26-31 INTERVIEW:Champ eco 26/04/10 11:39 Page26 Interview No u L D 1984 : naissance à Charleville-Mézières 2004 : création de sa première entreprise, ABC Institut 2007 : diversification vers la garde d'enfants et création de Hébé 2008 : ouverture d'une première micro-crèche à Reims 2010 : lancement d'un réseau national de micro-crèches 26 Pendant que ses camarades de classe révisaient leur bac, Yoann Dedion pensait déjà à créer sa première entreprise. Bien lui en a pris puisque ce jeune Ardennais âgé de 26 ans a déjà bâti un petit groupe autour des services à la petite enfance. Depuis sa base rémoise, il essaime désormais son concept de micro-crèches dans la région, et bientôt dans toute la France. champ éco n°87 - le magazine de l’économie en mo 26-31 INTERVIEW:Champ eco 26/04/10 11:39 Page27 Yoann Dedion, École créateur d’entreprises (ABC Institut, Hébé, internationale Henri-Farman) o us sommes parmi LES DEUX PREMIERS RÉSEAUX FRANÇAIS DE MICRO-CRÈCHES Vous avez obtenu un prix Reims Créator en 2008, et depuis, vous n'arrêtez pas de vous développer dans les services à la petite enfance. Comment est née cette aventure ? Au départ, je me suis lancé dans les cours de soutien scolaire à domicile, avec ma première entreprise qui s'appelle ABC Institut. Alors que cette activité était sur les rails, j'ai élargi la palette des services à la personne avec la garde d'enfants, deux ans plus tard. Très rapidement, cette nouvelle activité a pris le dessus tant la demande est importante. Et puis, en 2007, j'ai senti qu'il y avait une ouverture réglementaire avec la possibilité de créer des micro-crèches, accueillant dans un même lieu neuf enfants au maximum, encadrés par deux professionnels de puériculture et de petite enfance. C’est ainsi que j'ai lancé l'entreprise Hébé. Comment avez-vous fait pour transformer cette opportunité en une réussite économique ? Nous avons innové en développant un nouveau métier autour de la gestion de micro-crèches. Dans un premier temps, il a fallu beaucoup de concertation en mouvement de Reims et d’Épernay - mai 2010 avec les ministères concernés et les services de tutelle pour que le mode de fonctionnement soit parfaitement défini. Ensuite, nous avons cerné les besoins des utilisateurs qui sont à la fois les enfants et les parents. C'est ainsi que nous avons décidé de pratiquer une grande amplitude d'ouverture, des implantations en centre-ville ou en zone d'activités économiques, ou encore des facilités de paiement pour tenir compte des remboursements de la Caf. Nous avons ouvert une première micro-crèche à Reims, début 2008. Depuis nous n'avons pas cessé et nous avons désormais neuf micro-crèches disséminées sur l'agglomération rémoise. Cette première expérience réussie nous a permis de voir plus loin, et d'ouvrir six nouvelles micro-crèches à Châlons-en-Champagne, Épernay et Lille. Maintenant que nous avons fait nos preuves, nous allons continuer d'ouvrir des micro-crèches dans d'autres villes, dès cette année. Comment vous situez-vous par rapport à la concurrence dans votre secteur ? En ce qui concerne spécifiquement les micro-crèches, nous sommes aujourd'hui parmi les deux premiers réseaux français, les autres structures étant moins organisées ou centrées uniquement sur une ville. Maintenant, tout va se jouer dans les deux années qui viennent, où l'enjeu sera d'atteindre le plus rapidement possible une taille nationale. Pour sa part, Hébé a déjà ciblé une quarantaine d'implantations sur lesquelles nous travaillons activement. Nous faisons des études de marché pour cerner les besoins exacts dans les villes qui nous intéressent. “L'enjeu sera d'atteindre le plus rapidement possible une taille nationale.” Quel est l'intérêt de monter un réseau national dans les années qui viennent ? Le concept est bien défini et nous sommes bien accueillis dans les nouvelles villes grâce à notre expérience à Reims. La demande est vraiment importante. D'ailleurs, lorsque nous ouvrons une nouvelle micro-crèche dans une même ville, nous avons ❯❯❯ suite page 31 immédiatement 27 26-31 INTERVIEW:Champ eco 26/04/10 11:39 Page29 Interview les services à domicile commençaient seulement à se développer. Finalement, je suis d'abord passé par une capacité en droit à la faculté de Reims et dans la foulée j'ai passé le bac en candidat libre. J'étais un peu pressé de me lancer dans la vie active sans doute... La valeur n’attend pas le nombre des années : Yoann Dedion a fondé sa première société à l’âge de 20 ans. des familles en liste d'attente et la seconde ouverture suit rapidement. Pour ces nouvelles implantations, nous cherchons d'anciens locaux commerciaux bien situés en ville, que nous transformons en lieu d'accueil pour une micro-crèche qui sera gérée par du personnel qualifié. Maintenant, notre force réside aussi dans les économies d'échelles qu'un réseau peut réaliser. Ainsi, nous avons déjà pu mettre en place notre propre centrale d'achats qui peut négocier efficacement les prix, ainsi qu'un centre d'appels commun à toutes nos structures. Dans le même esprit, nous avons aussi développé notre propre logiciel de gestion d'une micro-crèche. Au-delà de la gestion d'une entreprise en croissance, qu'est-ce qui vous fait avancer ? C'est l'innovation. En fait, nous sommes des innovateurs, puisqu'il nous a fallu travailler avec les administrations, les collectivités et les organismes sociaux à la mise au point de ce concept original, qui s'avère être un parfait compromis entre l'assistante maternelle et la crèche collective. Je suis bien conscient de l'aide que j'ai pu avoir dans cette démarche, et j'essaie de renvoyer l'ascenseur en m'engageant comme administrateur à la Caf ou comme conseiller de l'enseignement technique. Nous ouvrons par ailleurs largement nos structures à des stagiaires, encadrés par nos professionnels, afin qu'il puissent préparer les diplômes dans de bonnes conditions. Au passage, je dirais qu’aujourd'hui la difficulté est plutôt celle du recrutement. “Nous sommes des innovateurs, puisqu'il nous a fallu travailler à la mise au point d’un concept original.” Est-ce que vous vous imaginiez devenir un jour chef d'entreprise ? Oui, parce que j'ai toujours eu l'esprit d'entreprendre. À l'école, j'ai toujours eu en tête l'idée de créer ma propre entreprise. C'est ce que j'ai fait en 2004, alors que je n'avais que 20 ans et pas encore terminé mes études. J'ai lancé ABC Institut en 2004, alors que Face à un banquier, est-on sérieux lorsqu'on a 20 ans, et aucune expérience de l'entreprise ? Aujourd'hui j'ai un banquier qui me soutient dans tous mes projets de développement. Au début, c'était loin d'être le cas. J'ai dû solliciter un nombre impressionnant de banques avant d'en trouver une qui accepte de me suivre. Et encore, j'avais derrière moi mon grand-père et mon oncle qui m'ont toujours soutenu dans mes projets, même dans les périodes de doute. Et il y en a forcément dans le parcours d'une entreprise, d'autant que lorsqu'on est autodidacte, on apprend beaucoup à travers ses erreurs. Cela dit, ces expériences permettent de repartir sur de meilleures bases. Quel est le modèle économique de vos micro-crèches ? Nous finançons entièrement nos investissements et nos recettes se composent uniquement de ce que nous facturons aux familles. Nous sommes sur un marché concurrentiel, où la tarification est libre, mais sur lequel il faut être bien placé au niveau qualité-prix. Maintenant, les familles perçoivent des aides de la CAF pour les aider à financer nos prestations. Déduction faite des ces aides, il reste en moyenne 300 euros par mois à financer pour un enfant confié toute la semaine. Et cette dépense bénéficie également de déductions fiscales au niveau du ménage. champ éco n°87 - le magazine de l’économie en mouvement de Reims et d’Épernay - mai 2010 29 26-31 INTERVIEW:Champ eco 26/04/10 11:39 Page30 Interview Qu'est-ce qui vous paraît aujourd'hui le plus difficile dans votre métier de chef d'entreprise ? Lorsqu'on devient chef d'entreprise, le plus complexe est sans doute la gestion des ressources humaines. C'est d'autant plus vrai dans notre cas, puisque nous avons grandi très vite avec 35 salariés à temps plein pour Hébé et 55 – mais 15 en équivalents temps plein – pour ABC Institut qui poursuit toujours son activité d'origine. Or, la législation sociale est très complexe et le risque de faire des erreurs toujours présent. Cela dit, je sais aussi que la force d'une entreprise, ce sont ses collaborateurs, et c'est d'autant plus vrai pour nous. Heureusement, je peux compter sur une équipe dynamique qui accepte des amplitudes horaires importantes. “A l'école, j'ai toujours eu en tête l'idée de créer ma propre entreprise.” “L'esprit d'entreprendre n'est pas assez mis en avant dans l'enseignement.” Compte tenu de votre propre expérience, que faudrait-il pour que plus de jeunes deviennent chef d'entreprise ? D'une manière générale, je pense que le développement de l'esprit d'entreprendre n'est pas assez mis en avant dans l'enseignement, quel que soit d'ailleurs le niveau d'études. Devenir créateur d'entreprise n'est pas forcément la première chose à laquelle on pense en faisant ses études, et c'est dommage. Pourtant, entreprendre et innover, c'est une belle aventure humaine dans laquelle on peut se lancer à tout âge, sans aucune hésitation ! ■ Laurent Locurcio Pour en savoir plus : www.creche-hebe.com 30 Après la crèche, l’école En septembre 2010, l'École internationale Henri-Farman ouvrira ses portes à Reims. Un gros investissement pour Yoann Dedion et Hébé, puisque ce sont plus de 1 300 m2 de locaux d'accueil pour enfants qui seront aménagés pour cette école et une micro-crèche. À cette occasion, le jeune chef d'entreprise va franchir une étape en ouvrant sa première école maternelle privée hors contrat, qui accueillera des enfants à partir de 2 ans. En quelque sorte il s'agit de classes “passerelles”, avec des instituteurs et institutrices, préparant les enfants à intégrer ensuite les maternelles classiques où l'entrée des enfants de moins de 3 ans pose parfois problème. Dans ce domaine également Yoann parle d'innovation, car il a fallu monter un copieux dossier et obtenir toutes les autorisations nécessaires pour mener le projet à terme. Mais là aussi, le marché est important, car ses futurs clients – les parents – sont déjà en liste d'attente depuis quelque temps. D'autant que ce sont les parents qui ont déjà confié leurs enfants à l'une des désormais nombreuses micro-crèches Hébé de l'agglomération rémoise. ■ champ éco n°87 - le magazine de l’économie en mouvement de Reims et d’Épernay - mai 2010