n 1859, la France vient de remporter la victoire de Magenta, et par la paix de Villafranca
sous Vérone, signée en Juillet, Napoléon III apparaît comme le médiateur de l’Europe.
Quelques jours après le 28 Juillet, on annonce le séjour des souverains à St-Sauveur
après le 15 Août. On doit beaucoup cette décision au ministre d’Etat Achille Fould, député des
Hautes-Pyrénées, qui désire recevoir les souverains chez lui pour affirmer sa puissance. Ce ne
sera d’ailleurs pas un séjour de plaisir - Biarritz est mieux indiqué pour cela - mais une venue
pour des soins de santé.
L’Empereur a alors 51 ans. Il souffre de la maladie de la goutte par périodes cruelles, qui le
laissent épuisé. Il fréquente les stations thermales, qui lui apportent soulagement et
distractions. L’Impératrice a 33 ans, sa santé a été altérée et les cures suivies à Eaux-Bonnes
et Eugénie-les-Bains ne l’ont guère soulagée.
La station de St-Sauveur-les-Bains a une réputation établie depuis la venue du Roi de Hollande
et de la reine Hortense en 1807, parents de Napoléon III, qui avaient bénéficié des bienfaits des
eaux de Hountalade et de la source des Dames. Les médecins de la Cour ont conseillé à
l’Impératrice de suivre une cure de vingt jours en vue de guérison, et en espérant que les
"aygues imprègnadères" (eaux d’imprégnation) donneront aux souverains un second héritier
impérial.
Le début de la saison des stations thermales est décevant : les établissements de Cauterets,
Bagnères, Eaux-Bonnes n’ont pas de clientèle, aussi l’arrivée de Napoléon III est-elle attendue
avec enthousiasme. Bagnères espère, puis regrette vivement de n’être pas visitée. Les
communes de passage, elles, préparent guirlandes et lampions. St-Sauveur a été délaissée
depuis 1830, aussi on réorganise l’établissement thermal et on recherche toutes habitations
pouvant recevoir la suite et les invités du couple impérial. Aux Thermes, les baignoires en
marbre gris n°15 et 16 vont communiquer par un tube acoustique, en perçant la paroi qui les
sépare. La cabine de l’Impératrice contient la baignoire, la douche des voies aériennes et la
douche d’injection dans le bain.
C’est le colonel Lepic qui arrive le premier pour régler les détails de l’installation. Les
souverains logeront à la villa Beau Site, dite maison Brauhauban, d’où l’on a vue sur Luz et sur
le jardin anglais tout proche. C’est là qu’ont logé la duchesse d’Angoulême en 1823 et la
duchesse du Berry en 1828, venues prendre les eaux et excursionner dans les Pyrénées,
comme le rappellent les colonnes de marbre élevées en leur honneur à l’entrée et dans le parc
de la station thermale. Le mobilier, ainsi que celui de la suite, vient du château de Pau.
L'Impératrice voyagera au moyen d'une chaise à porteurs, venue tout exprès de Vichy, celles
du pays étant inconfortables et grossières. Dès le début d’Août arrivent les personnalités : le
maréchal Bosquet, Mme de Castelbajac, la baronne Marchand. 60 fantassins et 10 cavaliers du
77ème de Ligne sont annoncés, mais le Mémorial porte 2 compagnies et la musique du
régiment, environ 250 hommes. La surveillance policière sera stricte, les agents des Eaux &
Forêts battent les sentiers de montagne. Il est prévu que les
souverains prendront 18 bains, mais il ne sera pas fait allusion
dans les discours de la santé de Napoléon III, seulement des
souhaits pour l’Impératrice.
Pour recevoir les souverains à Tarbes, on dresse des arcs de
triomphe, des mâts avec guirlandes et écussons. Ce déplacement
servira d’inauguration à la ligne de chemin de fer destinée à réunir
Mont-de-Marsan à Tarbes, mais elle n’est pas encore terminée le
28 Juillet 1859 : il reste 33 kilomètres de voie à établir. M. Péreire,
Président de la Compagnie du Midi, annonce son arrivée pour
stimuler son entreprise. Pour activer, on double les équipes, on
travaille la nuit, on emploie des prisonniers autrichiens, sept mille
tonnes de matériaux sont convoyés, et la moyenne des travaux
atteint plus de 1500 mètres par jour. Le 16 Août, la première
locomotive d'essai arrive en gare de Tarbes.