3ème trimestre 2008 •
Redénir le produit agricole
immatérielles en agriculture sont indissociables et couplées. Il ne faut donc pas
chercher à les dissocier, mais tenter de comprendre comment elles sont liées
l’une à l’autre, rejoignant en cela ceux qui travaillent à poser les bases d’une
économie multidimensionnelle5.
• La deuxième, avoir suscité une diversification de l’activité agricole à partir de
nouvelles productions immatérielles, dans le cadre d’une stratégie de dévelop-
pement ou de survie économique de l’exploitation. Pendant que l’agriculture
se modernise, un certain nombre d’agriculteurs développent, dans le cadre de
leur exploitation, de nouveaux projets en s’orientant vers une production mar-
chande de services d’hébergement, de restauration ou de vente directe, avec
l’apparition de ce qui a été qualifié d’agrotourisme ou encore d’agriculture de
services6. Cette stratégie, largement sous-développée en France comparative-
ment à ce que nous pouvons trouver dans les autres pays européens, constitue
un moyen de diversification de l’activité agricole qui peut modifier le statut
du chef d’exploitation, celui-ci devenant « pluriactif agricole »7. Toutefois, ces
stratégies n’apparaissent pas de la même façon et avec la même intensité sur
tous les territoires. Les caractéristiques de l’économie et de l’agriculture locales
comme la personnalité et les compétences de l’exploitant vont l’orienter, ou
non, vers ce type de création, qui ne peut être qu’une stratégie de développe-
ment parmi d’autres.
• La troisième conséquence de l’orientation vers le quantitatif est d’avoir modi-
fié le contenu du produit agricole, donc la manière dont il est produit. Il s’en-
richit de services afin de répondre à de nouvelles demandes et de faire face aux
problèmes générés par le modèle productiviste. La modernisation agricole a
engendré l’enrichissement d’une partie de la production agricole en services,
conduisant certains auteurs à parler de « servicisation » des biens agricoles8.
L’exploitant prend alors en charge des prestations de services (logistique, tra-
5. H. Bartoli, L’économie multidimensionnelle, Paris, Economica, 1991.
Nous nous démarquons donc de l’approche développée par l’OCDE, théorisée par Mahé et Ortalo-Magné, fondée
sur la séparabilité des fonctions, afin de distinguer pour les traiter séparément : celles qui peuvent donner lieu à la
création d’un marché et les autres. Ce cadre d’analyse conduit à réduire le caractère multidimensionnel de l’agri-
culture puisqu’il s’agit de trouver les instruments qui la rendent la moins multidimensionnelle possible. Cf L.-P.
Mahé & F. Ortalo-Magné (dir), Politique agricole, un modèle européen, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, OCDE,
Introduction à la multifonctionnalité sous ses aspects de production d’externalité et de bien public, Paris, 2000 et OCDE,
Multifonctionnalité : élaboration d’un cadre analytique, Paris, 2001.
6. P. Muller, « Vers une agriculture de services ? », Revue d’Économie rurale, mars-juin 1991, n°202-203, pp. 67-71.
7. A. Le Roy, « La Pluriactivité agricole : une nécessité pour l’avenir ? », Revue du Marché commun et de l’Union
européenne, janvier 2002, n°454, pp. 34-43.
8. J. Nefussi, « Tertiarisation de l’agriculture, quel enjeu pour le développement durable ? L’économie des services
pour un développement durable », Colloque de Cerisy, coordonné par E. Heurgon et J. Landrieu, L’Harmattan,
2007.