Que toute la création bénisse le Seigneur !
Conférencier
Monsieur Norman
Lévesque
Diocèse de Sainte-Jean-
de-Longueuil
Théologien et
environnementaliste
Conférence du
18 mars 2012
INTRODUCTION
Je vous remercie de m’accueillir ici aujourd’hui. Je me sens privilégié de pouvoir partager ce
temps avec vous. Je m’appelle Norman Lévesque.
Je viens de terminer une maitrise en théologie (Université de Montréal) après avoir fait la
scolarité d’une maitrise en météorologie (UQAM). J’ai aussi travaillé à la Biosphère, un musée
d’environnement. Donc à 31 ans, je me considère être un théologien et environnementaliste.
Depuis le 4 octobre 2011, je suis l’animateur diocésain de pastorale de la Création au diocèse St-
Jean-Longueuil, mandaté par Mgr Gendron. C’est une première au Canada. Je suis aussi le
directeur du programme Église verte offert par le Centre canadien d’œcuménisme. Je suis
l’auteur du livre « Les pages vertes de la Bible » (Novalis 2011).
D’un côté, je connais les sciences de l’environnement et de l’autre je suis un agent de pastorale et
c’est comme ça qu’est né le projet Gardiens de la Création. C’est de la sensibilisation
environnementale en Église, ou autrement dit, c’est l’accompagnement pastoral des croyants à
prendre soin de la Création de Dieu.
ENVIRONNEMENT - ÉCOLOGIE - CRÉATION
Qu’est-ce que l’environnement?
L’environnement, c’est ce qui nous entoure, ce sont les environs. C’est notre milieu de vie. Les
ressources que nous consommons peuvent être locales comme les fraises de l’île d’Orléans, ou
du papier, ou elles peuvent venir de l’autre côté de la planète, comme du thé chinois ou des
vêtements faits au Bangladesh. Sans parler d’activisme ou d’alarmisme environnemental, on peut
d’abord être conscient-e de notre environnement, notre milieu de vie.
Qu’est-ce que l’écologie?
Il vient de deux mots : oikos (maison) et logos (connaissance). Donc, c’est de comprendre les
interactions entre les vivants et les non-vivants dans la maison. Par exemple, les loups contrôlent
les populations de chevreuils qui mangent les bourgeons des érables et des sapins. La qualité de
l’eau et du sol influencera leur santé et leur nombre. Ainsi, la force de l’écologie considère que
tous les êtres sont en interdépendance. C’est l’inverse de l’idéologie individualiste actuelle.
Au Québec, le père de l’écologie est Pierre Dansereau, puis le grand-père? Sans aucun doute,
c’est le frère Marie-Victorin qui a catalogué la flore laurentienne.
Qu’est-ce que la Création de Dieu?
Voici comment le psalmiste a décrit son environnement :
Que tes œuvres sont nombreuses, SEIGNEUR! Tu les as toutes faites avec sagesse, la terre est
remplie de tes créatures. (Psaume 104, 24)
Comme d’autres théologiens, j’écris Création avec un « C » majuscule, pour distinguer d’une
création humaine, comme du rap ou l’amphithéâtre de Québec. Ce « C » majuscule ne suggère
pas du tout la divinité de la nature, mais plutôt son Créateur divin. En ce sens, si une création
humaine est détruite, elle peut être rebâtie, mais des espèces en extinction ne peuvent pas être
régénérées.
La Création est donc notre environnement, ce qui nous entoure, avec un sens bonifié, car en tant
que croyants, nous considérons que c’est Dieu qui l’a créé.
Avec ma formation scientifique, je suis allergique au débat aux États-Unis sur la Création en sept
jours. Je pense qu’il est très facile de concilier la croyance d’un Dieu Créateur et l’acceptation de
la théorie de l’évolution biologique sur notre planète. Ils ne sont pas en contradiction.
Je vous explique : quand j’étais petit, ma mère faisait l’un des meilleurs gâteaux au fromage.
J’étais tout émerveillé devant le fait que c’est elle qui le faisait, même si je ne savais pas
comment en faire. Plus tard, j’ai trouvé sa recette. Pensez-vous que j’ai arrêté de croire que c’est
ma mère qui le faisait? Bien non. Alors, même si on connaît la recette avec laquelle Dieu a
façonné la diversité d’êtres vivants sur des millions d’années, ça ne nous empêchera pas de le
reconnaître comme Créateur… et de le bénir pour cette magnifique Création.
Qu’est-ce que l’eucharistie ?
L’eucharistie vient du mot ΕΥΧΑΡΙΣΤΗΡΙΟΝ, qui signifie « merci » ou littéralement « la vraie
charité ». Puisque l’eucharistie est le moment du grand merci, n’est-ce pas le moment idéal pour
prendre conscience de notre lien avec notre environnement, et de remercier notre Père créateur
pour cette abondance dont on veut prendre soin ? Est-ce que ce sacrement, institué par Jésus,
aurait le potentiel de permettre une sensibilisation environnementale ?
PRÉPARATION DES DONS
« Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail
humain… »
«
Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce vin, fruit de la vigne et du travail
humain… »
Préparation des dons
Ces deux prières furent introduites dans le Missel romain de 1969, sous le pape Paul VI, mais
elles trouvent leur origine dans la prière juive de bénédiction du pain qui se chante depuis des
siècles : « Béni sois-tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l'univers, qui fais sortir le pain de la terre1 : ».
Cette bénédiction occupe une place importante pendant le repas de la Pâque juive. Et c’est
précisément pendant ce repas ritualisé que Jésus a vécu son dernier repas avec ses disciples (Mc
14, 12). La forme de prière privilégiée est l’action de grâce, car si Dieu ne pourvoyait plus pour
nous, on ne pourrait pas manger de pain « fruit de la terre » et du vin « fruit de la vigne ». Tous
les deux sont aussi le résultat du travail humain, signe que l’humain est cocréateur. L’humain est
une créature ingénieuse qui sait prendre soin des bontés sur terre et même de les améliorer.
Sachant que cette bénédiction est si importante, peut-on simplement tourner le dos et ne pas
considérer la crise écologique ? Dieu peut nous donner le pain et le vin à condition qu’il existe
un équilibre écologique. Si le sol n’est plus de bonne qualité, si le climat endommage les
récoltes, plus rien ne pousse et c’est de notre faute.
____________________________
1 Traduction de l’hébreu : « Baruch atah Adonai, Elohaynu, melech ha-olam ha-motzi lechem min ha-aretz. »
À mon humble avis, les paroisses et les diocèses devraient prendre position et exiger que les
hosties viennent d’un blé de culture biologique. À ce sujet, les sœurs clarisses de Valleyfield
viennent tout juste d’accepter d’utiliser de la farine biologique dans la confection du pain d’autel,
ce qui en fait une première au Québec! Le choix de ce pain reflète une prise de conscience du
sens des réalités physiques présentées à l’étape de l’observation.
Aujourd’hui, le vin peut parcourir de grandes distances avant d’arriver à notre table : au Québec,
la presque totalité des paroisses utilisent un vin de messe (altar wine) de la Californie qui se
trouve à 4000 km. Plus il voyage loin, plus le camion émet de gaz à effet de serre, ce qui retient
la chaleur dans l’atmosphère et nous mène tout droit vers des changements radicaux du climat.
La provenance du vin qu’on achète a une influence sur la qualité de vie des générations futures.
À mon humble avis, les paroisses et les diocèses devraient considérer l’achat de vin
local/régional. À ce titre, le Domaine Côtes d’Ardoise (à Dunham) vient de faire authentifier un
vin rouge et un vin blanc à titre de « vin de messe » par l’évêque de Saint-Hyacinthe en mai
2011. Encore une fois, ce choix reflète une prise de conscience du sens des réalités physiques
présentées à l’étape de l’observation.
PRIÈRE EUCHARISTIQUE
«
Tu es vraiment saint, Dieu de l’univers, et toute la création proclame ta louange, car
c’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifies toutes choses… »
- Prière eucharistique III, après le Sanctus
Cette prière ouvre notre esprit bien au-delà des murs de l’église dans laquelle nous sommes.
Alors que le dimanche nous chantons des louanges vers le Seigneur, nous sommes comme des
chefs d’orchestre pour faire monter la louange des autres créatures. Dans la tradition juive, qui
fut la fondation de la tradition chrétienne, toutes les créatures, par leur simple existence, louent
leur Créateur. L’oiseau chante, l’écureuil saute, la fleur montre sa beauté… chaque créature loue
le Seigneur selon les dons qu’elle a reçus.
D’où le titre de cette conférence : Que toute la Création bénisse le Seigneur!
En mettant véritablement en valeur nos prières, nos communautés chrétiennes prendront
davantage conscience de l’impératif de se lever pour défendre certains milieux naturels. Il
convient de promouvoir plutôt une approche sélective qui consiste à laisser un certain nombre
d’habitats dans leur état naturel et à en réserver d’autres, moins riches en biodiversité, pour
l’habitation humaine et le développement. A-t-on fini de saccager à jamais un habitat fragile et
ses populations, juste parce que la vue y est belle ?
Il est devenu très difficile de comptabiliser les espèces qui disparaissent de la surface de la Terre,
tant le rythme d’extinction est devenu effarant : plus de 100 par jour ! La disparition de la vie sur
Terre s’accélère. Beaucoup d’espèces disparaissent avant même d’être découvertes. Sur 41 415
espèces observées, faune et flore, 16 306 ont été portées sur la liste des espèces en danger à des
degrés divers selon l’Union mondiale de la nature, soit près de 40%. Le rythme de cette
extinction est de 10 à 100 fois supérieur, selon le cas, au taux naturel. L’action humaine apparaît
comme directement ou indirectement responsable de ces disparitions : recul des habitats naturels,
pollution, changements climatiques, chasse non contrôlée, introduction d’espèces étrangères…
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