Dossier : f20593 Fichier : Meta04-06 Date : 11/6/2007 Heure : 15 : 6 Page : 440
qu’une identité et, dès lors, l’entre-appartenance n’est qu’une commune indé-
termination et immédiateté. La véritable « mêmeté » ne dit pas l’identité mais
implique la différence. Non pas une différence logique mais ce que les Beiträge
nomment « le frémissement essentiel de l’être même (die wesentliche Erzitte-
rung des Seyns selbst) » dont le Néant (ou le Rien) est le voile. Le cours sur la
« Négativité » l’explique : « Le Néant est la différence abyssale de l’Être en
tant que néantisation et, pour cela ? – son essence (Das Nichts ist das ab-gründig
Verschiedene vom Seyn als Nichtung und deshalb ? – seines Wesens). » 16 Pensée
magistralement ressaisie au début de l’alinéa suivant : « L’Être en tant que fond
abyssal 17 est le Néant [...] le Néant néantise (Das Seyn als Abgrund ist das
Nichts [...] das Nichts nichtet) ». Pourquoi Hegel ne peut-il accéder à la pensée
du néant comme néantisation ? Que signifie chez lui la « négativité » ? Bien
que néantisation et négativité aient au moins en commun de ne pas signifier
« anéantissement », ont-elles la moindre proximité ? Si ce n’est pas le cas,
qu’est-ce qui frappe la pensée hégélienne d’impuissance ?
La réponse à ces questions passe par l’examen du second point : l’approche
logique. Si la voie hégélienne est bloquée, c’est parce qu’elle obéit au primat
traditionnel d’un traitement logique du néant. Second point sans doute plus
originaire que le premier puisque, en tant que telle, « la métaphysique est une
logique 18 » ou encore puisque la coappartence Sein/Grund s’ancre dans le
Logos. L’oubli de l’être et l’instauration de la métaphysique comme logique
sont, chez Heidegger, indissociables. Avant de lire les textes du volume 68 des
œuvres complètes, revenons à la Conférence de 1929 où le débat avec la logique
(et la réponse anticipée 19 à ses objections) occupe une très large place20. C’est
le règne du principe de non-contradiction – fondateur de toute la rationalité
métaphysique depuis Aristote – qui interdit par avance toute réflexion sur le
néant : « Le principe [selon lequel] la contradiction [est] à éviter, la logique
16. GA 68, p. 48.
17. Ab-grund est traduit généralement par « abîme ». On pourrait proposer « absence de fonde-
ment » mais d’une part l’allemand possède Grundlosigkeit et d’autre part la formule de Heidegger
dit de Abgrund qu’il est « à la fois le Rien et le fond ». Avec D. PANIS (Il y a le « il y a », Bruxelles,
Ousia, 1993, p. 131 et sq.), nous choisissons donc l’expression « fond abyssal » qui rend bien les
deux dimensions – fond et retrait du fond.
18. « La métaphysique correspond à l’Être comme Lovgo" et, dans cette mesure, est en son trait
principal par-dessus tout logique. » « Die Onto-theo-logische Verfassung der Metaphysik », in Iden-
tität und Differenz, Neske, Neuente Auflage, 1990, p. 62.
19. Il ne faut pas pratiquer une lecture anachronique consistant à voir dans la Conférence les
réponses à des objections de Carnap (Überwindung der Metaphysik durch logische Analyse der
Sprache,5,Erkenntnis, II, 1932) qui n’ont pas encore été formulées.
20. En particulier GA 9, p. 107 (où Heidegger aborde « le principe de contradiction », « la
domination (Herrschaft) de la “logique” », la Verneinung qui n’est pas seulement l’opérateur « néga-
tion » mais l’acte de nier émanant du sujet logique) et GA 9, pp. 115-116 (qui montre comment ce
n’est pas la négation logique qui est à l’origine du néant mais l’inverse).
440 Bernard Mabille
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 10h12. © P.U.F.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 09/11/2013 10h12. © P.U.F.