le désordre (relatif) qui règne sur votre
bureau (quelques dossiers y sont pré-
sents, et un trognon de pomme, dans une
petite assiette, témoigne de vos difficul-
tés à trouver un moment pour vous ali-
menter correctement). Ayant préparé la
consultation, M. L développe longue-
ment les avantages et les inconvénients
de la poursuite du traitement, sans pou-
voir donner sa conclusion. Plusieurs fois
au cours de l'entretien, il tente en vain de
donner la bonne position au cendrier
posé sur votre bureau. Au moment de
régler vos honoraires, il dit vous trouver
“bon mais cher” (alors que vous êtes en
secteur 1 !).
Ce tableau clinique évoque,
bien entendu,
une
personnalité obsessionnelle
Sur le plan clinique, le caractère obses-
sionnel rassemble une tendance à la
méticulosité, au souci de l'ordre, une
manie de la propreté, de l'obstination qui
confine à l'entêtement ainsi qu'une grande
parcimonie (avarice). Il s'y associe clas-
siquement une forte tendance au doute.
Dans l'esprit du grand public, on retrou-
ve cette figure sous le terme de
“maniaque de la pro
preté” ou “maniaque
de l'ordre”.
L’obsessionnel n’est pas un paranoïaque,
bien que l’on y pense souvent. Le para-
noïaque se méfie des autres et les sus-
pecte systématiquement de malveillance
à son égard. L’obsessionnel pense que les
autres sont trop insouciants pour bien
faire. Il redoute donc que la tâche ne soit
pas correctement effectuée, et non un
acte mal intentionné dirigé contre lui.
M. L doute, hésite : il pèse chacun des
arguments pour poursuivre ou arrêter son
traitement. Si son médecin le laisse faire,
il y perdra des heures. M. L s’attachera
aux détails, sans faire de distinction entre
les arguments essentiels et les autres.
Finalement, l’obsessionnel se retranche
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 1, janvier 2002 143
en médecine
Le développement de l'individu s'effectue
par étape. Le jeune enfant évolue et traverse,
tout d'abord, un stade où l'ensemble des plai-
sirs passe par la bouche, c’est le stade oral.
Le premier type de communication est le
sourire, puis vient la période où l'enfant sera
capable de devenir propre. Il n'y a qu'à voir
la figure réjouie des parents annonçant que
leur enfant est (enfin ou déjà, c'est selon)
propre pour comprendre l'importance, en
termes de communication, de ce stade (le
stade anal). En effet, pour la première fois,
l'enfant va pouvoir agir de par sa pro
pre
volonté sur le monde extérieur. Il va avoir tout
loisir pour retenir ses matières ou les donner.
Pour Freud, cette étape signe le premier
échange. Elle initie la symbolique du cadeau
et de l'argent. Donner ses matières, c'est faire
plaisir (tout comme donner un cadeau ou de
l'argent).
C'est le passage pathologique de ce stade qui
pourrait déterminer le caractère. En effet,
l'éducation du comportement sphinctérien
vise, en partie, à obtenir de l'enfant qu'il
renonce à cette satisfaction de retenir et
d'abandonner les matières à sa guise. L'échec
de cette discipline va résulter de la combi-
naison de deux facteurs : un excès d'attache-
ment au plaisir et la rébellion contre les
consignes de propreté.
Par la suite, l'individu va lutter contre ses
propres tendances. Il adoptera alors parfois
des attitudes excessives allant à leur encontre.
La difficulté d'abandonner des objets va se
traduire par une obstination, un entêtement,
un collectionnisme. Par excès de formations
réactionnelles, on peut voir des cadeaux
aussi surprenants que somptueux. Tel
homme, si avare avec sa famille, va faire un
don important à une fondation médicale. La
tendance à la saleté, à l'injure envers les
autres, la lutte contre l'autorité vont donner
lieu à un excès de propreté, à une
politesse
qui confine à l'obséquiosité, à la bonté, au
souci de justice et au respect de l'autorité.
Les continuateurs de Freud ont complété ses
descriptions. Pour Harry Stack Sullivan,
l’obsessionnalité est liée à une éducation
ambivalente : l’enfant grandit dans un milieu
en apparence calme, maîtrisé et poli, alors
qu’il est en réalité plein d’agressivité et
d’hostilité.
Psychopathologie pour les nuls
À faire À ne pas faire
Laissez-le exprimer sa personnalité Ne vous moquez pas d’emblée
dans un premier temps. de ses hésitations
Si vous bloquez l’obsessionnel d’emblée,
il ruminera en silence, et l’entretien
ne vous apprendra rien.
Devenez un peu obsessionnel Ne commencez pas à argumenter
vous-même : obligez-vous à ne faire vos décisions. Soucieux du débat,
que des remarques précises. l’obsessionnel vous posera une
première question sur votre décision
puis une deuxième sur le pourquoi
du premier argument, puis
une troisième sur le second, etc.
Sachez être concis et dire “stop” !
Soyez fiable (et à l’heure). Ne sortez pas votre plus beau sourire.
L’obsessionnel se méfie de ses propres
sentiments et de ceux des autres.
Il est mal à l’aise lorsque l’affectif
se mêle au rationnel.
Correspondances en médecine