Infirmier Patient

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HEC MONTRÉAL
La distance relationnelle dans un contexte de télésurveillance à domicile
par
Thomas Micheneau
Sciences de la gestion des Technologies de l’Information
Mémoire présenté en vue de l’obtention
du grade de maîtrise ès sciences
(M. Sc)
Décembre 2012
© Thomas Micheneau, 2012
i
ii
SOMMAIRE
La télésurveillance à domicile est un nouveau processus de soin permettant de suivre
un patient à distance en utilisant un artéfact TI (une technologie, telle une tablette ou
un téléphone). Ce processus permet des économies financières et le maintien ou
l’amélioration du niveau de santé du patient (Paré, Sicotte et al., 2012). Cependant
aucune recherche ne précise l’impact de la télésurveillance sur la relation, ce qui
laisse place à débat sur une possible déshumanisation ou dépersonnalisation du soin.
Au Canada, le Conseil National pour la télésanté (NIFTE : National Initiative For
TeleHealth) affirme qu’il n’existe pas de consensus sur l’amélioration ou le déclin de
la relation soignant-soigné vis-à-vis de la médecine traditionnelle. (Consortium de
recherche NIFTE, 2003).
Cette étude vise donc à explorer l’influence de la télésurveillance à domicile sur la
relation entre l’infirmier et son patient. Pour qualifier cette relation, nous avons utilisé
le concept de distance relationnelle qui reflète la séparation qui existe entre deux
individus. Puis, nous avons interrogé des patients et des infirmiers au sein d’une
institution pionnière en télésurveillance au Québec : le Centre de Santé et Services
Sociaux (CSSS) Jardin Roussillon.
La revue de littérature effectuée dans ce mémoire permet de comprendre ce qu’est
une relation humaine, d’énoncer les particularités de la relation infirmier-patient, puis
de définir le concept de distance relationnelle. Ce concept est évoqué de manière
éparse par la littérature. Cette revue nous permet de conclure sur l’absence d’étude
relative à la distance relationnelle et de construire un cadre conceptuel représentant
l’ensemble des perspectives et dimensions de la distance relationnelle. Ce cadre a
servi de guide dans la collecte de données.
La collecte de donnée correspond à l’analyse du cas du CSSS Jardin Roussillon. Nous
avons réalisé des entrevues avec infirmiers, patients et adjointe à la direction
infirmière et consulté des documents et données prélevés lors de précédentes études
sur le terrain.
Cette recherche est la première à appliquer le concept de distance relationnelle à un
contexte infirmier. Elle comporte évidemment certaines limites liées à la méthode
d’analyse utilisée. D’autres recherches sont nécessaires afin de comprendre
Sommaire
iv
l’ensemble des éléments qui entrent en compte dans une relation en télésurveillance.
Il faudrait notamment étudier les interactions entre l’infirmier et le reste du réseau de
la santé, les raisons qui expliquent l’apprentissage ou non du patient, et le profil
d’infirmier qui correspond à la télésurveillance.
Pour les professionnels de la santé, il faut rester vigilant aux critères de recrutement et
à la formation tant du patient que de l’infirmier. Deux profils de patients se dégagent
de cette recherche et, dans une perspective de mieux répondre à leurs besoins, le
choix entre télésurveillance ou soins à domicile ainsi que d’autres attributs du soin
(comme sa durée, sa fréquence…) devraient se faire en fonction de ces profils. De
plus l’établissement d’objectifs de santé avec le patient, et ce, dès le début du soin
permettrait de favoriser leur motivation. De son côté, l’infirmier devrait être recruté
davantage selon sa capacité à motiver le patient et à résoudre des problèmes (Suter,
Suter et al., 2011). Pour terminer, une amélioration possible de la technologie utilisée
serait d’y ajouter une caméra. Cela permettrait d’aider l’établissement du lien de
confiance entre infirmier et patient.
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES TABLEAUX
VII
VIII
AVANT-PROPOS
IX
Préface
ix
Remerciements
x
Note de l’auteur
xii
INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE
1
1.1 Mise en contexte et problématique
1
1.2 Contributions
8
1.3 Structure du mémoire
9
CHAPITRE 2 : REVUE DE LITTÉRATURE ET CADRE CONCEPTUEL
10
2.1 Relation interpersonnelle
11
2.2 Distance relationnelle
23
2.3 Télésurveillance
42
CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE ET PRÉSENTATION DU CAS
47
3.1 Épistémologie et conception de l’étude
47
3.2 Site et technologie utilisée
49
3.3 Sources des évidences
52
CHAPITRE 4 : ANALYSE ET DISCUSSION
56
4.1 Éléments concernant le patient
57
4.2 Éléments concernant l’infirmier
76
4.3 Synthèse et ouverture
86
CHAPITRE 5 : CONCLUSION
96
5.1 Rappel des objectifs de l’étude et résultats
96
5.2 Limites de l’étude et implications pour la recherche
98
5.3 Implications pour la pratique
100
Table des matières
vi
GLOSSAIRE
103
RÉFÉRENCES
105
Images
ANNEXES
117
118
I.
Liste des besoins de Virginia Henderson (2003)
118
II.
Tableau non exhaustif sur les éléments influencés par la distance
119
III. Entrevue avec le professionnel infirmier
123
IV. Entrevue avec le patient
125
V.
127
Processus de soin en télésurveillance
VI. Processus de soins traditionnels
129
vii
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 Plan de la revue de littérature ...................................................................................... 11
Figure 2 : Représentation schématique de la relation selon Husserl ....................................... 13
Figure 3 : Représentation schématique de la relation humaine selon Kant ............................. 14
Figure 4 Modalités de la création d'une relation, comparaison entre télésurveillance
et relation traditionnelle .......................................................................................................... 15
Figure 5 : Schéma de la théorie d'atteinte des objectifs de King.............................................. 18
Figure 6 : Processus de soin selon la théorie des relations Humains à Humains de
Travelbee.................................................................................................................................. 19
Figure 7 : Dimensions de la distance relationnelle, définition et types associés ...................... 27
Figure 8 : Dimensions et types de distance de la perspective structurelle ............................... 28
Figure 9 : Dimensions et types de distance selon la perspective psychologique ...................... 35
Figure 10 : Cadre conceptuel.................................................................................................... 40
Figure 11 : Représentation graphique des niveaux confiance que porte le patient
envers son infirmier en soins à domicile ou en télésurveillance selon le temps ....................... 62
Figure 12 : Représentations graphiques types réalisées par les deux profils de
patients interrogés ................................................................................................................... 73
Figure 13 : Représentation graphique de l'évolution des deux profils de patients en
télésurveillance selon le temps ................................................................................................ 74
Figure 14. Cadre d’analyse proposé ......................................................................................... 95
Figure 15 : Processus de soins en télésurveillance ................................................................. 127
Figure 16: Processus de soins traditionnel ............................................................................. 129
viii
TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Récapitulatif des principaux concepts de la relation (Humaine et
Infirmière) .................................................................................................................................. 21
Tableau 2 : Sommaire des auteurs mentionnant les dimensions de la perspective
structurelle ................................................................................................................................. 34
Tableau 3 : Sommaire des auteurs mentionnant les dimensions de la perspective
psychologique ............................................................................................................................ 39
Tableau 4 : Tableau comparatif des soins à domicile et de la télésurveillance .......................... 44
Tableau 5 : Récapitulatif du concept de confiance pour le patient ............................................ 62
Tableau 6 : Récapitulatif du concept de capacité et volonté pour le patient ............................. 65
Tableau 7 : Récapitulatif du concept d'attachement pour le patient......................................... 68
Tableau 8 : Récapitulatif du concept d'apprentissage pour le patient....................................... 73
Tableau 9 : Récapitulatif du concept de confiance pour infirmier ............................................. 80
Tableau 10 : Récapitulatif du concept d'influence pour l’infirmier ............................................ 82
Tableau 11 : Récapitulatif du concept d'affectivité pour l’infirmier ........................................... 84
AVANT-PROPOS
Préface
L’idée de traverser un océan germa dans l’esprit de Christophe Colomb en 1484. Il lui
fallut attendre 7 ans avant que les autorités du moment ne lui laissent l’opportunité de
prendre la mer. Ce mémoire n’est pas son histoire.
L’inquisition n’est plus, mais fidèle Kafka, la bureaucratie des comités d’éthique est
venue la remplacer. Il me fallut 7 mois avant de pouvoir rencontrer un patient ou un
infirmier. De plus me fallut-il prouver de la valeur de ma recherche convaincre ceux
avides d’or plus que de découvertes.
Lorsque les voiles gonflèrent vers le ponant, le doute planait. Et si je faisais mauvaise
route? Plus tard, pensant toucher terre à la vue des algues de la mer des Sargasses, je
perdais courage, faisant du sur-place. Seul au milieu de l’étendue, la traversée d’un
mémoire nous cache ses mirages et faux espoirs. Que les mousses qui lisent ce
mémoire gardent espoir : Souquez ferme!
Ce journal de bord qu’est mon mémoire, ma mémoire, c’est avant tout une histoire
d’oubli. L’oubli de tout ce que je n’ai pu étudier au sein de l’ouvrage, l’oubli de
nombre d’activités sociales qu’il m’a fallu repousser, l’oubli de mes proches parfois
(notamment accompagné par l’oubli de répondre à mes mails).
« Excuse-moi, je me suis un peu oublié avec mon mémoire… »
Alexis Martin, Matroni et moi
Ce mémoire, qui gît, là, et las, plein de poussière sur l’étagère de la bibliothèque n’est
pas uniquement là pour exhiber de ses pages des connaissances au lecteur curieux. Il
est le symbole d’un rite de passage. En ce sens, il est égal au diplôme et le dépasse.
C’est la proue du bateau qui permettra à l’étudiant de se défendre face aux ressacs du
marché du travail. Ce mémoire fut déposé le 21 Décembre 2012, date, selon les
eschatologues, de la fin du monde. Ce fut plutôt la fin de mon monde. L’ouverture sur
le nouveau monde.
Avant-Propos
x
Remerciements
À ceux sans qui rien ne serait. À commencer par mes parents et grands-parents. Je
souhaite vivement remercier Marie-Claude Trudel qui en plus d’être directrice du jury
de ce mémoire et la source de conseils éclairés, fut celle qui réussit, malgré mes
aprioris, à me montrer combien la M.Sc. était une opportunité à ne pas manquer. C’est
à elle que je dois ma M.Sc. et la fin de mon B.A.A.
Une mention à mon directeur de recherche, Guy Paré qui a su faire preuve de patience
et d’énormément de confiance pour me guider tout au long de ce processus qu’est le
mémoire. Il aura su viser juste selon mes passions et intérêts en m’orientant vers ce
sujet. Je lui dois mon premier emploi en sortie de M.Sc. mais aussi et surtout un
certain amour de la rigueur et de la méthodologie, bien que l’élève n’égale pas le
maître mais reste à jamais inspiré de son travail.
Je remercie aussi Pierre-Majorique Léger, professeur de TI qui m’aura appris que tout
est possible lorsqu’on a confiance en soi et que seul le défi nous mène plus loin (un
apprentissage dument utilisé au cours du mémoire). Il m’aura aussi permis de signer
mon premier article de recherche et pourra déclarer, tel qu’il le fait à ses étudiants,
que puisque j’ai fini, je suis désormais un homme.
"C'est par le travail que l'homme se transforme."
Louis Aragon - 1897-1982 - Article dans l'Humanité
Je tiens à remercier mon co-directeur, Éric Brunelle. Son enthousiasme ainsi que ses
connaissances sur le concept de distance relationnelle ont instruit ce mémoire et
motivé son auteur. Il a su, par ses commentaires, cibler les failles et me pousser plus
loin dans ma réflexion.
Je remercie Alina Dulipovici, relectrice de ce mémoire qui fut aussi celle qui m’offrit
un coaching lors de la préparation d’une compétition académique. C’est au cours de
ce coaching que je découvrais les premiers cas à implication « sociologique » en TI,
une branche qui ne m’a pas quittée.
Reprenons pour la suite de ces remerciements, le concept du mémoire : Lieu, Temps,
Social (valeurs) et Action (comportement puis affectivité). À Montréal, ce lieu
physique de la neige, de mon indépendance, de mes découvertes d’adulte. Au temps,
Avant-Propos
qui sans Riot Games, la troupe de théâtre de l’indéfini, mes profs de yoga et de violon
ne serait jamais passé aussi vite que durant la rédaction.
Ce mémoire est décerné à ceux et celles qui, au cours de ma vie, m’ont inspiré et ont
forcé chez moi une logique, une structure et une passion du travail bien accompli.
Particulièrement Monsieur Penaud (professeur de français), Monsieur Henri Barki
(professeur de TI), et Christian Micheneau.
À ceux et celles qui ont inspiré et forcé chez moi une sympathie, une empathie qui
transcende à la manière de Kant une sensibilité nécessaire pour ma compréhension
du monde : Madame Rocheront (professeure de français), Florence Micheneau, Lucie
Micheneau.
À mes compagnons, relecteurs et correcteurs, épaules de mes déceptions et porteurs
des encouragements : Jocelyne Hénen et ma tante, Marielle Dollé qui fut la dernière à
me lire avant mon dépôt et la source de mes derniers encouragements. À Antonietta
Florio, secrétaire du département TI pour son sourire et sa gentillesse (de quoi
remotiver sans le savoir un étudiant qui ne fait que passer).
À toute la promotion de la M.Sc. en TI. Sans eux, la maitrise n’aurait pas aujourd’hui
pour moi la signification de travail en équipe, de partage, d’amitié (de pari aussi, voir
la comparaison à Christophe Colomb en avant-propos)
Enfin, car si je commente ici le comportement qui fut le mien à l’égard de la rédaction
ainsi que les passions qui se déchaînèrent durant ce temps-là, je ne pourrais oublier la
principale d’entre tous. Bien que nous soyons à distance, en télécommunication
(étrange ironie qui explique mon intérêt pour le sujet de mémoire) elle était la plus au
fait de tout cela. À ma petite-amie, Aline pour son écoute, sa dévotion, son courage,
sa patience… la liste serait trop longue : pour son Amour, simplement.
xi
Avant-Propos
xii
Note de l’auteur
Au sein du texte suivant, dans un objectif non discriminatoire, le terme infirmier est
utilisé indifféremment du sexe du professionnel de santé représenté.
INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE
Quand l'enfant tend la main avec effort sans rien dire, il croit atteindre à l'objet
parce qu'il n'en estime pas la distance.
Rousseau, Émile, i.
1.1
Mise en contexte et problématique
En 2009, le Canada a dépensé plus de 11% de son produit intérieur brut en soins de
santé. Ce chiffre place le pays en sixième position parmi les pays les plus dépensiers
en santé au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique
(OCDE). Entre 1989 et 2009, le Canada a presque doublé ses dépenses en santé par
habitant (une augmentation de 171%). Dans la même intervalle de temps, l’effectif
des infirmiers diminuait de près de 18% (passant de 11,1 infirmiers pour 10 000
habitants à 9,4) et le nombre de lits en hôpital pour 1000 habitants diminuait de plus
de 90% (OCDE, 2011). De plus, avec le vieillissement des populations, les demandes
en santé pour des besoins chroniques ont de plus en plus augmenté mondialement
(Dorr, Bonner et al., 2007; Van Eijk et De Haan, 1998). Ainsi, pour répondre à ces
nouveaux besoins, le gouvernement du Québec annonçait le 3 Mai 2012 vouloir
augmenter ses prestations en services à domicile pour personnes âgées de 50 000
places supplémentaires (Richer, 2012).
L’augmentation de la demande et du coût des soins, et dans le même temps la
diminution des ressources en santé, pose un défi de taille pour l’avenir de la société.
La situation demande de nouveaux moyens et de nouvelles pratiques afin d’assurer la
continuité et la qualité des pratiques médicales (Paré, Jaana et al., 2007).
Une solution possible serait de mettre à contribution les Technologies de
l’Information et de Communication (TIC). La médecine a beaucoup à gagner des
avantages apportés par ces technologies, tant par le partage d’informations et de
connaissances qu’elles permettent que par les nouveaux moyens de gestion qu’elles
rendent possibles (Macdougall, Brittain et al., 1993). C’est pourquoi les institutions
sont de plus en plus portées à investir dans les technologies au service de la santé. La
télésanté, qui permet « d’utiliser les technologies de l’information pour livrer un
service de santé sur une distance donnée », (librement traduit et adapté de Picot,
2000) est l’une de ces solutions.
Chapitre 1: Introduction et Problématique
La télésanté permet de pallier les difficultés d’accessibilité et de continuité des soins
tout en assurant la qualité de ceux-ci (Broens, Huis in't Veld et al., 2007; Picot, 2000).
Il est ainsi possible de surveiller et assister le patient à distance, ce qu’on appelle le
télémonitorage en France (telemonitoring en anglais) ou télésurveillance à domicile,
terme utilisé dans la suite de ce mémoire. Appliquée aux maladies chroniques, la
télésurveillance à domicile permet, grâce à un suivi clinique plus régulier, de détecter
les détériorations dans l’évolution de la maladie. Il est ainsi possible d’éviter une
dégradation du niveau de santé qui pourrait déboucher sur une hospitalisation
(Hardisty, Peirce et al., 2011; Paré, Jaana et al., 2007). Avec de telles capacités, le
marché mondial de la télésurveillance devrait atteindre le milliard de dollars US d’ici
2015 (Business Intelligence Epsicon, 2011).
Ce mémoire étudie particulièrement le contexte infirmier de la télésurveillance à
domicile. La télésurveillance en contexte infirmier « utilise les technologies de
télésanté pour fournir des soins infirmiers et conduire la pratique infirmière »
(librement traduit de Fitzpatrick et Wallace (2005)). La différence entre la
télésurveillance à domicile et le passage traditionnel à domicile s’exprime par deux
processus de soin différents.
En soins traditionnels, la prise en charge du patient par l’équipe infirmière se
constitue de passages réguliers chez le patient à intervalles allant de trois jours à trois
semaines (selon le plan de soins infirmiers). Ce passage vise à prélever les données
physiologiques nécessaires au suivi du patient. En télésurveillance à domicile, la prise
en charge du patient par l’infirmier se réalise à distance grâce à l’utilisation d’un outil
technologique permettant de transmettre des informations quotidiennement. Chaque
jour (et selon le plan de soins infirmiers même plusieurs fois par jour pour certains),
le patient prélève lui-même ses données physiologiques et les transmet via l’appareil1.
Il est déjà possible d’identifier des différences majeures entre le processus de soins
traditionnel et celui en télésurveillance. La différence première est le type
d’intervention. Dans le cas du suivi traditionnel, l’intervention se fait sous forme de
routine avec une visite programmée où le patient est majoritairement passif. En
télésurveillance, l’intervention se réalise en réponse aux besoins du patient tels que
l’infirmier les a identifiés suite à la transmission des données. Cette intervention
1
Pour plus de détails sur les différences entre ces deux processus, voir la section Télésurveillance en
page 39.
2
Chapitre 1: Introduction et Problématique
s’inscrit dans une logique de juste à temps puisqu’elle vise de minimiser les délais de
réaction face à un problème de santé et se base sur la demande de service plutôt que
l’offre. Dans les deux cas (soins traditionnels et télésurveillance), l’objectif de
l’intervention est de favoriser le maintien à domicile qui vise à une stabilisation, voire
une amélioration de la condition de santé du patient. Le processus de télésurveillance
comporte également un objectif d’autonomisation du patient grâce à l’enseignement
fourni au patient via le dispositif technologique.
Ce nouveau processus de soin à distance est encore évalué au sein d’études pilotes.
Les gains économiques et l’amélioration de la santé des patients ont été démontrés de
manière variable selon les pathologies et les études (Alves, Campos et al., 2009; Paré,
Jaana et al., 2007; Polisena, Coyle et al., 2009; Tran, Polisena et al., 2008). La
satisfaction et la qualité de vie perçues par les patients envers la télésurveillance ont
jusqu’alors été évaluées comme étant similaires ou meilleures à un processus de soin
traditionnel. Les patients réagissent positivement à l’utilisation d’un dispositif
technologique (Paré, Jaana et al., 2007).
Pourtant, certains professionnels craignent qu’une perte de proximité ait un effet
déshumanisant sur le soin (Cornford et Klecun-Dabrowska, 2001; Dupagne, 2010).
En diminuant les visites et les interactions sociales avec les soignants, la technologie
pourrait conduire à une isolation plus importante de patients déjà vulnérables (Kaplan
et Litewka, 2008). De plus, la télésurveillance pourrait modifier la relation en la
dépersonnalisant, ce qui altérerait la compréhension clinique des problèmes du
patient. Deux raisons sont évoquées : la baisse de confidences de la part des patients
et un manque de compréhension du cas particulier que représente le patient (Demiris,
Oliver et al., 2006; Kaplan et Litewka, 2008; Sandelowski, 2002). En contrepartie, les
études empiriques sur le sujet rapportent que les contacts téléphoniques avec le
patient ainsi que la présence du dispositif technologique le sécurisent et lui donnent le
sentiment que l’infirmier n’est jamais loin (Paré, Jaana et al., 2007). En fait, l’impact
social de la télésurveillance est encore mal connu (Polisena, Coyle et al., 2009). Ces
questions d’ordre éthique qui concernent la relation entre l’infirmier et son patient
nécessitent d’être résolues avant de pouvoir réaliser pleinement les bénéfices de la
télésurveillance à domicile.
La relation entre l’infirmier et son patient est fondamentale à la pratique infirmière.
Selon l’ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), la pratique infirmière
3
Chapitre 1: Introduction et Problématique
requiert des connaissances scientifiques sur la pratique du soin mais relève cependant
autant de l’art que de la science (Lévesque-Barbès, 2010; OIIQ, 2012). Cette
opposition porte sur deux aspects différents de l’acte infirmier : la technique du soin
et la relation au soin. Du point de vue technique et rationnel, qualifié de High Tech
par Stevens Barnum (1998) et considérant la pratique infirmière comme une science,
la télésurveillance à domicile ne devrait pas avoir d’impact sur la santé du patient. En
effet, le soin prodigué à l’aide d’un traitement médicamenteux reste le même. La
télésurveillance permet même de mieux réguler le traitement. Les données cliniques
sur le patient sont communiquées à une fréquence plus élevée ce qui permet un suivi
clinique plus rigoureux et une intervention du professionnel au bon moment (Peck,
2005). Cette perspective vient soutenir les études précédemment citées mais ne
répond pas à la problématique d’un soin déshumanisant ou impersonnel.
Si l’on considère maintenant le patient, cet être humain exprimant désirs, besoins,
émotions, on exprime alors un point de vue qualifié de High Touch. Ce point de vue
est centré sur l’art de la relation dans le soin. Cette relation n’est cependant pas sans
conséquences sur la santé. Il a par exemple, été démontré que le temps passé par
l’infirmier avec son patient en contexte hospitalier conduit à une baisse de sa
mortalité (Aiken, Clarke et al., 2002). Les professionnels et les patients s’accordent
sur l’importance de cette relation, basée notamment sur la confiance et qui influe sur
leur satisfaction (May, 1990; Shattell, 2004). La relation permet d’enrichir les
expériences et d’aider à supporter peur et souffrance (Mok et Chiu, 2004). Ces études
viennent justifier l’importance de la relation. Pourtant, la forme unique de la relation
entre le patient et l’infirmier ne permet pas de tirer de conclusion directe et
généralisée sur la performance du soin ou sur un résultat de santé. Personne ne
connait l’impact exact des interrelations qui lient le patient et l’infirmier tant les
éléments qui les constituent sont nombreux (Carol Ramos, 1992).
La relation infirmière est constituée de tous les moyens de communication qui
viennent altérer les sens du professionnel : vue, toucher et écoute. La sensibilité de
l’infirmier et sa gestion des émotions permettront de soigner le patient aussi à un
niveau psychologique et social (Stevens Barnum, 1998). La relation entre le
professionnel infirmier et son patient est donc fondée sur la communication avec
« son corps, sa parole et son affectivité » (Manoukian et Massebeuf, 1995: 9). Ce sont
ces éléments qui rendent cette relation unique. Or la télésurveillance constitue une
4
Chapitre 1: Introduction et Problématique
relation infirmière à distance : elle empêche le toucher, et dans certains cas la vue et
la communication non verbale (Kaplan et Litewka, 2008). La télésurveillance à
domicile change ainsi la nature de la relation en créant une certaine distance entre le
soignant et le soigné.
La distance se définit comme la séparation qui existe entre deux individus (Napier et
Ferris, 1993). Il existe plusieurs dimensions à la distance, soit la distance temporelle,
physique, sociale et action. La distance physique représente la longueur géographique
de la séparation alors que la distance temporelle correspond à la temporalité de cette
séparation. De son côté, la distance sociale est exprimée par le degré de séparation
imposée par la société ou le groupe et est constituée des différences entre les
personnes telles que le sexe, l’âge, la classe économique, le niveau d’éducation,
l’appartenance ethnique, la position dans une hiérarchie, etc (Donohue, WeiderHatfield et al., 1985). La distance action représente quant à elle la séparation imposée
par nos actes, nos pensées et émotions. Ces quatre dimensions de la distance sont
interprétées de manière similaire par les individus et ont tendance à avoir un impact
l’une sur l’autre (Liberman, Trope et al., 2007).
Toutes ces distances ne peuvent être mesurées objectivement. En opposition aux
mesures, la perception subjective de l’éloignement d’un objet ou d’une personne est
nommée distance psychologique (Trope et Liberman, 2010). Au sein de la littérature,
les auteurs ont utilisé une ou plusieurs de ces distances, pour évaluer, par exemple, la
distance dans la relation d’autorité (Napier et Ferris, 1993; Salzmann et Grasha, 1991)
ou de leadership (Antonakis et Atwater, 2002).
Certains auteurs ajoutent la notion d’empathie – le degré selon lequel les individus
peuvent ressentir l’émotion de l’autre dans une relation – dans la définition de
distance (Salzmann et Grasha, 1991). Cependant, l’affectivité, bien que subjective, ne
fait pas partie intégrante de la définition de distance psychologique. C’est pourquoi il
est préférable d’utiliser le terme de distance relationnelle. La distance relationnelle est
plus holistique, elle s’obtient en ajoutant l’affectivité, les comportements de l’individu
et les mesures objectives de distance à la notion de distance psychologique (Hess,
2003). Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons à la distance relationnelle
puisque celle-ci permet d’adopter une vision plus large et surtout d’impliquer les
émotions dans la relation infirmière.
5
Chapitre 1: Introduction et Problématique
La distance relationnelle implique les choix, les préférences et les comportements des
individus. Nouveauté apportée par les TIC, la question des difficultés de la relation à
distance est principalement apparue dans le milieu de l’éducation et celui des affaires,
par exemple, dans le cadre de développement de programmes. Tout comme dans le
milieu de la santé, des pressions économiques ont amené certaines organisations à
utiliser des équipes à distance 2. Cela n’est pas sans poser de nombreux défis (Dubé et
Paré, 2004; Nydegger et Nydegger, 2010). La relation à distance a un impact
notamment sur la gestion de la communication. Les parties prenantes utilisant des
moyens de télécommunication, il peut être difficile d’assurer la fréquence et
l’initiation des interactions, de plus, la qualité de l’information partagée peut
s’amoindrir. La confiance entre les personnes est elle aussi modifiée et plus
compliquée à établir. Enfin le contrôle est lui aussi différent puisqu’on ne peut
s’assurer de visu des actes et des réactions de l’individu (Ramesh, Cao et al., 2006).
Si le milieu des affaires et de l’éducation ont documenté l’impact de la distance sur la
relation, ce n’est pas encore le cas pour la relation entre le soignant et le soigné.
Pourtant la confiance, le contrôle, la communication sont aussi au cœur de la relation
entre l’infirmier et le patient (King, 1981; Paterson et Zderad, 1988; Travelbee, 1971).
Ainsi en modifiant la fréquence et les moyens de communication entre l’infirmier et
son patient, la télésurveillance à domicile pourrait avoir un impact sur la distance
relationnelle entre eux.
La télésurveillance à domicile a pris son envol au milieu des années 1990 et le cadre
de compétence qui le soutient n’est pas encore clair, notamment au niveau de
l’inclusion de la technologie dans la pratique (Schlachta Fairchild, 2007). Au Canada,
les directives nationales restent relativement ouvertes sur le devoir de diligence, la
responsabilité de la surveillance et des soins; les règles de la relation devant être
préalablement clairement définies. Les mêmes directives affirment qu’il n’y a aucun
consensus sur l’amélioration ou le déclin de la relation soignant-soigné vis-à-vis de la
médecine traditionnelle (Consortium de recherche NIFTE, 2003).
Aucune étude n’aborde la notion de la relation au patient et la nouvelle dynamique
d’échange demandée par la télésurveillance à domicile. On ne connait pas les
composantes qui influencent la distance relationnelle entre l’infirmier et son patient,
ni même la manière dont les professionnels relèvent les défis de la distance. Cette
2
Quelquefois nommées équipes virtuelles
6
Chapitre 1: Introduction et Problématique
méconnaissance est à la base des objectifs de la présente étude. Nous nous
efforcerons, avec une volonté de développement théorique, de mieux comprendre ce
phénomène qui jusqu’ici n’a pas été étudié.
Cette étude vise à évaluer l’incidence de l’insertion de la technologie de
télésurveillance dans la relation de soin entre l’infirmier et son patient. Elle se
positionne donc à la fin du réseau nomologique de l’artéfact TI tel que défini par
Benbasat et Zmud (2003). Au sein de cette étude nous considérons ainsi la
technologie comme un outil de relation social ayant un impact sur les relations
humaines (Orlikowski et Iacono, 2001).
Les bénéfices que pourrait apporter la télésurveillance à domicile sont indéniables,
notamment à un niveau clinique pour les patients (Brownsell, Aldred et al., 2007;
Kairy, 2010). Les premières utilisations de la télésurveillance se font notamment dans
le cadre de maladies chroniques car elles représentent un enjeu important de par leur
accroissement au sein de la population et leur coût. Certains gouvernements et centres
de soins privés n’ont pas hésité à investir dans cette solution et la plupart des
infirmiers avouent n’avoir reçu qu’une formation informelle au moment de prendre en
charge un patient en télésoin (Grady et Schlachta-Fairchild, 2007). Dans le même
temps, la relation à distance soulève de nombreux défis pour les professionnels.
Pourtant l’impact de la télésurveillance sur la relation soignant-soigné et sur le
processus de communication entre les deux n’a pas été étudié jusqu’à présent. Dans
un effort de développement théorique, nous tenterons de comprendre si la distance
relationnelle est modifiée par le contexte de télésurveillance à domicile et, le cas
échéant en quoi elle est influencée par celui-ci. Cette étude vise ainsi à répondre aux
questions suivantes :
1. La télésurveillance à domicile a-t-elle une incidence sur la distance
relationnelle entre le patient et le soignant?
2. Si oui, quelle est la nature de cette influence? Si non pourquoi?
7
Chapitre 1: Introduction et Problématique
1.2
Contributions
Cette étude contribuera notamment à la recherche, aux soignants et à la formation
infirmière.
1.2.1
Contributions pour la recherche
La présente étude permettra d’appliquer la notion de distance relationnelle dans un
contexte thérapeutique. En approfondissant la littérature existante sur la notion de
distance relationnelle et en permettant son application selon les théories infirmières
des interrelations, cette étude fournira une toute nouvelle perspective aux outils de
mesure de la distance relationnelle. Cela offrira une meilleure compréhension du
concept de distance relationnelle tout en étoffant ses applications possibles.
De plus, cette étude vise à explorer une partie de la télésurveillance qui n’a jamais été
étudiée et sur laquelle les instances gouvernementales ne peuvent encore se décider
par manque d’information. Les théories sur les interrelations infirmières actuelles ne
conçoivent pas mais n’omettent pas la notion de télésurveillance. Il est donc crucial
de documenter l’évolution de la relation infirmier-patient dans le contexte de la
télésurveillance. La présente étude vise à développer la compréhension d’un
phénomène et à donner une perspective différente à ses théories dans leur adaptation à
la télésurveillance à domicile.
1.2.2
Contribution pour les soignants
En permettant une meilleure compréhension des modifications de la relation soignantsoigné à distance, cette étude fournira des recommandations pour la pratique
infirmière en contexte de télésurveillance. Nous nous inspirerons notamment de
cadres théoriques, de méthodes de gestion et des expériences vécues par les personnes
interrogées. Il sera ainsi possible d’améliorer les applications actuelles de la
télésurveillance à domicile en offrant des choix plus éclairés pour la pratique.
En observant l’impact de la technologie sur le rôle et les compétences de l’infirmier,
cette étude permettra de développer et perfectionner la définition des cadres de
compétences requises pour la pratique de la télésurveillance à domicile.
8
Chapitre 1: Introduction et Problématique
1.3
Structure du mémoire
Ce mémoire s’articule de la manière suivante. Le second chapitre présente une
synthèse de la littérature, introduisant les concepts clés de la recherche menée. Le
troisième chapitre expose la méthodologie employée pour répondre aux questions de
recherche. Au chapitre suivant, les résultats de cette étude sont exposés puis discutés.
Le chapitre final présente les conclusions de l’étude ainsi que ses implications pour la
recherche et les soignants.
9
CHAPITRE 2 : REVUE DE LITTÉRATURE ET CADRE CONCEPTUEL
On a dit avec raison que la littérature était le lieu de l'intersubjectivité. Seule dans ma
chambre avec un livre je me sens proche non seulement de son auteur mais à travers le temps
et l'espace de l'ensemble de ses lecteurs.
S. DE BEAUVOIR, Tout compte fait, p. 197.
L’objectif de ce chapitre est de présenter l’état des connaissances actuelles liées au
sujet de recherche et de définir les différents termes qui y sont associés. On y
présentera les ouvrages pertinents avec la notion de distance relationnelle et les
articles abordant le contexte de télésurveillance à domicile.
La logique sous-jacente à la présentation de cette recension des écrits est déductive.
En effet, on partira du plus général, des connaissances basées sur la relation humaine,
pour aller vers le plus appliqué : dans notre cas, la relation entre l’infirmier et son
patient en contexte de télésurveillance à domicile. L’objectif de ce chapitre est donc
de comprendre, dans un premier temps ce qu’est une relation humaine et de
comprendre en quoi la relation infirmière est une situation plus singulière de ce type
de relation. Une fois ce contexte établi, nous expliquerons la notion de distance
relationnelle et ses différentes dimensions. Pour conclure, cette revue de littérature
aborde la notion de relation entre l’infirmier et son patient dans un contexte de
télésurveillance en présentant les études déjà réalisées dans ce domaine et en
démontrant l’espace que ce mémoire cherche à combler dans la littérature. Les
différentes parties de cette revue de littérature, telles qu’expliquées ci-dessus suivent
donc la logique présentée au sein de la Figure 1.
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Relation humaine
Relation infirmière
Distance relationnelle
Télésurveillance
Figure 1 Plan de la revue de littérature
Plusieurs sources de données ont été consultées afin de rédiger ce chapitre. Les bases
de données électroniques ABI/Inform, EBSCOhost, Web of Science ainsi que
Cochrane, EMBase, Medline, Pubmed ou encore CINAHL (Cumulative Index to
Nursing and Allied Health Literature, disponible sur EBSCOhost) ont été interrogées
à l’aide de mots clefs tels que : « telemedicine », « telenursing », « telecare »,
« relational distance », « nursing theory », « therapeutic distance », « nursing affect »
« temporal distance », « physical distance » et « social distance ». Les moteurs de
recherche google scholar, refdoc.fr et le logiciel publish or perish ont permis de
valider la popularité des écrits consultés et d’augmenter le nombre de publications.
Pour finir, les moteurs de recherche Worldcat, Hector et Atrium ont été utilisés pour
les recherches de livres ainsi que le portail de thèses Canada. Tout au long de cette
recherche, l’identification de nouveaux articles s’est principalement reposée sur
l’utilisation des sources et citations des articles précédemment identifiés.
2.1
Relation interpersonnelle
2.1.1
La relation humaine 3
Le terme relatio en latin signifie rapporter. Une relation humaine correspond au
rapport qui existe entre deux ou plusieurs personnes, l’un (le moi, je ou égo*) et
autrui. Ce lien implique une interaction, c’est-à-dire une action mutuelle qui,
3
La définition des termes suivis d’un astérisque n’apportant pas de valeur à la réflexion, ceux-ci sont
définis dans le Glossaire en page 94
11
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
potentiellement, pourrait avoir une influence sur l’un (l’égo*) ou sur autrui en
générant une réaction ou une interdépendance (Grand Robert, 2001b).
Plusieurs conditions sont nécessaires à l’établissement d’une relation. La première est
d’avoir au moins une dyade, c’est-à-dire au moins deux personnes. Cependant, placer
deux personnes l’une en face de l’autre n’aboutit pas forcément à une relation. La
seconde condition est donc de reconnaitre autrui comme une personne4. Pour cela, les
philosophes
5
s’accordent sur l’importance des perceptions : les cinq sens, et
particulièrement la vue et le toucher. Cependant, ils restent en désaccord sur le moyen
d’accéder à autrui ainsi que sur ce que l’on va échanger avec autrui (Sylvie CourtineDenamy 2012).
Husserl 6 (2001) élabore un processus 7 qu’il nomme l’appariement*. Trois phases sont
nécessaires et agissent en parallèle et sans que nous n’en ayons conscience. (1)
L’identification d’une personne par la perception. En ayant la perception du corps
d’autrui, je le constitue comme un corps étranger. (2) La seconde phase vise à
constituer autrui, c’est l’ouverture qui, par un effort d’imagination contribue à créer
d’autrui un « reflet » de soi-même : ce corps devient un corps humain. Ce n’est pas
pourtant exactement un reflet, puisque des différences existent, c’est une (3)
altération* de soi-même : l’alter égo* (Husserl, Peiffer et al., 1931; Kaufmann, 2012;
Ricard, 2005; Sylvie Courtine-Denamy 2012). Husserl évoque en premier le monde
physique, mais explique que l’appariement se joue aussi sur d’autres niveaux :
psychique, spirituel et intellectuel 8 (Depraz, 1999).
Husserl (2001) aborde ainsi la notion d’intersubjectivité* qui désigne l’espace des
interactions entre deux personnes dans un seul objectif : permettre à l’alter égo de se
4
Par opposition à une chose, pour un souci de simplification, la personne désignera ici le sujet, par
opposition à l’objet.
5
Du moins ceux qui sont sortis du solipsisme* de Descartes et qui répondent ainsi majoritairement à
l’objection Merleau Pontienne. Nous considèrerons dans notre cas Husserl à la lumière de cette objection
(comme le fit Nathalie Dépraz) et Kant, mais on pourrait aussi citer Sartre, Lacan, ou Levinas.
6
Nous nous limiterons ici à l’analyse des méditations cartésiennes, ses autres écrits pouvant porter à
d’autres conclusions.
7
Husserl était farouchement opposé à limiter sa pensée à un processus analogique, la simplification nous
empêche ici d’aborder les théories d’Husserl dans leur subtilité mais nous oblige à le mentionner.
8
Husserl explique que ces autres niveaux sont atteints en premier lieu par apprésentation. Prenons par
exemple un cube, nous ne voyons que la première face mais les autres parties constituantes du cube se
sont directement apprésentées à nous : nous les avons imaginées ou déduites. Le reflet se complète alors
au fil des échanges et de la collecte d’informations.
12
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
créer et d’évoluer. Le lien, l’interaction se trouve dans la perception : les cinq sens.
Dans la lignée d’Husserl, Heidegger définit les prémices de la relation : l’écoute.
Lacan abordera la notion de langage, Sartre du regard (Sylvie Courtine-Denamy
2012).
Dans la logique d’Husserl, plus l’alter égo est proche de la réalité que constitue autrui,
et plus je suis amené à l’apprécier (Sylvie Courtine-Denamy 2012). Par extension
plus les égos seront similaires et mieux les alter-égos sont définis (mieux je connais
autrui car il est proche de mon reflet) et donc plus la relation est vouée à devenir forte.
On remarque que cette définition ne suscite pas obligatoirement d’avoir une
interaction continue avec l’autre, il faut cependant avoir eu une perception de l’autre
(vue, toucher…) à un moment donné, au début de la relation.
Figure 2 : Représentation schématique de la relation selon Husserl
Cependant Husserl aura des difficultés à intégrer la notion de sympathie (être affecté
par l’autre) à son concept de la relation humaine. S’il aborde le partage des émotions,
il ne l’inclut pas à son « processus » qui se limite primitivement à une perception.
L’alter égo vise uniquement à obtenir une connaissance d’autrui en faisant
l’acquisition, par transposition, de ce qu’il pourrait être.
De son côté, Emmanuel Kant aborde ce qu’il appelle la législation universelle. Un
sentiment moral qui pourrait permettre de dépasser la frontière de l’égo et partager
directement avec l’autre sans intermédiaire (sans les 5 sens) : un sentiment que l’on
dit transcendant*. Ce sentiment est le lieu de l’intersubjectivité. Ces sentiments
universels ont eu en philosophie plusieurs noms : la pitié chez Rousseau, l’empathie
(l’art de comprendre et vivre le sentiment de l’autre) chez Visher et Lipps ou encore
la sympathie (ressentir pour l’autre) chez Smith et Scheler (Duméry, 2012; Kant et
Philonenko, 1993; Sylvie Courtine-Denamy 2012). Cet affect à partir duquel émerge
13
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
l’expérience d’autrui est le respect de la loi morale et le respect de tous ceux qui en
sont les gardiens : les autres Hommes (Kaufmann, 2012; Lacharité, 1997).
Le sentiment ne se structure pas à l’aide d’une raison ou d’une représentation, il est
direct, spontané, difficilement mesurable ou explicable (car non réfléchi) (Richir,
2012). Il a pour objectif de donner une valeur et une signification aux choses qui nous
entourent, il est notre rapport au monde. Ainsi, la relation existe par le partage qui a
lieu : l’expérience qu’on a de l’autre.
Figure 3 : Représentation schématique de la relation humaine selon Kant
L’affect, en tant qu’émotion est limité dans le temps. L’autre pourrait rester présent
un temps dans l’esprit mais serait très vite relégué aux oubliettes. Donnant ainsi
raison au vieil adage : loin des yeux loin du cœur, Kant a cependant laissé une porte
ouverte à l’expérience à distance de l’autre dans les passions 9 (Kant et Foucault,
1964; Richir, 2012). La définition de la relation humaine soulève ainsi d’autres
questions : vais-je oublier ou négliger l’autre à cause de la distance? En suivant cette
logique, la relation pourrait être amenée à se détériorer. Va-t-on simplement utiliser
autrui, négligeant son autorité, le respect qui lui est dû ou encore le support
psychologique que celui-ci a à apporter? D’une manière plus générale on pourrait
conclure que la personne à distance devrait avoir connaissance de l’existence d’autrui
mais qu’il reste à déterminer l’évolution de l’expérience qu’il aura de cette existence.
9
Les passions sont les seules émotions durables dans le temps et sont liées à une forme de rationalité.
Ainsi une frayeur, une réaction à l’environnement extérieur est une émotion (pas obligatoirement
rationnelle, elle peut être instinctive), la peur durable qui en résulte est, quant à elle une passion. Le
même rapprochement peut se faire avec le coup de foudre et l’Amour, la colère et la vengeance ou la
haine. Kant exprime lui-même cette distinction dans Kant et Foucault (1964)
14
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
15
La modalité de la création d’une relation se réalise donc sur 3 axes : les sens, la
communication et l’affect. Dans le contexte de distance entre deux individus, c’est
principalement la communication, supportée par les TIC, qui est maintenue dans la
relation. Les sens peuvent être mis à rude épreuve, l’autre étant invisible et
intouchable. Le sentiment, l’affect reste quant à lui à ce jour une inconnue difficile à
évaluer dans la relation à distance. Tel qu’on peut le constater sur le graphique
suivant, certaines modalités de création de la relation en télésurveillance restent des
inconnues à ce jour (les tirets indiquant une relation à vérifier).
5 sens
Relation
Communication
Télésurveillance
Affect
Figure 4 Modalités de la création d'une relation, comparaison entre télésurveillance et relation
traditionnelle
De plus, la relation humaine est influencée par une notion qui l’encadre et que nous
n’avons pas encore abordée : les rôles. Une fonction, une profession, confèrent des
objectifs et des modalités à la relation. La relation entre infirmier et patient dispose
ainsi de ses particularités propres qu’il convient d’expliquer.
2.1.2
La relation infirmière
La spécificité de la relation entre l’infirmier et son patient tient aux rôles des parties
prenantes et aux raisons de l’établissement de celles-ci. En effet, la relation entre
l’infirmier et son patient a lieu dans un contexte prédéfini : celui du soin (Manoukian
et Massebeuf, 1995).
Si on peut définir le rôle de l’infirmier comme étant celui de soigner, le concept de
soin reste quant à lui à conceptualiser. Les différentes théories infirmières tentent de
répondre à la question de ce qu’est le rôle infirmier et le soin en apportant parfois des
réponses très différentes (Kérouac, 1994). Rappelons que le terme soigner provient de
deux définitions du francique soit « soucis, chagrin » ou « nécessité, besoins,
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
s’occuper de… » de là provient une partie de la définition du verbe soigner : répondre
aux besoins des êtres vivants. Ainsi traiter la maladie et soigner le malade sont deux
concepts très distincts. Traiter répond à un diagnostic clinique en mettant en place un
traitement selon des données scientifiques et des principes thérapeutiques reconnus
expérimentalement (dans une relation de cause à effet ou perspective High Tech).
Soigner demande une analyse des besoins du malade, une attention tant à un niveau
psychologique que matériel ou spirituel, ce qui implique une unicité dans le
traitement (Pierret et Keller, 2000) 10.
Cette unicité ou individualité du soin est particulièrement importante en sciences
infirmières (Suhonen, Välimäki et al., 2002). Cependant, elle aussi est sujette à débat.
Pour certains chercheurs, le soin devient individuel grâce au plan de soins, à la
condition propre patient, à ses besoins, à son environnement (famille, amis, loisirs,
habitudes au) ou encore son histoire… Les chercheurs qui tendent à favoriser la
relation de cause à effet au sein de leur analyse utilisent une perspective qualifiée de
High Tech. Le soin est unique mais ceteris paribus (à patient égal) il devrait être le
même. D’autres considèrent que la relation elle-même génère l’individualité du soin
qui serait liée à la diversité des caractères, personnalités et expériences individuelles
mais aussi à la compréhension que chacun a de ce qu’est le soin, la santé, autrui et son
rôle. Cette perspective serait plus High Touch (Suhonen, Välimäki et al., 2002).
Point de vue High Tech
Ambroise Paré 11 écrivait « Je le pansay, Dieu le guarist », exprimant la nécessité
d’un traitement physique, ici le pansement, en complémentarité avec d’autres
éléments moins compris : le mysticisme dans la guérison. Guérir est perçu comme
une sortie de la maladie, un changement permettant de recouvrer l’état de santé
(Dumet et Rousset, 2010). Il revient alors au professionnel de santé de se concentrer
sur la technique, ce pansement, qui, de plus en plus évolué, guérit de mieux en mieux.
Avec le manque de ressources, la pression portée sur le personnel infirmier,
l’introduction de technologies en santé (notamment au niveau des soins de courte
durée), les pressions se font pour favoriser cette vision plus technique du métier
10
À titre d’exemple de ce que pourraient être ces besoins, le modèle conceptuel des besoins
fondamentaux de l’humain de Virginia Henderson est présenté en annexe page 108 (Henderson, 2003;
Henderson, Nite et al., 1978)10.
11
Chirurgien et anatomiste du XVIème siècle, considéré comme l’un des pères de la chirurgie moderne
16
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
infirmier, oubliant parfois la perspective humaine (Gill, 2011; Stevens Barnum,
1998).
Le patient traité selon une perspective high-tech, se résume principalement à un
système cherchant à obtenir un équilibre ou objectif : la santé. Dans cette perspective,
le soin est généralement institutionnalisé au sein de procédures décrites dans le plan
de soins. Le terme soin* est ici utilisé dans le sens d’un ensemble d’actions pour
rétablir la santé, on parle des soins au pluriel (Grand Robert, 2001c). La durée,
l’objectif et les éléments clefs de la relation entre infirmier et patient sont
prédéterminés par le corps médical (par le diagnostic du médecin ou le plan de soins
par exemple) (Mackay et Ault, 1977). Ces actions ont démontré, par évidence, leur
effet sur la santé du patient, on retrouve ici la logique de la cause à effet liée à nos
connaissances du soin.
Avec sa théorie sur l’interaction des systèmes infirmiers par l’atteinte d’objectifs,
(Goal Attainment Theory) Imogene King (1981) tente de décrire le processus de soins
infirmiers. La fonction infirmière devient une suite d’actions, de réactions, et
d’interactions où le soignant et le soigné partagent de l’information et se mettent
d’accord sur un objectif de santé (une transaction dans le langage de King). Une
interaction, selon King, comprend à la fois la communication écrite, verbale ou non
verbale et les perceptions qui aboutissent sur un comportement. Ce sont les
perceptions (notamment de soi-même et des intentions de l’autre) qui sont les plus
importantes et définissent majoritairement le comportement. Selon King, le soignant
et le soigné assurent une relation réciproque d’échange. Avec l’environnement (qui
peut comprendre la famille, l’hôpital et d’autres soignants) ces deux personnes sont
perçues comme des systèmes ouverts et perméables qui, par leur échange, en génèrent
un troisième dont l’objectif est le traitement et qui est le lieu de l’interaction. On
distingue ainsi trois systèmes dans les concepts de King : le système personnel
(psychique et physique), le système interpersonnel : celui des interactions, et le
système social (l’environnement externe).
King s’est inspirée de la théorie du fonctionnalisme systémique de l’action de Talcott
Parsons (1967) 12 qui lui-même s’est inspiré de Husserl, Peiffer et al. (1931). On
12
Sociologue Américain du XXème siècle, son livre est reconnu comme étant le 9ème ouvrage le plus
influant en sociologie du XXème siècle par l’association internationale de sociologie http://www.isasociology.org/books/books10.htm
17
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
18
retrouve ainsi dans la notion de fonctionnement en systèmes, le distinguo entre égo*
et autrui, la notion d’ouverture à l’autre et la limitation aux perceptions et
communications comme définition de la relation.
Si la théorie de King est orientée sur la personne et observe celle-ci de manière
holistique, elle traite surtout de l’information, du message échangé entre l’infirmier et
le patient. Pour atteindre l’objectif de santé, chacun devra mettre en place des
transactions d’échanges (King, 1981). La théorie de King est donc, en un certain
point, une conception mécanique de la relation, on pourrait presque la représenter
schématiquement avec ses différents canaux de communications et ses différents
messages. Lorsque l’infirmier et son patient ne communiquent plus, l’objectif
infirmier n’est pas atteint (Kleve, 2006; Wied, 2006).
Perception
Transactions
Accord sur les
Perception
Action
moyens
Infirmier
moyens
Patient
Réaction
Exploration de
Troubles
Objectifs
Communication
Mutuels
Communication
Figure 5 : Schéma de la théorie d'atteinte des objectifs de King 13
Point de vue High Touch
Florence Nightingale (1860) 14 expliquait que le rôle de l’infirmière est de créer les
meilleures conditions possibles pour que la nature préserve et restaure la santé, pour
prévenir et soigner la maladie. Cela a poussé certaines écoles infirmières à mettre
l’accent sur l’individualisation et la personnalisation du soin avec une vision portée
sur le corps, l’esprit et l’âme (Lower, Bonsack et al., 2002). Si dans une perspective
technique, tout groupe infirmier étudiant le même patient devrait appliquer le même
13
Notons que ce schéma, présent dans le livre de King, ne représente pas le système social
14
Infirmière britannique du XIXème siècle, pionnière des soins infirmiers modernes
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
19
diagnostic et les mêmes actes, cette perspective aborde les modèles de soin* qui
doivent différer et c’est une compréhension holistique de l’humain qui prévaut. Le
terme soin* est utilisé dans le sens d’une responsabilité, d’une attention envers le
soigné. L’infirmier prend soin du patient (Grand Robert, 2001c). Tous les gestes,
paroles de réconfort et autres interactions prennent part à la relation infirmière. Ces
actes, même s’ils sont définis ou préétablis, restent fondamentalement individuels. En
effet, la personnalité de l’infirmier ainsi que celle du patient entrent en interaction
durant le soin, créant une relation unique à chaque soin prodigué (Stevens Barnum,
1998).
Avec la théorie du modèle des relations humain à humain, Joyce Travelbee (1971)
apporte des perspectives plus détaillées sur l’affectif dans la relation. Travelbee
définit le soin comme « un processus […] d’assistance à la personne, famille ou
communauté pour prévenir ou accompagner l’expérience de la maladie et la
souffrance et si nécessaire trouver une signification à ces expériences »(1971: 7). Le
soin devient une expérience significative partagée et mutuelle entre l’infirmier et le
patient dans le cadre où tous deux voient leurs besoins satisfaits à travers l’échange
(Kérouac, 1994; Stevens Barnum, 1998). Il est de la responsabilité de l’infirmier de
mettre en place cette relation même si le processus est réciproque.
La relation au patient comporte plusieurs étapes : la rencontre originelle, l’émergence
des identités, l’empathie, la sympathie et le développement d’une compréhension
mutuelle. Ces cinq étapes demandent des interactions. Les quatre premières étapes
sont des prérequis à l’établissement d’une relation patient-infirmier de qualité et vont
permettre au soignant de répondre aux besoins du patient 15.
Rencontre
Originelle
Émergence
des
identités
Empathie
Sympathie
Compréhension
mutuelle
(relation)
Figure 6 : Processus de soin selon la théorie des relations Humains à Humains de Travelbee
15
Pour une idée de ce que peuvent être ces besoins, voir la Liste des besoins de Virginia Henderson
(2003) située en annexes page 108. Travelbee ne liste quant à elle pas les besoins mais explique
comment analyser ceux-ci : s’assurer du besoin, valider l’hypothèse, décider d’intervenir ou de faire
intervenir quelqu’un, planifier l’action, satisfaire le besoin.
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Tout commence par une rencontre physique qui permet de se donner la première
impression. L’infirmier et le patient s’observent et définissent les rôles et les attentes
de chacun. À ce moment-là le patient et l’infirmier ne sont pas encore perçus comme
uniques : ils correspondent à leurs stéréotypes 16. S’ensuit un échange de différentes
subjectivités : ce qui caractérise le patient et le rend unique (ses expériences, choix,
culture et son devenir) : c’est l’émergence des identités dans la relation. Amené à
connaitre le vécu de son patient pour mieux comprendre et écouter celui-ci,
l’infirmier doit faire en sorte que celui-ci puisse exprimer librement ses sentiments et
émotions. Travelbee évoque le principe de transcendance* : celui qui permet d’aller
au-delà des apparences, des rôles, de se dépasser pour découvrir l’humain 17 en autrui
(infirmier ou patient). Le développement de sentiments d’empathie, synonyme, chez
Travelbee, de partage d’expériences (l’infirmier entre dans et comprend l’état
psychique du patient et donc ses émotions) puis de sympathie lorsque l’infirmier
cherche à réduire la souffrance du patient (l’infirmier partage et est affecté par les
émotions et expériences du patient). L’empathie nécessite un certain degré de
similarité entre les individus et l’expérience aide à mieux développer ces facultés
d’empathie (Travelbee, 1971: 138). De son côté, la sympathie peut avoir des
conséquences dangereuses, notamment si elle n’est pas suivie d’un processus de
réflexion intelligent qui permet à l’infirmier de personnaliser le soin, d’être perçu
comme chaleureux et de développer une confiance envers l’autre, un respect.
La compréhension mutuelle est l’aboutissement de ce processus de construction de
relation de soin. À cette étape, l’infirmier agit dans un objectif partagé avec le patient
qui vise à permettre la réalisation de soi et la compréhension des expériences.
Selon Travelbee, l’infirmier se doit d’être porteur d’espoir 18. Cet espoir qui est lié
fortement à une dépendance et une confiance envers l’autre (dépendance en partie
affective donc), à une orientation vers le futur, au courage et au désir qu’aura le
patient de s’en sortir. L’objectif de l’infirmier est de maintenir ou rétablir, la foi
d’espérance chez le patient en lui permettant d’obtenir la signification de ses
souffrances. Ainsi, en donnant un sens à l’expérience, Travelbee entend motiver le
16
17
18
Ceci est à rapprocher d’une apprésentation.
Ou plutôt être dans le sens existentialiste dans le texte.
L’infirmier, de par son rôle, vient toujours répondre à une attente du patient. Celà confère l’obligation
d’agir.
20
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
21
patient à poursuivre ses efforts et à participer au soin. Ce type de relation doit donc
rester sincère et non dirigé (Kérouac, 1994; Travelbee, 1971).
2.1.3
Synthèse
La relation humaine peut donc être abordée selon deux visions distinctes. Il en va de
même pour la relation infirmière : deux visions s’opposent, l’une plus rationnelle que
l’autre. Nous pourrions résumer cette partie de la revue de littérature dans ce tableau :
Logique
Rationnel (cause-effet)
Affectif
Auteurs /
mouvements
Husserl, High Tech, King
Kant, High Touch, Travelbee
Prémices de la
relation
Les sens et l’intention (ou
rôle)
La morale, sentiment transcendant
(empathie, sympathie, respect…)
Objectif du
soin
Atteinte de l’objectif de santé
(vu comme un potentiel
d’adaptation à
l’environnement, un état à
atteindre)
Bien-être physique, mental, social.
La santé n’est pas l’absence de
maladie mais un confort qui permet
le mieux-être.
Éléments clés
de la relation
Réciprocité
Authenticité/confiance
Transaction / accord
Empathie/sympathie
Connaissances
Expérience / apprentissage /
réalisation de soi
Dépendance / espérance /
motivation
Tableau 1 : Récapitulatif des principaux concepts de la relation (Humaine et Infirmière)
Une fois décrits les différents éléments de la relation humaine et de la relation
infirmier et patient, nous pouvons observer que la vision humaniste qu’a Travelbee
n’est pas sans danger. En effet, la force d’une relation, empathique et sympathique,
amenant deux personnes à n’être qu’une seule (au niveau émotif) pourrait remettre en
cause la qualité du soin. Le jugement critique du professionnel infirmier étant alors
annihilé par cette contagion émotive 19. L’infirmier pourrait pervertir la relation en
s’accrochant au patient afin de contenter sa propre existence. C’est pourquoi cette
empathie doit être soigneusement contrôlée au sein d’un processus clinique. Ce
19
Ou sur-identification dans le texte (Travelbee, 1971: 133)
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
processus est nommé empathie clinique (Paterson et Zderad, 1988) ou consciente
(Travelbee, 1971: 136), il s’agit d’établir une proximité thérapeutique tout en
conservant l’habileté de se détacher. L’infirmier doit conserver une certaine distance
dite professionnelle, ceci afin de se protéger et assurer la qualité du soin (Kérouac,
1994). Cependant, les émotions, notamment l’empathie, favorisent la qualité du soin
infirmier et la communication avec le patient, toute la difficulté est de conserver
suffisamment de distance ou de détachement tout en étant proche du patient (Gray,
2009; Mc Queen, 2004). Cette distance professionnelle ou thérapeutique est inhérente
à la fonction infirmière. Le patient et l’infirmier sont nécessairement à distance
contrôlée. Certains parlent d’une altérité – ni une étrangeté totale, ni une proximité
trop importante – une forme de distance propre au soin (Brugère, 2011; Truffault,
2012). La prochaine partie de la revue de littérature vise à comprendre ce concept de
distance au sein d’une relation.
22
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
2.2
Distance relationnelle
Le mot distance provient de l’association du latin dis, indiquant une séparation puis
stare qui signifie se tenir. La distance est donc la séparation qui existe entre deux
individus. Ce terme, premièrement appliqué à un domaine physique s’est par la suite
diversifié en une expression de temps, notamment grâce aux mathématiques et à la
géographie, puis à une notion de société et de sentiment. De cette manière, on parlera
d’une personne distante comme étant plutôt froide, éloignée, ou ayant un échelon
hiérarchique de plus (Grand Robert, 2001a).
Donald Black (1980) fut le premier à introduire la notion de distance relationnelle.
Son ouvrage vise à observer son impact dans le système judicaire, l’auteur y couvre
de nombreuses dimensions de la distance afin d’y trouver ses explications 20. Ainsi le
concept de distance entre individus est relativement fragmenté au sein de la littérature
et plusieurs modèles s’opposent et se complètent (Antonakis et Atwater, 2002; De
Rivera et Kreilkamp, 1981; Erskine, 2007; Fiedler, 1953; Grasha et Homan, 1995;
Hess, 2003; Hinds et Mortensen, 2005; Howell, Neufeld et al., 2005; Kadushin, 1962;
Karakayali, 2009; Napier et Ferris, 1993; Trope et Liberman, 2010). Chacun de ces
modèles reflète une compréhension différente du concept de distance relationnelle et
donc de la relation humaine. Ces compréhensions ou logiques utilisées par les
chercheurs sont nommées, au sein de notre modèle, des perspectives.
Les auteurs s’accordent cependant sur un point : le concept de distance est
multidimensionnel. Cela veut dire que la distance relationnelle s’explique selon
plusieurs catégories conceptuelles qu’il convient d’assembler et d’étudier pour obtenir
la notion finale de distance relationnelle. Les auteurs ne sont cependant pas en accord
sur ces dimensions et nous allons tenter de clarifier celles-ci au sein de cette revue de
littérature.
20
Black aborde les différenciations de traitement selon le statut de la personne, son sexe, et la nature des
interactions entre partie civile et juges (durée, qualité, fréquence…) – soit des dimensions sociales,
physique et action
23
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Perspectives
Hinds et Mortensen (2005) ont démontré empiriquement qu’il existe deux logiques ou
perspectives de dimensions à la distance relationnelle : une perspective conceptualisée
comme distance structurelle et une autre comme distance psychologique. Cette
division rejoint la logique de la première partie de cette revue de littérature (la
distance structurelle se rapproche d’une vison rationnelle et la distance psychologique
d’une vision plus affective) et se retrouve, comme nous allons le voir, sur toutes les
dimensions de la distance relationnelle. La distance structurelle est basée sur les
sensations et sur l’image de la relation. Rationnelle et réfléchie elle est souvent
mesurable. La seconde perspective, la distance psychologique se base, elle, sur le
ressenti, sur la mémoire de la relation et consiste en une logique plus intuitive ou
affective de la distance relationnelle. Ainsi, cette perspective de la distance
relationnelle est dyadique : la perception de la distance existant entre les individus
peut être différente d’une personne à l’autre dans la même relation.
La confusion et l’opposition au sein de la littérature porte sur la définition du concept
en tant que perception ou mesure objective directement observable. Ainsi, si l’on
considère uniquement la dimension de distance physique : faut-il demander à une
personne si ses proches lui semblent loin physiquement comme le firent Horn,
Arnone et al. (1997) ou mesurer la distance physique qui les sépare comme le fit
Robinson (1980) ou encore utiliser les deux logiques de la dimension comme le firent
Albert et Dabbs Jr (1970)?
Ne considérer qu’une perspective ou logique de travail limite la compréhension réelle
des perceptions des individus, du concept et donc la portée des travaux. C’est
pourquoi nous considérons chacune de ces perspectives et les présentons selon les
dimensions qui les caractérisent.
Dimensions
Au sein de la littérature, la notion de distance relationnelle reconnait généralement
trois dimensions principales soit la distance physique, temporelle et sociale. Certains
modèles ne comprennent que ces dimensions comme celui de Trope et Liberman
(2010) ou de Sorokin et Verrier (1938: 8-9). D’autres mêlent ces concepts dans un
modèle conceptuel qui n’a jusqu’à présent pas été validé comme Napier et Ferris
(1993) et dont la cohérence est à vérifier, plus de vingt ans après.
24
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
La première dimension est la dimension physique, qui représente la séparation
matérielle effective (perspective structurelle) ou la séparation ressentie entre deux
individus (perspective psychologique). La distance physique comprend l’ensemble
des contacts entre les individus ainsi que la qualité de ces contacts qui, accumulés,
forment la relation. La fréquence des contacts, ou fréquence d’interaction ainsi que
la qualité du moyen contact, exprimée à travers la perception de la richesse du
média utilisé (face à face, téléconférence, téléphone…) trouvent ainsi leur place au
sein de la distance physique (Carlson et Zmud, 1999; King et Xia, 1997)
La dimension temporelle représente quant à elle la séparation de durée effective
(perspective structurelle) ou perçue (psychologique) entre deux individus. Le
synchronisme des réponses lié au média de communication, la durée séparant
chaque contact, la durée des contacts eux-mêmes et de la relation trouvent ainsi leur
place au sein de la distance temporelle.
De cette manière la richesse du média et la distance de type interactive, c’est-à-dire
la durée et le nombre de contacts se retrouvent dans deux dimensions : temporelle et
physique. En effet, temps et espace sont difficilement dissociables, l’un impliquant
souvent l’autre (Boroditsky et Ramscar, 2002; Espinosa, Cummings et al., 2003). La
distance temporelle est plus difficile à exprimer concrètement et la langue nous invite
généralement à utiliser des notions d’espace pour représenter le temps. Il est courant
de distinguer l’origine qui n’existe plus : le passé ; et le point d’arrivée qui n’existe
pas encore : le futur. La distance temporelle représente la durée qui nous sépare de ces
points sur la ligne du temps. Évidemment, la ressemblance entre temps et espace ne
s’arrête pas à notre vocabulaire et notre esprit lui aussi est amené à confondre les
deux. À tel point que notre position dans l’espace à un temps donné a un impact sur
notre conception du temps futur (Boroditsky, 2000). La distinction entre dimension
physique et temporelle doit cependant être respectée puisque si l’individu dispose
d’un niveau de contrôle sur son espace matériel, il n’a pas cette liberté sur le temps,
qui lui, reste incontrôlable (Trope et Liberman, 2010).
Enfin, la dimension sociale est la plus large et la plus abstraite des dimensions de la
distance relationnelle. La définition de distance sociale que nous utilisons est celle de
la sociologie, définie par les travaux de Park, Burgess et al. (1967) comme une forme
d’intimité et de compréhension individuelle. La distance sociale est la séparation
imposée par la société. Selon Kadushin (1962), Karakayali (2009) et Park, Burgess et
25
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
26
al. (1967) on distingue quatre types de distance sociale soit la distance interactive,
normative, culturelle et affective (ou personnelle) :
•
La notion de distance interactive qui représente la fréquence et l’intensité
des contacts est déjà incluse dans notre modèle dans la dimension de distance
physique.
•
La distance normative crée le groupe et la relation et les régit grâce à un
ensemble de normes et de statuts. On pourrait l’exprimer par la distance que
l’on devrait avoir. Un exemple de distance normative est la parenté qui
forme la famille.
•
La distance culturelle correspond au degré de similarité des valeurs des
individus. Elle est influencée par le processus d’homophilie : « l’amour du
même ».
Cette
distance
est
quelques
fois
dénommée
distance
psychoculturelle au sein de la littérature.
•
La distance affective ou personnelle est rapprochée du niveau de
compréhension, de communication indirecte, de sympathie, d’empathie entre
les individus. C’est le sentiment de se sentir proche de quelqu’un. La
distance affective comprend aussi les attitudes des individus. Une attitude
étant un état d’esprit, un jugement ou une tendance envers un autre individu
qui mène à une décision ou action.
Le type de distance affective est souvent mis de côté par les chercheurs. Certains
demandent à ce qu’elle soit plus étudiée (Fiedler, 2007). Ce type de distance concerne
un acte psychique : le ressenti. Or celui-ci dépend du comportement de l’individu
avec qui on est en relation. De plus, son lien avec une dimension sociale n’est pas
explicite. En effet le terme social exprime un fait de société ou de vie en communauté
et non un sentiment 21 ou un fait personnel. Nous décidons donc de le séparer de la
notion de distance sociale pour mieux exprimer son orientation vers l’acte psychique.
En effet parmi les notions présentées, seul le type de distance affective, qui inclut
l’attitude, invite à l’action.
Au sein de la littérature, une dernière catégorie de recherche s’intéresse aux
comportements et actions des individus. Nos actes, comme par exemple cesser de
parler ou user de cynisme peuvent imposer plus ou moins de distance avec les
individus qui nous entourent. C’est la distance de type comportementale telle que
21
Bien que la racine latine de social, socius signifie compagnon en latin et impliquait donc un sentiment
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
l’a étudié Hess (2003). La dernière dimension de la distance relationnelle associe
donc comportement et affect. Nous la nommons dimension de l’acte et celle-ci
représente une séparation imposée par nos actes (psychiques et physiques).
Les différentes dimensions de la distance, telles que définies et décrites peuvent être
représentés graphiquement tel que présenté dans la figure 7 :
physique
temporelle
sociale
action
séparation matérielle
•distance interactive (i.e. perception de richesse du média)
•distance géographique
séparation de durée
•distance interactive (i.e. synchronisme des réponses)
séparation imposée par la société
•distance normative
•distance culturelle
séparation imposée par nos actes
•distance affective (actes psychiques)
•distance comportementale (actes physiques)
Figure 7 : Dimensions de la distance relationnelle, définition et types associés
Les dimensions de la distance relationnelle s’influencent les unes et les autres. Il a
ainsi été démontré que chacune de ces dimensions, bien que distincte, est souvent
interprétée de manière similaire par notre cerveau, ce qui renforce l’idée d’une
distance relationnelle exprimant l’ensemble. (Liberman et Trope, 1998; Liberman,
Trope et al., 2007; Stephan, Liberman et al., 2011; Trope et Liberman, 2010).
Au sein de ces dimensions, certains types de distance sont multidimensionnels,
notamment les types de distance affective et normative (Grasha et Homan, 1995). De
plus les types de distance sociale ne répondent pas tous à la même perspective. Ainsi
la distance interactive et la distance normative, en ce sens qu’elles sont observables et
plus souvent mesurables, répondent à une perspective structurelle tandis que la
distance culturelle et la distance affective, qui évoquent des valeurs et sentiments,
sont plus intuitives : elles appartiennent à la distance psychologique. Nous allons
maintenant reprendre chacune de ces dimensions et les placer au sein de chacune de
ces perspectives qui les caractérisent, soit les perspectives structurelle et
27
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
psychologique que nous avons introduites plus tôt. Nous illustrerons nos concepts à
l’aide des théories et études liées à chacun des types de distance exprimés.
2.2.1
Perspective structurelle
Une structure est une organisation d’un système ou d’un phénomène. Ainsi la
structure est l’ensemble organisé des rapports ou relations entre les éléments du
système ou du phénomène (Grand Robert, 2001d; Lalande, 1968). Une structure est
normalement durable et répond à une logique profondément rationnelle et objective 22.
De plus, elle impose un lot de contraintes aux éléments qui la composent.
Dans une relation humaine, la structure vient notamment jouer sur le contact et son
établissement. Il apparait logique que deux individus placés chacun à une extrémité
de la planète, sans moyen de communication, n’entreront jamais en relation, c’est une
des contraintes ou dimensions de la distance structurelle. Nous avons identifié que la
structure d’une relation s’exprime au sein de la littérature selon quatre dimensions :
une dimension physique, temporelle, sociale (au sens normatif) et action
(comportementale). Au sein de la perspective structurelle, chacune de ces dimensions
correspond à un ou plusieurs types de distances. La suite de cette section s’articule
autour de la présentation des différents éléments présents dans le graphique suivant :
Dimensions de la
distance
relationnelle
Types de distance selon la
perspective structurelle
Physique
Distance géographique et distance
interactive (i.e. richesse du média)
Temporelle
Distance interactive (i.e. Synchronisme
des réponses)
Sociale
Distance démographique/normative
Action
Distance comportementale
Figure 8 : Dimensions et types de distance de la perspective structurelle
22
C’est ainsi que le mouvement Néo-kantien du structuralisme tente à partir des années 1950 de
structurer les connaissances philosophiques et scientifiques en les objectivant et en s’opposant à toute
forme d’intuition.
28
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Physique
Cette dimension est sans doute la plus utilisée en recherche (Erskine, 2007). On la
nomme aussi séparation géographique ou distance spatiale. Cependant, sa
conceptualisation est encore fragmentée selon les études (O'Leary et Cummings,
2007). Dans une perspective structurelle, la dimension de distance physique se définit
dans un espace et se mesure en une unité de longueur séparant deux points. De
nombreux mathématiciens se sont penchés sur les types de distance physique à
commencer par Euclide en terminant par Maurice René Fréchet 23 en passant par
Pafnouti Tchebychev 24.
Cet espace limite nos sens. Le toucher demande une distance physique nulle tandis
que la vue permet une distance plus importante. Entre les deux, l’ouïe représente aussi
une limite physique de la relation dans l’espace. C’est pourquoi nous avons inclus la
richesse du médium de communication à la distance physique puisque celui-ci, même
avec les technologies actuelles, est fortement défini par la distance physique. Il est par
ailleurs facilement compréhensible que la distance physique limite la fréquence des
interactions (Espinosa, Cummings et al., 2003; Monge et Contractor, 2003) et qu’il en
soit de même pour le médium de communication (prenons l’exemple d’une lettre
versus une téléconférence).
La distance physique est notamment utilisée par la théorie des réseaux sociaux. Plus
les personnes interagissent (quel que soit le sujet) et plus elles devraient être proches
(Antonakis et Atwater, 2002; Hess, 2003). Il est alors simple de représenter ces
interactions au sein d’un réseau et d’en permettre l’étude par les mathématiques
(Tichy, Tushman et al., 1979). Le point représentant le sujet et la ligne représentant
les interactions qu’il aura avec d’autres sujets, on pourra pondérer cette relation selon
sa fréquence ou son intensité (sa durée)… On obtient alors un réseau formé de
grappes ou groupes évoluant dans un même espace et se distinguant par ces relations.
La méthode des réseaux sociaux permet d’analyser les relations au sein
d’organisations selon le type de relation (Boguñá, Pastor-Satorras et al., 2004).
23
24
Mathématicien du XXème siècle, inventeur du système métrique
Mathématicien du XIXème siècle célèbre pour avoir calculé la distance de Manhattan ou distance de
l’échiquier
29
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Au sein d’une autre théorie, l’anthropologue Edward T. Hall (1963) a exprimé en
pieds l’espace réservé de manière inconsciente pour certains types de relations. Il a
défini quatre espaces selon le type de relation et l’altération des sens : soit un espace
intime (qui permet le toucher et l’odorat), un espace personnel (accessible aux amis –
l’odorat est perdu, le toucher possible), un espace social (pour les connaissances,
toucher uniquement pour serrer une main) et un espace public (pour les discours ou
interpellations lointaines, vue et ouïe seulement). Cette théorie se nomme la proxémie
et fut réutilisée en sciences infirmières notamment 25. Les études de Hall ont permis
d’établir que chaque communication devrait avoir une distance physique optimale.
Pour générer sa théorie, Hall a utilisé la distance géographique mais aussi le
comportement de l’individu. De plus, il a établi que les distances géographiques
correspondaient à des normes sociales (distance normative) et qu’elles changeaient de
pays en pays. Hall utilise donc plusieurs dimensions de la distance, il en va de même
pour nombre de théories que nous présenterons, peu d’entre elles se limitant à une
seule dimension ou perspective de la distance.
La distance physique peut ainsi se réduire à quantifier ou qualifier les perceptions
(plus le point est éloigné de moi physiquement, et plus je le perçois mal ou de petite
taille…). Cependant, avec l’introduction des technologies permettant une relation à
distance (courriels, visioconférences…), la notion de séparation physique dans la
relation a doit être redéfinie (King et Xia, 1997). Ainsi, la présence physique, ou
plutôt le sentiment d’une présence physique (perspective psychologique) peut
s’exprimer selon une richesse du média de communication. La richesse du média de
communication, telle que présentée par Daft et Lengel (1986) se définit selon 4
facteurs : la faculté de transmettre de multiples réponses (par exemple les inflexions
de la voix ou les gestes) – ce qui correspond à la mobilisation des sens -, le
synchronisme des réponses, la variété des langues (permises par les traductions du
logiciel) et la personnalisation du médium. Plus un média mobilise ces facteurs et plus
il est considéré comme riche (Dennis et Kinney, 1998). On remarque que ces facteurs
ne mobilisent pas uniquement la dimension physique mais aussi la dimension
temporelle notamment. La théorie de la richesse du média vise à expliquer la sélection
et décision d’utiliser une technologie. Notre étude s’intéresse aux impacts de la
technologie et non à son design ou à sa sélection. Néanmoins, la théorie de la richesse
25
Par Virginia Henderson, Nite et al. (1978)
30
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
du média nous permet d’évaluer l’artéfact technologique afin de contextualiser son
impact. De plus, d’autres théories utilisent la richesse du média. C’est ce que fait la
théorie de la présence sociale qui postule que les différents média de communication,
selon leur richesse, permettent différentes prises de conscience de l’autre durant la
communication (le sentiment d’être en relation). Néanmoins, selon les études,
différentes définitions de ce qu’est la présence sociale ont été utilisées et c’est ainsi
que cette théorie mobilise les perspectives structurelle et psychologique et quelques
fois même des dimensions autres que physique (Biocca, Harms et al., 2003). Cette
théorie vise principalement à classer la richesse des media de communication
(perspective structurelle) pour en déduire la sensation de présence (perspective
psychologique). L’une de ses limites est que la richesse d’un média, bien qu’à priori
lié à l’artéfact technologique, et donc étudiée comme telle, est avant tout une
perception (ou un jugement - perspective psychologique). Il a ainsi été démontré que
c’est plus l’expérience de l’individu (dimension action) ainsi que l’influence sociale
(dimension sociale) qui conduisent à la perception de richesse d’un média et que cette
dernière explique le choix d’un média ou un autre (Carlson et Zmud, 1999; King et
Xia, 1997). Il est ainsi difficile de juger des résultats de la recherche actuelle.
Temporelle
Une séparation de durée peut être exprimée en fuseaux horaires, en des horaires de
travail qui tiennent plus ou moins éloignés (O'Leary et Cummings, 2007) mais aussi
en temps de latence (le temps d’attente d’une réponse) (Moon, 1999). Tel que nous
l’avons démontré, c’est ce temps de latence, souvent impliqué par la richesse du
média de communication (ce que nous appelons son synchronisme), qui limite la
fréquence des interactions.
Walther (1992) postule, au sein de la théorie du traitement des informations sociales,
qu’avec un média moins riche et donc transportant moins d’information, la relation
met plus de temps à se développer. L’adaptation permet, avec le temps, de passer
outre les manques de la relation à distance. Les canaux plus riches, une fois
l’adaptation passée, ne seront plus favorisés. En effet, les personnes tendront à
conserver leur habitude et leur confort avec la première technologie (distance de
dimension action) (Swaab, Galinsky et al., 2012).
31
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Les autres théories qui s’intéressent à la dimension temporelle l’ont généralement liée
ou plutôt limitée à une dimension physique. C’est le cas, par exemple, de la théorie de
la présence sociale que nous avons présentée dans la section précédente et qui
considère la richesse du média plus selon les sens et perceptions impliquées que selon
son synchronisme (Erskine, 2007).
Sociale (normative)
La notion de distance sociale fut introduite par Georg Simmel (2007) dans un chapitre
consacré à l’étranger de son livre-essai sur la philosophie des Geldes. Il y définit la
notion de distance sociale comme une « quantité observable qui varie d’une structure
sociale à une autre » (librement traduit de la citation de Georg Simmel, The
Sociology of Georg Simmel p 97 dans Kadushin, 1962).
Cette distance génère le groupe et le structure en s’appuyant sur un ensemble de
normes et de statuts. Elle se base sur ce qui forme la structure du groupe, ce qui fait la
différence entre un membre et un étranger. Ainsi ce type de distance se caractérise par
tout ce qui peut séparer les humains : sexe, âge, nationalité, religion, couleur de peau,
etc. Triandis et Triandis (1960) ont déterminé qu’il existait une graduation entre ces
éléments : une distance sociale sera plus importante selon la différence d’ethnie, la
classe sociale, la religion et la nationalité (selon leur ordre d’importance).
La distance sociale est donc liée à l’appartenance au groupe, aux jeux de pouvoirs, à
la position sociale, à l’autorité, la hiérarchie et aux symboles qui l’entourent
(Antonakis et Atwater, 2002). À titre d’exemple, Rothaus, Morton et al. (1965) ont
opérationnalisé cette distance par les échelons d’une hiérarchie qui séparent deux
personnes. La distance sociale, au sein de l’organisation se rapporte à l’organigramme
ou aux descriptions de postes.
La notion de position sociale a été traduite par le concept d’incongruence de statut.
Elle correspond à une inégalité entre les positions de deux individus dans la structure
hiérarchique formelle ou informelle. Habituellement, cette différence de statut
implique plus de distance et donc moins d’initiation de communication, de
coopération et d’échange entre les acteurs (Latta, 1978; Shrum, 1990).
L’incongruence de statut ne doit pas être confondue avec la notion d’inconsistance de
statut qui signifie, elle, qu’une même personne est en position hiérarchique donnée
mais n’a pas les attributs correspondants (reconnaissance, pouvoir, éducation…).
32
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
C’est la distinction entre ce qui devrait être et ce qui est (et donc une perspective
psychologique contre une perspective structurelle). L’inconsistance de statut,
lorsqu’elle est négative (la personne n’est pas positionnée au niveau qui lui
correspond ou qu’on lui reconnait et perd au change) conduirait à des émotions
négatives, au stress et à la honte (Lundberg, Kristenson et al., 2009). Ainsi
l’incongruence de statut est exprimée au sein de la dyade et en termes de distance
tandis que l’inconsistance de statut est généralement individuelle, utilise plusieurs
dimensions de la distance et pourrait avoir à terme un impact sur la distance
relationnelle.
Action (Comportementale)
Afin de valider l’expérience qu’est la rencontre d’une autre personne De Rivera et
Kreilkamp (1981) justifient que ce sont les actions ou comportements des individus
qui démontrent la véritable distance car elle est choisie. Poursuivant leur travail, Hess
(2002) s’intéresse au processus de régulation de la distance et tente d’énumérer des
tactiques ou comportements qui génèrent de la distance entre les individus. Ces
tactiques sont regroupées au sein de plusieurs types de comportements. L’expression
du détachement vise à montrer passivement à l’autre que la relation n’est pas
désirable (ignorer la présence ou les idées de l’autre, ne pas l’inclure dans les
conversations, se moquer…). Éviter de s’engager vise à réduire la quantité
d’interaction (ignorer l’autre, réduire la durée de contact, utiliser un moyen de
communication moins immédiat…) et à dépersonnaliser la relation (en limitant
l’interaction à ce qu’elle devrait être, à des remarques polies, en évitant d’exprimer un
avis personnel, en ne riant pas avec l’autre ou en évitant tout sujet trop intime…).
Pour terminer, montrer de l’antagonisme est plus direct et agressif (expliciter la
relation en exprimant des sentiments négatifs, montrer de l’hostilité ou rejeter l’autre
des conversations) (Hess, 2000).
33
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Récapitulatif
Le tableau suivant présente chacune des dimensions de la perspective structurelle
ainsi que les auteurs qui ont abordé cette dimension et le nom qu’ils lui ont donné
dans leur modèle de distance relationnelle.
Dimension
Présence dans le modèle de :
Physique
•
•
•
•
•
•
Temporelle
Sociale (normative)
•
•
•
•
•
•
•
Action
(comportementale)
•
•
•
•
Erskine (2007) – distance structurelle
Napier et Ferris (1993) – distance structurelle
Antonakis et Atwater (2002) – distance physique
Karakayali (2009), Kadushin (1962); Park, Burgess et al.
(1967) – distance interactive
Howell, Neufeld et al. (2005) – distance interactive
Espinosa, Cummings et al. (2003) – distance
géographique
Hinds et Mortensen (2005) – distance structurelle
(Espinosa, Cummings et al., 2003) – distance temporelle
Antonakis et al. (2002) – distance sociale
Karakayali (2009), Kadushin (1962); Park, Burgess et al.
(1967) – distance normative
Grasha et Homan (1995) – statut
Erskine (2007) – distance de statut
Napier et Ferris (1993) – distance psychologique
(différences démographiques et de pouvoir)
Trope et Liberman (2010) – distance sociale
Shamir (1995) – relation directe
Hess (2003) Hess (2002) – évitement et désengagement
De Rivera et Kreilkamp (1981) – comportements
Tableau 2 : Sommaire des auteurs mentionnant les dimensions de la perspective structurelle
Nous allons maintenant nous intéresser à la deuxième perspective de la distance
relationnelle, soit la perspective psychologique.
2.2.2
Perspective psychologique
La psychologie concerne les faits psychiques, les pensées, les ressentis. Cette
perspective de la distance relationnelle est la principale exposée par Kant et
correspond à la seconde partie du processus d’Husserl (l’effort d’imagination et
l’aptitude à prévoir l’autre). La psychologie est fondamentalement subjective en ce
qu’elle concerne des sensations, sentiments et sensibilités de chacun. Ainsi manquer
34
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
de psychologie est souvent associé à un manque d’intuition. Dans la relation humaine,
la distance psychologique est définie comme « la perception de quelque chose éloigné
ou proche de moi, ici et maintenant » (librement traduit de Liberman, Trope et al.,
2007). La suite de cette partie s’articule autour de la présentation des différentes
dimensions de la distance psychologique qui sont synthétisées dans la figure
suivante :
Dimensions de la
distance
relationnelle
Physique
Temporelle
Types de distance selon la
perspective psychologique
Distance physique perçue
Distance temporelle perçue
Sociale
Distance culturelle
Action
Distance affective
Figure 9 : Dimensions et types de distance selon la perspective psychologique
Physique et Temporelle
Au niveau psychologique, la distance physique se définit comme la séparation
physique perçue ou ressentie tandis que la distance temporelle se définit comme la
séparation de durée perçue ou ressentie. Ces deux concepts sont intimement liés et ont
une grande influence l’un sur l’autre (Liberman et Trope, 1998; Liberman, Trope et
al., 2007). Ainsi, la perception de la richesse du média, que nous présentions plus
haut dans la section dimension physique de la perspective structurelle explique l’une
des distances psychologiques liées au temps et au physique. C’est la perception de
pouvoir communiquer plus ou moins d’information et d’impliquer son interlocuteur.
Cette notion n’est cependant exploitée que pour expliquer le choix d’un médium de
communication (Carlson et Zmud, 1999; King et Xia, 1997).
La plupart des recherches ayant exploré la distance temporelle et physique dans une
perspective psychologique ont utilisé la théorie des niveaux de construits 26 (Trope et
26
Level Construal Theory
35
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Liberman, 2010). En partant du constat que l’on ne peut expérimenter que l’ici et
maintenant – le reste devant être construit intellectuellement 27– cette théorie exprime
que plus un objet ou un évènement est distant psychologiquement et plus le niveau de
conception par l’individu sera d’un niveau abstrait. Prenons un exemple, si le sujet
planifie d’aller à la plage dans un an (distance temporelle), ses pensées et sa
description de l’évènement seront d’un niveau très abstrait : l’individu pourra alors
aborder le fait de se relaxer, de s’amuser, d’être en vacances. Si le sujet planifie cette
fois-ci d’aller à la plage demain, il abordera alors le fait d’acheter une glace, de
prendre ses raquettes et sa crème solaire ou encore d’aller acheter un maillot de bain.
Notre conception de la distance est telle qu’une grande distance sera plus orientée par
un désir, une finalité, un « quoi », tandis qu’une plus petite distance est plus
influencée par sa faisabilité, le « comment » (Liberman et Trope, 1998). Notons que
cette théorie s’applique à toutes les distances psychologiques, soit physique,
temporelle, et sociale. De plus elle est bidirectionnelle : ainsi décrire un évènement
abstraitement amènera le sujet à penser à un cadre temporel plus éloigné et penser à
un cadre plus éloigné amène à le décrire de manière plus abstraite (Liberman, Trope
et al., 2007).
Sociale (culturelle)
La distance sociale perçue correspond au partage de valeurs entre les individus.
Parfois dénommée distance psychoculturelle, cette dimension de la distance a été
présentée par Pierre Bourdieu (1989). Celui-ci explique que chaque classe sociale
dispose d’un capital (économique, social, culturel et symbolique) qui lui donne sa
légitimité et la caractérise. Plus le volume et la structure de ce capital se ressemblent
et plus les classes devraient être proches. Cette distance peut ainsi transcender le
groupe et rapprocher les individus étrangers selon le principe de similarité. On parle
d’homophilie : plus les valeurs des individus sont proches et plus ils devraient devenir
proches, c’est ce que postule la théorie de l’attraction interpersonnelle. Cette théorie
ne se limite cependant pas aux valeurs, elle explore aussi la personnalité, le physique
de la personne, ses intérêts, sa position sociale perçue…(Botwin, Buss et al., 2006;
Klohnen et Luo, 2003; Little, Burt et al., 2006). Au niveau organisationnel, on parle
27
Ce qui se rapproche de la notion d’alter-égo chez Husserl
36
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
d’identification organisationnelle lorsque les valeurs d’un individu correspondent à
l’identité de l’organisation et aux attributs de celles-ci (Dutton, Dukerich et al., 1994).
Ainsi, le principe d’homophilie utilise les mêmes observations objectives que la
dimension de distance normative (dans la perspective structurelle) : sexe, âge, ethnie,
religion, éducation… Un exemple d’étude de l’homophilie est celle de Douglas Dow
(2000) qui mêle distance objective et différences d’éducation, de religion,
linguistiques, culturelles et politiques pour expliquer le choix des partenaires
commerciaux internationaux des entreprises. Mais l’homophilie inclut aussi les
valeurs, les comportements, et les croyances (McPherson, Smith-Lovin et al., 2001).
L’un des premiers auteurs à avoir abordé la notion de distance psychologique,
(Fiedler, 1953) l’a presque exclusivement définie en termes de perception
d’homophilie. Il s’agissait selon lui du degré de similarité et de différences perçues
qui existent entre deux individus, cette similarité générant une relation plus proche; la
théorie des niveaux de construits supporte aussi cette conclusion (Liviatan, Trope et
al., 2008).
Action (Affective)
Inspiré des écrits de Simmel (2007), Park, Burgess et al. (1967) définissent la distance
sociale comme le « degré de compréhension et d’intimité qui caractérise les relations
sociales et personnelles » (Librement traduit Park, Burgess et al., 1967: 339). Cette
intimité, cette confiance et ces émotions peuvent être interprétés comme la qualité de
la relation (Hess, 2000). Ainsi le type affectif du concept de distance relationnelle
exprime les émotions et attitudes de chacun des protagonistes (Erskine, 2007). Ce
type de distance est profondément cognitif, ce que Hess (2003) nomme dissociation
cognitive. Il s’agit de changer sa perception de l’autre et la signification de ce qu’il est
ou fait (se sentir détaché, percevoir l’autre comme étant moins capable ou ayant
moins de droits, réinterpréter le discours de l’autre pour lui donner moins
d’importance…).
Ce type de distance a connu différentes interprétations selon les auteurs et a souvent
été mêlé à d’autres dimensions de la distance relationnelle. Par exemple Bogardus
(1933), un élève de Park, s’est intéressé à la volonté d’établir une relation selon divers
degrés de proximité, avec un groupe social. Son échelle reste sans doute l’outil le plus
37
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
utilisé 28 de mesure de distance sociale affective et a été adapté dans de nombreux
contextes (Parrillo et Donoghue, 2005; Wark et Galliher, 2007). Cependant, si elle est
adaptable à tout groupe et se base sur une attitude, l’échelle de Bogardus ne repose
pas moins sur des normes d’appartenance au groupe et donc un type de distance
normative (perspective structurelle, dimension sociale). De plus, comme il s’agit
d’évaluer des groupes, l’échelle de Bogardus n’est que difficilement applicable à une
relation dyadique. Ainsi, la distance affective demande encore d’approfondir les
recherches (Fiedler, 2007).
La théorie des cycles émotifs de Hareli et Rafaeli (2008) tente d’expliquer
l’établissement de ce type de distance en décrivant le processus de transmission et
d’élaboration des émotions. Au sein des groupes et entre les personnes, les émotions
suivent un cycle de communication et de transmission qui a un impact sur le
comportement et la relation. Selon cette théorie, il existe trois moyens de développer
une émotion : par mimétisme, par interprétation émotive et par inférences sur
l’émotion divulguée. Le mimétisme est une forme de contagion émotive (les
émotions convergent). L’interprétation émotive correspond à une réaction
empathique, consciente ou non, à l’émotion d’autrui. Plutôt que de converger, les
émotions ici se complètent. Par exemple on pourra ressentir de la peur face à la
colère. Enfin les inférences de l’émotion divulguée sont des attributions que la
personne peut faire sur autrui en fonction des émotions qu’il divulgue. Ainsi, une
émotion porte de l’information sur le pouvoir de la personne ou son statut social
(distance de type normative et culturelle), sur ses compétences et sur sa crédibilité.
Chaque émotion communiquée par une personne a un impact sur le comportement
d’approche ou de distanciation adopté et ainsi le cycle émotif, de comportement en
émotion, forge la relation (Hareli et Rafaeli, 2008). Cette théorie n’est pas sans
rappeler les travaux de Travelbee (1971) sur la gestion des émotions dans la fonction
infirmière. La sympathie et l’empathie sont des interprétations émotives et le rôle
infirmier demande de nombreuses inférences d’émotions tel que le confirme Mc
Queen (2004).
Enfin, Ichiyama (1983) s’est quant à lui intéressé au sentiment de proximité dans la
relation en essayant de se sortir du type de distance comportementale ou normative. Il
28
A titre d’exemple, la base de données PsycInfo retourne 147 résultats à la recherche : « Bogardus
Social Distance Scale ».
38
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
a construit un modèle basé sur le comportement. Il s’agit de considérer des attitudes
telles que la patience, la coopération, l’irritabilité, l’amicalité, la tension, la chaleur,
l’acceptation, la considération et le montant global de sentiments positifs (Grasha et
Homan, 1995; Salzmann et Grasha, 1991; Vaughn et Baker, 2004).
Récapitulatif
Le tableau suivant présente chacune des dimensions de la perspective psychologique
ainsi que les auteurs qui ont abordé cette dimension et le nom qu’ils lui ont donné
dans leur modèle de distance relationnelle.
Dimensions
Physique
Temporelle
Sociale (culturelle)
Action (affective)
Présence dans le modèle de
• Antonakis et Atwater (2002) – perception des fréquences
d’intéractions
• Trope et Liberman (2010) – distance physique
• Howell, Neufeld et al. (2005) – distance physique
• Trope et Liberman (2010) – distance temporelle
• Karakayali (2009), Kadushin (1962); Park, Burgess et al.
(1967) – distance culturelle
• Fiedler (1953) – Similarité Assumée
• Napier et Ferris (1993) – distance psychologique (différences
de valeurs)
• Liviatan, Trope et al. (2008) – distance sociale
• Trope et Liberman (2010) – distance sociale
• Antonakis et al. (2002) – distance sociale
• Erskine (2007) – distance psychologique
• Hinds et Mortensen (2005) – distance psychologique
• Kadushin (1962); Karakayali (2009) – distance affective
• Park, Burgess et al. (1967) – distance personnelle
• Grasha et Homan (1995) – affect
• Napier et Ferris (1993) – distance fonctionnelle
• Hess (2002, 2003) – dissonance cognitive
Tableau 3 : Sommaire des auteurs mentionnant les dimensions de la perspective psychologique
39
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
2.2.3
40
Distance Relationnelle
Voici représentation graphique récapitulative des perspectives, dimensions et types de
distances qui permettent la compréhension de la distance relationnelle et forment
notre cadre conceptuel.
Dimensions
Physique
Perspective Structurelle
Perspective
psychologique
Distance géographique
Distance interactive (i.e. richesse
du média)
Distance physique perçue
distance interactive (i.e.
synchronisme)
Distance temporelle perçue
Sociale
Distance
démographique/normative
Distance culturelle
Action
Distance comportementale
Distance affective
Temporelle
Figure 10 : Cadre conceptuel
Le modèle de distance relationnelle que nous avons introduit dispose de relations
complexes. Chaque type de distance influence un autre type de distance dans une
dimension ou une perspective différente. Les premiers effets de la distance ne sortent
pas de l’ensemble que forme le concept : ils sont endogènes. Si l’on veut sortir de cet
ensemble il faudra obligatoirement passer par la dimension action (comportement ou
affectif) qui est la seule dimension que l’individu maitrise totalement et dont la
conséquence pourra être portée sur d’autres concepts telles que la productivité
individuelle, les profits (Howell, Neufeld et al., 2005) ou encore la réussite scolaire
(Merisotis et Phipps, 1999).
La littérature étudie la distance relationnelle selon deux résultats possibles : certains
étudient l’impact d’un type ou d’une dimension de la distance sur une autre, tandis
que d’autres, moins nombreux, étudient l’impact de la distance relationnelle (ou d’un
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
type de distance) sur une variable exogène 29. Cependant, la distance relationnelle n’a
jamais été appliquée à un contexte infirmier. La santé (si on la conçoit comme un
résultat ou une variable 30) et la relation infirmière n’ont donc jamais été confrontées à
ce concept. Notre étude se limitera à étudier le concept de distance relationnelle luimême et ses impacts endogènes. Ceci pour la simple raison que tout résultat exogène
à la distance relationnelle passe obligatoirement par une modification endogène du
système (au niveau de la dimension action).
Si beaucoup d’articles théorisent sur la distance, ses impacts divers sont encore
difficiles à comprendre. La plupart des recherches sur la distance relationnelle sont
théoriques (Erskine, 2007). De plus, opérationnaliser la perspective psychologique de
la distance relationnelle est un défi pour la plupart des chercheurs. De nombreuses
études conceptualisent cette perspective de la distance mais l’opérationnalisent dans
la perspective structurelle, souvent en utilisant la même dimension. C’est ainsi que les
concepts de Bogardus (1933) relèvent d’un type de distance affective (perspective
psychologique – dimension action) mais la mesurent selon des normes (distance
normative – perspective structurelle – dimension sociale 31 ). Il devient difficile de
savoir si l’on évalue bien le bon concept. Sans toutefois discuter de la validité de ces
études, certains recadrages s’imposent. Ainsi l’intérêt pour la distance sociale se
limite majoritairement à des recherches sur des groupes ethniques, des personnes
malades (mentalement ou VIH), des problèmes d’effet de troisième personne 32 ou
encore des distances linguistiques. De même, les impacts de la distance ont surtout été
étudiés en gestion (notamment avec les équipes distribuées) et en pédagogie (avec les
cours en ligne). Ces études sont peu applicables à notre contexte. Enfin les résultats
sont souvent contradictoires et ne permettent pas de constituer une évidence. Par
exemple, le concept de persuasion augmente avec la distance chez Chandran et
Menon (2004) et diminue chez Albert et Dabbs Jr (1970). Une liste de quelques
recherches empiriques utilisant la distance est disponible en annexe II en page 119.
29
Qui est extérieur au système de distance
30
Notons que ce n’est pas l’avis de Travelbee (1971)
31
L’échelle de Bogardus demande de placer un individu ou groupe d’individus au sein d’un groupe
social : famille, amis, etc. Le groupe d’individus étant déjà identifié par une norme (ethnie, sexe,
religion…)
32
Le problème de l’effet de troisième personne postule que les personnes tendent à percevoir les
communications de masse comme ayant une influence plus importante sur les autres que sur eux-mêmes.
41
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Notre étude concerne uniquement les impacts qui pourraient avoir une influence dans
un contexte infirmier. Étant donné l’absence de littérature à ce sujet, cela justifie la
nature exploratoire de cette recherche : nous allons utiliser notre cadre conceptuel
pour tenter de comprendre les liens et découvrir les effets endogènes de la
télésurveillance à domicile au sein de la distance relationnelle33.
2.3
Télésurveillance
Face à un manque de ressources financières et humaines et afin d’éviter une pénurie
de services de santé, les institutions de santé se doivent de trouver une solution. C’est
dans un objectif de réduction des coûts, d’optimisation des ressources,
d’augmentation de l’accessibilité et de la continuité des soins que les outils de
télésurveillance se sont développés comme une alternative (Ackerman, Filart et al.,
2010; Kairy, 2010; Nouhi, Fayaz-Bakhsh et al., 2012).
La différence entre les soins traditionnels à domicile et la télésurveillance à domicile,
tel qu’expliqué en introduction, tient au processus de soins utilisé. Dans la suite de
cette partie, nous allons reprendre ce processus dans le détail. Une représentation
graphique (parmi les différentes possibles) accompagnée d’une description pour
chacun des deux processus comparées est présentée en annexe V et VI page 127.
En soins traditionnels la prise en charge du patient par l’équipe infirmière se constitue
de passages réguliers chez le patient à intervalles allant de trois jours à trois semaines
(selon le plan de soins infirmiers). Il s’agit généralement du même professionnel
infirmier, ce qui permet d’établir une relation sur le long terme. À chaque visite, le
patient se fait prélever ses données cliniques (signes vitaux, symptômes, …) par
l’infirmier. Ces données servent à des fins de suivi, d’interprétation et de prise de
décision. Lors de la visite, le professionnel infirmier prodigue l’enseignement lié à la
promotion de la santé et à la prévention de la maladie selon le temps dont il dispose.
Si un problème est détecté, l’infirmier propose alors des solutions palliatives.
L’ensemble des données est ensuite placé dans le dossier médical. En cas d’urgences
ou s’il a des questions, le patient peut appeler le centre responsable de son suivi. Ce
processus n’a pas de durée de vie établie et peut s’étaler sur des années.
33
Pour plus de détails sur la méthodologie, voir le chapitre III : Méthodologie et présentation du cas en
page 43
42
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
En télésurveillance à domicile, la prise en charge du patient par l’infirmier se réalise à
distance grâce à l’utilisation d’un outil technologique permettant de transmettre des
informations quotidiennement. Chaque jour (et selon le plan de soins infirmiers,
même plusieurs fois par jour pour certains), le patient prélève lui-même ses données
cliniques et les transmet via l’appareil. Il reçoit alors des conseils préprogrammés
dans le système. De son côté, l’infirmier gestionnaire de cas reçoit l’ensemble des
données et les interprète quotidiennement. Dès qu’il détecte un problème, il décide
d’une solution palliative. Cette solution peut consister en un ajustement du traitement,
en des conseils donnés au patient, une visite infirmière à domicile, une intervention
du médecin traitant ou d’un autre spécialiste ou encore, dans les cas plus extrêmes, en
une visite aux urgences. L’infirmier contacte le patient pour lui indiquer les détails de
cette solution, ce contact peut être téléphonique ou utiliser l’outil technologique.
L’infirmier s’occupe aussi de contacter le professionnel qui réalisera l’intervention
s’il y a lieu. En dehors de cet appel téléphonique allant de l’infirmier au patient, le
patient peut aussi appeler le gestionnaire de cas s’il a des questions ou en cas
d’urgence. Le suivi à distance via les télésoins dure habituellement entre trois et
douze mois selon la condition du patient. Ce suivi cesse généralement parce que les
institutions veulent faire bénéficier de ce service au maximum de patients malgré des
ressources technologiques (nombre d’appareils disponible) limitées. Il cesse aussi
parce que le patient se stabilise ou parce que le programme prévoit que
l’apprentissage lié à l’usage de la technologie devrait se réaliser selon une durée
déterminée.
43
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
44
On pourrait analyser la différence entre ces deux processus selon le tableau suivant :
Processus
Soins à domicile
Visites infirmières Périodiques
(selon le plan de soins)
au domicile
Télésurveillance à domicile
Au besoin seulement
(par exemple lors d’un début de
décompensation 34)
Interactions
téléphoniques
Au besoin
Au besoin
Fréquence de
transmission des
données cliniques
Pas de transmission, les
données cliniques sont
prélevées lors des visites
Généralement sur une base
quotidienne (voire plus selon le
besoin)
Nature du rôle du Passif (attente de la visite)
patient
Actif (grâce au dispositif, le
patient doit collecter ses
données, les transmettre…)
Personnalisation
Le patient est généralement
suivi par le même infirmier
Le patient est suivi par le même
infirmier
Durée
Peut durer des années
Entre 3 mois et un an
Tableau 4 : Tableau comparatif des soins à domicile et de la télésurveillance
Nous l’avons vu, la modalité de la relation humaine et infirmière passe par l’usage de
« son corps, sa parole et son affect » (Manoukian et Massebeuf, 1995: p 9) pour
permettre d’entrer en relation. Dans le contexte de distance entre individus, certaines
de ces modalités sont modifiées, le patient étant intouchable et pouvant être invisible.
La théorie telle que l’expose King (1981) n’est pas sans rappeler le design d’un
système d’information utilisant processus et messages partagés entre systèmes. Avec
cette conceptualisation la télésurveillance à domicile n’est qu’un changement de canal
de communication, lui-même support de l’interaction entre le soignant et le soigné. Le
système informatique complèterait donc une partie du troisième système : le système
interpersonnel. C’est la richesse du médium de communication qui viendrait
modérer la qualité de la relation et le travail de l’infirmier pourrait gagner en
efficacité, efficience et productivité (en ayant notamment plus d’informations). King
n’aborde néanmoins pas la perception de cette richesse : les intervenants auront-ils
conscience de pouvoir communiquer autant avec ce nouveau medium de
communication?
34
La décompensation désigne une dégradation brutale de l’état de santé du patient
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
Le système social avec lequel le soignant et le soigné entrent en interaction, n’est pas
pris en compte par ce nouveau protocole de soin (Kérouac, 1994). Et cela vient
d’ailleurs s’étayer lorsqu’on évoque les attentes du patient. L’image de l’infirmier,
aidant dans la douleur au chevet du patient, posant une main sur son épaule en support
n’est plus plausible à distance 35. D’où l’importance de la perspective High Touch :
l’essentiel n’étant pas de s’équiper de technologies (Gaylor, 2001). On pourra prendre
l’exemple des entreprises : toutes peuvent s’équiper de serveurs, d’ordinateurs et
d’applications mais toutes n’ont pas pour autant accès à la productivité, à des
employés motivés ou plus moraux envers l’entreprise.
La théorie de Travelbee qui appelle le développement de sentiments chez l’infirmier
par l’observation, l’écoute, la sensibilité et le partage d’expériences semble aussi se
limiter dans le contexte de distance. L’émergence d’une identité et le sentiment
d’unicité du patient, se trouve du côté infirmier limité à un dossier médical mis à jour
quotidiennement et à quelques échanges téléphoniques selon les besoins. La seconde
étape du processus (émergence des identités) et même la rencontre avec le patient
(première étape) 36, sont remis en cause. Si l’infirmier qui suit le patient est pour celuici un anonyme, la compréhension mutuelle ne peut exister. Néanmoins, du côté du
patient, la recherche de signification des expériences (face à la maladie) et donc le
maintien de l’espérance pourraient être conservés notamment grâce aux conseils
préprogrammés délivrés par la technologie et grâce aux interventions infirmières qui
permettent et visent un apprentissage (Kérouac, 1994).
La littérature que nous venons d’aborder nous a permis de définir le concept de
distance relationnelle. Bien que ce concept soit peu utilisé et que sa définition reste
encore éparse (Erskine, 2007), nous avons pu établir un modèle conceptuel nous
permettant de comprendre la relation à l’autre et la distance relationnelle.
Le concept de distance relationnelle n’a jamais été exploité par les sciences
infirmières. Les théories sur la relation entre l’infirmier et son patient et les
recherches sur le sujet utilisent plutôt un processus et une ou plusieurs dimensions de
la distance relationnelle. La notion de distance relationnelle devrait être étudiée de
35
“The most important innovation in medicine to come in the next 10 years: the power of the human
hand.” (Verghese, 2011 à 2:11)
36
Dans certains cas l’infirmier ne rencontre pas son patient physiquement.
45
Chapitre 2: Revue de littérature et cadre conceptuel
manière longitudinale (Aubert, Rivard et al., 2009; Templier, 2007) et l’ensemble du
concept permettrait de mieux comprendre la relation de manière holistique.
Cette compréhension holistique est nécessaire, notamment avec l’introduction de la
télésurveillance. En effet, la relation de soin à distance soulève de nombreux
questionnements. Le patient à distance effectue toutes les activités du soin lui-même,
seul. L’infirmier peut-il prendre soin de quelqu’un à distance? Sommes-nous toujours
dans une relation de soin? Ainsi le chercheur voulant mesurer une qualité de soin en
télésurveillance devrait-il prendre en compte les actions du patient ou les décisions de
l’infirmier? Avant même de mesurer un quelconque impact sur le soin, le contexte de
télésurveillance à domicile nous invite, de par sa nouveauté, à vérifier la validité et
l’applicabilité de nos concepts de relation et de soin. Deux éléments principaux au
sein de notre revue de littérature.
Il est nécessaire de valider si la relation est maintenue. Si elle l’est, nous explorerons
son évolution et s’il n’y a plus de relation, nous tenterons d’expliquer pourquoi. En
d’autres termes, il nous faut valider s’il y a modification de la distance relationnelle,
si oui quelle en est la nature, et sinon pourquoi. Le prochain chapitre présente la
méthodologie que nous allons employer afin de répondre à cette question.
46
CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE ET PRÉSENTATION DU CAS
Si nous pouvions mesurer la distance qui nous sépare de ceux que nous croyons les plus
proches, nous aurions peur.
Cocteau, la Difficulté d'être, p. 222.
La recherche correspond à l’art de savoir répondre de manière efficace et efficiente
aux questions que l’on se pose. Ce mémoire a pour objectif de permettre une
meilleure compréhension de la relation entre l’infirmier et son patient dans un
contexte de télésurveillance à domicile. Afin de répondre à nos questions de
recherche, une démarche rigoureuse de collecte de données et d’interprétation de
celles-ci a été élaborée.
Cette étude a le privilège de se placer dans le contexte d’une recherche plus large
effectuée par la Chaire de recherche du Canada en technologie de l'information dans
le secteur de la santé. Cela a permis d’avoir accès à de nombreuses données qui
n’auraient pas pu faire partie de l’analyse autrement. Ce chapitre présente la méthode
collecte des données, expose et justifie le choix du terrain d’étude et explique la
logique utilisée pour l’analyse.
3.1
Épistémologie et conception de l’étude
Rappelons les questions de recherche :
1. La télésurveillance à domicile a-t-elle une incidence sur la
distance relationnelle entre le patient et le soignant?
2. Si oui, quelle est la nature, sinon pourquoi?
La première question de recherche est relative à l’expérience intime de la
télésurveillance qu’ont les participants. En effet, la télésurveillance n’est pas définie
uniquement par la technologie et le processus employés mais aussi par l’ensemble des
éléments organisationnels et humains ayant favorisé ou empêché sa bonne
implantation et son utilisation auprès des patients et infirmiers. Tel que nous l’avons
vu, la distance relationnelle est un concept qui ne se résume pas à des mesures
objectives et qui demande de considérer la psychologie des participants. Cela
demandera au chercheur de développer une expérience profonde avec chacun d’entre
eux. Une étude de terrain approfondie est donc nécessaire (Corbin et Strauss,
2008).
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
48
La seconde question vise à découvrir la nature de l’influence de la distance
relationnelle. Elle demande de traiter des variables sur lesquelles la littérature ne nous
permet pas aujourd’hui de conclure, et d’explorer d’autres variables plus
contextuelles au secteur de la santé dont la littérature ne traite pas. Puisque la notion
de distance relationnelle n’a jamais été appliquée à la télésurveillance à domicile,
cette recherche vise à comprendre un phénomène nouveau, elle est donc
exploratoire.
Dans une perspective exploratoire où les concepts sont émergeants de par leur nature,
mais aussi où le chercheur devra aller recueillir les perceptions et ressentis des
participants, le paradigme qualitatif semble plus justifié (Kumar, 2011). Cela
s’explique puisque nous cherchons à observer, découvrir et donner un sens à des
éléments d’interprétation qui sont, par nature, dynamiques (Corbin et Strauss, 2008;
Myers, 1997). De plus, ce paradigme permet plus de flexibilité. La démarche
qualitative est mieux adaptée à une étude dont la question de recherche ou les
objectifs pourraient être modifiés. Elle permet au chercheur de réviser sa méthode
pour considérer de nouveaux éléments (Creswell, 2009). Ces éléments peuvent
provenir notamment de l’environnement des sujets avec lequel le chercheur est amené
à entrer en contact (Creswell, 2009).
Notre étude nous demande de comprendre le concept unique et subjectif de distance
relationnelle dans le contexte précis de la télésurveillance et ne peut en être détaché :
elle est idiographique (Benbasat, Goldstein et al., 1987; Thiétart, 2007).
Dans notre cas, l’objet de recherche, la distance relationnelle, est défini par les sujets
de recherche : patients et infirmiers. On dira que le sujet de recherche et l’objet de
recherche sont dépendants. Cela nous amène à considérer notre étude comme celle
d’un phénomène que nous chercherons à comprendre. Notre modèle postule que les
individus créent leur relation selon leur pensée et leurs actions. Notre analyse dépend
principalement de l’empathie (et donc de la subjectivité) dont le chercheur sera
capable pour intercepter, évaluer et interpréter les émotions et interprétations des
participants. Cette étude se place donc dans une épistémologie interprétative (Corbin
et Strauss, 2008; Thiétart, 2007). La logique sous-jacente à notre recherche sera
inductive. Cela veut dire que l’on va tirer de l’observation de multiples variables un
modèle de compréhension valide et robuste que l’on pourra par la suite tester et
discuter (Thiétart, 2007).
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
49
La méthode utilisée pour collecter et considérer les données et l’étude de cas. En
effet, l’étude de cas permet au chercheur d’avoir un point de vue plus holistique du
problème, et ce tout en approfondissant son étude. Elle s’adapte bien à la nature
exploratoire de cette recherche et permettra de répondre à l’objectif de construction de
connaissances (Benbasat, Goldstein et al., 1987; Dubé et Paré, 2003; Kumar, 2011;
Yin, 1994). Ainsi, au cours de la collecte de données et de l’analyse, les construits
ayant permis de former le cadre conceptuel présenté au chapitre précédent pourront
évoluer librement selon que l’on confirme leur présence, redéfinisse leur portée ou
que l’on trouve de nouveaux éléments que la littérature n’a pas permis de couvrir.
Cela est permis par la grande flexibilité des études de cas (Eisenhardt, 1989; Kumar,
2011). De plus l’étude de cas est particulièrement adaptée à l’étude des dynamiques
d’interaction entre les sujets de recherche (Kumar, 2011).
La question de recherche identifie en partie notre unité d’analyse. Tel que nous
l’avons mentionné, la relation implique un patient ainsi qu’un infirmier, notre unité
est donc l’individu au sein d’une dyade, mais aussi l’individu au cœur de son rôle (de
patient ou d’infirmier) et donc l’individu face au groupe. Pour étudier les patients et
infirmiers en télésurveillance, il nous a fallu trouver un site particulièrement
représentatif pratiquant la télésurveillance à domicile.
3.2
Site et technologie utilisée
Sélectionner un site demande de bien observer son unicité ainsi que le cas de figure
extrême qu’il présente face à la question de recherche étudiée (Dubé et Paré, 2003;
Kumar, 2011). Le chercheur doit cependant garder en tête la problématique de
généralisation posée par l’étude de cas (Lee, 1989). Pour faciliter cette généralisation,
nous avons sélectionné le site de recherche selon deux critères principaux : son
expertise et la diversité des cas qu’il traite. En effet, au sein d’un site où
l’implantation de la télésurveillance serait nouvelle, les données, contextuelles,
seraient modifiées. Cette modification serait liée aux difficultés du nouveau processus
de travail, à l’incapacité des infirmiers de généraliser leur expérience puisqu’ils
n’auraient pas encore suivi suffisamment de patients et à l’impossibilité d’évaluer les
relations à différents moments (rappelons la visée longitudinale de l’étude). De plus,
un site se limitant à une seule pathologie limiterait les résultats et empêcherait
d’établir des conclusions pour tout patient en télésurveillance à domicile. Ainsi,
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
50
l’expertise, calculée ici en années de service, ainsi que la diversité des cas suivis par
le Centre de Santé et de Services Sociaux (CSSS) Jardin Roussillon ont été
déterminants dans la sélection du site de collecte des données.
Au Québec, six établissements ont fait usage d’un protocole de télésurveillance à
domicile. En 2003 l’hôpital Anna-Laberge (faisant partie intégrante depuis 2004, par
fusions avec trois CLSC - Centres Locaux de Services Communautaires - du CSSS
Jardin Roussillon) fut l’un des premiers établissements à fournir des soins
télésurveillés à une population large 37. La patientèle visée par la télésurveillance à
domicile au sein de cet établissement est aussi l’une des plus larges 38. Il s’agit de
patients atteints de MPOC (Maladie Pulmonaire Obstructive Chronique), diabète,
hypertension ou problèmes cardiaques. Notons que le CSSS Jardin Roussillon a déjà
suivi, par le passé les grossesses à risques et ambitionne aussi de suivre, à court terme,
les personnes en soins palliatifs avec ce système (CSSS Jardin Roussillon, 2012).
Cette expérience fait du CSSS Jardin Roussillon est un pionnier au niveau de la
télésurveillance au Québec. La technologie utilisée est développée par TELUS,
comme c’est le cas pour 60% des établissements utilisant la télésurveillance (Centre
de santé et de services sociaux de la Pointe-de-l’Île, 2011; Paré, Moqadem et al.,
2009; Sicotte, Paré et al., 2009)
Les patients sélectionnés pour l’étude sont équipés d’un écran tactile avec modem
intégré fourni par TELUS (TELUSMD 39). Cet appareil ne dispose que de l’application
de suivi en télésurveillance et fonctionne selon la langue du patient (anglais ou
français). Chaque patient dispose d’un protocole de suivi personnalisé préalablement
programmé dans l’appareil. Une courte formation lui est donnée avant utilisation de
l’appareil. L’appareil était installé par le patient lui-même ou avec l’aide de
l’infirmier. Par la suite, chaque jour, le patient prélève ses propres données cliniques
et les transmet à l’appareil via un questionnaire. L’appareil comprend une alarme
programmable qui rappelle au patient qu’il doit transmettre ses données s’il ne l’a pas
fait au moment attendu. Le questionnaire comprend aussi des questions relatives à
l’état de santé général du patient, à son anxiété, à sa médicamentation. L’objectif est
37
L’hôpital Anna Laberge offrait dès 2000 des soins télésurveillés pour les femmes enceintes diabétiques
et/ou hypertendues
38
39
En termes de pathologie
TelusMD correspond au nom donné à ce produit de Telus, pour plus d’informations sur ce
produit et le processus qu’il sous-tend voir (Telus Santé, 2012)
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
51
de faire comprendre au patient les répercussions de son comportement et de son
environnement sur son état de santé afin de lui apprendre à mieux gérer sa maladie.
Le patient dispose des conseils de l’appareil qui sont préprogrammés et peut, à tout
moment appeler le centre responsable de son suivi s’il a des questions. Si une donnée
clinique entrée par le patient indique une décompensation, le système prodigue un
conseil utile au patient à travers une fonction intelligente préprogrammée et lui
rappelle le numéro du centre de soin responsable de son suivi si toutefois il a besoin
d’aide. L’information est ensuite transmise par l’appareil via Internet vers les serveurs
de l’établissement de santé suivant le patient. Quotidiennement, les infirmiers
reçoivent les données et les interprètent. L’interface du logiciel infirmier contient des
alertes attirant l’attention sur les données cliniques pouvant s’écarter des standards
permis. L’infirmier peut alors appeler le patient ou lui prodiguer un conseil grâce à
l’appareil.
L’appareil permet donc de compléter l’action de soins infirmiers et d’agir selon trois
niveaux soit : celui d’un suivi continu et ajusté aux besoins de chaque patient, celui de
la réponse immédiate de l’appareil face à des problèmes de santé, et celui de
l’apprentissage par le biais de conseils, de répétitions et de renforcement positif au
patient (RUIS Université de Montréal, 2010).
Cette technologie a fait l’objet d’une étude menée par la Chaire de recherche des
technologies de l’information dans le secteur de Santé entre 2010 et 2011 sur ce
même site. Cette étude visait à analyser de manière exhaustive les résultats
économiques de la télésurveillance à domicile sur une période de 21 mois incluant
une période avant l’usage de la technologie (12 mois), pendant (4 mois) et après (5
mois). Les coûts per et post furent ainsi diminués de 41% 40. Ces diminutions de coûts
sont notamment dues à des réductions des hospitalisations et visites aux urgences
(Paré, Sicotte et al., 2012). Lors de cette étude néanmoins, les visites infirmières à
domicile ont augmenté alors que les patients étaient en télésurveillance. Les infirmiers
avaient alors l’habitude de se déplacer chez le patient dès que le système leur
indiquait une alerte pour vérifier l’état du patient. Cela réduit les résultats
économiques attendus (Paré, Sicotte et al., 2012) 41. La consommation de soins de
santé a diminué et les patients se sont dits généralement satisfaits de l’utilisation du
40
41
En impliquant le coût que représente la technologie
Ce type d’effet, lié au suivi de nouvelles pathologies par le CSSS jardin Roussillon en 2010, ne devrait
pas de retrouver dans la présente étude.
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
52
système. Cela ne permet cependant pas de conclure sur l’évolution de la relation
soignant-soigné.
La présente recherche utilise la population de patients et infirmiers ayant participé à
l’étude précédemment présentée. Au sein de cette étude, la sélection des patients a été
soumise à des critères d’exclusion et d’inclusion stricts liés notamment au protocole
de soins. Le projet concernait des patients atteints d’une maladie chronique avec un
niveau de gravité élevé exigeant des visites à domicile fréquentes. Pour être éligible
au programme de soin, les patients devaient avoir un médecin responsable, démontrer
une volonté de prise en charge en lien avec leur condition de santé, parler français ou
anglais et disposer d’une ligne téléphonique. Cette étude exclut les patients inaptes à
utiliser la technologie de télésurveillance à moins qu’un aidant-naturel ne prenne la
responsabilité de cette activité. Cela concerne les patient incapables de lire, souffrant
de troubles psychologiques ou psychiatriques, ceux ayant un déficit cognitif les
rendant inaptes à s’auto-traiter et ceux ayant un déficit visuel ou moteur.
Quatre diagnostics étaient retenus pour suivre le protocole de télésurveillance, soit
l’insuffisance cardiaque de niveau 3 et plus (37% des patients suivis par le CSSS lors
de la précédente recherche), l’hypertension chez les patients ayant vécu une crise
aigüe difficilement contrôlable (identifiée par le médecin, 10% des patients suivis), le
diabète non contrôlé (29%) et les MPOC (patients identifiés lors d’une
hospitalisation, 24%). L’âge moyen des patients suivis est de 70 ans et le groupe a
une quasi-parité sexuelle (Paré, Sicotte et al., 2012).
3.3
Sources des évidences
Le devis de recherche correspond à une analyse post-expérimentation sur un groupe
de personnes ayant eu une expérience de télésoins à domicile et appartenant à la
population décrite. Cette approche permettra de réaliser des comparaisons avec les
expériences antérieures des sujets.
L’intérêt de la question de recherche porte sur la perception des individus sur leur
relation. L’unité d’analyse est donc la relation formée par la dyade de l’individu en
télésoin et le professionnel infirmier. C’est en explorant leur expérience personnelle,
avec la signification qu’ils lui donnent et les émotions qu’ils ont ressenties qu’il sera
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
53
possible d’y répondre. L’entrevue semi-structurée constitue l’un des meilleurs outils
dans cette démarche (Hennink, Hutter et al., 2010).
Ainsi, des entrevues semi-structurées avec le personnel infirmier et les patients ont été
menées. Elles ont permis d’évaluer, à un niveau individuel et au travers des
expériences vécues, les paramètres qui influent et modifient ou non la relation entre
l’infirmier et son patient. Les deux populations interrogées dans cette étude ont
chacune bénéficié d’un cadre d’entrevue adapté. Les thématiques abordées et
scénarios d’entrevues utilisés lors des entrevues semi-structurées se trouvent en
annexe en pages 123 à 125.
De plus, afin de faciliter la conversation, l’entrevue a utilisé des représentations
graphiques réalisées par les participants et le chercheur. La représentation la plus
utilisée consistait en trois cercles soit un pour l’infirmier, un pour le patient et un pour
l’appareil. La taille, disposition et distance entre les cercles était ensuite discutée.
Selon Ichiyama (1983), lorsque l’individu commente sa représentation, il sera plus
apte à discuter d’éléments affectifs en commentant la distance entre les cercles et
d’éléments normatifs (liées au statut) et liés à la représentation de soi en commentant
la taille de ceux-ci. L’usage de cet outil visait à conduire et animer la conversation
vers ces éléments sans que le chercheur ne les sollicite directement, évitant ainsi un
biais suggestif. Un tel outil a été utilisé à plusieurs reprises, notamment pour exprimer
la représentation du moi (Grasha et Homan, 1995; Hinds et Mortensen, 2005;
Ichiyama, 1983; Salzmann et Grasha, 1991). Un exemple de ce type de graphique est
présenté en Figure 12 en page 73. De plus, une illustration représentant l’évolution du
patient selon le temps fut réalisée par les participants et le chercheur. Cette illustration
est présentée avec les explications qui l’accompagnent en Figure 13, page 74.
Au final, quinze personnes ont été interrogées, soit cinq infirmiers (dont un interrogé
deux fois), sept patients de la population présentée, deux patients en soins
traditionnels ainsi que l’adjointe à la direction des soins infirmiers. Tous les infirmiers
ayant participé au programme et ayant utilisé la technologie au sein du CSSS Jardin
Roussillon ont été interrogés. Les patients ont été sélectionnés sur les
recommandations du personnel infirmier et selon les demandes du chercheur. Notre
objectif visait à avoir des profils les plus divergents en termes d’expérience (de deux à
six mois pour le patient, de un à cinq ans pour l’infirmier), de caractéristiques du
patient (selon leur âge et leur sexe) et d’expérience ou non des soins à domicile (afin
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
54
de permettre une comparaison). Les patients devaient tous avoir une expérience en
télésurveillance minimale (deux mois), suffisamment longue pour leur permettre un
meilleur recul dans la relation et le développement d’une habitude avec le processus.
L’entrevue réalisée avec l’adjointe à la direction des soins infirmiers nous a permis
d’avoir une vue plus générale du projet de télésurveillance ainsi qu’un historique des
difficultés rencontrées.. Les infirmiers et la gestionnaire du programme ont été
rencontrés pour une durée moyenne d’une heure tandis que les patients ont été
interrogés pendant environ trente minutes.
Les entrevues se sont déroulées au sein du CSSS et des CLSC pour les infirmiers et
au domicile ou au CSSS pour les patients. Au début de l’entrevue, le participant se
voyait présenter l’engagement de confidentialité du chercheur ainsi que les objectifs
de la recherche. La collecte des données s’est déroulée en trois jours répartis en deux
temps séparés de trois mois. Cela a permis au chercheur d’ajuster la population
étudiée, de modifier, si nécessaire ses questions, et de débuter l’analyse durant sa
collecte d’information. Cette méthode est appropriée dans un contexte d’étude
exploratoire.
Les entrevues ont été enregistrées avec l’accord des participants. Elles ont été
complétées par les notes prises sur le terrain, par de la documentation fournie par
l’établissement ainsi que des verbatim de l’étude réalisée par la chaire de recherche
des technologies de l’information dans le secteur de la santé (Paré, Sicotte et al.,
2012).
La méthode d’analyse employée est une méthode de description interprétative. Le
mécanisme d’interprétation ne réside pas tant dans la faculté du chercheur à coder ses
entrevues que dans son potentiel de réflexion et de questionnement vis-à-vis de ses
données (Thorne, Kirkham et al., 2008). Cette méthode n’est pas nouvelle en sciences
infirmières et permettra d’atteindre la description thématique et conceptuelle
répondant aux objectifs de recherche (Sandelowski, 2000; Sandelowski et Barroso,
2003; Thorne, Kirkham et al., 2008).
L’analyse de contenu a été réalisée à partir d’écoutes multiples des entrevues, de
transcription de certaines d’entre elles et de codification. Chacune des entrevues a été
codifiée selon le schème présenté à la Figure 10 (page 40) et à partir des données
elles-mêmes tel que le suggère une description qualitative (Sandelowski, 2000;
Chapitre 3: Méthodologie et Présentation du cas
55
Thorne, Kirkham et al., 2008). Le chercheur a alors ajouté des éléments récurrents
comme nouveaux construits et supprimé du cadre conceptuel les construits qui
n’étaient pas évoqués. L’auteur de cette étude ayant une mémoire auditive plus
importante que sa mémoire visuelle et se sentant plus à l’aise lors d’une écoute que
d’une lecture, ce sont les écoutes actives des entrevues qui ont été privilégiées. Il est
en effet recommandé que le chercheur utilise les outils avec lesquels il se sent le plus
confortable pour faciliter son étude (Smith, Osborn et al., 2003). Les résultats de cette
analyse sont présentés dans le chapitre suivant.
CHAPITRE 4 : ANALYSE ET DISCUSSION
« La plupart des hommes peuvent lire, plus ou moins grossièrement, les émotions d’autrui en
les associant de manière empirique avec les expressions qu’elles suscitent sur le visage de
celui qui les ressent, avec les inflexions de sa voix, et ainsi de suite. Bon nombre d’animaux
possèdent cette faculté à un degré plus élevé […] En réalité, les humains sont capables de
faire beaucoup mieux, »
Isaac Asimov, Seconde Fondation (au sujet du potentiel de la psychologie)
Ce chapitre présente l’analyse des données collectées sur le terrain et discute des
résultats. Afin de mieux guider le lecteur, et dans l’objectif d’illustrer les propos
tenus, une représentation du processus de télésoins tel qu’il est effectué au CSSS
Jardin Roussillon ainsi qu’une représentation d’un soin à domicile traditionnel sont
disponibles en annexe page 127 et 129. Pour des raisons de confidentialité, les noms
des intervenants ne seront pas divulgués, seule leur fonction (patient ou infirmier)
ainsi que le numéro correspondant au participant sont utilisés. Rappelons d’abord nos
questions de recherche :
1. La télésurveillance à domicile a-t-elle une incidence sur la distance
relationnelle entre le patient et le soignant?
2. Si oui, quelle est la nature de cette influence? Si non pourquoi?
L’analyse qui suit présente les principaux concepts ayant eu une incidence sur la
relation entre le patient et son infirmier et caractérise cette influence s’il y a lieu. Les
intervenants ont rarement qualifié la relation mais se sont mentionnés eux-mêmes ou
ont qualifié le comportement d’autrui. Nous allons donc observer les différents
concepts évoqués selon le rôle des participants et l’impact qu’ils ont eu sur chacun
d’eux. En termes de structure, ce chapitre s’articule de la manière suivante : dans un
premier temps, nous allons présenter les concepts concernant les patients puis dans un
second temps ceux évoqués en rapport aux infirmiers. En fin de chapitre, nous
présentons une synthèse des éléments mentionnés. Puis nous confrontons ces
éléments au cadre conceptuel présenté en fin de revue de littérature (chapitre 2) et
ouvrons sur certains éléments qui restent encore à explorer au sein de la relation
patient-infirmier.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
4.1
57
Éléments concernant le patient
Quatre concepts émergents de nos entrevues semblent principalement avoir eu une
incidence sur la relation du patient en contexte de télésurveillance. Il s’agit de la
confiance qu’il porte envers l’infirmier et l’appareil (1), de sa capacité et sa volonté à
interagir sur sa maladie (2), de son attachement envers l’infirmier, l’appareil et le
processus de soin (3) et de l’apprentissage de sa maladie (4). Ces quatre concepts sont
intimement liés et interagissent les uns avec les autres à des degrés divers. Nous
allons poursuivre sur une présentation longitudinale, lorsque possible, de chacun de
ces concepts évoqués pour les patients.
4.1.1
Confiance
La notion de confiance a été soulevée au sein de notre revue de littérature. Appliquée
au patient en télésurveillance, la confiance correspond au sentiment de sécurité qu’il
développe envers la technologie et l’infirmier. C’est une assurance spontanée ou
acquise en la valeur morale, affective ou professionnelle de l’infirmier ou de
l’appareil. Pour le patient, la confiance en l’infirmier peut prendre des dimensions de
foi et d’abandon à l’autre ou de crédit donné au professionnalisme infirmier. Dans
notre contexte, il peut être interprété comme antagoniste de la notion d’anxiété (plus
on a confiance et moins on a d’anxiété et vice-versa). Les patients, quel que soit le
type de soin suivi, sont unanimes sur la confiance qu’ils ont développée. Le fait
d’inclure une confiance envers la technologie pour les patients en télésurveillance
diverge cependant des patients en soins traditionnels. Le processus d’élaboration de
cette confiance envers le professionnel infirmier n’est pas non plus le même qu’en
soins traditionnels à domicile.
Cette confiance est une condition préalable à l’existence d’une relation de soin. En
effet, quel que soit le type de soin qui lui est prodigué (soins à domicile ou
télésurveillance) si le patient ne développe pas de confiance envers ceux qui le
suivent, il finira par ne plus coopérer ou même par développer une anxiété néfaste à
sa santé. Au sein de notre étude, les patients qui ne se sentaient pas à l’aise avec la
technologie ou le protocole de soin pouvaient demander de cesser d’être suivi par
télésurveillance.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
58
Première étape : établissement du lien de confiance
Le concept de confiance entre deux individus dépend de nombreux antécédents
souvent difficilement identifiables. Néanmoins, dans le cas de la télésurveillance, une
majorité de patients évoque les mêmes éléments comme antécédents de la confiance
qu’ils portent à l’infirmier. Le premier élément est le moyen d’établissement de la
relation. Deux situations permettent l’établissement de la relation : une rencontre
physique ou non.
S’il y a rencontre physique, notamment lors de l’installation de la tablette et/ou de la
formation dispensée aux patients 42, le lien de confiance s’établit plus naturellement
envers l’infirmier. Cela se retrouve aussi chez les patients suivis en soins à domicile :
le premier échange entre les deux individus permet d’établir, au départ, un lien de
confiance de manière facilitée. La rapidité de la création de cette relation de confiance
tient principalement au rôle que va assumer l’infirmier (sa fonction), de la perception
que la population en général a de la profession infirmière (les infirmiers sont perçus
comme des personnes de confiance) et de l’expérience qu’a le patient des soins
infirmiers. Cette notion de confiance « instantanée » a été évoquée au sein de la
littérature infirmière, on parle d’une confiance initiale en la compétence de l’infirmier
(Hupcey, Penrod et al., 2002; Pask, 1995; Trojan et Yonge, 2008). La confiance
s’explique alors selon 3 éléments : le besoin de l’individu (i.e. un besoin de soin), les
expériences antérieures avec l’individu ou le groupe d’individus (i.e. les infirmiers et
leur réputation) et une évaluation du risque encouru (dans notre cas être soigné ou
non, le choix est vite fait) (Hupcey, Penrod et al., 2002).
« T’avais bien confiance avec la personne qui venait l’installer chez toi en
partant » Patient 3
S’il n’y a pas de rencontre physique 43, il est alors plus difficile pour le patient de faire
confiance en son infirmier. Du moins cela prend plus de temps car cette confiance
doit être acquise, construite. C’est ce qu’explique notamment Walther (1992). La
42
Au CSSS Jardin Roussillon, le patient peut recevoir une formation à l’hôpital et installer lui-même
l’appareil ou recevoir de l’aide de l’infirmier pour l’installation. La formation et l’installation sont donc
les deux moments permettant la rencontre physique.
43
Au CSSS Jardin Roussillon le principal mode de recrutement et de formation s’effectue à l’hôpital
Ana Laberge. Les infirmiers en télésurveillance établis sur le reste du territoire (dans les CLSC) peuvent
se faire attribuer un patient sans avoir recruté, formé ou simplement vu celui-ci et vice versa (si un
patient recruté en CLSC est attribué à un infirmier d’une autre structure, même si cela reste rare)
Chapitre 4: Analyse et Discussion
59
nécessité de mettre un visage sur un nom se fait largement ressentir dans ce cas. Il
faudra entre 3 et 5 échanges téléphoniques selon les infirmiers pour atteindre le même
niveau de confiance que s’il y avait eu rencontre physique au départ de l’épisode en
télésoins. Les infirmiers se présentent alors selon leur fonction afin de mettre le
patient en confiance (bonjour je suis X, je suis infirmier, je travaille au CLSC…), cela
permet de débuter la relation sur une base stable. Ce cas de figure n’est pas
comparable aux patients en soins à domicile mais on retrouve, au sein de la littérature
plusieurs domaines où l’établissement d’une confiance à distance demande plus de
temps (Albert et Dabbs Jr, 1970; Horn, Arnone et al., 1997; Moon, 1999). De plus,
cette confiance acquise correspond à la connaissance de l’infirmier par qui le patient
est soigné, elle est construite et cela a déjà été abordé dans la littérature infirmière
(Hupcey, Penrod et al., 2002).
Dans les deux cas, les premiers appels téléphoniques de l’infirmier vont permettre de
rassurer le patient, notamment sur la transmission des données et l’assurance d’un
suivi infirmier. La plupart des infirmiers, en réaction à ce manque de confiance de
départ (envers eux ou envers la technologie) affirment effectuer plus d’appels les
premiers jours et tenter au maximum de rassurer le patient dès la formation. La
confiance survient en partie par la capacité de l’infirmier à réduire cette anxiété en
début de parcours. Cette première expérience de la relation avec l’infirmier vient en
effet contrer l’anxiété des aprioris de départ envers l’infirmier et le protocole de soin
(le suivi ne sera pas réalisé, l’aide sera absente…). L’infirmier, de manière
symbolique, assure sa présence. C’est principalement en augmentant la fréquence des
interactions que la télésurveillance parvient à pallier le manque de confiance.
Le concept de confiance envers un artéfact TI dépend de sa fiabilité et de la qualité
des informations qu’il délivre. Lorsqu’ils se font présenter l’appareil qui va leur
permettre de communiquer à distance avec l’infirmier, dans notre cas une tablette, les
patients réagissent différemment selon leur expérience de la technologie. Les patients
n’ayant pas eu l’expérience des technologies récentes (notamment à cause de leur
âge) ont tendance à avoir peur de la responsabilité que représente l’appareil (le briser,
commettre des erreurs…). Ils développent alors une anxiété selon leur propre capacité
à interagir avec l’appareil. En réponse au développement d’une telle anxiété, les
infirmiers déresponsabilisent et rassurent le patient tout en répétant, au besoin, la
formation initiale.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
60
Deuxième étape : maintien et développement
Une fois l’appareil installé et le patient rassuré sur le processus, les interactions avec
l’infirmier se font au besoin, dépendamment de ce que nous choisissons d’appeler des
expériences de santé du patient : signes vitaux hors normes, données non transmises,
décompensations (dégradation de l’état de santé)... Avec l’expérience, le patient
observe alors la fiabilité du protocole de soin : l’infirmier est proactif et réagit très
rapidement avant que la situation n’empire. Cela vient renforcer le sentiment de
confiance du patient à la fois envers l’infirmier et envers la technologie. Le premier
réagit et fait preuve de son professionnalisme (par ses connaissances notamment)
tandis que le second assume efficacement son rôle en transmettant les messages et
alertes. Cette confiance par la preuve n’est présente qu’en télésurveillance. Les
patients suivis à domicile ne bénéficient pas d’évaluations et de conseils quotidiens.
Bien que l’infirmier répète ses consignes et assure un enseignement, il ne peut réagir
de manière proactive à cause du manque de données que suppose ce protocole de
soin. De plus, les délais entre chaque intervention (quelques semaines) ne permettent
pas de développer le même sentiment de sécurité chez le patient : ce n’est pas
l’infirmier qui sera appelé en cas de problèmes mais le médecin traitant, ce qui n’est
pas le cas en contexte de télésurveillance. Ainsi, en se basant sur une confiance
morale (selon l’autorité et le rôle conféré à l’infirmier) spontanée le patient développe
passe à une confiance professionnelle acquise (par la preuve) en télésurveillance.
Les patients en soins à domicile interrogés ont unanimement déclaré qu’il pouvait
arriver à l’infirmier d’avoir tort ou de se tromper, tandis que tous les patients en
télésurveillance ont assuré la confiance sans faille qu’ils venaient à vouer à leur
infirmier.
« Le rapport vient de la machine, on a confiance en la machine parce que c’est elle
qui envoie le message, puis elle, elle check! Pis ça prend quelqu’un en arrière
pour me répondre, pour ça je me dis que j’ai confiance aux deux […] elle prend la
place de l’infirmière puis t’as confiance autant en la machine qu’en l’infirmière»
Patient 3
Cette confiance est notamment liée au professionnalisme de l’équipe de soin. Celle-ci
s’assure de travailler sans cesse avec le réseau de la santé qui environne le patient,
afin d’être le plus efficace possible dans les réponses apportées.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
61
Le patient en télésurveillance se persuade44 alors de la qualité du soin et de la sécurité
que représente l’appareil, cela le conforte dans sa volonté de suivre le protocole de
soin. C’est ce renforcement du lien de confiance qui peut, dans certains cas, aboutir à
un attachement émotionnel du patient envers l’appareil. Le sentiment de sécurité et la
confiance portée en l’appareil et l’infirmier ne sont pas très éloignés d’une relation de
dépendance affective puisque le patient dépend déjà pathologiquement des conseils de
l’appareil et de l’infirmier (qui lui expliquent comment gérer sa maladie).
Troisième étape : post intervention
Une excellente preuve de la confiance que les patients portent dans la technologie et
le protocole de soins est l’affirmation unanime de leur volonté d’être de nouveau
suivis en télésurveillance si la nécessité se présentait. Cette adhésion fait bonne
preuve du sentiment de sécurité qu’ils ont développé et de la fiabilité qu’ils lui
attribuent.
De même, certains patients ont conservé une relation amicale avec leur infirmier et
l’ont rappelé après l’intervention. Ce fait est avéré autant par les patients que par les
infirmiers. Il s’agissait alors de demander de nouveaux conseils ou un service (comme
un rendez-vous avec un spécialiste). Si ces cas se font plus rares, c’est qu’ils ne
dépendent pas uniquement du niveau de confiance que le patient a établi avec
l’infirmier mais aussi du style de soin de l’infirmier, du besoin du patient, etc.
44
Persuadé est ici préféré au terme convaincre dans le cadre où il implique l’évocation de « sentiments »,
tels des sentiments de sécurité.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
62
On peut résumer le concept de confiance en contexte de télésurveillance selon le
tableau suivant :
Confiance du patient envers l’infirmier et la technologie
Définition
Assurance (spontanée ou acquise) en la valeur morale, affective ou
professionnelle, sentiment de sécurité
Caractéristiques Condition préliminaire au soin – s’établit du patient envers l’infirmier
et du patient envers l’artéfact technologique
Antécédents
Dépend du premier moyen de communication employé, des aprioris
du patient et de l’expérience que le patient a de la technologie
(capacité informatique)
Évolution
Est renforcée par des appels plus fréquents de l’infirmier au départ.
S’établit selon un temps plus long qu’une relation physique directe. Se
renforce avec l’expérience (réactions en cas de décompensation).
Effet
Persuasion du patient et volonté de poursuivre le soin, dans certains
cas attachement
Tableau 5 : Récapitulatif du concept de confiance pour le patient
Le graphique suivant présente l’évolution dans le temps de la confiance du patient
envers la technologie et l’infirmier :
Confiance de base liée à la fonction
Niveau de confiance
et la manière d’exercer le soin
Télésurveillance
Soins à domicile (SAD)
Temps
Construction
Confiance
des fondements
preuve et le professionnalisme
renforcée
par
la
Confiance
post
intervention
(ou suivi à vie pour les sàd)
de la confiance
Figure 11 : Représentation graphique des niveaux confiance que porte le patient envers son
infirmier en soins à domicile ou en télésurveillance selon le temps
Chapitre 4: Analyse et Discussion
4.1.2
63
Capacité et volonté
La volonté du patient de se conformer au processus de soin correspond à un choix
intentionnel, à son engagement de suivre ce même processus. Sa capacité correspond
quant à elle à l’aptitude (physique ou intellectuelle) dont doit disposer le patient pour
réaliser les différentes activités demandées. Cet élément caractéristique du patient a
principalement été abordé par les infirmiers.
La capacité et la volonté du patient à se conformer au soin sont deux conditions
préalables et nécessaires pour réaliser les activités de télésurveillance. En
télésurveillance, le patient doit être actif dans le soin et faire preuve d’autonomie pour
prélever ses données cliniques, les transmettre et respecter les conseils qui lui sont
donnés. Une telle condition n’est pas nécessaire dans les soins traditionnels. En effet,
l’infirmier vient prélever les données pour le patient et ne peut valider rapidement si
celui-ci suit ou non ses conseils. Le patient, passif, peut plus facilement faire preuve
de mauvaise volonté sans que celle-ci ne soit détectée. Notons qu’en télésurveillance
le patient peut aussi faire preuve de mauvaise volonté, mentir à la machine et
prétendre suivre le protocole. Cependant, le fait d’avoir le sentiment d’être surveillé et
que les infirmiers soient vigilants de leur comportement l’amène à ne pas adopter un
tel type de comportement. Si le patient n’est pas coopératif, il sera exclu du
programme pour non-conformité au soin, ce qui n’est pas le cas en soins traditionnels.
Phase pré-intervention : le recrutement des patients
Un certain nombre de critères d’exclusion permettent ou non le recrutement du patient
en télésurveillance. La plupart des critères ont été exprimés dans le chapitre de
méthodologie (comme disposer d’un médecin responsable, parler français ou
anglais…). Pour ce qui est des critères correspondant à la capacité du patient, il s’agit
de savoir lire, de ne pas être atteint de troubles psychologiques ou psychiatriques, de
ne pas avoir un déficit cognitif rendant inapte à l’auto-traitement ou un déficit moteur
et visuel rendant inapte à utiliser la tablette. Si le patient ne dispose pas de la capacité
nécessaire, une autre possibilité existe, celle d’un aidant naturel qui accepte, chez ce
dernier, la responsabilité des activités de transmission (et même de collecte dans
certains cas). L’évaluation de la capacité du patient est facilitée par le dossier médical
et l’entourage de celui-ci.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
64
Cependant, le patient en télésurveillance est aussi recruté pour son engagement envers
le soin, ou sa volonté de vouloir améliorer sa situation. Le comportement favorable du
patient qui poursuit la prise de données cliniques et écoute le soignant découle
directement de cette volonté. Les patients qui ne se conforment pas au processus sont
exclus très tôt du programme de télésurveillance.
« Il faut absolument […] que le patient veuille se responsabiliser, veuille agir sur
sa santé [sinon] on les détecte puis on dit que c’est des patients non coopératifs et
on cesse le suivi » Infirmier 1
Cette volonté est plus difficile à évaluer. Cette citation exprime d’ailleurs assez bien
le phénomène : les infirmiers doivent « tester » si le patient est coopératif pour valider
l’une des conditions nécessaire au soin. Cela explique en grande partie le retrait de
15% de patients au sein de l’étude de Paré, Sicotte et al. (2012) 45.
Phases per et post intervention
Si la capacité du patient n’évolue pas, sa volonté, elle, ne cesse de changer au cours
du soin. Une fois que le patient a confiance en son infirmier et en la technologie, trois
éléments vont influencer sa volonté. Le premier est l’entourage direct et les
interactions avec l’infirmier. Tous deux motivent le patient à respecter le protocole de
soin et l’encouragent à le suivre. La confiance et la stabilité de la relation avec
l’infirmier et l’entourage sont donc aussi des antécédents à la volonté du patient. Dans
certains cas, les infirmiers ont relaté que le conjoint suivait aussi les conseils de
l’appareil et que le couple s’est ainsi motivé à prendre de saines habitudes de vie. Ce
premier point sur l’importance des interactions avec les infirmiers se retrouve dans la
littérature traitant de l’enseignement à distance. La quantité d’interactions peut être
une meilleure source de succès (Kelsey Kathleen et D'souza, 2004).
Les deux autres éléments sont plus intrinsèques. Le second élément correspond au
caractère et à la personnalité du patient. Un patient plus autonome habitué à prendre
des initiatives aura ainsi tendance à avoir plus de volonté que les autres à poursuivre
le soin. Ce trait de caractère est nommé persistance par les éducateurs à distance
(Mignon et Closset, 2004). Enfin le dernier élément venant influencer cette volonté
est l’expérience du patient de sa propre santé. En effet, plus le patient observe les
45
D’autres retraits sont dus à une anxiété trop importante du patient, ces deux éléments expliquent la
majeure partie des retraits.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
65
résultats positifs du protocole de soin et plus sa volonté de s’y conformer se renforce.
Ce dernier point se retrouve aussi dans le cadre des apprentissages à distance.
C’est cette volonté et les données qui permettent, par l’expérience, de générer un sens
et une compréhension de la maladie. Le patient et l’infirmier deviennent semblables à
des enquêteurs en recherche de signification et de solution (nous reviendrons sur ce
dernier point dans la section apprentissage). La capacité de donner un sens à son
expérience, même si elle n’est pas pré-requise au recrutement du patient pour la
télésurveillance, devient à ce moment-là primordiale.
On peut résumer le concept de capacité et volonté du patient en télésurveillance de la
manière suivante :
Capacité et volonté du patient à se conformer au protocole de soins
Définition
Volonté : Choix intentionnel, engagement à suivre le processus de
soin.
Capacité : Ensemble d’aptitudes dont dispose le patient pour réaliser
les différentes activités demandées
Caractéristiques Condition préliminaire au soin – appartient au patient – Inégal selon
les patients
Antécédents
Profil du patient, entourage, confiance, renforcement positif de
l’infirmier
Évolution
Se renforce chez certains patients (la volonté)
Effet
Engagement dans le soin (motivation), apprentissage et autonomie,
attachement
Tableau 6 : Récapitulatif du concept de capacité et volonté pour le patient
4.1.3
Attachement
L’attachement correspond à un sentiment de sympathie durable qui lie deux individus
ou un individu et un objet. Dans le cadre de la télésurveillance, l’attachement du
patient est double, il va à la fois vers l’infirmier et vers l’artéfact technologique (la
tablette). Le même sentiment de sympathie envers l’infirmier se retrouve chez les
patients en soins traditionnels. Cependant, certains patients en télésurveillance se
distinguent par l’inclusion d’un attachement envers la technologie.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
66
L’attachement envers l’infirmier et l’appareil n’est pas un élément voulu ni même
anticipé par la télésurveillance. Il est, de plus très inégal selon les patients. Cet
attachement,
dans
une
certaine
perspective,
est
néanmoins
nécessaire
à
l’apprentissage du patient, nous expliquons pourquoi dans la section 4.3.3 en page 89.
Pré et per Intervention
L’attachement du patient envers l’appareil se développe grâce à la sécurité qu’il
représente. En effet, celui-ci lui permet (du moins donne l’impression) d’avoir en tout
temps un professionnel de la santé à son écoute et qui le suit. C’est donc une présence
physique (de l’appareil) et l’assurance du suivi qui permet l’attachement à l’appareil.
Ajoutons cependant que le niveau de confiance envers la technologie pousse le patient
à une forme de dépendance dans son comportement (imposition due la fréquence de
prélèvement des données, du type de données à prélever…) envers l’appareil. Cette
dépendance a été remarquée par Sicotte, Paré et al. (2011). Elle ne devrait être que
comportementale puisque le bon état de santé du patient dépend de l’appareil et
correspond à la conformité au protocole de soins. Cependant, chez certains, cette
dépendance devient affective. L’appareil prend alors la place d’un humain.
Une partie des patients s’attache émotionnellement à l’appareil. Ce profil de patient se
sent supporté et aidé à chaque instant de sa maladie et a tendance à attribuer à
l’appareil des traits de personnalité humains ou affectueux. Ainsi, l’appareil peut être
désigné d’un surnom affectif, dans d’autres cas, le patient lui attribue des verbes
d’interactions réservés aux humains : il me disait, je lui parle, je l’écoutais, etc. Ce
profil de patient, généralement parmi les plus anxieux du début de l’épisode de
télésurveillance correspond aussi à un profil particulier dans la dernière étape du
processus (voir post-intervention).
Vis-à-vis de l’infirmier, l’attachement du patient prend une autre forme. La
sympathie, nous l’avons vu, est inhérente aux soins infirmiers. Elle se retrouve aussi
dans les soins à domicile et l’ensemble des patients interrogés ont fait état d’un
attachement particulier envers leur infirmier. Néanmoins, en télésurveillance, deux
cas plus extrêmes apparaissent. Dans le premier cas, certains patients, bien qu’ils
aient confiance en leur infirmier, ne savent pas même son prénom. Ces patients font
preuve d’un attachement lié à la sécurité et la présence que représente l’infirmier mais
cela s’arrête à ce niveau. Ces patients sont souvent plus autonomes et ont une santé
Chapitre 4: Analyse et Discussion
67
relativement plus stable. Cela a pour effet de limiter le nombre d’interactions et donc
le développement de cet attachement. Cette preuve de détachement démontre bien
qu’il peut exister une distance importante entre l’infirmier et son patient en
télésurveillance selon les cas (notamment selon la stabilité de la maladie du patient).
En général, cependant, la distance n’empêche en rien l’attachement du patient envers
l’infirmier.
Le second profil de patients idéalise son infirmier. Sans doute est-ce parce que le
patient rend l’infirmier imputable des résultats de son amélioration de santé. Cela
démontre assez bien la sympathie que ressentent les patients envers leur infirmier.
Une idéalisation qui est sans aucun doute soutenue par la distance (ici les dimensions
physique et sociale notamment) tel que l’a démontré la recherche dans d’autres
contextes (Horn, Arnone et al., 1997; Rothaus, Morton et al., 1965; Shamir, 1995)
« [La télésurveillance] C’est comme si t’avais ton docteur avec toi! Mon infirmier
est avec moi 24 heures sur 24! […] [Les infirmiers] C’est des petites anges, sont là
toujours pour nous aider, […] tu peux pas demander mieux que ça! » Patient 3
« La machine c’est une personne puis c’est pas une personne […] c’est comme un
nouveau membre de la famille! » Patient 2
Post Intervention
Pour les patients attachés émotionnellement et dépendants de leur infirmier et de
l’appareil, la fin de l’intervention est synonyme d’anxiété. Cesser le soin signifie pour
eux perdre une sécurité ainsi qu’une relation à l’appareil et à l’infirmier.
« Moi je prenais ça comme mon jouet, mon toutou […] Quand ils sont revenus me
la chercher [la machine] j’ai dit : Oh [Prénom de l’infirmière] t’es pas sérieuse!
Qu’est-ce que je vais faire là? J’ai encore paniqué tsé! […] Depuis qu’on me l’a
retirée [la machine], on dirait que j’ai comme plus le pouvoir de l’appeler et de la
déranger [l’infirmière]. On dirait qu’elle s’est éloignée de moi » Patient 1
Dans ce cas-ci, le patient s’appuyait sur les décisions de l’appareil. Cela le sécurisait,
il en était dépendant en termes de décision (relation de pouvoir) et dans certains cas,
comme
nous
l’abordions
précédemment,
en
termes
affectifs
(relation
personnalisante). Il était certes satisfait de la stabilité de son état de santé mais n’était
pas motivé ou n’avait pas la capacité de prendre ses propres décisions de santé.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
68
Chez d’autres patients, notamment ceux qui n’ont pas personnalisé l’appareil,
l’apprentissage et la motivation à l’autonomie permettent un détachement progressif.
Ce détachement concerne à la fois l’appareil et l’infirmier, le patient devenant
autonome, il n’a plus besoin d’eux. Le lien affectif diminue et le patient en vient
même quelquefois à demander le retrait de l’appareil.
« À la fin, oups! Soit c’est du stress ou bien ils se détachent complètement »
Infirmier 4
« La machine je m’en va te dire franchement là : j’avais hâte qu’elle parte! […]
[rentrer mes données tous les jours alors que j’étais stable] je trouvais ça niaiseux
dans le fond » Patient 5
On peut ainsi résumer le concept d’attachement en télésurveillance de la manière
suivante :
Attachement du patient envers l’appareil et envers l’infirmier
Définition
Lien affectif durable qui lie deux individus ou un individu et un
objet
Caractéristiques
Impact non voulu (mais nécessaire) de la télésurveillance – Inégal
selon les patients
Antécédents
S’établit par le sentiment de sécurité et de présence, la fréquence
des appels et les résultats positifs du protocole de soins
Évolution
Se renforce chez certains patients, diminue chez les autres
Effets
Dépendance affective, idéalisation du professionnel infirmier
Tableau 7 : Récapitulatif du concept d'attachement pour le patient
Chapitre 4: Analyse et Discussion
4.1.4
69
Apprentissage
L’apprentissage est un objectif secondaire de la télésurveillance qui devrait être mis
en valeur (Lemire, 2010). Après le maintien de la santé du patient, cet objectif se
traduit par l’acquisition d’un comportement et d’habitudes permettant la stabilité de
l’état de santé du patient. C’est d’ailleurs dans un objectif d’apprentissage, et pour
éviter une dépendance à l’appareil que le CSSS Jardin Roussillon limite la durée de
son utilisation à quatre mois (renouvelables selon les cas).
Les résultats de la télésurveillance tendent à démontrer que cet apprentissage n’est pas
toujours accompli. Cet objectif semble cependant être mieux atteint que dans le
contexte de soins à domicile. Et tout comme en soins à domicile, ce résultat est inégal
selon les patients, les pathologies, la durée du soin… Nous allons observer les
conditions nécessaires que nous ont relatées patients et infirmiers pour assurer cet
apprentissage, les moyens utilisés par la télésurveillance pour apprendre et enfin les
signes permettant de détecter sa réalisation.
Les conditions de l’apprentissage
Plusieurs éléments de la relation semblent être nécessaires à l’apprentissage du
patient. Le premier est l’établissement du lien de confiance. Celui-ci est essentiel pour
permettre à l’infirmier d’être crédible dans les explications qu’il donne au patient. On
retrouve également cet élément dans la relation en soins à domicile. En plus de cette
confiance, l’attachement et la dépendance du patient envers l’appareil et l’infirmier
permettent un apprentissage par imitation. En effet, l’infirmier et l’appareil
conseillent le patient notamment sur les prises de médicaments ou ses activités
physiques. En observant les symptômes qui les poussent à la décision, le patient peut
de lui-même, imiter leur réflexion et décider selon la situation. Cette forme
d’apprentissage inductive (le patient fait des lois à partir de ses expériences et des
réactions de l’infirmier) est rendue possible grâce à la volonté du patient, à son écoute
des conseils répétés par l’appareil et au renforcement positif effectué par l’infirmier
(d’où l’importance de la relation humaine). Ces éléments ne se retrouvent que dans le
contexte de télésurveillance. Une fois ces éléments réunis, soit : le lien de confiance,
une forme de dépendance et une volonté du patient, l’apprentissage peut débuter.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
70
Modalité de l’apprentissage
À la réception de données qui ne correspondent pas à la normale, pour le soignant et
pour le soigné, l’appareil déclenche des alertes. Une alerte demande toujours une
réaction d’adaptation du patient. C’est une forme de stress 46 qui amène une réaction.
Au début du suivi en télésurveillance c’est l’infirmier et l’algorithme inclus dans
l’appareil, qui décident pour le patient et l’informent des actions à entreprendre. Avec
la répétition d’expériences de santé (des alarmes), le patient pourra imiter et
s’approprier ces réactions.
De plus, la télésurveillance facilite l’apprentissage par l’explication. En effet,
l’infirmier explicite au patient son problème et sa source alors que l’appareil met en
évidence les variables cliniques impactées. C’est donc l’infirmier qui aura le rôle de
lier logiquement et pédagogiquement les actions à entreprendre avec le problème.
Les différentes réactions et conseils de l’infirmier (comme par exemple un
changement de posologie) aboutissent à un comportement du patient conduisant à un
résultat de santé favorable (on évite une hospitalisation, une décompensation…). Cela
renforce la confiance que porte le patient vers l’appareil et envers son infirmier mais
aussi sa satisfaction du soin.
Durant les expériences de santé, le patient pourra apprendre les différents symptômes
et signes qui devraient le faire réagir. En faisant l’association entre ces signes et le
problème de santé, il pourra alors générer une règle par induction. Cette règle pourrait
être, par exemple pour un cardiaque, que boire plus de liquide lui fait gonfler les
jambes. Une expérience permet d’induire la règle de manière autonome, plusieurs
permettent de vérifier l’association réalisée. Ainsi, grâce à la réactivité du processus
(la rétroaction de l’appareil, le synchronisme des réponses est rapide), par essai et
erreur le patient découvre les signes qui doivent le faire réagir et apprend, de la même
manière, les actions qu’il doit entreprendre : dans le cas de notre cardiaque, boire
moins de liquides.
Une fois que le patient prend ses propres décisions, l’infirmier le félicite et exerce ce
qu’on nomme un renforcement positif. L’appareil ne peut exercer un tel renforcement
(l’algorithme ne peut faire le lien entre l’amélioration de santé du patient et son
46
Le stress n’est pas une émotion mais bel et bien une réaction d’adaptation face à un
changement dans l’environnement tel que l’a défini Selye (1973).
Chapitre 4: Analyse et Discussion
71
comportement puisqu’il n’en a pas connaissance). Ce renforcement positif vient
démontrer au patient que les actions et comportements qu’il a entrepris vis-à-vis de sa
santé sont les bons. La compréhension et le renforcement permettent au patient de
prendre les bonnes habitudes, une action ponctuelle devenant ainsi habituelle (par
exemple vérifier ses liquides pour un cardiaque ou décider du niveau d’insuline à
injecter pour un diabétique). Ces habitudes permettent une stabilisation de la santé du
patient. Il s’agit là de l’un des résultats principaux de la télésurveillance, la santé du
patient est améliorée dès le début du suivi, par la dépendance à l’infirmier et à
l’appareil, puis durant et après le suivi, par le patient lui-même.
La télésurveillance offre l’avantage de multiplier les moyens d’apprentissage. Nous
avons évoqué l’explication, l’imitation et l’apprentissage par essai et erreur. Trois
processus d’apprentissage sont distincts. L’essai-erreur étant celui qui demande le
plus d’autonomie du patient. De tous ces moyens d’apprentissage, seule l’explication
est utilisée par les soins à domicile, ce qui explique la différence d’apprentissage du
patient entre les deux protocoles de soin.
Manifestation de l’apprentissage
Malgré tous ces moyens d’apprentissage, certains patients n’apprennent pas. Lors des
entrevues, plusieurs éléments favorisant l’apprentissage sont ressortis mais un semble
fondamental : c’est la capacité du patient à donner un sens à ses expériences, cela
dépend directement de sa résilience.
Tous les patients ne bénéficient pas de la même capacité d’apprentissage. La réaction
au stress généré par une expérience de décompensation semble être inégale. Certains,
les plus résilients, réagissent promptement, enquêtent et analysent le problème pour
réduire la source du stress. Dans cet objectif, la présence de l’infirmier est nécessaire
au départ, pour aider à résoudre les problèmes (Suter, Hennessey et al., 2008; Suter,
Suter et al., 2011). D’autres se focalisent sur leur réaction émotive et apparait alors
une anxiété. Ces patients-là, moins résilients, ne peuvent apprendre puisqu’ils
n’identifient pas cognitivement le problème. Ces deux profils de réaction sont
identifiés par la recherche sur les réactions aux situations de stress (Tisseron, 2009).
La résilience se définit comme la capacité de réagir à une situation stressante (un
stress étant une réaction à une contrainte, ici apprendre qu’on décompense) de
Chapitre 4: Analyse et Discussion
72
manière adaptée. C’est donc un trait de caractère de la personne permettant une
reconstruction après une expérience négative (Patterson, 1995).
Très vite, les patients résilients, motivés par les résultats bénéfiques de la
télésurveillance, comprennent et se sentent prêts à prendre des décisions. C’est à ce
moment-là que l’appareil devient superflu ou fatiguant : pourquoi remplir des
données si fréquemment lorsqu’on se sent, lorsqu’on se sait stable? Un détachement
se réalise. L’appareil et l’infirmier n’ont plus de rôle décisif pour le patient. Très vite
celui-ci demande le retrait de l’appareil afin de pouvoir savourer une autonomie
complète.
Lors de nos entrevues, nous avons demandé aux patients de dessiner trois cercles : un
représentant l’infirmier (I), un autre pour l’appareil (A) et un dernier pour le patient
lui-même (P). La taille et la distance entre les cercles est habituellement significative.
La taille représentant l’importance de l’égo* ou de la représentation de soi dans la
relation (la taille dite psychologique) tandis que la distance entre les cercles est
conceptualisée comme une mesure de distance relationnelle (Grasha et Homan, 1995;
Ichiyama, 1983; Salzmann et Grasha, 1991). Ces graphiques ont avant tout une valeur
communicative : ils permettent au participant de s’exprimer directement sur le sujet
sans que le chercheur n’introduise une question et donc un biais. Cependant nous
avons remarqué une tendance dans les représentations des patients.
Au sein des graphiques représentés par ces patients plus autonomes, la taille des
cercles entre infirmier et patients tend à être égale. Le patient et l’infirmier ont une
relation plus réciproque. Le transfert de connaissances nécessaire a eu lieu. Le patient
peut alors imiter son infirmier et prendre ses propres décisions. L’autonomie ne
signifie pas égalité du patient avec l’infirmier mais dans le cadre de la
télésurveillance, elle semble y être corrélée. Ce profil de patient est hautement
préférable en télésurveillance puisqu’il correspond en tous points aux objectifs de ce
processus de soin.
« Souvent ils nous appellent : ‘’ Ça va tu être encore long? Je sais quoi
faire!’’ […] à la fin, les patients qui ont bien saisi les conseils vont nous demander
[de retirer l’appareil]» Infirmier 2
Chez les patients moins résilients, dans un cadre ou l’apprentissage n’apparait pas,
l’attachement reste constant, voire se renforce. L’infirmier et l’appareil « sauvent » le
Chapitre 4: Analyse et Discussion
73
patient tous les jours et prennent de l’importance. Cela est notamment remarqué dans
les représentations graphiques des infirmiers et de l’appareil vis-à-vis du patient. Ce
profil de patient tend à dessiner des cercles plus importants que lui, en termes de
taille, pour représenter l’infirmier et l’appareil. Cela indique la prévalence et leur
importance dans la relation. Cette différence n’est observable que pour les tailles des
cercles, les distances restant pour la plupart les mêmes. On obtient ainsi un profil de
patient plus dépendant (à gauche dans la Figure 12) et un autre plus autonome (à
droite) dans les représentations graphiques que l’on a obtenues.
Patients résilients
Patients peu résilients
I
P
P
I
A
A
Légende: P : Patient; I: Infirmier; A: Appareil
Note : Les distances entre les cercles sont représentées à titre indicatif, aucune distinction
majeure n’existant entre les deux profils.
Figure 12 : Représentations graphiques types réalisées par les deux profils de patients interrogés
On peut résumer le concept d’apprentissage en télésurveillance selon ce tableau :
Définition
Apprentissage du patient
Acquisition d’un comportement et d’habitudes permettant la
stabilité de la santé du patient
Caractéristiques
Objectif du soin – Inégal selon les patients
Antécédents
Attachement, confiance, capacité et volonté (notamment la
résilience)
Évolution
Apparait chez certains patients uniquement. S’établit par
l’expérience de problèmes de soin (expériences de stress et de
réactions)
Autonomie (prise de décision et d’actions sur sa santé),
détachement envers l’appareil et l’infirmier
Effets
Tableau 8 : Récapitulatif du concept d'apprentissage pour le patient
Chapitre 4: Analyse et Discussion
74
On peut représenter les deux profils de patients selon un schéma (voir Figure 13). Au
départ, lors de l’établissement du lien de confiance, certains patients sont plus anxieux
que d’autres et deux profils de patients se dégagent : le patient anxieux (en gris dans
le graphique) et le patient plus confiant (en noir dans le graphique). Lors du suivi, les
patients des deux profils passent au travers d’expériences de santé puis observent
généralement une stabilisation de leur état général. Au moment du retrait, certains,
souvent les plus confiants du départ, ont appris et sont relativement autonomes (voire
même demandent le retrait de l’appareil). Le second profil de patient fait preuve de
plus d’inquiétudes face au retrait de l’appareil voire même d’une forme de
dépendance. Après ce retrait (non représenté sur le graphique) les patients plus
anxieux peuvent aussi faire preuve d’autonomie et se rassurer par eux-mêmes.
Seuls deux profils généraux sont représentés au sein de la Figure 13. Tous les patients
anxieux au départ ne feront cependant pas forcément preuve de dépendance à la fin du
processus de soin en télésurveillance.
Apprentissage
Évolution du patient
et autonomie
Stabilisation
Expériences de
Anxiété et
santé
dépendance
temps
Anxiété de
départ
Phase 1 :
Phase 2 : Expérience de la maladie
Phase 3 : Retrait de
établissement du
et apprentissage
l’appareil
lien de confiance
Figure 13 : Représentation graphique de l'évolution des deux profils de patients en télésurveillance
selon le temps
4.1.5
Synthèse de la perspective du patient
Quatre éléments ont été évoqués au sujet des patients en télésurveillance. Nous les
avons présentés, soit : la confiance qu’il porte envers l’infirmier et l’appareil, sa
Chapitre 4: Analyse et Discussion
75
capacité et sa volonté à interagir sur sa maladie, son attachement envers l’infirmier,
l’appareil et le processus de soin et enfin l’apprentissage de sa maladie.
Parmi ces quatre éléments, certaines dimensions de la distance sont plus privilégiées
que d’autres. La distance affective notamment semble jouer un rôle très important
pour le patient. Elle est en effet, plus souvent évoquée que les autres. L’impact de la
télésurveillance ne lui nuit pas tant. En effet, d’autres dimensions de la distance aident
la relation. Les plus récurrents sont notamment la fréquence des interactions et la
rencontre physique au départ.
À partir de cette analyse, nous observons que deux profils de patients se dégagent et
que les éléments qui expliquent ces deux profils doivent encore être explorés.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
4.2
76
Éléments concernant l’infirmier
La fonction de l’infirmier nous invite à avoir une analyse plus macroscopique puisque
l’infirmier fait écho de son environnement que constitue le réseau de la santé et relate
de nombreuses relations et non une seule. Cela a pour conséquence de renforcer la
valeur des résultats. Trois éléments ont principalement une incidence sur l’infirmier
au sein de sa relation avec son patient en télésurveillance. Ces trois éléments
récurrents dans les entrevues des infirmiers sont la confiance que l’infirmier porte
envers son patient (1), son influence sur le patient (2) et enfin son affectivité (3).
4.2.1
Confiance
La confiance est un thème récurrent au sein de nos entrevues, cela justifie son
importance. Certains expliquent que cette confiance serait la source d’un soin en
télésurveillance qualifié de High Touch (Suter, Hennessey et al., 2008)
Pour l’infirmier le terme confiance ne désigne pas un abandon à l’autre mais plutôt un
sentiment de sécurité double : celui d’être sûr d’avoir des informations fiables (telles
que transmises par le patient) et celui d’être certain que les actions soient réalisées par
le patient. Cette confiance n’émerge et ne se manifeste qu’envers le patient. En effet,
la technologie ayant prouvé sa fiabilité au cours des différents soins en
télésurveillance que l’infirmier a offerts : la confiance qui lui est portée n’intervient
plus dans la relation pour l’infirmier.
La confiance de l’infirmier en son patient est nécessaire au soin. L’infirmier n’a pas
confiance en son patient pourrait lui rendre plus de visites et le materner à un point
qui serait néfaste pour son apprentissage et diminuerait grandement les avantages de
la télésurveillance.
Cette notion de confiance diffère de celle qu’expérimentent les infirmiers en soins à
domicile notamment à cause de la vue et du sentiment de contrôle. Nous allons voir
que pour l’infirmier, au début de son expérience en télésurveillance, la confiance n’est
pas sans poser de nouveaux défis.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
77
Au début de l’expérience en télésurveillance
Lorsque l’infirmier vient d’être recruté en télésurveillance, il découvre une nouvelle
méthode de travail. La plupart des infirmiers sont habitués à rencontrer physiquement
leurs patients, à les toucher et les voir, qu’ils soient en soins à domicile ou non. Cela
ne concerne d’ailleurs pas que le patient mais aussi son environnement et son
entourage qui sont moins accessibles dans le cas de la télésurveillance. L’infirmier
dispose, à première vue, de moins d’informations que dans le cadre d’une rencontre
physique. Cela conduit au sentiment de ne pas avoir suffisamment de données pour
poser le bon diagnostic. Cette problématique a été soulevée par la recherche en
indiquant que les infirmiers devaient, dans leur formation reformuler leur rapport au
corps et à l’être (Sandelowski, 2002).
Cela se complique avec la variabilité des jugements et comportements des patients. Il
est en effet possible, selon les dires d’un patient de « tricher » avec l’appareil : entrer
des données fausses pour toujours avoir de bonnes données dans son cas. Et puis, si
un patient se plaint d’une rougeur par exemple, comment être sûr de l’intensité de la
rougeur qu’il décrit? Sans forcément mentir, le patient peut décrire de manière
incorrecte un symptôme ou exagérer ses dires. Il n’a pas le regard d’un professionnel
de santé et ses émotions peuvent déformer la réalité.
« Si il marque [une donnée trop exacte pour être réaliste] des fois il y a des choses
qu’ils entrent… puis ils mentent : j’en ai un qui avait toujours la même pression,
sur une semaine, [alors que] tu pourrais la prendre dix fois et ça devrait pas être
la même donnée! » Infirmier 5
Cette confiance est ainsi liée au sentiment de contrôle de l’infirmier. Lors d’une
rencontre physique, il peut par exemple regarder le patient ingérer ses médicaments.
Ce n’est pas le cas en télésurveillance. Comment être sûr que le patient applique les
conseils qu’on lui prodigue? 47
Ces questionnements touchent tous les infirmiers mais ce sont ceux qui ont eu une
expérience en soins à domicile qui ont le plus de difficultés avec la confiance qu’ils
portent en leur patient. Ce phénomène s’explique par le type de relations que le
professionnel est habitué à établir. En soins à domicile, les relations sont longues et
47
Ces questionnements trouvent leur réponse avec l’expérience de l’infirmier, voir la section suivante.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
78
permettent l’établissement d’une certaine amitié entre les deux personnes. Dans les
autres services infirmiers (en hôpital par exemple) d’où proviennent certains
infirmiers en télésurveillance du CSSS Jardin Roussillon, la durée de la relation, deux
semaines ou moins, ne permet pas d’établir un lien aussi important.
L’établissement du lien de confiance devient d’autant plus difficile lorsqu’il n’y a pas
de rencontre physique originelle entre l’infirmier et son patient. Voir le patient une
première fois, outre permettre de mettre un visage sur un nom (ce qui rappelons le,
aide à la relation de confiance chez les patients) permet aussi à l’infirmier d’évaluer
ses caractéristiques physiques et pathologiques. C’est l’œil du soignant qui s’exerce et
l’ensemble des interactions suivantes pourront se baser sur ce premier jugement.
L’étude réalisée sur le CSSS Jardin Roussillon par Paré, Sicotte et al. (2012) fait état
de ce problème de confiance de départ. Lors de l’introduction de la télésurveillance,
la réaction des infirmiers plus visuels à l’égard d’une alerte les poussait à tenter de
constater, de visu, la condition de leur patient. C’est ainsi que le nombre de visites à
domicile fut en hausse dans les premiers mois de l’expérience alors que le nouveau
protocole de soin suggèrerait une large diminution des visites. Ce fait exprime bien
l’insécurité des infirmiers vis-à-vis de la perte de l’un de leurs sens et leur manque de
confiance vis-à-vis du patient.
Pour pallier ces problèmes, deux solutions sont mises en place. La première solution
est d’utiliser le réseau de santé qui pourra fournir des détails et des renseignements
nécessaires à l’infirmier (notamment si le patient bénéficie d’un passage régulier d’un
professionnel à domicile, comme un inhalothérapeute par exemple). La seconde
solution est de s’adapter au processus. Il faut développer à la fois des facultés pour
collecter l’information et d’autres moyens de contrôle. Cela se réalise avec
l’expérience.
Avec l’acquisition d’expérience
Tout comme dans le cas du patient, la relation de confiance s’établit avec le temps et
les appels. Petit à petit, l’infirmier apprend à connaitre son patient et à savoir à quoi
correspondent ses dires. À cela s’ajoute un avantage que confère la télésurveillance :
celui de la fréquence des informations. En effet, le patient informe quotidiennement
(voire plus) son infirmier de son état de santé. Avec cette information, et en ayant
connaissance des effets de ses recommandations, l’infirmier peut valider si le patient
Chapitre 4: Analyse et Discussion
79
a agi ou non selon ses conseils. Ce sont ces conseils qui aboutissent à une
amélioration de l’état de santé. Les infirmiers et patients sont unanimes sur
l’importance de ces « succès » rapides. Cela conforte les deux personnes dans leur
utilité et leur rôle. L’infirmier, qui dispose de plus d’information, possède plus de
contrôle et d’assurance sur les soins qu’il prodigue. Il peut vérifier que les conseils
qu’il donne ont un effet direct. Ce contrôle se limite au comportement, libre, du
patient et reste donc moins important qu’en soins à domicile mais il est plus régulier
et est récompensé par des résultats.
La technologie utilisée, de par la formalisation du contact, limite en partie la fonction
infirmière à une pathologie et il peut lui être difficile de réagir pour d’autres
circonstances médicales (Alves, Campos et al., 2009; Greenberg, 2000). En effet,
l’appareil ne pose que des questions ciblées sur certains symptômes, ce qui ne permet
pas d’avoir une vision holistique du patient comme le requiert la fonction infirmière.
Cela demande, dès le recrutement des infirmiers, de sélectionner des personnes ayant
des connaissances et une expérience importantes sur les symptômes (même au-delà
des pathologies suivies). Il faut en effet que l’infirmier sache interpréter ces données.
De plus il lui faudra aussi « entendre entre les lignes » lors des échanges
téléphoniques afin de mieux cerner les symptômes. Ainsi, pour pallier le manque de
renseignements, les infirmiers ont développé de nouvelles connaissances et une
meilleure acuité.
Cette acuité leur permet de déceler, dans le ton de la voix, dans les commentaires de
l’entourage (si le conjoint est proche du téléphone notamment) des problématiques
que le patient n’est pas prêt à évoquer explicitement au téléphone.
« J’ai les yeux fermés mais mes oreilles sont toutes ouvertes » Infirmier 5
« Il faut que t’affines tes questions […] là avec les télésoins, je suis obligé de
cerner mes questions, je suis obligé d’avoir plus de connaissances au niveau des
maladies, de cerner mes signes et symptômes » Infirmier 1
Les questions posées au patient deviennent plus ciblées sur le symptôme ou utilisent
quelquefois des informations indirectes pour cibler le symptôme. Poser des questions
au patient sur son environnement et son changement (nombre d’oreillers avec lequel il
dort, présence de fumeurs à proximité…) permet ainsi de déceler et diagnostiquer les
Chapitre 4: Analyse et Discussion
80
problèmes de santé auxquels il est confronté. Bien entendu, dans un contexte de soins
à domicile, de telles informations auraient directement été observées.
Cela justifie que le lien de confiance, la sécurité avec laquelle l’infirmier exerce son
rôle prenne plus de temps à s’établir. Le professionnel infirmier n’a pas accès direct à
l’environnement du patient. Pour un gain en sécurité, l’infirmier doit développer des
compétences liées au processus de télésurveillance et être plus patient au départ.
Néanmoins, la fréquence et la quantité des interactions permises par la
télésurveillance viennent compenser ce besoin en sécurité et le renforcer.
On peut ainsi résumer le concept de confiance de l’infirmier envers son patient en
télésurveillance de la manière suivante :
Confiance de l’infirmier envers son patient en télésurveillance
Définition
Niveau de sécurité avec lequel l’infirmier exerce son rôle (avoir la
bonne information et poser le bon acte)
Caractéristiques
Condition préliminaire au soin – s’établit de l’infirmier envers le
patient
Antécédents
Dépend de l’expérience de l’infirmier et du premier moyen de
communication employé (notamment la vue)
Évolution
S’établit selon un temps plus long qu’une relation physique
directe, se renforce avec l’expérience de l’infirmier (écoute)
Effet
Qualité du soin (pose de diagnostic), affect
Tableau 9 : Récapitulatif du concept de confiance pour infirmier
4.2.2
Influence de l’infirmier
L’autonomie de l’infirmier, sa capacité à travailler individuellement, l’influence dont
il dispose sur le patient et l’initiative qu’il prend représentent des traits de caractère et
des prédispositions à son adhésion à la télésurveillance.
Contrairement aux soins à domicile où l’infirmier initie la visite selon une demande
du patient, en télésurveillance, l’infirmier initie l’appel téléphonique sur un besoin du
patient ou selon une routine pour prendre de ses nouvelles. Cette intrusion dans la vie
d’autrui demande une prise d’initiative de la part de l’infirmier. Une forme
d’influence qui lui est étrangère en soins à domicile. La recherche sur les relations à
distance exprime aussi combien la prise d’initiative des communications est
Chapitre 4: Analyse et Discussion
81
importante pour le maintien de la relation (Nydegger et Nydegger, 2010). Étant
responsables de la relation (comme le suggère Travelbee (1971)), les infirmiers en
télésurveillance réalisent souvent des appels de routine (à une fréquence d’environ
deux à trois semaines) pour assurer leur présence auprès du patient et renforcer la
relation.
Le rôle et la fonction infirmière sont préservés par la télésurveillance. L’organisation
de la relation de soin donne normalement une fonction dominante à l’infirmier qui
« contrôle » les soins. Nous sommes donc dans un cas d’incongruence des statuts telle
que nous l’aurions en soins à domicile.
Néanmoins, en télésurveillance, l’évolution du soin et de l’apprentissage vise à
effacer, à terme, cette incongruence de statuts. Le partage de connaissances vise une
forme d’égalité, le patient gagnant en latitude décisionnelle. Si cela est relaté par les
patients résilients (les cercles dessinés par les patients résilients en page 73 font état
de cette égalité presque atteinte), certains infirmiers aussi évoquent une relation plus
réciproque. Avec une telle autonomisation, les normes habituelles de la fonction
infirmière, visant plutôt à un encadrement et à un certain contrôle doivent être
modifiées.
« Pour moi ça devrait être ça [une relation d’égal à égal], idéalement. On est
jamais égal à égal c’est pas vrai […]. Dans la réalité je pense qu’il y a plus un
côté enveloppant du côté infirmier puis qui rassure le patient aussi,
généralement. » Adjointe à la Direction des Soins Infirmiers
Le contrôle que l’on retrouve traditionnellement de la part de l’infirmier est redéfini
au profit d’une influence sur le patient que nous avons évoquée. S’il peut faire preuve
de fermeté pour se faire entendre, l’infirmier doit néanmoins faire cette fois-ci avec la
liberté du patient et son autonomie grandissante. Il doit alors user d’incitatifs et
d’influence et non plus de contrôle.
Prenons l’exemple de la résolution de problème de santé, l’infirmier ne pouvant
contrôler l’environnement du patient, il lui faudra passer nécessairement par une
collaboration avec le patient, en le questionnant, en l’invitant lui-même à chercher les
causes du problème. Le patient, motivé par l’infirmier qui utilise la technologie à
cette fin, devient un enquêteur en recherche de solutions de santé.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
82
« On a trouvé ça [la cause d’une problématique de santé] mais c’est à cause de la
machine qu’on l’a trouvé parce que sinon on aurait jamais trouvé ça, on arrêtait
plus de voir le docteur pour ça! Patient 3
Cependant, l’utilisation d’une influence chez l’infirmier à distance, est contradictoire
avec les recherches sur le leadership de Howell, Neufeld et al. (2005). Ses résultats
postulent que la distance physique diminuerait l’influence des personnes et donc la
performance de leur collaboration. Dans notre cas, l’infirmier gagne en influence
parce que la distance le contraint à une collaboration avec son patient mais aussi parce
qu’il dispose de plus d’informations sur la santé du patient. Cette influence a aussi un
objectif pédagogique qui ne se limite pas à une éducation de la santé (le discours
explicatif de ce qu’il faut faire) et comprend surtout une promotion de la santé (on
récompense le comportement positif) qui a un impact sur la santé du patient.
(Whitehead, 2001).
On peut ainsi résumer le concept d’influence de l’infirmier envers son patient en
télésurveillance de la manière suivante :
Définition
Influence de l’infirmier
Influence dont l’infirmier dispose sur le patient et initiative qu’il
prend
Caractéristiques
Condition préliminaire au soin – Appartient à l’infirmier
Antécédents
Style de soin de l’infirmier
Évolution
Se renforce avec l’expérience en télésurveillance et les résultats
fructueux des interventions
Effet
Renforce la confiance en soi et la motivation au travail, permet
l’adhésion de l’infirmier au protocole de soin et celle du réseau
de santé
Tableau 10 : Récapitulatif du concept d'influence pour l’infirmier
4.2.3
Affect
Certains évoquent une déshumanisation du soin, postulant que la distance pourrait
empêcher l’affectivité de s’établir (Cornford et Klecun-Dabrowska, 2001; Demiris,
Oliver et al., 2006; Dupagne, 2010; Kaplan et Litewka, 2008). Nous résultats
prouvent que ce sentiment de sympathie que nous avons évoqué dans la revue de
Chapitre 4: Analyse et Discussion
83
littérature, ne disparait pas avec la distance. Il est cependant différent en
télésurveillance.
La position des infirmiers en télésurveillance, au cœur du réseau de santé, ainsi que
l’information dont ils disposent leur donne le sentiment d’être plus responsables de
leurs patients. La répartition des patients (un patient est suivi par un seul infirmier)
ainsi que la durée de la relation expliquent ce sentiment de responsabilité.
Ainsi, chaque échec, que cela soit au sein du réseau (prise de rendez-vous pour le
patient avec un professionnel) ou pour le patient lui-même (dégradation de l’état de
santé) est vécu comme une source de difficulté pour l’infirmier. Cette implication de
l’infirmier, semblable en certains points à celle que vivent les infirmiers en soins à
domicile, est intensifiée par la fréquence des relations. En effet, les données arrivent
quotidiennement, l’infirmier ne peut « oublier » son patient entre deux visites (ce qui
est le cas en soins à domicile). Ce rappel de l’état de santé du patient ainsi que ses
effets sur la qualité de vie au quotidien est vécue par l’infirmier à travers l’appareil et
les données que le patient transmet. Cela implique pour certains infirmiers une forme
de « lourdeur » liée au processus et au nombre de patients suivis.
Quant au rôle de l’infirmier en télésurveillance, celui de mobiliser rapidement et
efficacement les ressources de santé pour aider le patient, s’il se confronte aux limites
du système (pas de rendez-vous ou d’intervention) ou aux limites du patient, alors
l’infirmier est réduit à soutenir et suivre quotidiennement son patient en détérioration.
« Quand on a des limites [d’intervention] qu’on ne peut plus rien faire, ça nous
mine un peu » Infirmier 1
« Quand le patient, jour après jour, tu lui répètes la même chose et qu’il n’y a pas
d’amélioration […] ça stresse » Infirmier 4
La sympathie de l’infirmier envers son patient évolue au cours du soin et se renforce à
chaque interaction. Ainsi, selon ce qui est partagé avec le patient, l’infirmier
sympathise plus ou moins. Cela tient aussi en l’expérience de l’infirmier et de son
style de soin. Les infirmiers expliquent que ceux qui ont une expérience en soins à
domicile ont plus tendance à materner leurs patients que les autres. Bien que cela soit
démenti en partie par l’adjointe aux soins infirmiers. Celle-ci explique que tous les
infirmiers, quel que soit leur expérience, ont été amenés à réadmettre dans le
Chapitre 4: Analyse et Discussion
84
programme certains patients qui ne faisaient pas preuve de suffisamment d’autonomie
et pour lesquels ils avaient développé un attachement particulier.
La technologie n’empêche donc pas l’établissement de l’empathie, ni même de
sympathie. Les infirmiers s’attachent à leurs patients, notamment ceux avec lesquels
ils ont le plus d’interactions. Lorsqu’interrogés sur leur facilité à prendre du recul face
à une situation difficile, cette manière d’établir une empathie clinique, les
professionnels infirmiers répondent unanimement que non, la distance physique
n’aide pas à prendre plus de distance affective. Certains expliquent par ailleurs que la
technologie, le processus de télésurveillance en lui-même ne remplace ni ne modifie
la relation.
« Il faut que des fois je mette ma carapace » Infirmier 2
On peut résumer le concept d’affectivité tel qu’il a été évoqué par les infirmiers en
télésurveillance selon le tableau suivant :
Affectivité de l’infirmier
Définition
Empathie et sympathie de l’infirmier envers son patient
Caractéristiques
Impact non voulu du protocole de soin – Appartient à
l’infirmier
Antécédents
Style de soin de l’infirmier
Évolution
Se renforce au cours de la relation infirmier-patient (à chaque
interaction)
Effets
Réadmission de patients non autonomes, difficulté à mettre en
place une distance thérapeutique
Tableau 11 : Récapitulatif du concept d'affectivité pour l’infirmier
4.2.4
Synthèse de la perspective de l’infirmier
Trois éléments principaux ont été évoqués pour les infirmiers en télésurveillance soit :
la confiance qu’il porte envers son patient, son influence sur le patient et enfin son
affectivité.
Au sein de ces trois éléments, c’est la dimension action de la distance qui prédomine
avec une place privilégiée, comme chez le patient, pour la distance affective
(perspective psychologique). La dimension de la distance relationnelle qui a le plus
Chapitre 4: Analyse et Discussion
85
d’effet sur les éléments soulevés par l’infirmier est la dimension physique, la richesse
du média, avec notamment le besoin de la vue pour se sentir en confiance. De plus,
nous observons que les infirmiers répondent chacun à leur manière à la
télésurveillance. Leur expérience et leur style de soin expliquent pour beaucoup leur
comportement.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
4.3
86
Synthèse et ouverture
Nous allons désormais reprendre notre démarche théorique et utiliser les observations
présentées précédemment pour répondre aux questions de recherche. Nous allons
évoquer la relation, puis la distance relationnelle et le changement que demande le
contexte de télésurveillance. Enfin nous aborderons les éléments de la relation qui
permettent un apprentissage en télésurveillance.
4.3.1
La télésurveillance et la relation patient-infirmier
Cette première partie répond à une question sous-jacente à ce mémoire et liée à la
distance relationnelle: est-il possible d’entretenir une relation infirmière à distance?
La télésurveillance mobilise l’ouïe pour les interactions téléphoniques. Cette ouïe ne
remplace pas la vue, comme le prouvent les entrevues avec infirmiers et patients,
mais permet de prendre connaissance d’autrui (dans la perspective d’ Husserl et
Depraz (2001)). De même, infirmiers, tout autant que patients, ont évoqué des
émotions partagées, notamment exprimées par un attachement et un lien de confiance
qui peut être inné ou acquis (ou plus souvent les deux en même temps). Il y a donc
expérience d’autrui (dans la perspective de Kant et Philonenko (1993)). Ainsi, quelle
que soit la définition de relation que nous utilisons, nous pouvons affirmer que la
télésurveillance permet l’établissement d’une relation humaine malgré la distance
physique qu’elle impose.
Le processus de télésurveillance comporte des objectifs de soin. Il implique une suite
d’actions et de réactions qui supposent communications et réciprocité. Nous sommes
donc bien dans une relation infirmière selon la définition de King (1981). Les
éléments qu’aborde King (1981) absents au CSSS Jardin Roussillon sont la
négociation de l’objectif de soin et l’établissement d’objectifs de soins avec le patient.
Cet élément, l’objectif de soin, est pourtant discuté au sein de la littérature comme
l’un des rôles que devrait occuper un infirmier en télésurveillance (Suter, Hennessey
et al., 2008; Suter, Suter et al., 2011).
En télésurveillance, la responsabilité d’établir la relation incombe à l’infirmier. Cela
lui demande une prise d’initiatives plus importante. Cette responsabilité a été évoquée
par Travelbee (1971). L’unicité de la relation, l’atteinte d’une compréhension
mutuelle dépend, en télésurveillance du besoin du patient. Ainsi, plus le patient aura
Chapitre 4: Analyse et Discussion
87
des difficultés, plus il y aura interaction et personnalisation du soin. Cela ne veut pas
dire que le soin n’est pas personnalisé à la base selon les besoins du patient mais
plutôt que l’expérience de l’autre (l’infirmier pour le patient et le patient pour
l’infirmier) sera plus importante si le besoin se fait sentir. La relation infirmière, dans
le sens que lui donne Travelbee n’est donc pas toujours atteinte en télésurveillance. À
ce sujet, Travelbee (1971) exprimait que tout soin ne demandait pas la réalisation de
toutes les étapes de son modèle. Ainsi, que l’on utilise la perspective de King ou la
perspective de Travelbee nous sommes ne présence d’une relation infirmière.
« C’est surtout le côté observation visuelle qui est différent, parce que je ne l’ai
pas […], oui [je me sens proche, mais]…pas tous! Parce que il y en a avec qui j’ai
un peu moins de contact parce qu’ils sont plus stables. Mais les patients chez qui
la problématique est plus présente, c’est des patients qui sont moins stables, oui je
les appelle. C’est sûr que la communication n’est pas la même que si j’étais chez le
patient. […] Le contact physique peut jouer au niveau de la chaleur humaine, mais
encore là, ça dépend des patients : c’est au cas par cas. Il y a des patients avec qui
j’ai développé une super belle relation même si je suis à distance : les gens sentent
que je suis présente, que je suis là pour eux pareil même si je ne vais pas à
domicile. Je pense que ça pourrait être la même chose en visite à domicile, il y a
des gens avec qui la relation passe simplement moins bien »
Infirmier 4 (qui a eu une expérience des soins à domicile)
4.3.2
La télésurveillance : une relation à distance
Afin de savoir si la télésurveillance à domicile a une influence sur la distance
relationnelle, il nous faut comparer la distance relationnelle de ce contexte précis à
celui d’autres contextes infirmiers. Nous allons pour cela reprendre chaque dimension
de notre cadre conceptuel présenté en page 40 (Figure 10).
En termes de distance physique, les autres soins infirmiers sont habituellement
délivrés directement chez le patient ou à l’hôpital et impliquent habituellement une
rencontre physique. La question de « mettre une visage sur une voix » ne se pose
donc pas. En termes de distance temporelle, mis à part à l’hôpital ou en soins
palliatifs, les patients ne reçoivent habituellement pas la visite d’une infirmière tous
les jours. La télésurveillance vient donc modifier fréquence du soin. Sa durée aussi la
télésurveillance se limite à quatre mois de soins contrairement à ce qui pourrait être
des années en soins à domicile ou quelques jours en hôpital. Il est intéressant de noter
Chapitre 4: Analyse et Discussion
88
que la perception de la richesse du médium de communication pousse les infirmiers à
avoir moins confiance en ce nouveau processus de soin au départ. Avec l’expérience
et l’utilisation de la technologie, le medium de communication est adopté et devient
privilégié.
Au niveau de la dimension sociale, la télésurveillance semble inviter à une
redéfinition des rôles, notamment du rôle de l’infirmier au sein du réseau de santé et
une redistribution des pouvoirs entre infirmiers et médecins et infirmiers et patients.
Enfin, la télésurveillance à domicile ne modifie pas l’empathie et la sympathie
nécessaires au soin mais les sentiments de satisfaction, une idéalisation du soignant et
des comportements d’autonomie plus marquée se font sentir.
En d’autres termes nous pouvons conclure que oui la télésurveillance à domicile a
indéniablement une influence sur la distance relationnelle entre l’infirmier et son
patient. Cette influence n’est pas la même au cours de la durée du soin (au cours des
quatre mois de suivi), puisque, confiance, affectivité et apprentissage sont des
éléments qui se développent selon la durée. De plus l’influence de cette distance
relationnelle ne porte pas atteinte aux objectifs du soin. Bien au contraire, puisque les
études empiriques montrent que le suivi clinique plus régulier associé à la
télésurveillance permet un meilleur contrôle glycémique chez les diabétiques, un
meilleur contrôle de la tension artérielle chez les hypertendus et une diminution des
visites à l’urgence et des hospitalisations chez les insuffisants cardiaques et les
personnes atteintes de maladies pulmonaires chroniques (Alves, Campos et al., 2009;
Paré, Jaana et al., 2007; Paré, Moqadem et al., 2009; Paré, Sicotte et al., 2012;
Sicotte, Paré et al., 2011).
Les entrevues avec patients et infirmiers mettent en évidence certaines dimensions de
la distance relationnelle plus que sur d’autres. Ainsi la fréquence des interactions,
notamment avec les envois quotidiens d’informations joue un rôle important pour le
patient car elle permet d’établir le lien de confiance, la motivation et l’attachement du
patient. Ces éléments, ajoutés à un attachement maitrisé permettent d’atteindre
l’objectif d’apprentissage. C’est notamment par l’expérience de décompensations et
grâce au support rapide de l’infirmier à ce moment-là que le patient apprend. Cela
suppose, de nouveau, un suivi constant et donc une fréquence d’interaction élevée.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
89
Pour les infirmiers, c’est le manque de richesse du média qui fut le plus évoqué.
Notamment parce ce qu’il présente une barrière à l’établissement du lien de confiance
au départ, la vue n’étant pas possible avec la télésurveillance.
La richesse du média fut aussi évoquée parce que lorsqu’associé à la fréquence de
l’envoi d’information, elle représente une quantité d’informations permettant à
l’infirmier de faire preuve de plus d’influence face à son patient. L’infirmier peut en
effet donner de meilleurs conseils cliniques à son patient sur la base de la quantité et
la qualité de l’information dont il dispose. Il peut aussi valider que le patient suit ses
conseils et modifie son comportement. De plus la quantité d’informations dont
disposent les infirmiers leur donne une plus grande latitude décisionnelle, cela est lié
à une professionnalisation de leur fonction.
Ces deux éléments, richesse du média et fréquence des interactions supportent le
processus et permettent de modérer les effets de la distance. La nature du changement
impliqué par la télésurveillance est donc d’utiliser d’autres moyens pour atteindre
l’objectif de soin. Tel que nous l’avons évoqué, cela n’est pas sans avoir des
conséquences sur le milieu : celui d’un apprentissage du patient, et celui d’une
professionnalisation de l’infirmier.
« C’est sûr que ça crée une certaine distance quand même parce que tu vois pas
ton patient à tous les jours. Mais c’est compensable » Infirmier 3
« C’est sûr qu’avec une personne à côté…c’est sûr que c’est mieux la peau, le
contact humain, pas juste la machine! Malgré que… Oh! Moi je vivais avec la
machine mais c’est elle [mon infirmière] qui me parlait » Patient 1
4.3.3
La télésurveillance : une relation nécessaire
Deux questions résident. La première question nous fut posée par un professeur de TI
à HEC lors d’une présentation : « la relation est-elle encore nécessaire si l’appareil, de
par ses algorithmes, peut permettre l’apprentissage? ». La seconde question est celle
que nous n’avons cessé de nous poser depuis la collecte des données : pourquoi
réside-t-il deux profils : des patients qui apprennent et d’autres non? Nous allons
observer que la réponse à la seconde question répond aussi à la première.
Nous avons évoqué la résilience de certains patients face au stress que pouvaient
évoquer les alertes sur la tablette. Cette forme de stress permet l’apprentissage
Chapitre 4: Analyse et Discussion
90
(Kromann, Jensen et al., 2010). Dans notre analyse nous utilisons le terme stress
comme une modification négative de l’environnement du patient (un début de
décompensation par exemple) (Folkman, Lazarus et al., 1986) 48, c’est une sortie de
ce qu’on appelle plus communément la « zone de confort ». La résilience représente
quant à elle, à la fois l’aptitude (un trait de caractère ou la compétence), le processus,
et le résultat d’une adaptation souvent jugée positive à un changement négatif du
milieu (Masten et Coatsworth, 1998; Tisseron, 2009). En d’autres termes, la résilience
est une réponse constructive à un stress. Ce serait donc la résilience qui permet au
patient de réaliser son apprentissage. En répétant un comportement constructif face au
stress (par mimétisme en imitant la réaction de l’infirmier, par association ou en
observant ce qu’il faut faire) le patient apprend. La résilience semble pouvoir
expliquer les deux profils de patients obtenus.
La résilience est variable puisqu’elle dépend de l’individu et de l’environnement, elle
est aussi évolutive, distincte à tout moment. Au sein de la littérature, la résilience a été
associée à l’action de faire face (coping en anglais). De nombreuses études ont tenté
de trouver la « recette » de l’homme résilient, devenu, à ce titre, un héros pour
certains. En termes de caractère, la résilience dépendrait notamment de l’optimisme
de l’individu et de sa capacité à s’engager dans une activité (Tisseron, 2009). Cette
dernière capacité, comparable à la volonté du patient, a été largement évoquée lors
des entrevues. Elle a aussi été développée avec le processus de « mentalisation »,
celui de donner un sens aux expériences vécues (notamment abordé par Travelbee
(1971), rappelons que l’infirmier doit assister le patient dans cette étape). Ainsi un
profil se dessine : QI, capacité de socialisation, relation à l’autorité, profil
socioéconomique, accès à l’éducation… (Masten et Coatsworth, 1998) toutes ces
variables influent à divers degrés encore inconnus sur la résilience. Les infirmiers ont
évoqué certains de ces éléments pour expliquer les deux profils de patients,
notamment : l’âge, l’expérience avec les technologies, le niveau d’éducation,
l’anxiété de départ. Cependant, cela ne dépend pas que du patient, en effet, les
infirmiers ont aussi évoqué l’isolement et l’absence d’entourage comme des facteurs
négatifs pour la réussite de l’apprentissage. Les chercheurs ayant abordé le concept de
résilience ont aussi fait écho de ces éléments.
48
Il faut bien distinguer cette définition du terme stress, empruntée à la psychologie, de la notion
d’anxiété ou angoisse, souvent utilisés populairement comme synonymes.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
91
À ce niveau, la sécurité et la stabilité émotionnelle ainsi que la capacité à nouer des
relations satisfaisantes ont été évoquées par la recherche sur la résilience (Tisseron,
2009). Cela n’est pas sans rappeler ce que nous avons dénommé un « attachement »
du patient. À ce sujet, les expériences de Feeney (2001) liés à la résilience du patient
tendent à démontrer que le profil ou style d’attachement49 du patient, c’est-à-dire la
façon dont il accepte la relation infirmière et son comportement vis-à-vis de celle-ci
(sécurisé ou non, évitement ou non..), joue un rôle important sur le bon déroulement
du soin. Ainsi, ceux qui sont dit « sécures » mettent en place une relation d’alliance
thérapeutique (Feeney, 2001). Notons qu’il a été démontré que la qualité des
expériences d’attachement a un impact positif sur la capacité à faire face au stress,
tant au niveau psychique que psychologique (Tisseron, 2009). La résilience est un
phénomène de plus en plus étudié et de nombreuses applications sont encore à faire à
ce sujet, notamment en télésurveillance50.
Ainsi, le concept de résilience qui explique ici l’apprentissage et les profils de patients
nous ramène non seulement aux concepts qu’ont évoqués infirmiers et patients mais
aussi au besoin de relation. Nous répondons ainsi à la question de mon professeur de
TI, la relation est une condition nécessaire à l’apprentissage. Sans attachement, il ne
peut y avoir de résilience ou du moins, celle-ci se limite fortement (les recherches ont
établi des facteurs, pas des conditions nécessaires à la résilience). Ce dernier point
justifie la nécessité de la relation. En effet, sans relation, c’est l’objectif même du
processus, à savoir l’apprentissage qui disparait. Notons que les éducateurs ont déjà
abordé cette perspective dans leurs recherches sur l’apprentissage à distance (Mignon
et Closset, 2004). L’infirmier, comme le professeur a pour fonction principale dans
l’apprentissage de réaliser un renforcement positif, de veiller à garder le patient
motivé en lui donnant notamment un sentiment de compétence (Mignon et Closset,
2004). Ce nouveau rôle que doit endosser l’infirmier en télésurveillance est
documenté au sein de la littérature en sciences infirmières, il s’agit d’établir des
objectifs pour la motivation, de réaliser un renforcement positif pour le sentiment de
49
Mary Ainsworth, Blehar et al. (1979) a développé un modèle comprenant 4 types d’attachement
différents pour les nouveaux nées, ce modèle en l’adaptant, peut être appliqué plus largement (Tisseron,
2009)
50
Un lien intéressant peut ici être fait avec la pyramide de Maslow, en effet, l’apprentissage demande de
prendre des décisions dans une direction, une aspiration réalisée dans le quatrième niveau de la pyramide
quand les aspirations sociales et le besoin d’appartenance font partie du troisième niveau et en sont selon
la perspective de Maslow les prérequis.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
92
compétence et d’aider à la résolution de problèmes pour le contexte de dépendance du
départ (Suter, Hennessey et al., 2008; Suter, Suter et al., 2011). Cela nous amène
aussi à penser que le recrutement des patients pourrait être réalisé en prenant la
résilience en compte.
En effet, pour que le patient apprenne il faut absolument qu’il soit engagé (volonté)
dans le processus. Il faut aussi qu’il ait les capacités de comprendre (mentalisation).
Si la capacité est facilement évaluable, c’est la volonté qui pose plus de problèmes. Or
cette volonté est dépendante de la résilience du patient et donc de son style
d’attachement. Les travaux de Mary Main, Hesse et al. (2005) qui a construit un cadre
d’entrevue permettant d’évaluer le style d’attachement pourraient être intéressants à
cet égard (Tisseron, 2009). Sans que cela ne soit discriminatoire, prendre en
considération la résilience du patient pourrait aider à la personnalisation du soin, par
exemple au niveau de la fréquence du suivi ou de sa durée. Certains patients
pourraient avoir besoin de plus temps que d’autres pour apprendre. Le style de suivi
que l’infirmier doit adopter aussi devrait changer selon cette variable. En effet, les
infirmiers ont souvent évoqué le style de soin comme une manière différente
d’aborder la relation pour chaque infirmier et comme étant responsable en partie de
l’attachement du patient.
«C’est vraiment au niveau personnel que ça se passe. […] Dans notre formation
on nous dit toujours qu’il faut parvenir à combler les besoins des patients le plus
qu’on le peut. Le plus qu’on le peut bien c’est là, tu peux l’amener à tel, tel ou tel
niveau et puis ça c’est un choix personnel. […] Tu peux en faire plus que ce qui est
écrit au bas de la ligne. » Infirmier 3
C’est ainsi que certains infirmiers se font appeler après que le processus de
télésurveillance aie pris fin et que d’autres infirmiers ne soient presque pas
recontactés par leurs patients. Peut-être serait-il judicieux de jumeler ces deux
caractéristiques (style de soin et attachement) pour maximiser à la fois la relation, le
soin et l’apprentissage. Une fois de plus, des recherches sont nécessaires pour
élaborer les cadres conceptuels, à la fois du style de soin, de la résilience, de
l’attachement, de l’apprentissage et le type de liens qui les unissent.
Si l’on prend la perspective de l’infirmier, l’apprentissage et l’usage de la nouvelle
technologie demandent certes, elles aussi, une forme d’adaptation au départ et donc
Chapitre 4: Analyse et Discussion
93
une forme de résilience. Cependant le contexte de travail de l’infirmier et la durée de
cet apprentissage (6 mois) font que cet élément semble moins pertinent à la
perspective infirmière. Néanmoins, l’infirmier ne peut pas rester étranger à ce
concept. Avec la télésurveillance, son rôle étant redéfini, il doit devenir un tuteur de
résilience (en anglais caregiver signifiant littéralement soignant) (Cyrulnik, Elkaïm et
al.; Tisseron, 2009). L’infirmier doit renforcer l’estime de soi chez son patient,
assurer un attachement et aider à donner un sens aux expériences. Le pendant de la
résilience serait le concept de résonance.
La résonance est un concept faisant appel aux émotions et à leur transmission, un
individu résonne lorsque ses émotions sont en harmonie avec celle de l’autre (sans
pour autant parler de contagion émotionnelle). La particularité de la résonance est que
l’émotion ressentie joue un rôle jugé utile dans la relation (l’émotion de l’un ou de
l’autre transmet un message) (Cyrulnik, Elkaïm et al., 2010; Lewis, Amini et al.,
2000). La résonance doit être distinguée de l’empathie car il ne s’agit pas de connaitre
l’émotion de l’autre mais plutôt de reconnaitre ses propres émotions face à celles que
partage l’autre et savoir interpréter l’ensemble. Cette notion dépasse donc l’empathie
clinique ou la distance thérapeutique. Il ne s’agit d’analyser l’utilité de ce qui est
transmis et de valider si le vécu décrit renforce un comportement ou une protection
(une résistance) de l’individu au changement. L’infirmier en télésurveillance se doit
d’observer et de déceler ces comportements et croyances et réagir en conséquence, en
tuteur de résilience.
L’intérêt de la résonance est qu’elle ne se limite pas aux sens. Elle transcende, à la
manière de Kant et Philonenko (1993) ou Travelbee (1971). Or nos résultats tendent à
démontrer que la transmission et le partage d’émotions ne se limitent pas aux sens et
cette, quelles que soient leur intensité et utilité. Il y aurait donc un intérêt explorer
plus en profondeur ce concept en sciences infirmières. La recherche sur la résonance
est relativement limitée aux professions de la psychologie pour le moment. Pourtant,
les infirmiers, et pas uniquement en télésurveillance, doivent faire preuve de
résonance au cours de leur profession. La particularité de l’apprentissage et de la
distance que suppose la télésurveillance à domicile permettrait de fournir une
meilleure compréhension de l’importance des émotions, de leur transmission et de
leur signification dans le contexte de soin infirmier et dans l’objectif d’apprentissage.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
94
Enfin, le style de la relation, la jonction entre le style de soin, la résonance de
l’infirmier et la résilience et les réactions du patient est le dernier élément à explorer.
Plusieurs modèles existent pour caractériser et classifier les relations (Hagerty et
Patusky, 2003). À ce sujet, Morse (1990) définit quatre types de relations en soins
infirmiers : clinique, thérapeutique, connectée et sur-impliquée. Si le premier type de
relation convient pour des soins de courte durée (comme un infirmier en triage aux
urgences par exemple), les trois aux types de relation se construisent avec le temps.
Notre collecte de données nous permet d’établir que nous avons rencontré ces trois
types sur le terrain. Le type de soin thérapeutique est très professionnel et se limite
aux besoins du patient qui généralement sont mineurs ou modérés (peu d’interactions
nécessaires). Le soin connecté, plus proche, correspond à une relation de confidences,
le patient consulte l’infirmier pour des décisions de traitement. Dans ce type de
relation l’infirmier sert en premier lieu le patient puis l’aide dans son traitement. Puis,
dans certains cas, nous avons observé un soin sur-impliqué où le patient met sa vie
entre les mains de l’infirmier ou l’inclut dans son cercle familial. Dans ce type de
relation, les objectifs de traitement sont mis de côté au profit des besoins du patient.
Dans ce dernier type de relation, il est courant, selon Morse (1990), qu’une fois
transféré ou changé d’institution, le patient conserve sa relation avec l’infirmier.
Reste à savoir lequel de ces types de relation doit être privilégié et dans quelle
situation.
Il semble que ces concepts interagissent au sein d’un cadre d’analyse qui devrait être
expérimenté lors d’études futures. Ce modèle pourrait apriori expliquer la présence
des deux profils de patients et la nécessité de la relation. Le modèle est présenté au
sein de la figure suivante (Figure 14). Il inclut la résilience du patient et la résonnance
de l’infirmier, l’adéquation de l’un à l’autre et l’attachement du patient vers
l’infirmier permettant d’élaborer la relation et de la renforcer. L’objectif de ce modèle
est d’expliquer l’apprentissage et l’autonomie du patient, les deux profils de patients
que nous avons constatés sur le terrain. Le cadre proposé ci-dessous explique ce
résultat exclusivement en termes de relation en dyade et d’attributs personnels.
Chapitre 4: Analyse et Discussion
95
Profil et entourage du
patient
Résilience
Style de soin (relation
infirmière, attachement et
adéquation entre
Résonnance
résilience et résonnance)
Profil de l’infirmier
Figure 14. Cadre d’analyse proposé
Apprentissage et
autonomie du
patient
CHAPITRE 5 : CONCLUSION
On le voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.
Alphonse de Saint Exupéry, Le petit prince
Ce chapitre vise à rappeler les objectifs et la méthodologie de ce mémoire, puis les
principaux enseignements que nous pourrons en tirer. Par la suite, les limites et
implications pour la recherche et la pratique sont présentés.
5.1
Rappel des objectifs de l’étude et résultats
Les contraintes économiques ainsi que la hausse de la demande en soins infirmiers
poussent les institutions sanitaires à trouver des solutions permettant d’assurer
continuité et qualité du soin. L’une de ces solutions est la télésurveillance à domicile.
La technologie et le processus de soin permettent de suivre des patients à distance et
de détecter les fluctuations de leur niveau de santé pour agir de manière plus
proactive. Cependant, les conséquences de ce nouveau processus de soin sont encore
méconnues. La recherche s’est principalement concentrée sur la satisfaction des
patients et leur niveau de santé et peu ont exploré l’impact social et relationnel de la
télésurveillance. Le présent mémoire explore l’évolution de la relation entre
l’infirmier et son patient dans un contexte de télésurveillance en utilisant le concept
de distance relationnelle : la séparation qui existe entre deux individus. Ce concept,
multidimensionnel, permet d’expliquer et de représenter une relation selon une
perspective structurelle et une perspective psychologique. La distance relationnelle
permet de représenter une relation à l’aide de l’espace physique, temporel, social et
l’espace réalisant l’action (voir Figure 10 : Cadre conceptuel en page 40). Cela nous a
permis d’appréhender le terrain afin d’observer l’évolution de la relation. Ce mémoire
répond ainsi aux questions suivantes :
1. La télésurveillance à domicile a-t-elle une incidence sur la distance
relationnelle entre le patient et le soignant?
2. Si oui, quelle est la nature de cette influence? Si non pourquoi?
Afin de répondre à ces questions nous avons mené une étude de cas au CSSS Jardin
Roussillon qui utilise cette technologie. Le CSSS Jardin Roussillon se prête bien à
une étude de cas grâce à son expertise, en effet, il fut le premier établissement au
Québec à offrir des soins télésurveillés pour une population aussi diverse et
importante (4 types de pathologies). Cette recherche étant exploratoire et le sujet
Chapitre 5: Conclusion
97
évoquant le ressenti de patients et infirmiers, le paradigme qualitatif et
l’épistémologie interprétative ont été utilisés pour collecter et analyser les données du
terrain. Cinq infirmiers, sept patients ainsi que l’adjointe à la direction des soins
infirmiers ont été interrogés.
La première contribution de ce mémoire est le cadre conceptuel élaboré à partir de la
littérature évoquant la distance relationnelle. Ce cadre conceptuel permet d’évaluer,
de comparer et de suivre l’évolution d’une relation en utilisant l’ensemble des outils
qu’a mobilisé la littérature et en permettant ainsi un point de vue plus holistique de la
relation.
L’analyse du cas de l’utilisation de la télésurveillance au CSSS Jardin Roussillon
nous a permis d’établir que la relation n’était pas la même que dans un cas
traditionnel de soins à domicile. Plusieurs dimensions de la distance relationnelle sont
modifiées à travers ce mode de dispensation des soins. Ce même cas nous a permis de
constater que le processus de télésurveillance apportait des solutions qui compensent
la distance entre l’infirmier et son patient. Par exemple, la fréquence des interactions
permet de pallier au manque de confiance dans la relation et à renforcer celle-ci.
Lors des entrevues, certains éléments sont apparus comme plus importants dans la
relation. Les patients ont abordé la notion de confiance et d’attachement avec
l’infirmier et la machine, ainsi que la notion d’apprentissage. De leur côté les
infirmiers ont évoqué la nécessité de sélectionner les patients selon leurs capacités et
leur volonté, l’établissement du lien de confiance avec les patients, la nécessité du
développement d’une influence que leur demande ce nouveau processus et enfin
l’affectivité qu’ils développent. Nous avons analysé chacune de ces notions et avons
observé que certaines dimensions de la distance relationnelle étaient critiques dans un
contexte de télésurveillance, comme la fréquence des interactions, la richesse du
média, les normes sociales et l’affectivité des individus. Nous avons par la suite
exploré la réalisation de l’objectif d’apprentissage de la télésurveillance et avons
conclu de l’importance de la relation et de l’attachement qui permettent de renforcer
la résilience du patient, nécessaire pour réaliser un tel apprentissage. Nous avons
enfin proposé un cadre d’analyse préliminaire qui pourra être éventuellement validé
dans le contexte de télésurveillance à domicile.
Chapitre 5: Conclusion
5.2
98
Limites de l’étude et implications pour la recherche
Cette analyse comporte des limites qu’il nous faut identifier afin de permettre aux
prochaines études de construire sur le présent mémoire.
L’approche méthodologique employée comporte ses propres limites. En effet, si
l’interprétativisme permet d’accéder au ressenti des sujets de recherche, il est
dépendant de la subjectivité de son auteur. L’auteur de ce mémoire a présenté son
analyse avec un biais phénoménologique et un biais lié à la théorie ancrée
(Sandelowski, 2000; Sandelowski et Barroso, 2003). En effet, l’analyse s’est portée
principalement sur l’étude d’un comportement et des explications de celui-ci
favorisant l’émergence des éléments lors des entrevues. De plus la culture de l’auteur
étant différente de celle des personnes interrogées (l’auteur est français), cela a pu
jouer sur l’interprétation des résultats. Enfin, l’étude se plaçant après l’intervention
(l’utilisation de la technologie) pour la plupart des patients, la fiabilité des propos
partagés dépend de la qualité de leurs souvenirs.
La fonction des intervenants a aussi joué dans la collecte des données. En effet, si les
infirmiers vivent plusieurs relations en télésurveillance et sont capables de
généralisation, ce n’est pas le cas des patients, ce qui peut expliquer la présence de
réponses plus extrêmes chez ce dernier groupe. La fonction infirmière inclut aussi que
ces professionnels sont payés pour rendre un service au patient. Tandis que le patient
a des attentes envers ce service et donc envers son infirmier, l’infirmier, lui, de
dévoue au patient. Tandis que l’infirmier est rémunéré et doit donc s’adapter, le
patient est en position de client, ce qui explique qu’il ait plus d’exigences. L’analyse
s’est donc moins centrée sur les infirmiers puisque nous disposons de moins de
données sur ceux-ci.
Le fait de se concentrer sur un seul terrain de recherche : le CSSS Jardin Roussillon,
limite aussi la portée de cette étude. Bien que le chercheur ait joué de vigilance pour
tenter de généraliser au maximum son propos en le détachant des particularités du
terrain, il est indéniable que certains éléments auront pu être mis plus en exergue dû
aux pathologies traitées, aux expériences des infirmiers et à la structure du site. Il
aurait ainsi été intéressant d’interroger d’autres institutions de santé offrant la
télésurveillance, avec une autre technologie, une autre structure organisationnelle, ou
encore une autre culture. Les variations culturelles et normatives dans l’établissement
Chapitre 5: Conclusion
99
de la relation pourraient ainsi être observées plus finement (le soin ayant une
dimension culturelle importante (Brugère, 2011)).
La durée du soin au CSSS Jardin Roussillon est aussi une limite de l’étude, certains
pourraient être amenés à utiliser la télésurveillance sur plus de quatre mois tout en
conservant les mêmes objectifs. Il a en effet été démontré que les relations à distance
utilisant l’informatique comme seul contact sur de longues durées (plus de huit mois)
pouvaient mener à des troubles de l’humeur (perte de motivation, d’estime de soi,
dépression) (Rock 2012). De plus, le manque de relation sociale (directe et physique)
mène sur le long terme à une santé moins bonne (Lachman et Agrigoroaei, 2010),
d’où l’importance de mobiliser un réseau de santé et services sociaux en
télésurveillance. D’autres études sont donc nécessaires sur le sujet afin d’en
comprendre l’ensemble des éléments généralisables et d’être capable d’en faire
émerger une théorie fiable liant les types de distance que nous avons présentés et la
qualité de vie du patient selon une durée plus longue.
Sans doute serait-il plus judicieux, à l’avenir, d’étudier l’infirmier au cœur du réseau
de santé. Les entrevues nous ont beaucoup permis d’aborder la collaboration dont
faisaient preuve les infirmiers en télésurveillance avec le reste du secteur de la santé.
Ce point est vérifié au sein de la littérature (Suter, Hennessey et al., 2008).
L’infirmier se base sur les éléments qui lui sont envoyés par les autres professionnels.
Ainsi la télésurveillance permettrait de professionnaliser la fonction infirmière en lui
donnant plus de leadership et de latitude décisionnelle et donc de modifier la distance
relationnelle entre les différents acteurs du réseau de la santé.
D’autres éléments doivent aussi être explorés, comme les raisons expliquant la
réussite ou non du processus de soin et des objectifs d’apprentissage pour les patients.
Si la notion de résilience semble offrir des pistes intéressantes, les études sur la
réaction au stress et à son hormone (le cortisol) et sur la plasticité du cerveau
pourraient aussi apporter des réponses (Rock 2012; Tisseron, 2009). La notion
d’attachement et sa nécessité dans l’apprentissage, bien que fortement soutenue par
les recherches sur la résilience restent encore à explorer. En d’autres termes, il faut
définir le profil de patients pour lesquels ce processus permettra un apprentissage ou,
au mieux, une stabilisation et le profil de ceux pour lesquels une telle forme de
traitement n’est pas envisageable ou ne présentera pas de gain.
Chapitre 5: Conclusion
100
Il faut aussi définir le profil des infirmiers en télésurveillance afin de déterminer le
« style de soin » ou caractère le mieux adapté à ce processus de soin. Certains
évoquent une « lourdeur » face au processus et les limites de cette étude n’ont pas
permis d’évaluer les effets psychologiques de la télésurveillance sur l’infirmier. La
notion de résonance gagnerait ainsi à être explorée et utilisée en télésurveillance, ceci
notamment afin de comprendre le transfert d’émotions, leur gestion et leur importance
dans la relation. Le type de relation à privilégier selon le patient, l’infirmier et le soin
reste encore à définir.
Les implications de cette étude pour la recherche sont donc multiples. Nous venons
d’aborder les ouvertures vers de nouvelles questions de recherche et un
approfondissement des connaissances actuelles. Ce mémoire apporte aussi, de par le
cadre conceptuel qu’il propose, une nouvelle base théorique qui pourra servir de
trame de fond pour les prochaines études sur le concept de distance relationnelle.
5.3
Implications pour la pratique
Cette étude a permis de mieux comprendre les éléments constitutifs de la
télésurveillance au CSSS Jardin Roussillon. Nous avons démontré l’importance de la
vue dans l’établissement du lien de confiance avec le patient. Nous recommandons
donc que l’infirmier responsable du patient soit aussi celui responsable de sa
formation ou de l’installation de l’appareil chez le patient. Si cela est quelquefois le
cas au CSSS Jardin Roussillon, ce n’est pas systématique et peut limiter la portée du
soin en ralentissant l’établissement de la relation et donc son efficacité.
Nous recommandons aussi d’être vigilant sur les critères de recrutement des patients.
Selon les infirmiers interrogés, il semble que certains patients peu aptes à suivre le
protocole aient été recrutés. Cela est compréhensible puisque la télésurveillance
présente un nouveau processus et qu’une période d’apprentissage est nécessaire pour
permettre un recrutement des plus optimaux. Néanmoins, être plus vigilant sur les
critères de recrutement, notamment en termes de profil socio-économique et caractère
du patient : son optimisme, son éducation, son anxiété de départ, son habileté avec les
technologies, mais aussi en fonction de la présence d’un entourage autour de lui
seraient des indicateurs de la résilience de ce patient. En prenant conscience de
l’importance relative de ces éléments, les infirmiers pourront s’assurer de vérifier si
les conditions pour un apprentissage sont réunies. Ils pourront alors décider du type
Chapitre 5: Conclusion
101
de suivi à utiliser avec le patient (télésurveillance sur une durée fixe ou sur le long
terme ou plutôt soins à domicile…), ceci dans une optique de maximiser les gains
pour le patient (stabilité de sa santé, apprentissage, sécurité, confiance...).
Il semblerait aussi intéressant d’observer les résultats de l’établissement d’objectifs de
santé avec les patients dès le début de l’expérience en télésurveillance. Cela est
suggéré par King (1981) et par la littérature en télésurveillance (Suter, Hennessey et
al., 2008; Suter, Suter et al., 2011) et en éducation (Mignon et Closset, 2004). La
définition d’objectifs avec le patient aurait un effet sur la motivation des patients à
suivre le processus de soin et permettrait d’évaluer la durée nécessaire du soin et les
efforts à réaliser pour l’apprentissage. En d’autres termes, ces objectifs permettraient
de personnaliser le protocole de soin au patient.
Au niveau technologique, la présence d’une caméra sur le dispositif permettrait aux
infirmiers plus visuels, notamment ceux ayant eu une expérience en soins à domicile,
d’avoir plus de confiance envers leur patient et leur propre diagnostic.
Pour ce qui est du recrutement des infirmiers, il semblerait que la stratégie du CSSS
Jardin Roussillon ait été, pour le moment, de favoriser la compétence et la diversité
des expériences. Les infirmiers supportent ce dernier point : un jeune infirmier ne
pourrait exercer en télésurveillance. Néanmoins, il est important de mentionner que
les infirmiers plus coutumiers des relations longues avec leurs patients, comme les
infirmiers en soins à domicile, semblent avoir plus de difficulté au début de leur
expérience en télésurveillance. Sans démontrer que cette expérience représente un
frein à la bonne adaptation du soignant, cet élément tend à prouver qu’il est nécessaire
d’apporter plus de support (par le biais de coaching, de mentorat ou de cours) à ce
profil d’infirmier, du moins au départ. Un autre élément de recrutement serait de se
focaliser sur les infirmiers ayant des compétences pour assister les patients avec de la
résolution de problèmes et qui ont la capacité de motiver le patient (Suter, Suter et al.,
2011).
Enfin, il semblerait qu’une formation sur les éléments de la relation infirmière et la
manière d’établir celle-ci dans un contexte à distance pourrait aider avant de débuter
tout acte en télésurveillance. Tout comme le leader d’une équipe travaillant à
distance, l’infirmier doit être sensible aux barrières à la communication et à tous les
éléments de langage utilisés (Dubé et Paré, 2001). Si l’écoute est une aptitude qui
Chapitre 5: Conclusion
102
s’acquiert avec l’expérience, les questions plus fines et mieux ciblées posées au
patient peuvent, elles, faire l’objet d’une formation ou d’une documentation. À terme,
cela permettrait de professionnaliser les infirmiers en télésurveillance en leur
conférant des compétences reconnues propres aux spécificités de leur fonction.
GLOSSAIRE
Altération : modification ou changement d’une structure ou représentation.
Alterité : Représentation que l’on a d’autrui et de ses caractéristiques, notamment en
termes de différences. C’est l’Altérité qui conduit à la création d’un alter-égo, un autre
sujet.
Alter-égo : Signifiant littéralement un autre moi-même, l’alter-égo est, selon Husserl, la
représentation que l’on a d’autrui comme une personne ressemblant à nous-mêmes mais
différente (et donc altérée en un sens).
Appariement : La traduction du Paarung de Husserl, par appariement est celle du
philosophe Paul Ricœur, tandis que l’autre traduction : couplage, est relative aux études de
Natalie Dépraz.. Nous ne considèrerons que le premier terme dans ce mémoire.
L’appariement est la mise en relation de deux éléments qui permet une affinité
interne entre ces éléments. Cette affinité va de la ressemblance à l’identité via la similarité
(Depraz, 1999).
Égo : du pronom personnel grec ἐγώ (« je/moi »). L’égo désigne la représentation que l’on
a de soi-même, par extension, il désigne la conscience d’un individu.
Intersubjectivité : Espace des interactions entre deux personnes, introduite par Kant, la
notion d’intersubjectivité indique que l’on peut prendre en considération les avis d’Autrui
dans nos jugements propres. Ce terme a été créé en opposition à celui de solipsisme afin
de démontrer l’importance de la relation humaine.
Solipsisme : Se dit d’une logique ou d’une démonstration uniquement basée sur l’égo, sur
le moi perçu. Le solipsisme, puisqu’il se base uniquement sur des réflexions et refuse les
perceptions, empêche la constitution d’autrui en personne (c’est l’un des principaux
reproches que l’on fera à Descartes et c’est dans la perspective d’éviter une telle logique
que Husserl invente la notion d’alter-égo).
Soin :
1- Souvent utilisé au pluriel : « actes par lesquels on soigne »(Grand Robert,
2001c).
2- « Charge, devoir, mission, responsabilité […] s’occuper du bien-être et du
bon état d’une chose » (Grand Robert, 2001c).
Glossaire
104
Transcendant : (version de Kant) Tout ce qui est transcendant est au-delà de ce que
perçoivent nos sens. Ainsi, la connaissance étant généralement basée sur une observation
empirique, tout élément transcendant ne constitue pas une connaissance mais une
expérience.
(version de Travelbee – influencée par l’existentialisme) il s’agit de
« l’habileté d’aller au-delà de soi-même pour percevoir ou répondre à l’humanité de
l’individu malade, souffrant ou mourant. » (librement traduit de Travelbee, 1971: 42).
Pour cela l’infirmier et le patient doivent aller au-delà des rôles, positions, statuts pour
découvrir l’être (au sens ici d’existant – Travelbee transcende la simple essence pour
toucher l’existence d’autrui).
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Images
Figure 5 : Schéma de la théorie d'atteinte des objectifs de King : King, I.M. (1981). A
theory for nursing: systems, concepts, process, Delmar, p157
ANNEXES
I. Liste des besoins de Virginia Henderson (2003)
1. Respirer normalement
2. Boire et Manger adéquatement
3. Éliminer
4. Se mouvoir et maintenir des postures désirables
5. Dormir et se reposer
6. Sélectionner des habits, s’habiller et se déshabiller
7. Maintenir la température du corps à une échelle normale en ajustant ses habits
et modifiant l’environnement
8. Être propre et protéger ses téguments (peau, ongles, poils…)
9. Éviter les dangers de l’environnement et éviter de blesser les autres
10. Communiquer avec les autres, exprimer des émotions, besoins, peurs et
opinions
11. Pratiquer sa religion selon ses croyances
12. S’occuper en vue de se réaliser
13. Se distraire, se divertir
14. Apprendre, découvrir, satisfaire la curiosité
Cette liste de besoins n’est pas sans rappeler les travaux d’Abraham Maslow qui, avec
sa pyramide des besoins, pourrait classifier cette liste en besoins de différents
niveaux. Ainsi les besoins physiologiques et de sécurité ou besoins primaires
seraient les besoins listés de 1 à 9. Tandis que les besoins d’appartenance, d’estime et
d’accomplissement personnel, les besoins secondaires, se trouveraient dans la liste
de Virginia Henderson aux niveaux 10 à 14 (Mias, 2001).
Annexes
119
II. Tableau non exhaustif sur les éléments influencés par la distance
Auteur
Type de relation
Type de
distance
Opérationnalisation
Concept influencé et
sens
(Albert et
Dabbs Jr,
1970)
Neutre
physique
Objective (en pieds) et
subjective
(questionnaire)
Persuasion (-)
(Robinson,
1980)
Voisinage
physique
Objective (blocs de rues
et miles)
Attitude anti raciale (+),
ouverture d’esprit (-)
(Adams, 1985)
Relation amicale
physique
Proximité émotionnelle
ou amitié (?)
(Horn,
Arnone et al.,
1997)
Relation
amoureuse
physique
Aires concentriques
autour de la structure
pour personnes âgées
étudiée et états
américains
Subjective
(généralement plus de
25 miles de séparation)
Relation
(Stafford et
Merolla, 2007) amoureuse
Physique
Subjective
(questionnaire) et
Camaraderie (-),
confidences factuelles
(-) satisfaction (-),
confiance en la relation
(-)
Idéalisation (+)
Définition du concept
Acceptation de l’influence de l’autre,
déclinée en quatre principales
variables : l’attention portée au
message, sa mémorisation, son
intégration (changement d’attitude) et
la perception émotive du locuteur
Acceptation des noirs dans un
entourage blanc (invitation à diner,
position sur les mariages mixtes…)
Apport de soutien psychologique à la
personne
Camaraderie : passer du temps libre
ensemble,
Confidences factuelles : Raconter les
faits de la journée
Satisfaction : indice général de
contentement dans la relation
Confiance en la relation : assurance
de la durabilité de la relation
Tendance à décrire la relation dans
des termes irréèls et positifs.
Annexes
Auteur
120
Type de relation
Type de
distance
Opérationnalisation
Concept influencé et
sens
physique (mesurée en
fonction du contact
physique et de la vue)
Subjective - Adaptation Modère le lien entre le
de l’échelle de Klauss et leadership
Bass
transformationnel et la
performance des unités
d’affaire (-)
(Howell,
Neufeld et al.,
2005)
Relation
professionnelle
Physique
(Moon, 1999)
Relation virtuelle
Physique
Objective (entre 2 et
2000 miles) et
subjective
(questionnaire)
Temporelle
Objective (en
secondes : allant de 1 à
18 secondes)
Persuasion (-),
crédibilité de la source
du message (-) et
qualité perçue de
l’information (-)
Persuasion (une latence
moyenne de 5 à 10
secondes est optimale)
La crédibilité de
l’information et sa
qualité sont modérées
par le temps de latence
(l’effet de la distance
physique disparait
lorsque la latence est
supérieure à 13
secondes)
Définition du concept
Leadership transformationnel :
Charisme, inspiration, stimulation
intellectuelle et considérations
individualisées
Performance : revenu et ratio de
productivité
Persuasion : modification dans les
choix individuels
Crédibilité : intelligence, compétence,
efficacité, expertise de la personne
avec qui on interagit
Qualité du message : pertinence de
l’information et confiance portée par
l’interlocuteur en celle-ci
Annexes
121
Auteur
Type de relation
Type de
distance
Opérationnalisation
(Chandran et
Menon, 2004)
Relation
à une information
liée à un risque
Temporelle
Objective (jours et
années) et subjective
(questionnaire)
(Meyers-Levy
et
Maheswaran,
1992)
(Gilovich,
Kerr et al.,
1993)
Relation
à une information
Temporelle
Objective (mois et
jours)
Relation à un
évènement
Temporelle
(Agerström,
2009)
Relation à un
comportement
(Buchan,
Johnson et al.,
2006)
(Charness et
Gneezy, 2008)
Concept influencé et
sens
Définition du concept
Risque perçu (-) et
attitude face au risque () anxiété (+) et la
persuasion (+)
Charge émotive (-)
(modérée par
l’implication du sujet)
Risque : probabilité perçue d’être
affecté par un danger (ici une
maladie)
Objective (années, un
semestre ou un jour)
Confiance (+) en son
aptitude et
optimisme(+)
Temporelle
Objective (présent et 30
ans)
Préoccupations d’ordre
moral (+)
Relation
d’échange (jeu
d’investissement)
Sociale
(normative
et culturelle)
Confiance (-),
réciprocité (-),
altruisme (-)
Relation
d’échange (jeu du
dictateur et de
l’ultimatum)
Sociale
(normative
et affective)
Introduction
personnelle ou non et
partage d’une même
culture
Connaissance du nom
de l’interlocuteur
Confiance : assurance d’arriver à
exécuter une tâche avec efficacité
Optimisme : tendance à avoir
confiance en l’avenir
Jugements que l’individu peut avoir
pour les autres plutôt que pour luimême (colère envers une non action,
sentiment d’injustice…) et
implication de l’individu dans une
démarche altruiste
Propension à offrir un montant à
l’autre (confiance et altruisme) dans
l’espoir d’un retour (réciprocité)
Générosité et charité (-)
Propension à partager aux autres
Charge émotive : Intensité des
réponses affectives face à un stimuli
Annexes
Auteur
122
Type de relation
Type de
distance
Opérationnalisation
(Rothaus,
Morton et al.,
1965)
Relation de
subordination
Sociale
(normative)
Niveaux hiérarchiques
et absence de
l’organisation
(Rook, 1984)
Amicale et de
support
(Shamir,
1995)
Relation de
subordination
(leadership)
Sociale
(affective et
interactive)
Sociale
(normative,
interactive et
affective)
Subjectif (Type de
relation positive ou
négative)
Subjective (proximité
de la relation – avoir
rencontré la personne)
Concept influencé et
sens
Biais de jugement
positif dans l’évaluation
des compétences d’un
tiers (-)
Bien être (-)
Identification (-),
affectivité positive (-)
Idéalisation (+)
Définition du concept
Évaluation plus douce du
comportement d’autrui.
Satisfaction générale dans la vie
(incluant les dimensions d’humeur et
de réalisation de soi)
Annexes
123
III. Entrevue avec le professionnel infirmier
Introduction
•
Présentation des personnes responsables de mener l’entrevue, explication
des objectifs de celle-ci et des objectifs de l’étude.
•
Rappeler l’anonymat et la confidentialité des propos qui seront tenus.
Demander l’autorisation pour enregistrer l’entretien. Faire signer le
formulaire de consentement.
Corps de l’entrevue
Pratique infirmière
•
De manière générale, perception du répondant sur les technologies et/ou
les télésoin.
•
Description de la fonction infirmière avec et sans télésoin à distance, ce
que cela change pour le professionnel.
•
Ressenti du professionnel vis-à-vis de l’introduction de la technologie
dans son travail, au début et maintenant.
•
Comment le professionnel établit-il les besoins du patient avec cette
nouvelle technologie?
Relation avec le patient
•
En quoi les interactions avec le patient sont-elles importantes aux yeux de
l’infirmier? Que lui apportent-elles?
Annexes
•
124
Description de l’impact de cette technologie sur la relation avec le
patient. L’infirmier se sent-il confortable avec cette nouvelle relation?
•
L’infirmier se sent-il détaché du patient? Se sent-il éloigné du patient?
•
Comment le professionnel assure-t-il sa présence auprès du patient?
•
Comment apporte-t-il son support au patient? L’infirmier est-il au courant
des peurs de ses patients? Si oui, comment les traite-t-il? L’infirmier
connait-il ses patients anxieux? Si oui comment les traite-t-il?
•
En quoi l’autorité du professionnel est-t-elle changée? Se sent-il toujours
en contrôle de la situation? Se sent-il toujours avoir un contrôle de la
relation?
•
La relation est-elle toujours une relation basée sur la confiance?
Comment le professionnel assure-t-il un sentiment de confiance avec son
patient?
•
L’infirmier évite-t-il le patient? (le traiter impersonnellement, ne pas
s’attacher, écourter les interactions, utilisation de l’humour pour
détourner le sujet)
Conclusion
•
Demander si le répondant souhaite ajouter d’autres éléments non
mentionnés.
•
Remercier le répondant. Terminer l’enregistrement, conserver le
formulaire de consentement
Annexes
125
IV. Entrevue avec le patient
Introduction
•
Présentation des personnes responsables de mener l’entrevue, explication
des objectifs de celle-ci et des objectifs de l’étude.
•
Rappeler l’anonymat et la confidentialité des propos qui seront tenus.
Demander l’autorisation pour enregistrer l’entretien. Faire signer le
formulaire de consentement.
Corps de l’entrevue
Le patient et sa maladie
•
De manière générale, perception du répondant sur les technologies et/ou
les télésoin.
•
Description de la vie du patient avec et sans télésoin à distance.
(Quotidien, autonomie, qualité de vie).
•
Ressenti du patient vis-à-vis de l’introduction de la technologie dans son
traitement, au début et maintenant.
•
Le patient a-t-il des peurs vis-à-vis de son état de santé? Se sent-il en
contrôle de sa maladie? Si oui, qu’est ce qui lui a permis de l’être?
Le patient et sa relation à l’infirmier
•
Description de l’impact de cette technologie sur la relation avec
l’infirmier. Le patient se sent-il confortable avec cette nouvelle relation?
Est-ce que le patient apprécie l’infirmier? La technologie?
Annexes
•
126
Le patient se sent-il supporté par le professionnel infirmier dans son
traitement? Si oui comment?
•
Le professionnel infirmier intervient-il souvent? Le patient sent-il
l’infirmier présent? Le patient sent-il l’infirmier détaché? Éloigné?
•
En quoi les interactions avec l’infirmier sont-elles importantes pour le
patient? Que lui apportent-elles?
•
Est-ce que l’infirmier l’aide à mieux contrôler sa peur? Est-ce que la
technologie le fait? Le patient se sent-il rassuré?
•
Le patient a-t-il toujours confiance en son infirmier? Comment le climat
de confiance est-il assuré? Est-ce que l’infirmier a toujours raison? Est-ce
que la technologie, elle a toujours raison?
•
Le patient suit-il toujours les recommandations de l’infirmier? De la
technologie? Est-ce important?
•
Le patient évite-il l’infirmier? (écourter la conversation, éviter les sujets
sensibles,…). L’infirmier est-il encore utile aux yeux du patient? Peut-on
se passer de relation avec lui?
Conclusion
•
Demander si le répondant souhaite ajouter d’autres éléments non
mentionnés.
•
Remercier le répondant. Terminer l’enregistrement, conserver le
formulaire de consentement
Annexes
127
V. Processus de soin en télésurveillance
Consulter les
alertes
Trouver des
solutions
palliatives
Tous les jours
g
Communiquer
avec le patient la
solution et
contacter si
besoin celui qui
intervient
Consulter
l'ensemble
des dossiers
et les
interpréter
Répondre aux
urgences et
besoins des
patients
Fin de
la journée
Oui
Technologie (appareil et
système informatique)
Infirmier
p
Insérer les
données dans
le dossier
médical
electronique
Dépassement
des seuils
acceptés?
Patient
Non
Tous les jours
Entrer ses
données
cliniques
dans
l'appareil
Prévenir le
patient
Alerter
l'Infirmier
Prodiguer des
conseils
préprogrammés
au patient
En cas d'urgence
Contacter
l'infirmier par
téléphone ou
un centre de
soins
Figure 15 : Processus de soins en télésurveillance
Une fois le diagnostic établi par un médecin, le plan de soins infirmiers est défini. La prise
en charge du patient par l’infirmier se réalise grâce à l’utilisation d’un outil technologique
permettant de transmettre des informations quotidiennement. Chaque jour (et selon les cas
même plusieurs fois par jour), le patient prélève ses propres données physiologiques et/ou
biologiques et les transmet à l’appareil. Il reçoit aussi des conseils préprogrammés dans le
système. De son côté, le professionnel infirmier reçoit l’ensemble des données et les
interprète quotidiennement. Il s’agit presque toujours du même infirmier pour le même
patient (sauf en cas de vacances ou maladies) Dès qu’il détecte un problème, il décide
d’une solution palliative. Cette solution peut consister en un ajustement du traitement, des
conseils donnés au patient, une visite infirmière à domicile, une intervention du médecin
traitant ou d’un autre spécialiste ou encore, dans les cas plus extrêmes, en une
hospitalisation. L’infirmier contacte alors le patient pour lui indiquer les détails de cette
solution, ce contact peut être téléphonique ou utiliser l’outil technologique. L’infirmier
s’occupe aussi de contacter le professionnel qui réalisera l’intervention s’il y a lieu.
En dehors de cet appel téléphonique allant de l’infirmier au patient, le patient peut aussi
appeler le centre responsable de son suivi s’il a des questions ou en cas d’urgence.
Annexes
128
Ce processus, au sein du centre avec lequel nous travaillons, a une durée de vie moyenne
de 4 mois. Passé ce délai, le patient devrait avoir atteint le niveau d’autonomisation
nécessaire pour ne plus nécessiter un tel suivi.
Annexes
129
VI. Processus de soins traditionnels
Prélever les
données
cliniques et
demander au
patient s'il y a
Toutes les deux du nouveau
à trois semaines
g
Non
Interprétation
Problème?
Oui
Temps
restant? ou
Questions?
Proposer une
solution
palliative
oui
Prodiguer de
l'enseigneme
nt au patient
Insérer les
données dans
le dossier
médical
Fin de la visite
non
Patient
Infirmier
p
En cas d'urgence
Contacter le
centre
responsable
du suivi
Figure 16: Processus de soins traditionnel
Une fois le diagnostic établi par un médecin, le plan de soins infirmiers est défini. La prise
en charge du patient par l’équipe infirmière se constitue de passages réguliers chez le
patient à intervalles allant de trois jours à trois semaines. Ce n’est pas toujours le même
infirmier qui suit le patient car l’équipe est en rotation.
À chaque visite, le professionnel infirmier prélève des données physiologiques et/ou
biologiques à des fins de suivi, d’interprétation et de prise de décision. Lors de la visite, le
professionnel infirmier prodigue l’enseignement lié à la promotion de la santé et à la
prévention de la maladie selon le temps dont il dispose. La prise de décision clinique,
directement chez le patient. Si un problème est détecté, l’infirmier propose alors des
solutions palliatives. L’ensemble des données est ensuite placé dans le dossier médical.
En cas d’urgences ou s’il a des questions, le patient peut appeler le centre responsable de
son suivi.
Ce processus n’a pas de durée de vie établi et peut s’étaler sur des années.
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