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La rente, en tant que rapport social dominant, entrave le génie
créateur d’un peuple, détourne celui-ci de ses potentialités productives
dans tous les domaines de l’activité sociale, l’empêche de se révéler
dans ses plus hautes virtualités afin de se dépasser et relever des défis
vitaux ; elle rabaisse la valeur du travail en général et du travail
intellectuel en particulier ; elle déprécie l’effort, le mérite, la
compétence, l’esprit d’émulation et la recherche de l’excellence ; elle
réduit le citoyen à l’état d’assisté, dépendant des réseaux clientélistes
qui se sont appropriés les institutions de l’état. Lorsque les valeurs
morales et sociales dépérissent, celles du mercantilisme, la course à
l’enrichissement rapide par tous moyens, l’opportunisme et la
servitude en comblent le déficit. Empêchant, la société de se
construire économiquement et politiquement, la rente affecte celle-ci
plus gravement encore dans ce qui fait son fondement et sa cohésion,
la menaçant de décomposition des liens familiaux, de proximité,
civiques et de ses rapports à l’état.
Dans un pays, où la hiérarchie sociale a été façonnée depuis quatre
décennies par la prépondérance de la logique rentière sur la logique
productive, qui consomme plus qu'il ne produit et dépend des revenus
des hydrocarbures pour couvrir la quasi totalité de ses importations,
les gouvernants ne sont pas soumis pour assurer la pérennité de leur
pouvoir à une obligation de performance économique et sociale. Ils ne
ressentent pas la nécessité de restructurer l’économie et la société de
façon à relever les défis de la compétitivité qu’impose la
mondialisation. Cela obligerait, en effet, ces gouvernants de prendre le
risque de promouvoir des élites professionnelles compétentes dans
tous les domaines. Ils passeraient ainsi d’un contrôle direct de ces
élites à un contrôle à posteriori et à une évaluation de leur gestion par
les résultats, leur concédant ainsi un pouvoir de décision dans les
aspects techniques relevant de leurs compétences. Ils partageraient
leur responsabilité avec des acteurs collectifs nouveaux, promoteurs
d’un projet de société concurrent, porteur d’une dynamique véritable
de développement ; et qui seraient susceptibles, à terme, d’échapper à
leur contrôle, voir même de constituer par leur convergence une force
sociale et politique capable de menacer leur domination. Les diverses
élites professionnelles (universitaires, enseignants, médecins,
ingénieurs, cadres techniques et de gestion) sont ainsi mises sous la
dépendance du politico administratif dans le déroulement même du
procès technique du travail et ne peuvent se faire reconnaître dans leur