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au monde / les marchands
Joël Pommerat
OD ON
Un retour au présent
die gelbe tapete
C.P. Gilman
Katie Mitchell
Un thriller multimédia
die bitteren tränen der petra von kant
R.W. Fassbinder
Martin Kušej
Faire voir une âme qui pleure
o
Lettre N 6
Odéon-Théâtre de l’Europe
septembre 2013
2
sommaire
p. 3 à 6
Un retour
au présent
AU MONDE
LES MARCHANDS
Joël Pommerat
p. 7
Une question de mots,
une situation de corps
Handicap
p. 8 et 9
Les écrits s'envolent,
les paroles restent
Les Bibliothèques de l'Odéon
p. 10 à 12
un thriller multimédia
DIE GELBE TAPETE
Charlotte Perkins Gilman
Katie Mitchell
p. 13 à 15
FAIRE VOIR UNE ÂME
QUI PLEURE
DIE BITTEREN TRÄNEN
DER PETRA VON KANT
Rainer Werner Fassbinder
Martin Kušej
p. 16
AHMAD JAMAL
EN CONCERT À L'ODÉON
SATURDAY MORNING
p. 17
journées du patrimoine
le cercle de l'odéon
p. 18
Avantages abonnés
Offres spécifiques et tarifs préférentiels
p. 19
ACHETER ET RÉSERVER
SES PLACES
Au monde / Les Marchands 3
Un retour
au présent
Mon idéal serait de pouvoir jouer nos créations sur des durées de vingt, trente ans, voire plus. Qu'on voie vieillir les comédiens
avec les spectacles. C'est une expérience utopique dont l'idée me passionne et me fait rêver. C'est une des raisons qui m'ont
poussé au départ à créer une compagnie, c'est-à-dire une communauté de gens engagés sur le long terme. Il m'est arrivé de
recréer certains spectacles, d'en refaire la mise en scène, et aussi de réécrire totalement sur un même sujet à six ans d'intervalle. Mais pour Au monde et Les Marchands, c'est la même mise en scène que nous présenterons à l'Odéon, et pour la
vingtaine de rôles que comptent ces deux pièces il n'y aura que trois nouveaux comédiens.
Joël Pommerat
Agnès Berthon dans Au monde © élisabeth Carecchio
4
Le travail en
questions
«Il n'y aura plus de travail. […] L'homme aura enfin du temps à lui», dit une voix dans Au monde. «Notre temps sans le
travail ne serait rien», dit une autre voix dans Les Marchands. Entre ces deux affirmations, plus d'une question se pose.
Après avoir découvert les deux pièces, la sociologue Dominique Méda nous fait part de ses réactions de lecture.
Daniel Loayza – Le travail constitue un
thème récurrent dans l'œuvre de Joël
Pommerat. Plusieurs années avant Ma
chambre froide, il l'abordait déjà dans
Au monde et Les Marchands. Quelles
réflexions la lecture de ces œuvres vous
a-t-elle inspirées ?
Dominique Méda – Les Marchands traite
d’une actualité brûlante : la concomitance du désespoir de ceux qui n’ont pas
de travail et de la souffrance physique et
morale provoquée par l’exercice du travail, la perte de sens de celui-ci. Mais
je dois dire que la fin de la pièce m’a
d'abord énormément surprise…
chômage. On découvre que l’usine
fabrique des produits toxiques. Puis
cette femme retrouve son emploi dans
la même usine, et apparemment, tout
est bien qui finit bien. Elle se dit «heureuse» et ses douleurs au dos disparaissent comme par enchantement ! D'où
ma surprise : si l’on n’est rien sans travail, si celui-ci est absolument indispensable, faut-il pour autant laisser penser
que n’importe quelle occupation, même
source de souffrance, même dénuée de
toute utilité sociale, est préférable à tout
le reste ?
D. L. – Ce n'est pas ce que montre la
pièce...
D. L. – Que voulez-vous dire ?
D. M. – Dans Les Marchands, nous entendons une femme nous raconter sa vie
quotidienne, son emploi en usine. Elle
nous parle aussi de son amitié pour
une chômeuse à la santé psychique
fragile. Ces deux femmes n'ont pas de
nom, alors que la grande entreprise de
la région, Norscilor, en a un, ce que j'ai
pris pour un indice de la déshumanisation de ce monde décrit par Pommerat.
La pièce nous renvoie une image assez
exacte de la situation actuelle et met
bien en évidence les symptômes de la
crise que traverse le travail depuis plusieurs décennies : montée des risques
psychosociaux, explosion des TMS
(troubles musculo-squelettiques) et
autres maladies issues directement du
«nouveau productivisme»... Je ne sais
pas si Pommerat est un auteur qui effectue des enquêtes et réunit une documentation, mais le portrait qu'il nous
propose d'une salariée de l'industrie et
du cercle assez restreint de ses proches
est tout à fait plausible, jusque dans le
détail. Par exemple, il est exact que ce
sont surtout les femmes qui sont affectées à ce genre de postes peu qualifiés,
gérés selon les principes de la taylorisation à outrance...
D. L. – Alors pourquoi parlez-vous de
«surprise» ?
D. M. – Je dois préciser que je n'ai pas
encore vu les spectacles. Et donc, de
mon point de vue limité de lectrice,
mon premier mouvement, devant Les
Marchands, a été, je dois bien le dire,
une certaine irritation... Voilà une
femme qui travaille dans des conditions nocives pour sa santé. Pendant
quelque temps, elle se retrouve au
Les Marchands © élisabeth Carecchio
D. M. – Je vous l'ai dit, je décris là ma
première réaction ! Je me suis évidemment doutée que les choses devaient
être plus complexes. Pommerat luimême précise dans un avant-propos
que parfois, ce que la mise en scène
donne à voir peut contredire le propos
de la narratrice... Ce qui nous est dit, en
fin de compte, ce n'est justement pas
qu'en temps de crise, tout travail quel
qu'il soit est un merveilleux privilège
dont on doit se contenter en silence. Ce
qui est montré, c'est bien plutôt à quel
point le travail reste une dimension à la
fois surinvestie et problématique – et là,
nous sommes en plein dans ce que nous
avons appelé, Lucie Davoine et moi, le
«paradoxe français».
D. L. – C'est-à-dire ?
D. M. – Avant de vous répondre, il faut
dire deux choses. D'abord, que dans
Au monde, la vision qui est proposée
du travail est totalement différente. J'y
reviendrai. Ensuite, il faut souligner que
dans Les Marchands, aucun personnage ne définit ce qu'il entend par «travail». Le moment qui s'approche le plus
d'une discussion sur le sens de ce motlà intervient alors que l'usine est fermée. Et il est remarquable que c'est un
homme ayant des ambitions politiques
qui prend alors la parole pour consoler
l'héroïne brisée par la perte de son emploi
en lui disant qu'il comprend ses larmes
parce que le travail est un «besoin» et
que notre temps, sans le travail, ne
serait rien... Là encore, le texte peut être
entendu en un tout autre sens. Car si
les gens vendent pour vivre ce qu'ils ont
«de plus précieux», leur «temps de vie»,
leur «vie», écrit Pommerat, cela invite à
s'interroger sur ce qu'ils obtiennent en
échange... Si l'on dit que le travail permet de gagner sa vie, c'est bien que la
vie constitue le but, la fin, et que le travail devrait lui être subordonné comme
un moyen. La bonne question, dès lors,
devrait bien plutôt être : que voulonsnous comme vie, quelle conception
sociale, quelle organisation du travail
nous permettraient-elles de réussir la
vie que nous souhaitons pour nous et
nos enfants ? Mais d'un autre côté, si
l'on dit que l'on vend sa vie pour occuper un emploi, et que sans cet emploi la
vie serait vide, c'est alors cet emploi qui
devient la fin, tandis que la vie n'est plus
que le moyen de l'obtenir...
D. L. – Ce qui est posé là, c'est le
problème de la valeur...
D. M. – En effet – de la valeur marchande
et non marchande. Et du bonheur aussi,
de ce qui échappe à la valeur ou plutôt
à une certaine forme d'évaluation. Sur
ces questions, Pommerat ne disserte
pas, il suggère. Implicitement, le travail
dont parle ici l'homme politique est avant
tout celui que prend en compte le produit
national brut, le fameux PIB. Cet indicateur sur lequel nous avons les yeux braqués (la non moins fameuse croissance,
c’est celle du PIB) et qui compte pour
zéro toutes les autres activités que le travail. Seul est pris en considération le fruit
de l’activité qui ajoute de la valeur économique immédiatement mesurable en
termes monétaires. On commence à se
rendre compte depuis quelques années
que cette face-là de l'économie a son
revers. Aujourd'hui, il existe d'autres indicateurs pour mesurer d'autres aspects,
plus qualitatifs, de la richesse d'une
société. Mais les difficultés sociales
massives provoquées par la recrudescence du chômage ont tendance à occulter le débat qu'il faudrait mener – ce que
montre remarquablement bien la pièce
de Pommerat : à peine ouverte, la discussion est close dès que Norscilor reprend
ses activités. L'une des femmes part à
l'asile, une autre en prison, et la troisième
retrouve son usine et peut se dire «heureuse»... C'est tout à fait typique, je crois,
d'une société en crise.
D. L. – Vous avez dit que vous vouliez
revenir sur Au monde...
D. M. – Oui. En deux mots, nous sommes
à l'exact opposé des Marchands : dans
une famille où les moyens d'existence ne sont pas du tout un problème.
Le passage le plus frappant, dans cette
pièce, est la tirade où la «seconde fille»
célèbre la disparition à venir du travail. Qu'est-ce que le temps vraiment
humain ? Le temps de travail, dit l'homme
politique. Le temps libre, dit la seconde
fille. Lui pense le travail tel qu'il est, à
court terme, et comme fin en soi. Elle
pense le travail tel qu'il devrait être, si
on veut, et dans le long terme de l'utopie. Ensemble, ils constituent comme
une image des deux pôles du «paradoxe
français» dont je parlais tout à l'heure :
d'un côté, il ressort des enquêtes de terrain que les Français plébiscitent largement la «valeur travail». Et de l'autre, selon
ces mêmes enquêtes, les Français sont
les plus nombreux en Europe à souhaiter que le travail occupe moins de place
dans leur vie !
D. L. – Comment expliquer ce «paradoxe
français» ?
D. M. – Disons que d'une part, nous concevons le travail à la fois comme nécessité
et comme lieu possible, sinon effectif,
de réalisation de soi. Mais d'autre part,
nous voulons moins de travail dans nos
vies : pour certains, parce que les conditions réelles d’exercice du travail sont
médiocres, parfois insupportables ; et
pour d’autres, parce que même si le travail
est important, nous voulons cette réalisation de nous-mêmes ailleurs, aussi hors
de la sphère du travail tel qu'il existe effectivement aujourd'hui. Mais ce qui m'intéresse par-dessus tout, c'est ce que ce
paradoxe exprime. Il indique que le travail est ressenti collectivement comme le
lieu d'une interrogation cruciale. La question essentielle est de savoir si le travail
peut aujourd’hui remplir les immenses
attentes qui pèsent sur lui : car on espère
désormais non seulement avoir un travail, mais aussi y trouver le lieu principal de son épanouissement. Ce qui rend
l’absence de travail encore plus douloureuse. Aujourd'hui, la crise n'incite guère
à ouvrir ces dossiers. Mais que nous le
voulions ou non, nous sommes plongés
dans ces problèmes. Le grand mérite de
spectacles comme ceux de Pommerat,
c'est de mettre en évidence à quel point
ces questions sont vitales, nous interpellent tous, et de nous amener, peut-être,
à réfléchir aux termes mêmes de nos discussions et de nos choix.
Entretien réalisé à Paris le 27 juin 2013
Dominique Méda
Ancienne élève de l'école Normale Supérieure (rue d'Ulm) et de l'école Nationale
d'Administration, agrégée de philosophie,
Dominique Méda est une spécialiste reconnue des questions liées au travail. Elle
enseigne actuellement à l'Université de ParisDauphine et a récemment publié Travail : la
révolution nécessaire (L'Aube Poche, 2011)
et republié Le travail. Une valeur en voie de
disparition ? (Champs Essais, Flammarion,
2010). Deux de ses ouvrages sont à paraître
cet automne : La Mystique de la croissance
– comment s'en libérer ? (Paris, Flammarion), et, en collaboration avec P. Vendramin,
Réinventer le travail. Le lien social (Paris,
Presses Universitaires de France).
14 septembre – 19 octobre / Odéon 6 e
18 septembre – 19 octobre / Odéon 6 e
AU MONDE
LES MARCHANDS
Joël Pommerat
Joël Pommerat
scénographie
Éric Soyer, Marguerite Bordat
lumière
Éric Soyer
collaboration artistique
Marguerite Bordat
costumes
Marguerite Bordat, Isabelle Deffin
son
François Leymarie
scénographie et lumière
Éric Soyer
costumes
Isabelle Deffin
son
François Leymarie
Grégoire Leymarie
conseiller musical
Alain Besson
avec
Saadia Bentaïeb
Agnès Berthon
Lionel Codino
Angelo Dello Spedale
Roland Monod
Ruth Olaizola
Marie Piemontese
David Sighicelli
production
Compagnie Louis Brouillard
coproduction
Théâtre national de Strasbourg,
CDN de Normandie – Comédie de Caen,
Théâtre Paris-Villette,
Espace Jules Verne − Brétigny-sur-Orge,
La Ferme de Bel ébat − Guyancourt,
Thécif-Région Île-de-France /
avec le soutien du Ministère de la Culture et de
la Communication − DRAC Île-de-France, du
Conseil Général de l’Essonne, de la Ville de
Brétigny-sur-Orge, de la Ville de Paris et de
l’ADAMI compagnie conventionnée − DRAC,
Conseil Général de l’Essonne, Ville de Brétignysur-Orge et en résidence à Brétigny-sur-Orge
coproduction recréation
Compagnie Louis Brouillard, Odéon-Théâtre de
l'Europe, Théâtre National − Bruxelles
La Compagnie Louis Brouillard reçoit le soutien
du Ministère de la Culture − DRAC Île-de-France
et de la Région Île-de-France
avec
Saadia Bentaïeb
Agnès Berthon
Lionel Codino
Angelo Dello Spedale
Murielle Martinelli
Ruth Olaizola
Marie Piemontese
David Sighicelli
production
Compagnie Louis Brouillard,
Théâtre national de Strasbourg
coproduction
l’Espace Malraux − Scène nationale de Chambéry,
le Centre Dramatique national de Normandie −
Comédie de Caen, le Centre Dramatique national
d’Orléans-Loiret-Centre, le Théâtre ParisVillette, le Théâtre Brétigny − Scène conventionnée
du Val d’Orge et l’Arcadi − Action régionale
pour la création artistique et la diffusion en
Île-de-France
coproduction recréation
Compagnie Louis Brouillard,
Odéon-Théâtre de l'Europe,
Théâtre National − Bruxelles
Joël Pommerat est artiste associé au Théâtre
National – Bruxelles
créé le 20 janvier 2006
au Théâtre national de Strasbourg
durée 2 heures
créé le 21 janvier 2004 au Théâtre
national de Strasbourg
avec le soutien du
CERCLE
D E L’OD ON
durée 2h10
avec le soutien du
CERCLE
D E L’OD ON
Au monde / Les Marchands 5
La peau des
sensations
Saadia Bentaïeb
Marie Piemontese
comédiennes de la Compagnie
Louis Brouillard
Saadia Bentaïeb – Joël, dans le travail, nous demande souvent d'être à
la recherche non pas d'une neutralité mais d'une simplicité, de trouver
une attitude qui laisse le moins de
scories possible. D'aller à la chose
essentielle, sans détails. Je me suis
souvent dit que chez lui le personnage devient comme une figure dans
un conte. Moins dans La Réunification
des deux Corées, mais quand même.
Dans Ma chambre froide, Estelle est
pour moi comme une Cendrillon. D'ailleurs Joël a monté sa Cendrillon tout
de suite après.
Marie Piemontese – Avec les années,
Joël a continué à explorer, et il a
évolué à travers différentes formes.
Nous l'avons suivi au cours de ces
différentes périodes. Il a fallu qu'on
accompagne ses changements. Mais
le centre de gravité du travail est
resté le même. Il y a une référence, un
socle auquel on revient toujours avec
lui. Il nous demande, quand on parle
dans son théâtre, de nous dégager
de toutes les contingences sociales,
signifiantes, intentionnelles, de renoncer à «vouloir dire», pour libérer une
adresse directe, droite, et qui part
d'un endroit singulier, intime... C'est
un point personnel, nettoyé de toute
volonté démonstrative, et soutenu
par un engagement émotionnel. Une
adresse très proche de nous, sans être
dans la quotidienneté ordinaire. Joël a
dit un jour que c'était la recherche de
ce caractère concret, simple, à l'intérieur d'un dispositif très sophistiqué,
qui contribue à donner une dimension
fantastique à son travail. Il y a un réel
qu'on éprouve au présent, mais qui
n'est jamais naturaliste.
S. B. – Chez Joël, il y a des lignes, c'est
toujours très dessiné. Au plateau,
quand il voit que le col d'un manteau
est déboutonné, il se lève et demande
qu'on ferme le bouton. Le débraillé, le
laisser-aller naturel, ça abîme le dessin, la tenue de la silhouette. Voilà, il
faut que ça soit tenu. C'est ce qui permet à la parole d'être prise et soutenue dans une adresse. Il nous pousse
toujours vers le plus d'adresse possible à l'autre. Dans les deux Corées,
il y a un moment, Marie et moi, où on
est censées être dans le même endroit,
dans une intimité, et pourtant on ne se
voit même pas – en fait, c'est à nous
de créer cette intimité, de la faire ressentir. Les paramètres de la mise en
scène décalent le naturalisme, et
c'est à nous de faire une sorte de travail inverse. Non pas au sens où il faudrait revenir au naturel, mais où il faut
ne pas céder à la tendance, au formalisme, au sens où il faut être dans
la plus grande vérité, sans anecdote.
Joël introduit une sorte de contradiction qui va attaquer, ébranler le réalisme, qui va brouiller l'énonciation,
compliquer la position. Par exemple,
il fait voir un corps de femme avec une
voix d'homme. Ou une voix de femme
et un corps d'homme qui semble faire
des signes, comme dans Cendrillon.
Ou des bruits de pas qui ne correspondent pas au déplacement qui a lieu
au plateau. Et c'est à nous, en scène,
de rendre une qualité de présence
qui va permettre à ces points d'étrangeté d'être porteurs d'intensité, de ne
pas être seulement formels. ça peut
être quasiment invisible pour le public,
comme quand Joël fait supprimer les
poches d'un manteau, parce que ce
détail-là pourrait distraire le comédien, l'induire à jouer dans un style
Actors' Studio, alors que l'absence de
poches oblige au contraire à une certaine tenue du corps, à une tension.
C'est la même chose avec les noirs
des interscènes : on efface la situation
précédente, et on doit arriver parfaitement concentré, totalement investi
dans la suivante.
M. P. – Oui, les noirs sont absolus, ils
détachent les scènes l'une de l'autre.
Ils posent des plans, ils encadrent avec
netteté. Ça fait partie de cette quête
de l'essentiel, de ce qui se dégage pardelà l'anecdote. Un essentiel dans la
parole, dans le geste, dans le costume.
À chaque fois, le noir redonne un élan,
relance la recherche de concentration.
S. B. – Revenir à Les Marchands, à
Au monde, c'est revenir à une étape
antérieure de l'évolution du travail...
C'est curieux. C'est quelque chose
que nous n'avons jamais fait. ça va
être très intéressant d'observer ce
qui va se passer en nous. On ne le sait
pas. Mais on a déjà essayé les costumes. J'ai été très émue en essayant
ceux que je portais dans Au monde
– ça faisait quoi, dix ans ?
M. P. – On a créé le spectacle en 2004,
mais on l'a répété en 2003, donc oui,
ça fait dix ans, j'ai vérifié. Et la dernière fois qu'on l'a joué, c'était en
2008. Mais entre 2004 et 2008, c'est
une pièce qu'on a finalement moins
jouée que d'autres.
S. B. – Oui, pour ce qui est du spectacle,
je me rappelle mieux Les Marchands.
J'ai l'impression qu'en très peu de
temps, toute la construction, la succession des scènes pourrait revenir
assez simplement. Mais Au monde,
c'est plus complexe. D'ailleurs on ne
peut pas résumer cette histoire, quand
on essaie on perd toute la substance.
Les Marchands, c'est déjà une matière
racontée, il y a une narratrice qui fixe
des étapes. Au monde, c'est plus une
«Il va falloir
que j'aille
rechercher
cette très
jeune fille
d’autrefois.»
énigme, c'est un travail où il y a beaucoup de nuit. ça fait dix ans, et les premiers moments qui me reviennent en
mémoire, ce ne sont pas des bouts
6
Au monde / Les Marchands du spectacle mais des moments où
on cherchait, des instants complètement immobiles à l'avant-scène, où
Joël nous demandait d'être vraiment
totalement là... C'était très fort. J'étais
déjà plus âgée que mon personnage, et
maintenant, voilà que je dois y revenir
avec dix ans de plus... Quand j'ai essayé
le T-shirt, j'ai vraiment éprouvé combien on avait travaillé sur des positions
intérieures, et combien on a continué à
travailler depuis. Maintenant il va falloir
que j'aille rechercher cette très jeune
fille d'autrefois, là où elle se trouve
encore – avec peut-être un petit plus
de force, avec la solidité que j'ai maintenant. J'en ai très envie, ça me rend
très curieuse. Au monde, c'est un spectacle qui est très beau de l'intérieur. Je
me rappelle que Marie y est tout le
temps active, tandis que moi, je me
sens prise dans une lumière. C'est un
espace magnifique, avec ces grandes
fenêtres, et je me souviens que je me
tiens là, dans un petit débardeur... C'est
émouvant. Et je pense aussi à ceux qui
ne sont plus là – à la création, il y avait
Philippe Lehembre, un acteur prodigieux. Il est mort l'an dernier. à
quatre-vingts ans, il jouait de façon
plus moderne que beaucoup de jeunes
acteurs. Il pouvait travailler à partir de
rien, en étant simplement là, je me
souviens de l'avoir regardé qui avançait en diagonale en répétant simplement «Oui... oui... oui...» et en donnant
à chaque fois des couleurs différentes... J'apprenais énormément en
le regardant.
M. P. – Quand j'ai entendu parler de
la reprise d'Au monde et plus particulièrement pour moi de ce rôle, je me
suis sentie très, très contente, enthousiaste... Je sais que ça va être l'occasion de continuer à creuser un chemin.
Pour moi aussi, cet essayage de costumes, le fait de me reglisser dedans,
ça a été une replongée, comme dans
un rêve. J'ai retrouvé des sensations
exactes de ce personnage. Comme si
elles m'avaient attendu dans le tissu.
Comme si le costume était la peau des
situations. J'ai senti ma voix d'actrice
se renouer à celle du personnage, la
mémoire d'ensemble a commencé à
remonter. Et en même temps, de l'extérieur, je voyais une dame enfiler un
costume et cette dame c'était moi, je
sentais que mon corps avait changé...
Ce n'est pas forcément qu'on ait grossi,
c'est plutôt que quelque chose est plus
robuste, plus solide. Saadia a raison de
parler de solidité. Ce sont les mêmes
costumes, ceux de 2003. On peut dire
que les mesures objectives n'ont pas
changé, je rentre dans mes costumes,
mais ce sont les mesures subjectives
qui ne peuvent plus être tout à fait les
mêmes. Je me suis dit tiens, c'est drôle,
c'est bien la sensation d'il y a dix ans
mais je suis différente aujourd'hui, je
ne suis pas faite de la même étoffe, je
me sens plus «dame»... Tout le problème va être de refaire un dosage subtil, d'un côté ne pas nier ce qu'on est
devenus, et d'un autre côté maintenir
ce qui s'était imposé comme nécessaire, à l'époque de la création, dans
l'imaginaire de Joël. Dans cette pièce
particulièrement, ses personnages
sont comme des émanations d'idées
abstraites, des incarnations de paroles
qu'il a voulu prononcer sur le monde.
Alors comment on revient à de telles
présences, comment on réactive ça à
partir de ce qu'on est aujourd'hui, et
lui-même, à partir de lui, comment il
va retravailler ça ? Lui non plus n'oublie
jamais où on est, il le prend toujours en
compte, et en même temps il respecte
la quête qu'il a sur chaque spectacle. Là,
il va falloir doser un nouveau mélange
entre notre matière à nous, vivante,
organique, et sa demande expressive à lui, qui par certains côtés est
presque abstraite. à l'époque, quand
on répétait, il nous avait distribuées
sur Les Trois Sœurs de Tchekhov. Moi
j'étais Irina, Agnès était Macha, et toi tu
étais Olga. On avait travaillé quelques
scènes... C'était un hommage explicite,
textuel, et une façon aussi d'approcher
les personnages depuis un autre point,
comme à partir d'une vieille photo. Et
maintenant, dans la photo, il y a aussi
nos rôles.
S. B. – Quand j'ai mis les vêtements,
automatiquement, face au miroir, j'ai
pris une certaine attitude, je me suis
déhanchée d'une certaine façon
– c'était quelque chose du personnage,
une mémoire du corps, quelque chose
qui remontait et que je vérifiais devant
moi, dans la glace, comme pour me rassurer, pour voir que c'était intact, que
ça jouait bien...
M. P. – Je me rappelle, quand j'étais
petite, de ma mère ou d'autres femmes
qui racontaient «Ah là là, j'ai réessayé
ma robe de mariée...» L'autre jour, j'ai
pensé à elles et je me demandais ce
que ça allait me faire, à moi. Cendrillon
aussi, pour aller au bal, met une vieille
robe de sa mère. Le vêtement transmet quelque chose. Un autre temps.
J'ai enfilé mes chaussures, le bruit des
talons est important dans Au monde,
et je porte une robe qui m'interdit les
grandes enjambées. On fait fonctionner la mécanique, on la retrouve avec
plaisir. La difficulté va être de laisser
nos impressions être fluides, de ne pas
nous crisper sur la pure reconstitution.
Il ne faut pas que ça coagule, que ça
tourne à la pièce de musée.
S. B. – On a toujours eu envie de créer
un répertoire. De jouer et rejouer les
pièces pendant des années. De pouvoir
«Comme un
bulbe qu'on
replante et
qui refleurit.»
les remonter, les reprendre, de mûrir et
grandir avec. Là, on y arrive, ça y est.
C'est une expérience nouvelle.
M. P. – Voilà, c'est comme un patrimoine
accumulé. Comment faire pour que ça
reste vivant, pour que ça vibre ? L'enjeu pour nous tous va être de retrouver cette vie, de la réactiver. Comme
un bulbe qu'on replante et qui refleurit. Il ne faut surtout pas vouloir refaire
à tout prix. Il faut que nous repartions
de la réserve du rôle qui attend, de ce
qui est en sommeil en nous.
S. B. – J'ai pensé à cette nouvelle de
Borges, à Pierre Ménard qui réécrit
Don Quichotte mot à mot, comme un
palimpseste. Joël travaille déjà comme
ça avec le présent. Nous aussi, il va falloir trouver l'esprit qui redonne accès
aux mêmes mots, littéralement. Pour
réinvestir, reproduire sans copier. Et
pour ça, il faudra sans doute que nous
bougions des choses, Joël et nous,
des choses de l'intérieur. Des choses
invisibles.
Propos recueillis par Daniel Loayza.
Paris, 19 juin 2013
Marie Piemontese dans Au monde © élisabeth Carecchio
OD
Handicap
7
Yeelem Jappain © Fanny Gauthier
handicap
Brève histoire
de l'éloquence
muette
quand les mots prennent corps
Elles sont trois. Trois «entendantes» à
être tombées dans la culture sourde :
Yeelem Jappain, Margaux Crapart et
Zelda Perez. Trois comédiennes qui
travaillent aussi à l'Odéon-Théâtre de
l'Europe, à l'accueil du public et à la
billetterie. Yeelem a appris la Langue
des Signes Française (LSF) à l'International Visual Theatre (IVT) ; Margaux,
à l'Académie de la Langue des Signes
Française (ALSF). Quant à Zelda, elle a
débuté grâce à Margaux.
Yeelem, Margaux et Zelda témoignent
de l'implication de l'Odéon au service
des publics malentendants. Mais aussi
malvoyants : l'une de nos chargées de
relations avec le public, Alice Hervé, va
devenir l'interlocutrice privilégiée des
spectateurs à handicap auditif ou visuel.
à ce titre, elle sera chargée d'organiser
les représentations avec audiodescription et adaptées en LSF. Dès la rentrée
est prévue une action de sensibilisation
de tout notre personnel à la situation particulière de ce public. Une présentation
de saison spécialement conçue à l'intention des malentendants, fruit de la collaboration du théâtre avec l'association
Accès Culture, aura lieu le 23 septembre
dans le 6e.
à écouter Yeelem et Margaux, on comprend pourquoi ces jeunes comédiennes, tout comme l'Odéon-Théâtre
de l'Europe, portent une attention
particulière aux autres cultures, aux
autres formes du dire et de l'écoute.
L’adaptation en LSF n'est pas qu'une
histoire de mots mais aussi de situations et de corps. Elle déploie tout un
espace d'expressions, de postures
et d'intentions, mobilise une intelligence physique et contextuelle qui lui
est propre.
A priori, rien ne les disposait à se tourner vers cette culture : ni personnes
sourdes dans leur entourage, ni rencontre particulière. Rien, sinon une sensibilité particulière, une intuition qui fait
dire à Margaux : «J'ai le cerveau d'un
sourd, parler sourd m'est plus facile
que le français. Des mots sur lesquels je
butais s’éclaircissent en signant». Selon
Yeelem, il faut se détacher de l'organisation de sa langue maternelle ; il faut aimer
être à la fois la situation et tous les personnages. On ne raconte pas une histoire
du dehors mais du dedans. «On n'attrape
pas une mouche. Il y a déjà la mouche,
elle vole, puis on est là et on l'attrape. Je
suis l'attrapée et l'attrapant».
L'amour
L'adaptation de spectacles en LSF (telle
que la pratique le comédien Laurent
Valo avec l'association Accès Culture
et l'Odéon) est donc une œuvre en soi.
Notre regard de spectateur se pose
tour à tour sur le spectacle en train de
se faire et sur le comédien sourd devenant lui-même spectacle. «J’ai vu mon
fils, sourd lui aussi, s’éclater complètement et mon mari apprécier enfin un
spectacle au même titre que toutes
les autres personnes», nous écrivait
une spectatrice à la sortie d'une version
signée du Cendrillon de Joël Pommerat :
«ça fait du bien de se sentir égal à son
voisin.»
L’accessibilité à l'Odéon-Théâtre
de l'Europe
-Un site internet avec un espace accessibilité : les spectacles adaptés en
Langue des Signes Française, les spectacles avec audiodescription, les plans
d'accès aux salles
-La création d'un tarif spécifique
Dans certains monastères où la règle
de silence était observée, des lexiques
de 500 à 1300 signes ont été inventés
dès le Moyen âge afin de communiquer
sans parler.
Audiodescription
La Bonne âme du Se-Tchouan
de Bertolt Brecht, mis en scène par
Jean Bellorini aux Ateliers Berthier, les
dimanches 1er et 8 décembre à 15h
Les Fausses Confidences
de Marivaux, mis en scène par Luc Bondy
au Théâtre de l'Odéon, les dimanches 2 et
9 février à 15h, le mercredi 5 février à 20h
LSF
Une année sans été
de Catherine Anne, mis en scène par
Joël Pommerat aux Ateliers Berthier,
le mercredi 30 avril à 20h. Adaptée par
Sandrine Schwartz, interprète-comédienne LSF.
Réservation pour les représentations avec
audiodescription et adaptées en LSF :
Alice Hervé
[email protected]
01 44 85 40 47 / 06 22 19 01 76
COMMENT
ON
Margaux Crapart © Colin Guillemant
je ne sais pas
En France, on doit à l'abbé CharlesMichel de l'épée (1712-1789) la fondation de la première école publique pour
personnes sourdes. Ayant observé les
signes naturels qu’utilisent certains
sourds, il décide de regrouper et d'instruire ensemble les enfants souffrant
de ce handicap. Après avoir fait devant
la Cour la démonstration des progrès
de ses élèves, il obtient l'autorisation
d’ouvrir une véritable école. Cet établissement deviendra l'Institut national
des jeunes sourds, aujourd'hui mieux
connu sous le nom d'Institut SaintJacques, à Paris.
Il a fallu attendre la loi Fabius (1991)
pour que soit favorisée l’éducation
bilingue pour les sourds (LSF et français écrit et oral).
La LSF a été reconnue comme langue
officielle en France en février 2005,
trois ans avant d'être inscrite parmi
les options du Baccalauréat (coefficient 1, seuls les points au-dessus de
la moyenne comptent).
je t'aime
8
Les bibliothèques
de l’Odéon
Voix de femmes – Grande salle
Réalisées par Blandine Masson / Préparées par Baptiste Guiton
Lectures suivies d'un entretien animé par Jean Birnbaum
En coproduction avec France Culture / Enregistrement public
En partenariat avec Le Monde des livres
Yasmina Reza
Emmanuelle Devos
Les écrits s'envolent,
les paroles restent
Daniel Loayza – D'où vous vient votre
passion du théâtre ?
Lundi 30 septembre / 20h
(sous réserve)
Lecture de Heureux les heureux
Un couple qui s'engueule au supermarché, un adolescent qui se prend pour Céline
Dion, un joueur de bridge qui se met en colère au point d'en avaler un Roi de
trèfle... Dans cette série de saynètes quotidiennes, Yasmina Reza met en scène
des êtres bouleversants. Tous tentent de faire face aux assauts de la vie, à l'usure
du temps comme aux blessures de la solitude. Pour ce faire, leur seule arme est
le rire. Avec une immense sensibilité et un humour salvateur, Reza signe ici son
grand roman de la désolation humaine. Jean Birnbaum
Virginie Despentes
Anna Mouglalis
Lundi 14 octobre / 20h
Lecture de King Kong Théorie
Ce qui est clair, c’est que je ne serais pas content, si j’étais née homme. C’est
étonnant de voir qu’autant d’hommes donnent l’impression de tenir à ce point à
leur carcan de masculinité. Il s’agit quand même d’une amputation émotionnelle
brutale, constante et salement exigeante. Je crois qu’on assiste en direct à l’effondrement de la «norme hétérosexuelle», et qu’il serait urgent de l’accompagner de
discours novateurs sur la masculinité. Si on imagine que les choses telles qu’on
les connaît persistent encore une vingtaine d’années, je pense qu’on assisterait
à une véritable explosion des genres et des conventions culturelles et politiques
qui nous tiennent depuis des siècles.
Virginie Despentes, propos recueillis par Henri Belin et Susana Arbizu. 7 février 2008
Exils – Grande salle
Animés par Paula Jacques / Enregistrement public
En coproduction avec France Inter
Anaïs Nin
Catherine Millet
Lundi 7 octobre / 20h
«Parfois je pense à Paris non comme une ville mais comme un havre. Protégé, fermé,
abrité, intime. Le bruit de la pluie de l'autre côté de la fenêtre, l'esprit et le corps enclins à l'intimité, aux amitiés, aux amours. Encore une journée intime et abritée d'amitié et d'amour, une alcôve. Paris intime comme une chambre. Tout conçu pour l'intimité. Cinq à sept c'était l'heure magique des rendez-vous d'amour. Ici c'est l'heure
des cocktails. New York est tout le contraire de Paris. On se soucie bien d'intimité !
On ne porte aucune attention à l'amitié et à son développement. Rien n'est fait pour
adoucir la dureté de la vie elle-même. On parle beaucoup du «monde», de millions,
de groupes, mais aucune chaleur entre les êtres...» Anaïs Nin, septembre 1940, Journal t.3
Les Dix-huit Heures de l’Odéon
Salon Roger Blin
Fantômes en littérature
Soirées présentées par François Angelier, producteur à France Culture de Mauvais Genre
En partenariat avec le Centre des Monuments Nationaux et France Culture
Sleepy Hollow
de Washington Irving
Mercredi 9 octobre / 18h
La lecture sera présentée le samedi 12 octobre à l'Abbaye de Cluny
repenser l'humanisme
Animé par Catherine Portevin
En partenariat avec Le Seuil et Philosophie Magazine
La signature humaine
Jeudi 10 octobre / 18h
Entretien avec Tzvetan Todorov
«Les valeurs humanistes ne sont pas inventées, elles sont découvertes»
festival des outre-mers
Animé par Christian Tortel
En partenariat avec le Festival des Outre-Mers
«De l'autre côté de la mer»
Vendredi 11 octobre / 18h
«Conditions noires»
Vendredi 18 octobre / 18h
Entretien avec Gisèle Pineau
Entretien avec Pap Ndiaye et Jean-François Niort
Blandine Masson – J'ai des parents
formidables, incroyablement vivants.
Ma mère est une comédienne dans
l'âme. Elle a travaillé aux Célestins,
à la Comédie de Saint-étienne du
temps de Jean Dasté. Jouer, c'est
la passion de toute sa vie, et cette
passion a longtemps été contrariée.
C'était extrêmement douloureux pour
elle. Le théâtre était bien là, mais la
transmission s'est plutôt faite par
capillarité. Cela peut paraître paradoxal, mais c'est à cela que je dois
mon amour des comédiens, parce
que je sais qu'il n'y a rien de plus terrible qu'un acteur qui ne joue pas ! La
soixantaine venue, ma mère s'y est
remise, a monté une petite troupe,
s'est impliquée aux ATP, les Amis du
Théâtre Populaire, qui sont particulièrement actifs à Aix. Et pour ses 80
ans, elle a souhaité jouer Conversations avec ma mère. Nous nous
sommes cotisés, famille et amis, pour
engager un metteur en scène et un
acteur et lui permettre de travailler
dans des conditions vraiment professionnelles. La première est prévue en
octobre. On ne pouvait pas lui faire de
plus beau cadeau.
D. L. – Le lien avec la fiction radio n'est
donc pas aussi évident qu'il le semblerait ?
B. M. – Je ne suis devenue réalisatrice radio qu'à l'âge de 34 ans. J'ai
commencé par un DEA de littérature
à Aix, avec Raymond Jean. La littérature, c'était mon truc, comme on dit,
et ça l'est toujours. Puis je suis montée à Paris et j'ai entrepris un diplôme
à l'Institut Français de la Presse, sans
trop d'enthousiasme. Mais j'ai fait des
rencontres. Par Raymond Jean, j'ai
fait la connaissance d'Antoine Spire,
qui m'a fait entrer une première fois
à la radio. J'ai aussi connu Michel
Simonot, le fondateur de l'ANFIAC,
l'Association Nationale pour la Formation et l'Information Artistiques
et Culturelles. Sachant que j'étais
formée au secrétariat de rédaction, Michel, qui était extraordinairement généreux, m'a proposé de
créer avec lui une revue qui traiterait
des conditions de la création artistique. Et je suis devenue rédactrice
en chef, secrétaire, correctrice des
Cahiers du renard. Une chance ! J'ai
sorti 13 numéros bimensuels entre
1989 et 1994. Un numéro s'intitulait
«L'art d'hériter», ce qui n'est pas sans
rapport avec ce dont on parle en ce
moment...
D. L. – C'est aussi en ce temps-là que
vous avez connu Michelle Kokosowski ?
B. M. – Elle avait fondé l'Académie
Expérimentale des Théâtres en
1990. C'est elle qui m'a fait connaître
Heiner Müller, c'est grâce à elle que
j'ai enregistré une rencontre avec
Grotowski... Là aussi, quelle chance !
J'ai suivi quasiment toutes les activités de l'Académie, et je me suis en
quelque sorte formée au théâtre à son
contact.
9
CARTE LES BIBLIOTHÈQUES DE L'ODÉON
Carte 10 entrées 50€ / À utiliser librement.
Programme complet
Brochure détaillée saison 13-14
disponible mi-septembre.
D. L. – Qu'est-ce qui vous a conduite
à choisir entre l'édition et la radio ?
B. M. – Les circonstances, et puis une
autre rencontre, décisive. C'était en
1995. Pour la première fois depuis dix
ans, la radio a ouvert un recrutement
de réalisateurs. J'ai été prise, et c'est
de là que date ma vraie proximité de
travail avec Alain Trutat. Ceux qui le
connaissent déjà savent qu'il a joué un
rôle énorme dans la vie culturelle française. Il avait été le secrétaire d'éluard,
l'ami de Paulhan, de Tardieu, d'Adamov,
un proche de Beckett, un interlocuteur de Vilar... Quand on demandait à
Alain Crombecque qui avait compté
pour lui, l'un des deux hommes qu'il
citait, c'était Alain Trutat. C'est lui
qui lui avait présenté Michel Leiris,
c'est encore lui qui a rendu possible
India Song à la radio... Un travail
immense. Toute une vie pour la radio,
où il avait fait ses débuts vers 1932,
à l'âge de dix ans, comme comédien.
Mais beaucoup de gens n'ont même
pas entendu parler de lui. Il avait fondé
l'Atelier de Création Radiophonique au
début des années 1960. C'était un très
grand réalisateur... Alain m'a beaucoup fait confiance, et il m'a formée.
Il m'a fait écouter et digérer des centaines d'heures sur le théâtre citoyen,
sur le théâtre en Avignon, des nuits
entières d'archives de Maria Casarès,
des nuits d'Alain Cuny... Il m'a d'ailleurs
envoyée chez eux pour les rencontrer.
C'est sur son initiative que j'ai pu adapter les journaux d'Helen Hessel et HenriPierre Roché, que j'avais coédités chez
André Dimanche, en les entrecroisant
© Cordula Treml
avec des extraits tirés du roman, mais
aussi du film de Truffaut. C'est encore
lui qui m'a fait écouter les archives
Copeau... Il m'a fait renouer ce lien
qui avait été occulté en moi du fait de
l'histoire de ma mère. Il a remis en jeu
cette part qui ne se jouait nulle part. Il
m'a donné plus qu'une mémoire, comment dire ? une mémoire de mémoire.
Je me souviens d'avoir entendu, mais
aussi d'avoir entendu grâce à Alain, et
donc, de porter quelque chose de son
écoute dans la mienne.
D. L. – C'est ce qu'on appelle une
tradition...
B. M. – Oui, sans doute. Je suis fière
que Laure Adler ait pensé à moi pour
occuper son poste. Lui qui a tout
refusé, les honneurs, les distinctions,
les cérémonies, et même son propre
enterrement, il avait envie que quelque
chose vive de son travail. Mais il ne voulait pas laisser de trace de lui-même.
Ses derniers mots ont été : «Silence
– silence...» J'ai quand même fait une
émission pour lui rendre hommage, en
2006. Michel Piccoli y parle de lui de
façon magnifique... Voilà. Le théâtre,
pour moi, s'est noué ou plutôt renoué
par ces gens-là. Avant tout par Michelle
Kokosowski et Alain Trutat. C'est mon
couple de théâtre à moi ! Et après, il a
fallu que je me lance à mon tour.
D. L. – Deux mots sur «Voix de femmes»
à l'Odéon ?
B. M. – J'ai beaucoup aimé «Scènes
imaginaires». Une vraie réussite de
radio. «Voix de femmes» part d'un
principe plus simple, mais j'en attends
également beaucoup. Il y aura deux
volets dans chaque émission. D'abord
une lecture, qui sera comme une première rencontre entre un texte et une
interprète. Puis un entretien, c'està-dire une seconde rencontre, entre
la femme auteur de ce texte et Jean
Birnbaum, du Monde des livres. Ce
que j'apprécie dans ce travail avec
l'Odéon, c'est que nous prenons le
temps, à tous les niveaux. On construit
un cycle sur toute une saison, avec un
vrai choix des auteurs, des œuvres,
des
interprètes.
Avec
Virginie
Despentes, le projet est très lié à l'actrice, Anna Mouglalis. Elle va lire King
Kong Théorie. Despentes m'avait dit
un soir, il y a longtemps : jamais vous
ne voudrez de moi à France Culture !
Comme quoi... Yasmina Reza, elle non
plus, ne se réduit pas au théâtre. Je
l'aime beaucoup. Peut-être qu'elle est
victime de son succès, qui a suscité
certains préjugés. On a fait trop peu
de choses avec elle à la radio. Quant à
Julia Kristeva, c'est une vraie satisfaction personnelle. Il y a déjà longtemps
qu'elle avait écrit une pièce pour plus
de vingt comédiens, tirée de son livre
sur Sainte Thérèse d'Avila. Laure Adler
a suivi tout son travail de près. Elle
lui avait suggéré de le remanier, puis
m'a confié le dossier. Le résultat est
un très beau monologue, qui appelle
le plateau. Donc, je guettais l'occasion depuis un moment... Mais je suis
tenace, et j'ai bonne mémoire. Pour la
Thérèse de Kristeva, il nous faut évidemment une très, très grande inter-
prète. Nous avons une piste, qui attend
d'être confirmée.
D. L. – Allez-vous réaliser ces émissions vous-même ?
B. M. – Je tiens à ne pas me couper
complètement de l'artistique. Malheureusement cela demande beaucoup
de temps, et le temps est justement
ce qui me manque... Seule exception, La Décennie rouge, de Michel
Deutsch, que j'ai réalisé en 2006 avec
Georges Lavaudant. Mais sinon, je ne
peux plus faire que du direct. Ce qui
crée un autre lien avec le théâtre, en
Avignon par exemple : le 13 juillet, je
vais réaliser au Musée Calvet Tombé
hors du temps, le tout dernier texte de
David Grossman, pour sept personnages. J'ai une très belle distribution.
De même, le «Voix de femmes*» avec
Julia Kristeva est un rendez-vous que
je veux réaliser personnellement.
la littérature, par l'autre au théâtre.
C'est déjà du corps, mais pas tout à
fait ; déjà de l'espace, mais pas tout
à fait... Quelque chose de l'écrit paraît
s'évaporer, quelque chose de la parole
semble se fixer. Mais à la limite, il suffit d'une voix et d'un micro. Un acteur
peut faire tous les rôles d'une pièce.
On a dans nos archives un Nekrassov
de Sartre entièrement interprété par
Pierre Brasseur : c'est génial ! On a
aussi une Phèdre avec Alain Cuny
qui joue Phèdre, Hippolyte, Thésée,
Théramène et les autres, ou une
électre entièrement interprétée par
Silvia Monfort... Denis Podalydès m'a
fait tout seul, chez lui, tous les rôles de
Cinna, de Corneille, et je n'avais jamais
compris la pièce aussi bien. Peut-être
qu'on pourrait reprendre l'idée d'une
telle série à l'Odéon, pour une prochaine collaboration !
Entretien réalisé à Paris le 21 juin 2013
D. L. – Qu'est-ce que le théâtre aurait
encore à apprendre de la radio ?
B. M. – En fait, ça marche dans les deux
sens : la radio reste toujours à l'écoute
du théâtre, à la chasse aux voix, que
ce soit celles des auteurs, des interprètes ou des metteurs en scène. Vitez
disait qu'on peut faire théâtre de tout.
On peut en dire autant de la radio : on
peut tout y combiner, tous les genres,
toutes les techniques de narration,
le direct et l'archive, le simple et le
complexe, dans tous les dosages et à
toutes les vitesses. C'est que la spatialité de la radio tient par un côté à
Blandine Masson
commence à réaliser des fictions radiophoniques pour France Culture en 1996. Depuis
2004, elle est conseillère de programmes
pour la Fiction sur France Culture.
* Julia Kristeva, Lundi 17 mars / 20h
Tandis qu'elle agonise, Thérèse mon amour
(sous réserve)
La Scène Imaginaire de Joël Pommerat.
Enregistrée et diffusée par France Culture
De gauche à droite : Arnaud Laporte,
Joël Pommerat, Marie Piemontese,
Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Ruth Olaizola
© Cordula Treml
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Peu après avoir été invitée pour la deuxième fois à Cologne pour participer aux cinquantièmes Rencontres Théâtrales (Theatertreffen) avec Reise durch die Nacht, Katie Mitchell
est revenue à Berlin à la mi-février 2013 pour la création mondiale de sa mise en scène du
Papier peint jaune. Récemment traduite par Diane de Margerie sous le titre de La Séquestrée,
la nouvelle de Charlotte Perkins Gilman (1860-1935), l'un des premiers classiques du féminisme outre-Atlantique, est un récit semi-autobiographique, le journal d'une femme qui succombe peu à peu à des hallucinations dans une chambre tapissée de papier peint jaune.
Cette version, adaptée par Lyndsey Turner et traduite en allemand par Gerhild Steinbuch,
est un thriller multimédia : on y retrouve les techniques de tournage en direct qui ont fait la
réputation de Katie Mitchell.
20 – 26 septembre / Berthier 17e
DIE GELBE
TAPETE
Le Papier peint jaune
d’après Charlotte Perkins Gilman
mise en scène
Katie Mitchell
en allemand, surtitré
version anglaise de
Lyndsey Turner
traduction en allemand
Gerhild Steinbuch
scénographie
Giles Cadle
costumes
Helen Lovett Johnson
cinéaste
Grant Gee
vidéo
Jonathon Lyle
musique
Paul Clark
création son
Gareth Fry, Melanie Wilson
lumière
Jack Knowles
bruitages
Ruth Sullivan
dramaturgie
Maja Zade
avec
Judith Engel
Ursina Lardi
Tilman Strauß
Iris Becher
Luise Wolfram
Cathlen Gawlich
et Jesse Mazuch
Maurice Wilkerling (caméras)
production
Schaubühne am Lehniner Platz – Berlin
créé le 15 février 2013 à la Schaubühne am
Lehniner Platz – Berlin
durée 1h20
Die gelbe Tapete 11
Un thriller
multimédia
Summer Banks – Comment avez-vous
transposé la nouvelle sous forme
dramatique ?
Katie Mitchell – La première chose que
nous avons faite a été de donner le texte
à lire à un psychiatre de mes amis, parce
que je voulais comprendre s'il s'agissait
de littérature, de poésie, ou de la description psychiatrique vraiment précise
d'un certain état. Il l'a lu et m'a dit qu'il
«Un portrait
classique de
la dépression
post partum.»
s'agissait d'un portrait classique de la
dépression post partum – d'une exactitude totale. Ce qui était plutôt excitant !
Nous nous sommes rendu compte que
nous avions là des matériaux qui étaient
très précis d'un point de vue psychiatrique. Et après cette découverte, nous
avons décidé que nous ne voulions pas
laisser cette histoire dans les années
1890, son époque d'origine, que nous
allions la situer dans l'Allemagne d'aujourd'hui : un couple berlinois qui part
à la campagne dans le Brandebourg.
Nous avons modernisé l'intrigue, nous
l'avons remise à jour, et nous en avons
tiré un script en neuf scènes incluant le
recours à des caméras live au plateau
pour conduire le récit.
S. B. – Votre usage du cinéma en direct
est devenu si constitutif du projet, si
omniprésent, qu'il appelle la question :
pourquoi ne pas avoir tout simplement
tourné un film ?
K. M. – C'est une bonne question, mais
ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que
le metteur en scène, de par sa fonction, est toujours dans une position
privilégiée face aux acteurs, qu'il est
tout près, qu'il peut tout voir. Mais si
vous êtes assis au sixième rang, vous
ne pouvez déjà plus apercevoir certains
détails. De ce point de vue, donc, et il
est vraiment important, tout le monde
peut avoir accès à l'ensemble des
détails les plus subtils du jeu. Et c'est
vivant, en direct. Qui dit mieux ? Cela
reste fidèle aux détails des processus
théâtraux vivants, directs, et en même
temps, le public peut voir tous ces
détails, en toute équité. Même si une
salle de spectacle n'est pas un espace
démocratique, quoi qu'on en dise.
S. B. – Trouvez-vous que le recours
au film live soit devenu pour vous un
procédé, une facilité ?
© Stephen Cummiskey
K. M. – Une facilité, jamais. Nous
essayons sans cesse de trouver de
nouvelles approches : à chaque fois,
nous fixons des objectifs artistiques
différents. […] Ici, nous avons essayé
d'aller plus loin dans les effets spéciaux : essayez donc de faire la femme
derrière le papier peint, c'est vraiment
difficile ! à chaque fois, nous repoussons les limites de ce qui est possible,
ou nous nous assignons un nouveau
but. Cette fois-ci, c'est le côté thriller
et les hallucinations.
S. B. – Ce ne sont pas les thrillers qui
manquent dans l'histoire du cinéma...
K. M. – Celui-ci s'inscrit dans la
longue tradition des thrillers courts
où il est question de gens qui habitent
des maisons étranges, très claustrophobiques, à l'intérieur desquelles
les choses finissent par déraper.
Nous avons aussi revu Répulsion, de
Polanski – un film sur une femme qui
petit à petit devient folle – et nous
avons pensé à Hitchcock. Dans la
construction du tournage en direct,
à mesure que nous mettions au point
«Nous
avons revu
Répulsion
de Polanski.»
le découpage, nous avons passé de
merveilleux moments à visionner des
films noirs à suspense. Et ce qu'il y
a de bien, je crois, c'est que comme
ce texte n'est pas très connu en
Allemagne, le public ne sait pas comment se termine l'histoire ! Ce qui de
notre point de vue est très excitant.
S. B. – Dans le texte original, la description de foules de femmes retenues captives derrière ce papier peint
peut être comprise comme caractérisant la position qui est celle des
femmes au sein de la société à la fin
du 19 e siècle. Quel est le poids de la
thématique féministe dans votre mise
en scène ?
K. M. – Dans une certaine mesure,
cela n'a d'importance que si vous
situez le récit dans son époque historique. Et donc, si vous le détachez de
son époque, alors il n'est plus cet événement féministe qu'il a été dans les
années 1890. Cela étant, il faut souligner qu'il n'y a pas tant de pièces
qui parlent de dépression postnatale, même aujourd'hui, et cela en
dit long sur notre culture. Les gens
n'aiment toujours pas que l'on parle
de ménopause, de menstruation,
de dépression postnatale ; tous ces
phénomènes qui sont ancrés dans
le corps féminin ne sont pas souvent
abordés sous forme dramatique. Du
côté du corps masculin, par contre,
on en fait des tonnes, et débrouillezvous avec ça. Je veux dire, ce n'est
pas que ce soit sans intérêt, mais il y
en a vraiment beaucoup ! (Rires)
S. B. – Estimez-vous qu'il est de votre
responsabilité d'aborder ces questions
que pose le féminisme, surtout depuis
que vous êtes mère d'une fille ?
K. M. – évidemment, les jeunes filles
sont sexualisées tellement plus tôt de
nos jours. Je sens, dans mes actions
en tant que femme, que je dois pouvoir
en rendre compte devant ma fille, ce
qui fait que je ne peux pas, dans mon
travail, balayer mon identité de genre
sous le tapis. Il faut que je fraie une
voie pour ma fille, pour ses certitudes
et son assise politique. Quand j'étais
plus jeune, je me sentais souvent classée, enfermée dans une catégorie, et
comme je tenais à ce que l'on fasse
preuve d'équité, je ne voulais pas que
mon identité de genre soit un problème.
Je voulais que le travail ne soit que du
travail et qu'il soit jugé comme tel,
séparément, mais avec l'âge, je sens
que je dois pouvoir être en mesure de
rendre des comptes.
S. B. – La crise économique a également eu un impact sur les financements, mais l'Allemagne est parvenue
à maintenir ses subsides à un niveau
relativement stable...
K. M. – Je ne sais pas trop, mais il me
semble que plus ça va mal, plus on a
besoin d'art ! Si la crise économique
s'aggrave, ce devrait être le dernier
poste à sacrifier ! Cela dit, on a évidemment des besoins en matière de santé et
d'éducation, ce qui fait que chez nous,
nous sommes dans de beaux draps. Il
y a beaucoup de coupes budgétaires.
S. B. – Et le budget des arts, en règle
générale, est le premier sur la liste.
Quelle évolution avez-vous remarquée
au Royaume-Uni depuis quelques
années ?
artistique très pure. Même si cela
implique de monter des structures
alternatives, de mettre au point des
façons de travailler qui soient hors des
structures commerciales traditionnelles. Je crois que c'est cela qu'il faut
établir : une culture alternative qui dise
«non, les valeurs du théâtre sont importantes et on ne peut pas toujours les
reporter sur un bilan comptable».
S. B. – Comment caractériseriez-vous
donc ces valeurs du théâtre ?
K. M. – Nous avons tous connu ce
moment où après avoir lu un livre, vu
un spectacle, cela résonne si profondément en nous que nous comprenons
quelque chose sur nous-mêmes ou sur
notre société, et où notre comportement commence imperceptiblement
à changer. Le problème sera toujours
qu'il n'est pas facile de faire sentir
concrètement la valeur de l'expérience
qu'est la lecture d'un livre, la contemplation d'une peinture où la présence
à un spectacle, mais chacun peut citer
un moment où la lecture d'un livre, la
contemplation d'un spectacle ou d'une
œuvre d'art a affecté et transformé son
comportement, ou sa façon de regarder et de comprendre le monde, d'une
façon qui, avec le temps, a conduit
jusqu'à un certain point de plus haute
valeur, à un niveau plus profond, plutôt
que de déboucher sur «Ah, je me suis
«Imaginez un
monde sans
musique...»
K. M. – En étant rusée.
encore fait un peu plus d'argent». Non,
c'est plus profond ; c'est sur un plan
métaphysique que j'ai été déplacée,
que je me suis enrichie. Et comment
vous faites pour quantifier ça ! (Rires)
Imaginez le monde sans musique, sans
danse, sans théâtre ni peintures. Imaginez ça, tout simplement. Ouf ! Peut-être
que c'est par ce biais qu'il faut envisager le problème : à quel point ce serait
là un monde appauvri.
S. B. – Quel conseil donneriezvous à de jeunes metteurs en scène
britanniques ?
S. B. – Autre tendance intéressante,
le nombre croissant de collaborations
internationales...
K. M. – Acceptez le fait que vous
n'allez pas gagner votre vie et faites
l'œuvre que vous voulez faire.
K. M. – C'est vraiment important : à
mesure que les problèmes écologiques
évoluent et que les problèmes économiques s'aggravent, nous allons devenir de plus en plus isolés, repliés sur
nous-mêmes. L'art reste un espace où
cela ne se produit pas. Il y a encore de
merveilleux lieux de collaboration et
d'échange.
K. M. – La commercialisation. Sur ce
terrain-là, ce sont les bilans comptables qui décident. économiquement, c'est un secteur en pleine santé,
et l'élan qui l'anime est celui-là : il s'agit
de faire de l'argent, non de l'art.
S. B. – Alors comment êtes-vous parvenue à faire de l'art quand même ?
S. B. – Autrement dit, acceptez la perspective d'être un artiste affamé ?
K. M. – Ma génération a démarré dans
les années 1980, et ça n'a vraiment pas
été facile à cause de Thatcher. Nous
étions bel et bien des artistes affamés,
et ceux d'aujourd'hui sortent de l'université avec de lourdes dettes. Mais je
voudrais malgré tout leur dire : trouvez d'autres sources de revenus et
ne vous laissez pas entraîner dans la
commercialisation – suivez une ligne
Entretien réalisé à Berlin le 15 février
2013, traduit de l'anglais par Daniel
Loayza (source : exberliner.com)
12 Die gelbe Tapete
L'énigme qui vous regarde
Pour une femme, la naissance d'un enfant n'est pas nécessairement «le plus beau jour de ma vie». Dix pour cent des jeunes
mères connaissent un épisode dépressif ; certaines d'entre elles (dont l'héroïne du Papier peint jaune) souffrent de troubles
psychiques plus graves. Sarah Stern a bien voulu nous faire part des réflexions que lui inspire sa lecture de la nouvelle.
Daniel Loayza – Pourriez-vous nous présenter votre travail en quelques mots ?
Sarah Stern – Je suis psychiatre travaillant en maternité. Il s'agit d'accompagner des femmes dans un passage qui
fait souvent resurgir de leur passé des
éléments douloureux, restés énigmatiques, de leur propre enfance. Un service de maternité, c'est aussi un lieu où
parfois les grossesses se passent mal,
où l'on peut perdre un enfant. Nous avons
donc constitué une équipe pour accompagner ces femmes vers la maternité.
D. L. – De quand date cette attention
médicale aux risques spécifiques de la
période périnatale ?
S. S. – Le premier à avoir publié un
traité entier sur ce qu'il appelait «la
folie des femmes enceintes et des
jeunes accouchées» est un aliéniste
Français, un élève d’Esquirol, LouisVictor Marcé, qui a poursuivi le travail initié par son maître sur la folie
puerpérale. Son étude date de 1858.
C'est un clinicien très fin, sans théorie a priori, qui aborde en détail des
dizaines de cas. Marcé est déjà d'une
sensibilité très moderne, qui m'a surprise quand j'ai découvert son œuvre.
Mais il était extrêmement isolé. Thérèse
Lempérière, dans un ouvrage récent,
a écrit sa biographie. Il s'est suicidé à
quarante ans, et cette fin dramatique
pour l'époque doit avoir beaucoup nui
à la diffusion de son travail. Depuis, on
lui a rendu justice. L'association pour
l'étude des pathologies psychiatriques
puerpérales et périnatales s'appelle
d'ailleurs la Société Marcé.
D. L. – En tout cas, vers 1890, son œuvre
n'a pas laissé de trace chez les médecins
que décrit Charlotte Perkins Gilman...
S. S. – Absolument. La façon dont cette
jeune femme est confinée, et les raisons pour lesquelles on prescrivait un
tel isolement, sont terribles. Ce genre
de traitement visait à écarter toute
stimulation intellectuelle, pour réduire
au minimum l'activité psychique. En
termes plus modernes, l'idée sousjacente était de rétablir ou de renforcer les mécanismes de refoulement.
Souvent, au moment de la grossesse,
des éléments de l'histoire personnelle ressurgissent de l'enfance : quel
enfant j'ai été, quel parent je peux
devenir... Des questions qu'on avait
laissées en suspens sont relancées.
Ce qui ébranle le refoulement. Ou
alors, tellement d'éléments sont mobilisés que cela en devient douloureux :
on sombre dans la dépression, on ne
pense plus, on ne peut plus associer,
rêver, dormir... Le traitement dont il est
question dans La Séquestrée vise à renforcer le refoulement et va dans le sens
de la dépression en livrant la patiente
à une sorte de mort psychique.
D. L. – Quel regard avez-vous posé sur
La Séquestrée ? La metteur en scène
affirme que son premier réflexe a été de
soumettre ce texte à un ami psychiatre...
S. S. – … Qui lui a dit qu'il s'agissait d'une
description clinique exacte. Oui, c'est
une lecture possible. Mais pour moi, ce
qu'il y a de très intéressant dans cette
nouvelle, c'est de voir comment le mal
progresse. Ce n'est pas une dépression
du post partum. Une autre logique est
à l'œuvre, psychotique. L'héroïne est
persécutée. Le papier peint s'adresse
à elle, du dehors. Ce mouvement où
elle est d'abord passive devant ce qui
se passe, où elle est livrée comme un
objet exposé à un regard, cela est proprement psychotique.
D. L. – Dans la mise en scène, l'héroïne
est comme répartie entre plusieurs
instances : celle qui vit, celle qui parle/
pense et se tient un peu en retrait...
S. S. – On pourrait penser que ce dispositif figure le vécu dissociatif. ça parle,
ça pense en elle. Ce pourrait être une
façon de figurer la fragmentation des
perceptions dans l'expérience délirante. La présence de caméramen qui
la filment renforce cette impression. Elle
nous fait éprouver à notre tour combien
cette femme est regardée, ce qui est au
cœur du vécu psychotique. Elle qui est
prisonnière sous la surveillance quasi
constante de son mari et de la sœur de
ce dernier est aussi comme un objet
perméable, captée, envahie, harcelée
par une espèce de double d'elle-même,
par cette autre femme dont la captivité
est comme une mise en abyme de sa
propre situation. Une mise en abyme qui
est d'ailleurs plutôt littéraire.
D. L. – Que voulez-vous dire ?
S. S. – Quand la séquestrée se cache
pour écrire, c'est particulièrement
émouvant : c'est comme si elle essayait
d'entamer à son insu une autothérapie
par l'écriture, c'est-à-dire un dialogue,
dans la mesure où l'on écrit pour être
lu. Elle s'efforce de restituer dans le
langage l’étrangeté d'une expérience
hors langage. Mais cette étrangeté
vécue ne peut pas être tout à fait mise
en récit, parce qu'elle s'inscrit dans un
tout autre rapport au corps, au temps,
à l'espace. Comment faire le récit de ce
qui déconstruit les cadres et conditions
du récit ? Cette question-là est celle que
pose le délire comme sujet d'une écriture. Charlotte Perkins Gilman l’aborde
avec le style narratif de son époque, qui
reste littéraire même s’il s’agit d’un récit
à la première personne.
D. L. – L'expérience est l'objet d'une
reconstruction esthétique, d'une mise
en forme...
S. S. – On a en effet une double ressaisie ou retraversée subjective : celle
de l'auteur écrivant sa nouvelle et la
publiant, celle de l'héroïne se cachant
pour transcrire ce qui lui arrive. Mais
ce qui est remarquable ici, et qui fait
la modernité du récit, c'est son caractère très phénoménologique. L'héroïne
se contente de décrire ce qui lui arrive
et ce qui lui apparaît. Elle ne nous
apprend quasiment rien de son passé,
ne cherche pas d’explication dans son
histoire, ne formule pas vraiment de
revendication. Elle nous dit quelque
chose de son état, de l'infantilisation
qu'elle subit, mais sans aucune pos-
ture de révoltée. L'auteur est féministe,
mais son héroïne ne l'est pas. S'il y a
bien un désir de libération, il ne se
formule pas directement mais passe
par le délire, la mission qu'elle doit
accomplir : il faut libérer cette autre
femme, la prisonnière du papier peint,
qui n’est peut-être qu’ elle-même. Une
fois encore, j'ai trouvé cela très littéraire. Ce qui n’est pas en contradiction
avec la justesse clinique d’un récit qui
retrace une expérience psychotique
très concrète. Cet envahissement,
ce mouvement qui part du papier... Et
l'odeur, par exemple, cette odeur du
papier qui la suit partout, comme une
présence qui sature son espace perceptif, elle en parle d’expérience, elle
ne l’a pas inventé….
D. L. – Est-ce que la séquestrée ne finit
pas par revendiquer pour sien le territoire où elle a été assignée à résidence ?
S. S. – Et donc, elle se libérerait en
assumant son aliénation ? Ce serait
parler trop vite. Elle est livrée à la solitude. Et dans cette solitude d'autres
présences se sont construites qui l'ont
fait entrer dans un autre monde, celui
du papier peint. Mais cette chambre
est aussi un lieu où des enfants ont
vécu avant elle, et la façon dont elle
en parle au début de la nouvelle suggère qu’il s’y est passé quelque chose
de terrible, c'est une sorte de chambre
de torture. Elle perçoit dans cette
chambre la rémanence de la violence
dont les enfants ont fait l’objet avant
elle. Et par ce biais, elle dit quelque
chose de la condition des enfants et
de sa propre condition. On retrouve là
cette mise en abyme littéraire de son
propre enfermement dans le délire.
Que celui-ci traduise quelque chose
d’un désir d’affranchissement, soit.
Mais cela ne libère pas l'héroïne. Le
délire ne libérera jamais personne. Et
l'écriture à elle seule n'est pas thérapeutique, alors qu'une relation avec
un analyste permettant à un sujet
de prendre conscience de son désir
et de soutenir quelque chose de ce
désir peut l'amener à se révolter. à une
révolte qui soit transformation et non
déformation du réel.
D. L. – L'héroïne se montre très ambivalente à l'égard de ce papier peint. Elle
passe de l'horreur à la fascination, à
l'attention, puis à la sollicitude pour la
séquestrée...
Et à la fin, elle est à terre et rampe
comme la femme du papier peint. Mais
ce n'est pas une identification, c’est un
envahissement. Ce qui est littéraire,
c'est qu'on ne peut s'empêcher de
superposer la condition de ces deux
femmes, leur enfermement.
D. L. – Et qu'en est-il de son bébé,
finalement ?
S. S. – Le fait est qu'elle en parle très
peu. Et quand elle en parle, on a le sentiment qu'elle veut le protéger. Il faut qu'il
soit tenu à l'écart de cette chambre, de
ce vécu. Cette femme n'est pas dépourvue de sollicitude, d'attention pour son
bébé. Peut-être même que si elle en
parle si peu, c'est encore une façon de le
maintenir le plus loin possible de ce lieu
dangereux où elle se tient elle-même :
moins il existe, plus il est à l'abri ! Or s'il
a un nom, il existe déjà un peu – donc,
elle ne le nomme même pas... Au fond,
elle n'est pas encore devenue mère.
C'est là une attitude fréquente chez
les patientes présentant une psychose
puerpérale. Beaucoup de jeunes accouchées disent «Je ne suis pas capable de
m'en occuper bien.» Leur façon d'aimer
l'enfant, c'est d'abord de le préserver
d’elles-mêmes. En 1890, date du texte
de Gilman, cette distance entre le corps
maternel et celui de l’enfant pouvait passer inaperçue dans les milieux bourgeois. Au passage, il est intéressant de
noter que Marcé s'était intéressé non
seulement à la «folie des accouchées»
mais aussi à la «folie des nourrices», une
pathologie d'ailleurs assez étrange...
Dans ce cas-là, qu'est-ce qui impacte à
ce point le psychisme : les soins à l'enfant ? On n'a pas fini d'explorer la façon
dont le corps et l'esprit interagissent.
Entretien réalisé à Paris le 25 juin 2013
D. L. – Avez-vous été sensible aux efforts
de ressaisie descriptive de la narratrice ?
S. S. – Oui, bien sûr. Vous voulez parler des descriptions du papier peint,
avec ces étonnantes «lignes qui se
suicident» et ces grappes d'yeux qui
pendent. Il arrive des choses que la
narratrice ne sait pas comment saisir.
Le fait brut et énigmatique la laisse perplexe. Peu à peu, «ça» se constitue. Les
«lignes qui se suicident» deviennent
des figures. Progressivement, à partir
d'expériences fragmentaires, d'hallucinations, d'illusions, l'expérience
délirante primaire est interprétée et le
délire se construit. L'énigme qui vous
regarde pose la question : qu'est-ce
qui se passe ? C'est ça, le primaire.
Le secondaire, c'est la construction
du délire – car le délire fait sens. Il est
une réponse à cette adresse énigmatique du réel, fragmentaire au niveau
de la perception.
Sarah Stern
Responsable de l'Unité de Psychologie
Périnatale de l'hôpital Delafontaine à SaintDenis (93). Ces dernières années est apparu
un phénomène nouveau : des femmes en
errance, plus d’une centaine par an, en sortant de la maternité, ont dû faire appel au
Samu social pour avoir un toit. Sarah Stern
milite pour que soient mises en place des
conditions minimales d’accueil stable dans
la première année de la vie d’un enfant.
L’idée serait une maison de la mère et de
l’enfant leur assurant les besoins primaires
et un accompagnement de la relation mèreenfant. Psychiatre, Sarah Stern est également l’auteur d’un roman (Chroniques d'un
adultère, Léo Scheer, 2010) et d’un essai
(Déshabillez-moi. Psychanalyse des comportements vestimentaires, avec Catherine
Joubert, Fayard/Pluriel, 2011).
«De la
mélancolie
des nouvelles
accouchées»
Les hallucinations de l'ouïe, de la vue
et du goût ont été rencontrées dans
la plupart des cas, et n'ont présenté
dans leur manifestation rien qui mérite
d'être spécialement noté ; parmi nos
malades, les unes recherchaient dans
leurs rideaux, dans leurs meubles,
l'origine de voix qui les interpellaient ;
d'autres disaient qu'on sifflait et qu'on
chuchotait à leurs oreilles, une troisième entendait parler sans pouvoir
comprendre ce qui lui était dit. Je n'ai
trouvé qu'une fois des hallucinations de
la vue pendant l'état de rêve (Observ.
46) : deux fois il y a eu des hallucinations
du goût, et les malades ont fait des difficultés pour prendre des aliments qui
leur semblaient empoisonnés. (Observ.
47) Ces hallucinations n'existent souvent que pendant la période aiguë de
la maladie […].
Les actes des malades ont été la conséquence logique de leurs idées délirantes, ainsi que cela arrive chez la
plupart des aliénés. Sans insister sur le
refus d'aliments et sur les actions aussi
bizarres que variées, motivées par les
hallucinations ou les idées maladives,
disons que les tentatives de suicide
ont été observées un grand nombre de
fois. Une de nos malades (Observ. 46)
essaya de se tuer en avalant une cuiller d'étain, pour échapper, disait-elle, à
la honte dont elle était menacée ; une
autre répétait qu'elle avait manqué à
ses devoirs de mère et qu'elle n'était
plus digne de vivre, et il fallait la surveiller de près pour empêcher quelque
accident grave ; une troisième, dans
son délire, se frappait la tête contre les
murs afin d'échapper aux persécutions
dont elle était l'objet. Quelques-unes
chez lesquelles la dépression n'est pas
assez forte pour enlever à l'esprit toute
lucidité, apportent dans l'exécution
de leurs projets un sang-froid et une
adresse que l'on ne peut pas toujours
déjouer. Schmidt, cité par M. Weill, rapporte l'histoire d'une nouvelle accouchée mélancolique qui, trompant toute
surveillance, sortit la nuit de chez elle et
alla se précipiter dans un puits.
Le nouveau-né peut lui-même être gravement exposé, et il importe avant tout
de l'éloigner de sa mère : une de nos
malades répétait qu'elle voulait tuer
son enfant.
Louis-Victor Marcé : Traité de la folie
des femmes enceintes, des nouvelles
accouchées et des nourrices et considérations médico-légales qui se rattachent à ce sujet, Quatrième section,
chapitre II, article 2 («De la mélancolie des nouvelles accouchées : symptômes»), Paris, Baillière et fils, 1858,
pp. 265-267.
13
FAIRE VOIR UNE ÂME
QUI PLEURE
4 – 13 octobre / Berthier 17e
DIE BITTEREN
TRÄNEN DER
PETRA VON
KANT
Les Larmes amères
de Petra von Kant
Bibiana Beglau © Hans Jörg Michel
de Rainer Werner Fassbinder
mise en scène
Martin Kušej
en allemand,
traduction audio en simultané
scénographie
Annette Murschetz
costumes
Heidi Hackl
musique
Jan Faszbender
lumière
Tobias Löffler
dramaturgie
Andreas Karlaganis
avec
Bibiana Beglau
Sophie von Kessel
Elisa Plüss
Elisabeth Schwarz
Michaela Steiger
Andrea Wenzl
production Residenztheater
créé le 3 mars 2012 au Residenztheater
durée 1h55
13
Projection du film
Die bitteren Tränen der Petra von Kant
de Rainer Werner Fassbinder (1972)
en présence de Luc Bondy (sous réserve)
mardi 8 octobre à 20h
> Nouvel Odéon, Paris 6e / nouvelodeon.com
certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter
la sensibilité des plus jeunes, il est donc déconseillé aux moins de 16 ans
14
Sophie von Kessel © Hans Jörg Michel
«Fassbinder voulait tout»
Bibiana Beglau joue le rôle-titre de Die bitteren Tränen der Petra von Kant au Residenztheater de Munich
– et nous parle du dramaturge allemand.
Welt Online – Vous êtes une dure à cuire,
non ?
W. O. – L'amour non plus n'est plus ce
qu'il était ?
W. O. – Vous auriez aussi aimé travailler
avec lui ?
Bibiana Beglau – Je suis très exacte
dans ce que je fais. J'appellerais ça
du dérapage contrôlé. C'est important
d'avoir une monnaie d'échange. Et une
fois le marché conclu, il faut se livrer
à fond.
B. B. – L'amour ? Mais c'est chez nous que
quelque chose ne tourne pas rond. Ce que
je veux dire, c'est que quand une voiture
nous roule sur le pied, on pousse des
hurlements ! Quand on me casse le bras,
je pleure de douleur ! Mais quand c'est
l'âme ou le cœur qui sont blessés, personne ne crie. Ton âme encaisse des
coups, c'est épouvantable, et personne
ne crie. C'est ça que je ne comprends
pas ! Pourquoi les rues ne sont-elles pas
pleines de gens qui crient ? Au contraire,
en plus on exige de nous qu'on ferme nos
gueules, parce qu'il ne faudrait pas qu'en
sortent des mensonges ou de la trahison.
Si on ne le fait pas, on se fait accuser de
trahison quand même. C'est complètement pervers. Le monde à l'envers. Pour
cette cause-là, je veux bien rester quatre
heures de plus en scène à célébrer cette
forme de vaudou et d'exorcisme.
B. B. – En tout cas, il aurait fait bonne
figure dans la série de metteurs en
scène de théâtre que j'aime, des gens
comme Einar Schleef, Frank Castorf,
Christoph Schlingensief, Klaus Michael
Grüber. Des artistes qui s'exposent
dans leur travail et ne craignent pas de
se salir les mains.
W. O. – Comment l'entendez-vous ?
B. B. – Dans Petra von Kant, la question
c'est l'amour : qu'est-ce que c'est ? Comment ça marche ? C'est un sentiment
violent, archaïque – jusqu'à quel point ?
Qui est perdant, qui est gagnant ?
W. O. – Chez Fassbinder, Petra von Kant
est un petit huis clos vicieux. L'amour
de la styliste pour la jeune Karine, qui
ne se sert d'elle que pour lancer sa carrière, agonise lentement, silencieusement. Par contre, avec vous et Martin
Kušej, on sent presque physiquement
à quel point c'est douloureux.
B. B. – Martin et moi, nous voulions
créer un espace où la souffrance
intérieure devient visible. Dans les
mythes grecs, l'amour, son euphorie,
sa douleur, lance des héros comme
Ulysse à travers le monde. Quand
ces héros-là crient et souffrent, ça
prend les proportions de la guerre
de Troie. Il y a des rapts. D'énormes
armées qui se rassemblent. Des
monstres comme le Minotaure surgissent. Dans notre société, un lourd
couvercle pèse sur ces élans-là, et
on ne le soulève plus.
W. O. – Vous êtes encore plus radicale
que ne l'était Fassbinder !
B. B. – Mais non, je ne le suis pas.
Fassbinder y allait déjà assez carrément.
Dans ses films, dès qu'il s'agit de puiser
dans ses réserves, ça souffre, ça se tord,
ça braille, ça aime, ça désire franchement et à fond. Moi, j'admire ça.
W. O. – Quand Fassbinder a écrit Petra
von Kant, vous aviez…
B. B. – … En 1972 j'avais tout juste un
an. Dommage. J'aurais bien voulu le
connaître.
W. O. – à vous entendre, ce ne serait donc
pas toujours absolument indispensable.
B. B. – Sur le coup, on n'y réfléchit pas.
Tu es là ou tu n'y es pas. Et quand tu y es,
tu y es à cent pour cent. Tu fais quelque
chose, par exemple avec Schlingensief ou
Castorf, et tu es déjà dans la souricière.
W. O. – Fassbinder, vous en auriez peutêtre fait ce que vous vouliez. En tout cas
c'est l'impression que vous donnez.
B. B. – Je crois que Fassbinder voulait
tout, notamment sur le plan émotionnel. Des êtres pareils, on ne peut pas
leur échapper aussi simplement. ça ne
rimerait d'ailleurs à rien : s'exposer à lui
entièrement, ça faisait partie du travail.
W. O. – Il a traité son entourage, les acteurs
de sa bande, un peu comme Petra von
Kant son assistante Marlene : d'abord les
attentions, puis les humiliations.
B. B. – C'était un gars, je crois, qui était
une sorte de metteur en scène de la vie.
Il a passé son temps à bricoler avec les
comédiens jusqu'à ce qu'ils deviennent
exactement ce qu'il voulait qu'ils
soient. Hanna Schygulla, Irm Herrmann,
Margit Cartstensen et les autres, c'est
aussi dans la vraie vie qu'ils les a «faites».
W. O. – Ce qu'il y a de fascinant, c'est
qu'il n'a pas uniquement compté pour
les gens qui lui tournaient autour
comme autant de satellites.
B. B. – Non, il était de ceux qui ont secoué
le cocotier alors que l'état venait tout
juste de se redresser, et qui ont dit aux
gens : lâchez-vous ! Ouvrez-la ! Montrez
qui vous êtes. D'où vous venez. Il faut
s'imaginer ce que c'était que l'amour à
cette époque. Papa rentrait à la maison,
faisait bisou-bisou – le même homme qui
deux ans plus tôt, si ça se trouve, exécutait des enfants d'une balle dans la
tête. Je suis heureuse de ne pas appartenir à la génération de ceux qui ont dû
demander à leur père : et toi, tu as tiré une
balle dans la tête à qui ? ébranler toutes
les bases, ce n'était pas agréable pour
une société qui après le troisième Reich
avait passé les Trente Glorieuses à s'engraisser. Mais c'était nécessaire. De ce
point de vue, les années 1970 ont été une
grande époque, une époque importante.
Et Fassbinder, un protagoniste essentiel.
W. O. – Tout de même, l'amour libre, qui
est comme un fétiche de ces annéeslà, n'était peut-être pas ce qui s'est fait
de mieux. à cet égard, on dirait que
nous avons au contraire perdu quelque
chose en route – quand on vous voit,
dans Petra von Kant, pousser l'appel aux
grands sentiments quasiment jusqu'à
l'abnégation.
B. B. – Quand nous avons attaqué les
répétitions, je me suis dit : je voudrais
faire voir sur scène ce que c'est qu'une
âme qui pleure. Martin Kušej m'a laissé
le champ libre pour y arriver. Blesser,
être blessé, il sait ce que ça veut dire. De
nos jours, en principe, on est contraint
de fonctionner avant tout de façon à
pouvoir survivre au quotidien. Ce n'est
pas facile de se faire comprendre sur
ce qui est vraisemblable en matière de
sentiments.
W. O. – Et le peu de sentiments qui nous
reste, on le flambe sur internet ?
B. B. – Sur internet, ce sont plutôt des
trucs sexuels qui se traitent, non ? Et il
y a des gens qui écrivent énormément
– est-ce que ces gens-là se rencontrent
aussi ? Chercher, ce serait quoi si on
ne comptait pas trouver ? Je crois que
Fassbinder aurait passé pas mal de
temps sur internet, pour chercher, mais
aussi pour faire que ça devienne réalité.
Les êtres humains chercheront toujours
à se rencontrer. Sur le net, par petites
annonces dans le journal, au sauna ou
ailleurs. Moi, je crois que ça me rassure
plutôt.
Propos recueillis par Hermann Weiß,
Munich, 10 mars 2012.
Extraits traduits de l'allemand par Daniel
Loayza). Source : www.welt.de © Axel
Springer AG 2013. Tous droits réservés
Die bitteren Tränen der Petra von Kant 15
Un volcan
en veste de cuir
Rainer Werner Fassbinder vu par Luc Bondy
J'avais 24 ans et j'étais assistant à
Nuremberg. Je venais de monter pour
la première fois Les Chaises d'Ionesco.
J'ai lu Liberté à Brême, qui m'a beaucoup plu, et j'ai contacté la maison qui
éditait la pièce, le Verlag der Autoren,
pour demander l'autorisation de la
monter. Du coup Fassbinder est venu
à Nuremberg pour voir mes Chaises
avec toute sa bande, c'était assez
impressionnant, ils ont tous débarqué
dans des voitures américaines, lui
dans sa veste de cuir et tous en longs
manteaux comme dans les films noirs
«Vous ne
pouvez
pas vous
imaginer.»
des années quarante et le soir, après
la représentation, on est tous allés
dans un Weinkeller ou un Bierkeller de
Nuremberg, je ne sais plus trop, une
cave en tout cas, et on a parlé pendant
des heures. Il était très content de ce
qu'il avait vu. Il faisait lui-même la
création de sa pièce à Brême, où il travaillait en association avec Peter Stein
et Peter Zadek, qui étaient d'une autre
génération, et avec Klaus Michael
Grüber aussi. Fassbinder mettait en
scène ses propres pièces, mais il m'a
quand même confié celle-là. C'est
comme ça qu'on est devenus copains,
et même amis. On se voyait à Bochum,
où il travaillait aussi et où il a rejoint
Zadek plus tard. C'était incroyable. La
nuit il regardait des films, écrivait des
scénarios. Le matin, il allait faire le
montage d'un autre film. Puis il allait
préparer un tournage, avec un chef
éclairagiste... Et comme ça il faisait
une ou deux pièces par an, plus des
scénarios, plus des films, et les siens
ne lui suffisaient pas, il voulait absolument que je fasse un film, moi aussi,
«Vas-y, vas-y, fais un film !», il m'avait
même présenté un producteur... Vous
ne pouvez pas vous imaginer. Je me
rappelle que quand on était au restaurant il prenait la commande pour tout
le monde, et même s'il y avait trois
plats par personne et qu'on était dix
ou quinze à table, il répétait au garçon
ce que chacun avait choisi. Il avait une
mémoire extraordinaire. On se voyait
assez souvent et à chaque fois il me
reparlait d'un détail, d'un instant d'une
de nos rencontres précédentes. Il était
d'une naïveté formidable, dans le bon
sens du terme : il s'intéressait, il était
curieux, il pouvait être complètement
excité par une histoire, un visage, une
rencontre. Un soir à Francfort je lui ai
présenté une actrice que j'avais
connue à Vienne, Barbara Sukowa, qui
est à l'affiche en ce moment dans le film
de Margarete von Trotta sur Hannah
Arendt, j'ai emmené Rainer dans un
restaurant, encore une autre cave, qui
s'appelait Toni, c'est là qu'il a fait la
connaissance de Barbara, et je me
souviens qu'il tombait des nues, il était
comme émerveillé, absolument sûr
d'avoir trouvé le personnage d'un de
ses films. Il a fait Lola, une femme allemande avec elle, et aussi Berlin
Alexanderplatz, d'après Döblin, pour la
«On était loin
du mariage
pour tous...»
télévision. Il m'a dit qu'elle lui faisait
penser à une star à la Marlene Dietrich.
Il était comme ça, très sanguin, impulsif, très vif... On a eu une petite brouille.
Je ne sais plus trop quand, j'étais à
Francfort, Rainer avait monté Les gens
déraisonnables sont en voie de disparition, de Handke, et pour dire la vérité
ce n'était pas une mise en scène
fameuse. Il est venu me voir et m'a
demandé comment j'avais trouvé et
moi, comme j'étais encore un jeune
gamin qui dit tout ce qu'il pense tout
de suite et tout droit, comme dans
Le Misanthrope, je lui ai dit mon avis et
il s'est vexé – oui, il l'a vraiment très,
très mal pris et on a eu un break qui a
duré un certain temps. Puis on s'est
réconciliés. En 1981 ou 82, je ne sais
plus, j'étais à la Schaubühne pour
créer une pièce de Botho Strauss, je
crois que c'était Kalldewey, farce, et
donc, quelque temps avant la première
je passe au Paris-Bar, je tombe sur
Fassbinder, toujours dans sa veste de
cuir. à ce moment-là il était très
impressionné par la psychanalyse,
obsédé par Moïse et le monothéisme.
Il prenait déjà beaucoup de médicaments en mélangeant toutes sortes de
choses, et moi, de mon côté, j'étais le
genre de metteur en scène qui aimait
à cette heure-là il avait déjà fumé deux
paquets de HB, c'était sa marque de
cigarettes. Et il buvait des litres de café.
C'était des matinées très sympathiques...
Le jour de ma première, il était retenu à
Berlin par un tournage. Au début des
années 1970, les fax n'existaient pas et
internet encore moins, c'était encore le
temps des télégrammes et il m'en a
envoyé un, de très grand format, où il
avait écrit Lieber Luc – pour comprendre
il faut savoir qu'à l'époque j'avais encore
beaucoup de cheveux et puis que j'avais
une sorte de tic, je faisais tourner mon
index dans ma chevelure en enroulant
une mèche autour du doigt – et donc il
avait écrit Lieber Luc, cher Luc, Ich drehe
heute Abend eine Locke für dich, ce soir
je vais tourner une mèche pour toi,
Rainer Werner Fassbinder. C'était vraiment une blague de cinéaste : il a tourné
quelque chose pour moi. Où est-ce que
je l'ai mis, ce télégramme ?... Il était charismatique. Il tenait ses gens, jour et nuit.
C'était un peu comme la Factory d'Andy
Warhol. On l'a souvent dit, il avait une
relation assez cruelle, sadomasochiste,
avec ses intimes, il y a d'ailleurs eu des
destins tragiques autour de lui, deux de
ses amants se sont suicidés à cause de
lui. Ce genre d'homme, c'est un peu un
monstre : toute cette énergie, ce n'est
pas facile à suivre. Zadek aussi pouvait
être comme ça. S'il y a quelqu'un par qui
Fassbinder pouvait se sentir un peu
tyrannisé, c'était bien lui. Mais il avait
trouvé la solution : il avait acheté un petit
chien qu'il emmenait avec lui au théâtre,
et qu'il avait baptisé Zadek – et on l'entendait, à la cantine, qui criait «Zadek,
viens ici, Zadek, au pied !...» à mon avis,
son théâtre vient d'une tradition qui
passe par Marieluise Fleisser et Horváth
plutôt que par Brecht. Mais lui, personnellement, c'était un énergumène, un
phénomène comme Brecht : à 22, 23 ans,
il était déjà une célébrité à Munich.
Brecht aussi avait été comme ça, une
sorte de superstar très jeune que tout le
monde allait consulter, une sommité, une
personnalité artistique très forte. Il a fait
partie d'une belle génération de
cinéastes. Wenders s'est tourné vers le
cinéma américain, Herzog vers le romantisme de l'aventure, mon ami Werner
Schroeter, qui vient de mourir, et avec qui
Fassbinder avait beaucoup de liens, travaillait dans une artificialité héritée d'un
von Sternberg. Fassbinder, lui, tournait
très calmement, en longs plansséquences, sans chercher trop de
sophistication apparente. J'aime beaucoup la façon dont il a parlé d'un certain
milieu petit-bourgeois allemand de
l'après-guerre, sans vouloir dénoncer ou
ironiser. Il est mort à 37 ans, sept ans
avant la chute du Mur de Berlin... il était
comme un volcan. Je me demande ce
qu'il serait devenu.
«Arrête ça,
Fassbinder
est mort.»
bien se défoncer un peu... On se
revoyait. Et puis un matin que je répétais, mon ami Dieter Sturm est venu me
voir à la Schaubühne et m'a dit arrête
de prendre des trucs, arrête ça,
Fassbinder est mort. Je me souviens
qu'on était en juin. ça m'a fait un choc
terrible. Je le trouvais tellement attachant... Il était fasciné par la judéité,
bizarrement, il y avait là quelque chose
qui l'attirait, ce qui fait qu'il s'intéressait particulièrement à Zadek et à
moi... Il avait écrit une pièce, à Francfort,
qui s'appelait L'Ordure, la ville et la
mort, dont le héros est un agent immobilier, un «juif riche» et important.
Beaucoup de gens s'étaient inquiétés
publiquement, avaient déclaré que la
pièce avait un caractère antisémite.
Pas moi. La pièce n'a jamais pu être
vraiment montée en Allemagne. C'était
une autre époque. On était loin du
mariage pour tous... Il n'était pas si
facile d'être un artiste homosexuel.
Fassbinder est mort juste au moment
où l'épidémie de sida a commencé, elle
a tué beaucoup de ses proches collaborateurs. Je pense à lui et je me souviens maintenant... J'avais été invité
au Residenztheater de Munich pour
faire une création d'une pièce de
Edward Bond, La Mer. Nous logions à
l'hôtel Maske, juste derrière la fameuse
brasserie qui servait de point de ralliement à Hitler. Tous les matins, nous
prenions le petit déjeuner ensemble. Il
tournait une série télé, je crois que
c'était Huit heures ne font pas une journée, et on se retrouvait devant nos
cafés, moi avec mon livre et lui avec
son scénario sur lequel il faisait des
petits dessins, des croquis des plans
qu'il allait tourner pendant la journée.
Rainer Werner Fassbinder dans le rôle de Franz dans L'amour est plus froid que la mort
(Liebe ist kälter als der Tod) – 1969, film de R. W. Fassbinder.
Propos recueillis par Daniel Loayza
Paris, 27 juin 2013
16
«Saturday morning»
Ahmad Jamal
Dans le cadre de La Bibliothèque musicale
Après Blue Moon, nominé aux Grammy Awards 2013,
produit par Jazzbook Records et distribué par Harmonia Mundi, Ahmad Jamal présente, lors de ces deux soirées
exceptionnelles au Théâtre de l'Odéon, son dernier album
Saturday Morning – sortie mondiale le 24 septembre.
8 – 9 novembre à 20h / Odéon 6e
Concert
Ahmad Jamal
Né à Pittsburgh en 1930, le pianiste américain Ahmad Jamal est aujourd'hui l'un
des derniers grands témoins et acteurs
de l'histoire de la musique classique
américaine, un terme qu'il préfère à
celui de jazz, selon lui trop peu précis
aujourd'hui.
Pianiste à 3 ans, compositeur à 10, il
commence sa carrière professionnelle
en 1947 dans les grands orchestres.
Venu de la tradition de Nat King Cole,
d’Art Tatum et surtout d’Errol Garner,
il est l'un des pionniers de l'improvisation modale, technique reprise et développée par Miles Davis, John Coltrane et
Herbie Hancock. Il enregistre en 1958
l'album «Ahmad Jamal at the Pershing»
dont la version de Poinciana est demeurée légendaire. Miles Davis, pourtant
avare de compliments, reconnaissait
volontiers l'influence que les silences
inattendus et les discontinuités rythmiques du pianiste aux «deux mains
droites» avaient exercée sur lui et la critique, un temps sévère avec un musicien
dont la carrière ne fut pas un long fleuve
tranquille, s'accorde aujourd'hui pour
reconnaître le «style Jamal», caractérisé
par un usage très orchestral du clavier et
une singularité de respiration.
© Jean-Baptiste Millot
TARIFS EXCEPTIONNELS (voir p. 19)
17
Les Journées du patrimoine
14 – 15 septembre 2013
Samedi 14 septembre
aux Ateliers Berthier / 17e
Dimanche 15 septembre
au Théâtre de l'Odéon / 6 e
11h30 – visite
14h – visite
10h – visite
12h – visite
Entrepôt de décors de spectacle
construit en 1895 par Charles Garnier
pour l'Opéra de Paris (dont il est l'architecte) et prolongé dans les années 50,
la salle des Ateliers Berthier a été transformée en édifice public en janvier 2003,
pour servir de salle provisoire à l'Odéon
durant les travaux de sa salle historique, entre 2002 et 2006. En mai 2005,
les Ateliers Berthier sont devenus officiellement la deuxième salle de l'OdéonThéâtre de l'Europe, avec une capacité
de 400 spectateurs. Cette transformation, qui devait donc être temporaire, a
été opérée par les soins de l'architecte
Jean-Loup Roubert.
Visite également des ateliers de
construction.
Le Théâtre de l'Odéon, qui a ouvert ses
portes en 1782, est le plus ancien théâtremonument de Paris. Construit, sur les
anciens terrains de l'hôtel de Condé, par
les architectes Charles de Wailly (17301798) et Marie-Joseph Peyre (1730-1785),
représentants du style néoclassique,
qu'ils vont contribuer à populariser.
Salle pouvant accueillir 800 spectateurs, depuis sa restauration et sa réouverture en 2006. Le plafond actuel (1965),
d'André Masson, est élaboré autour du
thème central d'Apollon-soleil, et de
différentes figures de la tragédie et de
la comédie. Il remplace celui peint par
Jean-Paul Laurens en 1888.
© Thierry Depagne
Durée 1h30
Réservation impérative
[email protected]
(dans la limite des places disponibles)
Ateliers Berthier
1 rue André Suarès
(angle du boulevard Berthier)
75017 Paris
Théâtre de l'Odéon
Place de l'Odéon
75006 Paris
© Laure Vasconi
Devenez mécène de l’Odéon
Le Cercle de l'Odéon rassemble tous les passionnés
de théâtre, spectateurs et entreprises*, qui désirent
se retrouver autour d'un des foyers majeurs de la
création européenne.
Chaque saison le Cercle participe au financement
de quatre spectacles phares de la programmation,
autour desquels sont proposées des rencontres et
des soirées en présence des équipes artistiques.
L'Odéon remercie l'ensemble des membres du Cercle
pour leur soutien à la création théâtrale.
C E R C LE
D E L’
Information et contact
Pauline Legros
01 44 85 40 19
[email protected]
*Les dons versés à l’Odéon donnent droit à une déduction fiscale.
© Jacob Khrist
18
avantages
abonnés
Sur invitation
nombre de places restreint
Des propositions ponctuelles
élaborées en complicité avec les partenaires culturels
de l'Odéon-Théâtre de l'Europe
La maison rouge
Cinéma Nouvel Odéon
Exposition «My Joburg»
Projection «Les Larmes amères de Petra von Kant»
jeudi 5 septembre à 19h30
La maison rouge poursuit son cycle d’expositions consacrées aux scènes
artistiques de villes périphériques, et met à l’honneur la ville de Johannesburg.
Capitale économique de l’Afrique du Sud, Joburg est une ville de contrastes
qui porte l’empreinte des bouleversements historiques, sociaux, économiques qu’a connus le pays depuis la fin de l’apartheid. L'exposition présente une cinquantaine d'artistes en mettant l'accent sur l'effervescence
artistique de ces vingt dernières années.
mardi 8 octobre à 20h
de Rainer Werner Fassbinder, 1972
avec Margit Cartensen, Hanna Schygulla, Im Hermann...
en présence de Luc Bondy (sous réserve)
Adaptation de la pièce de théâtre du même nom écrite l'année précédente
par Fassbinder. Petra Von Kant est une célèbre créatrice de mode. Veuve de
son premier mari et divorcée du deuxième, Petra habite avec Marlene, styliste
et assistante qu'elle se plaît à maltraiter et humilier comme son esclave. Elle
s'éprend alors de Karin, une belle jeune femme d'origine plus modeste à qui
elle propose de partager son appartement et de bénéficier de ses appuis pour
se lancer dans le mannequinat...
Dans le cadre de la saison sud-africaine en France, en partenariat avec l’Institut Français et le National Council
for the Arts of South Africa.
> Réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]
> La maison rouge – 10 boulevard de la Bastille, Paris 12e
> Réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]
> Nouvel Odéon – 6 rue de l’École de Médecine, Paris 6e
Théâtre de la Bastille
Diptyque «Anarchie en Bavière» et «Liberté à Brême»
Orchestre de Paris
du 18 septembre au 13 octobre
d'après Rainer Werner Fassbinder, mise en scène Gwenaël Morin
L’antithéâtre théorisé et mis en pratique par Fassbinder à la fin des années
1960 procède au démontage méthodique de tous les repères politiques,
psychologiques ou moraux. Plongé dans le climat explosif de l’Allemagne
d’après-guerre, Fassbinder écrit, pense, filme, joue.
À travers quatre pièces, qui balaient tout l’éventail des problèmatiques traitées par Fassbinder, Gwenaël Morin revisite cette matière tumultueuse qui
s’apparente pour lui à une «archéologie de la violence».
Concert salle pleyel :
David Zinman dirige Britten et Beethoven
> Tarif préférentiel : 19€ au lieu de 26€
> Réservation au 01 43 57 42 14
> Théâtre de la Bastille – 76 rue de la Roquette, Paris 11e
mercredi 9 et jeudi 10 octobre à 20h
Un concert aux allures romantiques, avec deux œuvres profondes et bouleversantes de Benjamin Britten, suivies du Concerto pour violon de Beethoven
en seconde partie.
> Tarifs préférentiels de -30% pour les abonnés de l'Odéon en réservant avec le code
«Odéon» au 01 56 35 12 12. Informations sur orchestredeparis.com
> Salle Pleyel – 252 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 8e
Musée du Luxembourg
PARCOURS CROISÉ «RÊVES DE THÉÂTRE»
Fondation Cartier
Exposition «Ron Mueck»
jeudi 19 septembre à 19h
La Fondation Cartier pour l’art contemporain a invité le sculpteur australien
Ron Mueck à présenter ses œuvres émouvantes et troublantes, marquant
son grand retour institutionnel en Europe.
Après le succès de 2005 à la Fondation Cartier, cette nouvelle exposition est
la plus complète et la plus actuelle de la production de l’artiste. Elle dévoilera
notamment, outre six œuvres récentes, trois sculptures réalisées spécialement pour l’exposition. Ces œuvres, révélées dans l’intimité de leur création
à travers un film inédit, réaffirment toute la modernité d’un art à fleur de peau,
aussi puissant qu’évocateur.
samedi 19 octobre
Héros endormis sous de lourdes tentures, figurants complices, décors oniriques : découvrez l’exposition du Musée du Luxembourg puis tirez le fil
jusqu’au Théâtre de l’Odéon pour plonger dans l’univers de Joël Pommerat
entre jour et nuit.
> 10h30 au Musée du Luxembourg, visite-guidée de l'exposition
«La Renaissance et le Rêve – Bosch, Véronèse, Greco...»
> 14h30 au Théâtre de l'Odéon, spectacle de Joël Pommerat, «Au monde»
> Parcours à 40,50€, (place en 1re série à l'Odéon)
> Réservation : museeduluxembourg.fr espace «billetterie» puis «parcours croisé»
> Musée du Luxembourg – 19 rue de Vaugirard, Paris 6e
> Réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]
> Fondation Cartier – 261 Boulevard Raspail, Paris 14e
Musée d'Orsay
Odéon-Théâtre de l'Europe
du 24 septembre au 2 janvier
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il a fallu attendre Nackte Männer
(Hommes nus), organisé par le musée Leopold de Vienne cette saison, pour
qu'une exposition d'envergure aborde la représentation de l'homme nu, un
thème qui constitue pourtant l'une des lignes de force de la création occidentale. Avec Masculin/Masculin, le musée d'Orsay a souhaité poursuivre ce projet
et montrer que les professions de foi esthétiques, les dogmes et prises de positions plastiques du XIXe siècle en matière de nudité masculine, trouvent leurs
origines dans le classicisme du XVIIIe et demeurent encore présents aujourd'hui.
VOIX DE FEMMES lundi 30 septembre à 20h
Yasmina Reza / emmanuelle devos (sous réserve)
Lecture de Heureux les heureux suivie d’un entretien animé par Jean Birnbaum
en partenariat avec France Culture et Le Monde des livres
EXILS lundi 7 octobre à 20h
Anaïs Nin / catherine millet
Textes lus par Valérie Lang
Exils se tourne cette saison vers les écrivains américains et anglo-saxons.
Animé par Paula Jacques
en partenariat avec France Inter
> Réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]
> Théâtre de l'Odéon – Place de l'Odéon, Paris 6 e
Centre culturel suisse
Spectacle «Alexandre Doublet Il n’y a que les chansons de variété qui disent la vérité»
du 1er au 5 octobre à 20h
Épisode 1 le 1er octobre, épisode 2 le 2 octobre, épisode 3 le 4 octobre, intégrale le 5 octobre
Il n’y a que les chansons de variété qui disent la vérité (re)visite l’œuvre de jeunesse d’Anton Tchekhov, Platonov. L’auteur n’avait que 18 ans à l’écriture de
cette pièce qui ne fut jamais représentée de son vivant. De cette pièce fleuve,
inachevée et réputée injouable, dont la durée totale doit approcher les huit
heures, est née le projet de faire une série en trois épisodes correspondant aux
quatre actes de Platonov : Perfect Day, Sweet Dreams, Sunday Morning dans
lesquels on retrouve les mêmes personnages, joués par les mêmes acteurs.
> Réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]
> Centre culturel suisse – 38 rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e
Exposition «Masculin/Masculin.
L'homme nu dans l'art de 1800 à nos jours»
> Laissez-passer valables sur toute la durée de l'exposition
> Réservation au 01 44 85 41 17 / [email protected]
> Musée d'Orsay – 1 rue de la Légion d'Honneur, Paris 7e
19
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Ouvertures de location tout public
Calendrier 13-14
AU MONDE / LES MARCHANDS
theatre-odeon.eu jeudi 29 août
guichet / téléphone jeudi 29 août septembre
Grande salle / Salon Roger Blin 6e
Berthier 17e
sam 14Au monde 20h
dim 15Au monde 20h
lun16
mar17
mer 18
Les Marchands 20h
jeu 19
Les Marchands 20h
ven 20Au monde 20h
Die gelbe... 20h
sam 21Au monde 14h30 / Marchands 20h
Die gelbe... 20h
dim 22Au monde 14h30 / Marchands 20h
Die gelbe... 15h
lun23
mar 24
Les Marchands 20h
Die gelbe... 20h
mer 25
Les Marchands 20h
Die gelbe... 20h
jeu 26Au monde 20h
Die gelbe... 20h
ven 27Au monde 20h
sam 28Au monde 14h30 / Marchands 20h
dim 29Au monde 14h30 / Marchands 20h
lun 30Voix de femmes / Yasmina Reza 20h
Odeon 6 e
DIE GELBE TAPETE
theatre-odeon.eu jeudi 29 août
guichet / téléphone jeudi 29 août concert ahmad jamal
theatre-odeon.eu dès à présent
guichet / téléphone jeudi 29 août
DIE BITTEREN TRÄNEN DER
PETRA VON KANT
theatre-odeon.eu mercredi 4 septembre
guichet / téléphone mercredi 11 septembre
octobre
les bibliothèques de l'odéon
theatre-odeon.eu mardi 10 septembre
guichet / téléphone mardi 10 septembre
Grande salle / Salon Roger Blin 6e
Odeon 6 e
Berthier 17e
mar 1
Les Marchands 20h
mer 2
Les Marchands 20h
jeu 3Au monde 20h
ven 4Au monde 20h
Petra von Kant 20h
sam 5Au monde 14h30 / Marchands 20h
Petra von Kant 20h
dim 6Au monde 14h30 / Marchands 20h
Petra von Kant 15h
lun 7
Exils / Anaïs Nin 20h
mar 8
Les Marchands 20h
mer 9
Les Marchands 20h
Fantômes en littérature 18h
jeu 10Au monde 20h
Repenser l'humanisme 18h
ven 11Au monde 20h
Petra von Kant 20h
Festival des OUTRE-MERS 18h
sam 12Au monde 14h30 / Marchands 20h
Petra von Kant 20h
dim 13Au monde 14h30 / Marchands 20h
Petra von Kant 15h
lun 14Voix de femmes / Virginie Despentes 20h
mar 15
Les Marchands 20h
mer 16
Les Marchands 20h
jeu 17Au monde 20h
ven 18Au monde 20h
Festival des OUTRE-MERS 18h
sam 19Au monde 14h30 / Marchands 20h
01 44 85 40 40 – theatre-odeon.eu
ABONNÉs
Dans le cas où vous n’auriez pas choisi de date, merci de contacter
le service abonnement pour réserver votre place et vérifier la
disponibilité sur la date que vous souhaiteriez au plus tard quinze
jours avant la première du spectacle. à l’issue de cette réservation
téléphonique, retournez votre contremarque.
Vous avez la possibilité de réserver des places supplémentaires
aux dates d’ouvertures de location de chaque spectacle.
Vous bénéficiez d’un tarif réduit pour Les Bibliothèques de l’Odéon,
en grande salle
novembre
Ligne réservée aux abonnés
01 44 85 40 38
Odeon 6 e
ven 8Ahmad Jamal 20h
sam 9Ahmad Jamal 20h
Représentations
vacances scolaires
zone A
zone B
zone C / Paris...
AU MONDE / LES MARCHANdS
voir calendrier détaillé ci-contre
DIE GELBE TAPETE
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi
DIE BITTEREN TRÄNEN DER PETRA VON KANT
vendredi et samedi à 20h, le dimanche à 15h
CONCERT AHMAD JAMAL
vendredi 8 et samedi 9 novembre à 20h
Tarifs
Tarifs hors abonnement
Théâtre de l’Odéon
série 1
série 2
série 3
Bibliothèques de l’Odéon
série 4Grande salleRoger Blin
Ateliers Berthier
série unique comme il vous plaira
Plein tarif36 € 26 € 16 € 12 €
10 € 6€
8 €
6 €
6 € —
Moins de 26 ans, étudiant, bénéficiaire du RSA*18 € 13 €
8 €
6 €
6 € —
Public en situation de handicap*18 € 13 €
6 €
6 € —
Demandeur d’emploi*20 € 16 € 10 €
6 €
6 €
—
6 € —
Élève d’école de théâtre* (2h avant la représentation) 6 €
———6 € —
—
Lever de rideau (2h avant la représentation)
———— —
—
Pass 17* (dates spécifiques)**
30 €
15 €
15 €
20 €
6 €
—
15 €
36 €
18 €
18 €
20 €
6€
—
18 €
30 €
36 €
*Justificatif indispensable
**Die gelbe Tapete : dimanche 22 septembre à 15h, mercredi 25 septembre à 20h
Die bitteren Tränen der Petra von Kant : samedi 5 octobre à 20h, dimanche 13 octobre à 15h
Tarif exceptionnel — Concert Ahmad Jamal90 €
CARTE LES BIBLIOTHÈQUES DE L'ODÉON
Carte 10 entrées 50€ / À utiliser librement ;
1 ou plusieurs places lors de la même manifestation.
70 €
50 €
30 €
— —
20 septembre – 19 octobre / Odéon 6 e
14
Au monde
13/14
Joël Pommerat
18 septembre – 19 octobre / Odéon 6e
Les Marchands
Joël Pommerat
20 – 26 septembre / Berthier 17 e
Die gelbe Tapete
Le Papier peint jaune
Charlotte Perkins Gilman / Katie Mitchell
4 – 13 octobre / Berthier 17 e
Die Bitteren tränen
der Petra von Kant
Les Larmes amères de Petra von Kant
Rainer Werner Fassbinder / Martin Kušej
7 novembre – 15 décembre / Berthier 17 e
La Bonne Âme du Se-Tchouan
Bertolt Brecht / Jean Bellorini
20 novembre – 1er décembre / Odéon 6e
Todo el cielo sobre la tierra.
(El síndrome de Wendy)
Tout le ciel au-dessus de la terre.
(Le syndrome de Wendy)
Angélica Liddell
8 janvier – 1er février / Berthier 17 e
Platonov
Anton Tchekhov / Benjamin Porée
16 janvier – 23 mars / Odéon 6e
Les Fausses Confidences
Marivaux / Luc Bondy
création
14 mars – 1er juin / Berthier 17 e
Comme il vous plaira
William Shakespeare / Patrice Chéreau
création
4 – 30 avril / Berthier 17 e
Une année sans été
7 mai – 28 juin / Odéon 6e
Cyrano de Bergerac
Edmond Rostand / Dominique Pitoiset
septembre 2013 – juin 2014
LES BIBLIOTHÈQUES DE L’ODÉON
rencontres littéraires et philosophiques
Ils sont mécènes la saison 2013-2014
Renseignements et location
Par téléphone 01 44 85 40 40 du lundi au samedi de 11h à 18h30
Par internet theatre-odeon.eu ; fnac.com ; theatreonline.com
Au guichet du Théâtre de l’Odéon du lundi au samedi de 11h à 18h Contacts
Abonnement individuel, jeune, et Carte Odéon
01 44 85 40 38 [email protected]
Groupe d’adultes, amis, association, comité d’entreprise,
01 44 85 40 37 / 40 88 [email protected]
Public de l'enseignement
01 44 85 40 39 [email protected]
Public de proximité des Ateliers Berthier, public du champ social et
public en situation de handicap
01 44 85 40 47 [email protected]
Toute correspondance est à adresser à
Odéon-Théâtre de l’Europe – 2 rue Corneille – 75006 Paris
theatre-odeon.eu
– 01 44 85 40 40
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon Paris 6 e
Théâtre de l’Odéon
Métro Odéon RER B Luxembourg
Place de l’Odéon Paris 6 e
Métro Odéon RER B Luxembourg
Ateliers Berthier
Ateliers
Berthier
1 rue André
Suarès (angle du Bd Berthier) Paris 17e
Métro
et RER
C Porte
de Clichy
1 rue André
Suarès
(angle
du Bd Berthier) Paris 17e
Métro et RER C Porte de Clichy
Salles accessibles aux personnes à mobilité réduite,
nous prévenir
impérativement
au 01
44 85 40réduite,
40
accessibles
aux personnes
à mobilité
Salles
nous prévenir impérativement au 01 44 85 40 40
photo de couverture Die gelbe Tapete © Stephen Cummiskey / design Werner Jeker / Licence d’entrepreneur de spectacles 1064581 et 1064582
Catherine Anne / Joël Pommerat
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