memoire final - CHU Besançon

publicité
Institut de Formation de Professions de Santé
Formation infirmière
44 chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LA DISTANCE RELATIONNELLE
AU CŒUR DES SOINS À DOMICILE
UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais, rédaction de l’abstract du travail de fin d’études
Présenté par : Alice GOLDSTEIN, Clara HUNOT,
Anne-Laure MARREC, Ninon ROUSSELOT
Promotion 2012/2015
Formatrice de guidance : JUNG Danièle
Institut de Formation de Professions de Santé
Formation infirmière
44 chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LA DISTANCE RELATIONNELLE
AU CŒUR DES SOINS À DOMICILE
UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais, rédaction de l’abstract du travail de fin d’études
Présenté par : Alice GOLDSTEIN, Clara HUNOT,
Anne-Laure MARREC, Ninon ROUSSELOT
Promotion 2012/2015
Formatrice de guidance : JUNG Danièle
ÉPIGRAPHE
« Dans quelque maison que je rentre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de
tout méfait volontaire et corrupteur [...]. Quoi que je voie ou entende […], je tairai ce qui n’a
jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas. »
Serment d’Hypocarte
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier Mme Danièle JUNG, cadre formatrice à l’Institut de Formation en
Soins Infirmiers de Besançon, pour nous avoir accompagnées et guidées tout au long de
notre travail d’initiation à la démarche de recherche.
Nous souhaitons également remercier les trois infirmiers libéraux que nous avons rencontrés
dans le cadre de nos recherches, pour leur écoute, leur disponibilité et l’intérêt qu’ils ont
porté à notre travail.
Nous remercions toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à l’élaboration
de notre travail, ainsi que toutes les personnes qui prendront le temps de le lire.
Enfin, nous remercions nos familles et amis, pour le soutien qu’ils ont su nous apporter au
cours de ces trois ans.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
IDE : Infirmière Diplômée d’Etat
TABLES DES MATIERES
I.
INTRODUCTION .............................................................................................................................1
II.
SITUATION D’APPEL ......................................................................................................................
1.
III.
Situation d’appel........................................................................................................................2
QUESTIONNEMENT ET QUESTION DE DÉPART .....................................................................
1.
Questionnement ........................................................................................................................3
2.
Question de départ ....................................................................................................................3
IV.
CADRE CONCEPTUEL ................................................................................................................
1.
Le cadre législatif ......................................................................................................................4
2.
La relation soignant-soigné......................................................................................................4
Définition de la relation ....................................................................................................................5
Définition de la relation soignant-soigné .........................................................................................5
Affects, sentiments, et émotions .....................................................................................................5
La confiance ....................................................................................................................................6
3.
La distance relationnelle...........................................................................................................7
Définition de distance et de proxémie .............................................................................................7
La distance relationnelle ..................................................................................................................8
La juste distance .............................................................................................................................9
Être professionnel .........................................................................................................................10
4.
La relation de soin à domicile ................................................................................................10
La notion de hiérarchie ..................................................................................................................10
L’intimité du lieu de soin ................................................................................................................11
La notion de confiance ..................................................................................................................11
La blouse blanche .........................................................................................................................12
La notion de temps ........................................................................................................................12
L’entourage du patient ...................................................................................................................12
5.
La chronicité ............................................................................................................................13
Définition .......................................................................................................................................13
Rôle infirmier .................................................................................................................................13
Difficultés rencontrées ...................................................................................................................14
V.
ENQUÊTES .......................................................................................................................................
1.
Méthode exploratoire ..............................................................................................................15
2.
Analyse et résultats.................................................................................................................15
Relation soignant-soigné ...............................................................................................................15
Distance relationnelle ....................................................................................................................16
Prise en charge au long cours .......................................................................................................17
VI.
PROBLEMATIQUE ET CONCLUSION ........................................................................................
1.
Problématique..........................................................................................................................19
2.
Conclusion ...............................................................................................................................20
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
I.
INTRODUCTION
1 Durant nos trois années d’étude à l’Institut de Formation en Soins infirmiers, nous avons été
confrontées à une multitude de lieux de stage. Parmi eux ont figuré pour certaines d’entre
nous le domicile, pour d’autres non. Mais quel que soit le lieu de stage, que ce soit en libéral
ou en structure hospitalière, nous avons toutes été impliquées dans la relation soignantsoigné qui fait partie intégrante de notre futur métier.
Dans le cadre de notre Travail d’Initiation à la Recherche de Fin d’Etude, nous nous sommes
plus précisément intéressées à la relation soignant-soigné dans la prise en charge de soins
à domicile, et de l’évolution de celle-ci au fil du temps. En effet, celle-ci nous a paru d’une
grande richesse, dans un contexte très différent de celui de l’hôpital, c’est pourquoi nous
avons voulu l’explorer.
Pour ce faire, nous avons décidé de cibler une population atteinte de pathologies chroniques
nécessitant une prise en charge sur le long cours.
Nous vous présenteron, tout d’abord, la situation qui nous a permis d’amorcer ce travail et
qui a suscité en nous de nombreuses interrogations, ainsi que la question de départ qui a
découlé de cette réflexion autour de la situation initiale.
Puis, dans un second temps, nous développerons notre cadre conceptuel. Celui-ci consiste
en différents concepts que nous avons pu identifier face à notre situation de départ, et les
recherches qu’il nous a été nécessaire de réaliser afin de bien comprendre le sujet.
Enfin, nous vous présenterons les trois entretiens que nous avons menés dans le cadre de
notre travail, ainsi que l’analyse que nous avons réalisée à la suite de ces différents
entretiens avec des professionnels.
II. SITUATION D’APPEL
2 1. Situation d’appel
Mme B. est âgée de 84 ans. D’origine portugaise, elle et son mari vivent depuis une
quarantaine d’années, dans une petite ville de Franche Comté. Ils sont propriétaires d’une
maison de deux pièces.
Ils ont trois enfants qui vivent dans la région, ainsi que cinq petits-enfants. Un lien affectif
privilégié les lie à leur fille ainée qui s’occupe d’eux au quotidien.
Mme B., tout comme son mari, maîtrise peu la langue française.
C’est une personne très chaleureuse et agréable, à la bonne humeur constante.
Mme B. se montre d’un tempérament anxieux. Elle est inquiète pour la santé précaire de son
époux, atteint d’arthériopathie oblitérante des membres inférieurs et d’une cirrhose
hépatique. Monsieur B. présente des plaies variqueuses aux jambes, qui nécessitent des
pansements non quotidiens.
Elle est prise en charge à domicile depuis quinze ans par les quatre infirmiers libéraux du
cabinet de sa commune, pour son diabète de type 2, multicompliqué insulino-requérant.
Elle est également en dialyse péritonéale depuis cinq ans pour son insuffisance rénale
chronique.
Actuellement les infirmiers libéraux effectuent six passages quotidiens, sept jours sur sept
pour réaliser les soins du couple, qui s’effectuent dans la chambre.
Mme B. se montre très attachée aux infirmiers du cabinet. Elle a affiché à son chevet la
photographie de leurs enfants respectifs. Croyante et pratiquante, elle prie régulièrement
pour eux. Elle ne manque jamais de leur proposer café chaud et biscuits au quotidien, et leur
offre de petits présents aux dates importantes.
A ce jour, Mme B. est à un stade d’insuffisance rénale chronique terminale. La dialyse
péritonéale n’est plus efficace. L’hémodialyse est donc envisagée par le service de
néphrologie du centre hospitalier le plus proche et le médecin traitant.
Exprimant sa peur du milieu hospitalier, la « complicité » et la confiance qui lient Mme B. à
ses infirmiers, tout cela l’amène à s’en remettre à eux afin de prendre sa décision.
III. QUESTIONNEMENT ET QUESTION DE DÉPART
3 1. Questionnement
Notre questionnement s’inscrit dans le cadre spécifique du soin à domicile
o
Comment la relation soignant/soigné se construit-elle au fil du temps et de la prise en
charge?
o
La durée et la fréquence des soins modifient-elles cette relation soignant/soigné?
o
Comment la relation dite “protocolaire” entre le soignant et le soigné évolue- t-elle
vers une relation plus “conviviale”?
o
Comment s'instaure la confiance dans la relation soignant/soigné?
o
Quels sont les facteurs qui favorisent ou non la relation de confiance entre le
soignant et le soigné?
o
La barrière de la langue constitue-t-elle un obstacle à la qualité de la prise en
charge?
o
Dans la relation au long court, la connaissance mutuelle entre l'IDE et le patient, estelle un avantage ou un inconvénient?
o
Doit-on parler de distance relationnelle ou de juste distance relationnelle dans la
relation soignant/soigné?
o
Comment définir la juste distance relationnelle?
o
Comment préserver cette juste distance dans le temps?
o
Dans quelles mesures le concept de distance relationnelle est-il modifié dans les
soins à domicile?
o
Comment l'absence de codes hospitaliers tel que le port de la blouse blanche ou le
lieu où se déroule le soin, influence-t-elle la distance relationnelle et le concept
d'intimité?
o
Le partage de la vie privée a-t-il sa place dans le soin?
o
Où se situe la nuance entre sympathie et empathie dans les soins au long cours?
o
Les patients soignés à domicile ont-ils plus de besoins que les patients hospitalisés?
o
Dans quelle mesure l’asymétrie de la relation est-elle atténuée dans les soins à
domicile?
2. Question de départ
4 En quoi la distance relationnelle entre l’IDE dispensant des soins à domicile et le patient
atteint
de
pathologie
chronique
peut-elle
être
impactée?
IV. CADRE CONCEPTUEL
4 1. Le cadre législatif
Comme tout infirmier Diplômé d’État, l’IDE qui exerce en milieu libéral est soumis à un cadre
législatif détaillé dans le Code de la santé publique. Au sein de celui ci, aucun article ne
légifère la relation de soin ainsi que la distance relationnelle entre l'IDE et le patient.
Cependant l'article R.4311-2 du Code de la Santé Publique stipule que « les soins infirmiers
[...] intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. » [1, p.163]. La
relation entre l'IDE et le patient est donc évoquée, et décrite comme faisant partie intégrante
du soin.
L'article R.4312-25, précise lui que : « l'infirmier ou l'infirmière doit dispenser ses soins à
toute personne avec la même conscience quels que soient les sentiments qu'il peut éprouver
à son égard [...] » [1, p.189]. Il souligne donc l'obligation de prendre en charge tout patient de
manière similaire, quelles que soit les interférences émotionnelles ou sentimentales.
Enfin, l'article R.4312-2, ajoute que : « l'infirmier ou l'infirmière exerce sa profession dans le
respect de la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité et l'intimité du patient et de
la famille. » [1, p.187]. Il énonce donc deux notions importantes de la relation de soin : le
respect, et la prise en compte de la famille du patient.
Les articles législatifs concernant particulièrement l’exercice libéral sont détaillés dans les
articles allant de 4312-33 à 4312-48.
En lien avec la relation de soin, nous pouvons citer l’article R.4312-41 qui précise que
l’infirmier libéral peut mettre un terme à la prise en charge, s’il juge la relation insatisfaisante.
Néanmoins, il se doit de fournir une explication au patient et d’assurer la continuité des soins
: « si l’infirmier ou l'infirmière décide, sous réserve de ne pas nuire à un patient, de ne pas
effectuer des soins, ou se trouve dans l’obligation de les interrompre, il doit en expliquer les
raisons à ce patient […]. » [1, p.191].
2. La relation soignant-soigné
La relation soignant-soigné se construit sur l’échange qui unit l'IDE et son patient : le soin.
Autour de cet acte technique se tisse une composante relationnelle, par le biais de la
communication (verbale et non verbale), de la confiance, du partage, des émotions, des
sentiments, et de l'affect.
5 Définition de la relation
Au cœur même de l’exercice de notre future profession d’infirmière, la relation est, d’après
Alexandre Manoukian « […] Une rencontre entre deux personnes au moins, c’est-à-dire deux
caractères, deux psychologies particulières, et deux histoires » [2, p.9].
Mais d’autres facteurs interviennent également dans l’établissement d’une relation, tels que
des facteurs psychologiques (valeurs personnelles, représentations, préjugés, émotions,
désirs, enjeux particuliers de la communication…), des facteurs sociaux (appartenance à
une catégorie professionnelle, à une classe d’âge, à une culture, ainsi que les rôles et
fonctions de chacun), des facteurs physiques (perceptions propres à chacun, aspect
physique).
Toute relation va donc dépendre de la combinaison de multiples paramètres, d’où son
caractère variable et unique.
Elle est essentiellement déterminée par la personnalité de chacun des protagonistes, et par
le contexte dans lequel cette relation prend jour et évolue.
Définition de la relation soignant-soigné
D’après le Dictionnaire Encyclopédique des Soins Infirmiers, il s’agit du « lien existant entre
deux personnes de statut différent, la personne soignée, et le professionnel de santé ». [3]
Cette relation implique trois attitudes : un engagement personnel de l’infirmier, une
objectivité, ainsi qu’un minimum de disponibilité.
« La relation soignant-soigné n’est pas une relation de salon, elle a pour but l’aide et le
soutien de la personne soignée jusqu’à son retour à l’autonomie. Elle permet d’identifier les
demandes de la personne et d’analyser les interactions » [4]. Ainsi, cette relation tient
compte d’un soignant qui prend soin d’un patient. Le soignant est donc un être humain avec
une personnalité qui lui est propre, ses forces et ses limites.
Affects, sentiments, et émotions
L’affectivité qui empreint la relation est donc l’un des déterminants qui la rendent unique.
Définie comme une « aptitude à être affecté de plaisir ou de douleur » selon le dictionnaire
Nouveau Petit Robert [5, p.37], elle est au coeur de la relation car elle est propre à l’être
humain.
Savoir identifier ses émotions en tant que soignant est primordial, mais faciliter la
6 reconnaissance de son émotion par la personne soignée et favoriser son expression fait
partie intégrante du rôle infirmier.
C’est l’expression de ces émotions qui aidera le soignant à découvrir le vécu de la personne
malade et ses besoins. Nous définirons les quatre principales émotions.
La peur indique une menace, un danger. La personne peut se réfugier dans une attitude de
fuite, ou rester pétrifiée. Grâce à une réponse empathique et attentive, le soignant pourra
répondre au besoin de sécurité et de protection, et permettre à la personne d’identifier sa
peur, de la nommer.
La joie est une émotion qui se manifeste à travers les sourires, les rires, la sérénité.
La tristesse peut dissimuler une dépression. La personne a tendance à s’isoler, à se
renfermer. Une présence authentique, du réconfort, de la proximité favoriseront l’expression
de la tristesse à travers la relation d’aide.
La colère reste une émotion qui s’exprime contre un tiers ou contre soi-même. L’objet réel de
la colère identifié, le soignant pourra accompagner cette émotion avec calme et fermeté, et
redéfinir les limites à ne pas dépasser.
Alexandre Manoukian définit cinq types de sentiments : la supériorité, l’impuissance, la
responsabilité, le découragement, et la satisfaction.
La connaissance de soi permet d’une part, une meilleure compréhension de l’autre, et
d’autre part, de gagner en confiance en soi. Evitant ainsi les débordements, risques de burnout, etc. Il paraît évident que savoir doser sentiments et émotions renforce la richesse et
l’intérêt professionnel de la relation.
La confiance
Les liens de confiance semblent donc indispensables à l’instauration d’une relation de soins
de qualité.
Le cadre législatif contribue à établir ce lien en amont même du début de toute relation de
soins. « L’information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses
compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables » [6].
Le patient sait aujourd’hui qu’il est en droit de bénéficier de toute information concernant son
état de santé. « Cette loi vise donc à un meilleur partage des informations et des décisions,
et doit permettre d’établir une véritable relation de confiance soignant-soigné » et
« Construire une relation de confiance durable avec les patients » [7, pp.17-18].
Ainsi, dès le premier contact, la transparence, l’attention portée, la prise en charge adaptée
aux besoins et personnalisée, contribue à cimenter la relation soignant-soigné grâce à la
7 confiance qui en découle.
Nous observerons également que les conditions nécessaires à l’instauration et au maintien
du lien de confiance sont multiples.
- L’écoute active est la base de toute relation d’aide et de soins. Communiquer c’est tout
d’abord écouter, et la disponibilité psychique est alors incontournable. L’écoute active
implique de ne pas couper la parole, encourager à aller plus loin dans le discours, reformuler
les paroles si nécessaire, respecter les silences, observer le langage du corps.
- L’empathie qui se caractérise par un profond désir de comprehension, soit savoir se mettre
à la place de la personne sans cependant s’identifier à elle.
- La congruence ou l’authenticité ou savoir être soi-même dans l’attitude verbale et non
verbale et cultiver une relation humaine empreinte de sincérité. L’authenticité peut aussi se
définir comme la faculté du soignant à être toujours en accord avec ce qu’il pense, ce qu’il
ressent, et ce qu’il exprime. L’authenticité dans la relation de soins pourrait également
correspondre à une manière de se rendre le plus disponible possible, en tant que soignant,
pour comprendre au mieux ce que le patient exprime à travers ses demandes.
- Le respect du patient et de soi-même est une attitude fondée sur la confiance et la
conviction qu’une personne mérite le respect par le simple fait qu’elle est un être humain et
digne d’être considérée comme tel. Ses valeurs sont respectées.
Tous ces éléments interviennent dans la construction des liens de confiance qui tissent la
relation de soins, et sont la clef de voûte de la relation d’aide.
3. La distance relationnelle
Ainsi, au cours de la relation soignant-soigné nous pouvons voir apparaître une distance qui
s’instaure entre l’IDE et le patient. Une distance physique lors des soins techniques, et une
distance relationnelle lors des moments de partage qui accompagnent le soin.
Définition de distance et de proxémie
Selon Pascal Prayez, « la distance est la séparation de deux points dans l'espace, de deux
objets éloignés l'un de l'autre par un écart mesurable » [8, p.9]. Cette définition renvoie à une
notion physique.
Cette distance physique dans les relations interpersonnelles a été étudiée par
l'anthropologue Edward T. Hall. Il a inventé le terme de « proxémie » qui signifie
8 l'« ensemble des observations concernant l'usage que l'humain fait de l'espace qui l'entoure
et le sépare des autres.» [9, p.15]. Ainsi, il différencie principalement quatre distances :
- La distance publique (au-delà de 3m60) : les interactions sont faibles, et essentiellement
basées sur la communication verbale.
- La distance sociale (de 3m60 à 1m20) : à cette distance une communication non verbale se
met en place, notamment grâce à un échange de regards. Cependant cet écart physique ne
permet pas encore aux deux individus de se toucher.
- La distance personnelle (de 1m20 à 45cm) : le toucher entre en jeu dans cette distance, et
la tonalité de la voix change pour s'adoucir.
- La distance intime (de 45cm au contact physique) : enfin, la distance intime favorise la
communication non verbale au détriment de la communication verbale. Les perceptions
sensorielles se révèlent.
Dans l'exercice de sa profession, l'IDE est amenée à se tenir à différentes distances de son
patient : à une distance sociale lors d'un échange professionnel, à une distance personnelle
lors d'une relation d'aide, et également à une distance intime lors d’un soin.
Outre la distance physique, il existe également entre l'IDE et le patient, une distance
relationnelle, une distance professionnelle.
La distance relationnelle
Selon nous, la distance relationnelle pourrait se définir comme l’habilité à être capable de
maintenir une distance émotionnelle dans ses relations avec autrui, tout en étant
empathique. En effet, deux individus ne peuvent fusionner, ne peuvent prendre la place
réciproquement l'un de l'autre ; il est donc nécessaire de faire la distinction entre soi et
autrui. Cependant, nous sommes capables de comprendre les émotions que ressent l'autre
et ainsi d'être compatissant et bienveillant. Cette définition est valable pour tout type de
relation, qu'elle soit professionnelle, amicale, amoureuse...
La distance professionnelle est, quant à elle, définie comme « la limite morale et
psychologique à l’expression des valeurs personnelles dans le cadre de l’activité
professionnelle. » [10]
Ces deux notions se rejoignent dans l'exercice de la profession infirmière.
Au cours de sa profession, l'IDE doit donc se questionner sur l'intelligence émotionnelle dont
elle fait preuve dans la relation avec son patient, puisque « si une distance excessive peut
conduire à mal comprendre les besoins du malade, trop d'empathie met en danger le
soignant, qui s'identifie au patient, mais aussi le malade, qui peut se sentir oppressé par une
infirmière trop pesante. » [11, p.54]. « Éprouver des émotions, c'est normal, mais lorsque l'on
9 est trop affecté par certaines situations, on est moins efficace. » [11, p.56].
Ainsi, l'IDE est donc amenée à rechercher la distance relationnelle la plus juste avec ses
patients afin de les prendre en charge de la façon la plus adaptée.
La juste distance
« Être dans la juste distance est avant tout une question de dosage, ni trop ni trop peu »
nous dit Florence Michon [12, p.32]. « La recherche de ce savant dosage implique de
remettre en question nos comportements, souvent impulsifs ou instinctifs. » [11, p.54].
Il appartient donc à l'IDE de se questionner sur la distance qu'elle instaure avec ses patients,
mais également de s'adapter individuellement à chaque patient. « La règle primordiale est
justement... qu'il n'existe pas de règle valable pour tous les patients. La relation entre le
malade et l'infirmière est le fruit de la rencontre entre deux personnalités différentes, deux
vécus et deux façons d'appréhender la maladie. » [11, p.54]. De ce fait, la relation qui unit
l'IDE et son patient dépend énormément des personnalités des deux protagonistes, elle sera
donc différente d'un patient à un autre, d'une IDE à une autre... D'autre part, cette distance
relationnelle n'est pas figée : elle est malléable, évolutive... Mais elle doit toujours être
considérée comme un outil positif pour la pérennité et la stabilité de la relation. « Savoir
communiquer et soigner, tout en étant dans une juste distance professionnelle […] s'agit d'un
art qui s'apprend, s'entretient et se cultive. » [12, p.32]
La juste distance relationnelle est une notion complexe qui impose au soignant une bonne
connaissance de soi mais aussi une réflexion régulière sur sa pratique. « Prendre
conscience de sa manière d'être est un processus déstabilisant mais aussi constructif » [13,
p.71].
La psychologue Elke Mallem dit que « travailler la distance professionnelle, ce sera travailler
les "limites". Il s'agit de créer un "bonne peau" qui protège tout en permettant d'échanger
avec le monde. » [14, p.23].
Ces mots, riches de sens nous apportent, peut être, une première piste de réflexion sur une
éventuelle définition de la juste distance, avec la notion d'échange mais aussi de protection.
Nous pouvons également ajouter une seconde piste de réflexion grâce à la citation suivante :
« une juste relation est une relation jugée bonne pour les deux personnes » [13, p.70], où la
notion de dualité dans la relation intervient. Une dernière idée peut contribuer à essayer de
définir la juste distance : le professionnalisme. « La bonne distance, c'est celle qui nous
permet de rester professionnelle, de toujours nous positionner en tant qu'infirmière. » [11,
p.56].
10 Être professionnel
Ce terme bien connu, mais aussi très vague, est définit, par le dictionnaire Larousse comme
la qualité de quelqu'un « qui exerce une activité de manière très compétente » [15]. Nous
retenons donc de cette définition que la compétence est une notion importante du
professionnalisme. Cependant, nous pouvons nous demander sur quels critères juger de la
compétence de quelqu'un ? La compétence est-elle la même pour tout le monde ?
Yves Gineste et Jérôme Pellissier soulignent qu'un professionnel, en contrepartie de sa
remuneration, a des devoirs, dont « le premier de ces devoirs est celui d'exercer son métier
dans le respect des « règles de l'art. » [16, p.40]. Ils ajoutent que « les règles de l'art, somme
des savoirs et savoir-faire établis au fur et à mesure du développement d'une profession […]
permettent l'évaluation et sont une référence quasi universelle à un moment donné.» [16,
p.40]. Il resort, de cette seconde définition, l'idée que, pour être professionnel, une personne
doit avant tout respecter les règles théoriques préalablement établies de sa profession.
Enfin, pour Serge Philippon « l'adjectif professionnel" sous-entend la mise en œuvre de
savoirs et qualités multiples : savoirs théoriques, manière d'être, savoir-faire et capacité
d'anticiper, fondateur du prendre soin » [13, p.64]. Le terme se précise un peu plus grâce à
cette définition qui prend en compte, non seulement les savoirs théoriques et pratiques, mais
également les savoirs relationnels à travers la façon de se comporter.
4. La relation de soin à domicile
De nombreux soignants s’accordent à dire que la relation de soin à domicile est très
différente de la relation de soin en milieu hospitalier. Il existe en effet diverses pistes de
réflexion pouvant démontrer qu’en fonction du lieu de soin la relation entre l’IDE et son
patient sera différente.
La notion de hiérarchie
A l’hôpital, la notion de hiérarchie est prégnante. Le patient se fie à une structure, à une
équipe, à une multitude de compétences et de moyens. Il doit s’adapter à un rythme, à la
promiscuité, aux odeurs, aux bruits, à la noria de « blouses blanches » rencontrées : il existe
une forme de dépersonnalisation. Selon Hélène Harel-Biraud : « Il souffre de limitations
matérielles et affectives et de dépendre d’autrui ». [17, p.112]
11 A domicile, le contexte est tout autre. Les soins s’effectuent dans le cadre particulier de
l’espace personnel du patient, son environnement familial, social et culturel : « le patient
reçoit chez lui, donne à voir et s’expose ainsi au regard, au jugement » [18, p.53]. En lui
ouvrant sa porte, le patient considère donc son infirmière comme son invitée. Dans ce sens,
c'est donc l'infirmière qui est amenée à s'adapter au temps et au lieu. L'IDE reste maître des
soins, mais le patient est maître des lieux.
L’intimité du lieu de soin
L’intimité se définit comme : « ce qui est intérieur et secret, profond » ou « dans le privé,
dans les relations avec les intimes » [19, p. 1361].
Le rapport à l’intime est différent lors de la prise en soin à domicile. « […] À l’hôpital, l’intimité
est surtout perçue et abordée à travers la nudité et la pudeur » [20, p.53]. Ce concept est
exclusivement rapporté au corps.
Au domicile, le concept d’intimité recouvre d’autres domaines qui sont la famille, les
habitudes de vie, le lieu de vie lui-même. L’intrusion dans l’intimité du patient prend donc de
nombreuses formes. Selon Serge Philippon, « le rapport à l'intime de la personne soignée
s'avère plus prégnant quand les soins se déroulent dans un lieu de vie, totalement investi et
personnalisé de longue date » [13, p.69]. Il distingue « le lieu de vie intime » (chambre, salle
de bain) « où le rapport à l’intime est très intense, où la pudeur est recherchée » et
« l’espace convivial » (salle à manger, cuisine, salon) plus propice à la rencontre, aux
échanges. Ainsi, la véritable intimité ne relève pas que du corps. Le partage de l’intimité
nécessite donc une grande confiance.
La notion de confiance
Comme nous l’avons dit précédemment, à l’hôpital, le patient s’en remet à une structure, à
des moyens. Au domicile, il s’en remet à une personne. D’après Annie Pivot « Nous
sommes souvent le lien privilégié entre le malade et les autres intervenants médicaux et
paramédicaux, ce qui demande un état de pleine confiance. » [21, p.44].
Le Petit Robert définit la confiance comme « espérance ferme de celui ou celle qui se fie à
quelqu’un ou quelque chose. » mais se réfère également à « un sentiment de sécurité ».
Françoise Hamon-Mekki et Dominique Phanuel distinguent « la confiance relationnelle » qui
concerne l’individu et « la confiance rationnelle » [22, p.44] en lien avec la compétence
technique. D’après Annie Pivot, « la relation de confiance se construit dès le premier
12 contact » [21, p.43]. Elle s’acquiert au travers de la qualité des soins prodigués mais
également par les facultés d’adaptation du soignant au lieu de vie, à l’entourage. La
confiance ne s’accorde pas d’emblée, elle se construit progressivement grâce à des savoirsêtre et des savoirs-faire.
La blouse blanche
Une autre des spécificités de la relation de soin à domicile est l’absence du port de la blouse.
« Le vêtement de l’infirmière lui donne « le droit de soigner », il confère un
certain pouvoir » [23, p.161]. La blouse est l’incarnation de la compétence, de la
connaissance. Le port de la blouse instaure une certaine distance dans la relation de soin,
« […] le vêtement protège autant qu’il instaure une distance. » [23, p.162]. Ainsi, on peut
penser que l’absence de blouse dans les soins à domicile a une influence sur la relation de
soin et participe à la fluidité des échanges.
La notion de temps
D’après Laetitia Delaunay, le temps dans le soin à domicile est également perçu de façon
particulière. A l’hôpital, il est généralement appréhendé en termes de productivité, de
rentabilité. Le temps à domicile serait plutôt un temps de rencontre. Il est par ailleurs très
« corrélé à la qualité de la relation soignant soigné » [18, p.53]. La convivialité du moment
aura un impact sur le ressenti du soin.
L’entourage du patient
L’exercice au domicile implique également la présence des proches du patient de façon plus
prégnante qu’en structure. Ceux-ci peuvent s’avérer être de précieuses personnes
ressources mais peuvent également avoir un rôle perturbateur tant d’un point de vue
organisationnel que relationnel.
13 5. La chronicité
L’IDE à domicile occupe une place à part entière dans la prise en charge des pathologies
chroniques. En effet, ces pathologies nécessitent un suivi régulier, au long court, mais ne
recquièrent pas systématiquement une hospitalisation prolongée.
La définition
L’Organisation Mondiale de la Santé définit une maladie chronique comme un problème de
santé qui nécessite une prise en charge pendant plusieurs années.
«Si certaines défaillances organiques sont d’origine congénitale, d’autres sont liées à
l’altération fonctionnelle précoce d’un organe en rapport avec un évènement inopiné.
D’autres enfin sont en rapport avec le vieillissement normal, qui se fait à un rythme variable
d’un individu à un autre, en fonction de différents facteurs, dont le mode de vie et l’exposition
à un certain nombre de facteurs de risque. » [24, avant-propos].
Le rôle infirmier
L’IDE à domicile a pour rôle de réaliser les soins prescrits. Elle se doit également d’observer
l’évolution des signes cliniques, et de prévenir les autres professionnels qui interviennent
dans la prise en charge du patient, en cas de complications.
La fréquence et la régularité de ses passages à domicile font que l’IDE connaît bien son
patient, ses habitudes et son cadre de vie. Ainsi, elle sait s’adapter au patient en ayant
toujours le souci d’améliorer sa qualité de vie. « […] Il s’agit pour le soignant d’adapter ses
interventions en fonction de ses observations, et de proposer ainsi un accompagnement
adapté à la personne soignée. » [25, p.161].
Un accompagnement de qualité se définit également par la nécessité de considérer le
patient dans sa globalité. En effet, la survenue de la maladie, puis son évolution, ont
contraint le patient à modifier l’organisation de son existence, tant sur le plan personnel que
sur le plan familial. Il va donc devoir s’adapter aux conséquences de sa maladie d’une part,
mais aussi au rythme imposé par son suivi.
D’autre part, l’IDE a également un rôle éducatif auprès des patients atteints de pathologies
chroniques. L’information favorise en effet la participation du patient et son adhésion aux
soins, dans le but de préserver son autonomie.
14 L’aspect relationnel est enfin primordial dans ce type de prise en charge. En effet, la
chronicité de la maladie peut être à l’origine de réelles difficultés psychologiques. L’écoute et
la disponibilité sont donc essentiels pour un accompagnement de qualité.
Les Difficultés rencontrées
Cependant, si l’IDE à domicile occupe une place importante dans l’environnement soignant
du patient, elle doit aussi composer avec certaines difficultés telles que l’environnement du
patient, la solitude du soignant face au patient, mais aussi face à son entourrage.
V. ENQUÊTES
15 1. Méthode exploratoire
Afin de confirmer ou d'infirmer nos recherches théoriques, nous sommes allées à la
rencontre de trois infirmiers libéraux. Nous avons fait le choix de professionnels aux parcours
variés, exerçant dans des structures, de taille et de contexte différents. Nous avons
également cherché à confronter le milieu urbain et le milieu rural. En effet, il nous semblait
intéressant de comparer différents modes d'exercice libéral de la profession infirmière.
De ce fait, nous avons interviewé un infirmier liberal, pratiquant seul depuis vingt ans dans
un quartier résidentiel urbain (IDE 1); un infirmier exerçant depuis quatre ans, dans un
cabinet en association à deux autres professionnels, en zone péri-urbaine (IDE 2); et enfin
un infirmier, associé à trois autres professionnels depuis huit ans, dans une maison médicale
en zone rurale (IDE 3).
Pour ce faire, nous avons élaboré une trame d’entretien commune se basant sur différents
concepts qu’il nous semblait important d’éclairer. Nous avons fait le choix de mener des
entretiens semi-directifs, constitués de questions essentiellement ouvertes, et de questions
alternatives, afin de laisser le champ libre à des échanges fructueux. En effet, l’utilisation de
nombreuses questions fermées aurait fortement réduit la richesse de ces entretiens.
Nous sommes relativement satisfaites de notre méthode de travail et de notre trame
d’entretien qui nous a permis d’appréhender de nombreuses facettes de la relation de soin à
domicile. Cependant, nous aurions apprécié d’avoir un échange féminin sur cette
thématique.
Vous trouverez ci-joint, en annexe, la trame d’entretien ainsi que le tableau récapitulatif de
nos entretiens.
2. Analyse et résultats
La relation soignant-soigné
Les trois IDE abordent des notions différentes pour définir la relation soignant-soigné.
Cependant tous emploient des termes forts en matière d’implication envers l’autre.
Pour la définir, l’IDE 1 emploie les mots suivants « relation de confiance », « aider », «
apporter quelquechose », « éduquer », l’IDE 2 parle de « service à la personne », « cadre de
soin », « aide ». L’IDE 3 quant à lui, a eu plus de difficultés à définir ce concept, il parle de
« quelque chose qu’on vit tous les jours ».
16 Les trois IDE s’accordent à dire que la confiance est au cœur de la relation soignant-soigné
Pour tous, elle est le fondement de relations durables. Les IDE 1 et 2 la considèrent
indispensable à cette relation. L’IDE 2 souligne que « c’est le patient qui donne sa
confiance » et l’IDE 3 lui, explique que c’est « 70% de notre prise en charge » dans les soins
à domicile. Les IDE 1 et 2 la citent d’ailleurs comme un critère prévalent de qualité à la
relation soignant-soigné.
Au-delà de la confiance, d’autres critères de qualité entrent en jeu dans la relation soignantsoigné, pour les professionnels que nous avons rencontrés. Encore une fois, les termes
employés sont différents, mais tous marqués par la notion d’échange. L’IDE 1 cite
« l’écoute » et « la patience », l’IDE 2 parle « d’ouverture d’esprit » et de « respect », l’IDE 3
aborde le « prendre soin », « la disponibilité » et « l’empathie ».
Le cadre de soin intervient également dans la relation soignant-soigné, les trois IDE affirment
qu’il existe une différence notable entre cette relation dans les soins à domicile et en
structure. Pour les IDE 1 et 2 le lieu du soin a une forte influence : « le côté relationnel à
domicile est beaucoup plus fort qu’à l’hôpital » (IDE 2), « tu noues plus facilement contact
[…] parce que tu es chez eux » ; « tu es leur invité, chez eux, dans leur domicile » (IDE 1).
Contrairement aux IDE 1 et 2, l’IDE 3 considère que le lieu du soin n’est pas si déterminant
pour la relation. Pour lui, c’est plutôt le temps consacré à la personne qui est primordial :
« […] après, que l’on soit chez lui ou à l’hôpital, je ne sais pas, il y a quand même le
pourquoi on est là, donc même si le cadre joue, pas tant que ça en fait ».
L’absence du port de blouse est également un point qui divise. L’IDE 1 reconnaît que « la
blouse est synonyme d’institution » mais ne pense pas que cela influence beaucoup, Pour
l’IDE 2, en revanche : « on n’a pas la blouse, on n’a pas de barrières ».
A travers les propos recueillis, on voit que malgré de nombreux points communs, la notion
de relation est propre à chacun, ce qui fait que chaque relation est unique.
La distance relationnelle
Aucun des trois IDE ne donne de définition précise de la distance relationnelle, néanmoins
ils parlent tous de positionnement et de recul. L’IDE 1 parle de « se préserver », de « couper
les ponts », de « mettre une barrière », l’IDE 3 ajoute « savoir rester à sa place », « savoir
mettre une distance », « mettre du cadre, des limites ». L’IDE 2 nuance ces propos en
disant : « on ne peut pas se passer du rapprochement avec les patients ».
L’IDE 1 définit la juste distance comme « savoir trouver le bon milieu ». Pour l’IDE 2 « il faut
garder cette juste distance », de plus, il introduit la notion de vigilance : « […] il faut faire
attention ». Pour l’IDE 3 parler de juste distance est un jugement, selon lui les critères qui la
17 définissent sont subjectifs. Cependant, pour lui « du moment que le soignant peut faire son
travail, dans de bonnes conditions et que le patient se sent bien pris en charge, on peut
parler de juste distance ». On notera que les IDE abordent tous cette distance d’un point de
vue émotionnel. Aucun ne fait référence à la distance physique qui visiblement n’aurait pas
de d’impact sur la distance relationnelle.
Concernant le lien entre la qualité des soins et la distance relationnelle, les opinions sont
divergentes. L’IDE 1 affirme que oui, pour lui « la qualité des soins dépend de la distance et
de la relation que tu as avec le malade : de la confiance, du contact, de l’approche, de la
manière de leur parler ». À contrario, pour l’IDE 2 : « non, les soins sont exécutés de la
même façon que ce soit la première fois ou quelqu’un qu’on connaît depuis longtemps ».
Ainsi, pour l’IDE le côté relationnel fait partie intégrante du soin et de l’acceptation, de celuici.
Les trois IDE reconnaissent recevoir des manifestations d’affection de la part de certains de
leurs patients, l’IDE 2 précise que « cela va avec les relations qu’on a ».
De plus, ils admettent un partage de la vie privée dans le soin, mais d’après l’IDE 1 « il y a
un équilibre à trouver », il ajoute « il ne faut pas que ça rentre dans le familial, dans l’intrusif,
dans le trop privé ».
Il existe une connaissance mutuelle entre le soignant et le soigné à domicile qui apparaît
comme un avantage pour les IDE 1 et 2. Ce propos est nuancé par l’IDE 3 qui dit : « on peut
parler de connaissance mutuelle, pas forcément au même niveau ». Pour lui, le partage des
informations n’est pas équitable. En tant que professionnel, le soignant aura nécessairement
plus d’informations à propos du soigné, afin d’avoir une prise en charge optimale.
Par ailleurs, tous trois reconnaissent avoir recours au tutoiement avec certains de leurs
patients pas forcément suivis de longue date. « Cela dépend de la personne […] pas de la
durée de la prise en charge. » (IDE 1). L’IDE 3 précise : « je pense qu’on peut être dans le
tutoiement assez facilement et puis savoir rester à sa place. ».
Ainsi les professionnels que nous avons rencontrés reconnaissent avoir une relation
privilégiée avec certains de leurs patients, mais insistent sur l’importance de poser un cadre
et des limites.
La prise en charge au long cours
Pour caractériser les relations entretenues lors des prises en charge au long cours, les IDE
emploient les termes suivants : « amicale », « professionnelle », « confiante » (IDE 1);
« professionnelle »,
« attachante »,
« simple
et
sincère »
(IDE
2);
« cordiale »,
« professionnelle », « empathique » (IDE 3). Nous pouvons donc en déduire que le caractère
18 professionnel de cette relation est essentiel, mais que les affects ont également toute leur
place au sein de celle-ci.
Pour les trois IDE, la fréquence des passages et la durée de la prise en charge ont une
influence sur la relation qu’ils entretiennent avec leur patient, ainsi que sur l’évolution de la
relation, pour l’IDE 3 : « oui forcément le temps joue sur la relation ». Cependant l’IDE 2
nuance ce propos : « Oui et non. Avec certains patients […] cela reste assez protocolaire.
Avec d’autres, il y a une vraie relation qui se tisse » et dit également : « c’est une question
de personnalité […] Ce n’est pas quelque chose qui se calcule ». A travers ces propos, nous
remarquons que, bien plus que la durée de la prise en charge, c’est avant tout la
personnalité et l’engagement des protagonistes qui influent sur la relation.
Les IDE 2 et 3 s’accordent à dire qu’il n’est pas toujours possible de conserver une juste
distance relationnelle dans le temps. L’IDE 3 souligne que le travail en équipe favorise le
maintien de cette juste distance : « […] il y a toujours le relais d’un autre ».
L’IDE 2 évoque également l’importance du travail en équipe, notamment lors de certaines
prises en charge difficiles : « on peut être amené à stopper la prise en charge si ça devient
trop pénible ». Les 3 IDE reconnaissent s’être déjà sentis débordés dans certaines de leurs
prises en charge, pas sur le plan émotionnel mais davantage sur le plan pratique
(investissement, services rendus etc.). Ils insistent de nouveau sur l’importance du cadre
posé et des limites fixées : « on repose le cadre quand ça dérape » (IDE 2).
Signe de la confiance instaurée lors de ces relations de longue date, certains patients s’en
remettent à leur infirmier lorsqu’ils ont des choix thérapeutiques à faire. L’IDE 2 est
catégorique : “Non, ça ne nous est jamais arrivé et on n’est pas là pour influencer une telle
decision, ce n’est pas du tout notre rôle”. A contrario, l’iDE 3 cite une situation précise dans
laquelle il s’est impliqué : “ Quand la famille m’a demandé mon avis, même si effectivement
je leur ai bien dit que ce n’était pas de mon ressort et que je n’avais pas les compétences
pour juger techniquement ce qui était mieux pour elle […] je leur ai dit que je pensais pas
que c’était un gain pour sa qualité de vie suffisamment important pour le faire.”
L’IDE 1 est beaucoup plus nuancé dans sa réponse : “oui, mais pas sur des choses trop
graves” “tu as un avis consultatif” (IDE 1).
A travers ces propos on sent donc bien qu’une implication très forte dans la relation peut
bousculer les limites du cadre de soi
VI. PROBLEMATIQUE ET CONCLUSION
19 1. Problématique
Les recherches que nous avons faites nous ont permis d’étayer notre question de départ. La
distance relationnelle est bien un des enjeux de la relation soignant-soigné. Cependant il est
difficile de donner une définition précise de cette distance relationnelle. En effet, comme son
nom l’indique, le point de départ est une relation de soin entre un soignant et un soigné,
même si le soin est au cœur de cette relation, cela reste la rencontre de 2 personnes avec
des affects, des émotions, des personnalités pas forcément identiques. Il y a donc de
nombreux paramètres qui entrent en jeu et qui font que la rencontre se fait ou non. Cela est
d’autant plus exacerbé lors des prises en charge à domicile. En effet, on entre de plain-pied
dans l’intimité du patient ce qui rend les contours de la relation sont beaucoup plus flous
qu’en institution. On peut avancer que les règles sont différentes de la relation de soin en
institution même si les grands principes de la relation sont identiques en matière de respect,
de confidentialité, d’empathie.... Dans les prises en charge au domicile, le patient est
pleinement acteur de sa prise en charge. C’est lui qui donne le tempo dans la relation, en ce
sens où il reçoit chez lui, donne à montrer, et partage ce qu’il souhaite. Cette relation est
dépouillée des attributs de la relation de soin en institution c’est une relation bi latérale et non
plus multilatérale. Elle est beaucoup moins asymétrique qu’en institution. Même si le
soignant garde la prérogative sur les savoirs et la technique, le soigné donne une couleur à
la relation. Par ailleurs, chacun peut laisser plus librement s’exprimer sa personnalité loin
des contraintes liées à l’institution. C’est pourquoi la distance relationnelle ne revêt pas la
même signification pour tous. Elle s’établira donc en fonction de la relation établie avec le
patient. D’une manière générale, cette distance est peu évoquée d’un point de vue physique.
En effet, en termes de proxémie, celle-ci est réduite au minimum dans la relation de soin
puisque l’on est dans une distance intime. Ce concept de distance s’intéresse plus à la
distance relationnelle, véritable enjeu de la relation de soin, qui fait référence à la gestion
des émotions, des affects dans la relation à l’autre. La distance relationnelle est le plus
souvent reliée aux notions de limites, de mise à distance, de cadre. Elle s’apparente à une
barrière de protection du soignant. A charge pour lui, de ne pas l’ériger en muraille, afin de
laisser place aux émotions qui sont au cœur de la relation. Cela nécessite de la part du
soignant une bonne connaissance de soi afin de savoir ce qui est acceptable, voire
supportable ou non, et faire les réajustements nécessaires pour pouvoir installer une relation
sereine, tant pour lui que le patient qu’il a en charge. Cela nous amène donc à parler de la
juste distance qui s’apparenterait à un juste milieu, un positionnement dans la relation où
chacun trouve un bénéfice, une sorte de relation « gagnant-gagnant ». La gestion de cette
juste distance est prépondérante dans les prises en charge de patients atteints de
20 pathologies chroniques. La maladie chronique entraîne de grands bouleversements, une
forte charge émotionnelle et d’importantes stratégies d’adaptation dans lesquelles l’IDE a
pleinement un rôle à jouer. Ce sont des prises en charge qui s’installent sur le long cours et
engendrent des relations particulières avec le soignant à domicile. En effet, à l’entrée de
plain-pied dans l’intimité du patient de façon quotidienne voire pluriquotidienne, s’ajoute une
pérennité des rencontres qui va favoriser les échanges. L’IDE devient alors un interlocuteur
privilégié qui sera le garant du lien ville/hôpital mais également un interlocuteur de choix
avec l’entourage du patient. Tous ces éléments concourent à renforcer l’implication de
chacun dans la relation de soin.
Aux recherches conceptuelles s’ajoutent les entretiens sur le terrain Les propos recueillis
nous ont permis de confronter les apports conceptuels avec la réalité professionnelle et de
revenir sur nos a priori de départ. Ainsi, il ressort que la chronicité n’est pas si déterminante
dans la relation de soin au domicile. Contrairement à ce que nous pensions, elle n’est pas le
socle de relations durables et pérennes et n’influe pas outre mesure sur la distance
relationnelle. En effet, la distance relationnelle ne s’appréhende pas en termes de quantité
mais en termes de qualité et d’investissement de chacun dans la relation. Elle est
véritablement le fruit de la rencontre, du partage et de la confiance qui en découlent. Le
partage de valeurs communes semble déterminant dans la gestion de la distance
relationnelle et la qualité de la relation de soin. Ce constat nous amène donc à poser la
problématique suivante : « En quoi le respect des valeurs entre le soignant et le soigné est-il
le garant de la pérennité de la relation de soin à domicile ? »
2. Conclusion
Il a été très intéressant d’explorer les nombreuses facettes de la relation soignant-soigné et
de la distance relationnelle. Nous avons choisi la spécificité du domicile, cependant ce sujet
est transposable dans de nombreuses situations de soins d’ou sa richesse. Réapprofondir
ces concepts de la relation de soin nous aura permis d’enrichir notre identité professionnelle
et restera pour nous une belle et utile conclusion à ces trois années d’études. Cela nous
aura permis de nous rappeler qu’au-delà d’une tenue, de savoirs et de techniques, le
soignant lui-même est un outil de soin à part entière.
BIBLIOGRAPHIE
1. Profession infirmier. Recueil des textes relatifs à la formation préparant au diplôme
d’État et à l’exercice de la profession. Berger-Levreau, 2015, 240p.
2. MANOUKIAN Alexandre. La relation soignant-soigné. Lamarre, 2001, 173p.
3. Dictionnaire Encyclopédique des Soins Infirmiers. Editions Lamarre, 2002, 377p.
4. ibid
5. Le NOUVEAU PETIT ROBERT. Le Robert, 2007, 2837p.
6. Article L.1111-2 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé.
7. CARICLET N. Construire une relation de confiance durable avec les patients. Soins
cadre de santé, n°63, 2007, pp.17-18.
8. PRAYEZ Pascal. Distance professionnelle et qualité du soin. Rueil-Malmaison :
Lamarre, 2006, 218p.
9. PRAYEZ Pascal. Julie ou l’aventure de la juste distance. Rueil-Malmaison : Lamarre,
2006, 235p.
10. ROSELIER Typhaine. La distance dans la relation de soin. Nantes : IFSI, 2009, 40p.
11. Trouver la juste distance avec le patient. L’infirmière magazine, décembre 2007,
n°233, pp.54-56.
12. MICHON Florence. Les relations interpersonnelles avec la personne soignée et la
notion de juste distance. Soins, MOIS ANNEE, n°773, pp.32-34.
13. PHILIPPON Serge. Limites et juste présence dans la relation entre un soignant et
une personne âgée. Perspective soignante, décembre 2012, n°45, pp.64-72.
14. MALLEM Elke. La distance professionnelle. Objectif soins, mai 2005, n°136, pp.2223.
15. LAROUSSE.
Définition :
professionnel/professionnelle.
Disponible
sur
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/professionnel_professionnelle/64161.
Consulté le 16.04.2015.
16. GINESTE Yves, PELLISSIER Jérôme. De la solitude à l’humanitude. Santé mentale,
septembre 2001, n°100, pp.38-43.
17. HAREL-BIRAUD Hélène. Manuel de psychologie à l’usage des soignants. Masson,
2010, 112p.
18. DELAUNAY Laeticia. Le temps dans le soin à domicile. Soins, octobre 2012, n°769,
pp.53-54.
19. Le PETIT ROBERT. Le Robert, 2012, 2880p.
20. LETHEULE NGOM Marjolaine, TALON-CHRETIEN Marie-Claire. Approche du coprs
en exercice libéral. Soins, juin 2011, n°56, pp.49-50.
21. PIVOT Annie. La confiance au cœur de l’exercice libéral infirmier. Soins, octobre
2013, n°779, pp.43-44.
22. HAMON-MEKKI Françoise, PHANUEL Dominique. La relation pour instaurer la
confiance dans les soins. Soins, octobre 2013, n°779, pp.30-31.
23. LHEZ Pierrette. De la robe de bure à la tunique pantalon, Etude sur la place du
vêtement dans la pratique infirmière. Interéditions, Paris, septembre 1995, 176p.
24. JEANMOUGIN C., KESSLER B., PRUDHOMME C. Nouveaux dossiers de
l’infirmière, défaillances organiques et processus dégénératifs. Maloine, 2012, 371p.
25. PERUZZA E., PITARD L. Soins de confort et de bien-être, relationnels, palliatifs et de
fin de vie. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2010, 264p.
ANNEXE 1 : Trame d’entretien
Thème du TFE : La distance relationnelle dans les soins à domicile
Sachez que l'entretien qui va suivre durera environ 45 minutes et sera anonymé.
M'autorisez-vous à enregistrer cet échange ?
Déterminants sociaux :
o
Homme / Femme
o
Âge
o
Année du diplôme
o
Parcours professionnel
o
Années d'expérience dans le milieu libéral
o
Formation(s) suivie(s) en lien avec le thème
o
Qu'est ce qui a été déterminant dans votre choix d'exercer en libéral ? Déterminants professionnels :
o
Exercez-vous seul ou avec plusieurs infirmier(s) ?
o
Combien de patients prenez-vous en charge actuellement?
o
Quelle est la durée moyenne de vos prises en charge ?
o
Quelle est/a été la durée maximale de prise en charge que vous ayez réalisé ? La relation soignant/soigné :
o
Qu'est-ce que pour vous la relation soignant/soigné ?
o
Quels sont, selon vous, les critères de qualité de cette relation ? Pouvez-vous en
citer trois ?
o
Pensez-vous que la confiance soit obligatoire dans la relation soignant/soigné ?
Pouvez-vous expliquer ?
o
Trouvez-vous que cette relation soignant/soigné soit différente entre les soins en
structure hospitalière et les soins à domicile ? Pouvez-vous détailler ?
o
La fréquence des passages et la durée de la prise en charge ont-elles selon vous
une influence sur la relation entre l'infirmier(e) et le patient ? Pouvez-vous préciser ?
La distance relationnelle
:
o
Qu'est-ce que pour vous la distance relationnelle ?
o
Faites vous une différence entre distance relationnelle et juste distance
relationnelle ?
o
Vous arrive t-il de vous faire tutoyer par des patients ?
o
Pensez-vous que la qualité des soins prodigués dépend de la juste distance établie
avec le patient?
o
La distance relationnelle peut-elle selon vous être influencée dans les soins à
domicile ? Qu'est ce qui selon-vous influence le plus la distance relationnelle dans
les soins à domicile ? (Par exemple : l'absence de port de blouse, la fréquence et
durée de la prise en charge, le cadre intime du lieu de soin....)
o
Vous êtes vous déjà senti débordé dans vos rapports avec certains de vos patients ?
Avez-vous déjà eu des difficultés à gérer des relations avec vos patients ?
o
Vous arrive t-il d'instaurer des limites dans vos relations avec vos patients ? Si oui,
pourquoi ?
o
Vous arrive t-il de recevoir des manifestations d'affection de la part de vos
patients ?
o
Pensez-vous que nous pouvons parler de partage de la vie privée dans la relation
soignant/soigné ? Le partage de la vie privée à t-il pour vous sa place dans le soin et
la relation soignant/soigné ?
Pathologie chronique / Prise en charge au long cours
:
o
La relation soignant/soigné évolue-t-elle au cours de la prise en charge ? De quelle
manière ?
o
Comment qualifierez-vous votre relation avec vos patients suivis de longue date ?
Pouvez-vous citer 3 qualificatifs.
o
Selon vous, est-il possible de conserver une juste distance relationnelle avec les
patients suivis de longue date ?
o
Pensez-vous que nous pouvons parler de connaissance mutuelle entre l'infirmier(e)
et le patient ? La connaissance mutuelle entre l'infirmier(e) et le patient est-elle pour
vous, un avantage ou un inconvénient ?
o
Vous est-il déjà arrivé qu'un patient vous demande votre avis dans un de ses choix
thérapeutique ? Si oui : cela est-il fréquent ? citez un exemple. Comment avez-vous
réagi ? Si vous avez donné votre avis, quels facteurs ont d'après vous, étés
déterminants pour construire celui ci ?
En conclusion, pensez-vous qu'il faut une distance relationnelle dans les soins à domicile ?
L'entretien est à présent terminé. Souhaitez-vous apporter d'autres informations sur le
sujet ? Voyez-vous des axes d'amélioration sur l'une des problématiques évoquées ?
ANNEXE 2 : Tableau récapitulatif des entretiens
Déterminants
sociaux
IDE 1
IDE 2
IDE 3
Homme, 46 ans, DE
Homme, 33 ans, DE
Homme, 45 ans, DE
en 1991, 20 ans
en 2004, 4 ans
en 2002, 8 ans
d'expérience libérale
d'expérience libérale
d’expérience
libérale
Déterminants
professionnels
Exerce seul, en
Exerce en cabinet
Exerce dans une
milieu urbain,
infirmier de 3 IDE,
maison de santé
réalise environ 40
en milieu urbain,
avec 4 IDE, réalise
visites par jours,
réalise entre 30 et
entre 80 et 100
PEC allant de
55 passages par
visites par jour, PEC
quelques jours à
jours, PEC allant de
allant de quelques
une quinzaine
quelques jours à
jours à 8 ans.
d'année
8ans
Autonomie dans le
- Conditions de
- “De nature plutôt
travail
travail
indépendante”
insatisfaisantes en
- “Travail en équipe
CHU
parfois assez
- Travail à la chaîne.
pesant”
Choix d’exercer en
libéral
- S'occuper des
gens comme on le
souhaite
- Relation de
- Services
“Quelquechose
confiance
- Relation d'aide
qu’on vit tous les
- Relation d'aide
- Cadre de soin
jours”
- Écoute
- Confiance
- Prendre soin
3 critères de
- Patience
- Ouverture d'esprit
- Disponibilité
qualité de la
- Confiance
- Respect
- Empathie
Définition de la
relation
soignant/soigné
relation
soignant/soigné
- Education
Confiance dans la
relation
Indispensable, pour
- Indispensable
- “70% de notre
des relations
- Accordée par le
prise en charge”
pérennes
patient
soignant/soigné
- La fonction inspire
confiance
- “Tu es en contact
- “Pas du tout la
- “Malheureusement
direct avec le
même, cela n'a rien
oui”
malade, il n'y a pas
voir”
- “Le terme qui
d’intermédiaire”
- “Patients pas dans
revient, qui est un
- “Tout ne dépend
leur environnement,
peu récurrent, euh
que de toi... Tu
il est plus facile de
autant pour les
assume tout”
rester en retrait”
soignants que pour
- “On a pas le temps
les patients, c’est
d'être humain”
l’usine.”
- “Oui”
- “Oui et non”
- “Oui forcément”
- “Il arrive un
- “Avec certains
- “Y a des choses
moment, tu fais
patients (…) cela
qui se créent au fil
pratiquement parti,
reste assez
du temps”
fréquence et durée
pas de la famille,
protocolaire. Avec
des passages sur
mais presque”
d'autre, il y a une
Différence entre
les soins en
structure et à
domicile
Influence de la
la relation
vraie relation qui se
tisse”
- “Il faut quand
- “On ne peut pas
“C’est la distance
même se préserver”
venir chez les gens
entre le patient et le
- “Ne pas se laisser
que pour effectuer
soignant”
bouffer par cette
leurs soins”
relation”
- “Après il faut
- “Tu peux souffrir
garder les pieds sur
distance
avec les gens”
terre et dire 'notre
relationnelle
- “Il faut savoir
rôle ce n'est pas
couper les ponts”
ça !”
- “Mettre une
- “Il faut savoir dire
barrière pour ne pas
stop”
Définition de la
tout prendre sur toi”
- “Il y a une juste
- “C’est une réalité”
- “La juste distance,
distance”
- “Il faut garder cette
là on est dans le
- “Il faut savoir
juste distance”
jugement, pour moi”
trouver le bon
- “On remet un
- “Après du moment
milieu”
cadre”
que le soignant peut
- “Il faut faire
faire son travail, euh
attention”
dans de bonnes
Définition de la
juste distance
conditions et que le
relationnelle
patient, euh se sent
bien pris en charge,
on peut parler de
juste distance mais
bon après c’est des
critères assez
subjectifs.”
Tutoiement
Lien entre qualité
des soins et
distance
relationnelle avec
le patient
- “Oui, souvent, et
“ Oui, avec certains,
- “Je tutoie
moi j'en tutoie
pas forcément des
facilement les gens,
quelques-uns”
patients de longue
euh bon après je
- “Cela fait parti de
date”
pense qu’on peut
la confiance et de
être dans le
l'approche avec mes
tutoiement assez
malades”
facilement et puis
- “Ca dépend de la
savoir rester à sa
personne (…) pas
place, et puis savoir
de la durée de la
mettre une
prise en charge”
distance.”
- “Énormément, oui”
“Non, les soins sont
“Dans la distance
- “Le fait que
exécutés de la
relationnelle, euh
l'infirmier arrive pour
même façon que se
quand les gens sont
faire un soin (…)
soit la première fois
en confiance, c’est
soigne déjà autant
ou quelqu'un qu'on
que y a une
que le soin en lui
connaît depuis
distance qui
même”
longtemps”
apparemment est
- “Oui, la qualité des
efficace au niveau
soins dépend de la
du travail, et donc
distance et de la
ça vous permet de
relation que tu as
faire votre boulot
avec le malade : de
correctement.”
la confiance, du
contact, de
l'approche, de la
manière de leur
parler”
- “Peut-être pas sur
la manière dont tu le
fais (…) mais par
contre la manière
dont le malade
accepte l'acte, oui
cela joue”
- “Je suis tout seul,
- "L'absence de
“Alors après quand
je suis directement
blouse, l'entrée
on va au chevet
en contact avec
dans l'espace de vie
d’un patient, après
eux, ils me voient
: c'est très intime".
euh qu’on soit chez
tous les jours (…)
- "On n'a pas de
lui ou à l’hôpital, euh
c'est la proximité”
barrières, on est
je sais pas y a
- “La blouse est
chez eux"
quand même le
synonyme
pourquoi on est là,
d'institution, donc
donc euh même si
Distance
elle dépersonnalise
le cadre joue, euh
relationnelle
peut-être un peu la
pas tant que ça en
influencée dans
relation, mais je ne
fait.”
les soins à
pense pas que ça
domicile
influence
énormément”
- “Tu es leur invité,
chez eu, dans leur
domicile (…) ça
rapproche un peu,
tu noue plus
facilement contact
avec tes malades
parce que tu es
chez eux”
“Emotionnellement,
"Oui, on peut être
je dirais non. Mais
ammené a stopper
par contre, dans
la prise en charge si
mon investissement,
ca devient trop
Débordement dans
oui, peut-être, parce
pénible."
les prises en
que oui il y arrive un
charge
moment où les gens
/
te demandent un
peu beaucoup de
choses, et tu ne
peux pas tout faire”
“Oui, (…) il faut
"Oui, on repose le
“Oui, on est obligé
trouver le juste
cadre quand ca
oui.”
milieu entre une
dérape"
Instauration de
relation de
limites dans la
confiance, d'amitié
relation
entre guillemets, et
puis en même
temps pas te laisser
déborder par les
sentiments et par
leurs demandes”
“Oui, quelques fois.
"Oui, cela va avec
“Oui mais encore
Mais c'est rare”
les relations qu'on
une fois, euh encore
a"
une fois des signes
d’affections, mais
Manifestation
euh avec comme je
d'affection de la
vous dis des
part des patients
attentions, des
choses comme ça,
euh pour des
anniversaires, tout
ça.”
- “Oui, elle peut
- "Faire la part des
- “Moi j’évite.”
avoir sa place”
choses"
- “Après, euh
- “Il y a un équilibre
- "C'est eux qui
forcément avec le
à trouver, chacun
orientent la
temps, au bout de
trouve le sien”
conversation”
plusieurs années
- “Moi j'ai trouvé
- “Des choses
quand même les
mon juste milieu...
classiques, on
gens vous
C'est plus de
répond"
connaissent”
- “Oui elle évolue,
- "Manière d'être du
“Après quand vous
généralement plutôt
patient"
allez chez les gens
en bien”
- "C'est une
tous les jours,
- “Si tu n'as pas
question de
plusieurs fois par
installé une bonne
personnalité"
jour, pendant euh x
Évolution de la
relation avec le
- "Ce n'est pas
années, oui
prise en charge
malade, il y a des
quelquechose qui
forcément le temps
petites choses qu'ils
se calcule"
joue sur la relation.”
- Amicale
- Professionnelle
- Cordiale
- Professionnelle
- Attachante
- Professionnelle
- Confiance
- Simple et sincère
- Empathique
- "Pas toujours "
“Moi je crois, après
- "Des fois c'est
c’est mon point de
possible, des fois
vue, eu"h on a
non"
l’avantage de
Partage de la vie
l'amitié, ensuite il ne
privée dans le soin
faut pas trop que ça
rentre dans le
familial, dans
l'intrusif, le trop
privé”
- “Des invitations à
des repas par
exemple, non, je
refuse”
dans le temps
n'acceptent pas
comme un petit
retard”
3 qualificatifs des
relations avec les
patients suivis de
longue date
Maintient d'une
travailler en groupe,
juste distance
/
donc de ne pas non
dans le temps
plus être tous les
jours quand même
chez les patients,
euh y a toujours le
relai d’un autre, euh
oui non je pense.”
Connaissance
- “Oui, oui !”
- "Un vrai avantage"
“On peut parler de
- “C'est un
- "On fait ce métier
connaissance
avantage”
pour ça"
mutelle, pas
mutuelle entre
forcément au même
l'infirmier et son
niveau.”
patient
Choix
thérapeutique
- “Oui, mais pas sur
- "Non jamais"
- “Elle et la famille
des choses trop
- "Pas du tout notre
m’avaient demandé
graves”
rôle"
un avis.”
- “Ils te demandent
- "En aucun cas
- C’était un avis que
toujours ton avis, si,
l'infirmier n'est là
j’ai donné moi, à
on discute
pour influencer"
titre personnel.”
beaucoup avec eux”
- Souvent oui, parce
- “Sur la manière de
que les gens
traiter la douleur,
reviennent de
sur le choix d'un
l’hôpital très très
médecin ou d'un
mal informé, voire
spécialiste, sur le
pas du tout.”
choix d'un type de
- “Sur des avis
thérapie. Oui, je sais
techniques je donne
pas par exemple, ils
pas mon avis, voilà.
ont une douleur... Ils
J’ai pas la formation
me demandent qui
pour, je les renvoie
consulter entre
en général vers le
l'ostéopathe, le
médecin, vers leur
kinésithérapeute...
médecin
Entre l'homéopathie
généraliste”
ou la médecin
traditionnelle pour
un rhume”
- “Tu as un avis
consultatif, après je
ne sais pas si ils en
tiennent compte,
mais si, ils
demandent souvent”
- “Si ils me
demandent mon
avis je leur dis ce
que je pense et ce
qu'il me paraît bon”
Obligation d'une
distance
relationnelle dans
les soins à
domicile ?
- “Je pense qu'en
- "Plutôt instaurer un
- “Oui, je pense
libéral on est plus
cadre, des limites"
qu’effectivement on
proche des gens
- "On ne la décide
peut avoir des
qu'en milieu
pas"
patients très
hospitalier”
- "Peu ou pas de
demandeurs au
- “Je pense que
distance"
niveau de la
pour se préserver il
relation, des gens
faut quand même
qui vivent seuls, euh
garder une certaine
mais je pense que
distance”
après, oui il faut être
vigilent je pense.”
- “Je pense qu’il y a
des gens qui
pourront facilement
se laisser déborder,
euh dans cette
relation.”
ABSTRACT
La distance relationnelle dans la prise en charge de soins à domicile
Pendant nos trois années d’études, nous avons réalisé différents stages, dont certains en
libéral. Au cours de ces stages, nous avons toutes été confrontées à la relation soignantsoigné, très présente dans le contexte du domicile, et notamment lors de prises en charge
au long cours.
Tout ceci nous a amené à nous questionner sur le lien entre la distance relationnelle et la
prise en charge au long cours dans les soins à domicile.
Tout d’abord, nous avons effectué des recherches théoriques sur le sujet, puis nous avons
rencontré trois professionnels afin de confronter leurs expérience sur le terrain.
Au terme de ce travail, nous avons réalisé qu’au-dela de la durée de la prise en charge,
c’était davantages la personnalité des deux protagonistes qui intervenait sur la qualité de la
relation.
Ainsi, nous nous questionnons à présent sur l’importance du respect des valeurs permettant
d’assurer la pérennité de la relation de soin à domicile.
Relational distance and practice of long term home care service as a visiting nurse
During the three years of nursing school, we went through several training courses, Some of
them as visiting nurses. We had to face the question of the relationship between us as
nurses and the patients, and this is particularly important when patients receive home care
services. These situations brought us to question ourselves about the correct relational
distance, the appropriate relationship between patients and nurses, during the long term
care.
We first made some researches about this relationship, we looked for books, papers… Then
we met three professional visiting nurses, to hear about their own practice. When we brought
our studies and hearings to an end we realized, and finally understood, that more than the
length of time of the home care service, the personality of the two persons involved in that
relationship was the most influential factor, upon the quality of that relationship.
We are now working on the idea that the respect of values such as morality, ethics, probity
and more, is the key for a safe and successful long term care relationship at the patient’s
home.
Téléchargement