Sommaire - VII Congrès de l`Association Mondiale de Psychanalyse

Numero 8 – Avril 2010 – Association Mondiale de Psychanalyse
PAPERS
Bulletin Electronique du Comité d'Action de l'École-Une
Version 2009-2010
Sommaire
Eric Laurent
Editorial
Manuel Fernandez Blanco
Discours, semblant et destin du symptôme
Patrick Montribot
Sexe, lettre et semblant
Laure Naveau
Le voile de la pudeur, les semblants et le réel
Philippe La Sagna
L’homme et la femme, et la psychanalyse
En lisant le Séminaire XVIII de Lacan
Vilma Coccoz
Fictions et semblants
Valérie Pera-Guillot
“ L’intranquille ”, l’innommable et le sinthome
Traduction
Dalila Arpin
Pascale Fari
Beatriz Gonzalez
Romain-Pierre Renou
Edition
Marie-Hélène Blancard
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Editorial
Le Sacre du Congrès et son silence
Eric Laurent
Depuis le moment nous avons ouvert le Congrès de l’AMP aux non-membres, les demandes
n’ont cessé d’affluer. Nous avons alors réquisitionné toutes les salles disponibles du Palais du
Congrès, jusqu’à ce que nous nous heurtions aux murs. L’insistance de ces demandes indique
l’intérêt renouvelé pour le Congrès une fois qu’il est résolument inscrit dans la ligne des
Journées de l’ECF. Le mouvement à été double, une nouvelle sélection des cas cliniques
concentrant la classique journée clinique en une matinée et un appel à de nouvelles contributions
pour l’après-midi du même Jour des multiples.
Dès le 14 janvier dans le n°83 du Journal des Journées, nous avons publié la liste des 33 cas
retenus, auxquels se sont ajoutés 3 autres pour atteindre 36. D’autre part l’appel à contributions a
été entendu. Le 17 février nous avons publié, toujours dans le JJ, la liste des 163 propositions
d’interventions qui nous sont parvenues. Parmi ces textes, environ un quart seront lus lors du
Congrès, les autres seront publiés. Les inscriptions ont été comme une vague qui, dès la fin des
vacances australes (fin février), relayant la fin des vacances boréales (début janvier), ont failli
tout emporter devant leur enthousiasme. Je reprends immédiatement la métaphore de la vague,
pour déplorer les effets délétères de la détérioration climatique qui nous a valu un tsunami au
Chili et un phénomène étrange en France qui a balayé nos côtes atlantiques. Disons plutôt que
nous avons été pris dans un rythme trépidant du type du Sacre du printemps de Stravinsky,
qui s’est imposé dans notre champ. Ce tempo nouveau permet de révéler que, depuis la
publication du volume Scilicet, nous avons avancé. Nous nous sommes avancés dans ce régime
de la disjonction “ entre vérité et réel ”, que l’article de Pierre Malengreau, dans Papers n°6,
situait comme tournant dans la lecture de Lacan par Jacques-Alain Miller.
Le semblant défie l’opposition entre le voir et le vu, entre l’objet et sa représentation. Pour
déplacer l’évidence du phallus qui manque à sa place dans le champ de la vision, Lacan souligne
que le sujet peut rêver se voir voyant. Bien qu’il ne puisse se voir voyant, il peut le rêver. Lacan
fait référence au poème de Paul Valéry, La jeune Parque ”, qui se voit voyante. Elle tente cette
expérience d’une conscience qui pourrait se rêver consciente d’elle-même. Sartre avait aussi rêvé
très loin des histoires de conscience thétique et non thétique d’elles-mêmes, tout un
embrouillamini que sont les labyrinthes du rêve sartrien.
Lacan oppose ce rêve de la conscience et le monde du rêve proprement dit, où il note que dans le
rêve, quelle que soit la vivacité des perceptions ou à cause même de l’intensité de celles-ci ou de
leur déformation, on peut dire à la fois que le rêveur est à toutes les places, et même noter que le
rêveur peut dire dans le rêve ce n’est qu’un rêve ”. Dans les moments d’angoisse il peut rêver
un tout petit peu plus, un court moment, tout en se disant ce n’est qu’un rêve” mais, comme le
note Lacan, jamais il ne se dit malgré tout je suis la conscience de ce rêve ”. C’est un rêve
n’implique pasje suis la conscience de ce rêve ”. Puisque le rêveur est à toutes les places il ne
peut pas énoncer un je suis ”, car le rêve lui-même est un je suis, je suis le rêve ”.
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L’expérience du rêve, par son articulation entre visible et invisible, par l’impossibilité de cette
conscience d’être là, est justement proche de ce qui se produit dans la rencontre sexuelle.
Lacan dira plus tard que les garçons n’auraient aucun rapport avec les filles s’ils n’avaient pas les
rêves pour les guider. C’est une ironie de Lacan à l’égard de la position masculine dénonçant le
monde des semblants. Il faut oser énoncer une telle proposition à l’époque de la dite libération
sexuelle ”, et les répéter à l’époque de l’hyper-modernité les petits garçons regardent des
films pornographiques à l’âge de douze ans. Ils ont tous les renseignements. Et néanmoins Lacan
a l’idée que quelle que soit la démocratisation de la pornographie et le fait de mettre des corps
féminins dans toutes les tenues et positions à la disposition générale des populations, cela ne
correspond pas à l’expérience de la sexualité, s’il n’y avait pas le rêve, le rêve de la conscience
de se voir, de se voir ayant un rapport sexuel, la jeune parque pornographique. Le rêve, en
abolissant la distance entre la perception et le rêveur, introduit un monde où pourrait s’approcher
ce que serait l’enchevêtrement des corps. Dans le rêve prend forme ce qui est un mode
d’articulation entre la jouissance est invisible et le monde de la représentation image et
signifiant.
Le terme de semblant que Lacan va proposer est fait pour nous dire que, toute philosophie
de la représentation vient à trouver une impasse, le semblant ” est ce qui vient nommer la
forme possible de la jouissance. Il désigne un passage de l’invisible à ce qui est enforme, pour
que ça ne soit justement pas “ la ” forme du corps.
Lacan se sert du schéma de la pulsion pour illustrer la distinction chez Freud entre le bord, la
zone érogène de la pulsion, et la direction du mouvement pulsionnel, pour faire valoir le trajet
pulsionnel le bord s’atteint lui-même. Le trajet de la pulsion, quelle qu’elle soit, a un côté
surréaliste comme le parapluie sur la table de dissection, ou d’autres éléments étranges. Ce
circuit pulsionnel passe par un certain nombre de signifiants qui permettent au sujet de retrouver
sa jouissance. Ce circuit néanmoins n’est pas l’objet oral lui-même qui n’est sur aucun des points
de la ligne, il n’est que le parcours, il n’est que le battement qui va permettre que le bord se
satisfasse lui-même, que la bouche se satisfasse elle-même et qu’elle dégage un enforme qui
vient marquer l’écart, le battement, le parcours entre le temps nécessaire à ce que le sujet se
frappe lui-même et trouve sa jouissance. Cet enforme-là est à distinguer du trajet pulsionnel
comme tel, il n’est pas du tout du même ordre que la forme de la forme du corps, de ce qui se
voit dans l’image. Il est ce mixte imaginaire-symbolique articulé à la jouissance réelle qui se
produit.
Lacan dira ensuite, en prenant les trois consistances RSI, que l’objet a est au croisement des trois
il les ramène à un triangle. L’objet (a), qui est cet enforme, est aussi bien ce qui est tenu entre
les consistances RSI. Vous pouvez les mettre sous forme de triangle comme sous forme de
noeuds. Objet coincé au centre comme cet enforme serré qui vient d’avant toute forme
possible, marquer un semblant. L’objet petit a est semblant de jouissance, il est ce à quoi le
monde des rêves nous donne accès, il est ce qui vient répondre à la fois au caractère factice de
l’objet qui échappe à toute empathie, le phallus, qui vient manquer à sa place, qui est tache, qui
lui n’aura pas de représentation, et pourtant il y aura sur ce fond-là un enforme de la jouissance
qui vient prendre le relais de ce qui ne peut avoir d’autre forme visible que le voile qui vient
recouvrir cette tache.
Alors que nous pensions que les semblants sont des signifiants, alors que nous avions en 2008
l’opposition des semblants côté signifiant et la chose-même du côté objet petit a, il nous faut au
contraire ici considérer que l’objet a est semblant. L’objet petit a est le semblant de jouissance
qui vient contaminer les signifiants. Tout ce qui peut être de l’ordre des semblants comme
signifiants maîtres, les semblants à respecter, les mômeries des cérémonies, tout ce que Voltaire
a dénoncé, tout ce par quoi tient le monde, nous le pensons spontanément en terme de signifiants
ou d’objets, comme le sceptre du juge anglais qui revêt sa perruque et sa toge et qui peut alors
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envoyer à la mort un certain nombre de gens. J’ai revêtu les semblants qui me permettent
d’accomplir un acte d’ordinaire interdit, comme condamner quelqu’un à mort ”.
C’est un aspect superficiel du semblant, son abord le plus profond réside en ce que l’objet lui-
même, l’objet a, l’enforme de la jouissance, est un semblant. Et non pas un semblant d’être. Il
ruine toute perspective de l’être. L’objet petit a est une expérience qui n’a pas d’essence. Celui
qui en fait l’expérience est un sujet qui, comme dans le rêve, est à toutes les places.
L’impossibilité de marquer sa place comme conscience du rêve fait du rêveur un sujet qui est à la
place de personne. C’est l’envers de la fixation du cérémonial pervers, le sujet tente par tous
les moyens de se maintenir conscience de jouissance, de maintenir un scénario et de l’accomplir
en l’ayant écrit jusqu’à la dernière ligne, essayant d’éviter de se trouver dans la zone du plus
personne ”.
Avec le Congrès, nous nous trouverons dans une zone nous interrogerons l’expérience de
cette zone, depuis l’expérience de la passe, en passant par la clinique à la première personne ”,
jusqu’à la clinique des cas paradigmatiques d’une expérience singulière. Ce sera le Congrès du
“ Sacre du sujet ”. Chut!...
Discours, semblant et destin du symptôme
Manuel Fernández Blanco
Les discours et le discours du capitaliste dans le Séminaire XVIII de Jacques Lacan
Dans sa conférence prononcée à Comandatuba, publiée sous le titre Une fantaisie ”,
Jacques-Alain Miller fait valoir que le discours analytique joue une partie serrée avec le discours
hypermoderne(1), puisque celui-ci intronise l’objet, et ce, sans le voile du semblant, pourrions-
nous ajouter.
Dès le début du Séminaire XVIII, Lacan nous indique : il n’y a pas de semblant de
discours ”, car “ tout ce qui est discours ne peut que se donner pour semblant, et rien ne s’y édifie
qui ne soit à base de ce qui s’appelle le signifiant ; le signifiant est identique au statut comme tel
du semblant ”(2). C’est pour cela que le seul “ semblant dans lequel le discours est identique à lui-
même, […] c’est le semblant dans la nature ”(3).
Dans ce même Séminaire, Lacan affirme que “ notre discours, notre discours scientifique, ne
trouve le réel qu’à ce qu’il dépend de la fonction du semblant(4). Aux limites du discours, en
tant qu’il s’efforce de faire tenir le même semblant(5), se situe le passage à l’acte, qui est l’une
des caractéristiques de la clinique actuelle. L’acting out fait au contraire “ passer le semblant sur
la scène ”.
Lacan poursuit : “ nous avons à faire face à un sous-développement qui va être de plus en
plus patent, de plus en plus étendu. Il s’agit, en somme, que nous mettions à l’épreuve ceci – si la
clé de divers problèmes qui vont se proposer à nous, ce n’est pas de nous mettre au niveau de cet
effet de l’articulation capitaliste que j’ai laissé dans l’ombre l’année dernière à ne vous donner
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que sa racine dans le discours du maître. Je pourrai, peut-être en donner un peu plus cette
année. ”(6) Plus loin, il précise : “ le plus-de-jouir, comme la plus-value, n’est détectable que dans
un discours développé, dont il n’est pas question de discuter qu’on puisse le définir comme le
discours du capitaliste ”(7). Lacan s’adresse ensuite aux participants de son Séminaire en
formulant la critique suivante : “ Vous n’êtes pas bien curieux, et puis surtout peu
interventionnistes, de sorte que, quand je vous ai parlé du discours du maître l’année dernière,
personne n’est venu me chatouiller pour me demander comment se situait là-dedans le discours
du capitaliste. Moi, j’attendais ça, je ne demande qu’à vous l’expliquer, surtout que c’est simple
comme tout. Un tout petit truc qui tourne et votre discours du maître se montre tout ce qu’il y a
de plus transformable dans le discours du capitaliste. ”(8)
Ce n’est pourtant pas dans ce Séminaire que Lacan formalise le discours capitaliste ; mais il
nous rappelle que le discours du maître est “ caractérisé par ceci, que des six arêtes du tétraèdre,
l’une est rompue. ”(9)
Le langage, rappelle-t-il également, ne rend possible qu’un nombre […] déterminé de
discours. Pour ce qui est du moins de tous ceux que je vous ai articulé spécialement l’année
dernière, aucun n’élimine la fonction du signifiant-maître ”(10).
Dans la dixième leçon, Lacan revient sur les quatre termes de ces discours et leur
glissement toujours syncopé, dont deux qui font toujours béance. Ces discours, que j’ai désignés
nommément du discours du maître, du discours universitaire, du discours que j’ai privilégié du
terme de l’hystérique et du discours de l’analyste, ont la propriété de s’ordonner toujours à partir
du semblant ”(11). Deux pages plus loin, il souligne : “ ce discours que nous pourrions appeler
dans l’occasion discours du capitaliste en tant qu’il est une détermination du discours du maître,
y trouve bien plutôt son complément. Loin que le discours du capitaliste se porte plus mal de
cette reconnaissance comme telle de la fonction de la plus-value, il apparaît qu’il n’en subsiste
pas moins, puisque aussi bien un capitaliste repris dans un discours du maître est bien ce qui
semble distinguer les suites qui ont résulté, sous forme d’une révolution politique, de la
dénonciation marxiste de ce qu’il en est d’un certain discours du semblant(12).
Chez le névrosé, cet arrangement, cette composition de la jouissance et du semblant […]
se présente comme la castration(13). Or, dans le discours capitaliste, celle-ci est traitée
autrement.
La spécificité du discours du capitaliste
Lacan a présenté son écriture du discours du capitaliste à l’université de Milan, le 12 mai
1972, dans sa conférence intitulée Du discours psychanalytique ”. Le sujet s’y conjoint à
l’objet ; ne mettant en jeu ni une impuissance, ni une impossibilité, ce discours est circulaire.
Ceci pose la question de son statut de discours, puisque ce dernier est précisément défini par
Lacan en opposition à l’idée du mouvement perpétuel : le circuit du discours inclut en effet une
barrière. Le discours de l’analyste, par exemple, dégage les S1 du sujet, les signifiants de
l’identification, et il n’y a pas de retour possible au point de départ.
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