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LA REFORME DE BÂLE III
CHRISTIANE RUBEIZ Chargée denseignement à la FGM
RÉSUMÉ
La crise financre qui a fortement impacté léconomie mondiale ces dernières années a mis en
évidence les faiblesses du cadre réglementaire applicable et la nécesside mettre en place un
nouveau système de régulation financière avec une forme de la réglementation tant
microprudentielle que macroprudentielle.
Une réforme du cadre prudentiel est voulue intégrale par le Comité de le afin de ladapter à un
environnement bancaire devenu incertain et volatil. A cet effet, le groupe des gouverneurs de
banque centrale et les responsables du contrôle bancaire se sont fermement résolus à augmenter
la qualité, la quantité et la convergence des exigences en fonds propres, à renforcer les normes
internationales relatives à la liquidité, à décourager le recours trop fréquent à leffet de levier, la
prise de risque excessive et à réduire la procyclicité.
Les critères de Bâle III qui entreront en vigueur entre 2013 et 2018 constituent un des principaux
défis auquel le secteur bancaire fera face. Limpact réel de la forme le III dépendra de
lattitude des banques qui devront modifier en profondeur leur stratégie, leur structure de coût et
leur politique de rémunération des actionnaires. Une réforme qui aura par conséquent, un impact
sur léconomie mondiale assurant comme estimé, par les gouverneurs et les superviseurs, une
stabilité et une performance économique à long terme.
MOTS-CLÉS
forme de Bâle III, stabilité financière, fonds propres, liquidité, procyclicité, réglementation
microprudentielle, risque systémique.
1- INTRODUCTION
Bâle III édicte un ensemble de normes portant sur la mise en place dun ratio de liquidité pour les
banques internationales, dun ratio deffet de levier, de mesures contra-cycliques, dune
redéfinition des fonds propres et dune révision de la couverture de certains risques. Cet
ensemble de normes contribuera à renforcer la résilience du secteur financier et bancaire en
prévision de nouvelles tensions financières et économiques et ce, indépendamment de la source.
Lensemble de ses nouvelles mesures que le Comité de Bâle a développé pour solidifier la
réglementation, le contrôle et la gestion des risques dans le secteur bancaire vise à renforcer la
transparence et la communication au sein des banques, à améliorer la capacides banques à
absorber les chocs sultant des tensions, à la gestion des risques et à la gouvernance. Ce
renforcement des exigences qualitatives et quantitatives et ces mesures élaborées par le Comité
de Bâle sont axés sur deux démarches
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:
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BRI (2010), « Cadre réglementaire international du secteur bancaire (Bâle III) », Bâle, Monetary and Financial
Stability, 16 décembre.
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(i) La réglementation au niveau des banques Bank-level (microprudentielle) qui renforcera la
résilience des institutions bancaires en période de tension.
(ii) Les risques systémiques System-wide (macroprudentiels) qui peuvent saccumuler dans le
secteur bancaire ainsi que leur amplification procyclique dans le temps.
Ces deux approches à légard du contrôle bancaire sont complémentaires vu que le renforcement
de la résilience des établissements réduit le risque de chocs dampleur systémique.
Linstance de gouvernance du Comité de Bâle a convenu du dispositif général de Bâle III en
septembre 2009 et a énoncé des propositions concrètes en décembre 2009: les documents
consultatifs correspondants ont constit le fondement de la réponse du Comité à la crise
financière faisant partie des initiatives mondiales (visant à renforcer le système réglementaire
financier) soutenues par les chefs dÉtat et de gouvernement du G20.
Le groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire
2
sest
parvenu à une large convergence de vues sur la réforme des normes de fonds propres et de
liquidité, sur les principales caractéristiques du nouveau dispositif (en juillet 2010) et du
calibrage et de la transition pour la mise en œuvre des mesures (en septembre 2010).
Pour Prot (2010), la réforme de Bâle III est une décision historique: « Cest un changement
complet de paradigme, un vrai New Deal bancaire comme il ny en a que tous les cinquante ans,
à la mesure de la crise que nous avons connue. Sur le plan de lorganisation de la supervision
dabord, élément aussi essentiel dans la prévention des crises que le niveau dexigence de
capital ».
En se basant sur les principaux enseignements tirés de la crise, les accords de Bâle III marquent
une étape importante vers une meilleure résilience du secteur bancaire: « Le Comité de Bâle a
veillé à ce que ces réformes soient rigoureuses et favorisent la stabilité à long terme du système
bancaire » (Trichet [2010]).
Cependant, des dispositions transitoires sont mises en place pour que le secteur bancaire soit en
mesure de soutenir la reprise économique: « De nombreuses banques ont déjà considérablement
progressé sagissant du renforcement de leurs fonds propres et de leur liquidité. Les dispositions
transitoires permettront au secteur bancaire de satisfaire aux nouvelles normes grâce à une
limitation des distributions de bénéfices et à des augmentations de capital raisonnables »
(Wellink [2010]).
Toutefois, il ne saurait y avoir de croissance économique tenable sans un secteur bancaire solide
et stable. La forme du cadre prudentiel, la robustesse des banques et leur aptitude à gérer des
périodes de tensions sont devenus un thème dune grande actualité et un champ de flexion
important pour la recherche économique et bancaire. Néanmoins, les principaux enseignements
tirés de la crise financière ont montré avec acuité limportance de ce sujet; linstance de
gouvernance du Comité de Bâle a voulu réagir en élaborant un programme de réformes si
profondes, soit une véritable refonte du secteur tout entier.
2
Le Groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire est lorgane de
gouvernance du Comité de Bâle; il est composé des gouverneurs de banque centrale et des représentants des
autorités de contrôle des pays membres.
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Nous adopterons la marche suivante: après avoir rappelé le contexte de la forme de Bâle III
(Partie I), nous examinerons la nouvelle architecture de Bâle III en énumérant les réformes
conçues pour renforcer la réglementation tant au niveau microprudentiel que macroprudentiel
(Partie II), et enfin, nous évoquerons les fis de la mise en œuvre et les divers impacts de la
réforme de Bâle III (Partie III).
2- Le contexte de la réforme de Bâle III
La crise bancaire et financière initiée en 2007 a fortement touché les marchés financiers et
léconomie mondiale et a mis en évidence la non-adéquation du cadre réglementaire Bâlois aux
situations extrêmes. Cette crise a mis distinctement les faiblesses du cadre réglementaire
applicable au secteur financier (Flaunet [2010]):
- Une sous-pondération du risque de crédit et une absence de prise en compte de certains risques
(liquidité, concentration) due à un environnement macroéconomique peu propice à leur prise
en considération (inflation modérée, faiblesse des taux dintérêts, excès de liquidité...).
- Une interconnexion exponentielle du système financier (Originate to Distribute Model) et des
moles de gouvernance défaillants (politique de rémunération agressive).
- Un manque de transparence de linformation financière.
A ce jour, le cadre réglementaire est essentiellement défini par les accords de Bâle II et par leurs
amendements (Capital Requirements Directive II & III). me si la faillance du cadre
réglementaire ne se limite pas uniquement à Bâle II, ce dernier constitue le régime de solvabilité
et de supervision prudentielle le plus répandu et a fait lobjet de toutes les critiques et des
intentions de réforme (Deloitte [2010]).
La faillite de la réglementation bancaire est un ingrédient essentiel de la récente crise financre
qui a dégénéré en crise économique mondiale. A cet effet, lobjectif du Comide Bâle était de
répondre aux faiblesses constatées durant cette crise et cela sest traduit par trois vagues de
réforme: Capital Requirements Directive II, Capital Requirements Directive III et Capital
Requirements Directive IV qui portent principalement sur ce qui suit:
- Le renforcement des fonds propres (qualitatif et quantitatif) et des processus de surveillance
prudentielle.
- Le renforcement des exigences qualitatives des pratiques de gestion des risques et de gouvernance
(politique de rémunérations, processus de planification du capital…) et la limitation des leviers.
Pour de nombreux économistes, les principales faiblesses du dispositif davant-crise découlent
dune approche pas trop micro-prudentielle de la surveillance financière qui semploie à prévenir
avant tout les faillites individuelles des institutions et qui vise également à protéger largent du
contribuable et à discipliner les banques (Ben Jelloul [2011]). En revanche, une surveillance
macro-prudentielle reconnt limportance des effets déquilibre général et sattache à sauvegarder
la stabilité du système financier pris dans sa globalité: cette analyse macroscopique (rapport De
Larosière [2009]) a servi de pierre angulaire à la réforme européenne, aux recommandations de
Bâle III et à celles du FMI et de la BRI
3
.
Le calendrier des révisions du Capital Requirements Directive II, III & IV se veut plus ambitieux
que celui de la réforme Bâle II, ce qui permettra dassurer linstauration dune réaction
relativement rapide à la crise (Tableau n° 1).
3
VIÑALS J., FIECHTER J., PAZARBASIOGLU C., KODRES L., NARAIN A. & MORETTI M. (2010), « Shaping the
New Financial System », IMF Staff Position Note, 2010/15; BORIO C. & DREHMANN M. (2009), « Towards an
operational framework for financial stability: “fuzzymeasurement and its consequences », BIS Working Paper, 284, juin.
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Tableau n° 1: Le calendrier des révisions du Capital Requirements Directive II, III & IV
2009
Publication des directives européennes Bâle II-CRD III (Avril-Septembre 2009)
Publication des propositions européennes relatives à la définition de Bâle II-CRD IV (Déc. 09)
2010
Etudes dimpact par les établissements financiers des propositions de Décembre 2009-QIS Bâle II CRD IV
Transposition des directives Bâle II-CRD II et CRD III en droit français (Octobre 2010)
Adoption définitive et publication des directives euroennes Bâle II-CRD III (Oct. 2010)/CRD IV (Déc. 2010)
Entrée en application des directives Bâle II CRD II (31.12.2010)
2011
Transposition des directives Bâle II-CRD IV en droit français et convergence des normes comptables au
niveau européen (Juin 2011)
Entrée en application des directives Bâle II-CRD III (2011-2012)
2012
Entrée en application des premières directives Bâle II-CRD IV Transactions OTC sur rivés
standardisées compensées via CCP: traitement prudentiel pénalisant (31.12.2012)
2013-2018
Entrée en application progressive des autres directives Bâle II-CRD
Source:
Eurogroup Consulting (2011), « Bâle III, quels impacts sur les métiers de la banque », Evolution de la réglementation
prudentielle, Avril, p. 2.
FBF (2009), « Révision de la directive sur ladéquation des fonds propres », la Banque et lEurope, 25 septembre.
Le calendrier de la forme couvre une période sétendant jusquà fin 2012 et le projet du Capital
Requirements Directive III interviendra au cours de lannée 2011. Les propositions du Comité de
Bâle publiées en décembre 2009 ont servi débauche au Capital Requirements Directive IV qui
sera fixé fin 2012 (Tableau n° 2).
Tableau n° 2: Le calendrier de la réforme et les projets du Capital Requirements Directive
Réforme Bâle II
Capital Requirements Directive
(CRD)
Convergence internationale de la mesure des normes de fonds propres
Système des 3 piliers: exigences minimales de fonds propres, surveillance par les
autorités prudentielles, transparence et discipline de marc
Les textes réglementaires: Convergence Internationale de la mesure et des normes de
fonds propres (Dispositif révisé en Juin 2006)
Fonds propres réglementaires
Capital Requirements Directive II
(CRD II)
Ajustement des critères déligibilité des éléments de capital hybrides
Révision du traitement des grands risques
Amélioration des techniques de gestion des risques liés à la titrisation
Les textes réglementaires:
- Risque de liquidité: Gestion et défis de surveillance (Février 2008)
- Cross-sectorial review of group-wide identification and management of risk
concentrations (Avril 2008)
Fonds propres réglementaires
Capital Requirements Directive III
(CRD III)
Renforcement des exigences en capital pour le portefeuille de négociation
Augmentation des exigences en capital pour les activités de re-titrisation
Augmentation des exigences sur les informations à publier
Les textes réglementaires:
- Révisions du risque de marché en vue du cadre de Bâle II-version finale (Juillet 2009)
- Améliorations apportées au cadre de Bâle II (Juillet 2009)
Fonds propres réglementaires
Capital Requirements Directive IV
(CRD IV)
Augmentation de la définition des fonds propres
Introduction de nouvelles normes de liquidité
Introduction dun ratio de levier
Révision des exigences sur risque de contrepartie
Mesures contra-cycliques
Traitement des banques dimportance systémique
Les textes réglementaires: Ratio secondaire peu suivi à ce jour car ne prenant pas en
compte les diversités du risque en fonction de la typologie des actifs
Source:
Zeb Consulting (2011), « On the way to Basel III », New regulatory requirements concerning the adequacy of capital and
liquidity.
Banque de France (2010), « Participation à lévolution du cadre glementaire », Rapport annuel dactivité, ACP, p. 9.
5
PWC (2010), « Basel III: A Risk Management Perspective », Evolution of the Basel Framework, Risk Management, 5 mai.
Suite au sommet du G20 de Pittsburgh en septembre 2009 (réformer les régulations bancaires et
financières, faire face aux séquelles de la crise des subprimes, se préparer à la reprise
modérée); le Comité de Bâle a décidé de procéder à une réforme intégrale de ce cadre
prudentiel afin de ladapter à un environnement bancaire devenu incertain et volatile.
A cet effet, il sagit de réguler des hedge funds et des instruments dérivés sur la surveillance des
agences de notation, délargir les réformes sur les paradis fiscaux du G20, de favoriser la
transparence, de légiférer sur des règles de provisionnement en fonds propres pour les banques et
dintégrer les dispositifs de bonus-malus.
Le sommet de Pittsburgh avait acde nouveaux principes pour guler les bonus son versement
doit être conditionné à des critères de performance: de nouvelles gles pour les rémunérations des
opérateurs de marché ont éfies où "pas de bonus sans malus"
4
. De ce fait, les banques centrales
de chaque pays qui contrôlent les banques disposeraient du pouvoir de limiter le montant global des
bonus: « Cest la première fois que le pouvoir est ainsi donné au superviseur de plafonner le montant
des bonus en fonction des revenus dune banque » (Sarkozy [2009])
5
.
Les amendements Capital Requirements Directive III et Capital Requirements Directive IV (Annexe
1) qui composent la réforme de Bâle III portent sur les évolutions ci-après (Tableau n° 3):
Tableau n° 3: La réforme de Bâle III: une répartition par Piliers Réglementaires
CRD III
Une augmentation des fonds propres
réglementaires relatifs au Trading
Book
Une augmentation des fonds propres
réglementaires relatifs aux opérations
de re-titrisation
Une amélioration de la
communication financière
Une modification des
politiques de rémunération
des opérateurs de marché
CRD IV
Un renforcement de la qualité des
fonds propres (impact direct sur le
ratio de solvabilité)
Une révision de la couverture du
risque de contrepartie (impact direct
sur le ratio de solvabilité)
Une introduction dun ratio de levier
Pilier I: Exigences minimales de
Fonds Propres
Pilier III: Transparence et
discipline du marché
4
Le Psident français Nicolas Sarkozy a annoncé en août 2009 de nouvelles gles pour lesmurations des orateurs
de marc: un arrê du 05.11.09 traduit les exigences encadrant les rémunérations des orateurs de marc (traders) des
banques (linterdiction de verser des bonus garantis > à 1 an, un versement diffé et étalé sur 3 ans des bonus permettant
lintroduction de malus en cas de mauvaissultats et le versement dune partie de ces bonus en actions de la banque…).
5
LES ÉCHOS (2009), « G20: le sommet de Pittsburgh a posé les bases d’une nouvelle gouvernance économique et
financière mondiale », 8 octobre.
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