 clé-réussite 1.776 46 indépendance 3.379 égales à 30 30 diplôme-important 1.977 35 libération 3.30036 maturité 3.439 25 fin-cycle-secondaire 2.460 190 20 niveau-faible 4.750 Fréquences 25 premier-diplômeinférieures u n i v e r s i t a i r e 21 problèmes-orientation à 30 4.61929 tricheries 3.862 1.640 24 réalisation-rêve 2.092 La population globale (200 sujets) a produit 1262 évocations constituées de 453 mots différents. Cela signifie que chaque sujet a évoqué en moyenne 6.31 mots. Cela démontre une certaine connaissance du sujet. Il ressort de l’examen du tableau1 que : Dans la case en haut à gauche, censée contenir les éléments centraux (très fréquents et premiers rangs), nous trouvons : accèsétudes-supérieures (54), clé de la réussite(42), diplôme important(30). Cependant, dans case réservée à la première périphérie, nous avons les items avec des fréquences particulièrement élevées : dévalorisé (66), début de souffrances(50), indépendance(46), libération(35). Les éléments périphériques sont : fin de cycle secondaire(25), premier diplôme universitaire(25), réalisation d’un rêve(24). Le tableau2, nous présente les évocations des élèves. KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat... Tableau 2 : Analyse des évocations des élèves. Rang moyen <3 Rang moyen >=3 23 accès-étudesFréquences supérieures 2.930 supérieures 30 clé-réussite 2.200 ou égales 24 réalisation-rêve 2.592 à 20 43 indépendance 3.05642 fierté-parents 4.371 35 libération 3.800 24 maturité 3.300 17 diplôme-important 19 f in-uniforme 5.747 2.741 Fréquences 10 fin-cycle-secondaire 14 joie 5.571 inférieures 2.900 12 ouvre-portes 3.550 à 20 1 1 p r e m i e r - d i p l ô m e - 12 respect 5.550 universitaire 1.982 La lecture de ce tableau nous permet de repérer les différents éléments du champ représentationnel des élèves. Dans le groupe des élèves (100 sujets), parmi les 659 mots cités 222 sont différents. Ainsi, la moyenne des mots s’élève à 6.39, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne de la population totale. Il apparait que le noyau central du champ représentationnel des éléments suivants : clé de la réussite(30), réalisation d’un rêve (24), accès aux études supérieures (23). La première périphérie est constituée de : indépendance(43), une fierté pour les parents (42), libération (35), maturité (24). Les éléments périphériques sont : diplôme important (17), premier diplôme universitaire (11), fin du cycle secondaire (10). Dans l’ensemble, la représentation du bac par les élèves s’organisent autour d’items à connotation positive. Le tableau 3 rend compte des différents éléments du champ représentationnel social du bac par les parents d’élèves : 191 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 Tableau 3 : Analyse des évocations des parents Rang moyen <3 Rang moyen >=3 28 accès-études-supérieures 2.521 23 niveau-faible 3.200 Fréquences 49 début-souffrances 2.914 21 problèmes-orientation supérieures 3.819 60 dévalorisé 2.693 ou égales à 20 4 3 p r e m i e r - d i p l ô m e - 64 tricheries 3.497 universitaire 1.674 19 chômage 2.568 Fréquences 14 fin-cycle-secondaire 2.486 inférieures 10 ouvre-portes 2.000 à 20 17perte-crédibilité 2.612 192 Les cet (100) sujets ont produits 587 mots dont 219 mots différents, ce qui équivaut à 5.87 mots par personne. On note donc que de ce point de vue, il n’y a de différences significatives entre les deux populations. Il ressort de cet tableau que le noyau central qui structure la représentation sociale du baccalauréat par les parents est composé de: dévalorisé (60), début des souffrances (49), premier diplôme universitaire (43), accès aux études supérieures(28) ; La premier périphérie est constituée de ; tricheries (64), niveau faible (23),problèmes d’orientation (21). Les éléments périphériques sont : chômage (19), début des dépenses (18), 18 début-dépenses 4.867 11 maturité 4.836 perte de crédibilité (17), fin cycle secondaire (14), maturité (11), ouvre-portes (10), accès aux concours (10). L’analyse au plus près de cette structure, révèle que les parents majoritairement ont une représentation négative du baccalauréat aujourd’hui. Au total, on note un décalage entre les représentations des élèves et celles de leurs parents. Pour les parents le bac est vu comme un diplôme déprécié qui est sources de souffrances et de difficultés pour les parents et les enfants. Il est intéressante de vérifier si les éléments qui ressortent des représentations de chaque groupe comme étant les plus caractéristiques du baccalauréat sont isolés et n’appartiennent KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat... pas à aucune catégoriel représentatives ou au contraire, si chacun de ces mots fait partie intégrante d’un ensemble de mots sémantiquement voisin. Pour la totalité des évocations, nous avons regroupé par catégories tous les mots relevant d’un même ensemble sémantique. En procédant ainsi nous avons constitué douze (12) catégories qui sont : accès à l’emploi, accès aux études supérieures, acquisition du savoir, début des souffrances, dévalorisé, diplôme important, autonomie, maturité, nouvelle vie, ouvre des portes, satisfaction, perte de crédibilité. Sur ces catégories nous avons effectué une analyse de similitude pour déterminer quelles sont celles qui sont les plus connexes, donc centrales dans la représentation de chaque groupe de sujets. Figure 1 : Representation sociale du baccalaureat par l’ensemble des sujets. 193 Les résultats, (cf. figure1), montrent que la représentation sociale du baccalauréat dans l’ensemble de la population est organisée autour de trois (3) sphères sémantiques reliées entre elles par des indices de similitudes assez fortes : -satisfaction- autonomie, nouvelle vie ,-début des souffrances, perte de crédibilité, dévalorisé ; - diplôme important, ouvre des portes, accès aux études supérieures. L’examen minutieux du graphe révèle que trois items se distinguent par la force de leurs relations en concentrant le maximum de relation avec les autres éléments du champ représentationnel : satisfaction, diplôme important,début des souffrances. © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 On peut penser qu’ils jouent un rôle organisateur et donnent un sens à la représentation globale. Cependant, les cooccurrences les plus fortes se trouvent entre perte de crédibilité et dévalorisé(.80). Ensuite viennent de façon dégressive les relations entre : perte de crédibilité et début des souffrances (.54) et entre début souffrance et dévalorisé (.48), enfin diplôme important et ouvre des portes (.40). Ainsi, à l’analyse c’est le bloc composé par le triangle sémantique perte de crédibilité, début-souffrances et dévalorisé qui est fortement valorisé. Il semble donc exister dans la représentation du baccalauréat, une triple connotation : il est un diplôme important source de satisfaction, cependant, il représente aujourd’hui le début des souffrances. Figure 2: Representation sociale du baccalauréat par les élèves. 194 Ici, les données et l’analyse du graphe de similitude, montrent que les structures sociocognitives développées par les élèves sont organisées autour de : Satisfaction, diplôme important, autonomie, ouvre des portes. Ce sont les éléments saillants et les plus connexes dans la représentation du baccalauréat par ce groupe. Par ailleurs les scores de cooccurrences sont les plus élevés, il s’agit de : satisfactionautonomie, (.30), satisfactionnouvelle vie (.40), et nouvelle vie-autonomie (.24). Il semble donc que ce sont les éléments organisateurs qui donnent à la représentation sociale toute ses propriétés significatives et le sens de l’ensemble de la configuration définie par le champ représentationnel. KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat... Ainsi, les élèves focalisent leurs représentations sur des aspects à connotation positive. Pour eux, le succès au Baccalauréat est source de satisfaction car, il permet essentiellement deux choses : Il permet d’être indépendant et permet de mener une nouvelle vie. L’acquisition du baccalauréat permet ainsi d’accéder à une certaine maturité intellectuelle et civile. Les parents partagent-ils la même représentation ? Figure 3: Representation sociale du baccalauréat par les parents. 195 En ce qui concerne les parents, les résultats illustrées par le graphe (cf.figure3), différent nettement de ceux de la population globale et surtout de ceux des élèves. Il ressort de ce graphe que la représentation des parents s’articule autour du triangle sémantique : début des souffrances, dévalorisé, perte de crédibilité. Cette trilogie contient les éléments les plus connexes de leur structure mentale. La signification qui se dégage de cette organisation sociocognitive est que le bac a perdu toute crédibilité parce que dévalorisé et de surcroît, il représente le début des souffrances pour les parents et pour les élèves. Cependant, il est important de noter que la représentation des parents prend aussi en compte le fait que le baccalauréat, est un diplôme important qui ouvre des portes notamment celles des études supérieures. Par ailleurs, les scores de cooccurrence les plus fortes se situent entre dévalorisé et perte de crédibilité (.76), ensuite entre début souffrances et perte de crédibilité (.40) et enfin entre début des souffrances et dévalorisé (.40). Il ressort de cette analyse que les constructions représentatives des parents sont négatives. © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 5-DISCUSSION DES RESULTATS 196 La présente étude tente de déterminer les représentations sociales développées à l’égard du baccalauréat aujourd’hui par les élèves et leurs parents. Les hypothèses ont porté sur l’incidence du statut (élève ou parent) sur la représentation sociale du baccalauréat. Pour construire les développements que nous avons proposé dans ce travail, nous avons essentiellement travaillé sur du matériau discursif (association de mots). Nous nous sommes appuyés dans l’exploitation des données sur deux techniques d’analyse des données formelles (SIMI2005 et EVOC 2005). Cette triangulation méthodologique a permis de faire ressortir des éléments qui seraient passés inaperçus dans la logique d’une seule méthode. L’utilisation simultanée des deux techniques a consolidé les analyses suggérées par les données de l’enquête. Les résultats auxquels nous sommes parvenus dans cette perspective pluri méthodologique (association de mots et analyse de similitude), confirment nos hypothèses. En effet, d’une part l’analyse du repère sémantique utilisé par chaque population montre que les représentations sont valorisantes au niveau de la population des élèves, tandis que les parents évoquent le Baccalauréat en des termes dépréciatifs. En effet, les élèves considèrent le Baccalauréat, comme un diplôme important qui leur permettra d’acquérir une certaine indépendance, une autonomie et de mener une nouvelle vie. Leurs structures cognitives sont surtout centrées sur la finalité intellectuelle des études, c’est-à-dire leurs bienfaits ou leurs apports en termes de connaissances acquises, d’épanouissement personnel et la finalité pragmatique qui est en rapport avec les perspectives professionnelles. Quant à la population des parents, le Baccalauréat est un diplôme dévalorisé qui a perdu sa crédibilité parce que entaché par des problèmes de tricheries de faiblesse du niveau des candidats et des problèmes d’orientation. Mais surtout le baccalauréat représente le début des souffrances en tous genres. Les parents insistent sur les investissements que le baccalauréat requiert notamment en termes d’effort à fournir et de travail à réaliser. Ce qui confirme les résultats des études antérieures. D’autre part, le nombre et le type des items recueillis par la méthode d’association de mots, montrent que la taille et la nature du champ représentationnel est différente pour chaque groupe. Ce résultat KEI MATHIAS : Statut et representations sociales du baccalaureat... confirme que le baccalauréat est un objet non consensuel sur lequel il y a divergence de point de vue en fonction du statut. L’analyse des résultats a permis également, par les divergences entre parents et enfants, de confirmer que le noyau central d’une représentation sociale est déterminé d’une part par la nature de l’objet représenté, d’autre part par la relation que le sujet ou le groupe entretient avec cet objet, enfin par le système de valeurs et de normes sociales qui constituent l’environnement idéologique du moment et du groupe.(Abric, 1994 : P.23). Ces représentations polémiques entre parents et élèves, peuvent tirer leurs sources de la pression à l’inférence c’est-à-dire les contraintes cognitives et sociales que subit le sujet de la part de son groupe d’appartenance. Cette étude ne prend en compte seulement, comme le suggère la théorie du noyau, que les éléments centraux dans l’interprétation des résultats. Nous pensons, qu’il aurait été également intéressant d’inclure dans l’interprétation des données, les éléments périphériques. C’est le système périphérique qui prescrit les comportements et les prises de décision et permet une personnalisation des représentations sociales. Par ailleurs, nous nous demandons si cette représentation du baccalauréat n’est pas liée à des facteurs tels que les conditions socioéconomiques des parents ? Cette étude n’a pas la prétention de résoudre tous ces problèmes et de répondre à toutes ces interrogations. Cependant, ces préoccupations sont autant de pistes de réflexions intéressantes pour des études antérieures. CONCLUSION A la lumière des concepts théoriques et de l’analyse des questionnaires, nos résultats montrent une divergence des représentations sociales du baccalauréat des parents et des élèves. Ainsi, les principaux résultats fournis par cette étude permettent de faire émerger, les attitudes, les croyances, les opinions, c’est-à-dire les représentations sociales du baccalauréat dans une partie de la population. Ils viennent ainsi non seulement confirmer mais compléter les résultantes antérieurs sur le sujet en y intégrante un autre regard c’està-dire le regard psychosocial. Par ailleurs, cette étude a montré que le concept de représentation social constitue un cadre d’analyse pertinent susceptible de fournir des résultats intéressants dans l’analyse, l’interprétation, et la 197 © educi Revue Universitaire des Sciences de l’Éducation, N°1, 2014 compréhension des processus éducatifs. Cette étude a certainement des limites, c’est pourquoi, il conviendrait d’une part, de l’étendre à des populations plus élargies et diversifiées, et d’autre part à affiner les outils d’analyse des données en contrôlant la centralité de certains éléments par les méthodes existantes. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Abric, J-C. (1987), coopération, compétition et représentations sociales. Couset : Delval. Abric, J-C. (éds), (1994), Pratiques sociales et représentations sociales, Paris, PUF. 198 Abric, J-C. 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