Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie I. INTRODUCTION : Le virus West Nile est un flavivirus, transmis chez l’homme par des moustiques essentiellement du genre Culex. Le réservoir naturel du virus est constitué par les oiseaux sauvages ou domestiques, l’homme comme le cheval sont des hôtes accidentels du virus. La transmission du virus chez l’homme se fait par piqûre d’insecte, l’infection humaine est asymptomatique dans 80% des cas, dans 20% des cas elle se manifeste par un syndrome fébrile pseudo-grippal. Les formes sévères neurologiques, à type de méningites et de méningoencéphalites n’apparaissent que dans 1% des cas. Dans le monde, le virus West Nile touche l’homme de façon sporadique ou épidémique. Des cas humains de fièvre à virus West Nile ont été rapportés dans diverses régions du globe, en Afrique, au Moyen-Orient, en Inde, en Europe et aux Etats-Unis. Actuellement, depuis le mois d’aout 2010, des cas équins de West Nile ont été notifiés au Maroc, en Espagne et en Italie et des cas humains en Roumanie en Turquie et en Grèce. La Tunisie a connu une première épidémie en 1997 (173 cas humains groupés de méningites confirmés dans la région du Centre Est : Sfax, Mahdia, Monastir, et Sousse Kairouan) [1]. Ces régions côtières se trouvent sur le trajet d’importantes migrations d’oiseaux de l’Afrique vers l’Europe, surtout en été et en automne période où les moustiques vecteurs sont les plus présents et les plus actifs. Une deuxième épidémie est survenue en 2003, où on a enregistré 50 cas à Mahdia, Sousse et Sfax [2]. Au cours de ces deux épidémies, aucun cas clinique n’a été enregistré chez les chevaux en Tunisie malgré une séroconversion. Devant l’intensification de la circulation du virus West Nile en Europe et sur le pourtour méditerranéen, un dispositif de surveillance est mis en place afin de détecter précocement une circulation de ce virus et de mettre en œuvre rapidement des mesures de contrôle. Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes 1 Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie Les objectifs de ce guide sont : Le renforcement de la surveillance active des cas humains de méningites et de méningoencéphalites à liquide clair. La mise en œuvre rapide et coordonnée de mesures de contrôle du vecteur et de protection des personnes et plus particulièrement la mise en place des actions de démoustication qui permettront de rompre la chaîne de transmission de la maladie. II. INFECTION A VIRUS WEST NILE : LA MALADIE HUMAINE A. DIAGNOSTIC CLINIQUE Dans 80% des cas, l’infection à virus West Nile est asymptomatique et passe habituellement inaperçue chez l’homme. Quand elle est symptomatique, elle s’exprime le plus souvent par un syndrome pseudo grippal (figure 1). Les Deux formes cliniques de la maladie: – Un syndrome fébrile aigu durant 3 à 4 jours (20% des cas), avec des rechutes fréquentes, accompagné de myalgies, de céphalées et quelques fois d’éruptions cutanées similaires à la rougeole, suivie d’une période d’asthénie. L’évolution est le plus souvent favorable, mais peut se compliquer de manifestations neurologiques. – Les formes sévères apparaissent dans environ 1 cas sur 150 et se traduisent par des manifestations neurologiques (méningite aseptique, méningo-encéphalites, paralysie flasque aiguë, syndrome de Guillain Barré), principalement décrites chez les sujets âgés. La mortalité de la maladie a été évaluée à 2% des infections et 7 à 9% chez les patients présentant des formes neurologiques lors des épidémies de 2002 et 2003 aux USA(3). Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes 2 Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie <1% Forme neurologique 1 15%% Forme symptomatique 1 85% Forme asymptomatique 3 Figure 1 : Formes cliniques de la maladie de West Nile B. MODES DE TRANSMISSION A L’HOMME Le virus se transmet principalement par des piqûres d’insectes (Culex pipiens le plus souvent). Cependant d’autres modes de transmission ont été mis en évidence à l’occasion de l’épidémie Nord Américaine: transfusion et transplantation d’organe, exposition professionnelle en laboratoire, transplacentaire, allaitement maternel. C. CYCLE DE TRANSMISSION Le cycle de vie du virus West Nile implique un insecte vecteur, un réservoir animal et des hôtes accidentels qui sont des impasses pour la poursuite du cycle (figure 2). L’homme et le cheval peuvent être infectés après piqure par des insectes vecteurs infectés, très sensibles au virus, sont cependant des culs de sac épidémiologiques. Toutefois, la maladie ne se transmet pas d’homme à homme, ni de cheval à cheval, ni du cheval à l’homme. Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie 4 Figure 2 : Cycle de transmission du Virus West Nile 1. Le virus Le virus West Nile est un arbivirus qui appartient à la famille des Flaviviridae qui comprend aussi le virus de la fièvre jaune, de la dengue et de l’encéphalite de Saint Louis. 2. Le vecteur Les moustiques sont les principaux vecteurs biologiques du VWN. Le virus a été isolé chez plus de 75 espèces de moustiques, et également chez d’autres espèces comme les tiques. Les moustiques ornithophiles du genre Culex jouent un rôle majeur dans le cycle : Culex Pupiens en Europe et en Amérique du Nord, le Culex univittatus au moyen-Orient et en Afrique. Les épidémies apparaissent habituellement dans les zones humides et généralement en fin d’été, lorsque les vecteurs du genre Culex sont abondants. 3. Les réservoirs Les oiseaux sont les réservoirs naturels du VWN. La plupart survivent à l’infection et développent une immunité permanente. Cependant certaines espèces sont particulièrement sensibles (famille des Corvidae). Les oiseaux sauvages ou domestiques apparaissent comme des réservoirs Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie compétant. Les poules adultes et les pigeons apparaissent comme des réservoirs incompétents. Chez les oiseux la virémie dure entre 1 et 4 jours. Les moustiques sont également considérés comme des réservoirs, car une fois infectées par le virus, ils sont capables de le transmettre. 4. Les hôtes accidentelles Plusieurs espèces sont sensibles à l’infection par le WNV. L’acquisition de l’infection a été démontrée essentiellement chez l’homme et le cheval. Les hôtes accidentels ne sont pas amplificateurs : ils ne peuvent pas infecter un moustique lors d’un repas sanguin. D. DIAGNOSTIC : Quatre techniques diagnostiques sont possibles : 1- Sérologie (figure 3): deux techniques sérologiques sont utilisées : – La recherche d’IgM par technique ELISA. Celles-ci apparaissent à partir du 8ème jour de la maladie. Il existe des réactions croisées avec les autres flavivirus mais moins fortes qu’avec les IgG. Elles imposent de confirmer tout résultat positif par un test de neutralisation. Ces IgM peuvent persister au moins 1 an. – Le test de neutralisation est le test de référence pour le diagnostic spécifique des arboviroses. Les anticorps apparaissent 2 à 3 semaines après le début de l’infection. Il est nécessaire de disposer de 2 prélèvements à 1 à 3 semaines d’intervalle qui, en montrant une augmentation significative du titre des anticorps, permettront de prouver que l’infection est récente. Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes 5 Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie 6 Figure3 : Cinétique d’apparition des marqueurs viraux dans le sang (Lanciotti, 2003) 2- Amplification génique par RT-PCR : Cette technique est moins sensible que les meilleures techniques de sérologie. Son intérêt est très limité pour le diagnostic d’une suspicion clinique d’infection à VWN, car au moment de l’apparition des signes cliniques, la virémie a déjà disparue. 3- Isolement viral par culture : Cette technique nécessite un laboratoire de sécurité P3. 4- Recherche d’antigènes : Cette technique ne s’applique qu’aux broyats de moustiques E. TRAITEMENT : Il n’y a pas, de traitement spécifique de cette infection. Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie III. SURVEILLANCE HUMAINE ACTIVE DU RISQUE D’INTRODUCTION DU VIRUS WEST NILE EN TUNISIE : A. DEFINITION DES CAS a. Définition des cas suspects : Est toute personne présentant un LCR clair (non purulent) prélevé à la suite d’un état fébrile (fièvre à 38,5°C) associé à des manifestations neurologiques de type méningite ou méningoencéphalite sans étiologie identifiée. b. Définition des cas confirmés : Est un cas suspect avec au moins un des critères de laboratoire suivants : – Une identification d’anticorps IgM anti-VWN dans le LCR par ELISA. – Une séroconversion. – Une augmentation de 4 fois du titre des anticorps IgG anti-VWN détectés par ELISA sur deux prélèvements consécutifs. B. DESCRIPTION DU DISPOSITIF DE SURVEILLANCE Ce dispositif est basé sur le renforcement de la surveillance humaine et des investigations autour du cas. La surveillance humaine est basée sur le signalement des cas suspects d’infection à VWN à type de méningite et de méningo-encéphalite par l’ensemble des établissements hospitaliers publics et les cliniques privées susceptibles de prendre en charge des cas de méningite et de méningoencéphalite, sur tout le territoire Tunisien, ce dispositif sera désormais activé chaque année à partir du mois d’avril jusqu’à fin novembre. Population cible : toute personne hospitalisée du début d’avril à fin novembre, présentant un état fébrile (fièvre à 38,5°C) et des manifestations neurologiques de type méningite ou méningoencéphalite ayant conduit à la réalisation d’une ponction lombaire. Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes 7 Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie Organisation de la surveillance humaine : Circuit d’acheminement et modalités de prélèvement. Prélèvement de : LCR : 500µl au minimum dans un tube de 2 ml au maximum ; Sang total : 1 tube EDTA de 5ml stérile ; Ne pas congeler les échantillons mais les conserver à 4°C ; Transport à température ambiante ou à + 4° dans les 24 à 48 h ; Cas suspect d’infection à virus West Nile, Le service hospitalier, public ou privé, adresse les premiers prélèvements (LCR et prélèvements sanguins sur tubes sec et EDTA) au laboratoire de virologie de l’Institut Pasteur de Tunis. Ces prélèvements doivent parvenir le plus précocement possible après le début des symptômes. Un second prélèvement de sérum (ou de sang total) sera adressé au laboratoire de virologie de l’Institut Pasteur de Tunis avec un délai de 15 à 20 jours et un minimum de 5 jours après le premier prélèvement. Chaque prélèvement sera accompagné d’une fiche de déclaration comportant des renseignements cliniques. Cette fiche sera envoyée en même temps à l’Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes, qui informe immédiatement la DSSB et la DHMPE. Des mesures de prévention seront mises en place. En cas d’infection à virus West Nile confirmée, – Le laboratoire de virologie de l’IPT transmet immédiatement les résultats au service hospitalier ou à la clinique privée ayant déclarée le cas suspect et à l’ONMNE, lequel informe, à son tour, la direction régionale concernée et la DSSB. – Une fiche de suivi sera rempli par les services hospitaliers déclarant le cas et adressé et à l’ONMNE. – L’ONMNE informe immédiatement la DSSB et la DHMPE, évalue le risque et déclenche l’enquête épidémiologique autour du cas confirmé en collaboration avec la DSSB et la DHMPE, des mesures de lutte spécifiques seront mises en place. Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes 8 Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie IV. MISSIONS DES DIFFERENTES ACTEURS DE LA SURVEILLANCE Acteurs Missions ONMNE Coordination de la surveillance, Elaboration du guide et des fiches de surveillance, évaluation du risque épidémiologique, Pilotage et analyse des résultats de la surveillance des cas humains, Rétro-information régulières aux acteurs concernés par la surveillance (DSSB, DHMPE, SR) DSSB Coordination des actions de surveillance en collaboration avec l’ONMNE et la DHMPE, Réalisation de l’enquête épidémiologique autour des cas, DHMPE Expertise entomologique, mise en place de la surveillance entomologique et de la lutte anti-vectorielle en collaboration avec les différents acteurs concernés, Enquête entomologique autour des cas suspects et confirmés, Laboratoire virologie Pasteur Tunis de Institut Laboratoire de virologie de référence, Envoi des résultats dans les meilleurs délais à l’ONMNE et au service déclarant, Médecin de première ligne Surveillance et déclaration des cas humains suspects, envoi de la fiche de déclaration et des prélèvements au LV de l’IPT, envoi de la fiche de déclaration à l’ONMNE, envoi d’informations complémentaires pour les cas confirmés d’infection VWN à l’ONMNE, Services régionaux de Soins de Santé de Base Pilotage et surveillance des cas humains au niveau régional, réalisation de l’enquête épidémiologique autour des cas suspects: repérer et circonscrire la zone géographique, recherche active de cas parmi les proches du cas confirmé, Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes 9 Mai 2011 Guide de surveillance du risque d’émergence des virus West Nile en Tunisie V. BIBLIOGRAPHIE : 1. H. Triki, S. Murri, B. Le Guenno, O. Bahri, K. Hili, M. Sidhom, K. Dellagi. Méningo-encéphalite à arbovirus West Nile en Tunisie. Med. Trop. 2001 ; 61 :487-490 ; 2. W. Hchfi, I. Bougmiza, F. Bellazreg, O. Bahri, N. Kaabi, F. Bahri, A. Letaif. Une deuxième épidémie de méningo-encéphalite à virus West Nile en Tunisie. Médecine et maladies infectieuses 40 (2010) 456-461. 3. CIRCULAIRE N°DGAL/SDSPA/C2006-8008/163 du 2 aout 20006 relative aux mesures visant à limiter la circulation du virus West Nile en France Métropolitaine. VI. COMITE DE REDACTION ONMNE : Pr Noureddine Achour Pr Ag Nissaf Ben Alaya-Bouafif Dr Souha Bougatef IPT : Pr Ag Olfa Bahri Dr Ali Bouattour DHMPE : Dr Jaber Daaboub DSSB : Dr Mondher Béjaoui Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes 10