Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex LA DISTANCE RELATIONNELLE AU CŒUR DES SOINS À DOMICILE UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais, rédaction de l’abstract du travail de fin d’études Présenté par : Alice GOLDSTEIN, Clara HUNOT, Anne-Laure MARREC, Ninon ROUSSELOT Promotion 2012/2015 Formatrice de guidance : JUNG Danièle Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex LA DISTANCE RELATIONNELLE AU CŒUR DES SOINS À DOMICILE UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques UE 6.2 S6 : Anglais, rédaction de l’abstract du travail de fin d’études Présenté par : Alice GOLDSTEIN, Clara HUNOT, Anne-Laure MARREC, Ninon ROUSSELOT Promotion 2012/2015 Formatrice de guidance : JUNG Danièle ÉPIGRAPHE « Dans quelque maison que je rentre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur [...]. Quoi que je voie ou entende […], je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas. » Serment d’Hypocarte REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier Mme Danièle JUNG, cadre formatrice à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de Besançon, pour nous avoir accompagnées et guidées tout au long de notre travail d’initiation à la démarche de recherche. Nous souhaitons également remercier les trois infirmiers libéraux que nous avons rencontrés dans le cadre de nos recherches, pour leur écoute, leur disponibilité et l’intérêt qu’ils ont porté à notre travail. Nous remercions toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à l’élaboration de notre travail, ainsi que toutes les personnes qui prendront le temps de le lire. Enfin, nous remercions nos familles et amis, pour le soutien qu’ils ont su nous apporter au cours de ces trois ans. LISTE DES ABRÉVIATIONS IDE : Infirmière Diplômée d’Etat TABLES DES MATIERES I. INTRODUCTION .............................................................................................................................1 II. SITUATION D’APPEL ...................................................................................................................... 1. III. Situation d’appel........................................................................................................................2 QUESTIONNEMENT ET QUESTION DE DÉPART ..................................................................... 1. Questionnement ........................................................................................................................3 2. Question de départ ....................................................................................................................3 IV. CADRE CONCEPTUEL ................................................................................................................ 1. Le cadre législatif ......................................................................................................................4 2. La relation soignant-soigné......................................................................................................4 Définition de la relation ....................................................................................................................5 Définition de la relation soignant-soigné .........................................................................................5 Affects, sentiments, et émotions .....................................................................................................5 La confiance ....................................................................................................................................6 3. La distance relationnelle...........................................................................................................7 Définition de distance et de proxémie .............................................................................................7 La distance relationnelle ..................................................................................................................8 La juste distance .............................................................................................................................9 Être professionnel .........................................................................................................................10 4. La relation de soin à domicile ................................................................................................10 La notion de hiérarchie ..................................................................................................................10 L’intimité du lieu de soin ................................................................................................................11 La notion de confiance ..................................................................................................................11 La blouse blanche .........................................................................................................................12 La notion de temps ........................................................................................................................12 L’entourage du patient ...................................................................................................................12 5. La chronicité ............................................................................................................................13 Définition .......................................................................................................................................13 Rôle infirmier .................................................................................................................................13 Difficultés rencontrées ...................................................................................................................14 V. ENQUÊTES ....................................................................................................................................... 1. Méthode exploratoire ..............................................................................................................15 2. Analyse et résultats.................................................................................................................15 Relation soignant-soigné ...............................................................................................................15 Distance relationnelle ....................................................................................................................16 Prise en charge au long cours .......................................................................................................17 VI. PROBLEMATIQUE ET CONCLUSION ........................................................................................ 1. Problématique..........................................................................................................................19 2. Conclusion ...............................................................................................................................20 BIBLIOGRAPHIE ANNEXES I. INTRODUCTION 1 Durant nos trois années d’étude à l’Institut de Formation en Soins infirmiers, nous avons été confrontées à une multitude de lieux de stage. Parmi eux ont figuré pour certaines d’entre nous le domicile, pour d’autres non. Mais quel que soit le lieu de stage, que ce soit en libéral ou en structure hospitalière, nous avons toutes été impliquées dans la relation soignantsoigné qui fait partie intégrante de notre futur métier. Dans le cadre de notre Travail d’Initiation à la Recherche de Fin d’Etude, nous nous sommes plus précisément intéressées à la relation soignant-soigné dans la prise en charge de soins à domicile, et de l’évolution de celle-ci au fil du temps. En effet, celle-ci nous a paru d’une grande richesse, dans un contexte très différent de celui de l’hôpital, c’est pourquoi nous avons voulu l’explorer. Pour ce faire, nous avons décidé de cibler une population atteinte de pathologies chroniques nécessitant une prise en charge sur le long cours. Nous vous présenteron, tout d’abord, la situation qui nous a permis d’amorcer ce travail et qui a suscité en nous de nombreuses interrogations, ainsi que la question de départ qui a découlé de cette réflexion autour de la situation initiale. Puis, dans un second temps, nous développerons notre cadre conceptuel. Celui-ci consiste en différents concepts que nous avons pu identifier face à notre situation de départ, et les recherches qu’il nous a été nécessaire de réaliser afin de bien comprendre le sujet. Enfin, nous vous présenterons les trois entretiens que nous avons menés dans le cadre de notre travail, ainsi que l’analyse que nous avons réalisée à la suite de ces différents entretiens avec des professionnels. II. SITUATION D’APPEL 2 1. Situation d’appel Mme B. est âgée de 84 ans. D’origine portugaise, elle et son mari vivent depuis une quarantaine d’années, dans une petite ville de Franche Comté. Ils sont propriétaires d’une maison de deux pièces. Ils ont trois enfants qui vivent dans la région, ainsi que cinq petits-enfants. Un lien affectif privilégié les lie à leur fille ainée qui s’occupe d’eux au quotidien. Mme B., tout comme son mari, maîtrise peu la langue française. C’est une personne très chaleureuse et agréable, à la bonne humeur constante. Mme B. se montre d’un tempérament anxieux. Elle est inquiète pour la santé précaire de son époux, atteint d’arthériopathie oblitérante des membres inférieurs et d’une cirrhose hépatique. Monsieur B. présente des plaies variqueuses aux jambes, qui nécessitent des pansements non quotidiens. Elle est prise en charge à domicile depuis quinze ans par les quatre infirmiers libéraux du cabinet de sa commune, pour son diabète de type 2, multicompliqué insulino-requérant. Elle est également en dialyse péritonéale depuis cinq ans pour son insuffisance rénale chronique. Actuellement les infirmiers libéraux effectuent six passages quotidiens, sept jours sur sept pour réaliser les soins du couple, qui s’effectuent dans la chambre. Mme B. se montre très attachée aux infirmiers du cabinet. Elle a affiché à son chevet la photographie de leurs enfants respectifs. Croyante et pratiquante, elle prie régulièrement pour eux. Elle ne manque jamais de leur proposer café chaud et biscuits au quotidien, et leur offre de petits présents aux dates importantes. A ce jour, Mme B. est à un stade d’insuffisance rénale chronique terminale. La dialyse péritonéale n’est plus efficace. L’hémodialyse est donc envisagée par le service de néphrologie du centre hospitalier le plus proche et le médecin traitant. Exprimant sa peur du milieu hospitalier, la « complicité » et la confiance qui lient Mme B. à ses infirmiers, tout cela l’amène à s’en remettre à eux afin de prendre sa décision. III. QUESTIONNEMENT ET QUESTION DE DÉPART 3 1. Questionnement Notre questionnement s’inscrit dans le cadre spécifique du soin à domicile o Comment la relation soignant/soigné se construit-elle au fil du temps et de la prise en charge? o La durée et la fréquence des soins modifient-elles cette relation soignant/soigné? o Comment la relation dite “protocolaire” entre le soignant et le soigné évolue- t-elle vers une relation plus “conviviale”? o Comment s'instaure la confiance dans la relation soignant/soigné? o Quels sont les facteurs qui favorisent ou non la relation de confiance entre le soignant et le soigné? o La barrière de la langue constitue-t-elle un obstacle à la qualité de la prise en charge? o Dans la relation au long court, la connaissance mutuelle entre l'IDE et le patient, estelle un avantage ou un inconvénient? o Doit-on parler de distance relationnelle ou de juste distance relationnelle dans la relation soignant/soigné? o Comment définir la juste distance relationnelle? o Comment préserver cette juste distance dans le temps? o Dans quelles mesures le concept de distance relationnelle est-il modifié dans les soins à domicile? o Comment l'absence de codes hospitaliers tel que le port de la blouse blanche ou le lieu où se déroule le soin, influence-t-elle la distance relationnelle et le concept d'intimité? o Le partage de la vie privée a-t-il sa place dans le soin? o Où se situe la nuance entre sympathie et empathie dans les soins au long cours? o Les patients soignés à domicile ont-ils plus de besoins que les patients hospitalisés? o Dans quelle mesure l’asymétrie de la relation est-elle atténuée dans les soins à domicile? 2. Question de départ 4 En quoi la distance relationnelle entre l’IDE dispensant des soins à domicile et le patient atteint de pathologie chronique peut-elle être impactée? IV. CADRE CONCEPTUEL 4 1. Le cadre législatif Comme tout infirmier Diplômé d’État, l’IDE qui exerce en milieu libéral est soumis à un cadre législatif détaillé dans le Code de la santé publique. Au sein de celui ci, aucun article ne légifère la relation de soin ainsi que la distance relationnelle entre l'IDE et le patient. Cependant l'article R.4311-2 du Code de la Santé Publique stipule que « les soins infirmiers [...] intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. » [1, p.163]. La relation entre l'IDE et le patient est donc évoquée, et décrite comme faisant partie intégrante du soin. L'article R.4312-25, précise lui que : « l'infirmier ou l'infirmière doit dispenser ses soins à toute personne avec la même conscience quels que soient les sentiments qu'il peut éprouver à son égard [...] » [1, p.189]. Il souligne donc l'obligation de prendre en charge tout patient de manière similaire, quelles que soit les interférences émotionnelles ou sentimentales. Enfin, l'article R.4312-2, ajoute que : « l'infirmier ou l'infirmière exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité et l'intimité du patient et de la famille. » [1, p.187]. Il énonce donc deux notions importantes de la relation de soin : le respect, et la prise en compte de la famille du patient. Les articles législatifs concernant particulièrement l’exercice libéral sont détaillés dans les articles allant de 4312-33 à 4312-48. En lien avec la relation de soin, nous pouvons citer l’article R.4312-41 qui précise que l’infirmier libéral peut mettre un terme à la prise en charge, s’il juge la relation insatisfaisante. Néanmoins, il se doit de fournir une explication au patient et d’assurer la continuité des soins : « si l’infirmier ou l'infirmière décide, sous réserve de ne pas nuire à un patient, de ne pas effectuer des soins, ou se trouve dans l’obligation de les interrompre, il doit en expliquer les raisons à ce patient […]. » [1, p.191]. 2. La relation soignant-soigné La relation soignant-soigné se construit sur l’échange qui unit l'IDE et son patient : le soin. Autour de cet acte technique se tisse une composante relationnelle, par le biais de la communication (verbale et non verbale), de la confiance, du partage, des émotions, des sentiments, et de l'affect. 5 Définition de la relation Au cœur même de l’exercice de notre future profession d’infirmière, la relation est, d’après Alexandre Manoukian « […] Une rencontre entre deux personnes au moins, c’est-à-dire deux caractères, deux psychologies particulières, et deux histoires » [2, p.9]. Mais d’autres facteurs interviennent également dans l’établissement d’une relation, tels que des facteurs psychologiques (valeurs personnelles, représentations, préjugés, émotions, désirs, enjeux particuliers de la communication…), des facteurs sociaux (appartenance à une catégorie professionnelle, à une classe d’âge, à une culture, ainsi que les rôles et fonctions de chacun), des facteurs physiques (perceptions propres à chacun, aspect physique). Toute relation va donc dépendre de la combinaison de multiples paramètres, d’où son caractère variable et unique. Elle est essentiellement déterminée par la personnalité de chacun des protagonistes, et par le contexte dans lequel cette relation prend jour et évolue. Définition de la relation soignant-soigné D’après le Dictionnaire Encyclopédique des Soins Infirmiers, il s’agit du « lien existant entre deux personnes de statut différent, la personne soignée, et le professionnel de santé ». [3] Cette relation implique trois attitudes : un engagement personnel de l’infirmier, une objectivité, ainsi qu’un minimum de disponibilité. « La relation soignant-soigné n’est pas une relation de salon, elle a pour but l’aide et le soutien de la personne soignée jusqu’à son retour à l’autonomie. Elle permet d’identifier les demandes de la personne et d’analyser les interactions » [4]. Ainsi, cette relation tient compte d’un soignant qui prend soin d’un patient. Le soignant est donc un être humain avec une personnalité qui lui est propre, ses forces et ses limites. Affects, sentiments, et émotions L’affectivité qui empreint la relation est donc l’un des déterminants qui la rendent unique. Définie comme une « aptitude à être affecté de plaisir ou de douleur » selon le dictionnaire Nouveau Petit Robert [5, p.37], elle est au coeur de la relation car elle est propre à l’être humain. Savoir identifier ses émotions en tant que soignant est primordial, mais faciliter la 6 reconnaissance de son émotion par la personne soignée et favoriser son expression fait partie intégrante du rôle infirmier. C’est l’expression de ces émotions qui aidera le soignant à découvrir le vécu de la personne malade et ses besoins. Nous définirons les quatre principales émotions. La peur indique une menace, un danger. La personne peut se réfugier dans une attitude de fuite, ou rester pétrifiée. Grâce à une réponse empathique et attentive, le soignant pourra répondre au besoin de sécurité et de protection, et permettre à la personne d’identifier sa peur, de la nommer. La joie est une émotion qui se manifeste à travers les sourires, les rires, la sérénité. La tristesse peut dissimuler une dépression. La personne a tendance à s’isoler, à se renfermer. Une présence authentique, du réconfort, de la proximité favoriseront l’expression de la tristesse à travers la relation d’aide. La colère reste une émotion qui s’exprime contre un tiers ou contre soi-même. L’objet réel de la colère identifié, le soignant pourra accompagner cette émotion avec calme et fermeté, et redéfinir les limites à ne pas dépasser. Alexandre Manoukian définit cinq types de sentiments : la supériorité, l’impuissance, la responsabilité, le découragement, et la satisfaction. La connaissance de soi permet d’une part, une meilleure compréhension de l’autre, et d’autre part, de gagner en confiance en soi. Evitant ainsi les débordements, risques de burnout, etc. Il paraît évident que savoir doser sentiments et émotions renforce la richesse et l’intérêt professionnel de la relation. La confiance Les liens de confiance semblent donc indispensables à l’instauration d’une relation de soins de qualité. Le cadre législatif contribue à établir ce lien en amont même du début de toute relation de soins. « L’information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables » [6]. Le patient sait aujourd’hui qu’il est en droit de bénéficier de toute information concernant son état de santé. « Cette loi vise donc à un meilleur partage des informations et des décisions, et doit permettre d’établir une véritable relation de confiance soignant-soigné » et « Construire une relation de confiance durable avec les patients » [7, pp.17-18]. Ainsi, dès le premier contact, la transparence, l’attention portée, la prise en charge adaptée aux besoins et personnalisée, contribue à cimenter la relation soignant-soigné grâce à la 7 confiance qui en découle. Nous observerons également que les conditions nécessaires à l’instauration et au maintien du lien de confiance sont multiples. - L’écoute active est la base de toute relation d’aide et de soins. Communiquer c’est tout d’abord écouter, et la disponibilité psychique est alors incontournable. L’écoute active implique de ne pas couper la parole, encourager à aller plus loin dans le discours, reformuler les paroles si nécessaire, respecter les silences, observer le langage du corps. - L’empathie qui se caractérise par un profond désir de comprehension, soit savoir se mettre à la place de la personne sans cependant s’identifier à elle. - La congruence ou l’authenticité ou savoir être soi-même dans l’attitude verbale et non verbale et cultiver une relation humaine empreinte de sincérité. L’authenticité peut aussi se définir comme la faculté du soignant à être toujours en accord avec ce qu’il pense, ce qu’il ressent, et ce qu’il exprime. L’authenticité dans la relation de soins pourrait également correspondre à une manière de se rendre le plus disponible possible, en tant que soignant, pour comprendre au mieux ce que le patient exprime à travers ses demandes. - Le respect du patient et de soi-même est une attitude fondée sur la confiance et la conviction qu’une personne mérite le respect par le simple fait qu’elle est un être humain et digne d’être considérée comme tel. Ses valeurs sont respectées. Tous ces éléments interviennent dans la construction des liens de confiance qui tissent la relation de soins, et sont la clef de voûte de la relation d’aide. 3. La distance relationnelle Ainsi, au cours de la relation soignant-soigné nous pouvons voir apparaître une distance qui s’instaure entre l’IDE et le patient. Une distance physique lors des soins techniques, et une distance relationnelle lors des moments de partage qui accompagnent le soin. Définition de distance et de proxémie Selon Pascal Prayez, « la distance est la séparation de deux points dans l'espace, de deux objets éloignés l'un de l'autre par un écart mesurable » [8, p.9]. Cette définition renvoie à une notion physique. Cette distance physique dans les relations interpersonnelles a été étudiée par l'anthropologue Edward T. Hall. Il a inventé le terme de « proxémie » qui signifie 8 l'« ensemble des observations concernant l'usage que l'humain fait de l'espace qui l'entoure et le sépare des autres.» [9, p.15]. Ainsi, il différencie principalement quatre distances : - La distance publique (au-delà de 3m60) : les interactions sont faibles, et essentiellement basées sur la communication verbale. - La distance sociale (de 3m60 à 1m20) : à cette distance une communication non verbale se met en place, notamment grâce à un échange de regards. Cependant cet écart physique ne permet pas encore aux deux individus de se toucher. - La distance personnelle (de 1m20 à 45cm) : le toucher entre en jeu dans cette distance, et la tonalité de la voix change pour s'adoucir. - La distance intime (de 45cm au contact physique) : enfin, la distance intime favorise la communication non verbale au détriment de la communication verbale. Les perceptions sensorielles se révèlent. Dans l'exercice de sa profession, l'IDE est amenée à se tenir à différentes distances de son patient : à une distance sociale lors d'un échange professionnel, à une distance personnelle lors d'une relation d'aide, et également à une distance intime lors d’un soin. Outre la distance physique, il existe également entre l'IDE et le patient, une distance relationnelle, une distance professionnelle. La distance relationnelle Selon nous, la distance relationnelle pourrait se définir comme l’habilité à être capable de maintenir une distance émotionnelle dans ses relations avec autrui, tout en étant empathique. En effet, deux individus ne peuvent fusionner, ne peuvent prendre la place réciproquement l'un de l'autre ; il est donc nécessaire de faire la distinction entre soi et autrui. Cependant, nous sommes capables de comprendre les émotions que ressent l'autre et ainsi d'être compatissant et bienveillant. Cette définition est valable pour tout type de relation, qu'elle soit professionnelle, amicale, amoureuse... La distance professionnelle est, quant à elle, définie comme « la limite morale et psychologique à l’expression des valeurs personnelles dans le cadre de l’activité professionnelle. » [10] Ces deux notions se rejoignent dans l'exercice de la profession infirmière. Au cours de sa profession, l'IDE doit donc se questionner sur l'intelligence émotionnelle dont elle fait preuve dans la relation avec son patient, puisque « si une distance excessive peut conduire à mal comprendre les besoins du malade, trop d'empathie met en danger le soignant, qui s'identifie au patient, mais aussi le malade, qui peut se sentir oppressé par une infirmière trop pesante. » [11, p.54]. « Éprouver des émotions, c'est normal, mais lorsque l'on 9 est trop affecté par certaines situations, on est moins efficace. » [11, p.56]. Ainsi, l'IDE est donc amenée à rechercher la distance relationnelle la plus juste avec ses patients afin de les prendre en charge de la façon la plus adaptée. La juste distance « Être dans la juste distance est avant tout une question de dosage, ni trop ni trop peu » nous dit Florence Michon [12, p.32]. « La recherche de ce savant dosage implique de remettre en question nos comportements, souvent impulsifs ou instinctifs. » [11, p.54]. Il appartient donc à l'IDE de se questionner sur la distance qu'elle instaure avec ses patients, mais également de s'adapter individuellement à chaque patient. « La règle primordiale est justement... qu'il n'existe pas de règle valable pour tous les patients. La relation entre le malade et l'infirmière est le fruit de la rencontre entre deux personnalités différentes, deux vécus et deux façons d'appréhender la maladie. » [11, p.54]. De ce fait, la relation qui unit l'IDE et son patient dépend énormément des personnalités des deux protagonistes, elle sera donc différente d'un patient à un autre, d'une IDE à une autre... D'autre part, cette distance relationnelle n'est pas figée : elle est malléable, évolutive... Mais elle doit toujours être considérée comme un outil positif pour la pérennité et la stabilité de la relation. « Savoir communiquer et soigner, tout en étant dans une juste distance professionnelle […] s'agit d'un art qui s'apprend, s'entretient et se cultive. » [12, p.32] La juste distance relationnelle est une notion complexe qui impose au soignant une bonne connaissance de soi mais aussi une réflexion régulière sur sa pratique. « Prendre conscience de sa manière d'être est un processus déstabilisant mais aussi constructif » [13, p.71]. La psychologue Elke Mallem dit que « travailler la distance professionnelle, ce sera travailler les "limites". Il s'agit de créer un "bonne peau" qui protège tout en permettant d'échanger avec le monde. » [14, p.23]. Ces mots, riches de sens nous apportent, peut être, une première piste de réflexion sur une éventuelle définition de la juste distance, avec la notion d'échange mais aussi de protection. Nous pouvons également ajouter une seconde piste de réflexion grâce à la citation suivante : « une juste relation est une relation jugée bonne pour les deux personnes » [13, p.70], où la notion de dualité dans la relation intervient. Une dernière idée peut contribuer à essayer de définir la juste distance : le professionnalisme. « La bonne distance, c'est celle qui nous permet de rester professionnelle, de toujours nous positionner en tant qu'infirmière. » [11, p.56]. 10 Être professionnel Ce terme bien connu, mais aussi très vague, est définit, par le dictionnaire Larousse comme la qualité de quelqu'un « qui exerce une activité de manière très compétente » [15]. Nous retenons donc de cette définition que la compétence est une notion importante du professionnalisme. Cependant, nous pouvons nous demander sur quels critères juger de la compétence de quelqu'un ? La compétence est-elle la même pour tout le monde ? Yves Gineste et Jérôme Pellissier soulignent qu'un professionnel, en contrepartie de sa remuneration, a des devoirs, dont « le premier de ces devoirs est celui d'exercer son métier dans le respect des « règles de l'art. » [16, p.40]. Ils ajoutent que « les règles de l'art, somme des savoirs et savoir-faire établis au fur et à mesure du développement d'une profession […] permettent l'évaluation et sont une référence quasi universelle à un moment donné.» [16, p.40]. Il resort, de cette seconde définition, l'idée que, pour être professionnel, une personne doit avant tout respecter les règles théoriques préalablement établies de sa profession. Enfin, pour Serge Philippon « l'adjectif professionnel" sous-entend la mise en œuvre de savoirs et qualités multiples : savoirs théoriques, manière d'être, savoir-faire et capacité d'anticiper, fondateur du prendre soin » [13, p.64]. Le terme se précise un peu plus grâce à cette définition qui prend en compte, non seulement les savoirs théoriques et pratiques, mais également les savoirs relationnels à travers la façon de se comporter. 4. La relation de soin à domicile De nombreux soignants s’accordent à dire que la relation de soin à domicile est très différente de la relation de soin en milieu hospitalier. Il existe en effet diverses pistes de réflexion pouvant démontrer qu’en fonction du lieu de soin la relation entre l’IDE et son patient sera différente. La notion de hiérarchie A l’hôpital, la notion de hiérarchie est prégnante. Le patient se fie à une structure, à une équipe, à une multitude de compétences et de moyens. Il doit s’adapter à un rythme, à la promiscuité, aux odeurs, aux bruits, à la noria de « blouses blanches » rencontrées : il existe une forme de dépersonnalisation. Selon Hélène Harel-Biraud : « Il souffre de limitations matérielles et affectives et de dépendre d’autrui ». [17, p.112] 11 A domicile, le contexte est tout autre. Les soins s’effectuent dans le cadre particulier de l’espace personnel du patient, son environnement familial, social et culturel : « le patient reçoit chez lui, donne à voir et s’expose ainsi au regard, au jugement » [18, p.53]. En lui ouvrant sa porte, le patient considère donc son infirmière comme son invitée. Dans ce sens, c'est donc l'infirmière qui est amenée à s'adapter au temps et au lieu. L'IDE reste maître des soins, mais le patient est maître des lieux. L’intimité du lieu de soin L’intimité se définit comme : « ce qui est intérieur et secret, profond » ou « dans le privé, dans les relations avec les intimes » [19, p. 1361]. Le rapport à l’intime est différent lors de la prise en soin à domicile. « […] À l’hôpital, l’intimité est surtout perçue et abordée à travers la nudité et la pudeur » [20, p.53]. Ce concept est exclusivement rapporté au corps. Au domicile, le concept d’intimité recouvre d’autres domaines qui sont la famille, les habitudes de vie, le lieu de vie lui-même. L’intrusion dans l’intimité du patient prend donc de nombreuses formes. Selon Serge Philippon, « le rapport à l'intime de la personne soignée s'avère plus prégnant quand les soins se déroulent dans un lieu de vie, totalement investi et personnalisé de longue date » [13, p.69]. Il distingue « le lieu de vie intime » (chambre, salle de bain) « où le rapport à l’intime est très intense, où la pudeur est recherchée » et « l’espace convivial » (salle à manger, cuisine, salon) plus propice à la rencontre, aux échanges. Ainsi, la véritable intimité ne relève pas que du corps. Le partage de l’intimité nécessite donc une grande confiance. La notion de confiance Comme nous l’avons dit précédemment, à l’hôpital, le patient s’en remet à une structure, à des moyens. Au domicile, il s’en remet à une personne. D’après Annie Pivot « Nous sommes souvent le lien privilégié entre le malade et les autres intervenants médicaux et paramédicaux, ce qui demande un état de pleine confiance. » [21, p.44]. Le Petit Robert définit la confiance comme « espérance ferme de celui ou celle qui se fie à quelqu’un ou quelque chose. » mais se réfère également à « un sentiment de sécurité ». Françoise Hamon-Mekki et Dominique Phanuel distinguent « la confiance relationnelle » qui concerne l’individu et « la confiance rationnelle » [22, p.44] en lien avec la compétence technique. D’après Annie Pivot, « la relation de confiance se construit dès le premier 12 contact » [21, p.43]. Elle s’acquiert au travers de la qualité des soins prodigués mais également par les facultés d’adaptation du soignant au lieu de vie, à l’entourage. La confiance ne s’accorde pas d’emblée, elle se construit progressivement grâce à des savoirsêtre et des savoirs-faire. La blouse blanche Une autre des spécificités de la relation de soin à domicile est l’absence du port de la blouse. « Le vêtement de l’infirmière lui donne « le droit de soigner », il confère un certain pouvoir » [23, p.161]. La blouse est l’incarnation de la compétence, de la connaissance. Le port de la blouse instaure une certaine distance dans la relation de soin, « […] le vêtement protège autant qu’il instaure une distance. » [23, p.162]. Ainsi, on peut penser que l’absence de blouse dans les soins à domicile a une influence sur la relation de soin et participe à la fluidité des échanges. La notion de temps D’après Laetitia Delaunay, le temps dans le soin à domicile est également perçu de façon particulière. A l’hôpital, il est généralement appréhendé en termes de productivité, de rentabilité. Le temps à domicile serait plutôt un temps de rencontre. Il est par ailleurs très « corrélé à la qualité de la relation soignant soigné » [18, p.53]. La convivialité du moment aura un impact sur le ressenti du soin. L’entourage du patient L’exercice au domicile implique également la présence des proches du patient de façon plus prégnante qu’en structure. Ceux-ci peuvent s’avérer être de précieuses personnes ressources mais peuvent également avoir un rôle perturbateur tant d’un point de vue organisationnel que relationnel. 13 5. La chronicité L’IDE à domicile occupe une place à part entière dans la prise en charge des pathologies chroniques. En effet, ces pathologies nécessitent un suivi régulier, au long court, mais ne recquièrent pas systématiquement une hospitalisation prolongée. La définition L’Organisation Mondiale de la Santé définit une maladie chronique comme un problème de santé qui nécessite une prise en charge pendant plusieurs années. «Si certaines défaillances organiques sont d’origine congénitale, d’autres sont liées à l’altération fonctionnelle précoce d’un organe en rapport avec un évènement inopiné. D’autres enfin sont en rapport avec le vieillissement normal, qui se fait à un rythme variable d’un individu à un autre, en fonction de différents facteurs, dont le mode de vie et l’exposition à un certain nombre de facteurs de risque. » [24, avant-propos]. Le rôle infirmier L’IDE à domicile a pour rôle de réaliser les soins prescrits. Elle se doit également d’observer l’évolution des signes cliniques, et de prévenir les autres professionnels qui interviennent dans la prise en charge du patient, en cas de complications. La fréquence et la régularité de ses passages à domicile font que l’IDE connaît bien son patient, ses habitudes et son cadre de vie. Ainsi, elle sait s’adapter au patient en ayant toujours le souci d’améliorer sa qualité de vie. « […] Il s’agit pour le soignant d’adapter ses interventions en fonction de ses observations, et de proposer ainsi un accompagnement adapté à la personne soignée. » [25, p.161]. Un accompagnement de qualité se définit également par la nécessité de considérer le patient dans sa globalité. En effet, la survenue de la maladie, puis son évolution, ont contraint le patient à modifier l’organisation de son existence, tant sur le plan personnel que sur le plan familial. Il va donc devoir s’adapter aux conséquences de sa maladie d’une part, mais aussi au rythme imposé par son suivi. D’autre part, l’IDE a également un rôle éducatif auprès des patients atteints de pathologies chroniques. L’information favorise en effet la participation du patient et son adhésion aux soins, dans le but de préserver son autonomie. 14 L’aspect relationnel est enfin primordial dans ce type de prise en charge. En effet, la chronicité de la maladie peut être à l’origine de réelles difficultés psychologiques. L’écoute et la disponibilité sont donc essentiels pour un accompagnement de qualité. Les Difficultés rencontrées Cependant, si l’IDE à domicile occupe une place importante dans l’environnement soignant du patient, elle doit aussi composer avec certaines difficultés telles que l’environnement du patient, la solitude du soignant face au patient, mais aussi face à son entourrage. V. ENQUÊTES 15 1. Méthode exploratoire Afin de confirmer ou d'infirmer nos recherches théoriques, nous sommes allées à la rencontre de trois infirmiers libéraux. Nous avons fait le choix de professionnels aux parcours variés, exerçant dans des structures, de taille et de contexte différents. Nous avons également cherché à confronter le milieu urbain et le milieu rural. En effet, il nous semblait intéressant de comparer différents modes d'exercice libéral de la profession infirmière. De ce fait, nous avons interviewé un infirmier liberal, pratiquant seul depuis vingt ans dans un quartier résidentiel urbain (IDE 1); un infirmier exerçant depuis quatre ans, dans un cabinet en association à deux autres professionnels, en zone péri-urbaine (IDE 2); et enfin un infirmier, associé à trois autres professionnels depuis huit ans, dans une maison médicale en zone rurale (IDE 3). Pour ce faire, nous avons élaboré une trame d’entretien commune se basant sur différents concepts qu’il nous semblait important d’éclairer. Nous avons fait le choix de mener des entretiens semi-directifs, constitués de questions essentiellement ouvertes, et de questions alternatives, afin de laisser le champ libre à des échanges fructueux. En effet, l’utilisation de nombreuses questions fermées aurait fortement réduit la richesse de ces entretiens. Nous sommes relativement satisfaites de notre méthode de travail et de notre trame d’entretien qui nous a permis d’appréhender de nombreuses facettes de la relation de soin à domicile. Cependant, nous aurions apprécié d’avoir un échange féminin sur cette thématique. Vous trouverez ci-joint, en annexe, la trame d’entretien ainsi que le tableau récapitulatif de nos entretiens. 2. Analyse et résultats La relation soignant-soigné Les trois IDE abordent des notions différentes pour définir la relation soignant-soigné. Cependant tous emploient des termes forts en matière d’implication envers l’autre. Pour la définir, l’IDE 1 emploie les mots suivants « relation de confiance », « aider », « apporter quelquechose », « éduquer », l’IDE 2 parle de « service à la personne », « cadre de soin », « aide ». L’IDE 3 quant à lui, a eu plus de difficultés à définir ce concept, il parle de « quelque chose qu’on vit tous les jours ». 16 Les trois IDE s’accordent à dire que la confiance est au cœur de la relation soignant-soigné Pour tous, elle est le fondement de relations durables. Les IDE 1 et 2 la considèrent indispensable à cette relation. L’IDE 2 souligne que « c’est le patient qui donne sa confiance » et l’IDE 3 lui, explique que c’est « 70% de notre prise en charge » dans les soins à domicile. Les IDE 1 et 2 la citent d’ailleurs comme un critère prévalent de qualité à la relation soignant-soigné. Au-delà de la confiance, d’autres critères de qualité entrent en jeu dans la relation soignantsoigné, pour les professionnels que nous avons rencontrés. Encore une fois, les termes employés sont différents, mais tous marqués par la notion d’échange. L’IDE 1 cite « l’écoute » et « la patience », l’IDE 2 parle « d’ouverture d’esprit » et de « respect », l’IDE 3 aborde le « prendre soin », « la disponibilité » et « l’empathie ». Le cadre de soin intervient également dans la relation soignant-soigné, les trois IDE affirment qu’il existe une différence notable entre cette relation dans les soins à domicile et en structure. Pour les IDE 1 et 2 le lieu du soin a une forte influence : « le côté relationnel à domicile est beaucoup plus fort qu’à l’hôpital » (IDE 2), « tu noues plus facilement contact […] parce que tu es chez eux » ; « tu es leur invité, chez eux, dans leur domicile » (IDE 1). Contrairement aux IDE 1 et 2, l’IDE 3 considère que le lieu du soin n’est pas si déterminant pour la relation. Pour lui, c’est plutôt le temps consacré à la personne qui est primordial : « […] après, que l’on soit chez lui ou à l’hôpital, je ne sais pas, il y a quand même le pourquoi on est là, donc même si le cadre joue, pas tant que ça en fait ». L’absence du port de blouse est également un point qui divise. L’IDE 1 reconnaît que « la blouse est synonyme d’institution » mais ne pense pas que cela influence beaucoup, Pour l’IDE 2, en revanche : « on n’a pas la blouse, on n’a pas de barrières ». A travers les propos recueillis, on voit que malgré de nombreux points communs, la notion de relation est propre à chacun, ce qui fait que chaque relation est unique. La distance relationnelle Aucun des trois IDE ne donne de définition précise de la distance relationnelle, néanmoins ils parlent tous de positionnement et de recul. L’IDE 1 parle de « se préserver », de « couper les ponts », de « mettre une barrière », l’IDE 3 ajoute « savoir rester à sa place », « savoir mettre une distance », « mettre du cadre, des limites ». L’IDE 2 nuance ces propos en disant : « on ne peut pas se passer du rapprochement avec les patients ». L’IDE 1 définit la juste distance comme « savoir trouver le bon milieu ». Pour l’IDE 2 « il faut garder cette juste distance », de plus, il introduit la notion de vigilance : « […] il faut faire attention ». Pour l’IDE 3 parler de juste distance est un jugement, selon lui les critères qui la 17 définissent sont subjectifs. Cependant, pour lui « du moment que le soignant peut faire son travail, dans de bonnes conditions et que le patient se sent bien pris en charge, on peut parler de juste distance ». On notera que les IDE abordent tous cette distance d’un point de vue émotionnel. Aucun ne fait référence à la distance physique qui visiblement n’aurait pas de d’impact sur la distance relationnelle. Concernant le lien entre la qualité des soins et la distance relationnelle, les opinions sont divergentes. L’IDE 1 affirme que oui, pour lui « la qualité des soins dépend de la distance et de la relation que tu as avec le malade : de la confiance, du contact, de l’approche, de la manière de leur parler ». À contrario, pour l’IDE 2 : « non, les soins sont exécutés de la même façon que ce soit la première fois ou quelqu’un qu’on connaît depuis longtemps ». Ainsi, pour l’IDE le côté relationnel fait partie intégrante du soin et de l’acceptation, de celuici. Les trois IDE reconnaissent recevoir des manifestations d’affection de la part de certains de leurs patients, l’IDE 2 précise que « cela va avec les relations qu’on a ». De plus, ils admettent un partage de la vie privée dans le soin, mais d’après l’IDE 1 « il y a un équilibre à trouver », il ajoute « il ne faut pas que ça rentre dans le familial, dans l’intrusif, dans le trop privé ». Il existe une connaissance mutuelle entre le soignant et le soigné à domicile qui apparaît comme un avantage pour les IDE 1 et 2. Ce propos est nuancé par l’IDE 3 qui dit : « on peut parler de connaissance mutuelle, pas forcément au même niveau ». Pour lui, le partage des informations n’est pas équitable. En tant que professionnel, le soignant aura nécessairement plus d’informations à propos du soigné, afin d’avoir une prise en charge optimale. Par ailleurs, tous trois reconnaissent avoir recours au tutoiement avec certains de leurs patients pas forcément suivis de longue date. « Cela dépend de la personne […] pas de la durée de la prise en charge. » (IDE 1). L’IDE 3 précise : « je pense qu’on peut être dans le tutoiement assez facilement et puis savoir rester à sa place. ». Ainsi les professionnels que nous avons rencontrés reconnaissent avoir une relation privilégiée avec certains de leurs patients, mais insistent sur l’importance de poser un cadre et des limites. La prise en charge au long cours Pour caractériser les relations entretenues lors des prises en charge au long cours, les IDE emploient les termes suivants : « amicale », « professionnelle », « confiante » (IDE 1); « professionnelle », « attachante », « simple et sincère » (IDE 2); « cordiale », « professionnelle », « empathique » (IDE 3). Nous pouvons donc en déduire que le caractère 18 professionnel de cette relation est essentiel, mais que les affects ont également toute leur place au sein de celle-ci. Pour les trois IDE, la fréquence des passages et la durée de la prise en charge ont une influence sur la relation qu’ils entretiennent avec leur patient, ainsi que sur l’évolution de la relation, pour l’IDE 3 : « oui forcément le temps joue sur la relation ». Cependant l’IDE 2 nuance ce propos : « Oui et non. Avec certains patients […] cela reste assez protocolaire. Avec d’autres, il y a une vraie relation qui se tisse » et dit également : « c’est une question de personnalité […] Ce n’est pas quelque chose qui se calcule ». A travers ces propos, nous remarquons que, bien plus que la durée de la prise en charge, c’est avant tout la personnalité et l’engagement des protagonistes qui influent sur la relation. Les IDE 2 et 3 s’accordent à dire qu’il n’est pas toujours possible de conserver une juste distance relationnelle dans le temps. L’IDE 3 souligne que le travail en équipe favorise le maintien de cette juste distance : « […] il y a toujours le relais d’un autre ». L’IDE 2 évoque également l’importance du travail en équipe, notamment lors de certaines prises en charge difficiles : « on peut être amené à stopper la prise en charge si ça devient trop pénible ». Les 3 IDE reconnaissent s’être déjà sentis débordés dans certaines de leurs prises en charge, pas sur le plan émotionnel mais davantage sur le plan pratique (investissement, services rendus etc.). Ils insistent de nouveau sur l’importance du cadre posé et des limites fixées : « on repose le cadre quand ça dérape » (IDE 2). Signe de la confiance instaurée lors de ces relations de longue date, certains patients s’en remettent à leur infirmier lorsqu’ils ont des choix thérapeutiques à faire. L’IDE 2 est catégorique : “Non, ça ne nous est jamais arrivé et on n’est pas là pour influencer une telle decision, ce n’est pas du tout notre rôle”. A contrario, l’iDE 3 cite une situation précise dans laquelle il s’est impliqué : “ Quand la famille m’a demandé mon avis, même si effectivement je leur ai bien dit que ce n’était pas de mon ressort et que je n’avais pas les compétences pour juger techniquement ce qui était mieux pour elle […] je leur ai dit que je pensais pas que c’était un gain pour sa qualité de vie suffisamment important pour le faire.” L’IDE 1 est beaucoup plus nuancé dans sa réponse : “oui, mais pas sur des choses trop graves” “tu as un avis consultatif” (IDE 1). A travers ces propos on sent donc bien qu’une implication très forte dans la relation peut bousculer les limites du cadre de soi VI. PROBLEMATIQUE ET CONCLUSION 19 1. Problématique Les recherches que nous avons faites nous ont permis d’étayer notre question de départ. La distance relationnelle est bien un des enjeux de la relation soignant-soigné. Cependant il est difficile de donner une définition précise de cette distance relationnelle. En effet, comme son nom l’indique, le point de départ est une relation de soin entre un soignant et un soigné, même si le soin est au cœur de cette relation, cela reste la rencontre de 2 personnes avec des affects, des émotions, des personnalités pas forcément identiques. Il y a donc de nombreux paramètres qui entrent en jeu et qui font que la rencontre se fait ou non. Cela est d’autant plus exacerbé lors des prises en charge à domicile. En effet, on entre de plain-pied dans l’intimité du patient ce qui rend les contours de la relation sont beaucoup plus flous qu’en institution. On peut avancer que les règles sont différentes de la relation de soin en institution même si les grands principes de la relation sont identiques en matière de respect, de confidentialité, d’empathie.... Dans les prises en charge au domicile, le patient est pleinement acteur de sa prise en charge. C’est lui qui donne le tempo dans la relation, en ce sens où il reçoit chez lui, donne à montrer, et partage ce qu’il souhaite. Cette relation est dépouillée des attributs de la relation de soin en institution c’est une relation bi latérale et non plus multilatérale. Elle est beaucoup moins asymétrique qu’en institution. Même si le soignant garde la prérogative sur les savoirs et la technique, le soigné donne une couleur à la relation. Par ailleurs, chacun peut laisser plus librement s’exprimer sa personnalité loin des contraintes liées à l’institution. C’est pourquoi la distance relationnelle ne revêt pas la même signification pour tous. Elle s’établira donc en fonction de la relation établie avec le patient. D’une manière générale, cette distance est peu évoquée d’un point de vue physique. En effet, en termes de proxémie, celle-ci est réduite au minimum dans la relation de soin puisque l’on est dans une distance intime. Ce concept de distance s’intéresse plus à la distance relationnelle, véritable enjeu de la relation de soin, qui fait référence à la gestion des émotions, des affects dans la relation à l’autre. La distance relationnelle est le plus souvent reliée aux notions de limites, de mise à distance, de cadre. Elle s’apparente à une barrière de protection du soignant. A charge pour lui, de ne pas l’ériger en muraille, afin de laisser place aux émotions qui sont au cœur de la relation. Cela nécessite de la part du soignant une bonne connaissance de soi afin de savoir ce qui est acceptable, voire supportable ou non, et faire les réajustements nécessaires pour pouvoir installer une relation sereine, tant pour lui que le patient qu’il a en charge. Cela nous amène donc à parler de la juste distance qui s’apparenterait à un juste milieu, un positionnement dans la relation où chacun trouve un bénéfice, une sorte de relation « gagnant-gagnant ». La gestion de cette juste distance est prépondérante dans les prises en charge de patients atteints de 20 pathologies chroniques. La maladie chronique entraîne de grands bouleversements, une forte charge émotionnelle et d’importantes stratégies d’adaptation dans lesquelles l’IDE a pleinement un rôle à jouer. Ce sont des prises en charge qui s’installent sur le long cours et engendrent des relations particulières avec le soignant à domicile. En effet, à l’entrée de plain-pied dans l’intimité du patient de façon quotidienne voire pluriquotidienne, s’ajoute une pérennité des rencontres qui va favoriser les échanges. L’IDE devient alors un interlocuteur privilégié qui sera le garant du lien ville/hôpital mais également un interlocuteur de choix avec l’entourage du patient. Tous ces éléments concourent à renforcer l’implication de chacun dans la relation de soin. Aux recherches conceptuelles s’ajoutent les entretiens sur le terrain Les propos recueillis nous ont permis de confronter les apports conceptuels avec la réalité professionnelle et de revenir sur nos a priori de départ. Ainsi, il ressort que la chronicité n’est pas si déterminante dans la relation de soin au domicile. Contrairement à ce que nous pensions, elle n’est pas le socle de relations durables et pérennes et n’influe pas outre mesure sur la distance relationnelle. En effet, la distance relationnelle ne s’appréhende pas en termes de quantité mais en termes de qualité et d’investissement de chacun dans la relation. Elle est véritablement le fruit de la rencontre, du partage et de la confiance qui en découlent. Le partage de valeurs communes semble déterminant dans la gestion de la distance relationnelle et la qualité de la relation de soin. Ce constat nous amène donc à poser la problématique suivante : « En quoi le respect des valeurs entre le soignant et le soigné est-il le garant de la pérennité de la relation de soin à domicile ? » 2. Conclusion Il a été très intéressant d’explorer les nombreuses facettes de la relation soignant-soigné et de la distance relationnelle. Nous avons choisi la spécificité du domicile, cependant ce sujet est transposable dans de nombreuses situations de soins d’ou sa richesse. Réapprofondir ces concepts de la relation de soin nous aura permis d’enrichir notre identité professionnelle et restera pour nous une belle et utile conclusion à ces trois années d’études. Cela nous aura permis de nous rappeler qu’au-delà d’une tenue, de savoirs et de techniques, le soignant lui-même est un outil de soin à part entière. BIBLIOGRAPHIE 1. Profession infirmier. Recueil des textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’État et à l’exercice de la profession. Berger-Levreau, 2015, 240p. 2. MANOUKIAN Alexandre. La relation soignant-soigné. Lamarre, 2001, 173p. 3. Dictionnaire Encyclopédique des Soins Infirmiers. Editions Lamarre, 2002, 377p. 4. ibid 5. Le NOUVEAU PETIT ROBERT. Le Robert, 2007, 2837p. 6. Article L.1111-2 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. 7. CARICLET N. Construire une relation de confiance durable avec les patients. Soins cadre de santé, n°63, 2007, pp.17-18. 8. PRAYEZ Pascal. Distance professionnelle et qualité du soin. Rueil-Malmaison : Lamarre, 2006, 218p. 9. PRAYEZ Pascal. Julie ou l’aventure de la juste distance. Rueil-Malmaison : Lamarre, 2006, 235p. 10. ROSELIER Typhaine. La distance dans la relation de soin. Nantes : IFSI, 2009, 40p. 11. Trouver la juste distance avec le patient. L’infirmière magazine, décembre 2007, n°233, pp.54-56. 12. MICHON Florence. Les relations interpersonnelles avec la personne soignée et la notion de juste distance. Soins, MOIS ANNEE, n°773, pp.32-34. 13. PHILIPPON Serge. Limites et juste présence dans la relation entre un soignant et une personne âgée. Perspective soignante, décembre 2012, n°45, pp.64-72. 14. MALLEM Elke. La distance professionnelle. Objectif soins, mai 2005, n°136, pp.2223. 15. LAROUSSE. Définition : professionnel/professionnelle. Disponible sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/professionnel_professionnelle/64161. Consulté le 16.04.2015. 16. GINESTE Yves, PELLISSIER Jérôme. De la solitude à l’humanitude. Santé mentale, septembre 2001, n°100, pp.38-43. 17. HAREL-BIRAUD Hélène. Manuel de psychologie à l’usage des soignants. Masson, 2010, 112p. 18. DELAUNAY Laeticia. Le temps dans le soin à domicile. Soins, octobre 2012, n°769, pp.53-54. 19. Le PETIT ROBERT. Le Robert, 2012, 2880p. 20. LETHEULE NGOM Marjolaine, TALON-CHRETIEN Marie-Claire. Approche du coprs en exercice libéral. Soins, juin 2011, n°56, pp.49-50. 21. PIVOT Annie. La confiance au cœur de l’exercice libéral infirmier. 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Déterminants sociaux : o Homme / Femme o Âge o Année du diplôme o Parcours professionnel o Années d'expérience dans le milieu libéral o Formation(s) suivie(s) en lien avec le thème o Qu'est ce qui a été déterminant dans votre choix d'exercer en libéral ? Déterminants professionnels : o Exercez-vous seul ou avec plusieurs infirmier(s) ? o Combien de patients prenez-vous en charge actuellement? o Quelle est la durée moyenne de vos prises en charge ? o Quelle est/a été la durée maximale de prise en charge que vous ayez réalisé ? La relation soignant/soigné : o Qu'est-ce que pour vous la relation soignant/soigné ? o Quels sont, selon vous, les critères de qualité de cette relation ? Pouvez-vous en citer trois ? o Pensez-vous que la confiance soit obligatoire dans la relation soignant/soigné ? Pouvez-vous expliquer ? o Trouvez-vous que cette relation soignant/soigné soit différente entre les soins en structure hospitalière et les soins à domicile ? Pouvez-vous détailler ? o La fréquence des passages et la durée de la prise en charge ont-elles selon vous une influence sur la relation entre l'infirmier(e) et le patient ? Pouvez-vous préciser ? La distance relationnelle : o Qu'est-ce que pour vous la distance relationnelle ? o Faites vous une différence entre distance relationnelle et juste distance relationnelle ? o Vous arrive t-il de vous faire tutoyer par des patients ? o Pensez-vous que la qualité des soins prodigués dépend de la juste distance établie avec le patient? o La distance relationnelle peut-elle selon vous être influencée dans les soins à domicile ? Qu'est ce qui selon-vous influence le plus la distance relationnelle dans les soins à domicile ? (Par exemple : l'absence de port de blouse, la fréquence et durée de la prise en charge, le cadre intime du lieu de soin....) o Vous êtes vous déjà senti débordé dans vos rapports avec certains de vos patients ? Avez-vous déjà eu des difficultés à gérer des relations avec vos patients ? o Vous arrive t-il d'instaurer des limites dans vos relations avec vos patients ? Si oui, pourquoi ? o Vous arrive t-il de recevoir des manifestations d'affection de la part de vos patients ? o Pensez-vous que nous pouvons parler de partage de la vie privée dans la relation soignant/soigné ? Le partage de la vie privée à t-il pour vous sa place dans le soin et la relation soignant/soigné ? Pathologie chronique / Prise en charge au long cours : o La relation soignant/soigné évolue-t-elle au cours de la prise en charge ? De quelle manière ? o Comment qualifierez-vous votre relation avec vos patients suivis de longue date ? Pouvez-vous citer 3 qualificatifs. o Selon vous, est-il possible de conserver une juste distance relationnelle avec les patients suivis de longue date ? o Pensez-vous que nous pouvons parler de connaissance mutuelle entre l'infirmier(e) et le patient ? La connaissance mutuelle entre l'infirmier(e) et le patient est-elle pour vous, un avantage ou un inconvénient ? o Vous est-il déjà arrivé qu'un patient vous demande votre avis dans un de ses choix thérapeutique ? Si oui : cela est-il fréquent ? citez un exemple. Comment avez-vous réagi ? Si vous avez donné votre avis, quels facteurs ont d'après vous, étés déterminants pour construire celui ci ? En conclusion, pensez-vous qu'il faut une distance relationnelle dans les soins à domicile ? L'entretien est à présent terminé. Souhaitez-vous apporter d'autres informations sur le sujet ? Voyez-vous des axes d'amélioration sur l'une des problématiques évoquées ? ANNEXE 2 : Tableau récapitulatif des entretiens Déterminants sociaux IDE 1 IDE 2 IDE 3 Homme, 46 ans, DE Homme, 33 ans, DE Homme, 45 ans, DE en 1991, 20 ans en 2004, 4 ans en 2002, 8 ans d'expérience libérale d'expérience libérale d’expérience libérale Déterminants professionnels Exerce seul, en Exerce en cabinet Exerce dans une milieu urbain, infirmier de 3 IDE, maison de santé réalise environ 40 en milieu urbain, avec 4 IDE, réalise visites par jours, réalise entre 30 et entre 80 et 100 PEC allant de 55 passages par visites par jour, PEC quelques jours à jours, PEC allant de allant de quelques une quinzaine quelques jours à jours à 8 ans. d'année 8ans Autonomie dans le - Conditions de - “De nature plutôt travail travail indépendante” insatisfaisantes en - “Travail en équipe CHU parfois assez - Travail à la chaîne. pesant” Choix d’exercer en libéral - S'occuper des gens comme on le souhaite - Relation de - Services “Quelquechose confiance - Relation d'aide qu’on vit tous les - Relation d'aide - Cadre de soin jours” - Écoute - Confiance - Prendre soin 3 critères de - Patience - Ouverture d'esprit - Disponibilité qualité de la - Confiance - Respect - Empathie Définition de la relation soignant/soigné relation soignant/soigné - Education Confiance dans la relation Indispensable, pour - Indispensable - “70% de notre des relations - Accordée par le prise en charge” pérennes patient soignant/soigné - La fonction inspire confiance - “Tu es en contact - “Pas du tout la - “Malheureusement direct avec le même, cela n'a rien oui” malade, il n'y a pas voir” - “Le terme qui d’intermédiaire” - “Patients pas dans revient, qui est un - “Tout ne dépend leur environnement, peu récurrent, euh que de toi... Tu il est plus facile de autant pour les assume tout” rester en retrait” soignants que pour - “On a pas le temps les patients, c’est d'être humain” l’usine.” - “Oui” - “Oui et non” - “Oui forcément” - “Il arrive un - “Avec certains - “Y a des choses moment, tu fais patients (…) cela qui se créent au fil pratiquement parti, reste assez du temps” fréquence et durée pas de la famille, protocolaire. Avec des passages sur mais presque” d'autre, il y a une Différence entre les soins en structure et à domicile Influence de la la relation vraie relation qui se tisse” - “Il faut quand - “On ne peut pas “C’est la distance même se préserver” venir chez les gens entre le patient et le - “Ne pas se laisser que pour effectuer soignant” bouffer par cette leurs soins” relation” - “Après il faut - “Tu peux souffrir garder les pieds sur distance avec les gens” terre et dire 'notre relationnelle - “Il faut savoir rôle ce n'est pas couper les ponts” ça !” - “Mettre une - “Il faut savoir dire barrière pour ne pas stop” Définition de la tout prendre sur toi” - “Il y a une juste - “C’est une réalité” - “La juste distance, distance” - “Il faut garder cette là on est dans le - “Il faut savoir juste distance” jugement, pour moi” trouver le bon - “On remet un - “Après du moment milieu” cadre” que le soignant peut - “Il faut faire faire son travail, euh attention” dans de bonnes Définition de la juste distance conditions et que le relationnelle patient, euh se sent bien pris en charge, on peut parler de juste distance mais bon après c’est des critères assez subjectifs.” Tutoiement Lien entre qualité des soins et distance relationnelle avec le patient - “Oui, souvent, et “ Oui, avec certains, - “Je tutoie moi j'en tutoie pas forcément des facilement les gens, quelques-uns” patients de longue euh bon après je - “Cela fait parti de date” pense qu’on peut la confiance et de être dans le l'approche avec mes tutoiement assez malades” facilement et puis - “Ca dépend de la savoir rester à sa personne (…) pas place, et puis savoir de la durée de la mettre une prise en charge” distance.” - “Énormément, oui” “Non, les soins sont “Dans la distance - “Le fait que exécutés de la relationnelle, euh l'infirmier arrive pour même façon que se quand les gens sont faire un soin (…) soit la première fois en confiance, c’est soigne déjà autant ou quelqu'un qu'on que y a une que le soin en lui connaît depuis distance qui même” longtemps” apparemment est - “Oui, la qualité des efficace au niveau soins dépend de la du travail, et donc distance et de la ça vous permet de relation que tu as faire votre boulot avec le malade : de correctement.” la confiance, du contact, de l'approche, de la manière de leur parler” - “Peut-être pas sur la manière dont tu le fais (…) mais par contre la manière dont le malade accepte l'acte, oui cela joue” - “Je suis tout seul, - "L'absence de “Alors après quand je suis directement blouse, l'entrée on va au chevet en contact avec dans l'espace de vie d’un patient, après eux, ils me voient : c'est très intime". euh qu’on soit chez tous les jours (…) - "On n'a pas de lui ou à l’hôpital, euh c'est la proximité” barrières, on est je sais pas y a - “La blouse est chez eux" quand même le synonyme pourquoi on est là, d'institution, donc donc euh même si Distance elle dépersonnalise le cadre joue, euh relationnelle peut-être un peu la pas tant que ça en influencée dans relation, mais je ne fait.” les soins à pense pas que ça domicile influence énormément” - “Tu es leur invité, chez eu, dans leur domicile (…) ça rapproche un peu, tu noue plus facilement contact avec tes malades parce que tu es chez eux” “Emotionnellement, "Oui, on peut être je dirais non. Mais ammené a stopper par contre, dans la prise en charge si mon investissement, ca devient trop Débordement dans oui, peut-être, parce pénible." les prises en que oui il y arrive un charge moment où les gens / te demandent un peu beaucoup de choses, et tu ne peux pas tout faire” “Oui, (…) il faut "Oui, on repose le “Oui, on est obligé trouver le juste cadre quand ca oui.” milieu entre une dérape" Instauration de relation de limites dans la confiance, d'amitié relation entre guillemets, et puis en même temps pas te laisser déborder par les sentiments et par leurs demandes” “Oui, quelques fois. "Oui, cela va avec “Oui mais encore Mais c'est rare” les relations qu'on une fois, euh encore a" une fois des signes d’affections, mais Manifestation euh avec comme je d'affection de la vous dis des part des patients attentions, des choses comme ça, euh pour des anniversaires, tout ça.” - “Oui, elle peut - "Faire la part des - “Moi j’évite.” avoir sa place” choses" - “Après, euh - “Il y a un équilibre - "C'est eux qui forcément avec le à trouver, chacun orientent la temps, au bout de trouve le sien” conversation” plusieurs années - “Moi j'ai trouvé - “Des choses quand même les mon juste milieu... classiques, on gens vous C'est plus de répond" connaissent” - “Oui elle évolue, - "Manière d'être du “Après quand vous généralement plutôt patient" allez chez les gens en bien” - "C'est une tous les jours, - “Si tu n'as pas question de plusieurs fois par installé une bonne personnalité" jour, pendant euh x Évolution de la relation avec le - "Ce n'est pas années, oui prise en charge malade, il y a des quelquechose qui forcément le temps petites choses qu'ils se calcule" joue sur la relation.” - Amicale - Professionnelle - Cordiale - Professionnelle - Attachante - Professionnelle - Confiance - Simple et sincère - Empathique - "Pas toujours " “Moi je crois, après - "Des fois c'est c’est mon point de possible, des fois vue, eu"h on a non" l’avantage de Partage de la vie l'amitié, ensuite il ne privée dans le soin faut pas trop que ça rentre dans le familial, dans l'intrusif, le trop privé” - “Des invitations à des repas par exemple, non, je refuse” dans le temps n'acceptent pas comme un petit retard” 3 qualificatifs des relations avec les patients suivis de longue date Maintient d'une travailler en groupe, juste distance / donc de ne pas non dans le temps plus être tous les jours quand même chez les patients, euh y a toujours le relai d’un autre, euh oui non je pense.” Connaissance - “Oui, oui !” - "Un vrai avantage" “On peut parler de - “C'est un - "On fait ce métier connaissance avantage” pour ça" mutelle, pas mutuelle entre forcément au même l'infirmier et son niveau.” patient Choix thérapeutique - “Oui, mais pas sur - "Non jamais" - “Elle et la famille des choses trop - "Pas du tout notre m’avaient demandé graves” rôle" un avis.” - “Ils te demandent - "En aucun cas - C’était un avis que toujours ton avis, si, l'infirmier n'est là j’ai donné moi, à on discute pour influencer" titre personnel.” beaucoup avec eux” - Souvent oui, parce - “Sur la manière de que les gens traiter la douleur, reviennent de sur le choix d'un l’hôpital très très médecin ou d'un mal informé, voire spécialiste, sur le pas du tout.” choix d'un type de - “Sur des avis thérapie. Oui, je sais techniques je donne pas par exemple, ils pas mon avis, voilà. ont une douleur... Ils J’ai pas la formation me demandent qui pour, je les renvoie consulter entre en général vers le l'ostéopathe, le médecin, vers leur kinésithérapeute... médecin Entre l'homéopathie généraliste” ou la médecin traditionnelle pour un rhume” - “Tu as un avis consultatif, après je ne sais pas si ils en tiennent compte, mais si, ils demandent souvent” - “Si ils me demandent mon avis je leur dis ce que je pense et ce qu'il me paraît bon” Obligation d'une distance relationnelle dans les soins à domicile ? - “Je pense qu'en - "Plutôt instaurer un - “Oui, je pense libéral on est plus cadre, des limites" qu’effectivement on proche des gens - "On ne la décide peut avoir des qu'en milieu pas" patients très hospitalier” - "Peu ou pas de demandeurs au - “Je pense que distance" niveau de la pour se préserver il relation, des gens faut quand même qui vivent seuls, euh garder une certaine mais je pense que distance” après, oui il faut être vigilent je pense.” - “Je pense qu’il y a des gens qui pourront facilement se laisser déborder, euh dans cette relation.” ABSTRACT La distance relationnelle dans la prise en charge de soins à domicile Pendant nos trois années d’études, nous avons réalisé différents stages, dont certains en libéral. Au cours de ces stages, nous avons toutes été confrontées à la relation soignantsoigné, très présente dans le contexte du domicile, et notamment lors de prises en charge au long cours. Tout ceci nous a amené à nous questionner sur le lien entre la distance relationnelle et la prise en charge au long cours dans les soins à domicile. Tout d’abord, nous avons effectué des recherches théoriques sur le sujet, puis nous avons rencontré trois professionnels afin de confronter leurs expérience sur le terrain. Au terme de ce travail, nous avons réalisé qu’au-dela de la durée de la prise en charge, c’était davantages la personnalité des deux protagonistes qui intervenait sur la qualité de la relation. Ainsi, nous nous questionnons à présent sur l’importance du respect des valeurs permettant d’assurer la pérennité de la relation de soin à domicile. Relational distance and practice of long term home care service as a visiting nurse During the three years of nursing school, we went through several training courses, Some of them as visiting nurses. We had to face the question of the relationship between us as nurses and the patients, and this is particularly important when patients receive home care services. These situations brought us to question ourselves about the correct relational distance, the appropriate relationship between patients and nurses, during the long term care. We first made some researches about this relationship, we looked for books, papers… Then we met three professional visiting nurses, to hear about their own practice. When we brought our studies and hearings to an end we realized, and finally understood, that more than the length of time of the home care service, the personality of the two persons involved in that relationship was the most influential factor, upon the quality of that relationship. We are now working on the idea that the respect of values such as morality, ethics, probity and more, is the key for a safe and successful long term care relationship at the patient’s home.