3
INTRODUCTION de Matei VISNIEC
J’ai eu le plaisir de connaître la compagnie Umbral en 2004 au festival d’Avignon off et de redécouvrir la pièce que
j’avais écrite :"Petits boulots pour vieux clowns", montée pour la première fois dans son intégralité en langage
totalement clownesque. Cette compagnie, ou plus particulièrement son directeur artistique, Victor Quezada-Perez
qui pratique en effet ce mode de mise en scène comme un langage propre. Ce fut pour moi une découverte : ce
mélange dramatique entre mon texte et le clown était possible.
Mes personnages sont parfois insaisissables, ils agissent dans un sens puis filent ou se défilent. Dans mon travail
d’écriture, j’aime laisser l’ambiguïté, j’aime égarer le lecteur, le surprendre, l’emmener en bateau… La compagnie
Umbral réussit à jouer avec mes mots comme elle réussit à jouer avec mes personnages, elle donne du sens là où
l’on ne s’y attend pas, au-delà du texte et d’une mise en scène plus classique.
Ce choix de mélanger le travail de mise en scène avec le mode d’expression des clowns, qui pouvait sembler risqué
et fou me paraît finalement aller de soi et profondément poétique. Il n’est possible que par l’expérience de travail de
la compagnie Umbral, qui réussit techniquement par le corps, par le geste, par l’abnégation d’un travail d’équipe, par
la volonté d’un metteur en scène, à « mettre en clown » mes pièces comme leur directeur s’amuse à le dire.
Deux de mes pièces ont déjà vu le jour de cette manière, comme L’Histoire du communisme racontée pour des
malades mentaux, dans laquelle ils ont affiné leur concept, ajoutant l’audace à la folie, jouée deux années en Avignon
avec un énorme succès. Ils souhaitent persévérer dans leur recherche sur mon écriture et je suis heureux qu’ils
m’associent à leur travail en m’accueillant dans ce nouveau chemin avec cette pièce qui n’a jamais été encore
montée.
J’apprécie le fait qu’au-delà de la mise en clown, avec mon travail d’écriture ou de réécriture, il y a aussi une volonté
d’échange, d’offrir, leur théâtre et ma poésie, à des publics de natures différentes, sensibles dans tous les sens du
terme, afin de faire découvrir notre travail.
C’est ce qui de prime abord me plaît. Cette collaboration artistique prendra ainsi une forme d’acte poétiquement
social. La compagnie Umbral veut essayer de me faire entrer dans ce train, dont le moteur n’est pas « l’acte social »
mais plutôt la poésie, le clown, l’amour du texte et des mots, qui pour nous signifient l’amour des gens.
J’ai confiance en leur choix poétique, j’ai confiance en leur habitude à travailler avec des auteurs contemporains
vivants ! Leur exercice poétique est une prise de risque permanente à laquelle j’ai pris goût mais aussi que je souhaite
partager et vivre avec eux. J’aime suivre la destinée de mes personnages et il m’intéresse de pouvoir les modifier à
partir d’un travail concret, corporel, en faisant exister les personnages et peut-être ainsi/aussi changer leur destin…