Informatisation de la GRH - gregor-iae

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2001-06
Informatisation de la GRH
Patrick Gilbert
Professeur associé à l’IAE de Paris – Université Paris I• Panthéon - Sorbonne
Résumé : Circonscrire le thème de l’informatisation de la GRH suppose, dans un premier
temps, de s’éloigner de la technique pure pour prendre en compte les nécessités de gestion et
les particularités de la GRH. Pour ce faire, cet article invite à se déplacer de l’informatique à
l’informatisation, du système informatique au système d’information et de la maîtrise d’une
technique à la conduite d’un processus de changement. Il identifie les particularités du système
d’information pour la GRH qui tiennent à la fois à la nature des informations traitées et à la
structure du système de décision. Puis, il dresse un panorama des principales applications, des
applications généralistes, en fort renouvellement, aux outils décisionnels et aux intranets. En
conclusion, il propose les principes d’une démarche d’informatisation, fondée sur la coopération entre utilisateurs et informaticiens dans la complémentarité de leurs rôles.
Mots clés : informatisation, système d’information, applications informatiques.
Abstract: In addressing the topic of HRM information systems, the point of departure must
not be the technical choices, but the management needs and in particular, the specific characteristics of HR management. With this in mind, this article positions the discussion along the
lines of computerization as opposed to data processing, information systems as opposed to
computer systems, and controlling a process of change as opposed to controlling a technical
solution. It identifies the specific characteristics of HRM information systems which result from
both the nature of the processed data and the structure of the decision making process. It then
presents a selection of the key applications available, from general software packages which are
constantly being updated, to decision making tools and Intranets. To conclude, it proposes principles for the implementation of HRM information systems based on co-operation between users
and IT specialists in complementary roles.
Keywords : computerization, information systems, IT applications
L’informatique et les ressources humaines peuvent apparaître comme des domaines étrangers l’un à l’autre. D’un côté, l’univers froid du traitement automatique des données servi par
la rationalité des mathématiques appliquées; de l’autre, l’univers des personnes, êtres de désirs
aux aspirations plus ou moins conscientes, changeantes et parfois contradictoires. Le rapprochement de ces deux univers fascine quelques-uns et suscite chez d’autres une véritable répulsion.
Entre ces deux extrêmes, il y a, heureusement, place pour une attitude raisonnable bâtie sur la
connaissance des apports de l’informatique et sur celle de ses limites.
En tant qu’elle est gestion, la GRH ne peut ignorer les apports d’un traitement automatisé des
informations1. Si tous s’accordent à dire que l’informatique n’est qu’un moyen, il est clair que
ce moyen a pris une place de premier plan dans les organisations. La masse croissante des traitements à effectuer donne à la technique un poids considérable dans les activités gestionnaires.
Afin d’éviter le désordre, l’allongement des délais, l’enlisement dans les tâches paperassières
et, finalement, l’insatisfaction de ses interlocuteurs, il est de première importance pour les
services Ressources Humaines d’organiser le recueil, l’exploitation et la diffusion de l’information recueillie.
Dans l’un des rares ouvrages de la littérature francophone, spécialement consacrés à l’informatisation de la GRH, Jean-Marie Peretti (1993, [5]) évoque la manière dont l’informatique a
1. Cet article doit beaucoup aux travaux réalisés au sein d’Entreprise et Personnel, en particulier ceux conduits par un auteur
en collaboration avec Claudine Guillot.
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changé le travail quotidien au sein des directions du personnel, contribuant à l’évolution d’une
fonction « Personnel » vers une fonction « Ressources Humaines ». Il estime que l’apport de
l’informatisation à cette fonction est un facteur de progrès, en relation avec cinq grands enjeux:
- gagner en productivité,
- améliorer le service,
- améliorer la qualité des décisions de GRH,
- aider au partage de la fonction entre DRH et ligne hiérarchique,
- offrir de meilleures possibilités d’anticipation.
Il est vrai que l’informatisation a beaucoup apporté aux professionnels de la GRH, en les
soulageant d’une partie de sa logistique (Piganiol, 1988, [7]), et qu’elle constitue encore pour elle
un moyen de développement. Mais il est non moins vrai que dans ce domaine une certaine modération s’impose. En tant qu’elle s’applique aux ressources humaines, l’informatique comporte
aussi des limites. L’offre informatique est souvent décalée, plus aguicheuse qu’utile et la demande
d’outils est dominée par certaines illusions quant aux possibilités réelles de ces outils (Gilbert,
1992, [2]). Pour dissiper ces illusions, il peut être utile de mieux comprendre ce que signifie
«informatiser la gestion».
1
Informatiser la Gestion
1-1
S’intéresser au système d’information plutôt qu’à l’informatique
Une certaine confusion entoure la distinction entre les notions de «système informatique» et
de «système d’information». Elles puisent toutes deux leur référence première dans la Théorie
générale des systèmes, œuvre du biologiste Ludwig Von Bertalanffy (1937). En gestion, on peut
définir un système comme «Un ensemble cohérent, plus ou moins complexe, composé de structures ou d’éléments, souvent divers, reliés à un plan commun ou concourant à un but commun»
(Lexique de Gestion, Dalloz, 1996).
L’expression «système informatique» recouvre une réalité assez facile à cerner: on désigne
généralement ainsi les ordinateurs (ordinateur central et micro-ordinateurs, reliés ou non en
réseau), et les logiciels qui les accompagnent. Par contre, le concept de système d’information,
qui a émergé aux Etats-Unis dans les années 1960, renvoie souvent à un contenu assez flou. Il
est fréquent de l’assimiler à une traduction moderne du système informatique. La raison en est
que le concept de système d’information est historiquement lié à l’application de l’informatique
à la gestion. Jean-Louis Peaucelle (1989, [4]) explique que le mot système a été accolé au mot
information en écho avec le concept antérieur de système informatique pour rappeler que celui-ci
s’inscrit dans le système social d’une organisation dans lequel existent des règles et une autorité
régulatrice.
Qu’est-ce donc qu’un système d’information? Robert Reix (1995, [9]) le définit comme «un
ensemble organisé de ressources : matériel, personnel, données, procédures permettant
d’acquérir, traiter, stocker, communiquer des informations (sous forme de données, textes,
images, sons, etc.) dans des organisations» (p. 67). Cette définition met en relief que le système
d’information ne se limite pas, comme on le croit trop souvent, aux moyens techniques. Le
système informatique est un support et un véhicule privilégié de l’information formalisée, mais
il n’est pas le seul. Même lorsque la gestion est très formalisée, comme dans les grandes bureaucraties, beaucoup d’informations ne transitent pas par l’informatique. Enfin, et c’est là sans
doute le plus important, elle souligne qu’un système d’information est toujours construit par des
hommes. Il fonctionne grâce à eux et pour eux, et on ne peut donc en faire une affaire exclusive
de technologie. La cohérence dans l’utilisation des ressources technologiques et l’insertion de
celles-ci dans les structures de l’entreprise sont essentielles pour un bon fonctionnement.
À la suite des démarches de qualité, il est habituel aujourd’hui de considérer la GRH comme
un ensemble de processus en interrelations. Cette notion de processus, défini comme une série
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d’activités finalisées aboutissant à une prestation, offre une base de réflexion pour réfléchir sur
l’organisation du système d’information de la GRH (SIRH).
Tableau 1 : Un exemple de liste de processus de GRH
Production de la paie
- Recueil des éléments de paie
- Calcul et versement de la paye (traitement, ordre de versement…)
- Contrôle de la paye
- Production des états et déclarations post paye
- Information des régimes de prévoyance et retraites
(liaisons avec l’URSSAF et les organismes complémentaires)
Administration des dossiers du personnel
- Création du dossier individuel
- Administration du dossier (dont suivi de carrière)
- Clôture du dossier
Gestion des temps et des congés
Formation
- Définition du plan de formation
- Mise en œuvre du plan
- Evaluation des effets et bilan annuel
Recrutement interne (mobilité) et externe
- Recensement des besoins à court et à moyen terme
- Gestion des viviers de candidats
- Prospection et sélection des candidats
Stratégie, pilotage et relations sociales
- Production du bilan social
- Réalisation des tableaux de bord
- Relations avec les instances de représentation du personnel
- Négociation collective
1-2
Informatiser: une action d’organisation répondant à un but de
gestion
En gestion, les mêmes outils peuvent produire des effets variables selon leurs modalités de
mise en œuvre. La qualité des démarches compte donc autant que les outils qui y participent.
Aussi, du point de vue du gestionnaire, ce n’est pas l’informatique, en tant que discipline technique et affaire de spécialistes, qui compte d’abord, mais l’informatisation, c’est-à-dire l’action
qui consiste à automatiser un ensemble d’opérations de gestion afin d’en obtenir des gains
d’efficacité.
Dans tout système d’information, il existe des parties formelles et des parties informelles. Le
système d’information formel est visible à travers les documents qu’il produit en application de
règles et de procédures explicites. Relié aux rôles, fonction et tâches prescrits par l’organisation,
il est peu dépendant des individus. Le système d’information informel, également vital pour
l’entreprise, laisse peu de traces visibles et s’appuie sur des règles floues et des référentiels
implicites. Il est très dépendant des individus et de l’état des relations qu’ils entretiennent. Seul
le système formel est informatisable, et encore ne l’est-il que partiellement.
Si la mise en œuvre de l’informatique dans un domaine de gestion soulève des difficultés,
c’est qu’elle repose sur l’extension de la partie formelle du système d’information. Cette extension suppose une réflexion sur l’organisation et, en particulier, une clarification et un partage des
informations et règles de fonctionnement. Or, on le sait bien, la clarification et le partage de
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l’information ne vont jamais de soi (Balle et Peaucelle, 1972, [1], Pichault, 1990, [6]). Informatiser, c’est donc aussi conduire une action de changement.
1-3
L’informatisation est une action de changement
Comme toute action de changement, l’informatisation peut être appréhendée selon différentes dimensions. La dimension technique recouvre le (ou les) processus de GRH concernés,
les outils d’analyse des situations de travail et d’organisation, les matériels et logiciels
utilisés, etc. S’interroger sur l’évolution de cette dimension revient à poser la question « Que
faut-il changer?». La dimension humaine inclut les besoins, attentes, désirs, comportements et
attitudes des individus ou groupes qui, à divers titres, sont concernés par l’informatisation, le
climat organisationnel, la culture d’entreprise, etc. La dimension humaine est orientée vers la
prise en compte des différents acteurs et de leurs caractéristiques propres. Elle entraîne la question «avec qui et pour qui changer?». L' environnement comprend les fournisseurs (constructeurs, sociétés de service en ingénierie informatique (SSII), sociétés de conseil, organismes de
formation), des services d’appui qui peuvent apporter une aide dans l’informatisation (par
exemple, l’Agence pour l’Amélioration des Conditions de Travail) ainsi que des entreprises
ayant expérimenté des démarches dont il est possible de s’inspirer.
Conduire un projet d’informatisation, c’est mettre en rapport ces dimensions dans une
démarche prenant en compte les opportunités offertes par l’environnement, les acteurs (la
dimension humaine) et les contenus (la dimension technique).
La dimension technique et les ressources de l’environnement retiennent souvent le plus gros
des efforts des responsables de projet d’informatisation, aux dépens du contexte humain et de
la démarche qui restent des dimensions mal maîtrisées. Comme si le raffinement apporté à la
réalisation des applications garantissait l’atteinte des objectifs. Il s’avère en fait, c’est une expérience commune, que les mêmes outils conduisent à des résultats extrêmement variables selon
les démarches et les contextes d’utilisation. Cela tient aux particularités de l’informatisation en
GRH (voir § 2, page 4) et à la manière dont le changement est conduit (voir § 4, page 8).
2
Les Specificites De L’informatisation en GRH
2-1
Les caractéristiques des informations en GRH
2-1.1 La confidentialité et la spécificité des informations sur les personnes
Les informations sur les personnes ne peuvent être traitées comme les informations sur les
objets ou sur les produits: la confidentialité est la règle de base pour la plupart des données individuelles. En France, comme dans beaucoup de pays industrialisés, les droits de la personne face
aux fichiers et aux traitements informatiques sont protégés par une loi. La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) est chargée d’assurer le respect de la législation
française dans ce domaine. Cette législation limite à la fois la collecte des données et leur utilisation. Elle introduit aussi un principe de transparence.
Ajoutons qu’il existe une très grande variété d’individus. L’individualisation croissante de la
GRH exige d’examiner en détail un grand nombre de données. Si l’on admet qu’un curriculum
vitae standard est le minimum nécessaire pour distinguer un individu d’un autre, on voit bien
qu’il est difficile et coûteux d’en saisir toutes les données sur informatique.
2-1.2 Pas de neutralité des données de sortie
Des statistiques sur les stocks de pièces détachées, des analyses physico-chimiques, des états
comptables ne modifient pas directement le comportement de leurs objets d’étude. Il en va tout
autrement en matière sociale. Les informations traitées ne sont jamais neutres ; leur diffusion
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provoque des effets en retour. On ne peut porter les données résultant d’un traitement à la
connaissance d’autrui sans influencer les comportements.
2-2
Le système de décision
2-2.1 Des informations et des traitements répartis sur une pluralité d’acteurs
La fonction Ressources Humaines a depuis longtemps été considérée par les professionnels
de cette fonction comme partagée. Ce partage s’est accentué dans les années 1990, avec la
décentralisation des décisions opérationnelles dans les grandes entreprises et la prise en charge,
par la ligne hiérarchique, d’une partie des actes de GRH. Il impose un effort de formulation dans
la mise à disposition des informations.
2-2.2 Des décisions plus culturelles que calculées
En GRH, le qualitatif flou est au moins aussi important que le quantitatif. Sans doute
certaines décisions s’appuient-elles sur des aspects mesurables ou des modèles rationnels: par
exemple, dans la gestion prévisionnelle des effectifs, la simulation des évolutions de la masse
salariale. Mais la variété des individus, des situations et des problèmes, les modalités empiriques
des apprentissages, la complexité du contexte (cultures d’entreprises, jeux d’acteurs) se prêtent
mal à des actes automatiques. Dans le recueil, beaucoup d’informations sont le fruit de jugement
de valeur (climat social, potentiel) et ne peuvent être traduites sans risques en terme de calcul
ou de logique formelle. Dans l’application, l’esprit l’emporte souvent sur la lettre.
3
Quelques applications caracteristiques1
Parmi les tendances nouvelles observées ces dernières années, on relève la volonté des entreprises d’atteindre une plus grande maîtrise des processus de Gestion des Ressources Humaines,
grâce à une intégration plus poussée des différentes fonctions et à l’apport des nouvelles technologies.
3-1
Les applications généralistes et leurs évolutions récentes
L’essentiel du marché de l’informatique de GRH repose toujours sur les produits qui
répondent d’abord de manière basique aux besoins vitaux de gestion, à savoir l’administration
du personnel et la paye. Les entreprises, y compris celles du secteur public, recourent de plus
en plus à des programmes informatiques standardisés, les progiciels. Leur coût d’acquisition,
moindre que celui des développements informatiques sur mesure, explique, entre autres, leur
pénétration de plus en plus forte dans les entreprises.
Il y a quelques années encore, les progiciels de paye étaient légion en France du fait de
l’atomisation historique de l’implantation des éditeurs dans les différentes régions. La base
installée se trouvait de ce fait très atomisée également. Or, on trouve à présent des progiciels
distribués au niveau national, voire international.
Les progiciels les plus en vue couvrent l’ensemble des processus de GRH voire, pour certains
– ceux qu’on appelle « progiciels de gestion intégrés » – s’adressent à la plupart des grandes
fonctions de l’entreprise. Il sont proposés pour gérer un ensemble de fonctions, en connectant
celles-ci en temps réel, dans une continuité de processus, sur la base d’un référentiel unique. Les
données sont reliées entre elles et toute modification déclenche automatiquement une réaction
en chaîne. Qu’un commercial entre une commande sur son portable et le PGI s’occupe du reste:
il calcule le prix avec rabais éventuel, localise les stocks disponibles, planifie les productions
complémentaires. Il calcule la commission à verser au vendeur, alerte la direction des ressources
humaines quand un renfort de main d’œuvre est nécessaire et, dans le même temps, répercute
les conséquences dans les comptes de l’entreprise.
1. Note à reprendre en page suivante.
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Plus spécifiquement, l’impact de la réduction du temps de travail à 35 heures s’est fait
ressentir dans les systèmes d’enregistrement et de gestion des temps de travail. Dans ce domaine
aussi, l’informatisation est passée. En effet, les pointeuses mécaniques ont laissé la place aux
lecteurs de badges et aux progiciels de gestion des temps qui échangent directement des données
avec les applications d’administration du personnel et de paye. Afin de gérer les différentes
modalités de cette nouvelle loi sociale, les nouvelles versions des progiciels de gestion des
temps prennent en compte à la fois les obligations légales (calcul des déductions de cotisations,
conservations des horaires des salariés, contrôle des limites horaires journalières et hebdomadaires) et les principales modalités d’aménagement et de réduction du temps de travail (réduction fixe, modulation horaire, etc.).
3-2
Internet et intranet
Une plus grande maîtrise des processus de GRH passe par des outils informatiques toujours
plus sophistiqués et axés sur la convivialité, la communication et la puissance de traitement.
Dans ce cadre, des éditeurs de progiciels proposent une nouvelle approche de GRH reposant sur
l’exploitation du réseau Internet, ce qu’on appelle parfois pompeusement «l’e-GRH». Cela se
traduit par la mise en place dans l’entreprise de kiosques Internet, notamment des bases de
données interactives consacrées à la gestion des informations du personnel. Ainsi, pour la DRH,
cet accès en libre-service autorise une mise à jour permanente des informations concernant les
salariés. Le personnel de l’entreprise, quant à lui, peut accéder directement à l’information qui
le concerne.
En GRH, Internet est de plus en plus utilisé pour le recrutement (on parle d’« erecrutement»). Les plus grandes entreprises communiquent directement leurs postes à pourvoir
sur un site Internet ou confient ces postes à des sites spécialisés. On relève également sur le Web
de nombreux sites dédiés à la GRH. N’importe quel moteur de recherche dénombre plusieurs
centaines de sites francophones répondant à l’interrogation «ressources humaines», et plusieurs
milliers pour «human resources». Au-delà des sites-vitrines des cabinets de conseil, il existe de
nombreux sites d’organismes publics ainsi que des bases de données documentaires, particulièrement en matière juridique.
Beaucoup d’entreprises sont désormais dotées d’un intranet. Les réalisations sont diverses
parmi lesquelles trois types peuvent être distingués : l’intranet d’information, l’intranet de
professionnalisation et l’intranet de production.
3-2.1 L’intranet d’information
Ce premier type d’intranet vise la mise en ligne d’informations destinées à un large public,
le plus souvent l’ensemble des salariés d’une entreprise. Ces informations peuvent être générales ou spécialisées, récurrentes ou événementielles. Dans tous les cas, l’intranet répond à une
intention de communication: il s’agit de franchir les barrières d’espace et de temps qu’imposent
l’information sur les supports «papier» habituellement utilisés.
Les informations récurrentes (telles que la description générale d’une entreprise) ne
nécessitent qu’une maintenance réduite ; leur mise à jour s’effectue selon des périodicités
définies et peu fréquentes et bénéficie d’un processus de recueil et de mise en forme généralement bien rôdé dans sa version papier. À l’inverse, les informations événementielles ont par
nature une durée de vie plus courte et doivent être produites dans des délais brefs, certaines
mêmes n’étant intéressantes que si elles sont immédiates.
On trouve dans cette catégorie d’intranet:
- la présentation de l’entreprise et de ses entités, souvent réalisée par des renvois sur le site
Internet institutionnel et des liens avec des intranets locaux quand ils existent;
- l’actualité de l’entreprise et/ou de ses différentes fonctions, qui présente la stratégie de l’entreprise, les politiques de ressources humaines, les négociations en cours…;
- une bourse d’emploi non-interactive;
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- l’offre de formation de l’entreprise… qui peut se limiter à mettre à disposition le catalogue
formation, mais peut aussi informer sur le droit à la formation, les différents types de congés…
Les effets sur l’organisation de ce type d’intranet sont minimes: en raison même de leur finalité, ils tendent à épouser la structure de l’entreprise et à refléter les fonctionnements préexistants. On peut cependant en attendre une accélération de certains processus de travail par une
mise à disposition plus rapide des informations.
3-2.2 L’intranet de professionnalisation
À destination d’un public ciblé, la « communauté R.H. »,— souvent réparti sur différents
sites, établissements, voire Sociétés —, il vise à un partage de connaissances et de «règles de
l’art » du métier. Davantage que l’intranet d’information, il suppose la formulation préalable
d’un projet à l’égard de la population visée. Il peut avoir pour objectif de constituer un réseau
là où il n’existe pas, en permettant aux membres de ce réseau de se connaître, d’échanger, d’être
au même niveau d’information; ou d’élargir un réseau existant à d’autres niveaux de la fonction
ou d’en faciliter et améliorer encore le fonctionnement en substituant des échanges électroniques à une partie des réunions physiques (parfois coûteuses en temps et en déplacements), en
renforçant l’échange d’informations…
On peut y trouver:
- le «trombinoscope» des services de GRH: organigramme, avec une description plus ou
moins complète des fonctions et des champs d’activité de chacun;
- le calendrier des événements intéressant les professionnels de l’entreprise (nominations,
mutations, modification de structures, …) et/ou la profession dans son ensemble (congrès,
colloques, …);
- les règles et procédures particulières à la fonction;
- la présentation et les spécifications techniques des produits et services;
- la formation sur le poste de travail.
Cette montée en puissance de l’information dématérialisée entraîne notamment la disparition
des imposants classeurs papier dont la mise à jour n’était pas pratique. Désormais, il suffit à
l’utilisateur de se connecter pour récupérer les données à jour. Il est évident que la professionnalisation d’un groupe de spécialistes ne peut être obtenue uniquement par l’usage d’une technologie de communication. Pour produire les effets escomptés, la mise en place d’un intranet
de professionnalisation nécessite un gros effort de clarification des processus de gestion et une
animation soutenue du réseau des professionnels.
3-2.3 L’intranet de production
Il se traduit par la mise en place de ressources en ligne permettant de renforcer l’efficacité
des collaborateurs sur des actes d’administration ou de gestion (prise de commande, demande
de congés payés, demandes de formation, traitement des frais de mission…); il utilise les fonctions de workflow et de groupware. Il contribue ainsi à la formalisation, à la capitalisation, à
l’homogénéisation et à l’automatisation des processus de gestion. Il est souvent une réponse à
un objectif de réduction de coûts. Il peut aussi réduire les délais de réalisation d’un acte administratif et la qualité de cette réalisation (moins de risque d’erreurs de recopie); l’exemple des
commerciaux itinérants est particulièrement illustratif de cette dernière occurrence.
Ses utilisateurs peuvent être nombreux, mais ils sont variables selon le processus de gestion
concerné. L’intranet de production représente un niveau de complexité technique et organisationnelle plus élevé que les précédents intranets, tant par l’analyse préalable qu’il réclame que
par les soins constants qui doivent lui être apportés.
On y trouve:
- la saisie décentralisée des variables de paie,
- le suivi des congés,
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- la gestion des demandes de voyages et des frais afférents,
- les tarifs,
- des bourses d’emploi, permettant de poser directement sa candidature;
Pouvant offrir au moindre coût et au plus grand nombre des services d’informatique transactionnelle, l’intranet de production permet des gains évidents, soit par substitution à des applications informatiques plus coûteuses (comme avec la saisie des variables de paie), soit par
automatisation d’opérations manuelles de transfert de documents (comme dans le cas du suivi
des congés).
3-3
Les outils décisionnels
Utilisés pour le bilan social comme pour l’analyse fine de données, les logiciels d’aide à la
décision interviennent largement en GRH. Quelques outils décisionnels (y compris les tableurs)
s’adaptent à tous les domaines de la GRH, et permettent des simulations, simples ou complexes,
servant à tester des prévisions d’effectifs, des politiques de salaires, des suivis d’absentéisme ou
le coût des différentes mesures sociales, en testant plusieurs hypothèses.
Parmi les processus de GRH récemment informatisés, la gestion prévisionnelle (GPRH)
occupe une place de choix. Toutefois, si l’on examine les activités la constituant (voir tableau 2,
page 9), on peut observer des apports informatiques variables selon les types d’activités que
renferme ce processus. Les activités d’étude, qui sont dominantes dans la liste présentée dans le
tableau 2, peuvent être grandement facilitées par les fonctions informatiques comme: les traitements statistiques, la sélection sur critères, les projections et simulations, les traitements comparatifs… En ce qui concerne les actions de réalisation, elles peuvent donner lieu à stockage
d’informations ou des résultats des traitements effectués. Mais les activités de décision et
d’organisation, qui constituent le cœur de la gestion, ont peu de choses à attendre de l’informatique qui n’a pas, et ne peut pas avoir, de contribution décisive.
Dans le domaine décisionnel, l’outil informatique vient conforter les pratiques existantes, en
accompagner le renforcement ou la mutation, mais ne parvient pas seul à faire émerger des pratiques nouvelles et encore moins à décider pour le gestionnaire. Si l’on peut demander beaucoup
à l’informatique pour l’administration du personnel et la paie, ainsi que pour le recueil et la
diffusion de l’information produite, il ne faut sans doute pas trop en attendre dans le domaine
de la décision. C’est en ce sens que, la « gestion des ressources humaines assistée par
ordinateur» reste, pour un temps encore, une «arlésienne» (Piganiol-Jacquet, 1994, [8]).
4
La démarche d’informatisation
L’informatisation sert à faire progresser les pratiques de gestion. Elle ne peut donc se limiter
à une simple automatisation d’un existant manuel, car cela reviendrait a se placer dans une
optique immobiliste. Elle ne doit pas figer l’existant. L’analyse des besoins doit dégager des
objectifs d’amélioration des processus de gestion (amélioration de l’existant, ajout de nouvelles
tâches, etc.). La conduite d’une telle démarche est relativement complexe. Si elle s’applique à
un domaine dont on a vu les spécificités tant dans la nature des questions soulevées que dans les
réponses applicatives, elle obéit aux mêmes règles de conduite de projet. En pratique, on peut
s’appuyer sur une succession de grandes étapes correspondant à l’ordonnancement habituel des
travaux à réaliser.
4-1
Analyse de la demande et formulation de l’objectif
Il s’agit de poser le problème à l’origine de la décision d’informatiser et de délimiter l’application projetée. L’analyse de la demande vise à replacer celle ci dans une perspective généralement plus large que l’était l’expression initiale d’un « besoin d’application informatique ».
L’expression de la demande ne se concrétise pas sans phénomène déclencheur. Elle prend place
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Tableau 2 : Activités de la gestion prévisionnelle des RH et apports de l’informatique
Contribution informatique
Analyse des emplois
Etude de l’existant
Etablir des nomenclatures, des répertoires, des cartes, des fiches descriptives de métiers et d’emplois
Définir des référentiels de compétences pour la tenue de ces emplois
Gérer un fonds documentaire sur ces sujets
Analyse des ressources
faible
forte
Repérage et simulation des évolutions
Mettre en place un observatoire des métiers et emplois
Evaluer l’évolution prévisible de l’organisation et son impact sur les
emplois
Repérer les emplois sensibles
Déterminer des besoins quantitatifs en postes à moyen terme
Actions correctives
faible
faible
faible
faible
partielle (consolidation volume
postes budgétaires)
Etude de l’existant
Analyser les profils des populations (âge, ancienneté, qualification…)
Evaluer les compétences
forte
faible
Repérage et simulation des évolutions
Mettre en place des procédures d’entretiens d’appréciation, de
développement… pour repérer les potentiels et aspirations des individus
faible
forte
(analyses démographie)
Elaborer des plans d’adaptation, de formation
faible
Publier les postes disponibles
forte (bourses d’emploi)
Elaborer des organigrammes de remplacement
partielle
Construire et renseigner des tableaux de bord
forte
partielle
Créer des viviers et les mettre à jour régulièrement
(gestionnaire de fichier ou progiciel spécialisé)
Mettre en place des comités de carrière, de développement professionnel…
faible
Simuler l’évolution «naturelle» des effectifs (départs en retraite, etc.)
à l’intérieur d’un cadre défini préalablement (politique de gestion du personnel, orientations et
choix stratégiques de l’entreprise) et qu’il importe de cerner précisément pour assurer la réussite
du projet. Dès l’issue de cette étape, il importe d’entreprendre la sensibilisation des futurs utilisateurs du système d’information en gestation.
4-2
Etude de l’existant
L’étude de l’existant consiste en l’identification et le recensement des informations et procédures utiles à la compréhension du système d’information Ressources Humaines tout en tenant
compte des modifications que veut y introduire le demandeur. Globalement, il s’agit:
- D’une analyse du travail: qu’est ce qui est fait? comment est-ce fait? par qui?
- D’un diagnostic permettant d’identifier les facteurs susceptibles de faciliter ou de perturber
le projet (exemple, attitude de défiance envers l’informatique: «Les ordinateurs ça ne marche jamais…»).
- La connaissance de l’existant informatique au niveau du matériel, des logiciels et des compétences informatiques des futurs utilisateurs.
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4-3
10
Définition des axes d’améliorations et formulation des besoins
L’analyse de l’existant conduit à porter des critiques sur les plans de l’efficacité administrative, de la qualité et de la fiabilité de l’information produite. Au sens le plus large, les besoins
peuvent être définis comme résultant d’un écart entre ce qui est (étude de l’existant) et ce qui
devrait être (analyse de la demande). On ne parle pas encore, par exemple, d’un besoin en logiciel de gestion des carrières – ce qui serait une confusion entre besoin et moyen – mais plutôt
d’un besoin d’amélioration de la maîtrise de la mobilité interne du personnel par une meilleure
connaissance des individus et des postes.
4-4
Mise en forme du projet - Cahier des charges
À ce stade du projet, on confirme si l’application informatique envisagée est possible techniquement et est souhaitable économiquement et socialement (coûts d’achat, coûts de formation,
coûts d’utilisation, coûts d’adaptation de l’organisation, gains de gestion, tant d’un point de vue
financier que d’un point de vue social). Dans l’affirmative, la solution est alors mise en forme
dans ses grandes lignes et soumise pour décision à l’autorité compétente. Plusieurs scénarios
peuvent être envisagés (acquisition d’un logiciel, développement spécifique, service bureau…).
Un cahier des charges est alors établi.
Le cahier des charges est un document dans lequel le responsable du domaine concerné
(DRH ou responsable du domaine concerné) indique les fonctions de gestion à informatiser et
précise les conditions de réalisation. En cas d’appel d’offres, il aide à rechercher les meilleurs
partenaires. En interne, il établit et fonde les rapports entre les informaticiens et la direction
concernée. La structure type d’un cahier des charges reprend:
- Les attentes et le contexte du projet, la référence à des projets antérieurs ou connexes
- La nature et le volume des informations à traiter
- Les objectifs généraux à atteindre (en terme de résultats opérationnels)
- La définition des critères de performance
- Les acteurs concernés
- L’organisation du projet en étapes (échéancier)
- L’enveloppe budgétaire prévisionnelle (ne pas la faire apparaître en cas d’appel d’offres)
- Les contraintes spécifiques, en particulier les caractéristiques du système informatique existant (matériel de base, logiciels de base, système d’exploitation, etc.).
Il convient en outre d’ajouter, en cas d’appel d’offres:
- les clauses juridiques
- les pénalités de retard
- les principaux critères de choix
- les exigences en matière de formation du personnel
- et, bien entendu, les délais.
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Implantation de l’application retenue
À cette étape-ci, il s’agit dans un premier temps de sélectionner la prestation la plus satisfaisante par rapport aux exigences du cahier des charges, puis à accompagner sa mise en œuvre.
Selon les enjeux et l’importance du projet, le choix du fournisseur et des produits et services est
plus ou moins élaboré, par exemple:
- Réponse à l’appel d’offres comportant le renseignement d’un questionnaire détaillé
- Démonstrations
- Visites chez des utilisateurs
- Essai sur un jeu de données de l’entreprise, voire prêt de l’application à l’utilisateur
- Négociation commerciale (prix, délais, conditions d’assistance à l’utilisateur, d’exploitation
et de maintenance)
IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2001-06 -
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La maîtrise de la formation des utilisateurs, fréquents ou occasionnels, directs et indirects,
revêt une importance capitale au sein de la démarche d’informatisation, surtout lorsqu’elle porte
sur un outil dont l’utilisation est étendue à de nombreux individus (saisie décentralisée de variables de paie, gestion des congés et absences en workflow…). C’est en effet à cause de lacunes
en la matière que l’on peut constater une sous-utilisation des investissements réalisés.
4-6
Evaluation de la démarche et de ses effets
Enfin, la démarche ne serait pas complète, si l’on ne cherchait à évaluer, d’une part, comment
les différentes activités du projet d’informatisation se sont nouées entre elles (notamment
respect de l’échéancier et du budget) et, d’autre part, quels ont été les apports effectifs de la solution informatique retenue (usage de la technologie, impacts organisationnels et humains, satisfaction générale, retombées économiques…), compte tenu de l’objectif initial.
Dans les faits, l’évaluation des effets de l’implantation informatique n’est pas une pratique
courante dans les entreprises. C’est une opération qui suppose du temps, des ressources et une
méthode. Mais, si l’on admet que les solutions informatiques ne peuvent être que provisoires et
que l’évaluation est le préalable à toute nouvelle informatisation, comment pourrait-on durablement s’en passer?
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Références
[1]
Balle C. et Peaucelle J.-L., Le pouvoir informatique dans l’entreprise, Les Editions
d’Organisation, 1972.
[2]
Gilbert P., «Frénésie du rationnel et syndrome d’utopie: regard sur l’informatisation des
ressources humaines », Évaluation et innovation dans les organisations, 5e Congrès
Européen de Psychologie du Travail et des Organisations, EAP, 1992, p. 29-35.
[3]
Peaucelle J.-L., «Quelle informatique pour les futurs gestionnaires?», Formation et
Gestion, n $37, mars 1986, p. 31-38.
[4]
Peaucelle J.L., «Système d’information», Encyclopédie de gestion, Paris, Economica,
1989, p. 2824-2836.
[5]
Peretti J.-M., G.R.H.A.O.: Gestion des ressources humaines assistée par ordinateur,
Editions Liaisons, 1993.
[6]
Pichault F., Le conflit informatique: gérer les ressources humaines dans le changement
technologique, de Boeck Université, Bruxelles, 1990.
[7]
Piganiol C., «Logistique de la fonction Personnel: l’outil informatique», in D. Weiss,La
fonction Ressources Humaines, 1988, p.329-387.
[8]
Piganiol-Jacquet C., «La GRHAO: une arlésienne», Personnel, n°335, nov. déc. 1994.
[9]
Reix R., Systèmes d’information et management des organisations, Vuibert, 1995.
Les papiers de recherche du GREGOR sont accessibles
sur INTERNET à l’adresse suivante :
http://panoramix.univ-paris1.fr/GREGOR/
Site de l’IAE de Paris : http://www.iae-paris.com
2001-06
Informatisation de la GRH
Patrick Gilbert
Professeur associé à l’IAE de Paris
Université Paris I • Panthéon - Sorbonne
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