▪ Forces occultes (1943) de Jean Mamy est une commande du service de propagande nazie. C’est un film qui s’en prend
violemment à la franc-maçonnerie et aux Juifs et cherche à prouver l’existence d’un complot judéo-maçonnique.
Condamnés fermement à la Libération, le réalisateur ainsi que le scénariste Jean Marquès Rivière seront exécutés et le
producteur Robert Muzard, condamné à trois ans de prison.
▪ Avec Le Corbeau (1943), Henri-Georges Clouzot a su le mieux restitué le climat de l’époque, la peur, la délation, les
lâchetés quotidiennes. Mais à la Libération, la Résistance et les communistes ne le voient pas sous cet angle et reprochent
plutôt au réalisateur d’avoir fait de ce film, une tentative de dénigrement du peuple français. Attaqué très violemment
pour sa peinture noire qu’il a faite du pays maintenant libéré – le critique George Sadoul écrit à l’époque que le film laisse
voir selon lui l’influence de Mein Kampf - Clouzot est banni de la réalisation. Mais cette décision sera annulée en 1947 et
le cinéaste reprendra le chemin des studios avec Quai des orfèvres.
▪ La Vie de plaisir (1944) d’Albert Valentin, qui critique la noblesse et le clergé, est interdit par le Régime de Vichy, jugeant
le film nettement antisocial. Mais il est aussi condamné et censuré à La Libération, pour les mêmes motifs que celui du
Corbeau, le cinéaste étant accusé pareillement de vouloir salir la France par la représentation qu’il en fait.
Il faut avouer aussi que les films de la Continental ont été sévèrement jugés par des critiques venant de la résistance et
qui, non sans quelques mauvaises fois, les ont traités en bloc et avec mépris de cinéma « vichyssois ». Ce qui n’était pas
entièrement exact. A la Libération, plusieurs réalisateurs, acteurs et comédiennes ont été sanctionnés. Henri-Georges
Clouzot a été suspendu momentanément d’activité. Sacha Guitry, Arletty, Pierre Fresnay, Viviane Romance, Ginette
Leclerc, Corinne Luchaire ou encore Albert Préjean ont été incarcérés quelques semaines. D’autres ont été condamnés
plus lourdement, à raison, tel le comédien Robert Le Vigan, collaborateur notoire et délateur.
La Continental
En Septembre 1940, en zone occupée, le Ministre à la propagande du Reich, Joseph Goebbels, missionne Alfred Greven,
un ancien militaire francophile, pour créer une puissante société de production destinée à centraliser à son bénéfice le
meilleur des ressources artistiques du cinéma français et garder ainsi la mainmise sur la production cinématographique
du pays occupé. Par la mise en œuvre de cette structure, l’objectif de Goebbels est donc bien plus d’ordre politique que
culturel et artistique et dans son journal intime du 19 mai 1942, il l’affirme d’ailleurs par ces mots : « Notre politique en
matière de cinéma doit être identique à celle des Etats-Unis envers l’Amérique du Nord et du Sud. Nous devons devenir le
pouvoir cinématographique sur le continent européen. Dans la mesure où des films seront produits dans d’autres pays, ils
devront garder un caractère purement local. Nous avons pour but d’empêcher, autant que possible, la création de toute
industrie nationale du cinéma ».
La Continental, financée par des capitaux allemands, voit alors le jour. La mise sur les rails s’effectue en février 1941 avec
L’Assassinat du Père Noël de Christian-Jaque. Date à partir de laquelle, les instances allemandes autorisent de fait les
producteurs français, dont Pathé, à se remettre au travail pour reprendre la production cinématographique qui s’était
arrêtée depuis l’été 1940.
De 1941 à 1944, la Continental produit 30 films et force est de reconnaître qu’au regard de ce qui a été réalisé, Alfred
Greven s’est loin d’être plié à l’exigence de Goebbels, son supérieur, lorsque celui-ci, agacé par l’idéologie véhiculée par
La Symphonie fantastique, l’a recadré pour lui demander de bien vouloir faire en sorte que les films soient seulement
« légers, vides et, si possible, stupides ». En fait, Greven, dont l’objectif premier est de concurrencer le cinéma américain en
produisant des films français de qualité, ira plusieurs fois à l’encontre des directives de Goebbels pour parvenir à ses fins :
il n’hésitera pas à recruter, notamment, des artistes et techniciens juifs au talent rare et certain en les faisant travailler
sous un prête-nom, comme le scénariste de La Main du Diable, Jean-Paul Le Chanois.
A l’arrivée, le catalogue de la Continental se compose pour la majorité de films de grande qualité tels ceux de Henri-
Georges Clouzot (L’Assassin habite au 21, Le Corbeau) et certaines adaptations littéraires signées Maurice Tourneur (La
Main du Diable, Cécile est morte) ou encore André Cayatte (Au bonheur des Dames).
Mais à l’instar de ce dernier, les cinéastes et autres artistes ayant travaillé pour cette compagnie de production vont être
pour beaucoup jugés et sanctionnés à la Libération pour avoir, à leur façon, « collaborer » avec l’ennemi. Pour les metteurs
en scène, des interdictions d’exercer à vie leur profession seront appliquées puis levées (Clouzot, Cayatte, Albert
Valentin). Quant à plusieurs comédiens et comédiennes à l’affiche des films de la firme, ils écoperont, pour la majorité,
d’une incarcération de quelques jours à plusieurs semaines.