Le Point Vétérinaire / Mai 2011 / N° 315 5
En plus du fait que la réponse immunitaire est plutôt orien-
tée vers le type Th1 non promoteur des IgA, d’autres fac-
teurs seraient responsables de leur faible présence dans la
cavité buccale. En effet, des études en médecine humaine
ont montré que des protéases produites par des bactéries
présentes dans la cavité buccale comme Porphyromonas
gingivalis sont susceptibles de cliver les IgA salivaires [10].
Ces résultats laissent à penser que la baisse du taux d’IgA
salivaires peut être aussi la conséquence de l’infection.
À la suite d’un traitement anti-inflammatoire stéroïdien,
le taux d’IgG salivaires diminue [7]. Cela s’explique par
une baisse de l’infiltration lymphoplasmocytaire des
muqueuses et de la perméabilité de celles-ci aux immu-
noglobulines sériques.
L’activation des mécanismes de défense de l’organisme
permet de détruire les micro-organismes, mais induit, par
la même occasion, les lésions tissulaires observées lors
de la GS.
Lymphocytes régulateurs
Une population de LT dits régulateurs (Tregs) modère,
voire supprime l’activation des lymphocytes autoréac-
tifs (LTc CD8+ notamment). Ils interviennent alors dans
la tolérance immunitaire. En effet, sans leur présence,
surtout dans les muqueuses, l’exposition perpétuelle à
de très nombreux antigènes engendrerait une réponse
immunitaire et une inflammation permanentes. Il est donc
suspecté que des anomalies de cette tolérance sont en
jeu dans de nombreux schémas pathogéniques inflam-
matoires, auto-immuns et cancéreux (encadré). Ces Tregs
sont également appelés CD4+, CD25+, etc. (antigènes
présents à leur surface permettant de les identifier et de
les quantifier).
Conclusion
Les lésions de GSCF sont fréquentes chez les chats. Le
terme de GSCF est utilisé pour décrire le processus inflam-
matoire qui affecte les gencives et la cavité orale en géné-
ral. La pathogénie de cette affection est incomplètement
connue, complexe et multifactorielle puisqu’elle associe,
à des facteurs aggravants (immunodépression), des pro-
cessus infectieux (plaque dentaire, calicivirus) et une
réaction immunitaire inadaptée de l’hôte. L’inflammation
chronique qui en résulte s’auto-entretient. Le succès du
traitement de ces animaux réside dans la détection et la
gestion précoces des lésions parodontales, la recherche
de facteurs d’immunodéficience (statut virologique, mala-
dies intercurrentes chroniques) et la prise en compte de
la réaction immunitaire inadaptée. Un suivi rigoureux et
une approche thérapeutique multiple sont nécessaires. ❚
Dans le cadre des maladies auto-
immunes, il existe une hyperactivité
du système immunitaire. Le rapport
CD4/CD8 est souvent bas et le
nombre de LT CD8+ est élevé [13].
L’objectif serait alors de favoriser
l’action des Tregs.
Chez les chats FIV-positifs, malades
déclarés, une immunodépression
cellulaire et humorale avec une
chute des LT CD4+ (inversion du
rapport CD4/CD8) est observée.
Au cours du temps, les deux
populations CD4 et CD8 sont
amenées à diminuer.
À l’opposé, dans le cadre de
l’immunité antitumorale, ce sont
les Tregs eux-mêmes qui sont trop
actifs, et l’objectif est alors de les
inhiber. Chez le chien, notamment
lors de carcinome, les Tregs CD4+
présentent des taux sanguins
augmentés. Le ratio CD4/CD8,
élevé, est a priori un marqueur
spécifique des tumeurs [16]. En
outre, plus ce ratio CD4/CD8 est
élevé, plus le temps de survie est
diminué [4]. Ces lymphocytes
régulateurs représentent une
importante voie de recherche et un
réel espoir, notamment en matière
de thérapeutique. Aucune étude
n’existe dans le cadre de la GSCF.
ENCADRÉ
Actions des lymphocytes
régulateurs Tregs
REMERCIEMENTS
Au docteur
Nicolas Girard
pour son aide
et sa relecture
attentive.
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Références
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