Quelques remarques sur la notion de biodiversité - Bourgogne

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LA BIODIVERSITÉ AU CŒUR DU TERRITOIRE DU MORVAN
Il y a des termes qui naissent dans les laboratoires scientifiques ou dans
la définition des programmes de recherche. Puis un jour ils gagnent d’autres
disciplines, ils pénètrent le discours politique et économique, les médias
s’en emparent, le grand public les reprend. Il n’est évidemment pas sûr que
la signification originale du terme soit conservée. De plus, des implicites
philosophiques, idéologiques, viennent doubler le caractère opératoire que
ces termes pouvaient avoir au départ et brouiller le ou les sens qu’ils pos-
sédaient initialement.
Il est devenu à la mode que chaque année soit l’année mondiale de
quelque chose. Ainsi a-t-on eu l’année mondiale de la physique, celle des
mathématiques, cette année (2011) est celle de la chimie. Probablement
parce que ces disciplines paraissent complexes et peu engageantes, ces
années là ne furent guère mises en avant ou fêtées par les médias et leurs
manifestations ne sortirent que peu des cercles de spécialistes ou de quelques
efforts pédagogiques en direction des lycéens. Mais l’année dernière (2010)
fut celle de la biodiversité. On en parla beaucoup plus. Car chacun sait bien
ce que c’est que la vie, les plantes et les animaux et est prêt à s’attendrir sur
le sort funeste des éléphants d’Afrique, des tigres de l’Inde, des baleines et
autres espèces menacées de disparaître sous les avancées de l’agriculture,
de l’industrie, de la cupidité humaine encore plus que du développement
technique. Il s’agissait alors d’alerter sur les risques de pertes irréparables
que l’on pouvait subir du fait de cette disparition de nombreuses espèces,
disparition attribuée aux activités humaines. La diversité biologique, notion
développée au départ par des biologistes et des éthologues, en devenant la
biodiversité est passée du statut de notion scientifique à celui de slogan mili-
tant. Une recherche est devenue une cause. Le terme sous sa forme abrégée
(biological diversity en Anglais est devenu biodiversity puis biodiversité en
Français) qui a contribué à son succès a subi une véritable inflation. Que l’on
ajoute à un aquarium un jardin botanique, comme c’est le cas à Banyuls,
et la ville se trouve dotée d’un « biodiversarium ». De l’Anglais au Français,
puis du Français au latin de cuisine, le mot n’est pas menacé de disparition !
Quelques remarques sur la notion de biodiversité
Gérard CHAZAL
*
Résumé
Lorsqu’un concept élaboré dans le cadre de la recherche scientifi que dans un domaine passe
dans d’autres disciplines et dans les médias, il peut changer de sens et se charger de connotations
philosophiques et idéologiques. C’est certainement le cas du concept de biodiversité. Il s’agit donc
de déterminer les changements qui affectent ce terme dès lors qu’il a été repris par les sciences
économiques, juridiques, politiques et le grand public.
Mots-clés : vivant, nature, naturalisme.
Some remarks on the concept of biodiversity
Abstract
When a concept developed as part of scientifi c research in a fi eld is transferred to other topics and
media, its signifi cation can change and take on philosophical and ideological connotations. This is
certainly true about the concept of biological diversity or biodiversity. Therefore we have to identify
mutations that affect this term when it was taken on by economics, practice of law, policy and political
science and the media.
Key words : the living, nature, naturalism.
* Professeur émérite d’histoire et philosophie des sciences – Université de Bourgogne
Rev. sci. Bourgogne-Nature - 19-2014, 122-126
5e Entretiens de Bibracte-Morvan
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Je ne suis ni biologiste, ni un spécialiste de l’écologie comportementale, ce qu’on appelait
autrefois l’éthologie, c’est-à-dire l’étude des comportements animaux, mais en tant que
philosophe et historien des sciences je m’intéresse si ce n’est à la vie des animaux et des
plantes, tout du moins à celle des mots, à leur sens, aux concepts qu’ils recouvrent, à la
manière dont ils entrent dans des problématiques scientifiques et aux diverses distorsions
que ceux-ci peuvent subir. La diversité biologique est une notion qui est apparue au milieu
du
XXe
siècle dans la communauté des biologistes et des écologues avec des noms comme
ceux de Thomas LOVEJOY, Walter ROSEN ou Edward O. WILSON. Il s’agissait de désigner alors
la richesse d’un écosystème (en termes de nombre d’êtres vivants, individus ou espèces
l’habitant) et de trouver un moyen de la quantifier. Il s’agissait aussi de déterminer l’évo-
lution de cette richesse dans le temps en fonction des modifications de l’environnement.
Si le mot était nouveau aussi bien sous sa forme primitive (diversité biologique) que sous
sa forme contractée (biodiversité) les problèmes auxquels s’intéressaient ces chercheurs
n’étaient pas tous nouveaux. Dans un sens, les naturalistes du XVIIIe et XIXe siècles, les
JUSSIEU, CUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE, LAMARCK et évidemment DARWIN se préoccupaient
de la biodiversité. Beaucoup de ces savants s’étaient aperçu que l’environnement jouait
un rôle important dans la multiplication ou la régression des populations d’êtres vivants
mais aussi dans leur transformation. Cependant ce qui est nouveau avec les chercheurs
du XXe siècle, c’est la découverte que l’activité humaine jouait un rôle important dans
la modification de l’environnement – ce qu’on appellera les écosystèmes – et par suite
dans l’évolution de ces populations animales ou végétales. L’intervention humaine ne fut
d’abord prise en compte que dans le cadre des animaux domestiques et de la sélection
artificielle à laquelle ils étaient soumis, donc perçue comme un bien, quelque chose de
susceptible non seulement d’éclairer les mécanismes de la transformation des espèces
mais aussi de contribuer à l’accroissement de nos ressources alimentaires.
Quantifier la richesse du vivant pose d’ailleurs des problèmes épistémologiques et
scientifiques importants que l’on peut regrouper sous deux questions. Tout d’abord s’il
s’agit de compter faut-il savoir encore ce que l’on compte : les individus d’une même
espèce, les espèces (et l’on sait que cette notion d’espèce est problématique au moins
depuis DARWIN) ou encore, plus abstraitement, des génomes ? Faut-il parler de biodiver-
sité intra-spécifique ou interspécifique ? D’autre part sur quel espace doivent se faire ces
recensements ? Faut-il se placer à l’échelle d’une région, d’un pays, d’un continent voire
de la planète dans son ensemble ou d’un écosystème, mieux et plus étroitement délimité
(par exemple biodiversité des milieux humides en région tempérée, biodiversité des récifs
coralliens…) ? Il faudra donc encore savoir comment l’on définit, dans ce dernier cas,
un écosystème ?
Enfin ces comptages et recensements doivent prendre en compte le caractère dyna-
mique et l’évolution des populations. Comment définir, par exemple, l’équilibre d’un éco-
système pour autant qu’un tel équilibre puisse exister ? Dans quelle mesure la génétique
des populations et la dynamique des populations, disciplines qui ont précédé la notion
de diversité biologique, doivent-elles intervenir ? Quelles avancées ont été faites depuis
les équations de Volterra et le modèle proies-prédateurs ? Enfin comment doit-on intégrer
l’évolution et la sélection naturelle dans la mesure où l’on sait que les espèces se modi-
fient, disparaissent et que de nouvelles espèces font leur apparition depuis les débuts de
la vie et en dehors de l’intervention humaine ? Ces questions ont une dimension à la fois
épistémologique et méthodologique. Car, alors que l’on a répondu à ces questions (et les
réponses peuvent être différentes dans l’état actuel de la recherche) il reste à définir par
quelle méthode scientifiquement validée on peut conduire des recherches en la matière.
Un sujet fait, par exemple, aujourd’hui polémique, c’est celui de la tentative par le Muséum
d’Histoire Naturelle d’associer des amateurs à l’évaluation de la biodiversité (cf. sur cette
question la revue La Recherche, n° 452, mai 2011, « Le grand public peut-il recenser
la biodiversité ? »), certains craignant que l’on sacrifie la méthodologie scientifique à
l’engouement du public et que l’on affaiblisse les résultats obtenus par des moyens trop
peu rigoureux et mal contrôlés.
On le voit, derrière la notion de biodiversité il existe de multiples problématiques et
programmes de recherche scientifique. Il est dès lors extrêmement réducteur, comme
cela se passe souvent dans les médias, de limiter la question de la biodiversité à celle
d’espèces menacées de disparition.
Nous l’avons dit, une idée nouvelle qui apparaît avec cette notion de diversité biologique
est celle de l’influence de l’activité humaine sur l’évolution du nombre d’individus ou d’un
Quelques remarques sur la notion de biodiversité
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nombre d’espèces dans un écosystème qui peut prendre la dimension de la planète dans
son ensemble. A cette idée s’ajoute celle que la richesse du vivant comme ressource pour
l’humanité est menacée et que les pertes qui peuvent se produire seront irrémédiables.
En effet la flore et la faune peuvent être considérées comme des ressources pour l’ali-
mentation, la santé, le bien être voire la survie de l’humanité. Cette idée fut au cœur des
débats qui ont animé « le sommet de la terre » de Rio de Janeiro en 1992. Par la même
occasion on découvrait, tout du moins dans le grand public, les nombreuses interactions
qui existent entre les espèces et le fait que la disparition de l’une d’entre elles pouvait
entraîner des conséquences sur les autres. Les êtres vivants, plantes et animaux, constituent
des chaînes complexes, entremêlées de telle manière qu’il est difficile de prévoir quelles
pourront être les répercussions d’une intervention en un point donné. Certaines formes
d’agriculture, par exemple, qui a priori visaient à accroître nos ressources alimentaires
pouvaient ainsi à terme les réduire ou les dégrader. Le pesticide qui protégeait une culture
contre des insectes nuisibles peut détruire les pollinisateurs qui assurent la reproduction
d’autres espèces. Toutefois, ces différentes idées qui s’organisaient autour de la notion de
biodiversité firent que le concept sortait de son cadre strictement scientifique et méthodo-
logique ainsi que des questions purement biologiques. Le monde économique et politique
s’y intéressait nécessairement. Il ne s’agissait plus tant de savoir ce qu’était la diversité
biologique que de prendre des décisions conservatoires, de limiter les prélèvements sur
la nature, par exemple dans le domaine de la pêche, de promouvoir ou d’interdire telle
ou telle technique. La question de la biodiversité devenait susceptible d’un traitement en
termes de coûts, de gestion des richesses, de politique d’aménagement du territoire, de
gestion forestière ou d’orientation de la politique agricole. Elle entre alors aussi dans des
problèmes juridiques de toutes sortes et en particulier ceux qui sont liés à la question
de la propriété (le propriétaire a-t-il le droit de faire ce qu’il veut sur ses terrains dans la
mesure où cela peut avoir des répercussions sur des terrains voisins, voire très éloignés,
qui ne lui appartiennent pas ?), sur l’articulation des droits nationaux et internationaux
puisque les écosystèmes peuvent s’étendre de manière indifférente par rapport aux fron-
tières étatiques et souvent bien au-delà (voir le problème des ressources halieutiques
dans les eaux internationales). Le terme de biodiversité trouve alors des emplois chez les
économistes, les écologistes, les juristes, les politiques, les agronomes, dans le monde
agricole… et évidemment les médias. Un nombre considérable de publications dans ces
différents champs (particulièrement économique et juridique) témoignent de cet intérêt
1.
Cependant, en changeant de champ disciplinaire, le mot, non seulement s’insère
dans de nouvelles problématiques, mais encore change de signification et se charge de
composantes philosophiques, idéologiques voire de prises de positions militantes plus
ou moins bien fondées. Je voudrais relever simplement quelques unes de ces distorsions
que subit le concept de biodiversité dès lors qu’il est repris hors de son contexte initial
purement scientifique.
Tout d’abord la biodiversité se situe dans le cadre de systèmes complexes avec de
nombreuses interactions et rétroactions qui ne sont pas toujours faciles à formaliser. Il
est évident que le passage dans le domaine des médias provoque des phénomènes de
simplifications qui ne sont pas toujours rationnels. Cela ne veut évidemment pas dire que
les problèmes soulevés par la diversité biologique doivent rester du ressort des spécialistes
mais, comme pour beaucoup d’autres disciplines, la médiatisation appelle d’une part une
« vulgarisation » sérieuse des problématiques scientifiques et d’autre part que les débats
épistémologiques et scientifiques sortent des laboratoires, que leurs enjeux soient clairement
établis et discutés. Ainsi, trop souvent dans le grand public, la question de la biodiversité
se focalise sur le problème de la disparition d’espèces « nobles », les tigres du Bengale, les
éléphants d’Afrique, les grands pandas ou les baleines alors que la disparition d’espèces
plus discrètes ou moins « nobles » passe plus facilement inaperçue. On est facilement
touché par le sort d’animaux qui peuvent apparaître comme plutôt sympathiques, vus
comme des sortes de grosses peluches, que par des insectes étranges ou des animaux
jugés répugnants alors que ces derniers peuvent s’avérer importants dans l’équilibre
des écosystèmes. Cette distorsion du concept repose sur un « amour de la nature » alors
même que la notion de nature demeure dans ces discours mal définie
2 et encore plus les
rapports que l’homme doit et peut avoir avec elle. Ajoutons que la disparition du tigre
du Bengale n’a pas la même signification pour un occidental qui le connaît surtout sous
1 Voir, par exemple, la bibliographie autour du mot sur le site du CNRS.
2 Rappelons que l’on trouve dans le Littré dès la fin du XIXe siècle 28 définitions du mot « nature ».
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l’aspect de grosses peluches dans les grands magasins ou du personnage d’un film de
Walt Disney et pour un habitant du sous continent indien qui le voit comme une menace
permanente sur ses enfants. De plus, la préservation des « espèces » suppose une réalité
de ces espèces qui est aujourd’hui très sérieusement remise en cause par la biologie
3.
Une autre idée qui vient interférer avec la problématique de la biodiversité est celle
de la limitation des ressources naturelles, héritée des anciennes positions de MALTHUS.
On craint que soient détruites de manière irréversible des ressources importantes pour
l’humanité. Cet aspect économique de la question est souvent relayé par les laboratoires
pharmaceutiques qui espèrent toujours trouver dans les plantes et les animaux des molé-
cules pouvant déboucher sur de nouveaux médicaments. Dès lors la disparition d’une
plante peut signifier celle d’une molécule et celle de la possibilité d’un médicament.
Il est une autre question plus philosophique qui frappe quiconque s’intéresse aux
usages de la notion de biodiversité dans les discours actuels. La défense militante de
la biodiversité repose bien souvent sur une sorte d’absolutisation de son état actuel ou
plutôt de l’état de la planète du point de vue de la flore et de la faune avant les débuts de
l’ère industrielle. Mais la nostalgie d’un état bien souvent mythifié n’est pas un argument
scientifiquement recevable. Un sentiment, ici l’amour de la nature, aussi noble et légitime
qu’il soit, ne peut pas constituer un argument rationnel dans la défense de la biodiversité.
De ce fait, on oublie une dimension essentielle de la biologie à savoir que l’état actuel
de la diversité biologique, ou celui que l’on a connu à une époque donnée, n’est pas un
absolu. La diversité biologique a toujours changé sous l’effet de multiples facteurs et la
vie aurait pu plusieurs fois disparaître de la surface de la terre. Il n’est qu’une forme de
créationnisme radical pour penser que Dieu avait créé une nature parfaite que l’homme
a dégradée ou que la férocité des dinosaures fut la conséquence du péché originel. Que
l’homme et ses activités jouent aujourd’hui un rôle ne change rien au fait que la diversité
de la vie sur notre planète a subi, dès avant notre apparition, des changements constants
qui sont appelés nécessairement à se poursuivre. Des espèces disparaissent aujourd’hui
comme il en a toujours disparu, de notre fait ou non ; des espèces, dont nous-mêmes,
se transforment ; et, même si l’on insiste peu là-dessus, de nouvelles apparaissent et
apparaîtront encore. Cette absolutisation d’un état donné de la biodiversité pose plusieurs
problèmes :
1. Pourquoi tel état (disons celui qui a précédé l’ère industrielle ou les grandes décou-
vertes des Européens sur la planète) serait « mieux » ou « préférable » à tel autre ?
2. Opposer des changements dus à des facteurs de toutes sortes autres qu’anthro-
piques qui ont pu avoir lieu bien avant l’apparition de l’homme à des changements
dus à l’activité humaine fait implicitement référence à une certaine opposition
entre l’homme et la nature (l’homme n’appartiendrait pas à la nature et même en
serait l’implacable ennemi). On peut très bien admettre cette idée du caractère
non-naturel de l’homme ou tout du moins le fait que l’homme, être de l’artifice,
ne soit pas complètement « naturel » ; resterait alors à justifier que l’on choisisse
la nature contre l’homme puisque le problème est parfois posé ainsi par certains
groupes de la deep écology.
Ainsi, dans les débats autour de la biodiversité, des conceptions philosophiques de
la notion de nature interviennent de manière souvent implicite. Entre, pour présenter
les choses de manière un peu schématique et caricaturale, la position cartésienne
selon laquelle « l’homme doit se rendre comme maître et possesseur de la nature » et
la conception rousseauiste d’une nature bonne que la société des hommes pervertirait,
il existe ou il devrait exister un véritable débat qui demeure plus ou moins gommé par
la manière dont la question de la biodiversité est abordée aujourd’hui aussi bien dans
les milieux économiques, juridiques, politiques que médiatiques. Ces questions d’ordre
philosophique interfèrent d’ailleurs avec le travail scientifique lui-même comme ce fut
très souvent le cas au cours de l’histoire des sciences ou l’objectivité a dû se conquérir
par épuration de préjugés métaphysiques ou théologiques qu’il fallut bien éclaircir. Les
polémiques suscitées par les ouvrages d’Edward O. WILSON (Sociobiology – On human
nature – Biodiversity), par ailleurs spécialiste des fourmis, témoignent de ces engagements
philosophiques sous-jacents.
3 Voir par exemple l’ouvrage de Ph. LHERMINIER et M. SOLIGNAC De l’espèce, préface de J. GAYON, Syllepse, 2005 ou encore
l’article de Ph. LHERMINIER « L’espèce : mythe et concept » in G. CHAZAL (ed.) Les Lumières et l’idée de Nature, EUD, 2011,
pp. 295-307, ainsi que du même auteur Le mythe de l’espèce, Ellipse, 2009.
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Or qu’est-ce que pourrait souhaiter aujourd’hui le philosophe ? D’abord, s’il est une
évidence que notre activité peut menacer de disparition certaines richesses, alors il est
tout-à-fait légitime de s’en inquiéter et d’envisager rationnellement des mesures qui sauve-
gardent notre avenir. On peut même se poser, légitimement la question de séparer ce qui
doit être gardé de ce qui peut et même devrait être voué à la disparition. Ainsi avons-nous
aujourd’hui la possibilité de faire disparaître complètement le virus de la variole ; faut-il le
conserver au nom de la biodiversité ? Si l’on pouvait faire disparaître de manière sélective
les moustiques vecteurs du paludisme, faudrait-il le faire ? Mais « rationnellement » suppose
que l’on se dégage justement de toute vision plus ou moins mythique de la diversité bio-
logique, que l’on prenne conscience que les espèces disparaissent, se transforment, qu’il
en naît chaque jour de nouvelles, autrement dit que nous sommes pris dans une évolution
permanente. S’il devient clair que notre activité oriente cette évolution on peut à bon droit
se poser la question du sens que l’on veut lui donner dans les limites de nos pouvoirs qui
restent encore largement à déterminer. Nous pouvons, pour aller dans ce sens, souhaiter
aussi que se développe une véritable vulgarisation scientifique qui permette à tout citoyen
de prendre conscience des problématiques réelles qui animent les sciences, qui clarifie
les enjeux philosophiques de certaines notions de manière à ce que les choix qui devront
être faits le soient par tous de manière éclairée – et non par quelques technocrates dans
l’opacité la plus complète et la plus favorable à toutes les dérives irrationnelles.
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