« Le dieu du carnage » de Yasmina Reza au Théâtre de la Place

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« Le dieu du carnage »
« Le dieu du carnage » de Yasmina Reza au Théâtre de la Place
Michel Kacenelenbogen reprend la pièce qu'il a montée la saison dernière au Théâtre Le Public. Photographie
acerbe de deux couples dont le vernis humaniste s'écaille progressivement sous une violence de moins en
moins contenue. La confrontation finit par virer au carnage.
À l'automne 1994, Pierre Vaneck, Fabrice Luchini et Pierre Arditi ferraillent sur la scène de la Comédie des
Champs-Élysées devant un tableau blanc traversé de liserés également blancs - mais d'un autre blanc. Ce
trio interprète Art, une pièce de Yasmina Reza bientôt récompensée par deux Molière, ceux de l'Auteur et
du Spectacle privé. Et qui, traduite dans plus de trente langues, sera montée partout dans le monde. C'est
la deuxième fois qu'est couronnée cette jeune femme née en 1959 à Paris. En 1987, elle s'est en effet
déjà vu attribuer le Molière de l'Auteur francophone vivant pour sa première pièce, Conversations après un
enterrement.
Fille d'un ingénieur juif mi-iranien, mi-russe et d'une violoniste hongroise ayant fuit la dictature soviétique,
Yasmina Reza est à la fois auteure dramatique, romancière et actrice. Au cinéma, elle a notamment figuré
dans Loin d'André Téchiné et sur scène, dans sa propre pièce, Trois versions de la vie. Elle a également
suivi Nicolas Sarkozy lors de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2007 et en a tiré un livre, L'aube,
le soir ou la nuit, buzz médiatique lors de la rentrée littéraire suivante dont elle aurait été mieux inspirée de
faire l'économie.
C'est vraiment sur le terrain théâtral qu'elle est la plus convaincante, comme le confirme sa septième pièce,
Le dieu du carnage, qu'elle a elle-même mise en scène en 2008 avec, entre autres, Isabelle Huppert et Éric
Elmosnino (le Gainsbourg de Joann Sfar). Michel Kacenelenbogen a monté ce texte la saison dernière au
Théâtre Le Public, avant de le reprendre cette année à Charleroi, Namur, Liège et Bruxelles.
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© Cassandre Sturbois
Auteurs classiques et contemporains
Premier prix au Conservatoire de Bruxelles en 1980, à vingt ans, cet amoureux de la parole théâtrale a
joué sur différentes scènes bruxelloises des œuvres de Shakespeare, Musset, Schmitt, Diderot, Blasband ou
Giraudoux, ainsi que dans plusieurs téléfilms ou séries, tout en s'adonnant à la mise en scène. En 1994, il a
fondé le Théâtre Le Public avec sa femme, la comédienne Patricia Ide. « Être directeur d'une salle, expliquet-il, c'est vouloir que les spectateurs entendent une histoire. Être metteur en scène, c'est vouloir raconter une
histoire et être acteur, l'incarner. Ce sont des plaisirs différents. »
En une trentaine d'années, Michel Kacenelenbogen s'est colleté des pièces classiques # Le Misanthrope et
Dom Juan de Molière, Mort d'un commis voyageur d'Arthur Miller, Maison de poupée d'Ibsen, Fin de partie
de Beckett, La Cerisaie de Tchekhov, La Confusion des sentiments de Stefan Zweig ou Le mariage de Figaro
de Beaumarchais # , sans oublier de s'intéresser à ses contemporains : Éric-Emmanuel Schmitt (Monsieur
Ibrahim et les fleurs du Coran, La Tectonique des sentiments, Le Libertin), Véronique Olmi (Bord de mer,
Chaos debout, Mathilde), Claude Semal (Le Candidat) ou Jean-Claude Grumberg (L'Atelier).
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« Monter une œuvre classique ou un texte peu connu, voire pas du tout, ce n'est pas la même chose, reconnaîtil. La première est référencée, une partie du public a déjà un point de vue sur elle, ce qui n'est pas le cas
de la seconde que le spectateur vient voir sans a priori. Mais je travaille toujours de la même manière : je
raconte une histoire. Et j'aime suivre des auteurs qui me parlent. Comme Éric-Emmanuel Schmitt dont j'ai
joué, en 2000, Variations énigmatiques. Je l'ai rencontré et nous sommes devenus amis. J'ai interprété ou mis
en scène plusieurs de ses pièces et je vais créer sa prochaine au Public. »
Pour la première fois, ce sympathique (presque) quinquagénaire s'attaque donc à Yasmina Reza, dont
Conversations après un enterrement a jadis été présenté au Public. C'est la lecture du Dieu du carnage,
arrivé par la poste, qui l'a convaincu à franchir le pas. « Je lis beaucoup de pièces et je choisis celle que j'ai
envie de mettre en scène en fonction du moment, du rapport à la société. Et avec cette pièce, qui montre
une bourgeoisie de gauche soucieuse de donner des leçons d'éthique et qui finit par se taper sur la gueule,
nous sommes en plein dedans. C'est très bien écrit. Yasmina Reza construit des personnages qu'elle ne met
jamais à mal par la langue ou dans les situations. C'est du divertissement intelligent. »
L'histoire tient en quelques mots. Ferdinand, onze ans, a violemment frappé au visage avec un bâton un
enfant du même âge, Bruno. Plutôt que de porter l'affaire en justice, leurs parents respectifs ont préféré se
rencontrer pour trouver un arrangement. Mais la tension monte rapidement autour d'un clafoutis dont l'un
des convives, avocat, abuse en ne cessant de téléphoner, empêtré dans un procès où il défend une firme
pharmaceutique manifestement peu scrupuleuse. On se montre aimable tout en chicanant. On admet que...
tout en déplorant que... Des alliances de circonstance se font et se défont. Des dissensions apparaissent au
sein des couples. Entre la bienséance et l'envie d'en découdre, qui l'emportera ? Le moindre écart de langage,
car c'est évidemment de cela, et rien que de cela qu'il est question, sera fatal.
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« La violence de leurs enfants vient peut-être de la leur, eux qui ont une très haute idée sur la façon dont
ils traitent certains problèmes, y compris éthiques, commente le metteur en scène. Nous sommes dans
une période où beaucoup de gens donnent des leçons qu'ils feraient bien d'appliquer. Je comprends ces
personnages mais je ne suis pas en empathie avec eux. Je trouve qu'ils ont tort de se comporter ainsi.
Aucun d'eux n'alerte les autres sur leur comportement, ne s'inquiète de leur manque de générosité et de
compréhension réciproque. Ce sont quatre égocentriques qui se prétendent tous très généreux. »
« Pas de réalisme. Pas d'éléments inutiles » sont les indications notées en ouverture du texte. Et effectivement,
sur scène, le décor est volontairement épuré, figuratif. « Il n'a pas d'importance, nous ne sommes pas dans
un intérieur classique, explique Kacenelenbogen. Mais quand les personnages boivent un café, il faut qu'ils
aient une tasse et une sous-tasse. »
Michel Paquot
Février 2010
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Michel Paquot est journaliste indépendant.
Au Théâtre de la Place, du 2 au 6 mars à 20h15. Jeudi 3 mars à 19h, suivi d'une rencontre avec l'équipe.
Réservation: +32 (0)4 342 00 00
Mise en scène: Michel Kacenelenbogen.
Scénographie: Vincent Lemaire. Lumière Laurent Kaye.
Création sonore: Pascal Charpentier.
Costumes et artiste peintre: Véronique Biefnot.
Directeur Technique: Maximilien Westerlinck.
Assistanat à la direction: Laura Van Maaren.
Distribution: Véronique Biefnot, Damien Gillard, Valérie Lemaître et Olivier Massart
Le texte de la pièce est disponible chez Albin Michel.
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