Les Cahiers scientifiques - n°1 - Septembre 2006 Autorité des marchés financiers Page 4
Introduction
Même si la théorie du portefeuille a fait l’objet de nombreuses remises en cause quant à son potentiel réel
d’utilisation, chez les professionnels de la finance (Basjeux-Besnaimou et Portait, 1999) et a fortiori pour les
épargnants individuels, il s’agit d’un cadre théorique à l’origine d’un certain nombre de principes de gestion
susceptibles d’être utilisés par tous. Ce cadre normatif s’exerce notamment à travers la règle de diversifica-
tion, qui permet de réduire le risque du portefeuille à celui du marché.
Pourtant, la théorie du portefeuille et son prolongement, le Modèle d’évaluation des actifs financiers
(MEDAF), ont un pouvoir explicatif relativement faible des comportements des ménages en France, comme
dans le reste du monde. Sur un plan statique, deux problèmes se posent. D’une part, les taux de détention
des titres risqués demeurent encore aujourd’hui remarquablement bas. Dans le modèle de référence, cette
faible participation des ménages aux marchés financiers ne peut s’expliquer que par une très forte aversion
pour le risque, à un niveau jugé généralement bien supérieur à ce que prédit la théorie standard. C’est ce
que les anglo-saxons appellent l’Equity Premium Puzzle (EPP), autrement dit un niveau exigé de prime de
risque anormalement élevé. D’autre part, pour la minorité de ménages détenant un portefeuille de titres, se
pose encore le problème de l’insuffisante diversification des portefeuilles, là encore au regard de ce que
prédit la théorie.
Dans son discours présidentiel à l’American Finance Association traitant des comportements financiers des
ménages, Campbell (2006) distingue cependant deux catégories d’investisseurs, selon un principe sans
doute applicable en France, et en déduit une double analyse. Une minorité de ménages aurait reçu une édu-
cation suffisante pour se comporter conformément aux principes normatifs de la théorie du portefeuille.
Dans leur cas, l’absence de participation aux marchés financiers ou l’adoption de modes de gestion peu
rationnels serait due à l’imperfection des marchés (coûts de transaction, fiscalité…). Pour les autres, le man-
que d’éducation, lié au coût prohibitif de diffusion de l’information, serait source de biais, au premier rang
desquels on trouve l’absence de participation aux marchés financiers.
L’objet de cet article est de faire le point sur les facteurs explicatifs de cette double absence : de participa-
tion et de diversification. Après avoir rappelé dans une première section les quelques principes normatifs de
la théorie du portefeuille et décrit les comportements effectifs des ménages français, nous analyserons dans
une seconde section les trois arguments essentiels que sont l’accès à l’information, l’imperfection des mar-
chés et les hypothèses comportementales. Nous proposons notamment d’introduire la notion de risque
maximum accepté par l’épargnant, au-delà duquel il concentre tout son patrimoine financier sur l’actif sans
risque.