SEXUALITÉS ET mONDIALISATION
PRENDRE SON TEMPS AUJOURD'HUI
LAURENT BIBARD mars 2007
© ESSEC / CTD - Centre de Recherche / 1704071536
GROUPE ESSEC
centre de recherche / RESEARCH CENTER
AVENUE BERNARD HIRSCH
BP 50105 CERGY
95021 CERGY PONTOISE CEDEX
FRANCE
TéL. 33 (0)1 34 43 30 91
FAX 33 (0)1 34 43 30 01
research.center@essec.fr
essec business school.
établissements privés d’enseignement supérieur,
association loi 1901,
accréditéS aacsb international - the association
TO ADVANCE COLLEGIATE SCHOOLS OF BUSINESS,
accrédités EQUIS - the european quality improvement system,
affiliés à la chambre de commerce et d’industrie
de versailles val d’oise - yvelines.
Pour tous renseignements :
• Centre de Recherche/Research Center
Tél. 33 (0)1 34 43 30 91
• Visitez notre site
www.essec.fr
DR 07005
Sexualités & Mondialisation
Prendre son temps aujourd’hui
Laurent BIBARD
Abstract:
The main aim of Renaissance humanism is to free humanity from the chains of Nature (in the West:
Greek or Pagan thought) and God's Will (e.g. Judaism, Christianity, or Islam). This liberation implies
that man will totally appropriate his environment and subject it to his will and power in a new "virility",
which goes far beyond masculine and feminine sexuality-based orientations: this is both an advantage
and a challenge to the ancient understandings of major and minor human, psychological and political
issues.
First, I present the humanist origins of modern "virility".
Second, masculine and feminine orientations are linked with the evolution of Western Culture (with
Paganism and Judaism as the roots of Western history).
Third, sexuality is understood through a fundamental examination of its relationship to time.
Keywords: Control, Economy, Globalization, Judaism, Paganism, Sexuality
Résumé :
Le leit motiv dominant de l'humanisme à la Renaissance est de libérer l'homme de ses chaînes naturelles
(en Occident, païennes ou grecques) et divines (judéo-chrétiennes et musulmane). Cette libération
conduit les humanistes à revendiquer que l'homme s'approprie totalement la nature pour la soumettre à
son vouloir (Machiavel, Le prince), en particulier grâce aux sciences et aux techniques (Descartes, le
discours de la méthode). Cette appropriation est très tôt caractérisée de "virile"(Bacon, Production virile
du Siècle). La libération de cette "virilité" moderne est séductrice tant pour les femmes que pour les
hommes, mais a pour effet de tendre à effacer les deux sexualités masculine et féminine de l'humain, ce
qui à la fois libère des espaces nouveaux d'action, et entraîne des difficultés de positionnement sur tous
les plans, du plus petit (plan psycho-physiologique des individus, au plus grand (plan politique des
problèmes que rencontre et que pose la "mondialisation").
Après une présentation des racines humanistes de la "virilité" moderne (partie I), les sexualités
masculine et féminine sont mises en relation avec les racines culturelles occidentales et leur devenir
(judaïsme et paganisme, Partie II), puis présentées dans le rapport qu'elles entretiennent entre elles à
partir d'une interrogation sur leur rapport au temps (Partie III).
Mots-clés : Contrôle, Économie, Judaïsme, Mondialisation, Paganismes, Sexualité
Introduction
La sexualité représente de nos jours une préoccupation centrale, non seulement sur le plan de la défense
des droits des femmes, mais sur le plan de la vie privée de tous : elle s’impose de multiples manières,
fondamentalement pour qu’en soit reconnue l’importance pour l’équilibre de vie de chacune et chacun.
Un premier constat de départ de ce livre est que, revendiquée comme essentielle dans la vie quotidienne,
la sexualité y est cependant le plus souvent desservie. Elle est desservie car, comme toute autre
préoccupation actuelle relative au « palpable », elle subit de plein fouet les effets d’un rapport
contemporain au corps vécu comme un moyen, comme moyen de désirs censés être les effets de la
conscience et de la volonté, volonté « rationnelle », dûment calculatrice, réputée efficace, et s’il se peut
performante.
L’un des traits les plus significatifs de notre monde est un rapport à la « nature » utilisateur voire
prédateur, asservissant tout ce qui se montre spontanément à une volonté de possession et de contrôle sans
bords.
Abruptement campé, ce constat demeure évidemment partiel et unilatéral : pour beaucoup, la nature n’est
pas quelque chose qui se contrôle, non plus que le corps ni la sexualité. La multiplication des efforts pour
« écouter » le corps entendu comme langage, le succès grandissant des courants affirmant qu’il convient
de savoir entendre à nouveaux frais la nature en nous et hors de nous, témoignent de l’existence d’un
nombre significatif de personnes ne jouant pas le jeu d’un rapport mécanique et prédateur au sensible en
général, et au corps en particulier. Il n’en demeure pas moins que le premier des deux constats faits ci-
dessus résiste au second tout autant que ce dernier s’impose aux côtés de celui-là. Se juxtaposent
actuellement à la fois discours et modes de vie qui asservissent le corps et la sexualité, et discours et
modes de vie qui visent à en libérer et en sauver l’écoute.
*
Malgré la force du lien qui les attache, il est encore peu courant de renvoyer l’évolution des rapports que
les humains entretiennent avec la sexualité à la mondialisation, et réciproquement. Le deuxième constat
de départ de ce livre est que la mondialisation est pour une très grande part l’effet d’une décision de
contrôler la « nature » - tôt ou tard la sexualité – qui remonte à la Renaissance. Ce contrôle se fait sur le
fond d’une exclusive et unique « virilisation », qui s’oppose à la coexistence – pas toujours harmonieuse,
bien que jusqu’ici féconde – du masculin et du féminin.
Plus précisément, la mondialisation est ici entendue comme une tension entre le désir de contrôle de la
nature, et l’acceptation du non-contrôle. Le désir de contrôle est, au sens que le XVIIème siècle nous a peu
ou prou légué, éminemment moderne, en regard de l’acceptation de non contrôle, à dominante ancienne.
Autrement dit, la mondialisation n’est pas l’extension au niveau mondial d’une logique exclusive et
homogène de contrôle de la nature, mais la dynamique sans cesse jouée et rejouée de la tension entre le
désir moderne de contrôle et l’acceptation ancestrale, originaire et ancienne de non contrôle de la
« nature ».
Ne serait-ce que par son sens étymologique, ce qui est « naturel » est ce qui surgit spontanément, de soi,
en regard de l’artifice ou de l’artefact. Ce qui est spontané ne résulte pas d’un désir ou d’une volonté
2
consciente et délibérée de fabriquer quelque chose – voire quelqu’un -, ou de faire faire quelque chose à
quelque chose ou quelqu’un. En son fond originaire, la sexualité représente d’une manière ou d’une autre
le champ restant de la spontanéité, quand bien même ce champ se rétrécirait-il à vue d’œil de nos jours du
fait de la progression spectaculaire au niveau mondial des biotechnologies et du génie génétique.
Au cœur de la tension entre contrôle (moderne) et non contrôle ou écoute (ancien), se love la sexualité
comme épreuve, lieu et thème tour à tour libre et captif, vif de sa dynamique propre, et recelé comme
moyen du vouloir des femmes et des hommes.
S’il faut, au cœur de la mondialisation, trouver ou retrouver un sens à l’existence, le détour par un
questionnement sur la sexualité et la façon de la vivre est un point de passage obligé. Ce point implique,
par-delà ou en deçà de la contemporaine « virilité » à la fois féminine et masculine, de redécouvrir ce que
sont et valent ces deux sexualités non encore embarquées dans la dynamique qui les métamorphose et les
oriente en fonction du désir de maîtrise. Les « anciens » connurent sans aucun doute certains aspects du
masculin et du féminin mieux que nous : nous essayons ici les moyens d’un décèlement de leur
dynamique spontanée.
L’essai est rythmé en trois temps.
Partant du constat de la domination de l’économie sur l’ensemble de la vie contemporaine, nous
remontons dans un premier moment (Modernité) aux origines occidentales de la mondialisation. Cette
généalogie conduit à une interrogation sur les places et rôle respectifs du paganisme (pour l’Occident,
d’origine grecque), du judaïsme, et du christianisme. A son tour, cette interrogation ouvre un
questionnement sur les rapports entre virilité, féminin et masculin, questionnement qui constitue le
deuxième moment de l’ouvrage (Sexes). Nous amorçons naturellement cette deuxième étape en
interrogeant les courants politiques contemporains autour de la sexualité. Nous ébauchons alors une
phénoménologie du féminin et du masculin qui ouvre la voie à une compréhension nouvelle des questions
sociales, culturelles et politiques contemporaines.
Le troisième moment (Temps), est articulé autour d’une réflexion sur le temps comme lieu privilégié de la
dynamique décelée et décrite jusque là. Cette réflexion se scande en 1)le positionnement méthodologique
de l’ouvrage, 2) l’esquisse d’une phénoménologie des sexualités fonction de leur rapport au temps, enfin,
3) le dégagement de certaines conséquences éthiques, théoriques et pratiques de ce qui précède au niveau
individuel et collectif.
Cet ouvrage draine et convoque bon nombre d’événements et points de vue aux rapports délicats. Son
abord demande de s’y prendre par étapes, sans forcer la lecture, en flânant et risquant tour à tour un
regard nouveau, parfois provisoirement inconfortable.
En tout état de cause, il ne faut pas s’y presser. Nous souhaitons aux lectrices, aux lecteurs, un butinage
fécond.
1 / 68 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !