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12 juin 2014
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Le thème de l’économie souterraine pose un certain nombre de problèmes, certes de fiabilité
des statistiques, mais aussi de définition. Toute finition économique est, par nature, politique.
La « morale » peut intervenir et des débats s’en suivre. Il a donc été convenu de partir de la
définition et de la classification de l’OCDE qui a publié en 2003 le « Manuel sur la mesure de
l’économie non observée » dont l’objet est de déterminer une terminologie commune à une
majorité d’analystes économiques, afin de donner une assise plus solide et comparable aux
mesures de la production économique. Ce manuel définit quatre concepts adoptés depuis lors
par la majorité des chercheurs travaillant sur ce que l’on appelle aussi « l’économie non
observée ». Concernant les aspects statistiques, il a été convenu de ne s’appuyer que sur des
éléments vérifiables (données URSSAF par exemple) et, lorsque ce n’était pas possible, de ne
signifier que les tendances pour peu que les différents analystes aillent dans le même sens.
Il faut d’emblée préciser que les études réalisées ces dernières années ne se concluent pas par
des résultats précis. Ils sont même parfois contradictoires. De plus, nous n’avons que très peu
d’études et d’enquêtes réalisées sur le territoire régional francilien.
L’économie souterraine selon l’OCDE est classifiée comme suit :
- La production légale reposant sur le travail clandestin et la fraude fiscale.
Elle regroupe toutes les activités légales délibérément soustraites au regard des pouvoirs
publics pour éviter le paiement d’impôts, de cotisations sociales et pour ne pas respecter
certaines normes (durée du travail, salaire minimum, conditions d’hygiène et sécurité, etc).
- La production illégale.
Elle regroupe la production de biens ou de services dont la vente, la distribution ou la
possession sont interdites par la loi (stupéfiants, organes humains, prostitution, etc) et les
activités productives légales mais exercées par des producteurs qui n’en ont pas le droit (tabac,
élevage clandestin d’animaux, braconnage, armes, exercice illégal de la médecine ou para
médecine, jeux d’argent, etc).
- La production du secteur informel.
Il s’agit de la production marchande réalisée par un collectif d’individus, utilisant un capital
physique généralement assez sommaire et un travail qui repose sur des liens de parenté ou
des relations personnelles ou sociales, plutôt que sur des relations contractuelles (travaux
d’entretien, petit commerce, récupération de chiffons et métaux, production agricole, confection
textile, aide à domicile, etc).
- La production des ménages pour leur usage final propre.
Elle doit être distinguée de celle du secteur informel défini plus haut car elle n’est pas
marchande. Elle regroupe la production agricole à des fins domestiques, la construction par le
ménage de sa propre habitation, les services supplémentaires produits par du personnel
domestique rémunéré… .
Il a été convenu de restreindre l’observation au travail clandestin, en la complétant par quelques
commentaires sur l’évolution de la production du secteur informel en Ile-de-France.
Nous tenterons, cependant, de relativiser l’impact économique et social de ces deux aspects
particuliers, en comparant leur dimension avec celle de l’ensemble de l’économie souterraine.
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Quelques éléments de méthodes de mesure du travail clandestin ou dissimulé
Le travail clandestin est de deux natures : le travail non déclaré ou le travail déclaré
partiellement (heures supplémentaires non clarées par exemple). Par définition, mesurer
l’évolution du travail clandestin reste de l’ordre de l’estimation que les statisticiens qualifient
d’hypothétique. Tous ceux que nous avons pu consulter nous renvoient à une approche
journalistique, voire politique, tant les résultats des études, quelles que soient les méthodes
utilisées, affichent une divergence importante.
Il y a principalement deux approches pour mesurer le travail clandestin :
- l’approche monétaire part du principe que les échanges économiques au « noir » sont
effectués avec de la monnaie. Par conséquent, il s’agit d’évaluer l’apport de l’épargne
monétaire dans l’évolution de la structuration globale de l’épargne d’un territoire ou d’un pays et
d’en déduire, sur la base d’une évolution brutale non expliquée d’une année sur l’autre,
l’estimation de la production souterraine.
- la méthode économique consiste à comparer le total de l’estimation de la production au total
de l’estimation des dépenses sur un territoire et d’en mesurer l’écart. Cet écart constitue alors,
après atténuation statistique, la part de la production qui s’appuie sur du travail non déclaré,
sur la production illégale et sur la production informelle.
Parallèlement à ces méthodes indirectes, il convient de compléter en enquêtant par sondage
auprès des citoyens et des entreprises afin d’affiner les estimations ou, pour le moins, d’en
valider l’évolution tendancielle. Enfin, nous disposons des sultats du travail de l’URSSAF Ile-
de-France en matière de lutte contre le travail clandestin. Certes, les résultats des opérations
de contrôle ne suffisent pas à estimer le poids du travail clandestin mais peuvent confirmer une
tendance.
L’évolution du travail clandestin en Ile-de-France
Sans que cela puisse suffire à l’estimation recherchée, observons les principaux résultats de
l’URSSAF Ile-de-France en matière de lutte contre le travail clandestin (* Sources : Rapport
thématique ACOSS : La lutte contre le travail illégal 2012).
Le temps de contrôle consacré par l’URSSAF Ile-de-France à la lutte contre le travail illégal
(LCTI) est passé de 7.478 jours en 2011 à 9.856 en 2013, soit une hausse de près de 32 %.
Les redressements auxquels il a abouti sont passés de 84 millions d’euros en 2011 à 136
millions en 2013, soit une augmentation de 62 %. Le nombre de salariés dissimulés constaté a
progressé de 10.993 en 2011 à 14.392 en 2013, soit une augmentation de 31 %.
Le nombre de procès-verbaux établis par l’inspection du travail sur le travail dissimulé passe de
517 en 2011 à 962 en 2013, soit une augmentation de 86 %. Le montant des redressements en
Ile-de-France représente 47,7 % des résultats nationaux.
Les montages de ces fraudes sont de plus en plus complexes et sont portés principalement par
les sociétés de sécurité, de travail temporaire, de construction et de rénovation de bâtiments et
de restauration. En réponse à ce constat de complexification, il a été créé un nouveau métier
d’inspecteur spécialisé dans la lutte contre le travail illégal. Les différents services de
contrôles tels fisc, douanes, Urssaf, Inspection du travail, police ou gendarmerie, ont renforcé
leurs échanges d’informations et accentué leur collaboration. Il est certain que la révision de
l’organisation administrative envisagée dans les années prochaines, permettrait de faciliter
l’amélioration de ces synergies. Si le temps consacré à la LCTI a considérablement augmenté
lors de ces dernières années, il n’en est pas de même pour les moyens humains qui lui sont
affectés. Par exemple, les effectifs des inspecteurs du travail, ont diminué de 50 % depuis 2008.
A contrario, les objectifs de l’ensemble des administrateurs de l’URSSAF Ile-de-France, sont
prioritairement la lutte contre le travail clandestin. Les objectifs chiffrés en matière de
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redressement prononcés pour 2012 ont d’ailleurs élargement dépassés (3.16 millions en
2011 contre 3.42 millions € en 2012, soit une hausse de 8,31 %).
L’approche économique directe sur l’estimation du travail clandestin
Les dernières estimations de 2012 sur le travail clandestin représenteraient un manque à
gagner en cotisations sociales, évalué entre 13,5 milliards et 15,8 milliards d’euros par la
DGFPI, soit 0.7 % du PIB national. On peut raisonner par proportion et ramener ces estimations
au territoire francilien, en partant du principe que l’économie francilienne représente, selon
l’INSEE, en 2012, 29 % du PIB national. On estime donc le manque à gagner en cotisation
sociale, au travail clandestin en Ile-de-France, à près de 5 milliards d’euros sur un PIB
francilien défini en 2012 à 612 milliards d’euros ; un montant beaucoup plus important en
réalité, car le taux de redressement Urssaf en Ile-de-France constitue 47,7 % de tous ceux
prononcés dans tout le pays et toutes les études statistiques sur le travail clandestin en France
placent, quelle que soit l’année et le contexte socio-économique, l’Ile-de-France comme le
premier territoire français de développement… et de loin. En croisant ces différentes données
économiques, on évalue donc la part du travail clandestin en Ile-de-France à 4 % du PIB
francilien.
Rappelons que l’INSEE, en 2014, a changé le mode d’estimation du PIB à partir de la base de
données 2010, en intégrant le montant estimé de l’économie non observée dans celui de la
production intérieure brute. En comptabilité nationale, toute forme d’activité entreprise sur le
territoire doit être désormais intégrée, y compris l’économie non observée.
Du côté des sondages et des enquêtes directes auprès de la population française, le
dernier baromètre piloté par l’agence O2-Market Audit, révèle que plus d’un tiers des personnes
interrogées déclare avoir travaillé au moins une fois au noir en 2013 contre 13 % en 2008. Cette
forte augmentation du travail clandestin serait particulièrement significative dans les services à
domicile : accompagnement des personnes âgées, des malades, des handicas, menus
travaux d’entretiens, services domestiques et garde d’enfants.
Certains observateurs expliquent cette hausse dans cette filière d’aide à domicile par les
réformes fiscales qui ont considérablement diminué la défiscalisation sur ce type d’emplois.
Proportion du travail clandestin dans l’économie souterraine
Si l’on inclut la fraude fiscale et la production illégale à cette mesure du travail clandestin, pour
avoir une estimation du manque de recettes sociales et fiscales générées par l’ensemble de
l’économie souterraine, on atteint selon l’économiste autrichien spécialiste de l’économie
informelle, Friedrich Schneider, près de 220 milliards d’euros en 2010, soit 11,7 % du PIB
français. Les petites et grandes astuces pour gagner plus sans payer d’impôts, de taxes ou de
cotisations sociales dans les pays développés deviennent de plus en plus courantes,
notamment à la faveur de la crise.
«A cause de la crise économique, l'économie souterraine aura augmenté en 2010 dans les
pays développés, après une hausse en 2009», écrit Friedrich Schneider. Selon ses calculs, la
part de cette économie souterraine dans le produit intérieur brut des pays de l'OCDE a
augmenté de 13,3 % en 2008 à 14 % en 2010. En France, ce ratio a crû de 11,1 % à 11,7 % sur
la même période.
La hausse peut paraître faible, mais elle marque une rupture avec la tendance à la baisse qui
durait depuis la fin des années 1990. Les pays Baltes et les pays d'Europe méditerranéenne se
caractérisent par les ratios les plus élevés. L'économie souterraine représenterait 25 % du PIB
en Grèce et autour de 40 % en Lettonie et en Estonie, toujours selon les travaux de Friedrich
Schneider ; autant de pays où la crise a frappé plus durement qu'ailleurs.
Ajoutons à ces comparaisons entre pays de l’Europe que l’hétérogénéité fiscale et sociale des
Etats européens n’est pas réglée par la directive européenne qui traite des travailleurs détachés
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d’un pays à l’autre de l’Union. Cette directive est détournée par certains employeurs pour
réduire leur coût de production, détériorant ainsi le tissu économique par cette concurrence
déloyale.
D’après l’Insee, le travail clandestin serait évalué à moins de 10 % de l’ensemble de l’économie
souterraine en Ile-de-France ; ce qui signifie que la fraude fiscale et la production illégale
(stupéfiants, armes, prostitution, etc.) représentent un poids autrement plus important que le
travail illégal.
L’économie informelle pour surmonter les difficultés sociales générées par les crises
ou engager une transition économique ?
Dans l'hexagone, la production informelle est un phénomène en forte croissance depuis 2010.
Celle-ci est très souvent légale, même si elle échappe aux règles fiscales et sociales. On y
trouve, par exemple, les échanges de services, de savoirs, autrement dit le troc. On constate de
plus en plus de volontés de regroupement de consommateurs pour améliorer le respect de
l’environnement en diminuant la consommation de matières premières. Par exemple, les
principes d’auto-partage et de co-voiturage, incités d’ailleurs par le Conseil régional d’Ile-de-
France, réduisent la consommation d’énergie non renouvelable et diminuent l’émission de gaz
polluants. Toutes ces initiatives échappent à différents degrés aux normes fiscales et sociales
et créent surtout des rapports différents entre les producteurs et les consommateurs.
L’exemple des « Repair-cafés » et des AMAP
Réparer ensemble, c'est l'idée des « Repair-Cafés » dont l'entrée est gratuite et ouverte à tous. Outils et matériels
sont disponibles à l'endroit où est situé le « Repair Café », pour faire toutes les réparations possibles et imaginables.
Cette idée est venue du simple constat que notre société jette énormément, également ce qui est à peine abîmé et
qui pourrait donc être réparé. Pourtant, le savoir-faire en la matière est en voie de disparaître car très peu valorisé
dans nos sociétés. Le « Repair Café » permet à ceux qui détiennent ce savoir-faire de le transmettre.
Les AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne), regroupent les consommateurs d'une agriculture
fermière. On compte trois cents AMAP sur le territoire, dont le tiers en Ile de France. Sur le même principe que les
« Repair-cafés », elles ont pour objectif de raccourcir les circuits de distribution et créer des liens coopératifs entre
les producteurs et les consommateurs pour promouvoir une agriculture de proximité, certaines fois biologique.
Ces différentes formes d'économie, relevant à différents degrés de l’économie informelle, sont
sujettes à de multiples attaques. On leur reproche, par exemple, d’exercer une concurrence
déloyale avec les producteurs marchands officiels, de supprimer des emplois en diminuant les
intermédiaires ou encore de diminuer les recettes fiscales et sociales attendues en réduisant la
consommation. Les acteurs de cette économie informelle se défendent en invoquant la baisse
incontestable du pouvoir d’achat des Français qui se « débrouillent » pour survivre, et affirment
qu'ils sont au contraire créateurs d'emplois en innovant dans les formes de production et de
consommation. En s’appuyant parfois sur l’apport du bénévolat et sur le rapprochement dans
une même entreprise des producteurs et des consommateurs, ces acteurs entendent sortir des
principes marchands, en substituant à la concurrence génératrice d’inégalités, la solidarité et la
coopération, renforçant du même coup la cohésion sociale.
L’économie informelle n’est donc pas nécessairement une mauvaise chose, la progression des
activités informelles pendant une crise permettant d'éviter une récession plus grande encore
tout en renforçant le lien social.
33, rue Barbet-de-Jouy - 75007 Paris l. : 01.53.85.66.25
Mél : [email protected] www.ceser-iledefrance.fr
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