Pourquoi adapter ce texte…
Parler de la mort aux enfants, voilà qui peut paraître comme une gageure, un pari difficile à gagner pour un
spectacle jeune public. Il faut vaincre certains a priori, affronter des réticences presque instinctives.
Or, nous sommes tous confrontés un jour - plus ou moins tôt dans notre existence,- à la mort. Elle fait finalement
partie de notre vie et nous savons combien ceux qui ne parviennent pas à faire le deuil d’un proche ont du mal à
vivre pleinement leur propre vie. Dans cette perspective, il devient vain de poser un voile pudique sur la fin de la
vie et de faire de la mort un secret, un tabou. Le silence ne permettant pas de protéger du malheur, il faut
envisager l’idée d’une fin, d’un départ, si possible avec humour, si ce n’est pour mieux comprendre, du moins pour
mieux accepter.
Les héros de notre spectacle sont trois petits vieux voûtés et clopinants, assez loin donc des héros auxquels les
enfants s’identifient habituellement. Assez loin aussi des vieillards à barbe blanche et aux sourcils broussailleux,
censés incarner la sagesse et la connaissance infaillible des anciens : nos trois petits vieux sont un peu fous, très
naïfs, et assez mal informés sur le monde extérieur. Ils doutent, ils hésitent et, souvent, ils se trompent. Leur
réflexion maladroite ouvre des pistes sur ce qui (pourrait) se passe(r) après la vie, mais elle laisse à chaque
spectateur, enfant ou adulte, la possibilité de les prolonger à sa guise.
Alors si nos trois vieux clowns, malgré leur grand âge et leur physique imparfait sont capables de toucher un
enfant de cinq ans comme ses parents, c’est grâce à leur humour incisif (ils ne s’épargnent pas les uns les autres)
et à leur insouciance. Ces anti-héros luttent sans jamais désespérer, dotés pour vaincre du seul mais inébranlable
désir de vivre. À la fois comiques et émouvants, ils restent tout au long de la pièce suffisamment combatifs et
ironiques pour qu’on ne les sente jamais complètement démunis face à cette mort annoncée.
Appartenant à la fois au monde des adultes et à celui des enfants, ces trois petits vieux participent ainsi à créer un
lien entre les générations, en écho au texte original, écrit par Suzanne Van Lohuizen, qui a voulu souligner ici
l’importance du rôle des grands parents dans l’équilibre d’une famille.
Julien Feder
Notes de mise en scène
Un espace-temps indéfini
Hors du monde et du temps, pris dans un quotidien dont ils ont perdu le sens,
Ernest, Stanislas, Désiré, sont réunis depuis toujours…
Mais, contrairement aux personnages Beckettiens qui attendent la fin avec
impatience, les trois petits vieux n’attendent rien et certainement pas cette
« fin ! » dont l’annonce arrive par courrier !
Distanciation
Les comédiens vieillissent devant les spectateurs au début de la pièce. Des traits
soulignant les rides du visage suffisent à marquer la vieillesse. Le travail de l’acteur fait
le reste.
Le jeune spectateur est invité à nous suivre dans un espace imaginaire dont il possède
les clés. A la façon de clowns, nos trois héros désemparés et fragiles renversent une
situation désespérée en situation comique. Ils se battent pour la vie plutôt que contre la
mort, et donnent de la légèreté à la mélancolie.
Parler de l’enfance
Ces trois personnages ont une créativité débridée et une grande capacité à
s’émerveiller. Il s’agit de trois conteurs qui s’amusent à inventer leur histoire. Certaines
situations nous font même douter de leur âge. Sont-ils réellement vieux ou s’agit-il
d’enfants qui ne veulent pas grandir ? « Les trois petits vieux qui ne voulaient pas mûrir » raconteraient alors leur
cheminement vers l’âge adulte…