Alexandra Curt Une situation de formation dans une situation de travail Une plus-value pour la construction des compétences professionnelles des élèves aides-soignants 2 2 Christian, Margaux, Alexandre et Baptiste pour leur amour, leur patience, leur sagesse, Isabelle David pour sa lumière tout au long de ce chemin, ses conseils, ses encouragements, Sylvie pour son aide précieuse, Un grand merci… 2 3 42 « Apprendre, ce n’est pas simplement consommer des savoirs. Apprendre par l’alternance, c’est aussi construire et inventer ses propres connaissances. » Jean Clenet 2 5 62 Introduction Les programmes de formation des professionnels de santé sont, actuellement, plus que jamais, centrés autour de l’acquisition de compétences professionnelles. La formation d’aide-soignant a été la première à bénéficier de l’application d’un programme construit dans une logique de compétences élaborée à partir d’un référentiel métier. Les exigences sanitaires et sociales ont évolué, le métier doit répondre à de nouvelles demandes. « Actuellement, le contexte global, marqué par des turbulences, restructurations, mutations technologiques, réduction des coûts, demande aujourd’hui à l’homme au travail, souplesse, compréhension et gestion de l’incertitude. Le contexte de la santé et celui de la formation n’échappent pas aux enjeux et aux nécessités inhérentes à ce monde en rapide évolution. La question des compétences est à situer dans cette dynamique et cette exigence de changement et de transformation rapide1 ». 1 2 CHOLLET-CHAPPARD, Marie Odile. Des compétences à la 7 Les compétences nécessaires à l’exercice de la profession d’aide-soignant doivent s’adapter, elles aussi, à cet environnement. Ces transformations du travail rendent centraux les dispositifs de formation permettant de favoriser la circulation entre situation de travail et situation de formation. Face à ce constat, l’alternance prend tout son sens car le stage et la situation de travail vont être révélateur des vraies compétences du métier. La formation d’aide-soignant positionne l’élève dans un processus d’apprentissage d’élaboration de compétences professionnelles par la mobilisation de savoirs en milieu réel. Elle souligne l’importance des apprentissages dans et par le travail et valorise ainsi la fonction formatrice du stage. Le programme de la formation place le tuteur de stage comme partenaire incontournable pour l’apprentissage de l’élève aide-soignant. Les professionnels de terrain que le stagiaire va côtoyer vont agir comme des modèles de références. Les normes, les valeurs, les pratiques de ces professionnels vont lui permettre de lire la réalité, de la décoder pour en faire son usage. Mon expérience de formateur, faisant-fonction de cadre de santé en Institut de Formation d’Aides-Soignants m’a permis de conforter mon projet professionnel, mais également de m’interroger sur le rôle des acteurs de la formation en alternance. Au travers de ce travail, je souhaiterais comprendre comment l’élève aide-soignant construit ses compétences compétence, entre transmission et transfert : quels modèles ? Synthèse d’un mémoire de Maitrise en Science de l’Education- Université de Provence. Recherche en soins infirmiers, septembre 2000, n°62. P. 4 – 24. 82 professionnelles en situation de travail et en quoi le savoirfaire expérientiel de l’encadrant peut être une plus value pour son apprentissage. Ma question de départ est la suivante : Comment les acteurs de l’encadrement participent-ils à la construction des compétences professionnelles des élèves aides-soignants lors des situations d’apprentissage en stage ? J’ai procédé à une démarche inductive en retraçant le cheminement qui m’a amené à ma question de départ. Je présenterai ensuite le cadre théorique de référence en resituant le contexte de la formation aide-soignante et les concepts en lien avec ce questionnement. J’ai réalisé une enquête sous forme d’observations et d’entretiens semi-directifs auprès d’aides-soignants et d’élèves aides-soignants. Cette enquête c’est centrée sur l’observation de situations d’apprentissage dans un contexte de travail. J’ai mis ensuite en évidence les résultats de mon enquête tout en mobilisant les concepts appropriés aux éléments retenus. Enfin, je conclurai ce travail par les enseignements apportés par cette recherche et par quelques pistes de réflexions. 2 9 10 2 1 Le cheminement de ma recherche 1.1 Mon expérience d’infirmière J’ai débuté ma carrière d’infirmière en intégrant un service de médecine à orientation cardiologique au sein d’un Centre Hospitalier. Cette spécialité m’a permis de prendre en charge des patients atteints de pathologies aigues et de travailler avec une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels aux compétences complémentaires. J’ai apprécié la diversité des soins qu’offrait cette unité, cela m’a permis de renforcer ma maîtrise des actes techniques et d’approfondir mes connaissances grâce aux nombreuses pathologies rencontrées. Mon expérience s’est donc construite suite aux nombreuses situations de soins, parfois complexes, qu’il m’a fallu gérer pour répondre au mieux à la prise en charge des patients. Peu à peu, l’organisation de mon activité s’est améliorée, j’anticipais, j’adaptais les soins au plus juste des besoins des patients. 2 11 Je suis devenue progressivement une professionnelle expérimentée, c’est-à-dire capable d’agir de manière appropriée, dans la plupart des situations auxquelles j’étais confrontée. Ce chemin s’est construit dans et par l’action entreprise, parsemé de réussites, de doutes, de tâtonnements, et même parfois d’échecs. L’unité de soin était composée de deux secteurs d’activité avec une organisation de travail en binôme, infirmier et aide-soignant. Chaque infirmière planifiait et mettait en œuvre les soins avec l’aide-soignante de son secteur, rendant ainsi la collaboration optimale. Les membres de l’équipe aide-soignante avaient une ancienneté importante dans l’unité. Ils avaient développé une véritable expertise autour de la prise en charge de patients accueillis. Lors des soins, l’aide-soignant passe un temps précieux auprès des patients, il est, de ce fait, détenteur d’informations primordiales pour organiser des soins adaptés aux personnes soignées. Tous identifiaient très rapidement le changement d’état clinique d’un patient, agissaient en conséquence et adaptaient avec précision leurs actions en fonction des besoins de la personne. J’admirais leur façon de déployer tout un éventail d’astuces, de savoir-faire par exemple dans la réfection des lits, l’installation des patients, ou bien lors d’accompagnement des personnes en fin de vie. Ces soins faisaient l’objet d’une véritable créativité. J’ai construit une partie de ma propre expérience à partir de leur savoir-faire. Je me suis peu à peu appropriée leur tour de mains en les observant, les questionnant sur leur expérience vis-à-vis de leur pratique qui s’adaptait parfaitement aux situations de soins rencontrées et, par conséquent, renforçait la qualité de la prise en charge des patients. 12 2 Ce partage d’expérience s’est révélé important pour moi, j’ai compris la réelle plus-value du travail en équipe et tout le sens de la coordination interdisciplinaire qu’élabore l’infirmier pour objectiver la complexité de la prise en charge des patients. C’est pourquoi « Le capital humain est indispensable au bon fonctionnement de la coordination. La coordination interdisciplinaire dépend étroitement des relations qu’entretiennent les acteurs entre eux afin de s’harmoniser et de ressentir une satisfaction à travailler ensemble : Il faut coopérer pour coordonner efficacement les actions des hommes ».2 Cette définition illustre parfaitement ma conception de la collaboration. Elle accorde une place centrale aux relations entre les membres d’une équipe et évoque l’harmonie, la satisfaction du travail. Les aides-soignants m’ont démontré au travers de leurs soins, qu’ils apportaient un plus par leur prestation, ils sont indéniablement complémentaires du travail de l’infirmier dans la prise en charge des patients. Au-delà des actes de soins qu’ils prodiguaient aux patients, c’est également le partage de leur réflexion, leurs idées qui renforçaient les compétences du collectif. La collaboration est « l’occasion de partager non pas des savoirs mais des modes de compréhension, des intelligibilités nouvelles qui enrichissent la capacité apprenante de la collectivité ».3 DIONISI, Catherine. La collaboration… Une mission qui traverse l’organisation. Cours magistral. IFCS LYON HCL. Février 2009. 3 Ibid. 2 2 13