4 Le Point Vétérinaire / Mai 2011 / N° 315
DOSSIER
Conduite thérapeutique face
à un diagnostic de gingivo-
stomatite chronique féline
de corticoïdes, à des doses toutefois inférieures à une
utilisation en monothérapie, peut être nécessaire. Il
convient de rappeler que la cyclosporine n’a pas d’au-
torisation de mise sur le marché (AMM) chez le chat
et qu’aucun schéma thérapeutique n’existe dans cette
indication.
Interférons
Les interférons sont des cytokines, médiatrices des com-
munications intercellulaires, qui interviennent dans la
réponse immunitaire acquise et la prolifération cellulaire.
Ils possèdent donc une activité antivirale, antiproliféra-
tive et immunomodulatrice [1]. Deux formes d’interférons
sont utilisées dans le traitement des GSCF : l’interféron w
(FeIFN) (Virbagen oméga®) et l’interféron a (IFNa) (Rofé-
ron A®(1), Intron A®(1)).
INTERFÉRON RECOMBINANT FÉLIN w (FELFN)
Le FeIFN a une action antivirale directe sur les cellules
infectées et stimule l’activité des cellules “natural killer”.
Cet interféron peut être utilisé dans le traitement des chats
FIV (virus de l’immunodéficience féline) ou FeLV (virus
de la leucose féline) positifs. Leur temps de survie est
alors allongé [5]. Ce médicament permet également de
réduire la durée des épisodes de calicivirose aiguë. Enfin,
en application locale, il est utile pour traiter les chats
atteints de kératite due au portage d’herpèsvirus. D’où
l’hypothèse d’une efficacité dans le traitement des GSCF
pour lesquelles ces affections sont des facteurs favorisants.
Il reste à déterminer si l’action du FeIFN est due à son
activité immunomodulatrice et/ou antivirale. L’activité
immunomodulatrice a pour conséquence la réduction
des tissus inflammatoires qui favorisent la prolifération
des calicivirus. Toutefois, des chats sains sont porteurs
de calicivirus. L’inflammation n’est donc pas un prérequis
obligatoire à la multiplication des virus. L’effet antiviral
pourrait alors être responsable du succès d’un traitement
par le FelFN [12].
En pratique, chez des chats FCV-positifs, dont la gingi-
vostomatite persiste ou récidive après avoir contrôlé la
plaque dentaire (détartrage +/- extraction sélective et anti-
biothérapie), l’emploi du FelFN est conseillé. Plusieurs
protocoles existent (encadré).
Les résultats obtenus avec le FelFN sont au moins aussi
efficaces que lors d’un traitement à base de corticoïdes
pour une cavité buccale jugée acceptable. L’absence
d’effets secondaires connus fait du traitement au FeIFN
une option intéressante. Toutefois, l’utilisation des cyto-
kines, notamment concernant leur voie et leur rythme
d’administration nécessite encore de nombreux essais
cliniques.
INTERFÉRON HUMAIN RECOMBINANT :
INTERFÉRON a (IFNa)
L’IFNa possède également des propriétés antivirale, anti-
proliférative et immunomodulatrice. Il est utilisé chez des
chats porteurs de calicivirus ou FeLV-positifs. L’absorption
après administration per os est relativement mauvaise.
La dose recommandée dans le traitement des gingivosto-
matites est donc extrapolée à partir des résultats obtenus
chez des chats FeLV-positifs malades déclarés.
La dose recommandée est de 30 unités par jour per os,
en continu ou une semaine sur deux, mais son efficacité
réelle reste à démontrer [13]. De plus, comme il s’agit
d’un interféron humain, son utilisation à long terme chez
le chat peut conduire au développement d’anticorps.
Lasers
Deux types de lasers sont utilisés en médecine vétérinaire
pour traiter les lésions de GSCF. Le laser au CO2 est le
plus connu.
Il permet une cytoréduction des proliférations de la
muqueuse consécutive à l’inflammation. Les tissus lésés
responsables de l’exposition d’antigènes du soi et de
l’hébergement de bactéries sont ainsi éliminés. Les tissus
cicatriciels sont moins irrigués, donc moins promoteurs
de réactions immunitaires [9].
Ce traitement est une solution alternative à l’extraction
dentaire et offre de bons résultats en association avec une
antibiothérapie longue et de la cyclosporine [8, 10].
Conclusion
Lors de gingivostomatite chronique féline, il est possible
de prévenir les échecs thérapeutiques à condition d’avoir
une approche plurithérapeutique (figure). Le détartrage
associé à une antibiothérapie peut être proposé en pre-
mière intention, mais les rechutes sont fréquentes. L’ex-
traction dentaire est alors le traitement de choix lorsque
les lésions sont importantes et/ou l’hygiène buccale dif-
ficilement réalisable. Le recours aux anti-inflammatoires
stéroïdiens est à éviter. La ciclosporine peut être utilisée
comme molécule immunomodulatrice, mais elle ne pos-
sède pas d’AMM chez le chat. Les interférons a et w uti-
lisés chez les chats FCV-positifs permettent de contrôler
les réactions inflammatoires et immunitaires responsables
fDes injections sous-cutanées de
2 MU/kg sont effectuées tous les
2 jours, cinq fois.
À associer ou non, ensuite, à
une prise quotidienne per os de
10 000 unités par jour pendant
2 mois, puis la même dose, 1 jour
sur 2, pendant 1 mois [12]. En
pratique, en prélevant 2 MU
(0,4 ml) d’un flacon de 5 MU, il est
possible de réaliser ce traitement
de 3 mois. Les 0,4 ml sont dilués
dans 100 ml et une solution à
10 000 unités pour 0,5 ml est
obtenue. Celle-ci se conserve
3 mois au réfrigérateur.
À la suite de ce traitement, des
chats porteurs de calicivirus et
atteints de gingivostomatite
ont bénéficié d’une réduction
significative de l’inflammation et
d’un statut calicivirus-négatif.
fDes injections locales sous-
muqueuses (de préférence
à la jonction entre les tissus
inflammatoires et sains) de 1
à 2 MU toutes les 2 semaines
peuvent également être
pratiquées, trois fois. Si
nécessaire, elles sont répétées
2 à 4 semaines plus tard, puis
toutes les 4 à 6 semaines pendant
2 à 6 mois en cas de récidive
[5]. Cette voie d’administration
permet en effet d’obtenir une
concentration plus élevée de
l’interféron au niveau de la
muqueuse oro-pharyngée.
ENCADRÉ
Protocoles d’utilisation du FelFN lors
de gingivostomatite chronique
(1) Médicament
humain.
PV315_P00_00_Jumelet(thera).indd 4 27/04/11 16:39