SIMPLE CONNEXIT ´
E DES FIBRES D’UNE APPLICATION D’ABEL-JACOBI ET CORPS DE
CLASSE LOCAL
LAURENT FARGUES
R´
ESUM ´
E. On donne une d´
emonstration du type Langlands g´
eom´
etrique de la conjecture de g´
eom´
etrisation
de la correspondance de Langlands locale de l’auteur pour GL1. Pour cela on ´
etudie en d´
etails un certain
morphisme d’Abel-Jacobi dont on montre que c’est une fibration pro-´
etale localement triviale en diamants
simplement connexes en grand degr´
e . Ces diamants sont des espaces de Banach-Colmez absolus ´
epoint´
es que
l’on ´
etudie en d´
etails.
TABLE DES MATI `
ERES
Introduction 1
1. Rappels sur le cas classique 3
2. Le diamant de Hilbert Divd4
3. Q`-syst`
emes locaux sur Div1
Fqet repr´
esentations du groupe de Weil 12
4. Construction du sym´
etris´
e d’un syst`
eme local ab´
elien sur Div1
Fq14
5. ´
Enonc´
e du th´
eor`
eme et application au corps de classe 17
6. Le cas d’´
egales caract´
eristiques 18
7. Le cas d’in´
egales caract´
eristiques 21
R´
ef´
erences 27
INTRODUCTION
Cet article concerne le cas ab´
elien de la conjecture de type Langlands g´
eom´
etrique pour la correspon-
dance de Langlands locale formul´
ee par l’auteur ([7], [4]). Rappelons que cette conjecture affirme que si
Eest un corps local, Gun groupe r´
eductif sur Eet
ϕ:WELG
un param`
etre de Langlands discret on devrait pouvoir construire un faisceau pervers Fϕsur le champ
BunG,Fq
des G-fibr´
es sur la courbe que l’on a introduite dans notre travail en commun avec Jean-Marc Fontaine
([6]). Ce faisceau pervers devrait satisfaire de nombreuses propri´
et´
es et en particulier construire les L-
paquets locaux munis de leur structure interne (i.e. une param´
etrisation de chaque ´
el´
ement du L-paquet)
associ´
es `
aϕpour toute forme int´
erieure ´
etendue pure de G. Le champ BunGlui est un champ perfecto¨
ıde
pour la topologie pro-´
etale de Scholze. C’est un objet qui vit dans le monde des diamants introduits par
Scholze ([21], [20]).
Lorsque G=GL1on peut d´
eduire la conjecture de la th´
eorie du corps de classe local. N´
eanmoins on
cherche une preuve de ce r´
esultat ind´
ependante du type corps de classe g´
eom´
etrique. Si Xest une courbe
Date: 26 f´
evrier 2017.
L’auteur a b´
en´
efici´
e du support du projet ANR-14-CE25 ”PerCoLaTor”.
1
2 LAURENT FARGUES
propre et lisse le point principal dans la construction du faisceau automorphe associ´
e`
a un syst`
eme local
sur Xest le fait que pour d0le morphisme d’Abel-Jacobi
Divd
XPicd
X
D7−→ O(D)
est une fibration localement triviale en vari´
et´
es alg´
ebriques simplement connexes (des espaces projectifs).
Dans cet article on d´
emontre un r´
esultat analogue dans le cadre de notre conjecture et on en d´
eduit la
conjecture pour GL1ind´
ependamment de la th´
eorie du corps de classe local. Cela red´
emontre en particu-
lier celle-ci sous la forme du th´
eor`
eme de Kronecker-Weber local.
Voici une description plus d´
etaill´
ee des principaux r´
esultats. On note Fqle corps r´
esiduel de notre corps
local E. On d´
efinit dans la section 2 l’espace de modules des diviseurs effectifs de degr´
ed > 0sur la
courbe
Divd
dont on d´
emontre que c’est un diamant. Plus pr´
ecis´
ement (prop. 2.16)
Div1=Spa(E)Z
ce qui traduit le fait que les d´
ebasculements d’un Fq-espace perfecto¨
ıde Ssur Edonnent des diviseurs de
Cartier de degr´
e1sur la courbe XS. On montre de plus (prop. 2.18) que pour d > 0
Divd= (Div1)d/Sd
comme quotient pro-´
etale. Il s’agit d’une nouvelle application de notre r´
esultat de factorisation des ´
el´
ements
primitifs obtenu avec Fontaine qui est la clef de voˆ
ute de [6]. Le diamant Divdadmet une description
alternative comme espace projectif sur un espace de Banach-Colmez absolu Bϕ=πd,
Divd=Bϕ=πd{0}/E×
via lequel le morphisme d’Abel-Jacobi en degr´
edest donn´
e par
AJd:Bϕ=πd{0}/E×[/E×].
Ces espaces Bϕ=πdne sont pas des espaces de Banach-Colmez usuels, ce ne sont pas des diamants mais des
diamants absolus, un nouveau concept dont nous avons besoin dans ce texte (cf. sec. 7.1). Il est remarquable
qu’une fois ´
epoint´
es ces diamants absolus deviennent des diamants (prop. 2.19). On constate donc que AJd
est une fibration pro-´
etale localement triviale de fibre Bϕ=πd{0}. Le r´
esultat principal de ce texte, qui
est nettement plus fort que ce dont nous avons besoin afin de d´
evelopper le programme de Langlands
g´
eom´
etrique pour GL1, est alors le suivant (th´
eo. 5.4).
Th´
eor`
eme. Pour d > 1, resp. d > 2si E|Qp, le diamant Bϕ=πd
Fq{0}est simplement connexe au sens o`
u
tout revˆ
etement ´
etale fini connexe est trivial.
La preuve de ce r´
esultat est donn´
ee dans les sections 6 et 7. Le cas d’´
egales caract´
eristiques est parti-
culi`
erement plus simple puisqu’alors le diamant Bϕ=πd{0}est un espace perfecto¨
ıde. Cependant l’analyse
de sa preuve est particuli`
erement ´
eclairante puisque celle-ci repose au final sur le th´
eor`
eme de puret´
e de
Zariski-Nagata. La preuve que nous donnons dans le cas d’´
egales caract´
eristiques consiste essentiellement
`
a d´
emontrer un tel r´
esultat de puret´
e pour l’inclusion
Bϕ=πd{0}Bϕ=πd
et `
a d´
evisser ce r´
esultat en un r´
esultat de puret´
e en g´
eom´
etrie rigide usuelle (th´
eo. 7.12).
Une fois ce r´
esultat ´
etabli le corps de classe g´
eom´
etrique se d´
ecrit de la fac¸on suivante. On constate (sec.
3) que
π1(Div1
Fq) = WE
du moins du point de vue dual des Q`-syst`
emes locaux (les guillemets sont l`
a pour signifier que cela n’a
pas vraiment de sens puisqu’on ne dispose pas `
a priori d’un bonne th´
eorie du π1dans ce contexte) i.e. les
L-param`
etres -adiques correspondent aux syst`
emes locaux sur Div1
Fq. Partant d’un tel param`
etre ab´
elien
SIMPLE CONNEXIT ´
E DES FIBRES D’UNE APPLICATION D’ABEL JACOBI ET CORPS DE CLASSE 3
ϕ:WEQ×
`, si E(1)
ϕd´
esigne le Q`-syst`
eme local sur Div1
Fqassoci´
e, on construit son sym´
etris´
e pour
d > 0
E(d)
ϕ=Σd
E(1)d
ϕSd
dans la section 4 o`
uΣd: (Div1)dDivdest le morphisme somme de d-diviseurs de degr´
e1. Par ap-
plication du th´
eor`
eme pr´
ec´
edent celui-ci descend le long de AJden F(d)
ϕsur Picd. Il s’agit du faisceau
Fϕ|Picdde notre conjecture. Il s’´
etend alors automatiquement en tous les degr´
es en utilisant les structures
mono¨
ıdales de Div et Pic. Cela prouve que F(1)
ϕdescend le long de AJ1et donc que ϕse factorise via
l’application de r´
eciprocit´
e d’Artin (prop. 3.3).
Remerciements : J’aimerais remercier Peter Scholze et Arthur-C´
esar Le Bras pour des discussions sur
le sujet. Je remercie ´
egalement Werner L¨
utkebohmert de m’avoir expliqu´
e ses r´
esultats d’extension de
faisceaux coh´
erents en g´
eom´
etrie rigide et Ofer Gabber pour des discussions concernant la section 7.4.
1. RAPPELS SUR LE CAS CLASSIQUE
Soit Xune courbe propre et lisse sur un corps k. Pour d1on note
Divd=Xd/Sd
le sch´
ema de Hilbert des diviseurs de Cartier effectifs de degr´
edsur X. On note ´
egalement
Pic =a
dZ
Picd
le champ de Picard de Xet
Pic =a
dZ
Picd
le sch´
ema de Picard de Xqui est l’espace de modules grossier de Pic, Pic0´
etant la Jacobienne de X. Le
morphisme
Pic Pic
est une Gm-gerbe qui est scind´
ee si Xposs`
ede un point k-rationnel, auquel cas Pic 'Pic/Gm.
Soit maintenant Eun Q`-syst`
eme local ´
etale de rang 1sur X. Dans ce cadre l`
a le programme de Lan-
glands g´
eom´
etrique s’attache `
a construire un Q`-syst`
eme local Fde rang 1sur Pic satisfaisant certaines
propri´
et´
es. Voici les ´
etapes de sa construction ([13] sec. 2).
La premi`
ere ´
etape consiste `
a former le Q`-faisceau sur Divd,d > 0,
E(d)=Σd
EdSd
o`
uΣd: (Div1)dDivdest le morphisme somme de ddiviseurs de degr´
e1. C’est un Q`-syst`
eme local
de rang 1(en toutes g´
en´
eralit´
e, si En’est plus de rang 1, il s’agit d’un faisceau pervers) qui correspond `
a
Evia l’´
egalit´
eπ1(Xd/Sd) = π1(X)ab lorsque d > 1.
La seconde ´
etape est la suivante. Pour d > 0il y a un morphisme d’Abel-Jacobi
AJd: DivdPicd
D7−[O(D)].
Supposons d > 2g2,g´
etant le genre de X. Si Sest un k-sch´
ema de type fini et Lun fibr´
e vectoriel
sur X×Sfibre `
a fibre sur Sde degr´
edalors d’apr`
es le th´
eor`
eme de Riemann Roch R1fL= 0 o`
u
f:X×SS. Le complexe parfait RfLest donc un fibr´
e vectoriel ´
egal `
afL. Cette construction
d´
efinit un fibr´
e vectoriel Msur Picdet Divds’identifie `
a l’espace projectif sur M. Plus pr´
ecis´
ement,
End(M)descend le long de PicdPicden une alg`
ebre d’Azumaya Asur Picdde classe dans le groupe
de Brauer de Picdla classe de la Gm-gerbe PicdPicd. D`
es lors
AJd: Divd=SB(A)Picd
4 LAURENT FARGUES
la vari´
et´
e de Severi-Brauer associ´
ee `
aA. La simple connexit´
e des espaces projectifs implique alors que
E(d)descend le long de AJd([1] exp. X th´
eo. 1.3) en un unique syst`
eme local de rang 1F(d)sur Picd.
Remarque 1.1. Puisque PicdPicdest une Gm-gerbe et que Gmest connexe on a π1(Picd) =
π1(Picd). Il s’en suit que l’on peut remplacer Pic par Pic partout. C’est d’ailleurs ce que l’on va faire
plus tard car dans notre cas l’espace de modules grossier sera trivial et l’on aura affaire `
a une E×-gerbe
avec E×totalement discontinu (cf. sec. 2).
La derni`
ere ´
etape de la construction de Fconsiste `
a utiliser la structure de groupe sur Pic afin d’´
etendre
le syst`
eme local `d>2g2F(d)sur `d>2g2Picd`
a tous les degr´
es. Pour cela on constate que le syst`
eme
local pr´
ec´
edent est compatible `
a cette loi de mono¨
ıde sur `d>2g2Picd. Il s’´
etend alors naturellement `
a
tout Pic en imposant que l’extension soit encore compatible `
a cette loi de groupe.
Traduite du point de vue dual des groupes fondamentaux la construction pr´
ec´
edente se r´
esume ainsi. On
veut montrer que
π1(AJ1) : π1(X)ab
π1(Pic1).
Pour cela on construit un isomorphisme
π1(X)ab =π1(Xd/Sd)
pour d > 1([1] chap. IV Rem. 5.8) qui est le dual de l’op´
eration E7→ E(d)pr´
ec´
edente. On montre alors
que pour d0
π1(AJd) : π1(Xd/Sd)
π1(Picd) = π1(Pic1)
en montrant que AJ1est une fibration ´
etale localement triviale de fibre simplement connexe coupl´
e`
a la
suite exacte de Serre.
Dans la suite on va mener `
a bien ces constructions classiques dans le cadre de notre conjecture.
2. LE DIAMANT DE HILBERT Divd
2.1. Quelques d´
efinitions. Soit Eun corps local de corps r´
esiduel le corps fini Fqet πune uniformisante
de E,OE=Fq. On a donc soit [E:Qp]<+, soit E=Fq((π)). On note PerfFqla cat´
egorie des
Fq-espaces perfecto¨
ıdes munie de la topologie pro-´
etale.
Rappelons que pour SPerfFqon note
XS=YSZ
comme E-espace adique pr´
e-perfecto¨
ıde. Il s’agit de la famille de courbes param´
etr´
ees par S. Lorsque
S=Spa(R, R+)est affino¨
ıde perfecto¨
ıde
YS=Spa(AR,R+,AR,R+)V(π[])
o`
uR00 R×est une pseudo-uniformisante,
AR,R+=®WOE(R+)si E|Qp
R+JπKsi E|Fqauquel cas on pose [a] = apour aR0
est l’anneau Ainf de Fontaine associ´
e`
aRlorsque E=Qpet R+=R0. Ici le Frobenius ϕest celui induit
par le Frobenius des vecteurs de Witt ramifi´
es. Via la formule
Y
S=S×Spa(E)
on a ϕ=ϕS×Id comme Frobenius partiel sur ce produit.
Il y a une application continue surjective
τ:|XS| −→ |S|
d´
efinie via les ´
egalit´
es
|XS|=|X
S|=
(S×Spa(E))Z
S
=
(S×Spa(E))Z
E
→ |S|
SIMPLE CONNEXIT ´
E DES FIBRES D’UNE APPLICATION D’ABEL JACOBI ET CORPS DE CLASSE 5
puisque ϕSϕEest le Frobenius absolu de S×Spa(E)qui agit trivialement sur |S×Spa(E)|. Pour
tout ouvert Ude S
XU=τ1(U)
et si sS
|XK(s),K(s)+|=\
U3s
|XU|→ |XS|
o`
u l’on note K(s)le corps r´
esiduel compl´
et´
e de Sen set Uparcourt les voisinages ouverts de s. On a ainsi
|XS|=[
sS
|XK(s),K(s)+|.
Cela donne un support au fait que l’on pense `
aXScomme ´
etant la famille (XK(s),K(s)+)sS. On utilisera
le lemme suivant qui signifie intuitivement que XS/S est propre .
Lemme 2.1. L’application continue τ:|XS| −→ |S|est ferm´
ee.
D´
emonstration. Il s’agit d’une propri´
et´
e locale sur Sque l’on peut supposer quasi-compact quasi-s´
epar´
e.
Le morphisme de diamants (S×Spa(E))Z
ESest alors quasi-compact quasi-s´
epar´
e. Il est de
plus partiellement propre puisque S×Spa(E)Sest partiellement propre car Spa(E)/Spa(Fq)est
partiellement propre. On en d´
eduit que l’image d’un ferm´
e par τest un ensemble pro-constructible stable
par sp´
ecialisations donc ferm´
e.
Remarque 2.2. On peut ´
egalement v´
erifier que τest ouverte et que donc XS/S est propre et lisse .
On aura ´
egalement besoin du lemme qui suit.
Lemme 2.3. Pour Vun ouvert de XS, resp. YS,
O(V)Y
xU
OVXK(τ(x)),K(τ(x))+,resp. O(V)Y
xV
OVYK(τ(x)),K(τ(x))+.
D´
emonstration. Si C=
Ealors YSˆ
ECest perfecto¨
ıde. De plus pour sS
YK(s),K(s)+ˆ
EC=lim
U3s
YUˆ
EC
et donc le corps r´
esiduel compl´
et´
e de xYSECco¨
ıncide avec celui de xYK(τ(x)),K(τ(x))+ˆ
EC.
On conclut en utilisant que
O(V)⊂ O(Vˆ
EC)Y
xVˆ
EC
K(x).
D´
efinition 2.4. On note Pic le champ de Picard des fibr´
es sur la courbe, pour SPerfFq
Pic(S) = groupo¨
ıde des fibr´
es en droites sur XS.
On a une d´
ecomposition en sous-champs ouverts/ferm´
es
Pic =a
dZ
Picd.
Il y a de plus des isomorphismes
Picd
[Spa(Fq)/E×]
L7−Isom(O(d),L)
o`
u
[Spa(Fq)/E×]est le champ classifiant des E×-torseur pro-´
etales
• O(d)d´
esigne le fibr´
e en droites OXS(d)sur XSassoci´
e au choix de π.
En d’autres termes pour tout fibr´
e en droites Lsur XSfibre `
a fibre de degr´
edsur Sil existe un recouvre-
ment pro-´
etale e
SStel que L|XeS
' O(d). Il s’agit d’un cas particulier d’un r´
esultat de Kedlaya-Liu
([12] th´
eo. 8.5.12).
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