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logement, loisir, transport, enseignement, santé). Ces différentes fonctions peuvent être
satisfaites de deux manières différentes : en faisant appel à la sphère formelle (il s‟agit de
l‟acquisition du service auprès d‟un prestataire extérieur) ou en ayant recours à la sphère
informelle (il s‟agit alors de la combinaison de deux facteurs : un bien ou un équipement
acheté et le travail domestique nécessaire pour le mettre en œuvre). Sur le plan théorique,
Gershuny ne réfute pas la loi d‟Engel à savoir le glissement de la demande finale des biens
vers les services. La hiérarchie des besoins est simplement déplacée du dualisme : bien
(inférieur), service (supérieur) à une hiérarchisation des fonctions (la fonction loisir est
supérieure à la fonction alimentation, par exemple). On notera que Gershuny mobilise un
argument de différentiel de productivité pour expliquer la préférence pour le self-service. En
effet, c‟est la faible productivité relative des services et donc leur prix relatif plus élevé par
rapport aux biens qui explique la préférence pour le self-service.
1.3 Le rôle de la demande de services des entreprises
Une des principales critiques adressée à la théorie du self-service de Gershuny est
qu‟elle s‟applique à la consommation finale de services des ménages, mais qu‟elle n‟est pas
adaptée à la demande de service des entreprises (services intermédiaires). Or, depuis plusieurs
décennies, les services aux entreprises connaissent une très forte croissance. La demande de
services intermédiaires joue un rôle important de la tertiarisation des activités. Elle remet
également en question l'idée d'une opposition entre biens et services, qui apparaissent ici
plutôt comme complémentaires (Stanback, 1979).
Outlon (1999) démontre que le déclin du taux de croissance mis en évidence par le
modèle de Baumol n‟est vrai que parce que les secteurs stagnants n‟y produisent que des
services finaux. Si l‟on prend en compte les services intermédiaires (services aux entreprises
et services financiers), et même si ces services sont envisagés comme stagnants ou
asymptotiquement stagnants, on assiste à une élévation mécanique et non à un déclin du taux
de croissance. En effet, le produit compté en biens industriels d'un travailleur employé dans
les services intermédiaires augmente grâce aux gains de productivités du secteur industriel
client. Par ailleurs, les gains de productivité, même faibles, des secteurs de services
intermédiaires vont permettre d'accroître indirectement la productivité du secteur industriel
client, ce dernier produisant plus de biens avec moins de services. Le raisonnement d‟Outlon
est donc avant tout un raisonnement comptable. On trouve également dans la littérature
(Antonelli, 1998 ; Camacho et Rodriguez, 2010) un certain nombre de tentatives de validation
empirique des effets des services intermédiaires sur la productivité de leurs clients. On notera
que chez Outlon, la croissance des services intermédiaires ne s‟explique pas par une
modification des besoins des entreprises, mais plutôt par un argument de coûts. Ainsi, puisque
les services intermédiaires bénéficient des gains de productivité, même faibles, ils se révèlent
relativement moins coûteux que l‟emploi direct du facteur travail. Les firmes industrielles
substituent donc peu à peu des services intermédiaires au travail afin d‟accroître leurs marges
de profit. Par conséquent, l‟arbitrage économique les conduit à externaliser certaines de leurs
fonctions internes. Il s‟agit d‟une explication par les coûts de transaction. Bien que
l‟externalisation puisse concerner à la fois les firmes industrielles et les firmes de services,
l‟argument d‟externalisation est souvent venu appuyer les thèses industrialistes selon
lesquelles c‟est l‟industrie qui est motrice et créatrice d‟emplois
Cette explication de la croissance des services aux entreprises par un argument de coût
de transaction est fréquente. Mais elle semble plus pertinente pour les services opérationnels
(par exemple, le nettoyage, la restauration, etc.) que pour les services intensifs en
connaissances (les knowledge intensive business services) à savoir les activités d‟ingénierie,
de R-D et de conseil. Comme le soulignent Gadrey et al. (1992, 1998) on ne sous-traite pas