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Groupe UE-Afrique(s)
Réunion du 9 avril 2015 – Paris
« La place et le rôle de l’assurance dans la mobilisation de l’épargne en Afrique
et le financement des projets de développement »
COMPTE-RENDU
Intervenants :
Frédéric BACCELLI, directeur général, Allianz Africa
(Assureur)
Jérémy BRAULT, chargé d'investissement, division banque et marchés financiers, Proparco
1
Benoît FISSE, responsable du Développement, Gras Savoye
(Courtier d’assureur)
Hermann KOUASSI, directeur exécutif de la CEADI
(
Club Economique et d'Affaires de la Diaspora Ivoirienne
),
en
collaboration avec Aimé KOSSONOU, directeur de la Communication au GNA, membre de l’Association des
Assurances de Côte d’Ivoire
Animations des débats : Mme Claude Fischer-Herzog, directrice des Entretiens Eurafricains
Claude Fischer rappelle que ce groupe de travail UE-Afrique(s) -créé en juin 2013 par ASCPE et Confrontations Europe-
compte désormais quelques huit cent cinquante membres. La 1
ère
conférence à Bruxelles en mars 2014 : le Sommet de
la société civile - Dialogue public-privé pour un renouveau du partenariat économique entre l’Europe & l’Afrique de
l’Ouest et du Centre - qui s’est tenu en marge du Sommet des chefs d’Etat d’avril 2014, a donné lieu à plusieurs
recommandations qui ont été adressées à mille cinq cents personnalités européennes et africaines.
Dans le prolongement, ASCPE a décidé d’organiser les Entretiens eurafricains à Ouagadougou (Burkina Faso) à la fin de
l’année 2015, avec le souci de faire se rencontrer plusieurs acteurs d’Afrique (Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire,
Ghana et Maroc) avec des acteurs d’Europe (France, Belgique, Pologne, Royaume-Uni et Allemagne). Cette initiative est
soutenue par le ministère français des Affaires étrangères, l’Union européenne et l’UEMOA.
Le thème des Entretiens eurafricains porte sur la réforme et la transformation des aides publiques afin qu’elles
deviennent un levier plus efficace de fonds privés, et que ces fonds publics et privés aillent s’investir sur les grands
projets d’infrastructures comme sur les projets de plus petite envergure.
L’assurance émerge comme un nouvel acteur pour mobiliser l’épargne, couvrir les risques, et comme investisseur de
long terme : elle représente un potentiel important pour le développement. A quelles conditions ? C’est à cette
question que sera consacrée notre réunion.
Frédéric Baccelli se réjouit de l’opportunité d’échanger sur le rôle et la place de l’assurance, notamment dans le cadre
des projets de financement des investissements. Il souhaite présenter rapidement le groupe Allianz et ce qu’il fait en
Afrique, avant de parler plus précisément de son implication en Afrique francophone au niveau de la zone CIMA
1
(
Filiale de l'AFD dédiée au financement du secteur privé, PROPARCO a pour mission de favoriser les investissements
privés dans les pays émergents et en développement en faveur de la croissance, du développement durable et de
l'atteinte des Objectifs du Millénaire (OMD
)
2
(Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances), et d’indiquer les enjeux de cette thématique, puis les facteurs
limitants de son développement, avant de conclure sur des pistes d’amélioration.
La présence d’Allianz en Afrique a débuté en Algérie il y a plus de cent ans, à travers sa filiale française, Les Assurances
générales de France. Le groupe est actuellement dans un cycle d’engouement, avec la volonté de se développer de
façon significative en Afrique. Il est présent dans quinze pays, du Maroc à l’Afrique du Sud en passant par l’Egypte, avec
une présence historique en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. Seize filiales sont pilotées depuis la holding
parisienne, dont Frédéric Baccelli est le directeur général : au Burkina Faso, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au
Togo, au Bénin, au Sénégal, au Cameroun, au Congo Brazzaville, en Centrafrique et à Madagascar. Elles représentent
cinq cents millions d’actifs -ce qui peut paraitre relativement faible à l’échelle du groupe Allianz mais qui est significatif
sur le marché- avec environ cinq cents collaborateurs.
Au niveau des activités, Allianz Africa possède cinq filiales vives, principalement établies dans les grands pays en
termes de marché d’assurance -Côte d’Ivoire, Cameroun, Burkina Faso, Sénégal et Madagascar- où l’ensemble du
panel des solutions d’assurance est offert aux grandes entreprises jusqu’aux activités de micro-assurances, avec
environ sept cent mille micro-assurés sur le territoire Ouest et Centrafricain (contrats d’assurance associés à des
micros crédits, offrant la garantie du capital en cas de décès).
En 2013, la taille du marché africain de l’assurance a été estimée par Allianz à soixante-douze milliards de dollars de
primes, dont 70% en assurance-vie. 80% des primes en Afrique concernent le marché sud-Africain et 10% celui du
Maghreb (dont le Maroc), ce qui ne laisse que 10% de l’activité d’assurance pour le reste du continent. Les marchés de
l’assurance en Afrique restent petits : pour tout le continent africain, il est inférieur au chiffre d’affaires d’Allianz, et -
hors Afrique du Sud et Maroc – il est inférieur au chiffre d’affaires d’Allianz France. Cela donne un ordre de grandeur du
marché africain, mais aussi du potentiel de croissance à venir.
Le marché de l’Afrique de l’Est totalise environ 1,8 milliard USD de primes -avec le marché kenyan qui représente 1,5
milliard USD de primes. L’Afrique de l’Ouest (hormis le Nigéria, et le Ghana) et l’Afrique Centrale réunissent 1,4 milliards
USD de primes, dont ¼ pour le marché assurance-vie. La zone de la CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés
d'Assurances pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale) est un exemple d’intégration sectorielle en matière
d’assurance. Créée en 1992, la CIMA regroupe les quinze pays de l’UEMOA et de la CEMAC avec un code d’assurances
unique et une autorité de contrôle commune basée à Libreville. Avec son bras armé, la CRCA (Commission Régionale
de Contrôle des Assurances), elle exerce un contrôle auprès des 163 compagnies d’assurances.
Le total des engagements estimé par la CIMA en 2013 est de 2,2 milliards €, dont environ 55% en assurance-vie, soit une
capacité contributive relativement limitée, en comparaison de l’estimation de la BAD et des besoins de financements
des infrastructures qui s’élèvent aux alentours de 100 milliards € par an. Les taux d’équipements (volume des primes
d’assurance) sont extrêmement faibles et représentent moins de 1% du PIB des quinze pays, là où l’Afrique du Sud
atteint plus de 16% (en Europe, moins de 10%) : il y a donc un potentiel de croissance important. La croissance du
marché de l’assurance sur les dix dernières années en zone CIMA est de 7,8% ; pour un assureur européen, cela peut
paraitre intéressant, mais cela reste tout de même relativement faible au regard de l’accroissement de la population
africaine et de la croissance moyenne du produit intérieur brut.
Plusieurs facteurs freinent la capacité contributive de l’assurance, le développement des marchés de l’assurance et
l’inclusion financière dans ces zones géographiques :
-les problèmes en matière d’incitation fiscale, de solutions technologiques pour la distribution d’assurances (trouver
des intermédiaires et de nouveaux canaux de distribution), de téléphonie mobile, etc… qui sont autant de défis pour
Allianz.
-La faiblesse des supports d’investissement dont disposent aujourd’hui les assureurs : les actifs admis en
représentation sont majoritairement orientés vers l’immobilier et vers les dépôts à terme bancaires. D’après les
données de la CIMA, ce sont 40% en valeurs mobilières, dont 20% sur des titres émis par les Etats membres de la zone
CIMA, 20% en actifs immobiliers, 40% en dépôts bancaires, et 20% en dette souveraine. On est donc encore loin d’un
investissement des actifs destinés aux financements de projets.
-La faiblesse des marchés d’action, une des difficultés que rencontre Allianz dans la gestion de ses actifs. Ainsi, par
exemple, le groupe, qui est le 3
ème
assureur de Côte d’Ivoire, est bien placé en termes d’assurance-vie, et il a déjà
investi une trentaine de titres d’actions en BRVM (Bourse régionale des valeurs Mobilières), là où il y a moins de 40
titres au total cotés en bourse.
-La faiblesse des marchés obligataires, tant en encours qu’en flux de transaction, et qui restent aujourd’hui largement
dominés par l’émission d’obligations souveraines ; cela provient aussi de la faiblesse des autres produits OPCVM
3
(organismes de placement collectif en valeurs mobilières) autorisés par la CIMA en représentation des engagements des
assureurs en 2007 ; c’est aussi la naissance des fonds d’investissement en Afrique lors de l’évolution de la
réglementation CIMA.
-Enfin, la faiblesse des investissements mobiliers, directement liée à l’insécurité juridique de ces zones en termes de
titres fonciers : cela représente 20% des actifs des compagnies d’assurance liés à l’immobilier. C’est un sujet
important pour lequel il serait souhaitable que les Etats concernés puissent plancher.
Un autre facteur limitant provient d’une réglementation inadaptée, adoptée par la CIMA, par rapport au degré de
maturité des marchés financiers actuels :
-la CIMA a adopté un certain nombre de réglementations dans un objectif prudentiel de protection des bilans et dans
l’intérêt des assurés (notamment au niveau de l’assurance-vie). Pour exemple, une règle territoriale a été adoptée en
1999 qui impose que les actifs soient investis à hauteur de 50% au sein du territoire de l’Etat membre sur lequel les
risques sont souscrits ; cela limite la possibilité de réaliser des investissements pour des projets panafricains.
-De plus, la CIMA a adopté une autre règle dans les années 2010, avec un objectif de dispersion, pour que les actifs
soient investis dans des classes d’actifs suffisamment différentes afin de protéger le bilan et les intérêts des assurés.
Ainsi, il n’est pas possible d’investir plus de 40% d’engagements réglementés en valeur mobilière, ni plus de 40% en
droit immobilier, etc… C’est une copie de la réglementation française, et si cela a du sens pour un marché européen où
l’on retrouve tous les leviers des supports d’investissement, cela a beaucoup moins de sens pour un marché africain.
Alors qu’Allianz Africa est historiquement présent en Centrafrique (le groupe est le 1
er
assureur du pays et possède 50%
des parts de marché), il est très compliqué d’investir en Centrafrique sur le marché des valeurs mobilières ; de plus, une
règle de limitation ne permet pas d’investir au-delà d’un certain taux dans une même action.
Si toutes ces règles de protection peuvent se comprendre dans un marché mature de l’assurance, elles sont surtout
un frein pour les investissements en Afrique.
L’équipement et le développement de l’assurance en Afrique, comme l’assurance-vie, nécessiteront un accroissement
de l’information et de la sensibilisation auprès des populations, afin de permettre une inclusion financière du plus
grand nombre. Mais des sujets d’ordre culturel, sociologique, religieux, ou l’existence de mécanismes de solidarité,
font que l’assurance-vie, ou le principe de mutualisation de l’assurance, sont des concepts qui ne sont pas réellement
intégrés ni partagés par l’ensemble de la population.
En tant qu’assureur, Allianz Africa a la responsabilité de produire avec ses partenaires intermédiaires des produits
d’assurance adaptés aux besoins et aux caractéristiques des populations et de mettre en place une bonne gouvernance
des sociétés d’assurance en Afrique : pendant longtemps, l’assurance en Afrique a été associée à l’assurance automobile
obligatoire, ce qui représentait finalement une taxe, sans véritablement de valeur ajoutée. Tout un travail reste à faire,
en particulier auprès des populations qui n’ont pas accès aux réseaux financiers traditionnels, sur la valeur que peut
représenter un contrat d’assurance, d’où l’intérêt pour le groupe Allianz de travailler aussi sur la micro-assurance qui
représente un moyen d’apporter une véritable valeur aux assurés, tout en les engageant à comprendre les mécanismes
de l’assurance. Allianz Africa et Gras Savoye ont étudié différentes possibilités de mobiliser les flux financiers de la
diaspora, mais aucune solution efficace n’a été encore trouvée. La formation aux métiers de l’assurance nécessiterait
également un travail collectif de la part des compagnies d’assurance.
En termes d’amélioration de l’assurance en Afrique, les actions incombant aux Etats doivent s’orienter vers des
mesures d’incitations fiscales, tout comme vers la déductibilité des primes et des indemnités de fin de carrière, mais
aussi tendre vers une forme de sécurité fiscale pour les investisseurs institutionnels de l’assurance, le développement
des régimes complémentaires de retraites, etc…
Frédéric Baccelli rappelle que les assureurs sont tributaires du développement des marchés financiers ; aussi, tout ce
qui pourra permettre à ces marchés d’offrir des supports d’investissement aux assureurs sera bienvenu, malgré les
contraintes prudentielles pour éviter les faillites et les contraintes de gestion «actifs-passifs», en essayant de faire
correspondre la durée des engagements des assureurs vis-à-vis des assurés, avec la durée de vie des investissements
financiers, et d’avoir des supports qui permettent de répondre aux besoins des assurés. C’est en parvenant à réunir
l’ensemble de ces conditions que les assureurs pourront contribuer au mieux au financement des projets de
développement en Afrique.
Claude Fischer souhaite savoir si l’assurance en Afrique et les exigences prudentielles sont soumises à des règles
internationales. Elle interroge Frédéric Baccelli sur la mobilisation des ressources à travers l’innovation technologique
que représente la téléphonie mobile.
4
Frédéric Baccelli confirme que les exigences prudentielles en zone CIMA sont régies par les règles de Solvabilité1.
Un des piliers de la stratégie d’Allianz Africa est d’essayer de développer des réseaux alternatifs de distribution avec le
mobile banking, de donner aux populations qui ne sont pas bancarisées un accès aux réseaux financiers traditionnels et
de répondre aux nouveaux besoins spécifiques de la classe moyenne émergente. Pour exemple, Vodafone et le mobile
banking sont un véritable succès au Kenya : le pays possède un taux d’équipement internet de l’ordre de 35 à 40% à
travers le smartphone et la tablette, qui génère près de 15 millions de transactions bancaires par jour pour 30 millions
d’habitants. L’idée est de proposer des supports d’assurance à travers le téléphone mobile (assurance épargne,
accident, décès, obsèques…). Ce type de commercialisation est en cours à Madagascar, en Côte d’Ivoire et au Burkina
Faso avec différents opérateurs de téléphonie.
Claude Fischer donne ensuite la parole à Hermann Kouassi, directeur exécutif de la CEADI (Club Economique et
d'Affaires de la Diaspora Ivoirienne)
Hermann Kouassi présente une intervention préparée avec Aimé Kossonou, directeur de la Communication au GNA,
membre de l’Association des Assurances de Côte d’Ivoire.
Il rappelle le rôle de la CIMA, créée à Yaoundé (Cameroun) en 1992 avec 14 pays, et la mise en place d’un traité avec un
code communautaire des assurances, entré en vigueur en 1995. Aujourd’hui, elles sont 163 compagnies d’assurance
(sociétés anonymes ou mutuelles) sur le marché de l’assurance-vie, de l’assurance non-vie, et de la capitalisation,
regroupées dans la FANAF, et l’OAA.
Le marché est dominé par des grands groupes étrangers comme AXA ou ALLIANZ, mais aussi des holding africaines
comme NSIA, COLINA ou SUNU… En forte croissance, le marché représentait 693,599 milliards de FCFA de chiffre
d’affaires en 2009, mais avec de fortes inégalités, trois pays représentant 60% des parts de marché : la Côte d’Ivoire, le
Cameroun, le Sénégal.
La Côte d’Ivoire est le 1
er
producteur de la branche vie avec 43,53% de parts du marché. Le secteur est très dynamique,
avec un fort potentiel, mais il est confronté à différents problèmes dont le niveau minimal de capitalisation, le modèle
d’allocation du capital et la réforme des pensions. Par ailleurs, en plus de la crise, la fiscalité dans le secteur des
assurances n’est pas attrayante, et le niveau des taxes supportées par les compagnies alourdissent leurs charges de
fonctionnement.
Hermann Kouassi a terminé son intervention par quelques propositions pour valoriser l’assurance (parmi lesquelles,
éduquer les populations, mieux utiliser le mobile, et engager la réforme fiscale), et en faire un produit d’épargne pour
l’investissement. (Voir sa présentation : les slides !)
Discussion avec la salle :
Christine Holzbauer, correspondante Afrique pour IC Publications, s’étonne des faibles chiffres qui ont été annoncés ici
concernant l’assurance auto, alors qu’au Mali par exemple, il existe un parc de dizaines de milliers de camions !
Benoît Fisse, responsable du Développement pour Gras Savoye, précise que l’assurance automobile au Mali représente
environ 50% du marché de l’assurance, auxquels il faut ajouter les nombreux véhicules en circulation qui ne sont pas
assurés.
Pour Frédéric Baccelli, l’assurance « offshore » pourrait aussi être une piste de développement du marché de
l’assurance en Afrique francophone, mais à ce jour, la CIMA impose à tout assuré de contracter une police d’assurance
auprès d’un assureur établi dans l’un de ses Etats membres. Il s’avère néanmoins que de nombreux projets
d’infrastructures sont directement assurés auprès du pays étranger responsable de leur réalisation.
Jessica Njaboum, juriste en contentieux des affaires et spécialiste du droit bancaire, remarque que les mécanismes
d’assurance existent depuis longtemps en Afrique ; en effet, les « tontines » sont un mécanisme par lequel les membres
d’une communauté épargnent et qui peut être aussi une source de financement.
Pour elle, le problème du développement de l’assurance conventionnelle en Afrique provient de la représentation que
les populations en ont, l’assurance n’étant pas intégrée dans les habitudes socio-culturelles de l’Afrique. Un travail de
sensibilisation auprès des populations serait donc souhaitable pour expliquer ce qu’est réellement une assurance, et
quels sont les avantages à contracter une police d’assurance plutôt que de rester dans le secteur informel.
5
Face aux différences culturelles, sociologiques ou religieuses, Frédéric Baccelli reconnait tout le travail de pédagogie
qu’il reste à accomplir auprès des populations africaines pour expliquer les mécanismes d’assurance. Allianz Africa a pu
sensibiliser efficacement une partie de la population sénégalaise à la micro-assurance, et notamment les femmes qui
ont été un excellent vecteur pour diffuser la connaissance des mécanismes d’assurance auprès du plus grand nombre.
Frédéric Baccelli prend ensuite pour exemple les pilotes d’assurance agricole au Mali et au Burkina Faso, où Allianz
Africa assure les récoltes contre les risques de sécheresse, à travers une assurance indicielle basée sur des mesures
d’évapotranspiration des terres depuis un satellite ; au-delà d’un certain seuil, l’assurance garantit alors le
remboursement du coût des intrants auprès des agriculteurs.
Claude Fischer rappelle qu’un important colloque initié par FARM (Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le
monde) a eu lieu en 2014 sur le thème de « La micro assurance agricole en Afrique de l’Ouest - réalités et perspectives »
(voir ici le communiqué de presse du colloque).
Intervention de Benoît Fisse, responsable du Développement à Gras Savoye.
Benoît Fisse se présente comme courtier d’assurance : il réalise du conseil d’intermédiation et de gestion pour le
compte des compagnies d’assurance. Gras Savoye est présent depuis une cinquantaine d’années sur le continent
africain dans 31 pays où il emploie un millier de salariés ; si le groupe est historiquement présent au Maghreb et en
Afrique de l’Ouest, il s’est développé depuis dix ans au Ghana et en Afrique de l’Est, puis récemment au Nigéria, avec la
perspective de s’étendre en Tanzanie.
La superficie globale de l’Afrique est comparable à la somme des surfaces des USA, de la Chine, de l’Inde, de l’Europe
occidentale, du Japon et du Mexique réunis rappelle-t-il (voir : la taille imposante de l’Afrique). L’Afrique est un
continent dans lequel on trouve toute la complexité du monde de l’assurance, avec autant de marchés d’assurance
qu’il existe de pays africains, même si la zone CIMA reste un bel exemple d’intégration régionale. Cela engendre donc
des spécificités locales, régionales et continentales : le Maghreb n’est absolument pas unifié, l’Afrique de l’Est comporte
une multitude de communautés différentes, l’Algérie comme l’Ethiopie sont des pays où les investisseurs étrangers ne
sont pas les bienvenus, et des pays comme le Nigéria ont un capital concernant les assurances qui est détenu à 100%
par l’Etat. La zone CIMA en Afrique francophone reste un exemple unique, mais en termes d’assurance offshore, la zone
CIMA oblige à assurer une partie du risque de façon locale à hauteur de 25% minimum avec une tendance générale au
renforcement des capacités locales. En Angola, l’assurance publique est réservée à la société nationale ; la RDC qui
représente un énorme marché de l’assurance avec plus de 80 millions d’habitants, ne possède qu’un seul assureur qui
de plus est complètement désorganisé. D’autres pays enfin imposent de passer par un guichet national pour effectuer
de la réassurance.
D’une façon générale, le marché de l’assurance en Afrique est attractif et il offre une réelle rentabilité aux assureurs :
il représente environ 20% de croissance annuelle, en particulier en ce qui concerne l’assurance des personnes
(assurance-santé, épargne, retraite) et il a un taux de pénétration supérieur au taux de croissance économique.
L’assurance-épargne représente à elle seule 13% du chiffre d’affaires de Gras Savoye (qui, au-delà de l’Afrique, est aussi
présente en Asie du Sud-Est, au Vietnam, au Cambodge, ainsi que dans les zones Nord et Sud du Moyen-Orient). En
Afrique, Gras Savoye assure essentiellement des PME et des multinationales implantées localement, mais assez peu de
particuliers.
Pour Benoît Fisse, l’épargne se présente sous trois grands aspects en Afrique :
-le secteur formel, national ou international, dans lequel les entreprises souhaitent assurer leur personnel sous forme
de couverture sociale (assurance-accident, santé, décès…) mais aussi leur offrir une possibilité d’assurance-épargne.
-Le secteur de la micro-assurance est en développement, même s’il pose encore de nombreuses difficultés
essentiellement d’ordre culturel et sociologique, et de fait, n’offre pas encore de retour stable et équilibré.
-Enfin le secteur informel, avec un potentiel de développement important pour le marché de l’assurance, à condition de
de savoir capter l’adhésion des populations.
Benoît Fisse voit dans le mobile un moyen d’information, de communication et de publicité, mais en termes
d’assurance, il ne s’adresse pas à toutes les branches. Au Kenya, le mobile est utilisé comme moyen de paiement, mais
celui-ci n’offre pas encore de visibilité pour gérer de l’épargne. Il conclut en rappelant que si l’Afrique génère
aujourd’hui beaucoup d’engouement de la part des investisseurs, il est important de rester serein, voir prudent, car
son développement économique demandera à tous d’être constants dans l’effort, et non pas de partir quand survient
une crise, ni de s’emballer quand la croissance est là.
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