Introduction
La sexualité représente de nos jours une préoccupation centrale, non seulement sur le plan de la défense
des droits des femmes, mais sur le plan de la vie privée de tous : elle s’impose de multiples manières,
fondamentalement pour qu’en soit reconnue l’importance pour l’équilibre de vie de chacune et chacun.
Un premier constat de départ de ce livre est que, revendiquée comme essentielle dans la vie quotidienne,
la sexualité y est cependant le plus souvent desservie. Elle est desservie car, comme toute autre
préoccupation actuelle relative au « palpable », elle subit de plein fouet les effets d’un rapport
contemporain au corps vécu comme un moyen, comme moyen de désirs censés être les effets de la
conscience et de la volonté, volonté « rationnelle », dûment calculatrice, réputée efficace, et s’il se peut
performante.
L’un des traits les plus significatifs de notre monde est un rapport à la « nature » utilisateur voire
prédateur, asservissant tout ce qui se montre spontanément à une volonté de possession et de contrôle sans
bords.
Abruptement campé, ce constat demeure évidemment partiel et unilatéral : pour beaucoup, la nature n’est
pas quelque chose qui se contrôle, non plus que le corps ni la sexualité. La multiplication des efforts pour
« écouter » le corps entendu comme langage, le succès grandissant des courants affirmant qu’il convient
de savoir entendre à nouveaux frais la nature en nous et hors de nous, témoignent de l’existence d’un
nombre significatif de personnes ne jouant pas le jeu d’un rapport mécanique et prédateur au sensible en
général, et au corps en particulier. Il n’en demeure pas moins que le premier des deux constats faits ci-
dessus résiste au second tout autant que ce dernier s’impose aux côtés de celui-là. Se juxtaposent
actuellement à la fois discours et modes de vie qui asservissent le corps et la sexualité, et discours et
modes de vie qui visent à en libérer et en sauver l’écoute.
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Malgré la force du lien qui les attache, il est encore peu courant de renvoyer l’évolution des rapports que
les humains entretiennent avec la sexualité à la mondialisation, et réciproquement. Le deuxième constat
de départ de ce livre est que la mondialisation est pour une très grande part l’effet d’une décision de
contrôler la « nature » - tôt ou tard la sexualité – qui remonte à la Renaissance. Ce contrôle se fait sur le
fond d’une exclusive et unique « virilisation », qui s’oppose à la coexistence – pas toujours harmonieuse,
bien que jusqu’ici féconde – du masculin et du féminin.
Plus précisément, la mondialisation est ici entendue comme une tension entre le désir de contrôle de la
nature, et l’acceptation du non-contrôle. Le désir de contrôle est, au sens que le XVIIème siècle nous a peu
ou prou légué, éminemment moderne, en regard de l’acceptation de non contrôle, à dominante ancienne.
Autrement dit, la mondialisation n’est pas l’extension au niveau mondial d’une logique exclusive et
homogène de contrôle de la nature, mais la dynamique sans cesse jouée et rejouée de la tension entre le
désir moderne de contrôle et l’acceptation ancestrale, originaire et ancienne de non contrôle de la
« nature ».
Ne serait-ce que par son sens étymologique, ce qui est « naturel » est ce qui surgit spontanément, de soi,
en regard de l’artifice ou de l’artefact. Ce qui est spontané ne résulte pas d’un désir ou d’une volonté