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Le crime à la une
texte d'introduction au secteur de l'exposition
Le fait divers, qui traite des inclassables voire des rebuts de l’actualité, accorde une place
prépondérante à la mise en scène de la transgression. La médiatisation des affaires criminelles
et de leurs développements peut être vue comme le pendant moderne du spectacle offert par
les exécutions publiques de l’Ancien Régime, dont elle perpétue la fascination pour les
sensations fortes.
Si le colportage occasionnel d’épisodes étranges ou effrayants apparaît dès les débuts de
l’imprimerie et trouve dans notre région un lieu d’expression privilégié dans les pages du
Messager boiteux au 18e siècle déjà, le fait divers n’accède au rang de genre éditorial défini
que dans la deuxième partie du 19e siècle, avec l’essor de la presse dite populaire. Jusque-là,
les affaires à caractère pénal étaient souvent traitées dans la "Chronique judiciaire" et les
nouvelles relevant du fait divers dans les actualités.
Produit d’une mise en récit, le fait divers est une construction qui entretient des relations
ambiguës avec la réalité. Il fait figure de miroir déformant quand, notamment par sa
focalisation sur les expressions les plus violentes de la délinquance, il introduit une distorsion
entre le réel et l’image qu’il en donne. Parfois monté en épingle, il n’échappe pas à
l’instrumentalisation. Il en dit long cependant sur l’état des consciences et des sensibilités : le
fait divers renseigne au fond davantage sur la perception que l’on a des événements et les
craintes qu’ils suscitent, que sur leur portée réelle.
Il est frappant de constater qu’en dépit de son statut de genre souvent déconsidéré, il
conserve un incontestable pouvoir d’attraction. Cela tient aux ressorts multiples dont il
procède, mêlant fantasmes, pulsions, tabous, vertige de l’interdit, besoin de conjuration,
quête d’assouvissement ou simplement de distraction. Le fait divers emprunte à la structure
du mythe en faisant intervenir dans sa dramaturgie le poids de la fatalité sur les destinées
humaines. Il nous donne à voir l’infinité des expressions que peut revêtir l'inattendu quand il
fait irruption dans la normalité rassurante du quotidien.