Jean-Paul Hameury
(1931- 2009 )
J
ean-Paul Hameury fut un écrivain discret, se tenant résolument à l'écart, jusqu'à
refuser, du moins les dix dernières années de sa vie, des propositions de lecture en
public ou des participations à des émissions de radio. Il lui suffisait de travailler.
L’œuvre abondante qu'il nous laisse en témoigne. Elle se décline d'abord en une
quinzaine de recueils de poèmes et en plusieurs essais sur la peinture. Ses artistes de
prédilection se nomment Cézanne, de Staël, ainsi qu'Edward Hopper. Il n'eut de cesse
de s'interroger sur la situation de la poésie dans les temps présents. Dans un livre au
titre volontairement provocateur, L’Échec de Mallarmé, il renvoie dos à dos les
poétiques surannées et les expérimentations les plus absconses. Il plaide pour le verbe,
le dépouillement et la rébellion, opposés au verbiage, à la séduction, à l'avidité, à la
soumission grégaire. Pendre parole pour lui, c'est maintenir l'errance (titre de son
dernier recueil) afin de rendre visible ce qui est. Le monde, dit-il, n'attend rien de
nous, il se contente d'être là et c'est une erreur d'affirmer qu'il se donne à voir. Il ne se
donne ni se refuse, il est présent, simplement présent. C'est cette présence non
édulcorée par nos désirs, nos habitudes qu'il s'est continûment attaché à rendre visible.
Parallèlement à cette démarche il a produit deux essais sur notre modernité : Illusions
et mensonges et Regards sur le temps présent. Rares sont les traits de nos sociétés qui
trouvent grâce à ses yeux. De la domination technicienne à l'industrialisation de la
culture, de la religion des bons sentiments à la cruauté et à la violence sous- jacentes,
sa plume d'une lucidité acérée n'a de cesse de pointer nos désastres, nos renoncements
sans pour autant rêver d'un âge révolu. Ses deux récits Macchab et L'Empire mettent
en scène des personnages parfois clownesques, toujours veilleurs, victimes mais
également témoins. « Nous avons des folies raisonnables, des désirs maîtrisés.
L'important, ici, pour tous, c'est de durer quelles que soient les infamies
quotidiennes » Les recueils de nouvelles s'inscrivent dans la même grille. N'y a-t- il
pas trop d'outrance ? C'est au lecteur de juger. Pour ma part je retiens de l’œuvre sa
forte unité qui va jusqu'à l'acharnement, pathétique presque, à ne pas s'en laisser
conter. Hameury, homme du retrait, s'applique méthodiquement à s'affronter au vide,
porté certainement par la nécessité de se défaire de tout désir comme de toute crainte.
L'ensemble des livres est publié aux éditions Folle Avoine, mais je ne saurais oublier
le recueil de poèmes Brûlant seul paru à Genève aux éditions La Dogana. Citons
également Le Gardien du Feu (prose) publié à Rennes chez Wigwam, un recueil
d'aphorismes paru aux éditions de La Feugeraie et deux recueils de poèmes – Exil et
Requiem – publiés conjointement par Yves Prié et Thierry Bouchard.
Michel Dugué