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Groupe UE-Afrique(s)
Réunion du 9 avril 2015 – Paris
« La place et le rôle de l’assurance dans la mobilisation de l’épargne en Afrique
et le financement des projets de développement »
COMPTE-RENDU
Intervenants :
Frédéric BACCELLI, directeur général, Allianz Africa (Assureur)
Jérémy BRAULT, chargé d'investissement, division banque et marchés financiers, Proparco1
Benoît FISSE, responsable du Développement, Gras Savoye (Courtier d’assureur)
Hermann KOUASSI, directeur exécutif de la CEADI (Club Economique et d'Affaires de la Diaspora Ivoirienne), en
collaboration avec Aimé KOSSONOU, directeur de la Communication au GNA, membre de l’Association des
Assurances de Côte d’Ivoire
Animations des débats : Mme Claude Fischer-Herzog, directrice des Entretiens Eurafricains
Claude Fischer rappelle que ce groupe de travail UE-Afrique(s) -créé en juin 2013 par ASCPE et Confrontations Europecompte désormais quelques huit cent cinquante membres. La 1ère conférence à Bruxelles en mars 2014 : le Sommet de
la société civile - Dialogue public-privé pour un renouveau du partenariat économique entre l’Europe & l’Afrique de
l’Ouest et du Centre - qui s’est tenu en marge du Sommet des chefs d’Etat d’avril 2014, a donné lieu à plusieurs
recommandations qui ont été adressées à mille cinq cents personnalités européennes et africaines.
Dans le prolongement, ASCPE a décidé d’organiser les Entretiens eurafricains à Ouagadougou (Burkina Faso) à la fin de
l’année 2015, avec le souci de faire se rencontrer plusieurs acteurs d’Afrique (Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire,
Ghana et Maroc) avec des acteurs d’Europe (France, Belgique, Pologne, Royaume-Uni et Allemagne). Cette initiative est
soutenue par le ministère français des Affaires étrangères, l’Union européenne et l’UEMOA.
Le thème des Entretiens eurafricains porte sur la réforme et la transformation des aides publiques afin qu’elles
deviennent un levier plus efficace de fonds privés, et que ces fonds publics et privés aillent s’investir sur les grands
projets d’infrastructures comme sur les projets de plus petite envergure.
L’assurance émerge comme un nouvel acteur pour mobiliser l’épargne, couvrir les risques, et comme investisseur de
long terme : elle représente un potentiel important pour le développement. A quelles conditions ? C’est à cette
question que sera consacrée notre réunion.
Frédéric Baccelli se réjouit de l’opportunité d’échanger sur le rôle et la place de l’assurance, notamment dans le cadre
des projets de financement des investissements. Il souhaite présenter rapidement le groupe Allianz et ce qu’il fait en
Afrique, avant de parler plus précisément de son implication en Afrique francophone au niveau de la zone CIMA
1
(Filiale de l'AFD dédiée au financement du secteur privé, PROPARCO a pour mission de favoriser les investissements
privés dans les pays émergents et en développement en faveur de la croissance, du développement durable et de
l'atteinte des Objectifs du Millénaire (OMD)
1
(Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances), et d’indiquer les enjeux de cette thématique, puis les facteurs
limitants de son développement, avant de conclure sur des pistes d’amélioration.
La présence d’Allianz en Afrique a débuté en Algérie il y a plus de cent ans, à travers sa filiale française, Les Assurances
générales de France. Le groupe est actuellement dans un cycle d’engouement, avec la volonté de se développer de
façon significative en Afrique. Il est présent dans quinze pays, du Maroc à l’Afrique du Sud en passant par l’Egypte, avec
une présence historique en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. Seize filiales sont pilotées depuis la holding
parisienne, dont Frédéric Baccelli est le directeur général : au Burkina Faso, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au
Togo, au Bénin, au Sénégal, au Cameroun, au Congo Brazzaville, en Centrafrique et à Madagascar. Elles représentent
cinq cents millions d’actifs -ce qui peut paraitre relativement faible à l’échelle du groupe Allianz mais qui est significatif
sur le marché- avec environ cinq cents collaborateurs.
Au niveau des activités, Allianz Africa possède cinq filiales vives, principalement établies dans les grands pays en
termes de marché d’assurance -Côte d’Ivoire, Cameroun, Burkina Faso, Sénégal et Madagascar- où l’ensemble du
panel des solutions d’assurance est offert aux grandes entreprises jusqu’aux activités de micro-assurances, avec
environ sept cent mille micro-assurés sur le territoire Ouest et Centrafricain (contrats d’assurance associés à des
micros crédits, offrant la garantie du capital en cas de décès).
En 2013, la taille du marché africain de l’assurance a été estimée par Allianz à soixante-douze milliards de dollars de
primes, dont 70% en assurance-vie. 80% des primes en Afrique concernent le marché sud-Africain et 10% celui du
Maghreb (dont le Maroc), ce qui ne laisse que 10% de l’activité d’assurance pour le reste du continent. Les marchés de
l’assurance en Afrique restent petits : pour tout le continent africain, il est inférieur au chiffre d’affaires d’Allianz, et hors Afrique du Sud et Maroc – il est inférieur au chiffre d’affaires d’Allianz France. Cela donne un ordre de grandeur du
marché africain, mais aussi du potentiel de croissance à venir.
Le marché de l’Afrique de l’Est totalise environ 1,8 milliard USD de primes -avec le marché kenyan qui représente 1,5
milliard USD de primes. L’Afrique de l’Ouest (hormis le Nigéria, et le Ghana) et l’Afrique Centrale réunissent 1,4 milliards
USD de primes, dont ¼ pour le marché assurance-vie. La zone de la CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés
d'Assurances pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale) est un exemple d’intégration sectorielle en matière
d’assurance. Créée en 1992, la CIMA regroupe les quinze pays de l’UEMOA et de la CEMAC avec un code d’assurances
unique et une autorité de contrôle commune basée à Libreville. Avec son bras armé, la CRCA (Commission Régionale
de Contrôle des Assurances), elle exerce un contrôle auprès des 163 compagnies d’assurances.
Le total des engagements estimé par la CIMA en 2013 est de 2,2 milliards €, dont environ 55% en assurance-vie, soit une
capacité contributive relativement limitée, en comparaison de l’estimation de la BAD et des besoins de financements
des infrastructures qui s’élèvent aux alentours de 100 milliards € par an. Les taux d’équipements (volume des primes
d’assurance) sont extrêmement faibles et représentent moins de 1% du PIB des quinze pays, là où l’Afrique du Sud
atteint plus de 16% (en Europe, moins de 10%) : il y a donc un potentiel de croissance important. La croissance du
marché de l’assurance sur les dix dernières années en zone CIMA est de 7,8% ; pour un assureur européen, cela peut
paraitre intéressant, mais cela reste tout de même relativement faible au regard de l’accroissement de la population
africaine et de la croissance moyenne du produit intérieur brut.
Plusieurs facteurs freinent la capacité contributive de l’assurance, le développement des marchés de l’assurance et
l’inclusion financière dans ces zones géographiques :
-les problèmes en matière d’incitation fiscale, de solutions technologiques pour la distribution d’assurances (trouver
des intermédiaires et de nouveaux canaux de distribution), de téléphonie mobile, etc… qui sont autant de défis pour
Allianz.
-La faiblesse des supports d’investissement dont disposent aujourd’hui les assureurs : les actifs admis en
représentation sont majoritairement orientés vers l’immobilier et vers les dépôts à terme bancaires. D’après les
données de la CIMA, ce sont 40% en valeurs mobilières, dont 20% sur des titres émis par les Etats membres de la zone
CIMA, 20% en actifs immobiliers, 40% en dépôts bancaires, et 20% en dette souveraine. On est donc encore loin d’un
investissement des actifs destinés aux financements de projets.
-La faiblesse des marchés d’action, une des difficultés que rencontre Allianz dans la gestion de ses actifs. Ainsi, par
exemple, le groupe, qui est le 3ème assureur de Côte d’Ivoire, est bien placé en termes d’assurance-vie, et il a déjà
investi une trentaine de titres d’actions en BRVM (Bourse régionale des valeurs Mobilières), là où il y a moins de 40
titres au total cotés en bourse.
-La faiblesse des marchés obligataires, tant en encours qu’en flux de transaction, et qui restent aujourd’hui largement
dominés par l’émission d’obligations souveraines ; cela provient aussi de la faiblesse des autres produits OPCVM
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(organismes de placement collectif en valeurs mobilières) autorisés par la CIMA en représentation des engagements des
assureurs en 2007 ; c’est aussi la naissance des fonds d’investissement en Afrique lors de l’évolution de la
réglementation CIMA.
-Enfin, la faiblesse des investissements mobiliers, directement liée à l’insécurité juridique de ces zones en termes de
titres fonciers : cela représente 20% des actifs des compagnies d’assurance liés à l’immobilier. C’est un sujet
important pour lequel il serait souhaitable que les Etats concernés puissent plancher.
Un autre facteur limitant provient d’une réglementation inadaptée, adoptée par la CIMA, par rapport au degré de
maturité des marchés financiers actuels :
-la CIMA a adopté un certain nombre de réglementations dans un objectif prudentiel de protection des bilans et dans
l’intérêt des assurés (notamment au niveau de l’assurance-vie). Pour exemple, une règle territoriale a été adoptée en
1999 qui impose que les actifs soient investis à hauteur de 50% au sein du territoire de l’Etat membre sur lequel les
risques sont souscrits ; cela limite la possibilité de réaliser des investissements pour des projets panafricains.
-De plus, la CIMA a adopté une autre règle dans les années 2010, avec un objectif de dispersion, pour que les actifs
soient investis dans des classes d’actifs suffisamment différentes afin de protéger le bilan et les intérêts des assurés.
Ainsi, il n’est pas possible d’investir plus de 40% d’engagements réglementés en valeur mobilière, ni plus de 40% en
droit immobilier, etc… C’est une copie de la réglementation française, et si cela a du sens pour un marché européen où
l’on retrouve tous les leviers des supports d’investissement, cela a beaucoup moins de sens pour un marché africain.
Alors qu’Allianz Africa est historiquement présent en Centrafrique (le groupe est le 1er assureur du pays et possède 50%
des parts de marché), il est très compliqué d’investir en Centrafrique sur le marché des valeurs mobilières ; de plus, une
règle de limitation ne permet pas d’investir au-delà d’un certain taux dans une même action.
Si toutes ces règles de protection peuvent se comprendre dans un marché mature de l’assurance, elles sont surtout
un frein pour les investissements en Afrique.
L’équipement et le développement de l’assurance en Afrique, comme l’assurance-vie, nécessiteront un accroissement
de l’information et de la sensibilisation auprès des populations, afin de permettre une inclusion financière du plus
grand nombre. Mais des sujets d’ordre culturel, sociologique, religieux, ou l’existence de mécanismes de solidarité,
font que l’assurance-vie, ou le principe de mutualisation de l’assurance, sont des concepts qui ne sont pas réellement
intégrés ni partagés par l’ensemble de la population.
En tant qu’assureur, Allianz Africa a la responsabilité de produire avec ses partenaires intermédiaires des produits
d’assurance adaptés aux besoins et aux caractéristiques des populations et de mettre en place une bonne gouvernance
des sociétés d’assurance en Afrique : pendant longtemps, l’assurance en Afrique a été associée à l’assurance automobile
obligatoire, ce qui représentait finalement une taxe, sans véritablement de valeur ajoutée. Tout un travail reste à faire,
en particulier auprès des populations qui n’ont pas accès aux réseaux financiers traditionnels, sur la valeur que peut
représenter un contrat d’assurance, d’où l’intérêt pour le groupe Allianz de travailler aussi sur la micro-assurance qui
représente un moyen d’apporter une véritable valeur aux assurés, tout en les engageant à comprendre les mécanismes
de l’assurance. Allianz Africa et Gras Savoye ont étudié différentes possibilités de mobiliser les flux financiers de la
diaspora, mais aucune solution efficace n’a été encore trouvée. La formation aux métiers de l’assurance nécessiterait
également un travail collectif de la part des compagnies d’assurance.
En termes d’amélioration de l’assurance en Afrique, les actions incombant aux Etats doivent s’orienter vers des
mesures d’incitations fiscales, tout comme vers la déductibilité des primes et des indemnités de fin de carrière, mais
aussi tendre vers une forme de sécurité fiscale pour les investisseurs institutionnels de l’assurance, le développement
des régimes complémentaires de retraites, etc…
Frédéric Baccelli rappelle que les assureurs sont tributaires du développement des marchés financiers ; aussi, tout ce
qui pourra permettre à ces marchés d’offrir des supports d’investissement aux assureurs sera bienvenu, malgré les
contraintes prudentielles pour éviter les faillites et les contraintes de gestion «actifs-passifs», en essayant de faire
correspondre la durée des engagements des assureurs vis-à-vis des assurés, avec la durée de vie des investissements
financiers, et d’avoir des supports qui permettent de répondre aux besoins des assurés. C’est en parvenant à réunir
l’ensemble de ces conditions que les assureurs pourront contribuer au mieux au financement des projets de
développement en Afrique.
Claude Fischer souhaite savoir si l’assurance en Afrique et les exigences prudentielles sont soumises à des règles
internationales. Elle interroge Frédéric Baccelli sur la mobilisation des ressources à travers l’innovation technologique
que représente la téléphonie mobile.
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Frédéric Baccelli confirme que les exigences prudentielles en zone CIMA sont régies par les règles de Solvabilité1.
Un des piliers de la stratégie d’Allianz Africa est d’essayer de développer des réseaux alternatifs de distribution avec le
mobile banking, de donner aux populations qui ne sont pas bancarisées un accès aux réseaux financiers traditionnels et
de répondre aux nouveaux besoins spécifiques de la classe moyenne émergente. Pour exemple, Vodafone et le mobile
banking sont un véritable succès au Kenya : le pays possède un taux d’équipement internet de l’ordre de 35 à 40% à
travers le smartphone et la tablette, qui génère près de 15 millions de transactions bancaires par jour pour 30 millions
d’habitants. L’idée est de proposer des supports d’assurance à travers le téléphone mobile (assurance épargne,
accident, décès, obsèques…). Ce type de commercialisation est en cours à Madagascar, en Côte d’Ivoire et au Burkina
Faso avec différents opérateurs de téléphonie.
Claude Fischer donne ensuite la parole à Hermann Kouassi, directeur exécutif de la CEADI (Club Economique et
d'Affaires de la Diaspora Ivoirienne)
Hermann Kouassi présente une intervention préparée avec Aimé Kossonou, directeur de la Communication au GNA,
membre de l’Association des Assurances de Côte d’Ivoire.
Il rappelle le rôle de la CIMA, créée à Yaoundé (Cameroun) en 1992 avec 14 pays, et la mise en place d’un traité avec un
code communautaire des assurances, entré en vigueur en 1995. Aujourd’hui, elles sont 163 compagnies d’assurance
(sociétés anonymes ou mutuelles) sur le marché de l’assurance-vie, de l’assurance non-vie, et de la capitalisation,
regroupées dans la FANAF, et l’OAA.
Le marché est dominé par des grands groupes étrangers comme AXA ou ALLIANZ, mais aussi des holding africaines
comme NSIA, COLINA ou SUNU… En forte croissance, le marché représentait 693,599 milliards de FCFA de chiffre
d’affaires en 2009, mais avec de fortes inégalités, trois pays représentant 60% des parts de marché : la Côte d’Ivoire, le
Cameroun, le Sénégal.
La Côte d’Ivoire est le 1er producteur de la branche vie avec 43,53% de parts du marché. Le secteur est très dynamique,
avec un fort potentiel, mais il est confronté à différents problèmes dont le niveau minimal de capitalisation, le modèle
d’allocation du capital et la réforme des pensions. Par ailleurs, en plus de la crise, la fiscalité dans le secteur des
assurances n’est pas attrayante, et le niveau des taxes supportées par les compagnies alourdissent leurs charges de
fonctionnement.
Hermann Kouassi a terminé son intervention par quelques propositions pour valoriser l’assurance (parmi lesquelles,
éduquer les populations, mieux utiliser le mobile, et engager la réforme fiscale), et en faire un produit d’épargne pour
l’investissement. (Voir sa présentation : les slides !)
Discussion avec la salle :
Christine Holzbauer, correspondante Afrique pour IC Publications, s’étonne des faibles chiffres qui ont été annoncés ici
concernant l’assurance auto, alors qu’au Mali par exemple, il existe un parc de dizaines de milliers de camions !
Benoît Fisse, responsable du Développement pour Gras Savoye, précise que l’assurance automobile au Mali représente
environ 50% du marché de l’assurance, auxquels il faut ajouter les nombreux véhicules en circulation qui ne sont pas
assurés.
Pour Frédéric Baccelli, l’assurance « offshore » pourrait aussi être une piste de développement du marché de
l’assurance en Afrique francophone, mais à ce jour, la CIMA impose à tout assuré de contracter une police d’assurance
auprès d’un assureur établi dans l’un de ses Etats membres. Il s’avère néanmoins que de nombreux projets
d’infrastructures sont directement assurés auprès du pays étranger responsable de leur réalisation.
Jessica Njaboum, juriste en contentieux des affaires et spécialiste du droit bancaire, remarque que les mécanismes
d’assurance existent depuis longtemps en Afrique ; en effet, les « tontines » sont un mécanisme par lequel les membres
d’une communauté épargnent et qui peut être aussi une source de financement.
Pour elle, le problème du développement de l’assurance conventionnelle en Afrique provient de la représentation que
les populations en ont, l’assurance n’étant pas intégrée dans les habitudes socio-culturelles de l’Afrique. Un travail de
sensibilisation auprès des populations serait donc souhaitable pour expliquer ce qu’est réellement une assurance, et
quels sont les avantages à contracter une police d’assurance plutôt que de rester dans le secteur informel.
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Face aux différences culturelles, sociologiques ou religieuses, Frédéric Baccelli reconnait tout le travail de pédagogie
qu’il reste à accomplir auprès des populations africaines pour expliquer les mécanismes d’assurance. Allianz Africa a pu
sensibiliser efficacement une partie de la population sénégalaise à la micro-assurance, et notamment les femmes qui
ont été un excellent vecteur pour diffuser la connaissance des mécanismes d’assurance auprès du plus grand nombre.
Frédéric Baccelli prend ensuite pour exemple les pilotes d’assurance agricole au Mali et au Burkina Faso, où Allianz
Africa assure les récoltes contre les risques de sécheresse, à travers une assurance indicielle basée sur des mesures
d’évapotranspiration des terres depuis un satellite ; au-delà d’un certain seuil, l’assurance garantit alors le
remboursement du coût des intrants auprès des agriculteurs.
Claude Fischer rappelle qu’un important colloque initié par FARM (Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le
monde) a eu lieu en 2014 sur le thème de « La micro assurance agricole en Afrique de l’Ouest - réalités et perspectives »
(voir ici le communiqué de presse du colloque).
Intervention de Benoît Fisse, responsable du Développement à Gras Savoye.
Benoît Fisse se présente comme courtier d’assurance : il réalise du conseil d’intermédiation et de gestion pour le
compte des compagnies d’assurance. Gras Savoye est présent depuis une cinquantaine d’années sur le continent
africain dans 31 pays où il emploie un millier de salariés ; si le groupe est historiquement présent au Maghreb et en
Afrique de l’Ouest, il s’est développé depuis dix ans au Ghana et en Afrique de l’Est, puis récemment au Nigéria, avec la
perspective de s’étendre en Tanzanie.
La superficie globale de l’Afrique est comparable à la somme des surfaces des USA, de la Chine, de l’Inde, de l’Europe
occidentale, du Japon et du Mexique réunis rappelle-t-il (voir : la taille imposante de l’Afrique). L’Afrique est un
continent dans lequel on trouve toute la complexité du monde de l’assurance, avec autant de marchés d’assurance
qu’il existe de pays africains, même si la zone CIMA reste un bel exemple d’intégration régionale. Cela engendre donc
des spécificités locales, régionales et continentales : le Maghreb n’est absolument pas unifié, l’Afrique de l’Est comporte
une multitude de communautés différentes, l’Algérie comme l’Ethiopie sont des pays où les investisseurs étrangers ne
sont pas les bienvenus, et des pays comme le Nigéria ont un capital concernant les assurances qui est détenu à 100%
par l’Etat. La zone CIMA en Afrique francophone reste un exemple unique, mais en termes d’assurance offshore, la zone
CIMA oblige à assurer une partie du risque de façon locale à hauteur de 25% minimum avec une tendance générale au
renforcement des capacités locales. En Angola, l’assurance publique est réservée à la société nationale ; la RDC qui
représente un énorme marché de l’assurance avec plus de 80 millions d’habitants, ne possède qu’un seul assureur qui
de plus est complètement désorganisé. D’autres pays enfin imposent de passer par un guichet national pour effectuer
de la réassurance.
D’une façon générale, le marché de l’assurance en Afrique est attractif et il offre une réelle rentabilité aux assureurs :
il représente environ 20% de croissance annuelle, en particulier en ce qui concerne l’assurance des personnes
(assurance-santé, épargne, retraite) et il a un taux de pénétration supérieur au taux de croissance économique.
L’assurance-épargne représente à elle seule 13% du chiffre d’affaires de Gras Savoye (qui, au-delà de l’Afrique, est aussi
présente en Asie du Sud-Est, au Vietnam, au Cambodge, ainsi que dans les zones Nord et Sud du Moyen-Orient). En
Afrique, Gras Savoye assure essentiellement des PME et des multinationales implantées localement, mais assez peu de
particuliers.
Pour Benoît Fisse, l’épargne se présente sous trois grands aspects en Afrique :
-le secteur formel, national ou international, dans lequel les entreprises souhaitent assurer leur personnel sous forme
de couverture sociale (assurance-accident, santé, décès…) mais aussi leur offrir une possibilité d’assurance-épargne.
-Le secteur de la micro-assurance est en développement, même s’il pose encore de nombreuses difficultés
essentiellement d’ordre culturel et sociologique, et de fait, n’offre pas encore de retour stable et équilibré.
-Enfin le secteur informel, avec un potentiel de développement important pour le marché de l’assurance, à condition de
de savoir capter l’adhésion des populations.
Benoît Fisse voit dans le mobile un moyen d’information, de communication et de publicité, mais en termes
d’assurance, il ne s’adresse pas à toutes les branches. Au Kenya, le mobile est utilisé comme moyen de paiement, mais
celui-ci n’offre pas encore de visibilité pour gérer de l’épargne. Il conclut en rappelant que si l’Afrique génère
aujourd’hui beaucoup d’engouement de la part des investisseurs, il est important de rester serein, voir prudent, car
son développement économique demandera à tous d’être constants dans l’effort, et non pas de partir quand survient
une crise, ni de s’emballer quand la croissance est là.
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Claude Fischer souhaite connaitre les types de risques que couvrent les assureurs au niveau des projets
d’investissement, et quels sont les secteurs dans lesquels des projets de développement seraient financés par les
assureurs en Afrique. Quels sont les acteurs africains qui pourraient être des alliés en tant qu’investisseurs auprès des
assureurs ?
Benoît Fisse : les financements d’investissement avec des produits d’assurance sont assez limités, ou alors ils le sont de
manière contrainte et forcée comme au Sénégal avec des participations dans la compagnie aérienne nationale. Les
produits d’assurance peuvent parfois financer des projets dans le secteur de l’immobilier, mais ce n’est pas la fonction
de Gras Savoye. Les investisseurs en Afrique sont majoritairement africains, la part des IDE (Investissement Directs
Etrangers) ne représentant que 10 à 15% du total des investissements. Si les grands projets d’infrastructures sont
souvent réalisés par des bailleurs de fonds internationaux, de nombreuses banques et groupes industriels panafricains
se sont constitués ces dernières années et investissent désormais dans l’immobilier et dans les grandes chaines
hôtelières.
Frédéric Baccelli : les compagnies d’assurance assurent des projets de développement pour des équipements en
électricité, en eau, etc..., mais leur participation aux financements pour un projet d’infrastructures est confrontée à une
question territoriale, car pour prétendre à une telle participation, il faut que le projet en question soit piloté par un
fonds d’investissement purement africain, et donc de droit local. Une autre question est le montant des fonds que les
compagnies d’assurance sont capables d’injecter dans ce type de projets d’infrastructures, car ceux-ci réclament des
fonds élevés de la part des investisseurs institutionnels.
Olivier Raiga-Clémenceau, d’ETI Finances, cherche à connaitre le rôle des assureurs africains dans le développement de
l’épargne-retraite, puis à comprendre quelle est la situation de la bancassurance en Afrique.
Benoît Fisse : au niveau de la bancassurance, il n’y a pas une banque qui viendra en Afrique avec une approche
continentale pour proposer un produit d’assurance clé en main sur le modèle européen. Elle doit être à l’écoute des
besoins spécifiques de l’Afrique, et observer ce qui se pratique déjà ; il est difficile de calquer une assurance pour la
transposer à l’Afrique qui permette de couvrir par exemple la perte d’un trousseau de clés, l’assurance bagages, etc… Ce
qui fonctionne, ce sera plutôt l’assurance-santé, les besoins de financement pour la scolarité et les études des enfants,
ainsi que l’assurance-décès adossée au crédit.
Le principe même de la bancassurance n’est pas encore vraiment rentré dans les mœurs des banques panafricaines,
cela est dû à un problème de gouvernance et à un manque de volonté. Au niveau de l’assurance-épargne en zone CIMA,
des dérogations commencent à voir le jour pour essayer d’obtenir des placements mieux sécurisés en réassurance.
Frédéric Baccelli : la bancassurance est le principal vecteur de distribution des produits d’épargne et de prévoyance,
notamment l’assurance-décès associée à un crédit. Aujourd’hui, 63% de l’activité d’Allianz se fait à travers la
bancassurance, avec 80% d’épargne et 20% de prévoyance. Les 20% de prévoyance sont associés à de l’assurance-décès
et du crédit, voir du micro-crédit ; les 80% d’épargne sont essentiellement liés à l’activité salariée.
La législation issue de la CIMA est une première expérience d’intégration sectorielle beaucoup plus développée qu’en
Europe, avec un corps de contrôleurs capable de réaliser des vérifications sur l’ensemble des filiales, dans un cadre
réglementaire visant à protéger l’intérêt des assurés. Dans le processus d’adoption de ses textes, la CIMA ne réalise pas
d’études d’impact, mais elle a tendance à coller des dispositifs (ex. des règles de dispersion) qui s’appliquent sur des
marchés qui n’ont rien à voir, en termes de maturité et de complexité, avec les marchés africains.
Frédéric Baccelli se dit être en désaccord avec la CIMA concernant la micro-assurance, exigeant que le capital minimum
pour les sociétés proposant de la micro-assurance soit deux fois supérieur à celui du capital minimum pour les sociétés
d’assurance. La philosophie d’Allianz en matière de micro-assurance est de proposer ce type de contrat en le
considérant comme tous les autres ; ce n’est pas parce que la prime rattachée à un contrat de micro-assurance est de
1€/an, contre plusieurs centaines d’euros pour les autres contrats, que l’approche prudentielle doit être différente.
Par ailleurs, le projet d’augmentation du taux de rétention locale (fixé actuellement à 25% avec la possibilité de céder
jusqu’à 75% des primes à des réassureurs étrangers), risque de favoriser le développement de l’assurance offshore ; en
effet, si cette idée part d’un bon sentiment, dans les faits, l’assurance des grands risques, nécessaire aux projets
d’infrastructures par exemple, nécessitera des capacités financières que n’ont pas les compagnies du marché local. Ceci
dit, de nombreux progrès ont été réalisés dans la gouvernance et le pouvoir de contrôle de la CIMA : elle effectue de
nombreux retraits d’agréments auprès des sociétés d’assurance qui n’appliquent pas ses règles, et inflige des sanctions.
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Depuis 2013 et l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation, la CIMA a dé-risqué les bilans d’un certain nombre
de compagnies, là où le taux d’impayés dans la zone représentait 50% du chiffre d’affaires, soit une demie année
d’impayés dans le bilan des sociétés d’assurance.
Pour Hermann Kouassi, s’il est facile pour une compagnie d’intégrer le marché de l’assurance en Afrique, il reste très
complexe à appréhender dans son ensemble : en effet, une grande majorité de la population n’est pas encore apte à
s’assurer ; il en est de même pour le taux global de bancarisation qui n’avoisine que 20%.
De nombreuses personnes ne comprennent pas l’intérêt de s’assurer, et ceux qui le font ont souvent recours à des
assurances automobiles minimales. De plus, la crédibilité d’une garantie de prise en charge en cas de sinistre est
régulièrement remise en question au vue de sa durée excessive (2 ans en moyenne dans la zone CIMA), voire tout
simplement inexistante. Malgré tout, certaines compagnies d’assurance tendent à adapter leurs offres aux différentes
catégories de la population, et des études d’impacts seront nécessaires pour comprendre les systèmes sociologiques
existant en Afrique.
Mary Alexis, présidente d’UTPM (Union de Terre Pacifique Monde), remarque que le thème du développement n’a pas
été réellement abordé, alors que dans le cadre des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), les
compagnies d’assurance pourraient jouer un rôle pour l’épargne et le développement. Celles-ci gagneraient à
démarcher les femmes, et cibler les actions répondant aux besoins spécifiques des différentes catégories de la
population africaine.
Sékou Soumah, président du cercle Agir pour la Guinée (Conakry), souhaite connaître les critères spécifiques de
développement des assureurs et quels sont leurs interlocuteurs ? Est-ce les Etats ? Dans la plupart des Etats africains, la
centralisation du pouvoir fait que les Etats ne savent pas ce que vivent les populations. Aussi, il se demande de quelle
façon les assureurs analysent les différents besoins en assurance des populations.
Pour lui, la prise en charge des sinistres automobiles par les assureurs en Afrique est un réel problème : celle-ci est
très souvent inefficace, ce qui discrédite la valeur de l’assurance. En tant qu’administrateur d’une société de location
de véhicules, il a eu à faire jouer l’assurance qu’il avait contractée pour un seul sinistre, mais après de longs mois
d’attente, aucune prise en charge n’a eu lieu. De fait, il aimerait savoir si les compagnies d’assurance qui sont présentes
font des évaluations afin de comprendre les causes de non prises en charge, pour pouvoir en améliorer le cadre.
Hélène Egger, conseillère en consommation pour Consodev, souhaite connaitre la part du budget des compagnies qui
est consacré à la sensibilisation des populations à l’assurance.
Pour Rainer Geiger, directeur du CID (Centre d’Investissement durable en Afrique), il serait intéressant d’avoir une
réflexion approfondie entre la répartition des risques inhérents au secteur public et au secteur privé, afin de savoir
quels sont les risques qui sont assurables : risques économiques, politiques, climatiques, sinistres, etc. ; et savoir
également si le type d’assurance doit être individuel ou indiciel. Dans le cas d’assurance agricole, il peut être utile de
créer des filiales intermédiaires de compagnies d’assurance répondant aux besoins des coopératives. De plus, face
aux risques de chute des prix des produits agricoles, Rainer Geiger aimerait savoir si des systèmes de garantie
capables de couvrir ces risques existent au sein des Etats, et il serait personnellement très intéressé de pouvoir en
discuter avec les compagnies d’assurance et les collectivités territoriales africaines.
Claude Fischer questionne Frédéric Baccelli : pour quelle raison refuse-t-il de différencier la micro-assurance de
l’assurance alors que celle-ci nécessite des réglementations spécifiques pour pouvoir se développer ?
Frédéric Baccelli : Allianz Africa pratique la micro-assurance depuis plusieurs années, avec un capital d’un milliard de
FCFA, mais la nouvelle réglementation CIMA impose désormais d’obtenir un agrément supplémentaire, ce qui est tout à
fait illégitime, car la micro-assurance représente bien une forme d’assurance.
Concernant les risques agricoles, l’enjeu est important pour les assureurs qui doivent s’associer avec les Etats et les
ONG, tout en continuant à assurer les entreprises, s’adapter aux besoins des classes émergentes et répondre aux
nécessités des besoins du secteur informel.
Fréderic Baccelli confirme qu’Allianz, comme d’autres acteurs de l’assurance, analyse sur le terrain les besoins
spécifiques locaux afin de proposer des produits adéquats, et de sensibiliser les femmes dans les régions rurales.
D’une manière générale, le souhait d’Allianz Africa est d’élargir ses supports d’investissement au-delà de la zone CIMA.
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Intervention de Jérémy Brault, chargé d'investissement à PROPARCO
Jérémy Brault : en tant qu’institution de développement, Proparco a fait de l’assurance son nouveau
secteur d’intervention qui permet de sécuriser la croissance et le développement durable d’un pays, tout en
l’assurant contre les aléas de la vie, les accidents climatiques, etc… Le financement du secteur productif et des
infrastructures reste la priorité de Proparco, mais l’assurance-vie, notamment en mobilisant l’épargne locale
pour la réinvestir dans le développement, parait un enjeu considérable. S’agissant de ses stratégies
d’intervention, Proparco essaie à la fois de pallier aux deux composantes du problème : dynamiser la
collecte de l’assurance-épargne, mais aussi les opportunités de placement. La difficulté de la collecte est liée
aux facteurs socio-culturels et ne doivent pas être négligés ; les produits d’épargne doivent être adaptés aux
contextes africains, et non pas être répliqués du modèle occidental qui est une forme d’épargne individuelle,
alors qu’on est ici dans un contexte intergénérationnel et familial. Avec la croissance économique en Afrique,
les sociétés s’individualisent, et on peut estimer qu’à moyen ou à long terme, on tendra vers une société
d’assurance plus individuelle ; malgré tout, la réalité est aujourd’hui plutôt axée sur une solidarité
intergénérationnelle. Le nombre d’assurés est clairement sous-évalué, en grande partie à cause de
l’importance du secteur informel et des « tontines » qui représentent une part significative de l’assurance
collective en zone CIMA. Pour les assureurs, il est important de travailler à l’innovation des produits pour
inciter les populations à passer du secteur informel vers le secteur formel. Pour toute la partie de la
population qui n’est pas bancarisée, la confiance qui est accordée au sein du cercle familial est plus élevée
que celle qui peut être accordée aux sociétés d’assurance régionales, voire internationales. Si la CIMA a
procédé à certains retraits d’agréments, ce n’est pas encore suffisant car compte-tenu de l’assiette globale
dans la zone, le nombre de compagnies d’assurance présentes est toujours très élevé. Mais on peut s’attendre
à une consolidation du secteur pour les compagnies qui sauront être les plus fiables, ainsi qu’un
accroissement de la confiance des populations pour l’assurance.
La Banque Mondiale estime que 20 à 40% de l’épargne africaine est délocalisée. Si cela est parfois légitime
dans le cas des travailleurs expatriés, les classes aisées africaines qui souhaitent se protéger contre les risques
du change monétaire, ou qui veulent avoir accès à des supports d’investissement plus diversifiés, ont
tendance à porter leur confiance vers les compagnies internationales : c’est donc une partie de la collecte de
l’épargne africaine qui est investie sur les marchés étrangers. Face à ces constats, Proparco cherche à
développer la bancarisation et l’assurance pour les populations les plus vulnérables, et soutient le secteur
de la micro-assurance : Proparco a investi dans le capital de plusieurs sociétés de micro-assurance en
Afrique, mais aussi dans le reste du monde. Le principal avantage de la micro-assurance est la proximité avec
la clientèle, la possibilité d’expliquer les produits tout en s’adaptant aux revenus des populations concernées.
La microfinance offre des produits différents, et cela requiert une assistance technique pour former les agents
localement (financement d’études juridiques pour obtenir des contrats adaptés d’études actuarielles locales
adaptées à la population ; financement en technologies de l’information, etc...). Proparco travaille aussi avec
les sociétés d’assurance existantes : sa stratégie sera ici la consolidation du secteur pour renforcer le capital
de ces sociétés, mais aussi de renforcer la confiance des populations dans ces sociétés, leur permettre une
extension géographique, d’investir dans un réseau d’agences d’assurance de proximité mais aussi de
banques.
Pour Jérémy Brault, parvenir à canaliser l’assurance dans les projets de développement reste complexe, en
particulier en zone CIMA. Mais il y a des marchés financiers africains qui fonctionnent bien, comme en Afrique
du Sud, au Nigéria, au Kenya et en Tanzanie. En zone CIMA, la BRVM (Bourse régionale des valeurs mobilières,
commune aux 8 pays de l’UEMOA) représente moins de 10 milliards € de capitalisation, contre 54 milliards € au
Nigéria ; et si l’on raisonne sur les 8 pays de la zone CIMA, le nombre de titres côtés se compte sur les doigts
d’une seule main ! Pour les compagnies d’assurance, les perspectives d’investissement pour financer les
entreprises sont extrêmement limitées. Proparco essaie de participer à ce mouvement d’ouverture des
marchés financiers, mais pour réussir ces projets de financement, il faut que les entreprises puissent émettre
localement des obligations et qu’elles parviennent à capter l’épargne locale pour se passer des financements
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internationaux, cela dans le but de réduire le coût du capital et des financements. La relation entre
développement et marché financier développé est très élevée. A travers des projets embryonnaires,
Proparco tente de participer au développement du marché financier en Afrique francophone. L’agence
travaille actuellement avec une société de gestion d’actifs pour créer le 1er fonds commun de placement à
capital garanti qui permettra à des sociétés d’assurance d’investir dans des FCP (Fonds communs de placement)
tout en captant de l’épargne à long terme, pour ensuite la réinvestir dans des entreprises locales. Proparco
participe également à des fonds de private equity avec pré-introduction en bourse (Capital-investissement
désignant une forme spécifique d’investissement institutionnel dans des entreprises privées, avec comme objectif de
financer leur développement, leur transformation et leur expansion), pour permettre à des PME d’accéder au
marché financier et de ne pas être uniquement tributaires des banques, mais aussi de pouvoir accéder
directement à l’épargne, tout en réduisant le coût de leur capital et ainsi étendre leurs opérations. Le
développement du nombre de sociétés cotées permettra d’obtenir un marché plus liquide, ainsi que des
perspectives d’investissement pour les sociétés d’épargne-retraite et d’assurance-vie à long terme.
L’extension des horizons de placement pour l’épargne est très difficile sur la zone CIMA ; celle-ci prendra du
temps compte-tenu des contraintes réglementaires, mais aussi parce qu’il est nécessaire d’expliquer ces
nouveaux produits aux autorités de régulation ; de plus, le cadre réglementaire est calqué d’après des
marchés qui sont déjà développés et il n’est pas vraiment adapté au contexte africain.
Au niveau de l’intégration régionale en zone CIMA : sur 39 sociétés cotées à la bourse BRVM, 36 d’entre-elles
sont d’origine ivoirienne ; ainsi pour un pays comme le Togo, et compte-tenu des règles de diversification, les
possibilités de placement dans l’industrie ivoirienne sont très limitées. Il est nécessaire de travailler également
en faveur d’une incitation fiscale pour l’assurance-vie, afin de limiter le phénomène de délocalisation de
l’épargne, car il existe en zone CIMA un empilement fiscal pour l’assurance-vie qui contraint fortement la
collecte de l’épargne ; l’incitation à l’épargne et sa collecte à long terme permettraient de la réinjecter aussi
dans l’économie réelle en faveur de la croissance. Les systèmes financiers publics comme privés sont
nécessaires au développement en Afrique, mais les aides en faveur d’un amorçage financier, comme
l’assistance technique pour réaliser des études de faisabilité économique, ou des études juridiques pour
inciter les sociétés privées à venir investir en Afrique, sont également nécessaires. Proparco prépare aussi la
mise en place d’un produit qui va permettre de lier emprunt agricole et assurance agricole, pour permettre
à un agriculteur faisant face à un sinistre de ne pas rembourser ponctuellement son échéance de prêt.
Claude Fischer : qui sont les réassureurs aujourd’hui en Afrique ?
Frédéric Baccelli : il existe des réassureurs panafricains comme Africa Re (African Reinsurance Corporation),
Ghana Ré, Kenya Re, etc… pour lesquels certaines compagnies d’assurance sont actionnaires, et dont les
législations locales leur imposent généralement de céder une partie de leurs activités lors d’un investissement
dans le pays ; l’ensemble des réassureurs internationaux sont également présents, comme Scor, Suisse Re,
etc. qui développent aussi des activités en Afrique, telle que l’assurance et la réassurance agricoles.
Discussion avec la salle :
Céline Colin, analyste des politiques pour le Centre de Développement de l’OCDE, s’interroge sur l’efficacité
de la couverture des risques, et qui donne une image négative aux compagnies d’assurance : comment
comptent-ils améliorer la protection de l’assuré ? De quelle façon la CIMA où les Etats peuvent-ils faire
appliquer la rétention locale de 25%, existante dans les textes mais qui n’est que très peu appliquée ?
Christine Holzbauer s’étonne que les produits d’investissement soient encore trop peu nombreux pour les
assureurs en Afrique, quand le secteur de l’immobilier, et en particulier celui des logements sociaux,
représente pourtant de l’épargne à long terme en adéquation avec les besoins locaux ; de plus, face
l’émergence d’une classe moyenne africaine, les Etats de la zone CIMA ont tous de grands projets de
logements sociaux ! Qu’en est-il des intentions des assureurs à ce sujet ? En matière d’assurance préventive,
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témoigne-t-elle, Jean-Luc Konan a créé la société Cofina, une compagnie financière africaine de méso
finance qui octroi des prêts allant de 10 à 100 millions de FCFA; il doit ouvrir d'ici 2015 de nouveaux
établissements destinés aux PME-PMI africaines (formelles comme informelles) dans plusieurs pays de
l'espace UEMOA. Basée à Dakar, la société Cofina est déjà active en Guinée et en Côte d'Ivoire, et son
fondateur ambitionne de couvrir seize pays d'Afrique francophone d'ici 2020. Pour Cofina, une PME qui
souhaite obtenir un prêt doit être obligatoirement assurée, et il y a là un marché potentiel de développement
pour l’assurance. Pour C. Holzbauer, il serait souhaitable que les compagnies d’assurance soit novatrices en
matière d’épargne-retraite, afin de proposer des produits attractifs et mieux rémunérés.
Frédéric Baccelli confirme que la stratégie d’Allianz Africa est axée sur le développement géographique et
l’innovation ; cela passe par une adaptation des offres d’assurance aux besoins spécifiques. Concernant le
secteur de l’immobilier, le groupe Saham (Maroc) a lancé récemment des opérations de logements sociaux en
Côte d’Ivoire, mais Allianz Africa a atteint son quota avec 40% d’actifs en vigueur dans ce pays et ne peut donc
plus investir dans ce secteur. D’autres problèmes limitent l’investissement dans l’immobilier, comme les
problèmes de sécurité juridique sur les titres fonciers au Cameroun par exemple. La protection du
consommateur est du ressort de la CIMA (en zone UEMOA) et des compagnies d’assurance qui dépendent
dans chaque pays du ministère des Finances, pour réaliser des contrôles et s’assurer de la qualité du service ;
à cette fin, la CIMA a mis en place un certain nombre d’indicateurs pour mesurer les délais de règlement des
sinistres. Les marges de progression en Afrique restent importantes pour les assureurs, car pendant
longtemps, les assurés achetaient leur certificat d’assurance auto obligatoire afin d’être capables de le
présenter en cas de contrôle routier, sans pour autant être certains d’être couverts en cas de sinistre.
L’arrivée d’assureurs étrangers sur le continent africain s’accompagne de standards internationaux en termes
de conformité, et cela participe à augmenter la crédibilité de l’assurance. Un autre point est la question de la
sécurité financière associée aux compagnies d’assurance ; il existe des entreprises et des clients
internationaux qui, dans leurs règles de classement, recherchent des assureurs possédant une dotation et un
degré minimum de sécurité, mais la règle de rétention globale des « 25/75 » s’oppose parfois à ce principe de
sécurité.
Benoît Fisse précise que le marché de l’assurance en Afrique se développe à travers des branches obligatoires
comme l’automobile, mais aussi à travers l’assurance maritime, les exportations, ou l’assurance habitation
dans certains pays, avec parfois une assurance décennale. Il s’agit là d’une sécurisation des investissements
sur du moyen et long terme qui protège l’investisseur comme l’entreprise.
Claude Fischer : l’assurance en Afrique reste encore un secteur assez faible, comme avec 1700 emplois en
Côte d’Ivoire. Existe-t-il des écoles de formation de l’assurance ? Comment et par qui sont couverts les risques
liés au climat, aux catastrophes naturelles, et aux épidémies ?
Benoît Fisse : Il n’y a pas de contrats d’exclusion pour les épidémies en tant que telles, et les risques liés aux
catastrophes naturelles, comme celles qui touchent le monde agricole sont couverts par les polices
d’assurance. Concernant les grands risques politiques et terroristes, des contrats d’assurance peuvent être
souscrits en dehors du continent africain.
La prochaine rencontre du groupe UE-Afrique(s) aura lieu le 22 mai 2015, au Bureau du Parlement Européen
à Paris sur le thème de :
La valorisation des projets productifs et humains (réalité des projets décentralisés et interconnectés dans les
chaînes de valeur régionales et internationales, et les conditions de leur réalisation)
Avec la participation de Etienne GIROS, président délégué du CIAN, Amadou HAMA MAÏGA, directeur de 2iE,
Burkina Faso, Peter OWUSA MANU, conseiller économique de l’Ambassade du Ghana, Nicolas SUREAU, du
groupe EIFFAGE, un représentant de SCHNEIDER ELECTRIC, et un représentant de la BEI.
(Y. Fischer – ASCPE Les Entretiens Eurafricains – Avril 2015)
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