LE SECOND EMPIRE : où la petite histoire rejoint la grande
é le 20 avril 1808 au palais des Tuileries à Paris, Louis-Napoléon Bonaparte est le
troisième fils de Louis Bonaparte, jeune frère de Napoléon 1
er
, par ailleurs roi de
Hollande, et de la belle Hortense de Beauharnais, belle-fille de l'Empereur.
Il a conduit les destinées de la France pendant près de deux décennies, du coup d'Etat de 1851
à la défaite de 1870, durant une période qualifiée de Second Empire (le premier Empire étant
celui fondé par son oncle).
Lui-même, en restaurant l'empire, a pris pour nom de règne Napoléon III (le
nom de Napoléon II étant réservé au fils de Napoléon 1er, qui n'a jamais
régné). D'emblée, il a instauré un régime dictatorial et limité très strictement
la liberté d'expression. Mais au fil des années, le régime a évolué vers des
formes plus libérales, proches d'un régime parlementaire.
Avec l'impératrice Eugénie, Napoléon III a animé une vie de cour brillante,
aux Tuileries, à Fontainebleau et à Compiègne, sans oublier leurs séjours dans les stations
thermales et balnéaires (Biarritz, St-Sauveur...). Cette cour est ouverte à toute la bourgeoisie
sans esprit de classe et se montre accueillante pour les gens de lettres.
La société française s'est transformée sous l'impulsion de Napoléon III plus vite qu'en aucune
autre période de son Histoire. C'est à cette époque qu'elle a accompli sa révolution industrielle.
L'empereur prend lui-même en main la politique économique et sociale du gouvernement. Il
accorde le droit de grève aux ouvriers et relance l'instruction publique. Une œuvre économique
considérable est entreprise. Le réseau ferroviaire passe de 3 000 km en 1852 à 18 000 km en
1870 !
Il épouse, le 30 janvier 1853, une jeune et belle
aristocrate espagnole, Eugénie de Montijo, comtesse de
Teba, née à Grenade 26 ans plus tôt. Elle lui donne un
fils Eugène Louis Napoléon le 16 mars 1856, qui sera
tué en Afrique australe par les Zoulous en 1879. Il sera
le seul enfant de Napoléon III et il est parfois désigné du
nom de Napoléon IV.
Louis (son prénom usuel) est connu le plus souvent
comme le Prince Impérial.
A l'occasion de cette naissance, Tostat souhaite
marquer dignement et durablement cet événement.
Le cahier des Délibérations stipule à la date du 20 mars
1856 que le conseil municipal décide :
"…la plantation d'un arbre essence de chêne dans la
petite place devant la mairie avec tous les soins
nécessaires pour sa prospérité afin qu'il soit un
éternel souvenir de cet événement mémorable.
Une somme de 45 francs sera prise sur les frais
libres de la Commune pour acheter du pain et du vin
qui sera distribué aux habitants de Tostat le
dimanche 23 mars après midi à la salle de la
mairie…"
N
n 1859, la France vient de remporter la victoire de Magenta, et par la paix de Villafranca
sous Vérone, signée en Juillet, Napoléon III apparaît comme le médiateur de l’Europe.
Quelques jours après le 28 Juillet, on annonce le séjour des souverains à St-Sauveur
après le 15 Août. On doit beaucoup cette décision au ministre d’Etat Achille Fould, député des
Hautes-Pyrénées, qui désire recevoir les souverains chez lui pour affirmer sa puissance. Ce ne
sera d’ailleurs pas un séjour de plaisir - Biarritz est mieux indiqué pour cela - mais une venue
pour des soins de santé.
L’Empereur a alors 51 ans. Il souffre de la maladie de la goutte par périodes cruelles, qui le
laissent épuisé. Il fréquente les stations thermales, qui lui apportent soulagement et
distractions. L’Impératrice a 33 ans, sa santé a été altérée et les cures suivies à Eaux-Bonnes
et Eugénie-les-Bains ne l’ont guère soulagée.
La station de St-Sauveur-les-Bains a une réputation établie depuis la venue du Roi de Hollande
et de la reine Hortense en 1807, parents de Napoléon III, qui avaient bénéficié des bienfaits des
eaux de Hountalade et de la source des Dames. Les médecins de la Cour ont conseillé à
l’Impératrice de suivre une cure de vingt jours en vue de guérison, et en espérant que les
"aygues imprègnadères" (eaux d’imprégnation) donneront aux souverains un second héritier
impérial.
Le début de la saison des stations thermales est décevant : les établissements de Cauterets,
Bagnères, Eaux-Bonnes n’ont pas de clientèle, aussi l’arrivée de Napoléon III est-elle attendue
avec enthousiasme. Bagnères espère, puis regrette vivement de n’être pas visitée. Les
communes de passage, elles, préparent guirlandes et lampions. St-Sauveur a été délaissée
depuis 1830, aussi on réorganise l’établissement thermal et on recherche toutes habitations
pouvant recevoir la suite et les invités du couple impérial. Aux Thermes, les baignoires en
marbre gris 15 et 16 vont communiquer par un tube acoustique, en perçant la paroi qui les
sépare. La cabine de l’Impératrice contient la baignoire, la douche des voies aériennes et la
douche d’injection dans le bain.
C’est le colonel Lepic qui arrive le premier pour régler les détails de l’installation. Les
souverains logeront à la villa Beau Site, dite maison Brauhauban, d’où l’on a vue sur Luz et sur
le jardin anglais tout proche. C’est qu’ont logé la duchesse d’Angoulême en 1823 et la
duchesse du Berry en 1828, venues prendre les eaux et excursionner dans les Pyrénées,
comme le rappellent les colonnes de marbre élevées en leur honneur à l’entrée et dans le parc
de la station thermale. Le mobilier, ainsi que celui de la suite, vient du château de Pau.
L'Impératrice voyagera au moyen d'une chaise à porteurs, venue tout exprès de Vichy, celles
du pays étant inconfortables et grossières. Dès le début d’Août arrivent les personnalités : le
maréchal Bosquet, Mme de Castelbajac, la baronne Marchand. 60 fantassins et 10 cavaliers du
77ème de Ligne sont annoncés, mais le Mémorial porte 2 compagnies et la musique du
régiment, environ 250 hommes. La surveillance policière sera stricte, les agents des Eaux &
Forêts battent les sentiers de montagne. Il est prévu que les
souverains prendront 18 bains, mais il ne sera pas fait allusion
dans les discours de la santé de Napoléon III, seulement des
souhaits pour l’Impératrice.
Pour recevoir les souverains à Tarbes, on dresse des arcs de
triomphe, des mâts avec guirlandes et écussons. Ce déplacement
servira d’inauguration à la ligne de chemin de fer destinée à réunir
Mont-de-Marsan à Tarbes, mais elle n’est pas encore terminée le
28 Juillet 1859 : il reste 33 kilomètres de voie à établir. M. Péreire,
Président de la Compagnie du Midi, annonce son arrivée pour
stimuler son entreprise. Pour activer, on double les équipes, on
travaille la nuit, on emploie des prisonniers autrichiens, sept mille
tonnes de matériaux sont convoyés, et la moyenne des travaux
atteint plus de 1500 mètres par jour. Le 16 Août, la première
locomotive d'essai arrive en gare de Tarbes.
E
C’est le lendemain 17 Août au soir que le départ du train impérial a lieu à 19h45mn. L’arrivée à
Tarbes le jeudi 18 août se fera à 14h40mn, après 19 heures de train.
Ce train est formé de 8 wagons : le premier destiné aux bagages, puis cinq larges voitures
servant de salle à manger, avec le fumoir, suivies du salon des souverains et de la chambre à
coucher. Le train est orné de glaces, de tapisseries, de cuir et de tapis.
C’est le premier train de trafic entrant en gare de Tarbes.
Garnier est le Préfet des Hautes-Pyrénées. Il organise la venue des municipalités du
département, avec leurs bannières ornées d’écussons. L’accueil est triomphal. Et les Tostatais
sont de la fête. Le 10 août, le conseil municipal s'est réuni et a délibéré :
"…Considérant que la visite de l'Empereur dans la ville de Tarbes est un événement
heureux pour le département des Hautes Pyrénées, que la population de Tostat désire
vivement voir l'Empereur, l'Impératrice et le Prince Impérial.
Comme tous ne sont pas aisés, le conseil municipal voulant néanmoins favoriser leurs
désirs dans la mesure de ses moyens, vote à l'unanimité la somme de cent francs pour
une distribution de pain et de vin qui sera faite par les soins du conseil municipal
Tarbes) à la population de Tostat…
…une somme de cent francs pour l'acquisition d'une bannière construite à l'occasion de
l'arrivée de leurs Majestés…"
Puis les visiteurs sont conduits à la villa Fould. Le soir, le grand dîner est suivi de la fête de nuit
éclairée par 21000 lampions et clôturée par un brillant feu d'artifice.
Le lendemain matin 19 Août, l’Empereur inspecte les Haras et admire le jardin Massey. Avec
ses dames d’honneur, Mmes de Cadore et de La Bédoyère, l’Impératrice visite la Salle d’Asile,
première école maternelle : elle reçoit de nombreux bouquets. En début d’après midi, on se
rend à la Cathédrale on est reçu par Mgr Laurence. Et c’est le départ de Tarbes sous les
arcs de triomphe.
La calèche impériale arrive à Lourdes à 14h 30, entourée de « baladeurs », baladins dansant,
et ralentissant le cortège. Deux arcs de triomphe ont été dressés par le Maire, Anselme Lacadé,
qui prononce son discours de bienvenue. A Argelès, c’est une garde d’honneur en costume de
pays qui accompagne la traversée. Plus loin, à l’entrée de la Vallée, on offre au cortège un
spectacle d’équilibristes : des montagnards se balancent sur des cordes tendues au-dessus de
la route et du gave. Les Empereurs arrivent enfin à St-Sauveur, fatigués, l’Impératrice n’aimant,
ni les voyages en voiture, ni les acclamations et les discours.
Tout au long du séjour, le programme des occupations est chargé : bains, promenades,
excursions, projets d'embellissements et études de grands travaux.
Le dimanche 11 septembre, c’est le 16ème et dernier Bain d’Eugénie. L'Empereur visite une
dernière fois les travaux de la route et du Pont destiné à désenclaver St-Sauveur, coincé entre
la montagne et le Gave. Le couple impérial assiste à la messe à 11 heures, la Compagnie du
77ème de Ligne rend les honneurs. A 1 heure, c’est le part de la voiture impériale.
A Lourdes, elle fait un crochet non prévu vers Pau. C’est pour une visite rapide à N-D de
Bétharram où est chanté un Domine Salvum. Le soir les souverains arrivent à Tarbes et
couchent à la villa Achille Fould.
Le lendemain : promenade dans le parc de la villa Fould et distribution de corations et
d’aumônes. A midi, départ par train. La ligne Tarbes-Morcens ne sera ouverte au public que le
24 septembre. On marque un court arrêt à Mont Marsan. L’arrivée se fait en soirée à Biarritz où
se trouve le Prince Impérial.
apoléon III reviendra à St-Sauveur le 10 septembre 1863 pour visiter le Pont et s’extasier
devant sa réalisation. Accompagné de Prosper Mérimée et de la comtesse de Montijo,
mère de l’Impératrice, il visitera, dans Bagnères, les Thermes et les usines Géruzet et
appréciera les Chanteurs Montagnards. Au retour vers Biarritz, il s’arrêtera à Pau. Il se
montrera très content, en parlant des résultats heureux de son voyage. Ce n’était pas
seulement affaire de politique, mais de bienfaits apportés à la région qui en fut le théâtre.
L’Impératrice ne gardera pas un bon souvenir de son jour à St-Sauveur : le temps fut assez
morne et la cure ne donna pas de suite heureuse dans le projet d’un second héritier. Les
montagnes pyrénéennes ne recevront plus désormais sa visite.
Par contre, ces quelques jours de présence impériale ont été des plus bénéfiques pour la
Vallée et la région. De grands travaux projetés ont nécessité l’injection de fortes sommes
d’argent prises sur le Trésor public et d’autres offertes par la générosité des souverains. Le
grand projet de la route thermale qui relie Saint-Christau (Pyr.Atl) à Luchon (Haute Garonne) va
se réaliser dès 1860, ainsi que le prolongement de la route impériale N 21 jusqu'à la frontière
d’Espagne, ébauche du grand projet de route carrossable reliant Lourdes à Huesca par le port
de Gavarnie.
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