ET LES JUSTES
FAMILLE
& INFAMIE
BOUSILLE
DISTRIBUTION :
Bousille : Christian Michaud
Henri Grenon : Eliot Laprise
Noëlla Grenon : Laurie-Ève Gagnon
Phil Vezeau : Simon Lepage
Aurore Vezeau : Valérie Laroche
Colette Marcoux : Danièle Belley
La mère : Ghislaine Vincent
L’avocat : Maxime Perron
Frère Nolasque : Jean-Denis Beaudoin
CONCEPTION :
Texte : Gratien Gélinas
Mise en scène : Jean-Philippe Joubert
Assistance à la mise en scène :
Caroline Martin
Décor : Monique Dion
Costumes : Julie Morel
Lumières : Laurent Routhier /
Projet Blanc
Musique : Josué Beaucage
15
SEPT
10
OCT
2015
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BOUSILLE : Vous ne pouvez pas me demander de faire une chose pareille.
HENRI : Quoi ?
BOUSILLE : Vous savez bien que ce serait un faux serment…
HENRI : Écoute, toi…
BOUSILLE, le sang glacé : Le bon Dieu me laisserait retomber dans mon vice,
sûr et certain…
HENRI, pris d’une rage sourde : Je t’avertis charitablement :
le temps de niaiser est fini1.
PROPOS DE LA PIÈCE
À la fin des années 1950, la famille Grenon est réunie à Montréal pour assister au
procès du plus jeune fils, Aimé, accusé du meurtre d’un rival amoureux. Depuis
leur chambre d’hôtel, les Grenon seront prêts à tout pour faire acquitter Aimé
et, du même coup, sauver leur honneur, ce qui leur permettra de revenir dans
leur village de Saint-Tite la tête haute. Or, l’issue du procès repose sur la version
des faits que Bousille, cousin de l’accusé et seul témoin des événements, trans-
mettra en cour. On verra alors une famille « respectable » et « bien- pensante »
qui n’hésitera pas à recourir à l’intimidation et au chantage pour inciter le
malheu reux Bousille à se parjurer.
Bousille et les justes est souvent considérée comme la pièce la plus forte de
G r a t i e n G é l i n a s e t , s u r t o u t , u n i n c o n t o u r n a b l e d e l a d r a m a t u r g i e q u é b é c o i s e .
C’est ce qui explique que, depuis plus de cinquante ans, on n’a cessé de la
produire, ici et ailleurs, et toujours elle a connu un grand succès populaire.
Bousille et les justes a été créée le 17 août 1959 à Montréal, au Théâtre de la
Comédie-Canadienne, dans une mise en scène de son auteur en collaboration
avec Jean Doat. Gratien Gélinas y jouait le rôle de Bousille, accompagné de
plusieurs grands interprètes qui ont marqué le théâtre québécois, notamment
Jean Duceppe, Béatrice Picard, Juliette Huot, Monique Miller, Paul Hébert et
même Gilles Latulippe, qui faisait ses premières armes sur une scène profes-
sionnelle dans le rôle du frère Nolasque.
1 Gratien GÉLINAS, Bousille et les justes, Montréal, Typo, 2002, p. 110.
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LES CAHIERS DE LA BORDÉE / SAISON 2015-2016
Dès sa création, la pièce plaît à un public « canadien-français » qui s’y reconnaît
dans la satire que Gratien Gélinas propose d’une société hypocrite et corrompue,
alors qu’on se prépare pour la Révolution tranquille. Seulement au cours de la
saison 1959-1960, la Comédie-Canadienne offrira 121 représentations de Bou-
sille et les justes. Dans les mois et les années qui suivent, l’engouement ne se
démentira pas. La pièce est publiée en français dès 1960, puis en anglais en 1961.
En 1962, elle est diffusée dans les deux langues à la télévision de Radio-Canada.
Après avoir conquis les Québécois et les Canadiens, Bousille et les justes
traverse les frontières, fait rare pour la dramaturgie québécoise de l’époque,
pour toucher le cœur des Américains, des Britanniques, des Finlandais, des
Tchèques, des Allemands, etc. Et au Québec, pendant des décennies, le per-
sonnage de Bousille reviendra sur toutes les grandes scènes, que ce soit avec
la Nouvelle Compagnie théâtrale (1975), la Compagnie Jean Duceppe (1976
et 1989), le Théâtre du Trident (1976 et 1991), le Théâtre de la Bordée (1986),
le Théâtre du Rideau Vert (1999) et combien d’autres.
Le vrai visage des « justes »
Toute l’action de la pièce se joue entre les quatre murs d’une chambre d’hôtel
minable de Montréal, située près du Palais de justice. Dans un huis clos en quatre
actes, les membres de la famille Grenon, les « justes », se révèleront sous leur
vrai jour. Ceux qui, dans leur patelin de Saint-Tite, en Mauricie, apparaissent
comme des gens respectables et honnêtes, n’hésitent pas, à l’abri des regards,
à user de violence, d’intimidation, de mensonge pour sauver les appa rences et
éviter le scandale, le tout sous le regard « bienveillant » de Dieu.
Dès leur arrivée à l’hôtel, une des premières préoccupations des Grenon est de
vérifier si on parle du procès dans les journaux. Aurore, en particulier, semble
se soucier davantage de l’atteinte à leur réputation que du sort de son jeune
frère Aimé. Mais Phil, son époux, tente de la rassurer en lui rappelant que la
Providence ne peut qu’être du côté d’une famille qui a toujours su protéger son
apparence de respectabilité :
AURORE : Une famille respectable comme la nôtre, qui n’a jamais eu gros
comme ça à débattre avec la justice !
PHIL : Justement parce qu’on est du bon monde, le petit Jésus ne nous
laissera pas le nez dans la crotte2.
2 Ibid., p. 18.
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LES CAHIERS DE LA BORDÉE / SAISON 2015-2016
Ce « bon monde », en réalité, est fait de corruption, de tromperie, d’hypocrisie.
Henri, l’aîné de la famille, est assurément le plus corrompu du groupe. C’est à
lui qu’on obéit. C’est lui qui orchestre le jeu machiavélique qui mènera à la perte
de Bousille. Même si Noëlla, sa femme, et Phil, son beau-frère, se montrent un
peu plus compatissants à l’égard de Bousille, eux aussi finissent par plier sous
l’influence et la force d’Henri.
À la tête de cette famille, il y a la mère, celle qu’on protège en lui cachant les
vérités les plus sombres, mais celle aussi qui refuse obstinément de voir ces
mêmes vérités quand elles lui apparaissent clairement. Elle préfère se cacher
derrière ses dévotions : la statue de la bonne sainte Anne, le chapelet, le rosaire
en famille, les promesses de lampions à une « piastre », rien n’est ménagé pour
attirer le regard indulgent de Dieu sur une famille aussi « respectable ». La mère
n’est cependant pas prête à entendre parler des épreuves quune bonne famille
pieuse devrait accepter, comme le lui rappelle, non sans ironie, le frère Nolasque :
LA MÈRE, dolente : De bons catholiques comme nous autres, Il devrait être
de notre bord, tu ne penses pas ?
NOLASQUE : Oui, ma tante. À moins qu’Il ne vous fasse la grâce de passer
par le rude mais sanctifiant creuset de l’épreuve.
LA MÈRE : Dis pas ça !
NOLASQUE : Au cas où cela se produirait, demandez-Lui la force de faire
votre sacrifice, en chrétienne exemplaire que vous êtes.
LA MÈRE : Aujourd’hui, j’en ai pas le courage3.
Sans douter des convictions religieuses de la re, on comprend bien que la foi
n’a de valeur pour elle que dans la mesure elle sert ses intérêts et ceux de sa
famille. Ses excès de dévotion font écran aux manigances familiales, dont elle se
fait complice, d’une certaine manière, par son aveuglement volontaire, son refus
de voir le vrai visage de ses enfants, surtout quand il s’agit de son « bébé », Aimé :
LA MÈRE : Aimé, c’est un bon petit garçon, tu ne peux pas dire le contraire.
AURORE, désignant la photo : Cessez donc de le voir avec son brassard de
première communion : il l’a ôté depuis quinze ans !
LA MÈRE : C’est ça : rangez-vous tous contre lui, comme s’il n’était pas déjà
assez éprouvé !
3 Ibid., p. 37.
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