Alg`ebre commutative et géométrie algébrique

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Université de Rennes 1
2011–2012
Algèbre commutative et géométrie algébrique
Examen du 30 avril 2012 (durée : 2 heures)
Documents, notes de cours ou de TD, téléphones portables, calculatrices sont interdits.
Justifiez toutes vos réponses.
Le sujet comporte deux pages et quatre exercices. Dans tous les exercices, A désigne un anneau
commutatif avec unité et k un corps.
EXERCICE 1. (4 points) (Questions de cours) —
1) Rappeler la définition d’un idéal monomial. Déterminer tous les idéaux monomiaux de
k[X, Y, Z] qui sont premiers.
Par définition un idéal monomial est un idéal engendré par des monômes, i.e. il existe une partie
S ⊂ Nn telle que
I = hX α , α ∈ S}.
Les idéaux monomiaux de k[X, Y, Z] sont
h0i, hXi, hY i, hZi, hX, Y i, hX, Zi, hY, Zi, hX, Y, Zi.
(On admet que h0i est un idéal monomial en prenant S = ∅.)
2) Supposons k algébriquement clos. Montrer que les fermés de A1k sont les parties finies de A1k
ainsi que A1k .
Un fermé de A1k est de la forme V(I) pour un idéal I de k[X]. Mais k[X] est un anneau principal,
donc I = hf i pour un certain polynôme f ∈ k[X]. Si f = 0, alors V(I) = A1k ; si f 6= 0, alors f
possède un nombre fini de racines dans k et donc V(I) = {a ∈ k : f (a) = 0} est un ensemble
fini.
3) Rappeler la définition d’un idéal primaire dans un anneau. Montrer que le radical d’un idéal
primaire est premier.
Un idéal I ⊂ A est dit primaire si et seulement si :
√
a, b ∈ A, ab ∈ I, a ∈
/ I =⇒ b ∈ I.
√
√
√
Montrons que I est premier. Supposons ab ∈ I et a ∈
/ I, alors il existe
que
√ n ≥ 1 tel √
(ab)n √
= an bn ∈ I mais an ∈
/ I. Comme I est primaire, on doit avoir bn ∈ I, d’où b ∈ I.
Ainsi I est premier.
EXERCICE 2. (7 points) — Soit I l’idéal de C[X, Y, Z] engendré par les polynômes
f1 = X 2 − Y Z, f2 = XY − Z 2 .
On munit l’ensemble des monômes de C[X, Y, Z] de l’ordre lexicographique défini par X > Y >
Z.
1
2
i) Montrer que {f1 , f2 } n’est pas une base de Gröbner de I.
On calcule le S-polynôme S(f1 , f2 ) = Y (X 2 − Y Z) − X(XY − Z 2 ) = XZ 2 − Y 2 Z, dont
les deux termes ne sont pas divisible ni par LT(f1 ) = X 2 ni par LT(f2 ) = XY . Donc
{f1 , f2 } n’st pas une base de Gröbner de I d’après le critère de Buchberger.
ii) Trouver une base de Gröbner réduite de I.
On pose f3 := XZ 2 − Y 2 Z et on calcule
S(f1 , f3 ) = Z 2 (X 2 − Y Z) − X(XZ 2 − Y 2 Z) = XY 2 Z − Y Z 3 = (Y Z) · f2
S(f2 , f3 ) = Z 2 (XY − Z 2 ) − Y (XZ 2 − Y 2 Z) = Y 3 Z − Z 4 .
Puisque le reste de la division de S(f2 , f3 ) par {f1 , f2 , f3 } est lui-même, on pose f4 :=
Y 3 Z − Z 4 . Ensuite,
S(f1 , f4 ) = Y 3 Z(X 2 − Y Z) − X 2 (Y 3 Z − Z 4 ) = X 2 Z 4 − Y 4 Z 2 = (XZ 2 + Y 2 Z) · f3 ,
S(f2 , f4 ) = Y 2 Z(XY − Z 2 ) − X(Y 3 Z − Z 4 ) = XZ 4 − Y 2 Z 3 = Z 2 · f3 ,
S(f3 , f4 ) = Y 3 (XZ 2 − Y 2 Z) − XZ(Y 3 Z − Z 4 ) = XZ 5 − Y 5 Z = Z 3 · f3 + (−Y 2 ) · f4 .
Donc {f1 , f2 , f3 , f4 } forment une base de Gröbner de I. On vérifie facilement qu’elle est
en fait réduite.
iii) Déterminer l’ensemble algébrique V(I) dans C3 . Quelle est sa dimension ?
Il revient à résoudre f1 = f2 = f3 = f4 = 0. De l’équation f4 = Y 3 Z − Z 4 = 0, on
trouve que soit Z = 0, soit Y 3 = Z 3 , i.e. il existe ξ une racine 3-ième telle que Y = ξZ.
Traitons d’abord le cas où Z = 0. Alors de l’équation f1 = X 2 − Y Z = 0, on déduit que
X = 0, et on peut prendre pour Y n’importe quelle valeur dans C.
Supposons maintenant que Y = ξZ pour une racine ξ ∈ C. Par f2 = X(ξZ) − Z 2 = 0,
on a X = ξ −1 Z et, en notant que ξ −1 = ξ 2 , on vérifie que (ξ −1 Z, ξZ, Z) est bien une
solution des équations f1 = f2 = f3 = f4 = 0. En résumé, en fixant un ξ comme ci-dessus
et en notant que {1, ξ, ξ −1 } sont les 3 racines 3-ième dans C, on obtient finalement :
V(I) = {(0, t, 0), t ∈ C} ∪ {(t, t, t), t ∈ C}
∪{(ξ −1 t, ξt, t), t ∈ C} ∪ {(ξt, ξ −1 t, t), t ∈ C}.
Ainsi V(I) consiste en 4 droites passant par l’origine (0, 0, 0), donc dim V(I) = 1.
Un autre moyen de calculer la dimension de V(I) est de calculer celle de V(hLT(I)i) :
on a
hLT(I)i = hX 2 , XY, XZ 2 , Y 3 Zi
et J = {X, Z} est un sous-ensemble de {X, Y, Z} de cardinal minimal vérifiant la
condition (*) du cours. Ainsi dim(V(I)) = 3 − |J| = 3 − 2 = 1.
iv) Est-ce que le polynôme h = X 4 + XY 3 − 2XZ 3 appartient à I ?
En effectuant la division de h par {f1 , f2 , f3 , f4 }, on trouve que
h = (X 2 + Y Z) · f1 + Y 2 · f2 + (−2Z) · f3 ,
donc h ∈ I.
v) Déterminer I ∩ k[Y, Z]. Soit π : C3 → C2 la projection donnée par (x, y, z) 7→ (y, z).
Déterminer l’ensemble algébrique π(V(I)) (i.e. la clôture de π(V(I))).
Comme B := {f1 , f2 , f3 , f4 } est une base de Gröbner de I pour l’ordre X > Y > Z,
I ∩ k[Y, Z] est engendré par B ∩ k[Y, Z], i.e. par {f4 }. Ensuite, on sait que π(V(I)) =
V(I ∩k[Y, Z]) = V(f4 ) ⊂ C2 . De manière explicite, on a (où ξ ∈ C est comme ci-dessus) :
π(V(I)) = {(t, 0), t ∈ C} ∪ {(ξt, t), t ∈ C} ∪ {(ξ −1 t, t), t ∈ C} ∪ {(t, t), t ∈ C}.
3
4
EXERCICE 3. (4 points) — Rappelons qu’un élément a ∈ A est dit diviseur de zéro s’il
existe b ∈ A non nul tel que ab = 0 (donc 0 est un diviseur de zéro). Soit S le sous-ensemble de
A formé des éléments qui ne sont pas diviseurs de zéro.
i) Montrer que S est une partie multiplicative de A. Montrer que tout élément de A[S −1 ]
est soit un diviseur de zéro soit inversible.
Soit a, b ∈ S et supposons que c ∈ A est tel que (ab)c = 0. Puisque (ab)c = a(bc) et a
n’est pas diviseur de zéro, on a bc = 0, puis c = 0 car b n’est pas diviseur de zéro. Ainsi
ab ∈ S.
Soit x = as ∈ A[S −1 ] avec a ∈ A et s ∈ S. Si a ∈ S, alors x est inversible d’inverse as .
Si a ∈
/ S, alors a est un diviseur de zéro et, si b ∈ A non nul est tel que ab = 0, alors
b
−1 ] est non nul (car il n’existe pas de t ∈ S tel que tb = 0) et a × b = 0. Ainsi
∈
A[S
1
s
1
x est un diviseur de zéro de A[S −1 ].
Supposons que A est réduit et soit p1 , . . . , pn les idéaux premiers minimaux contenant (0).
S
ii) Montrer que l’ensemble des diviseurs de zéros de A est égal à ni=1 pi .
p
Puisque A est réduit, on a (0) = (0) = ∩ni=1 pi .
a) Soit a ∈ A un diviseur de zéro non nul, et b ∈ A non nul tel que ab = 0. Supposons
que a ∈
/ ∪ni=1 pi . Alors comme ab = 0 ∈ pi pour tout i et pi est premier, on doit avoir
b ∈ pi pour tout i, d’où b ∈ ∩ni=1 pi = (0). Mais par hypothèse b 6= 0, cette contradiction
montre que a ∈ ∪ni=1 pi .
b) Réciproquement, soit a ∈ ∪ni=1 pi et montrons que a est un diviseur de zéro. On
peut supposer que a 6= 0 et que a ∈ p1 (quitte à rénuméroter les pi ). Chaque pi étant
minimal premier, la décomposition (0) = ∩ni=1 pi est l’unique décomposition minimale
de (0), donc ∩ni=2 pi 6= (0). Soit b un tel élément non nul, alors
ab ∈ p1 · (∩ni=2 pi ) ⊂ ∩ni=1 pi = (0),
c’est-à-dire, a est un diviseur de zéro.
iii) Montrer que tout idéal premier de A[S −1 ] est maximal.
Un idéal premier de A[S −1 ] est de la forme pe pour p ⊂ A un idéal premier vérifiant
p ∩ S = ∅, i.e. p ⊂ ∪ni=1 pi par i), ce qui revient à dire que p ⊂ pi pour un i. Or pi est
minimal, on doit avoir p = pi . D’ailleurs, chaque pei est un premier de A[S −1 ], ainsi les
idéaux premiers de A[S −1 ] sont
{pei , 1 ≤ i ≤ n}.
Enfin c’est clair que chaque pei est maximal, puisque pei * pej si i 6= j.
EXERCICE 4. (5 points) — Considérons l’idéal I = hXY, XZ, Y Zi de k[X, Y, Z].
i) Montrer que I est un idéal radical.
On peut écrire f ∈ k[X, Y, Z] de manière unique sous la forme
X
X
X
f =λ+
ai X i +
bi Y i +
ci Y i + g, avec g ∈ I.
√
i≥1
i≥1
i≥1
Supposons f ∈ I et donc f n ∈ I pour un entier n ≥ 1. Si {ai , i ≥ 1} ne sont pas
tous nuls et si m est le plus grand entier tel que am 6= 0, alors f n contient un terme
5
anm X n . Mais cela contredit au fait que f n ∈ I, par conséquent ai = 0 pour tout i ≥ 1.
De même, bi = ci = 0 pour tout i ≥ 1 et λ = 0. Autrement dit f ∈ I et I est radical.
ii) Trouver une décomposition primaire minimal pour I.
On peut vérifier que I = hX, Y i ∩ hY, Zi ∩ hX, Zi, ce qui donne une décomposition
primaire minimal de I car les trois idéaux sont tous premiers donc primaires.
√
iii) Soit J = hX 2 Y, Y Z, XZ 2 i. Calculer J et montrer que J n’est pas un idéal primaire.
√
On a évidemment J ⊂ I. D’ailleurs,
I ⊂ √ J, car (XY )2 = Y · (X 2 Y ) ∈ J et (XZ)2 =
√
X · (XZ 2 ) ∈ J. On en déduit que J = I = I d’après i). l’idéal J n’est pas primaire
puisque son radical I n’est pas premier : XY ∈ I mais X ∈
/ I et Y ∈
/ I.
iv) Montrer que J = hX, Y i ∩ hY, Z 2 i ∩ hX 2 , Zi est une décomposition primaire minimale
de J.
Le calcul suivant montre que :
hX, Y i ∩ hY, Z 2 i ∩ hX 2 , Zi =
=
=
=
hXY, Y, XZ 2 , Y Z 2 i ∩ hX 2 , Zi
hY, XZ 2 i ∩ hX 2 , Zi
hX 2 Y, Y Z, X 2 Z 2 , XZ 2 i
J.
Puis, hX, Y i est premier donc primaire. Montrons que l’idéal hY, Z 2 i est primaire. Par
l’isomorphisme k[X, Y, Z]/hY, Z 2 i ∼
= k[X, Z]/hZ 2 i, il suffit de montrer que hZ 2 i est
primaire dans k[X, Z], ce qui est clair puisque k[X, Z] est factoriel et Z est irréductible.
Le même raisonnement montre que hX 2 , Zi est primaire. Après on vérifie que
hX, Y i ∩ hY, Z 2 i * hX 2 , Zi
hX, Y i ∩ hX 2 , Zi * hY, Z 2 i
hY, Z 2 i ∩ hX 2 , Zi * hX, Y i,
donc J = hX, Y i ∩ hY, Z 2 i ∩ hX 2 , Zi est une décomposition primaire minimale de J.
v) Indiquer les idéaux premiers associés à J. Lesquels sont isolés ? La décomposition donnée
dans iv) est-elle unique ?
p
p
p
Comme hX, Y i = hX, Y i, hY, Z 2 i = hY, Zi, hX 2 , Zi = hX, Zi, cela donne les
idéaux premiers associés à J :
hX, Y i, hY, Zi, hX, Zi.
Tous les trois sont isolés, et donc la décomposition dans iv) est unique.
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