Introduction à la Théorie Algébrique des Nombres Gilles Auriol [email protected] — http ://auriolg.free.fr 1 Table des matières 1 Entiers algébriques 1.1 Exemples de défaut de factorialité . . . . . . . . . 1.2 Quelques quantités . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.1 Trace, norme et polynôme caractéristique . 1.2.2 Discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Intégralité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.2 Cas noethérien de caractéristique nulle . . 1.4 Entiers algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.1 Généralités et structure des idéaux de OK 1.4.2 Norme d’un idéal . . . . . . . . . . . . . . 1.5 Entiers quadratiques . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6 Entiers cyclotomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 4 6 6 8 10 10 12 13 13 15 16 18 2 Anneaux de Dedekind et factorisation d’idéaux 2.1 Idéaux inversibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Factorisation des idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Idéaux fractionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 21 23 25 3 Factorisation effective en idéaux premiers 3.1 Localisation des anneaux d’entiers . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Factorisation dans les extensions . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.1 Ramification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.2 Cas des extensions galoisiennes . . . . . . . . . . . . . 3.2.3 Norme relative d’un idéal . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Calculs de factorisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 Théorème fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.2 Factorisation dans les anneaux d’entiers quadratiques . 3.3.3 Factorisation dans les anneaux d’entiers cyclotomiques . . . . . . . . . 27 27 30 30 31 32 33 34 35 37 . . . . . . . . 41 41 42 42 43 44 45 45 46 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Groupes des classes d’idéaux 4.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Réseaux de Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.1 Premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 Théorème de Minkowski . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.3 Plongement canonique d’un corps de nombres dans Rn 4.3 Finitude du groupe des classes d’idéaux . . . . . . . . . . . . . 4.3.1 Une preuve élémentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.2 Par le théorème de Minkowski . . . . . . . . . . . . . . 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4 4.5 Calcul des groupes de classes d’idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Exemples des corps cyclotomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 50 5 Corps quadratiques imaginaires 5.1 Réseaux complexes, étude de SL2 (Z) . . . . . . . . . . . 5.2 Calculs de groupes de classes d’idéaux . . . . . . . . . . 5.3 Formes quadratiques et nombre de classes . . . . . . . . 5.3.1 Formes quadratiques binaires à coefficients entiers 5.3.2 Nombre de classes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4 Corps quadratiques imaginaires principaux . . . . . . . . 5.5 Application aux équations diophantiennes . . . . . . . . 5.5.1 Equation de Mordell y 2 = x3 + d . . . . . . . . . 5.5.2 L’équation de Fermat x3 + y 3 = z 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 52 57 60 60 63 66 68 68 69 6 Anneaux d’entiers euclidiens 6.1 Généralités . . . . . . . . . . . 6.2 Corps quadratiques euclidiens . 6.2.1 Cas imaginaire . . . . . 6.2.2 Cas réel . . . . . . . . . 6.3 Corps cyclotomiques euclidiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 72 73 73 75 76 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Quelques résultats complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 3 Chapitre 1 Entiers algébriques Dans ce chapitre, nous allons introduire l’anneau des entiers d’une extension finie de Q, ainsi que ses propriétés fondamentales, notamment que tout idéal se factorise de façon unique en produit d’idéaux. On retrouvera ainsi une notion de factorialité, introduite par Dedekind, qui fait défaut dans la plupart des anneaux d’entiers. On déterminera de façon élémentaire quelques exemples d’anneaux d’entiers qui sont euclidiens ou seulement principaux. 1.1 Exemples de défaut de factorialité Dans cette section, nous allons mettre en évidence quelques points que vise à éclaircir et à généraliser la notion d’entiers algébriques. On appellera norme sur un sous-anneau A de C une application de A −→ Z multiplicative, c’est-à-dire vérifiant ∀α, β ∈ A, N(αβ) = N(α)N(β). √ √ a, b ∈ Z} où d ∈ Z, on peut prendre Par exemple pour les anneaux Z[ d] = {a + b d,√ 2 2 l’application N définie par N(z) = a − db , où z = a + b d. La proposition suivante résume les propriétés de la norme. 1.1 Proposition (Norme). — Soit A un sous-anneau de C, α, β ∈ A, et N une norme sur A. Si α divise β dans A, alors N(α) divise N(β) dans Z. En particulier si N(α) est premier dans Z, alors α est irréductible dans A. De plus α est une unité de A si, et seulement si, N(α) = ±1. √ 1.2 Exemple (Anneau des entiers de Gauss). — Désignons −1 par i. On introduit l’anneau des entiers de Gauss Z[i] qui a joué un rôle clé dans la recherche des nombres premiers somme de deux carrés d’entiers. Il jouit d’une propriété remarquable, il est euclidien (voir proposition 6.7). Par conséquent il est factoriel, c’est-à-dire que tout de Z[i] s’écrit comme produit de facteurs irréductibles de Z[i] et ce de façon unique à l’ordre des facteurs près. √ √ 1.3 Exemple (Un anneau non factoriel). — Considérons Z[ −5], et N(a + b −5) = a2 + 5b2 sa norme. On a deux factorisations pour 6, √ √ 6 = 2 × 3 = (1 + −5)(1 − −5). √ √ Chacun des nombres 2, 3, 1 + −5 et 1 − −5 est irréductible, comme √ on le vérifie aisément avec la norme. Montrons-le par exemple pour 2. Si α divise 2 dans Z[ −5], d’après la proposition précédente N(α) divise N(2) = 4 dans Z. Donc N(α) ∈ {1, 2, 4}. Si N(α) = 4 ou 1, c’est que 2 et α sont associés, ou que α est une unité. De plus l’équation N(α) = 2 n’a pas de solution dans Z, 4 donc 2 n’admet pas de diviseurs propres. √ −5]√sont D’autre part l’équation N(α) = 1 admet pour seules solutions ±1, donc les unités de Z[ √ √ ±1, ainsi aucun des facteurs 2, 3, 1 + −5 et 1 − −5 ne sont associés, ce qui montre que Z[ −5] n’est pas factoriel. Tout n’est pas perdu cependant ! Kummer réalisa qu’il manque à cet anneau certains éléments. Il répara la factorialité en remplaçant les nombres par les ”nombres idéaux”. En termes modernes, il factorisa les idéaux en produit d’idéaux premiers. On retrouve alors l’unicité à l’ordre près. √ Voyons ce que cela donne avec Z[ −5] et 6. Posons √ √ √ a1 = (2, 1 + −5), a2 = (3, 1 + −5) et a3 = (3, 1 − −5). √ Notons qu’on peut écrire aussi a1 = (2, 1 − 5) puisque 2 ∈ a1 . Il vient √ √ √ √ a21 = (2 × 2, 2 × (1 − −5), (1 + −5) × 2, (1 + −5) × (1 − −5)) √ √ = (4, 2 − 2 −5, 2 + 2 −5, 6) = (2) puisque 2 = 6 − 4 ∈ a21 et que chaque générateur est divisible par 2. De même, on trouve √ √ a1 a2 = (1 + 5) a1 a3 = (1 − −5) et a2 a3 = (3). En particulier, (6) = (2)(3) = (a1 a1 )(a2 a3 ) et (6) = (1 + √ √ −5)(1 − 5) = (a1 a2 )(a1 a3 ) sont en fait les mêmes factorisations en termes d’idéaux. Démontrons par exemple que a1 est premier. Tout d’abord on remarque que √ a1 = {a + b −5 | a ≡ b mod (2)}. √ En effet, en prenant (a, b) = (2, 0) et (a, b) = (1, 1) on voit que a1 ⊂ {a + b −5 | a ≡ b mod √ (2)}, et réciproquement si a ≡ b √ mod (2), il existe λ ∈ Z tel que a = b + 2λ, d’où a + b −5 = √ b + 2λ + b −5√= 2λ + b(1 + √−5) ∈ a1 , d’où l’égalité. Soit x = a + b −5, y = c + d −5 ∈ OK , et supposons que x ∈ / a1 et y ∈ / a1 . Alors a et b (resp. c et d) sont de parité différente. Or √ xy = (ac − 5bd) + (ad + bc) −5. On vérifie que dans tous les cas, ac − 5bd et ad + bc sont de parité différente, donc xy ∈ / a1 , ce qui prouve que a1 est premier. On procède de même pour a2 et a3 , en remarquant par exemple que √ √ a2 = {a + b −5 | a ≡ b mod (3)} et a3 = {a + b −5 | a ≡ 2b mod (3)}. √ Comme on l’a montré, Z[ −5] n’est pas principal, sinon il serait factoriel. Mais cela n’empêche √ pas Z[ −5] de posséder des idéaux principaux ! Nous allons montrer que a1 n’est pas principal, cela nous √ resservira plus loin. Supposons a1 principal, et notons β un générateur. Alors β|2 et β|(1 + −5), donc en prenant les normes√N(β)| 4 et N(β)| 6, d’où N(β) ∈ {1, 2}. Si N(β) = 1, c’est que β est inversible, et que a1 = Z[ −5], ce qui n’est pas le cas puisque a21 = (2). Il est d’autre part clair qu’il n’existe pas d’élément de norme 2. 5 √ 1.4 Exemple. — Pour finir, plaçons-nous dans Z[ −3]. On a √ √ 4 = 2 × 2 = (1 + 3) × (1 − 3) √ √ 3) et (1 − 3) sont irréductibles, et non associés (les unités et on vérifie facilement que 2, (1 + √ sont encore ±1). Cela montre que Z[ −3] n’est pas factoriel. √ Cependant ici on n’a pas la factorisation unique en terme d’idéaux. Posons a = (2, 1 + −3). Il vient √ √ √ √ √ a2 = (4, 2 + 2 −3, (1 + −3)2 ) = (4, 2 + 2 −3, −2 + 2 −3) = (4, 2 + 2 −3) = 2a. √ / (2). Nous avons donc un exemple de factorisation non unique Mais a 6= (2) puisque 1 + −3 ∈ en produit d’idéaux. Heureusement, comme √ nous le verrons au théorème 1.50, l’anneau à considérer dans le cas −1 + −3 , qui en plus d’être un anneau où la factorisation en produit d’idéaux présent est Z 2 √ √ fonctionne est factoriel. Notons que dans cet anneau (2, 1 + −3) = (2) puisque 2 divise 1 + 3. 1.2 1.2.1 Quelques quantités Trace, norme et polynôme caractéristique Soit L/K une extension de corps séparable, n = [L : K] et Ω une clôture algébrique de K et L. On note σi , 1 6 i 6 n les K-morphismes de L dans Ω. Pour tout x ∈ L, soit mx l’application K-linéaire L −→ L, u 7−→ ux. 1.5 Définition (Trace, norme, polynôme caractéristique). — On appelle trace (resp. norme, polynôme caractéristique) de x ∈ L sur K et on note TrL/K (x) (resp. NL/K (x), PL/K,x (X)) la trace (resp. le déterminant, le polynôme caractéristique) de mx . On a donc PL/K,x (X) = detK (XIdL − mx ). 1.6 Remarque. — Notons que pour x, y ∈ L et α ∈ K, on a mx + my = mx+y , mx ◦ my = mxy et αmx = mαx . 1.7 Proposition. — Soit x ∈ L. On PL/K,x (x) = 0. Preuve. — Ecrivons PL/K,x (X) = an X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 . Par le théorème de CayleyHamilton, PL/K,x (mx ) est nulle. D’autre part par la remarque 1.6, PL/K,x (mx ) = = = = = an mnx + an−1 mxn−1 + · · · + a0 I an mxn + an−1 mxn−1 + · · · + a0 m1 man xn + man−1 xn−1 + · · · + ma0 man xn +an−1 xn−1 +···+a0 mPL/K,x (x) . Ainsi mPL/K,x (x) est nulle, et en particulier PL/K,x (x) = mPL/K,x (x) (1) = 0. Il en résulte qu’une condition nécessaire et suffisante pour que les polynômes caractéristique et minimal de x ∈ L sur K soient égaux est que x soit un élément primitif de L/K. Les propriétés immédiates de la norme sont résumées dans la proposition suivante. 6 1.8 Proposition. — L’application trace TrL/K : L 7−→ K est une forme linéaire du K-espace vectoriel L. L’application norme NL/K : L 7−→ K induit un morphisme de groupes multiplicatifs de L× vers K × . Pour tout x ∈ K, on a TrL/K (x) = nx et NL/K (x) = xn . Preuve. — Ceci résulte des propriétés du déterminant et de la remarque 1.6. Par exemple NL/K (xy) = det(mxy ) = det(mx ◦ my ) = det(mx ) det(my ) = NL/K (x)NL/K (y). D’autre part si x ∈ K, la matrice de l’application mx dans une base de K est xIdn , d’où les valeurs de TrL/K (x) et NL/K (x) dans ce cas. 1.9 Proposition. — Soit K ⊂ M ⊂ L des corps, m = [M : K], r = [L : M ] et n = [L : K] = mr. Pour tout x ∈ M , on a PL/K,x (X) = (PM/K,x (X))r . Preuve. — Soit (e1 , . . . , en ) une base de L sur M et (f1 , . . . , fn ) une base de M sur K. En tant que K-espaces vectoriels, on a L = M e1 ⊕ · · · ⊕ M er et M ej a (f1 ej , . . . , fm ej ) pour base sur K. Pour x ∈ M , les sous-K-espaces vectoriels M ej sont stables par mx : L −→ L, u 7−→ ux. Soit B la matrice de mx dans la base des (fi ej ) et A la matrice de m e x : M −→ M, u 7−→ ux dans la base (f1 , . . . , fm ). Alors B est diagonale par blocs avec r blocs diagonaux égaux à A. En prenant les déterminants, on en déduit le résultat. 1.10 Corollaire. — Soit L une extension finie de K. Pour tout x ∈ K, le polynôme caractéristique de x sur K est une puissance de son polynôme minimal. Preuve. — Il suffit d’appliquer la proposition précédente aux extensions K ⊂ K(x) ⊂ L. 1.11 Proposition. — Soit L une extension finie séparable de K de degré n et σi , 1 6 i 6 n les K-morphismes de L dans une clôture algébrique de K et L. Pour tout x ∈ L, le polynôme caractéristique de x sur K est n Y PL/K,x (X) = (X − σi (x)). i=1 Preuve. — On a la tour d’extension K ⊂ M = K(x) ⊂ L ⊂ Ω où Ω est une clôture algbérique de L. Supposons d’abord L = K(x). Les σi sont distincts et le polynôme minimal de x sur K est n Y (X − σi (x)), qui coı̈ncide avec le polynôme caractéristique puisque x est primitif. i=1 Si L 6= K(x), posons m = [M : K] et r = [L : M ]. On a alors PL/K,x (X) = (PM/K,x (X))r . Comme x est primitif de M sur K, on a m Y PM/K,x (X) = (X − ϕj (x)). j=1 où les ϕj , 1 6 j 6 m sont les K-morphismes de M dans Ω. On sait que tout ϕj se prolonge de r n Y façons différentes à des σi . Ceci permet de conclure en regroupant dans le produit (X − σi (x)) i=1 les r σi dont la restriction à M est la même. 1.12 Corollaire. — Soit x ∈ L. On a n X TrL/K (x) = σi (x) et i=1 NL/K (x) = n Y σi (x). i=1 Preuve. — Le résultat est immédiat d’après les relations entre les coefficients et les racines d’un polynôme et la proposition précédente. 7 1.2.2 Discriminant Soit L/K une extension de corps. 1.13 Définition (Discriminant). — Soit (x1 , . . . , xn ) des éléments de L. Le discriminant DL/K (x1 , . . . , x de ce n-uplet est défini par DL/K (x1 , . . . , xn ) = (det(σi (xj )))2 . 1.14 Proposition. — Pour (x1 , . . . , xn ) ∈ Ln , on a DL/K (x1 , . . . , xn ) = det(TrL/K (xi xj )) et DL/K (x1 , . . . , xn ) ∈ K. Preuve. — Soit A = (σi (xj )). Puisque det At = det A (où At désigne la transposée de A), on voit que DL/K (x1 , . . . , xn ) = det(At A) et le coefficient ij de cette matrice est n X σk (xi )σk (xj ) = k=1 n X σk (xi xj ) = TrL/K (xi xj ) ∈ K, k=1 d’où le résultat. 1.15 Proposition. — Soit L/K une extension séparable et x un élément primitif de L/K. Soit f le polynôme minimal de x sur K. Alors Y DL/K (1, x, . . . , xn−1 ) = (−1)n(n−1)/2 (σi (x) − σj (x)) = (−1)n(n−1)/2 NL/K (f 0 (x)). i6=j En particulier DL/K (1, x, . . . , xn−1 ) 6= 0. Preuve. — Par définition DL/K (1, x, . . . , xn−1 ) = (det(σi (xj )))2 . Or (σi (xj )) = ((σi (x))j ) est la Y matrice de Vandermonde du n-uplet (σ1 (x), . . . σn (x)), donc det(σi (xj )) = (σi (x) − σj (x)), puis i<j Y Y DL/K (1, x, . . . , xn−1 ) = (σi (x) − σj (x))2 = (−1)n(n−1)/2 (σi (x) − σj (x)) i<j = (−1)n(n−1)/2 i6=j n Y Y (σi (x) − σj (x)). i=1 j6=i n Y D’autre part on sait que f (X) = (X − σi (x)), donc i=1 n Y X f (X) = (X − σi (x)), 0 i=1 j6=i d’où pour tout 1 6 i 6 n, σi (f 0 (x)) = f 0 (σi (x)) = Y (σi (x) − σj (x)). j6=i Par conséquent DL/K (1, x, . . . , xn−1 ) = (−1)n(n−1)/2 Y σi (f 0 (x)) = (−1)n(n−1)/2 NK/Q (f 0 (x)). i Enfin comme les σi (x) sont distincts, on a bien DL/K (1, x, . . . , xn−1 ) 6= 0. 8 1.16 Exemple. — Soit f (X) = X 3 + pX + q irréductible avec p, q ∈ Q et α une racine de f (X). Alors (1, α, α2 ) est une base du Q-espace vectoriel Q(α). La matrice de mf (α) dans la base (1, α, α2 ) est p −3q 0 0 2p −3q 3 0 2p et son déterminant vaut 4p3 + 27q 2 . Par la proposition qui précède, il vient donc DK/Q (1, α, α2 ) = −(4p3 + 27q 2 ). 1.17 Lemme. — Soit L/K une extension séparable de degré n et x1 , . . . , xn ∈ L. Si B = (bjk ) n X est une matrice n × n à coefficients dans K et yj = bjk xk , alors k=1 DL/K (y1 , . . . yn ) = (det(B))2 DL/K (x1 , . . . xn ). 2 Preuve. — On a DL/K (x1 , . . . , xn ) = (det(σk (xj ))) et σk (yj ) = n X bji σk (yi ), si bien que k=1 (σk (yj )) = B × (σk (xj )) d’où le résultat en prenant les déterminants et en mettant au carré. 1.18 Proposition. — Soit L/K une extension séparable de degré n y1 , . . . yn des éléments de L. Alors les yi forment une base de L si et seulement si DL/K (y1 , . . . , yn ) 6= 0. Preuve. — Soit x ∈ L tel que L = K(x), alors (1, x, . . . xn−1 ) est une base du K-espace vectoriel n X bjk xk−1 avec bjk ∈ K. Soit B la matrice ayant les bjk comme L. On peut donc écrire yj = k=1 coefficients. Par le lemme il vient DL/K (y1 , . . . yn ) = (det(B))2 DL/K (1, x, . . . xn−1 ). Par la proposition 1.15, DL/K (1, x, . . . xn−1 ) 6= 0, donc DL/K (y1 , . . . yn ) 6= 0 si et seulement si det B 6= 0, soit encore si et seulement si les yi forment une base du K-espace vectoriel L. 1.19 Corollaire. — Soit L/K une extension séparable. L’application ΘL/K : L × L −→ K, (x, y) 7−→ TrL/K (xy) est une forme K-bilinéaire symétrique propre. Preuve. — Il est clair que ΘL/K est symétrique, montrons par exemple qu’elle est K-linéaire par rapport à la première variable. Soit α ∈ K et x, y, z ∈ L ; on a ΘL/K (αx + y, z) = = n X i=1 n X i=1 σi ((αx + y)z) = σi (z) n X (ασi (x) + σi (y)) i=1 ασi (xy) + n X σi (z) = αΘL/K (x, y) + ΘL/K (z, y) i=1 Le discriminant de ΘL/K par rapport à une base (x1 , . . . , xn ) est det(TrL/K (xi xj )) = DL/K (x1 , . . . , xn ), quantité non nulle d’après la proposition précédente. 9 1.3 Intégralité 1.3.1 Généralités 1.20 Définition (Entier). — Soit L un corps et A ⊂ L un sous-anneau de L. On dit que α ∈ L est entier sur A s’il existe P ∈ A[X] unitaire tel que P (α) = 0. √ √ 3+ 7 ∈ R. On vérifie que α4 − 5α2 + 1 = 0, ce qui prouve que 1.21 Exemple. — Soit α = 2 α est entier sur Z. Le théorème fondamental qui suit permet de manipuler de façon théorique les entiers ; on aura comme corollaire immédiat que l’ensemble des entiers sur un anneau A est un anneau. 1.22 Théorème. — Soit L un corps, A un sous-anneau de L, et α ∈ A. Les conditions suivantes sont équivalentes : (i) α est entier sur A ; (ii) l’anneau A[α] engendré par A et α est un sous-A-module de type fini de L ; (iii) il existe un sous-anneau B de L contenant α et A qui est un sous-A-module de type fini de L ; (iv) il existe un sous-A-module non nul E de type fini de L tel que αE ⊂ E. Preuve. — Montrons que chaque propriété entraı̂ne la suivante. Supposons que α est entier sur A. Il existe donc f (X) ∈ A[X] unitaire de degré n tel que f (α) = 0. Soit g(X) ∈ A[X]. Comme f (X) est unitaire, on peut effectuer la division euclidienne par f (X) dans A[X] ; il existe donc q(X) et r(X) avec deg(r) 6 n−1 tel que g(X) = q(X)f (X)+r(X), d’où g(α) = r(α). Ainsi le sous-A-module A[α] ⊂ L admet (1, x, . . . , xn−1 ) comme système générateur et (i) =⇒ (ii). Les implications (ii) =⇒ (iii) =⇒ (iv) sont triviales. Il reste à prouver que (iv) entraı̂ne (i). Supposons donc qu’il existe sous-A-module de type fini non nul E de L tel que αE ⊂ E, engendré par (e1 , . . . , en ). Les relations αei ∈ E se traduisent par l’existence d’une matrice M = (aij )161,j6n à coefficients dans A telle que αe1 = a11 e1 + · · · + a1n en .. .. . . αe = a e + · · · + a e n n1 1 nn n Comme E 6= 0, il existe m tel que em 6= 0. Les formules de Cramer donnent det(xIdn − M )ui = 0. Les ui n’étant pas tous nuls car E 6= 0, on a det(xIdn − M ) = 0. En développant on obtient une relation de dépendance intégrale pour x, d’où (i). 1.23 Définition (Anneau entier, fini). — Soit L un corps et A ⊂ B deux sous-anneaux de L. On dit que B est entier sur A si tout y ∈ B est entier sur A. On dit que B est fini sur A si c’est un A-module de type fini. Par le théorème 1.22, si B est fini sur A, alors il est entier sur A. 1.24 Définition (Fermeture et clôture intégrale). — L’ensemble C des x ∈ L entiers sur A est la fermeture intégrale de A dans L. Si A est intègre, sa fermeture intégrale dans son corps des fractions s’appele sa clôture intégrale. 10 1.25 Définition (Intégralement clos). — On dit qu’un anneau intègre A est intégralement clos si sa clôture intégrale est A lui-même. 1.26 Lemme. — Avec les notations précédentes, si B est fini sur A, tout B-module de type fini est un A-module de type fini. Preuve. — Si B est engendré par (b1 , . . . , bn ) comme A-module et si E est un B-module engendré par (e1 , . . . , en ), le système (bj ei )16i6m,16j6n de cardinal mn engendre E comme Amodule. 1.27 Théorème. — Soit L un corps et A ⊂ L un anneau. Soit C la fermeture intégrale de A dans L. Alors C est un anneau intégralement clos contenant A. Preuve. — Soit x, y ∈ C. Alors A[x] est fini sur A, et A[x, y] = (A[x])[y] est fini sur A[x], donc aussi sur A d’après le lemme. Or x + y et xy étant dans A[x, y], ils sont entiers sur A d’après le théorème 1.22, donc appartiennent à C. Soit x ∈ L entier dans C. Il existe une relation de dépendance intégrale xn + cn−1 xn−1 + · · · + c1 x + c0 = 0 où les ci sont entiers sur A. Dans la suite d’inclusion A ⊂ A[c0 ] ⊂ . . . A[c0 , . . . , cn−1 ] ⊂ A[c0 , . . . , cn−1 , x] chaque anneau est entier sur celui qui le précède. Par application répétée du lemme, il vient que A[c0 , . . . , cn−1 , x] est fini sur A, donc x ∈ C. 1.28 Proposition. — Soit A un anneau factoriel. Alors il est intégralement clos. r ∈ K avec r, s ∈ A et r et s Preuve. — Soit K l’anneau des fractions de A, et soit x = s premiers entre eux. Soit r n r n−1 + an−1 + · · · + a0 = 0 s s une relation de dépendance intégrale pour x. Alors rn + an−1 srn−1 + · · · + a0 sn = 0 d’où s(−an−1 rn−1 − san−2 rn−2 − · · · − a0 sn−1 ) = rn . Ainsi s divise rn , donc s = 1 puisque r et s sont premiers entre eux. Finalement x ∈ A. 1.29 Exemple. — Z est√factoriel, donc intégralement clos. La réciproque de la proposition est fausse. On a vu que Z[− 5] n’est pas factoriel (exemple 1.3), bien qu’il soit intégralement clos (voir théorème 1.27 et théorème 1.50). 1.30 Proposition. — Soit A un anneau intégralement clos, K son corps des fractions supposé de caractéristique 0, L une extension finie de K et B la fermeture intégrale de A dans L. Alors (i) L est le corps des fractions de B ; (ii) il existe un élément primitif de L sur K appartenant à B ; (iii) un élément z ∈ L est dans B si et seulement si son polynôme caractéristique (resp. minimal) est à coefficients dans A. 11 Preuve. — (i) Soit y ∈ L de polynôme minimal f (X) ∈ K[X]. En multipliant par un dénominateur commun a des coefficients, la relation f (y) = 0 peut s’écrire ay n + an−1 y n−1 + · · · + a1 y + a0 = 0 où les ai sont dans A. En posant b = ay et en multipliant par an−1 , on a bn + an−1 bn−1 + · · · + a1 an−2 b + a0 an−1 = 0. b où a ∈ A, b ∈ B donc L est le corps des fractions de B. a (ii) L’extension L/K est séparable car K est de caractéristique 0. Soit y un élément primitif de L sur K, Avec les notations précédente il existe a ∈ A tel que b = ay ∈ B et l’élément b est aussi primitif de L sur K. (iii) Puisque L/K est séparable de degré n, il y a exactement n K-morphismes de L dans Ω une clôture algébrique de K et L ; notons-les σi pour 1 6 i 6 n. Si x ∈ L, l’application K-linéaire mx : L −→ L, u 7−→ ux a pour polynôme caractéristique par la proposition 1.11, Tout y ∈ L est du type y = px (X) = p L/K,x (X) = n Y (X − σi (x)). i=1 Soit x ∈ L. Si px (X) est à coefficients dans A, la relation px (x) = 0 est une relation de dépendance intégrale de x sur A, donc x ∈ B. Réciproquement, si x ∈ B, les σi (x) sont aussi entiers sur A car vérifiant les mêmes relations de dépendance intégrale que x. Les coefficients de px (X) sont les fonctions symétriques fondamentales de σi (x), donc appartiennent à K et sont entiers sur A, donc sont dans A puisque A est intégralement clos. Donc pour tout x ∈ L, px (X) ∈ A[X] si et seulement si z ∈ B. L’assertion sur le polynôme minimal résulte de l’application de ce qui précède au cas où L = K(x). 1.31 Corollaire. — Les hypothèses sont celles de la proposition. Alors pour tout α ∈ B et α1 , . . . , αn ∈ B, on a TrL/K (α), NL/K (α) ∈ A et DL/K (α1 , . . . , αn ) ∈ A. Preuve. — L’extension L/K est séparable car de caractéristique 0. Les nombres TrL/K (α) et NL/K (α) sont au signe près des coefficients du polynôme caractéristique de α sur K, que l’on sait être à coefficients dans A par la proposition, d’où le résultat. 1.3.2 Cas noethérien de caractéristique nulle 1.32 Théorème. — Soit A un anneau noethérien, intégralement clos, K son corps des fractions de caractéristique 0, L une extension finie de K et B la fermeture intégrale de A dans L. Alors B est une A-algèbre de type finie admettant L pour corps des fractions, et B est un anneau noethérien. Preuve. — Posons ΘL/K : L × L −→ K, (x, y) 7−→ TrL/K (xy). Pour y ∈ L, la forme K-linéaire L −→ K, x 7−→ ΘL/K (x, y) = TrL/K (xy) sera notée ΘL/K (·, y). Comme par le corollaire 1.19 ΘL/K est propre, l’application y 7−→ ΘL/K (·, y) est une bijection K-linéaire de L sur son K-espace vectoriel dual. Soit (x01 , . . . , x0n ) l’image réciproque par cette bijection de la base duale d’une base (x1 , . . . , xn ) de L sur K. Elle est telle que 0 si i 6= j 0 TrL/K (xi xj ) = δij = . 1 si i = j 12 Soit y un élément primitif de L/K ; par la proposition 1.30 (ii) on peut le prendre entier sur A. Alors (1, y, . . . , y n−1 ) est une base de L sur K et par ce qui précède il existe une base (ε1 , . . . , εn ) de L sur K telle que TrL/K (y i εj ) = δij . Soit b ∈ B exprimé dans cette base b = α 1 ε1 + · · · + α n εn où les TrL/K (y i b) = αi ∈ K sont entiers sur A, donc appartiennent à A puisque A est intégralement clos. Ainsi B est contenu dans le sous-A-module libre de type fini de L de base (ε1 , . . . εn ). Comme A est noethérien, B est un A-module de type fini car sous-A-module d’un A-module de type fini. Enfin B est noethérien car tout idéal J ⊂ B étant un sous-A-module de B, c’est un aussi un A-module de type fini, donc de type fini sur B. 1.33 Corollaire. — Dans les conditions du théorème précédent, si de plus A est principal alors B est un A-module libre de rang n = [L : K]. Preuve. — D’après la démonstration précédente, on a B ⊂ Aε1 ⊕ · · · ⊕ Aεn . Ainsi B est un A-module libre de rang inférieur ou égal à n. βi Or par l’assertion (i) de la proposition 1.30, il existe a ∈ A et β1 , . . . , βn ∈ B tels que εi = a pour tout i. Par conséquent, Aβ1 ⊕ · · · ⊕ Aβn ⊂ B ce qui prouve que le rang de B est supérieur ou égal à n. Il y a donc égalité. 1.4 Entiers algébriques Appliquons ce qui précède à A = Z (avec les notations de la proposition 1.30). 1.4.1 Généralités et structure des idéaux de OK 1.34 Définition (Corps de nombres). — On appelle corps de nombres K une extension finie (donc algébrique) de Q. Le degré de K est [K : Q]. On notera OK la fermeture intégrale de Z dans K. Si α ∈ K est entier sur Z, on parlera plus simplement d’entier s’il n’y a pas de risque de confusion avec les éléments de Z, qu’on appelera entier rationnel. 1.35 Lemme. — Soit L/K une extension de corps de nombres. Alors OL ∩ K = OK Preuve. — En effet x ∈ OL ∩ K si et seulement si x ∈ K et x vérifie une relation de dépendance intégrale sur Z, donc si et seulement si x ∈ K ∩ OK . Or K ∩ OK = OK car OK est intégralement clos. Enonçons l’assertion (ii) du corollaire 1.30 dans ce cadre. 1.36 Proposition. — Soit α ∈ K. Il existe un a ∈ Z tel que aα ∈ OK . D’après le corollaire 1.33 appliqué à A = Z, l’anneau OK est un Z-module libre de rang n. 1.37 Définition (Base intégrale). — Une Z-base de OK en tant que Z-module s’appelle une base intégrale de K. 13 Mais il y a mieux ; en fait tout idéal non nul de OK est un Z-module libre de rang n. Montrons d’abord un lemme. 1.38 Lemme. — Soit a un idéal non nul de de OK . Alors a ∩ Z 6= {0}. Preuve. — Prenons α non nul dans a, et soit αd + ad−1 αd−1 + · · · + a0 = 0 une relation de dépendance intégrale avec a0 6= 0 (si a0 = 0, c’est qu’on peut mettre α en facteur dans la relation...). On déduit a0 = α(−a1 − · · · − ad−1 αd−2 − αd−1 ) donc a0 = αβ avec β ∈ OK . D’où a0 ∈ Z ∩ a, et a0 6= 0. 1.39 Proposition. — Soit a un idéal non nul de OK . Alors a est un Z-module libre de rang n d’indice fini dans OK . Si de plus a = (γ), alors OK /(γ) est d’ordre |γ|n . Preuve. — Soit β1 , . . . , βn une base intégrale de OK , et γ non nul dans Z ∩ a (par le lemme précédent). Alors les γβi sont dans (γ), et sont Q-linéairement indépendants. Comme (γ) ⊂ OK , il s’ensuit que (γ) est un Z-module libre de rang n. Mais (γ) ⊂ a ⊂ OK , donc a est libre de rang n, puisqu’il est coincé entre deux Z-modules libres de rang n. La finitude de [OK : a] résulte de la formule [OK : (γ)] = [OK : a] × [a : (γ)], compte tenu du fait que , n n M M OK /(γ) = Zβi Zγβi ' (Z/γZ)n , i=1 i=1 n qui est fini d’ordre |γ| . 1.40 Proposition. — Soit (β1 , . . . βn ) et (γ1 , . . . γn ) deux bases d’un idéal a de OK . Alors on a DK/Q (β1 , . . . βn ) = DK/Q (γ1 , . . . γn ). Preuve. — On peut écrire γj = n X bjk βk et βj = k=1 n X cjk γk où les bjk et cjk sont entiers. Soit B k=1 et C les matrices ayant bjk et cjk respectivement pour coefficients de rang (j, k). On a βj = n X k=1 où dji = n X cjk γk = n n X X k=1 i=1 cjk bki βi = n X dji βi i=1 cjk bki ∈ Z. Puisque l’écriture dans la base (βi ) est unique, il vient djj = 1 et dji = 0 si k=1 j 6= i. Mais dji est le coefficient (j, i) de la matrice CB, donc CB = Idn , la matrice identité. Ainsi det(C) det(B) = 1, et comme det(B) et det(C) sont entiers, on a det(B) = ±1. Par le lemme 1.17, il vient finalement DK/Q (γ1 , . . . γn ) = det(B)2 DK/Q (β1 , . . . βn ) = DK/Q (β1 , . . . βn ). 1.41 Définition (Discriminant d’un idéal). — L’entier ainsi défini qui ne dépend pas de la base de a choisie pour le calculer s’appelle le discriminant de a et se note Da . En particulier si a = OK , on l’appelle le discriminant de K, et on le notera DK . La proposition qui suit peut s’avérer utile pour déterminer l’anneau des entiers d’un corps de nombres. 1.42 Proposition. — Soit (x1 , . . . , xn ) des entiers de K formant une base de K. Si le discriminant DK/Q (x1 , . . . , xn ) est sans facteurs carrés, alors (x1 , . . . , xn ) est une base intégrale de OK . 14 Preuve. — En effet, si (β1 , . . . , βn ) est une base intégrale de OK , en écrivant xi = n X aij βj , le j=1 lemme 1.17 montre que DK/Q (x1 , . . . xn ) = (det(aij ))2 DK/Q (β1 , . . . βn ). Comme DK/Q (x1 , . . . , xn ) est sans facteurs carrés det(aij ) = ±1 et (x1 , . . . , xn ) est une base intégrale de OK . 1.43 Exemple. — Soit K = Q(α) où α est une racine du polynôme X 3 + 2X 2 + 1. D’après l’exemple 1.16, DK/Q (1, α, α2 ) = 59. Or 59 est premier (a fortiori sans facteurs carrés), donc OK = Z[α]. 1.4.2 Norme d’un idéal Soit K un corps de nombre. Pour x ∈ K, la norme NK/Q (x) de x est le déterminant de l’application Q-linéaire mx : K −→ K, x 7−→ ux. Si x ∈ OK , alors NK/Q (x) ∈ Z. On va maintenant parler de la norme d’un idéal de OK qui généralise en un certain sens la norme NK/Q restreinte à OK . On pose la définition suivante, rendue légitime par la proposition 1.39. 1.44 Définition (Norme d’un idéal). — Soit a un idéal non nul de OK . Le nombre [OK : a] s’appelle la norme de a et se note NK (a). Pour les idéaux principaux, la situation est particulièrement simple. 1.45 Proposition. — Soit α ∈ OK non nul et a = (α). Alors NK (a) = |NK/Q (α)|. Preuve. — Soit (θ1 , . . . , θn ) une base intégrale de OK adaptée à a. Il existe donc q1 | . . . |qn dans Z\{0} tels que (q1 θ1 , . . . , qn θn ) est une Z-base de a, donc , n n n n M M Y Y OK /a = Zθi Zqi θi ' Zθi /Zqi θi ' Z/qi Z, i=1 i=1 i=1 i=1 d’où NK (a) = [OK : a] = |q1 . . . qn |. D’autre part en notant DK le discriminant de K, 2 DK/Q (q1 θ1 , . . . , qn θn ) = det(σi (qj θj )) = n Y qj2 DK j=1 d’où DK/Q (q1 θ1 , . . . , qn θn ) = (NK (a))2 DK . (1.1) Mais (αθ1 , . . . , αθn ) est une autre Z-base de a donc DK/Q (q1 θ1 , . . . , qn θn ) = DK/Q (αθ1 , . . . , αθn ). Comme 2 2 DK/Q (αθ1 , . . . , αθn ) = det(σi (αθj )) = det(σi (α)σi (θj )) = n Y σi (α)2 DK , j=1 il vient bien NK (a) = |NK/Q (α)| en comparant avec 1.1, puisque DK 6= 0. 1.46 Corollaire. — Soit a un idéal non nul de OK . Alors Da = (NK (a))2 DK . 15 Preuve. — Le résultat découle de l’équation 1.1 puisque l’entier Da ne dépend pas de la base choisie pour le calculer. A l’instar de la norme pour les éléments de OK , la norme des idéaux est multiplicative. La preuve de cette proposition sera faite page 24 puisque celle-ci utilise la factorisation en idéaux premiers qui fait l’objet du prochain chapitre. 1.47 Proposition. — Soit a et b deux idéaux non nuls de OK . Alors NK (ab) = NK (a)NK (b). 1.5 Entiers quadratiques Soit K une extension quadratique de Q, c’est-à-dire une extension de degré 2 de Q. Nous allons étudier l’ensemble des entiers de K. Tout d’abord, on simplifie la situation par la proposition suivante. 1.48 Proposition. — Soit K√une extension quadratique de Q. Il existe d ∈ Z\{0, 1} et d sans facteurs carrés tel que K = Q( d) (où d désigne un complexe dont le carré est d). Preuve. — Soit u un élément primitif de l’extension K/Q, et M (X) = X 2 +bX +c son polynôme minimal, avec b, c ∈ Q. On a 2 b b2 − 4c M (X) = X + − 2 4 donc v = 2u + b vérifie v 2 = b2 − 4c, et clairement K = Q(u) = Q(v). Mais b2 − 4c ∈ Q, notons b2 − 4c = r/s avec r ∈ Z et s ∈ N, non nuls, alors w = sv vérifie w2 = rs2 et K = Q(v) = Q(w). Dans Z\{0}, rs se décompose ainsi : rs = m2 d avec d ne possédant pas√de facteurs carrés. Donc √ 2 / {0, 1} car K = Q(w) = Q(w/m), et comme d = (w/m) , on a K = Q( d) = Q(− d). Enfin d ∈ K 6= Q. √ 1.49 Définition (Corps quadratiques réels, complexes). — On dit que Q( d) est un corps quadratique réel (resp. complexe) si d > 0 (resp d < 0). 1.50 Théorème (Entiers quadratiques). — Soit d ∈ Z\{0, 1} sans facteurs carrés. Une Z√ ! √ √ 1+ d si base d’entiers de Q( d) est donnée par (1, d) si d ≡ 2, 3 mod (4), et par 1, 2 d ≡ 1 mod (4). Les discriminants de ces corps sont 4d si d ≡ 2, 3 mod (4) et d si d ≡ 1 mod (4). √ √ Preuve. — Posons K = Q( d). Les deux isomorphismes de K sont l’identité et σ : a + b d 7→ √ √ a − b d (qui est un automorphisme puisque K/Q est normale). Soit x = a + b d ∈ OK , avec a, b ∈ Q. On a donc, par le corollaire 1.31, TrK/Q (x) = x + σ(x) = 2a ∈ Z et NK/Q (x) = xσ(x) = a2 − db2 ∈ Z. Réciproquement si TrK/Q (x), NK/Q (x) ∈ Z, une relation de dépendance intégrale pour x est x2 − TrK/Q (x)x + NK/Q (x) = 0. 16 Distinguons deux possibilités. (i) On suppose que a ∈ Z. On a alors db2 ∈ Z ; écrivons b = u/v avec u et v entiers premiers entre eux. Alors db2 = du2 /v 2 , d’où v 2 |d, et enfin v = ±1 puisque d est sans facteurs carrés. √ On a donc b ∈ Z. Comme la réciproque est évidente, le cas (i) donne donc les élements de Z[ d]. (ii) On suppose que a ∈ / Z. On a donc a = α/2 avec α entier impair. Mais a2 − db2 = α2 − 4db2 4 d’où α2 − 4db2 ∈ 4Z. On a donc 4db2 = d(2b)2 ∈ Z, et comme ci-dessus, on en déduit que 2b ∈ Z d’où b = β/2, avec β ∈ Z. Pour la réciproque, distinguons deux cas selon les valeurs de d modulo 4. (iia) d ≡ 2, 3 mod (4). On a α2 − 4db2 = α2 − dβ 2 ∈ 4Z. Comme α2 ≡ 1 mod (4) et β 2 ≡ 0 ou 1 mod (4), il vient α2 − db2 ≡ 1, 2 ou 3 mod (4), ce qui est absurde, donc dans ce cas, il n’est pas possible que a ∈ / Z, et (i) donne tous les entiers possibles. (iib) √ d ≡ 1 mod (4). Dans ce cas on a α2 − dβ 2 ≡ 1 − β 2 mod (4), d’où β impair, et x = (α + β d)/2 avec α, β impairs. Réciproquement, un tel x est entier car racine du polynôme α2 − dβ 2 ∈ Z[X]. 4 √ √ √ α−β 1+ d 1+ d On peut écrire dans ce cas x = +β = γ +β avec γ, β ∈ Z. Comme (1+ d)/2 2 2 2 est entier (prendre le polynôme ci-dessus avec α = β = 1), le résultat est démontré. Il reste à calculer les discriminants. Si d ≡ 2, 3 (resp. d ≡ 1) mod (4), on a √ 2 2 1 + d √ 1 d 1 2 √ = d) √ = 4d (resp. D = D= 1 − d 1+ d 1 − 2 X 2 − αX + ce qui achève la preuve du théorème. ( ) √ α+β d , α et β de même parité . En 2 1.51 Remarque. — Si d ≡ 1 mod(4), on a OK = √ particulier OK ⊂ {α + β d, α, β ∈ Z}. √ √ iπ 1.52 Remarque. — L’anneau des entiers de Q( −3) est Z[j],√où ω = e 3 , et non Z[ −3] puisque −3 ≡ 1 mod (4). C’est pour cette raison que l’anneau Z[ −3] est pathologique comme nous l’avons vu dans l’exemple 1.4. Cependant il joue un rôle dans la résolution de l’équation de Fermat x3 + y 3 = z 3 , voir section 5.5.2. 1.53 Remarque. — Les cas d > 0 et d < 0 sont très différents. Si d > 0, l’anneau OK est dense dans R car ce n’est pas un sous-groupe additif monogène. Si d < 0, OK est un réseau du plan complexe (voir définition 4.7). √ Si d √ < 0 et d ≡ 2, 3 mod (4), une base de ce réseau est (1, d). Ces deux vecteurs sont orthogonaux car d est imaginaire pur. Les mailles de ce réseau sont donc des rectangles. √ 1+ d Si d < 0 et d ≡ 1 mod (4), une base de ce réseau est (1, α) où α = . Mais α + α = 1, donc 2 (α, α) est aussi une base de ce réseau dont les mailles sont donc des losanges. Déterminons le groupe des unités de l’anneau des entiers d’un corps quadratique imaginaire. 17 √ × 1.54 Proposition. — Soit d < 0 un entier sans facteurs carrés et K = Q( d). Alors OK = {−1, +1} sauf dans les deux cas √ suivants. × (i) d = −1, donc OK = Z[ −1],√et alors OK = {−1, 1, i, −i} ; iπ 1 + −3 × , et alors OK = ω k , 0 6 k 6 5 où ω = e 3 . (ii) d = −3, donc OK = Z 2 √ √ Preuve. — (i) d ≡ 2, 3 mod (4). Dans ce cas OK = Z[ d]. Soit ε = α + β d ∈ OK . Alors NK/Q (ε) = α2 − bβ 2 . On a α2 = 1 α2 = 0 × 2 2 ε ∈ OK ⇐⇒ α − dβ = 1 ⇐⇒ ou 2 −dβ = 0 −dβ 2 = 1 Le premier système √ conduit√à (α = ±1 et β = 0) et le second à (α = 0, d = −1 et β = ±1), d’où les unités ±1, ± −1 de Z[ −1]. " √ # √ 1+ d α+β d (ii) d ≡ 1 mod (4). Dans ce cas OK = Z . Soit ε = ∈ OK , avec α et β de 2 2 α2 − dβ 2 même parité. Alors NK/Q (ε) = . Supposons α et β pairs. On a 4 α2 = 4 α2 = 0 × 2 2 ε ∈ OK ⇐⇒ α − dβ = 4 ⇐⇒ ou −dβ 2 = 0 −dβ 2 = 4 Le premier système conduit à (α = ±1 et β = 0) et le second n’a pas de solution. Donc dans ce cas on récupère les unités ±1. Supposons α et β impairs. On a α2 = 1 α2 = 3 × 2 2 ε ∈ OK ⇐⇒ α − dβ = 4 ⇐⇒ ou dβ 2 = −3 dβ 2 = 1 Le premier système conduit à (α = ±1, d = −3 et β = ±1), d’où des unités de Z[ω] √ √ √ √ 1 − −3 −3 −1 − −3 1 + −3 5 −1 + 2 = ω, =ω , = ω et = ω4. 2 2 2 2 Le second système n’a pas de solution car d ≡ 1 mod (4). 1.6 Entiers cyclotomiques Rappelons quelques faits sur les corps et polynômes cyclotomiques. Soit m > 1 un entier. On appelle racine primitive m-ième de l’unité un générateur du groupe des racines m-ième de l’unité. Soit Pm l’ensemble de ces éléments. Le cardinal de Pm est ϕ(m) où ϕ désigne l’indicatrice d’Euler. On définit le m-ième polynôme cyclotomique par Y Φm (X) = (X − ξ). ξ∈Pm ∗ Puisque les Pd (C), d décrivant Y l’ensemble des diviseurs de m dans N , forment une partition de Um , il vient que X m − 1 = Φd (X). En particulier, si p est premier, on a d|m Φp (X) = X p−1 + X p−2 + · · · + X + 1. Le critère d’Eisenstein montre qu’il est irréductible, après changement de variable X = Y + 1. Plus généralement, on a le théorème suivant (on renvoie à n’importe quel ouvrage d’algère pour la preuve, par exemple [Goz97]). 18 1.55 Théorème. — Le m-ième polynôme cyclotomique est un polynôme irréductible de degré ϕ(m) de Z[X]. On appelle m-ième corps cyclotomique le corps engendré par les racines m-ièmes de l’unité. C’est un corps de nombre de degré ϕ(m) d’après ce qui précède, extension galoisienne de Q. Dans la suite, on notera ξm une racine primitive m-ième de l’unité. Le m-ième corps cyclotomique est donc Q(ξm ). Le théorème sur l’anneau des entiers de Q(ξm ) est le suivant. 1.56 Théorème. — Soit p > 1, alors l’anneau des entiers de K = Q(ξp ) est Z[ξp ]. La démonstration dans le cas général utilise des outils qui n’ont pas été introduits ici (voir [Rib01]). On se contente de montrer le résultat pour p premier. Commençons par un lemme sur un calcul de trace. Posons pour alléger les notations ξ = ξp . 1.57 Lemme. — (i) On a TrK/Q (ξ i ) = −1 pour 1 6 i 6 p − 1 et TrK/Q (1 − ξ) = p. (ii) Pour tout x ∈ OK , on a TrK/Q (x(1 − ξ)) ∈ pZ. Preuve. — Le polynôme minimal de ξ est Φp (X) = X p−1 + · · · + X + 1 = (X − ξ)(X − ξ 2 ) . . . (X − ξ p−1 ) donc les p − 1 isomorphismes de Q(ξ) dans C (qui sont en fait des automorphismes car Q(ξ)/Q est normale) sont définis par σi (ξ) = ξ i pour 1 6 i 6 p − 1. Par irréductibilité du polynôme cyclotomique Φp , on a TrK/Q (ξ i ) = −1 pour tout 1 6 i 6 p−1, et comme de plus TrK/Q (1) = p − 1, il vient TrK/Q (1 − ξ) = TrK/Q (1 − ξ 2 ) = · · · = TrK/Q (1 − ξ p−1 ) = 1 + (p − 1) = p. ce prouve (i). D’autre part Φp (1) = p = (1 − ξ)(1 − ξ 2 ) . . . (1 − ξ p−1 ) = σ1 (1 − ξ)σ2 (1 − ξ) . . . σp−1 (1 − ξ). (1.2) Montrons maintenant que OK (1 − ξ) ∩ Z = pZ. D’après 1.2, on a p ∈ OK (1 − ξ), donc OK (1 − ξ) ∩ Z ⊃ pZ. Comme pZ est un idéal maximal de Z, si on n’avait pas égalité, c’est que OK (1 − ξ) ∩ Z = Z, donc 1 ∈ OK (1 − ξ), et 1 − ξ serait inversible, et ses conjugués aussi. Par suite toujours d’après 1.2, p serait inversible dans OK , donc 1/p serait entier sur Z, ce qui impossible car Z est intégralement clos. Soit x ∈ OK . Pour tout 1 6 i 6 p, on a σi (x(1 − ξ)) = xi (1 − ξ i ) avec xi ∈ OK . Mais 1 − ξ i = (1 − ξ)(1 + ξ + · · · + ξ i−1 ), donc tous les σi (x(1 − ξ)) sont des multiples de 1 − ξ dans OK . Ainsi TrK/Q (x(1 − ξ)) ∈ OK (1 − ξ). De plus TrK/Q (x(1 − ξ)) ∈ Z (trace d’un entier) d’où TrK/Q (x(1 − ξ)) ∈ OK (1 − ξ) ∩ Z = pZ. Preuve (du théorème 1.56 avec p premier). — Soit x = ap−2 ξ p−2 +· · ·+a1 ξ+a0 un élément de OK avec les ai ∈ Q. On a alors x(1 − ξ) = ap−2 (ξ p−2 − ξ p−1 ) + · · · + a1 (ξ − ξ 2 ) + a0 (1 − ξ). En prenant les traces, il résulte de l’assertion (i) du lemme que TrK/Q (x(1 − ξ)) = a0 TrK/Q (1 − z) = a0 p car pour tout 1 6 j 6 p − 2, on a TrK/Q (aj (ξ j − ξ j+1 )) = aj (−1 − (−1)) = 0. 19 Par l’assertion (ii) du lemme, il vient pa0 ∈ pZ, puis a0 ∈ Z. Comme z −1 = z p−1 , on a z −1 ∈ OK , d’où (x − a0 )z −1 = ap−2 z p−3 + · · · + a2 z + a1 ∈ OK . En appliquant la première partie du raisonnement à cet élément, on voit que a1 ∈ Z. Par applications successives de ce procédé, on voit que ai ∈ Z pour tout i. 1.58 Proposition. — Soit p un nombre premier. Alors le discriminant D de Q(ξp ) est (−1)(p−1)/2 pp−2 si p impair D= 1 si p = 2 Preuve. — Posons ξ = ξp . Une base de K = Q(ξ) est (1, ξ, ξ 2 , . . . xp−2 ), et le polynôme minimal de ξ est Φp (X). Par la proposition 1.15, il suffit de calculer NK/Q (Φ0p (ξ)). On a Φp (X) = Xp − 1 , X −1 donc Φ0p (X) = pX p−1 (X − 1) − (X p − 1) , (X − 1)2 d’où pour tout 1 6 k 6 p − 1, Φ0p (ξ k ) et NK/Q (Φ0p (ξ)) = p p(ξ k )p−1 = k k , = k ξ −1 ξ (ξ − 1) p−1 Y pp−1 . Qp−1 k k k=1 (ξ − 1) k=1 ξ × Φ0p (ξ k ) = Qp−1 k=1 Or les relations entre coefficients et racines d’un polynôme montrent que p−1 Y ξ k = (−1)p−1 , et k=1 comme les ξ k − 1, 1 6 k 6 p − 1 sont racines de Φp (X + 1), on a p−1 Y (ξ k − 1) = (−1)p−1 p. Par k=1 suite, NK/Q (Φ0p (ξ)) = pp−2 . Finalement, D = (−1)(p−1)(p−2)/2 pp−2 d’où le résultat si p = 2. Si p est impair, p − 1 est pair et p − 2 est impair donc (−1)(p−1)(p−2)/2 = (−1)(p−1)/2 d’où D = (−1)(p−1)/2 pp−2 . 20 p−2 = (−1)(p−1)/2 Chapitre 2 Anneaux de Dedekind et factorisation d’idéaux Notre but est maintenant de montrer que les anneaux d’entiers ont la propriété de factorisation en produit d’idéaux premiers. La preuve donnée fontionne pour une classe plus large d’anneaux, les anneaux de Dedekind. 2.1 Définition (Anneau de Dedekind). — Un anneau est dit de Dedekind s’il est intégralement clos (donc intègre), noethérien et si tout idéal premier non nul est maximal (c’est-à-dire que l’anneau est de dimension 6 1). 2.2 Théorème. — Soit A un anneau de Dedekind de corps des fractions K. On suppose la caractéristique de K nulle. Soit L une extension finie de degré n de K. Alors la clôture intégrale B de A dans L est un anneau de Dedekind. Preuve. — Le théorème 1.32 montre que OK est intégralement clos, noethérien de corps des fractions égal à K. Il reste à prouver que tout idéal premier non nul est maximal. Soit p un idéal premier non nul de B. Montrons que l’idéal q = p ∩ A est non nul, donc maximal. Soit x ∈ p. On a une relation de dépendance intrégrale xd + ad−1 xd−1 + · · · + a0 = 0 où on peut supposer a0 6= 0 en divisant éventuellement par des puissances de x. Alors a0 = −x(xd−1 + ak−1 xk−2 + · · · + a1 ) appartient à q = p ∩ A. Soit (b1 , . . . , bn ) un système générateur de B comme A-module (théorème 1.32). Les classes (b1 , . . . , bn ) des bi mod (q) forment un système générateur de B/q en tant que A/p-espace vectoriel. Ainsi B/q est une A/p algèbre intègre finie, c’est donc un corps et l’idéal q est maximal dans B. Avec A = Z, K = Q, obtient le corollaire suivant. 2.3 Corollaire. — L’anneau des entiers d’un corps de nombres est de Dedekind. 2.1 Idéaux inversibles Soit A un anneau de Dedekind, K son corps des fractions et a un idéal non nul de A. La clé dans la preuve de l’existence et l’unicité de la factorisation en idéaux est de montrer qu’il existe un autre idéal b de A tel que ab est principal. Commençons par quelques lemmes 2.4 Lemme. — Soit A un anneau, p un idéal premier et a1 , . . . , an des idéaux de A. Supposons que p ⊃ a1 . . . an . Alors p ⊃ ai pour un certain i. 21 Preuve. — Supposons qu’il n’existe aucun i tel que p ⊃ ai . Il existe alors πi ∈ ai tel que πi ∈ / p pour tout i. Mais alors π1 . . . πk ∈ / p puisque p est premier, et ceci contredit l’inclusion a1 . . . ak ⊂ p. 2.5 Lemme. — Soit a un idéal non nul de A. Alors il existe des idéaux premiers non nuls (pas nécessairement distincts) p1 , . . . pk de A tels que a ⊃ p1 . . . pk . Preuve. — Soit S l’ensemble des idéaux non nuls de A qui ne contiennent pas un produit d’idéaux premiers non nuls. Supposons que S est non vide. Puisque A est noethérien, S a un élément maximal, disons a. Cet idéal n’est pas premier, sinon il contiendrait un produit d’idéaux premiers (à savoir : lui-même). Ainsi il existe α, β ∈ OK tel que α, β ∈ / a, mais αβ ∈ a. Considérons maintenant les idéaux a + (α) et a + (β) qui contiennent strictement a et donc qui ne sont pas dans S. Ils contiennent un produit d’idéaux premiers non nuls par définitions de S, et il en est de même du produit (a + (α))(a + (β)) = α2 + αa + βa + αβ ⊂ a. C’est une contradiction, donc S est vide. 2.6 Lemme. — Soit a un idéal non nul de A tel que a 6= A. Alors il existe γ ∈ K tel que γ ∈ /A et γa ⊂ A. Le lemme dit que a est significativement distinct de A dans le sens où il y a un élément non entier de K que l’on peut multiplier par cet idéal laissant entier cet idéal. C’est faux pour K lui-même. Preuve. — Fixons α non nul dans a. Par le lemme 2.5, l’idéal principal (α) contient un produit d’idéaux premiers non nuls. Choisissons les p1 , . . . , pk avec k minimal tels que (α) ⊃ p1 . . . pk (les pi ne sont pas nécessairement distincts). Mais a est aussi contenu dans un idéal maximal p. Ainsi p ⊃ a ⊃ (α) ⊃ p1 . . . pk . Par le lemme 2.4, on a que p contient l’un des pi . Sans perte de généralité, supposons que p1 ⊂ p. Puisque A est un anneau de Dedekind, p1 est maximal, et donc p = p1 . Puisque (α) ne contient pas de produit de k − 1 idéaux premiers, il existe un β ∈ p2 . . . pk tel que β ∈ / (α). Soit γ = β/α et montrons que γ vérifie les conditions du lemme. Tout d’abord γ∈ / A puisque β ∈ / (α). Pour l’autre partie, si α0 ∈ a, alors γα0 = βα0 . α Mais α0 ∈ a ⊂ p = p1 , donc βα0 ∈ p1 . . . pk ⊂ (α) et ainsi γα0 = βα0 /α ∈ A, comme annoncé. Nous pouvons maintenant démontrer que chaque idéal de A est inversible en utilisant les deux lemmes précédents, et le fait que A est intégralement clos (remarquons qu’on a utilisé le fait que A est noethérien dans le lemme 2.5 et le fait que A est de dimension 6 1 dans le lemme 2.6). 2.7 Proposition. — Soit A un anneau de Dedekind, et a un idéal non nul de A. Alors il existe un idéal non nul b de A tel que ab est principal. 22 Preuve. — Fixons un α ∈ a non nul, et posons b = {β ∈ A|βa ⊂ (α)}. Il est clair que b est un idéal non nul de A (il contient α), et par définition ab ⊂ (α). On va montrer qu’on a égalité. Pour cela, posons c= 1 ab. α C’est un idéal de A, et montrer que ab = (α) revient à montrer que c = A. Supposons c 6= A. Par le lemme 2.6 on peut trouver γ ∈ K avec γ ∈ / A tel que γc ⊂ A. Puisque α ∈ a, on a b ⊂ c, et donc γb ⊂ γc ⊂ A. Montrons que γb ⊂ b. Prenons un élément arbitraire β ∈ b ; on veut montrer que γβ ∈ b ; pour cela on va prouver que pour tout α0 ∈ a, on a γβα0 ∈ (α), ce qui impliquera bien γβ ∈ b par définition de b (en notant que γβ ∈ A puisque γβ ∈ γb ⊂ γc ⊂ A). Soit donc α0 ∈ a. Alors βα0 ∈ (α) par définition de b donc on peut écrire βα0 = αδ pour un certain δ ∈ A. Mais clairement δ ∈ c, donc γδ ∈ γc ⊂ A. Finalement, γβα0 = (γδ)α ∈ (α), et on a bien γβ ∈ b, puis γb ⊂ b. Ainsi b est stable par la multiplication par γ, mais b étant un sous-A-module de type fini de K (car A est noethérien) l’assertion (iv) du théorème 1.22 montre que γ est entier sur A, donc γ ∈ A puisque A est intégralement clos. Ceci contredit γ ∈ / A et termine la preuve. 2.2 Factorisation des idéaux Avec la proposition 2.7, il ne va pas être difficile de prouver l’existence et l’unicité de la factorisation des idéaux. On donne en premier quelques résultats préliminaires. 2.8 Lemme. — Soit a, b, c des idéaux de A. Alors si ab = ac, on a b = c. Preuve. — Soit a0 un idéal de A tel que aa0 est principal (par la proposition 2.7), et notons α un générateur de aa0 . Il vient a0 ab = a0 ac, puis αb = αc et finalement b = c. √ Ce lemme est faux si A n’est pas un anneau de Dedekind ; voir l’exemple 1.4 de Z[ 3]. Si a et b sont des idéaux de A, on dit que b divise a s’il existe un idéal c tel que a = bc. En particulier b ⊃ a ; dans les anneaux de Dedekind, il y a équivalence. 2.9 Lemme. — Soit a et b des idéaux de A. Alors b divise a si, et seulement, si b ⊃ a. Preuve. — Supposons b ⊃ a, et soit b0 tel que bb0 est principal, disons bb0 = (β). On vérifie que 1 c = b0 a est un idéal de A (en utilisant le fait que b ⊃ a). Il vient β bc = 1 0 1 bb a = (β)a = a, β β et donc b divise a. Nous allons maintenant prouver le théorème de factorisation. On dira qu’un ideal a de A se factorise en idéaux premiers si on peut écrire a = p1 . . . pk où les pi sont des idéaux premiers non nuls de A. On dira que a se factorise de façon unique en idéaux premiers si deux telles factorisations sont les mêmes à l’ordre des facteurs près (la langage est simplifié ici par rapport aux anneaux factoriels, car les unités et associés sont absorbés par les idéaux). 23 2.10 Théorème. — Soit A un anneau de Dedekind. Alors tout idéal non nul de A se factorise de façon unique en idéaux premiers. Preuve. — Voyons d’abord que tout idéal non nul se factorise en idéaux premiers. Soit S l’ensemble des idéaux non nuls qui ne se factorisent pas en idéaux premiers, et supposons que S est non vide. Puisque A est noethérien, S a un élément maximal, disons a. On sait que a est contenu dans un idéal maximal p ; par le lemme 2.9 ceci implique a = pb pour un idéal b de A. Le même lemme implique b ⊃ a ; en fait, on a b 6= a car sinon le lemme 2.8 impliquerait A = p, ce qui n’est pas. Donc b ∈ / S puisque a est maximal, donc b se factorise en idéaux premiers. Mais a = pb se factorise alors en idéaux premiers, ce qui est une contradiction. Ainsi S est vide. Montrons maintenant l’unicité d’une telle factorisation. Soit a un idéal avec deux factorisations, disons p1 . . . pr = q1 . . . qs . Le lemme 2.9 montre que p1 ⊃ q1 . . . qs , et par le lemme 2.4 il vient que p1 ⊃ qi pour un certain i. Quitte à réordonner les qj , on peut supposer que p1 ⊃ q1 . Puisque tout idéal premier non nul est maximal, on a p1 = q1 . En utilisant le lemme 2.8, on peut simplifier le terme p1 = q1 de chaque côté, et on a p2 . . . pr = q2 . . . qs . En continuant ainsi, on trouve que r = s et les facteurs de chaque côté sont identiques. Finissons par une proposition qui démontre que dans un anneau de Dedekind, la factorialité équivaut à la principalité, ce qui est faux en général. 2.11 Proposition. — Soit A un anneau de Dedekind. Alors A est factoriel si, et seulement si, il est principal. Preuve. — On sait que tout anneau principal est factoriel, donc seule la réciproque est à montrer. Supposons A factoriel, et soit a un idéal non nul de A ; on doit montrer qu’il est principal. Prenons α ∈ a non nul et écrivons α = π1 . . . πn sa décomposition en irréductibles. Puisque A est factoriel, chacun des idéaux πi est premier, et donc l’équation (α) = (π1 ) . . . (πn ) donne une factorisation de (α) en idéaux premiers. Comme (α) ⊂ a, l’idéal a divise (α). En particulier, en utilisant l’unicité de la factorisation en idéaux premiers, cela implique que tous les facteurs idéaux premiers de a sont principaux, donc a est le produit d’idéaux principaux, donc est lui-même principal. Terminons par la preuve de la proposition 1.47 rappelée ici. Proposition. — Soit a et b deux idéaux non nuls de OK . Alors NK/Q (ab) = NK (a)NK (b). Preuve. — Remarquons que si a et b sont premiers entre eux, par le théorème chinois on a OK /ab ' OK /a × OK /b, et le résultat est clair. En utilisant la factorisation en idéaux premiers et cette remarque, on voit qu’il est suffisant de montrer que pour tout idéal premier p de OK on a NK (pm ) = NK (p)m . Or NK (pm ) = #(OK /pm ) = #(OK /p) × #(p/p2 ) × · · · × #(pm−1 /pm ), donc il est suffisant de montrer que #(pk /pk+1 ) = #(OK /p) pour tout k. Par unicité de la factorisation en idéaux premiers, on a pk+1 pk . Soit alors γ ∈ pk \pk+1 . On montre que l’application ϕ : OK /p −→ pk /pk+1 , α 7−→ αγ est un isomorphisme, d’où le résultat. 24 2.3 Idéaux fractionnaires Soit K un corps de nombre, et OK son anneau des entiers. L’ensemble des idéaux de OK est un monoı̈de, mais pas un groupe, car les idéaux n’ont pas d’inverse. Nous allons plonger l’ensemble de ces idéaux dans le groupe des idéaux dits fractionnaires de K. 2.12 Définition (Idéal fractionnaire). — Soit r un OK -module de K. Un tel r est appelé idéal fractionnaire de K s’il existe γ1 , . . . , γm ∈ r tels que r = {α1 γ1 + · · · + αm γm | αi ∈ OK }. Chaque idéal non nul a de OK est un idéal fractionnaire. En effet a est un OK -module par définition, et il est finiment engendré puisque OK est noethérien. Pour éviter les confusions on parlera d’idéaux entiers dorénavant. Une seconde sorte d’idéaux fractionnaires sont très importants, ce sont ceux de la forme γOK , avec γ ∈ K ∗ (il est immédiat que γOK est un OK -module et que γ est un générateur). Un tel idéal fractionnaire est appelé idéal fractionnaire principal. Notons que les idéaux principaux de OK sont précisément les idéaux fractionnaires principaux entiers. Plus généralement, si a est un idéal quelconque de OK et γ un élément de K ∗ , alors γa est un idéal fractionnaire. La réciproque est vraie. 2.13 Lemme. — Soit r un OK -module de K. Alors r est un idéal fractionnaire si et seulement s’il existe γ ∈ K ∗ tel que γr est un idéal entier (en fait on peut prendre γ ∈ Z). Preuve. — Seul le sens direct est à vérifier. Si r est un idéal fractionnaire, on peut écrire r = {α1 γ1 + · · · + αm γm | αi ∈ OK } pour des γ1 , . . . , γm ∈ r. Par la proposition 1.36, il existe a1 , . . . , am ∈ Z tels que ai γi ∈ OK . Alors a1 . . . am r est un idéal entier, ce qui prouve le lemme avec γ = a1 . . . am . On notera IK l’ensemble des idéaux fractionnaires de K. Si r, s ∈ IK , on définit le produit rs comme le OK -module engendré par tous les produits d’éléments de r et s. Si r est engendré par γ1 , . . . , γm et s par δ1 , . . . , δk , alors rs est engendré par les γi δj . En particulier rs est un idéal fractionnaire. 2.14 Corollaire. — L’ensemble IK est un groupe commutatif pour la multiplication des idéaux fractionnaires. Preuve. — Nous avons vu ci-dessus que IK est stable pour la multiplication. La commutativité est la distributivité sont claires. Le neutre est OK . Il reste à trouver l’inverse d’un idéal fractionnaire r. Soit γ ∈ K ∗ tel que γr soit un idéal entier. Par la proposition 2.7, il existe un idéal entier γ b tel que γrb est principal disons engendré par α ∈ OK , avec α 6= 0. Posons s = b. C’est un α idéal fractionnaire et γ 1 rs = rb = (α) = OK α α Ainsi s est un inverse pour r dans IK . On peut aussi caractériser les idéaux fractionnaires en termes de factorisation unique en idéaux. 2.15 Proposition. — Tout idéal fractionnaire r peut s’écrire r = pe11 . . . perr où les pi sont des idéaux premiers distincts et les ei des entiers (éventuellement négatifs). Cette factorisation est unique à l’ordre des facteurs près. De plus r est un idéal entier si et seulement si tout les ei sont positifs. 25 Preuve. — Soit r un idéal fractionnaire et soit a ∈ Z non nul tel que ar soit un idéal entier. Alors on peut écrire de façon unique à l’ordre des facteurs près et ajout de facteurs avec un exposant 0, e0 0 (a) = p11 . . . perr et e00 00 ar = p11 . . . perr avec éventuellement des e0i et e00i nuls. Ainsi, puisque IK est un groupe, e00 −e01 r = p11 00 0 . . . prer −er . Ce qui montre que r s’écrit sous la forme annoncé. L’unicité provient du fait que les factorisations de (a) et ar sont uniques. Enfin le fait que r est un idéal entier si et seulement si tout les ei sont positifs est clair par unicité de la factorisation en idéaux. La décomposition des idéaux fractionnaires en idéaux premiers est totalement analogue à la décomposition des nombres rationnels en entiers rationnels. 26 Chapitre 3 Factorisation effective en idéaux premiers 3.1 Lemme. — Soit p un idéal premier non nul de OK . Alors p contient un unique entier rationnel premier. Preuve. — Par le lemme 1.38, on sait que p contient un entier rationnel non nul. Soit n le plus petit entier positif contenu dans p. Puisque p 6= OK , on a n > 1. Supposons que n n’est pas premier dans Z. Alors n = ab avec n > a, b > 1, et comme p est premier, c’est que a ∈ p ou b ∈ p ce qui contredit la minimalité de n. Supposons que p0 soit un deuxième entier premier contenu dans p. Alors il existe u, v ∈ Z tels que up + vp0 = 1, donc 1 ∈ p, ce qui est absurde. La proposition qui suit nous donne un moyen de trouver tous les idéaux premiers de OK . 3.2 Proposition. — Soit p un idéal premier de OK . Alors p apparaı̂t dans la factorisation de pOK pour un unique p premier rationnel. De plus NK (p) est une puissance de p. Preuve. — Par le lemme, il existe p premier rationnel dans p, donc p ⊃ pOK . Ainsi p divise pOK , et par le lemme 2.9, p figure dans la décomposition en idéaux premiers de pOK . Puisque p ⊃ pOK , l’entier NK (p) est un facteur de NK (pOK ) = pn . Ainsi NK (p) = pk pour un 1 6 k 6 n. Ceci montre aussi l’unicité de p. Ainsi pour trouver les idéaux premiers de OK , il nous suffit de factoriser les idéaux pOK pour les p premiers dans N, c’est l’objet de ce chapitre. 3.1 Localisation des anneaux d’entiers Faisons quelques rappels sur la localisation. On se place dans le cas particulier des anneaux intègres qui est suffisant pour notre propos. 3.3 Définition. — Soit A un anneau intègre, K son corps des fractions et S une partie de A stable pour la multiplication contenant 1 et ne contenant pas 0 (appelée partie multiplicative de a A dans la suite). On appelle localisé en S de A et on note S −1 A l’ensemble des éléments ∈ K s avec a ∈ A et s ∈ S. 3.4 Proposition. — Soit A un anneau intègre et S une partie multiplicative de A. On pose A0 = S −1 A. Pour tout idéal P de A0 , on a (P ∩ A)A0 = P, de sorte que ϕ : P 7→ P ∩ A est une injection croissante (pour l’inclusion) de l’ensemble des idéaux de A0 dans l’ensemble des idéaux de A. 27 Preuve. — Soit P un idéal de A0 . On a P ∩ A ⊂ P, donc (P ∩ A)A0 ⊂ P. Réciproquement, soit x ∈ P ; on a x = a/s avec a ∈ A et s ∈ S. Or sx ∈ P car P est un idéal et A ⊂ A0 , d’où a ∈ P et a ∈ P ∩ A. Ainsi x = a/s ∈ (P ∩ A)A0 d’où l’égalité (P ∩ A)A0 = P. En notant θ : P 7→ A0 P, on a θ ◦ ϕ = Id, donc ϕ est injective ; elle est clairement croissante. 3.5 Proposition. — Soit A un anneau intègre, S une partie multiplicative et a un idéal maximal de A ne rencontrant pas S. Alors S −1 A/aS −1 A ' A/a. Preuve. — L’homomorphisme composé A ,→ S −1 A S −1 A/aS −1 A a pour noyau aS −1 A∩A = a d’après la proposition 3.4, d’où une injection ϕ : A/a ,→ S −1 A/aS −1 A. Montrons que ϕ est a ∈ S −1 A avec a ∈ A et s ∈ S. Comme s ∈ / a (puisque a ∩ S = ∅) surjective. Soit x = s et comme a est maximal, s est inversible mod (a) et il existe b tel que bs ≡ 1 mod (a). Alors a a − ab = (1 − bs) ∈ aS −1 A, de sorte que l’image par ϕ de la classe de ab est égale à la classe s s a de = x. s 3.6 Proposition. — Soit K un corps, A un sous-anneau, S ⊂ A une partie multiplicative, B la fermeture intégrale de A dans K. Alors S −1 B est la fermeture intégrale de S −1 A dans K. Preuve. — Soit b0 = b ∈ S −1 B où b ∈ B et s ∈ S. On a une relation de dépendance intégrale s bm + am−1 bm−1 + · · · + a1 b + a0 = 0 où les ai sont dans A. On en déduit m m−1 am−1 b a1 b a0 b + + · · · + m−1 + m =0 s s s s s s ce qui montre que que S −1 B est entier sur S −1 A. Soit z ∈ K entier sur S −1 B. On a une relation de dépendance intégrale z n + b0n−1 z n−1 + . . . b01 z + b00 = 0. bi En réduisant les b0i au même dénominateur, on peut écrire b0i = où bi ∈ B et s ∈ S. En s n multipliant la relation précédente par s , il vient (sz)n + bn−1 (sz)n−1 + bn−2 s(sz)n−2 + · · · + b1 sn−2 (sz) + b0 sn−1 = 0. Ainsi sz est entier sur B, donc sz appartient à B car B est intégralement clos, d’où z ∈ S −1 B et S −1 B est la fermeture intégrale de S −1 A dans K. Soit p un idéal premier de OK . On note OK,p le localisé de OK par rapport à la partie multiplicative S = OK \p, c’est-à-dire α OK,p = ∈ K | α ∈ OK , β ∈ OK \p . β Les idéaux de OK,p ont une forme particulièrement simple comme le montre le lemme suivant. 3.7 Lemme. — Tout idéal de OK,p est de la forme pn OK,p pour n > 0. 28 Preuve. — Soit a un idéal de OK,p . D’après la proposition 3.4, on a a = (a ∩ OK )OK,p . Considérons maintenant la factorisation de a ∩ OK dans OK . On l’écrit sous la forme a ∩ OK = pn b pour un certain n > 0 et un idéal b premier avec p. L’idéal b n’est pas contenu dans l’idéal p puisque b n’est pas divisible par p. En particulier, b contient des éléments de OK \p ; ce sont des unités de OK,p , donc bOK,p = OK,p . Ainsi a = (a ∩ OK )OK,p = pn bOK,p = pn OK,p , ce qui est le résultat annoncé. 3.8 Proposition. — L’anneau OK,p est de Dedekind. Preuve. — Soit p1 ⊂ p2 ⊂ . . . une suite croissante d’idéaux de OK,p . D’après la proposition 3.4, ϕ(p1 ) ⊂ ϕ(p2 ) ⊂ . . . est une suite croissante d’idéaux de OK , mais cet anneau est noethérien, donc cette suite stationne à partir d’un certain rang, et par injectivité il en est de même de la suite pn , ceci prouve que OK,p est noethérien. D’après le lemme précédent, le seul idéal premier de OK,p est pOK,p . Soit a un idéal maximal contenant p, alors a = pn OK pour un certain n. Mais comme pOK ⊂ a, il vient a = pOK , ce qui prouve que pOK est maximal. En appliquant la proposition 3.6 avec A = B = OK , puisque K est le corps des fractions de OK , il vient que la fermeture intégrale de OK,p dans K est OK,p , donc en particulier OK,p est intégralement clos. 3.9 Proposition. — L’anneau OK,p est principal. Preuve. — Notons q = pOK,p son unique idéal premier non nul. Tout idéal est de la forme qn , donc il suffit de voir que q lui-même est principal. Soit π un élément de q n’appartenant pas à q2 . Il existe donc n > 1 tel que πOK,p = qn . Mais on ne peut pas avoir n > 2, sinon π appartiendrait à q2 . Donc n = 1 et q = πOK,p . Considérons maintenant L/K une extension de corps de nombres de degré n et p un idéal premier de OK . Notons OL,p l’anneau α OL,p = ∈ L | α ∈ OL , β ∈ OK \p , β qui n’est autre que le localisé de OL en OK \p. 3.10 Lemme. — Dans les conditions ci-dessus, on a (i) OL /pOL ' OL,p /pOL,p . (ii) OL,p est un OK,p -module libre de rang n. Preuve. — L’anneau OL est de Dedekind, donc pOL , qui est premier, est maximal. Par la proposition 3.5 appliquée avec A = OL et S = OK \p, on a l’isomorphisme de (i). L’assertion (ii) résulte du corollaire 1.33 avec A = OK,p qui est un anneau de Dedekind principal, K le corps des fractions de A et B la fermeture intégrale de OK,p dans L qui d’après la proposition 3.6 est OL,p . 3.11 Proposition. — Soit p un idéal non nul de OK . Alors #(OL /pOL ) = (#(OK /pOK ))n . 29 Preuve. — Remarquons d’abord que d’après la proposition 1.39, le nombre #(OK /pOK ) est fini. Le lemme ci-dessus montre que OL,p est un OK,p -module libre de rang n. Ainsi OL,p /pOL,p est un OK,p /pOK,p -module libre de rang n d’où #(OL,p /pOL,p ) = (#(OK,p /pOK,p ))n . Mais ces anneaux sont respectivement isomorphes à OL /pOL et OK /pOK , toujours grâce au lemme. D’où le résultat. 3.12 Théorème. — Soit L/K une extension de corps de nombres de degré n et soit a un idéal non nul de OK . Alors NL (aOL ) = NK (a)n . Preuve. — Puisque la norme est multiplicative, il suffit de prouver ce résultat pour les idéaux premiers. C’est ce qui a été fait dans la proposition précédente. 3.2 3.2.1 Factorisation dans les extensions Ramification On considère toujours une extension L/K de corps de nombres de degré n. 3.13 Lemme. — Soit p un idéal premier non nul de OK et soit P un idéal premier non nul de OL . Les cinq conditions suivantes sont équivalentes. (i) P divise pOL ; (ii) P ⊃ pOL ; (iii) P ⊃ p ; (iv) P ∩ OK = p ; (v) P ∩ K = p. Preuve. — Montrons que chaque assertion est équivalente à la suivante. L’équivalence de (i) et (ii) est le lemme 2.9 et celle de (ii) et (iii) vient de la définition de l’idéal pOL engendré par p. Il est clair que (iv) implique (iii) ; réciproquement supposons que P ⊃ p. Alors l’idéal P ∩ OK de OK contient p. Puisque p est maximal, ceci implique soit P ∩ OK = OK , soit P ∩ OK = p. La première possibilité ne peut pas se produire, car alors P contiendrait 1 et serait OL , d’où (iii) implique (iv). Enfin (v) implique clairement (iv). Réciproquement, supposons que P ∩ K = p ; on a P ∩ OK ⊂ p et l’inclusion inverse résulte du lemme 1.35. 3.14 Définition. — Si p et P satisfont les propriétés équivalents du lemme, on dit que P est au-dessus de p ou que p est au-dessous de P. 3.15 Proposition. — Chaque idéal premier P de OL est au-dessus d’un unique idéal premier p de OK , et chaque idéal premier p de OK est au-dessous d’au moins un idéal premier P de OL . Preuve. — Soit P un idéal premier de OL . Alors P ∩ OK est un idéal premier non nul de OK (le fait qu’il soit premier résulte de la définition, et qu’il soit non nul du fait que P contient un entier non nul). Le lemme 3.13 montre que cet idéal est nécessairement unique. Considérons l’idéal pOL . Par le lemme 2.6, il existe γ ∈ K\OK tel que γp ⊂ OK . Il vient que γpOL ⊂ OL . Si 1 ∈ pOL , cette inclusion conduit à γ ∈ OL , ce qui impossible puisque γ ∈ / OL (en effet OL ∩ K = OK et γ ∈ K\OK ). Ainsi pOL 6= OL . Il existe donc un idéal maximal P contenant pOL et par le lemme 3.13 P est au-dessus de p. 30 Notons également que par le lemme 3.13, les idéaux premiers au-dessus de p sont précisément ceux qui interviennent dans la factorisation de pOL . En notant e(P/p) la puissance exacte de P qui divise pOL , on peut écrire Y pOL = Pe(P/p) . P∩OK =p Soit p l’unique l’unique entier positif premier contenu dans p et P. Alors OK /p et OL /P sont des corps finis de caractéristique p. De plus l’injection naturelle OK ,→ OL induit une injection OK /p ,→ OL /P puisque P ∩ OK = p par le lemme 3.13. Ainsi OL /P est une extension de OK /p. On note f (P/p) le degré de cette extension. 3.16 Définition (Indice de ramification, degré d’inertie). — e(P/p) et f (P/p) s’appellent respectivement l’indice de ramification de P/p et le degré d’inertie de P/p. Remarquons que NL (P) = NK (p)f (P/p) . 3.17 Théorème. — Soit L/K une extension de corps de nombres de degré n et soit p un idéal premier de OK . Soit pOL = Pe11 . . . Perr la factorisation de pOL en idéaux premiers de OL . Posons fi = f (Pi /p). Alors r X ei fi = n. i=1 Preuve. — En prenant la norme des deux côtés de la factorisation de pOL , on trouve NL (pOL ) = NL (P1 )e1 . . . NL (Pr )er = NK (p)f1 e1 . . . NK (p)fr er . Par le théorème 3.12, NL (pOL ) = NK (p)n , d’où le résultat en comparant les degrés. 3.18 Définition (Ramifié, inerte, décomposé). — Avec les notations du théorème, (i) si l’un des ei n’est pas égal à 1, on dit que p est ramifié sur L, et totalement ramifié si r = 1 et e1 = n (donc pOL = Pn ) ; (ii) si r = 1 et e1 = 1, on dit que p est inerte sur L. (iii) ei = fi = 1 pour tout i, on dit que p est décomposé sur L (pOL = P1 . . . Pn ). Signalons enfin le théorème suivant, donné sans preuve. 3.19 Théorème. — Soit K un corps de nombre et D son discriminant. Soit p un rationnel premier. Alors p se ramifie dans K si, et seulement si, p divise D. 3.2.2 Cas des extensions galoisiennes Soit L/K une extension galoisienne. La présence d’automorphisme de K donne une factorisation plus régulière que dans une extension quelconque ; nous appliquerons les résultats de cette partie aux extensions cyclotomiques. 3.20 Lemme. — Soit L/K une extension galoisienne et p un idéal premier de OK . Alors le groupe Gal(L/K) agit transitivement sur l’ensemble des idéaux premiers au-dessus de p. 31 Preuve. — Soit P un idéal premier au-dessus de p et σ ∈ Gal(L/K). Comme σ est surjective, σ(P) est un idéal. Soit x, y ∈ / σ(P). Il existe x0 , y 0 ∈ / P tels que x = σ(x0 ) et y = σ(y 0 ). Mais 0 0 0 0 xy ∈ / P, donc xy = σ(x y ) ∈ / σ(P), donc σ(P) est premier. Ceci montre que Gal(L/K) agit sur l’ensemble des idéaux premiers au-dessus de p. Soit P et P0 deux idéaux premiers au-dessus de p. Supposons que pour tout σ ∈ Gal(L/K) on ait σ(P) 6= P0 . Par le théorème chinois on peut trouver α ∈ OL tel que α ≡ 0 mod (P0 ) et α ≡ 1 mod (σ(P)) pour tout σ ∈ Gal(L/K). Considérons Y NL/K (α) = σ(α) ∈ OK . σ∈Gal(L/K) Puisque α ∈ P0 , sa norme appartient à P0 ∩ OK = p. D’autre part, puisque α ≡ 1 mod (σ(P)) pour tout σ ∈ Gal(L/K), on a aussi α ∈ / σ(P) ; ainsi −1 −1 σ (α) ∈ / P pour tout σ. Quand σ parcourt Gal(L/K), σ parcourt aussi Gal(L/K), donc Y NL/K (α) = σ −1 (α). σ∈Gal(L/K) Puisque qu’aucun des facteurs n’appartient à P et que P est premier, on a NL/K (α) ∈ / P. Par suite NL/K (α) ∈ / P ∩ OK = p, ce qui est une contradiction. 3.21 Théorème. — Soit L/K une extension galoisienne de degré n et p un idéal premier de OK . Soit pOL = Pe11 . . . Perr la factorisation de p dans OL , et soit fi = f (Pi /p). Alors f1 = · · · = fr et e1 = · · · = er . En particulier rei fi = n pour tout i. Preuve. — Si r = 1, le résultat est clair. Supposons r > 2 et prouvons que e1 = e2 et f1 = f2 ; le cas général est similaire. Par le lemme il existe σ ∈ Gal(L/K) tel que σ(P1 ) = P2 . En appliquant σ à notre factorisation et en utilisation le fait σ(p) = p, il vient pOL = σ(P1 )e1 σ(P2 )e2 . . . σ(Pr )er = Pe21 σ(P2 )e2 . . . σ(Pr )er . De plus si σ(Pi ) = P2 , alors Pi = σ −1 (P2 ) = P1 ; donc σ(Pi ) 6= P2 pour i > 2. Ainsi Pe21 est la seule occurrence de P2 dans la factorisation de pOK ; par unicité, on a bien e1 = e2 . Enfin σ induit un isomorphisme OL /P1 ' OL /P2 , donc f1 = f2 . 3.2.3 Norme relative d’un idéal Soit L/K une extension de corps de nombres de degré n et P un idéal premier de OL . Posons p = P ∩ OK et f = f (P/p). On appelle norme relative de l’idéal P l’idéal NL/K (P) = pf . Soit A un idéal de OL . Notons A = Pe11 . . . Perr la factorisation de A en idéaux premiers de OL . Posons fi = f (Pi /p). On étend la définition de la façon suivante. 3.22 Définition (Norme relative d’un idéal). — On appelle norme relative de l’idéal A de OL l’idéal NL/K (A) = NL/K (P1 )e1 . . . NL/K (Pr )er de OK . 32 3.23 Proposition. — Soit L/K une extension galoisienne et σ1 , . . . , σn les K-automorphismes n Y de L et A un idéal de OL . Alors σi (A) = NL/K (A)OL . i=1 Preuve. — Par multiplicativité de la norme, il suffit de prouver le résultat pour les idéaux premiers de OL , supposons donc A premier. Posons p = A ∩ OK . D’après le théorème 3.21, la décomposition en produit d’idéaux premiers de pOL dans OL s’écrit pOL = (P1 . . . Pr )e où e = e(Pi /p) pour n’importe quel i. Posons f = f (Pi /p), qui ne dépend pas de i. Par le lemme 3.13, on a A ∈ {P1 , . . . , Pr }. Alors n Y σi (A) = (P1 . . . Pr )ef = pf OL = NL/K (A)OL , i=1 puisque Gal(L/K) agit transitivement sur les Pi . 3.24 Lemme. — Soit a un idéal de OK . Alors aOL ∩ K = a. Preuve. — Si a = 0, le résultat est clair. Supposons donc a 6= 0. On considère l’idéal fractionnaire a−1 . On a OL = OK OL = (aa−1 )OL = (aOL )(a−1 OL ), donc, d’après le lemme 1.35, OK = OL ∩ K = (aOL )(a−1 OL ) ∩ K ⊃ (aOL ∩ K)(a−1 OL ∩ K). Puisque aOL ∩ K est un idéal fractionnaire, il en découle a−1 OL ∩ K ⊂ (aOL ∩ K)−1 . D’autre part a ⊂ aOL ∩ K, donc (aOL ∩ K)−1 ⊂ a−1 ⊂ a−1 OL ∩ K, d’où (aOL ∩ K)−1 = a−1 et aOL ∩ K = a. 3.25 Proposition. — Soit L/K une extension galoisienne et x ∈ OL . Alors NL/K (xOL ) = NL/K (x)OK . Preuve. — Soit σ1 , . . . , σn les K-automorphismes de L. D’après la proposition précédente NL/K (xOL )OL = n Y i=1 σi (xOL ) = n Y OL σi (x) = OL i=1 n Y σi (x) = NL/K (x)OL . i=1 d’où d’après le lemme NL/K (xOL ) = NL/K (xOL )OL ∩ K = (NL/K (x)OK )OL ∩ K = NL/K (x)OK . 3.3 Calculs de factorisation Venons-en au calcul effectif de factorisation d’idéaux en idéaux premiers. Dans la première section on démontre un théorème clé, dans les suivantes on l’applique au cas des anneaux d’entiers quadratiques et cyclotomiques. 33 3.3.1 Théorème fondamental On note f (x) ∈ Fp [x] la réduction modulo p du polynôme f (x) ∈ Z[x], et étant donné un polynôme g(x) ∈ Fp [x], on désignera par g n’importe quel polynôme de Z[x] dont la réduction modulo p est g(x). 3.26 Théorème. — Soit K un corps de nombre de degré n et p un nombre premier. Supposons qu’il existe α ∈ OK tel que OK = Z[α] et notons f (x) ∈ Z[x] son polynôme minimal. Soit f (x) = g 1 (x)e1 . . . g r (x)er la factorisation de f (x) en polynôme irréductible de Fp [x]. Notons fi le degré de g i . Alors la décomposition en idéaux premiers de pOK s’écrit pOK = pe11 . . . perr où pi = (p, gi (α)). De plus f (pi /p) = fi . L’hypothèse qu’il existe α ∈ OK tel que OK = Z[α] nous suffira pour les exemples que nous allons étudier, à savoir les entiers quadratiques et cyclotomiques. Pour démontrer ce théorème, nous aurons besoin d’un lemme 3.27 Lemme. — Avec les notations du théorème, si f (x) et g(x) sont deux polynômes tel que f (x), g(x) ∈ Fp [x] sont premiers entre eux, alors les idéaux (p, f (α)) et (p, g(α)) sont premiers entre eux dans OK . Preuve. — Comme f (x) et g(x) sont irréductibles dans Fp [x], ils sont premiers entre eux, et il existe u(x), v(x) ∈ Fp [x] tels que f (x)u(x) + g(x)v(x) = 1. En remontant dans Z[x], on a f (x)u(x) + g(x)v(x) = 1 + pc(x) pour un certain c(x) ∈ Z[x]. En évaluant ceci en α, il vient f (α)u(α) + g(α)v(α) = 1 + pc(α). Considérons l’idéal q = (p, f (α)) + (p, g(α)). f (α)u(α) est contenu dans le premier idéal de la somme, g(α)v(α) dans le second, et pc(α) dans chacun d’eux. Ainsi q contient 1, donc q = OK . Preuve (du théorème). — Puisque g i (x) divise f (x) dans Fp [x], on a les isomorphismes OK /pi = Z[α]/(p, gi (a)) ' Z[x]/(f (x), p, gi (x)) ' Fp [x]/(f (x), g i (x)) ' Fp [x]/(g i (x)). Comme g i (x) est irréductible de degré fi , Fp [x]/(g i (x)) est un corps d’ordre pfi , ce qui montre d’une part que f (pi /p) = fi et d’autre part que l’idéal pi est premier. Prouvons maintenant l’assertion sur la factorisation de pOK . Cet idéal est le noyau de la surjection canonique OK −→ OK /p. Nous allons calculer ce noyau d’une autre façon. Remarquons que OK /pOK = Z[α]/pZ[α] ' Z[x]/(p, f (x)) ' Fp [x]/(f (x)). Par le lemme et le théorème chinois, il vient Fp [x]/(f (x)) ' Fp [x]/(g 1 (x)e1 ) × · · · × Fp [x]/(g r (x)er ). 34 On peut donc considérer la surjection canonique OK −→ OK /p comme l’application OK −→ Fp [x]/(g 1 (x)e1 ) × · · · × Fp [x]/(g r (x)er ) qui envoie α sur (x, . . . , x). Le noyau de chacun des facteurs est (p, gi (α)) si bien que le noyau de cette application est (p, g1 (α)e1 ) ∩ · · · ∩ (p, gr (α)er ). Comme ces idéaux sont premiers deux à deux, il vient bien pOK = (p, g1 (α)e1 ) . . . (p, gr (α)er ). Il nous reste à ”sortir” les ei . Comme chaque générateur de pei i = (p, gi (α))ei est divisible par p sauf gi (α), on peut dire que chaque générateur de pei i appartient à (p, gi (α)ei ), donc (p, gi (α)ei ) ⊃ pei i . Le lemme 2.9 assure alors que (p, gi (α)ei ) divise pei i . Puisque les idéaux (p, gi (α)ei ) sont premiers entre eux, il vient que pOK divise pe11 . . . perr . Or NK (pe11 . . . perr ) = pf1 e1 . . . pfr er = pn ce qui est aussi la norme de pOK . Donc pOK = pe11 . . . perr . 3.28 Exemple. — Soit α une racine de X 3 + 2X + 1 et K = Q(α). D’après l’exemple 1.43, OK = Z[α], donc on peut appliquer le théorème 3.26. Factorisons pOK pour quelques valeurs de p (premier rationnel). Pour p = 2, on a X 3 + 2X + 1 ≡ (X + 1)(X 2 + X + 1) mod (2), si bien que 2OK = (2, α + 1)(2, α2 + α + 1). Le premier facteur a un degré d’inertie égal à 1 et le second un degré d’inertie égal à 2. Pour p = 3, f (X) est irréductible dans F3 [X], donc 3OK se factorise en (3, f (α)) = (3), c’est-à-dire 3OK reste premier dans OK , ou encore que 3 est inerte sur K. On vérifie que 5 et 7 sont également inertes sur K. Pour p = 11, on a X 3 + 2X + 1 ≡ (X + 2)(X 2 − 2X + 6) mod (11), donc 11OK = (11, α + 2)(11, α2 − 2α + 6) 13OK reste premier, tandis que X 3 + 2X + 1 ≡ (X − 3)(X − 5)(X − 9) mod (17), donc 17OK se décompose en 17OK = (17, α − 3)(17, α − 5)(17, α − 9). Le théorème 3.19 montre que le seul p qui se ramifie dans K est 59, puisque 59 est premier. On peut d’ailleurs vérifier que X 3 + 2X + 1 ≡ (X − 14)2 (X − 31) mod (59), donc 59OK = (59, α − 14)2 (59, α − 31). 3.3.2 Factorisation dans les anneaux d’entiers quadratiques √ Soit K = Q( d)√un corps quadratique avec d sans√facteurs carrés et OK = Z[α] son anneau des entiers où α = d si d ≡ 2, 3 mod (4) et α = (1 + d)/2 si d ≡ 1 mod (4). Soit p un nombre premier et pOK = Pe11 . . . Perr sa décomposition en idéaux premiers dans OK . Le théorème 3.17 r X nous dit que ei fi = 2, donc r 6 2 et trois cas seulement peuvent se produire : i=1 (i) r = 2, e1 = e2 = 1, f1 = f2 = 1 ; donc pZ est décomposé dans K ; (ii) r = 1, e1 = 1, f1 = 2 ; donc pZ est inerte dans K ; 35 (iii) r = 1, e1 = 2, f1 = 1 ; donc pZ se ramifie dans K. On dira par extension que l’entier p est décomposé, inerte ou ramifié. √ √ 3.29 Exemple. — Soit K = Q( −5) et OK = Z[− 5]. On va factoriser quelques entiers premiers. Prenons d’abord p = 2. Alors X 2 + 5 ≡ (X + 1)2 mod (2), donc 2OK se ramifie : √ 2OK = (2, −5 + 1)2 . Pour p = 3, on a X 2 + 5 ≡ (X + 1)(X + 2) mod (3), donc 3OK est décomposé en √ √ 3OK = (3, −5 + 1)(3, −5 + 2). Pour p = 5, on a X 2 + 5 ≡ X 2 mod (5), donc √ 5OK = (5, −5)2 . √ √ √ Remarquons que l’idéal (5, −5) n’est autre que l’idéal ( −5) puisque −5 divise 5 dans OK . Ceci illustre le fait que dans la factorisation donnée par le théorème 3.26, on ne sait pas si les idéaux qui interviennent sont principaux ou pas. Continuons avec p = 7. On a X 2 + 5 ≡ (X + 3)(X + 4) mod (7), donc √ √ 7OK = (7, −5 + 3)(7, −5 + 4). Ensuite X 2 + 5 est irréductible dans F11 [X], donc 11OK est inerte dans K. La proposition suivante résume tout ce qui peut se passer dans les corps quadratiques. √ 3.30 Proposition. — Soit K = Q( d) un corps de quadratique, avec d sans facteurs carrés. (i) Sont décomposés dans K les nombres premiers impairs p tels que d soit un résidu quadratique mod (p), et 2 si d ≡ 1 mod (8) ; (ii) Sont inertes dans K les nombres premiers impairs p tels que d soit un non-résidu quadratique mod (p), et 2 si d ≡ 5 mod (8) ; (iii) Se ramifient dans K les diviseurs premiers impairs de d si d ≡ 1 mod (4). Si d ≡ 2, 3 mod (4), outre les diviseurs premiers impairs de d, le premier 2 se ramifie également. √ Preuve. — Si d ≡ 2, 3 mod (4), le polynôme minimal de α est X 2 − d dont les racines sont √ ± d. 1−d 1± d Si d ≡ 1 mod (4), le polynôme minimal de α est X 2 − X + dont les racines sont . 4 2 Supposons d’abord p impair. Ces polynômes ont une racine double si et seulement si d ≡ 0 mod (p) et le théorème 3.26 montre que p est ramifié. Ces polynômes sont irréductibles (resp. réductibles) si et seulement si d n’est pas un carré mod (p) (resp. est un carré), donc si et seulement si p est inerte (resp. décomposé) dans K. Traitons maintenant le cas p = 2. Si d ≡ 2, 3 mod (4), la réduction mod (2) de X 2 − d est soit X 2 , soit X 2 + 1 = (X + 1)2 qui sont des carrés dans le deux cas, donc p se ramifie dans K. Si d ≡ 1 mod (4), la réduction mod (2) du polynôme minimal de α est X 2 + X + δ où δ est la classe de (d − 1)/4. Pour d ≡ 1 mod (8), on a δ = 0 et X 2 + X + δ = X(X + 1) de sorte que 2 est décomposé ; pour d ≡ 5 mod (8), on a δ = 1 et X 2 + X + 1 est irréductible dans F2 [X], de sorte que 2 est inerte. 3.31 Remarque. — En se souvenant que le discriminant de OK vaut 4d si d ≡ 2, 3 mod (4) et d si d ≡ 1 mod (4), on constate que p se ramifie dans OK si et seulement si p divise le discriminant. C’est exactement le théorème 3.19. 36 Nous avons vu dans un exemple ci-dessus que le théorème 3.26 ne disait rien sur la principalité des idéaux. Le lemme suivant donne un élément de réponse dans des cas bien particuliers ; il sera utilisé plus loin. √ 3.32 Lemme. — Soit d 6 −15 un entier sans facteurs carrés, d ≡ 1 mod (4), K = Q( d) et √ 1+ d α= de telle sorte que OK = Z[α]. Soit q un nombre premier avec q 2 6 −d et β ∈ Z. 2 Supposons que l’idéal a = (q, α + β) est premier dans OK . Alors a est n’est pas principal. Preuve. — Supposons l’idéal a principal et notons γ un générateur. Comme γ|q dans OK , on a NK/Q (γ)|NK/Q (q) = q 2 dans Z. Or q est premier donc NK/Q (γ) ∈ {1, q, q 2 }. (i) Le cas NK/Q (γ) = 1 est impossible car a est premier, donc γ n’est pas inversible. (ii) En posant γ = a + bα, si |b| > 1, on a 2 b 1 |d| p |d| NK/Q (γ) = NK/Q (a + bα) = a + > + > |d| > q, + b2 2 4 4 4 l’avant-dernière inégalité résultant de ∀n ∈ N, n > 14 =⇒ 1+n √ > n. 4 Ceci montre que NK/Q (γ) 6= q sous l’hypothèse γ ∈ / Z. Mais si γ ∈ Z, γ ne peut engendrer l’idéal (q, α + β) car l’équation γ(a + bα) = α + β entraı̂ne que γ est inversible, ce qui n’est pas. (iii) Enfin le cas NK/Q (γ) = q 2 = NK/Q (q) ne peut se produire, car sinon γ et q seraient associés dans OK , donc γ ∈ Z (car les unités de OK dans ce cas sont ±1, voir proposition 1.54), et ceci est impossible comme on vient de le voir. 3.3.3 Factorisation dans les anneaux d’entiers cyclotomiques Le théorème 3.26 donne une procédure calculatoire pour factoriser les polynômes cyclotomiques, mais les calculs deviennent difficiles à cause du degré qui devient grand. Heureusement dans de nombreux cas, on peut donner une bonne description de la factorisation des polynômes cyclotomiques même s’il est difficile d’écrire les facteurs. La clé réside dans le lemme suivant qui dit que le m-ième polynôme cyclotomique est le polynôme ”universel” pour tester si un élément d’un corps est une racine primitive m-ième de l’unité. 3.33 Lemme. — Soit m un entier positif et K un corps de caractéristique ne divisant pas m. Soit α un élément de K. Alors Φm (α) = 0 si et seulement si α est une racine primitive m-ième de l’unité. Preuve. — Rappelons-nous que dans Z[X], on a Y Xm − 1 = Φd (X). d|m Dans K[X] cette factorisation a encore un sens. Notons aussi que X m − 1 n’a que des racines simples (la dérivée de ce polynôme est non nulle). 37 Supposons d’abord que α est une racine primitive m-ième de l’unité. Alors α est racine de X − 1, donc de l’un des Φd (X) avec d divisant m. Mais si d < n, comme Φd (X) divise X d − 1, on a αd − 1 = 0, ce qui contredit que α est une racine pritimive m-ième de l’unité. Donc α est une racine de Φm (X). Réciproquement, supposons que Φm (α) = 0. Puisque Φm (X) divise X m − 1, ce implique que m α = 1, c’est-à-dire α est une racine m-ième de l’unité. Supposons que α est en fait une racine primitive d-ième de l’unité pour d < m et d divisant m. L’argument donné dans la preuve du sens direct montre que Φd (α) = 0. Ainsi α est racine double de X m − 1, ce qui est absurde. Ainsi α est une primitive m-ième de l’unité. m Voici la proposition utile en pratique pour factoriser les polynômes cyclotomiques 3.34 Proposition. — Soit K = Q(ξm ) un corps cyclotomique, p un entier premier ne divisant pas m et p un idéal de Z[ξm ] au-dessus de p. Alors e(p/p) = 1, f (p/p) est l’ordre de p dans (Z/mZ)× et il y exactement ϕ(m)/f (p/p) idéaux premiers de Z[ξm ] au-dessus de p. Preuve. — Notons e = e(p/p) et f = f (p/p). L’extension Q(ξm )/Q étant galoisienne, le théorème 3.21 montre que ces nombres sont indépendants du choix de p. Autrement dit, Φm (X) se factorise dans Fp [X] en Φm (X) = (g1 (X) . . . gr (X))e où deg gi = f pour tout i et ef r = ϕ(m). Puisque X m − 1 n’a que des racines simples dans Fp [X], c’est aussi le cas de Φm (X). En particulier on a e = 1. Nous allons calculer f et r ; avant de faire le cas général, examinons le cas f = 1 pour illustrer l’idée. Si f = 1, alors Φm (X) se factorise en facteurs du premier degré dans Fp [X], donc Φm (X) a des racines dans Fp . Par le lemme 3.33, ceci implique que Fp a des racines primitives m-ièmes de l’unité. Mais F∗p est un groupe cyclique d’ordre p − 1, donc il a un élément d’ordre m si et seulement si m divise p − 1, c’est-à-dire si et seulement si p ≡ 1 mod (m). L’argument est réversible, donc on a montré qu’un entier premier p se décompose dans Q(ξm ) si et seulement si p ≡ 1 mod (m). Dans le cas général, soit g(X) un des facteurs irréductibles de Φm (X) dans Fp [X]. Le degré de g(X) est f . Soit α une racine de g(X) et posons F = Fp (α) ' Fp [X]/(g(X)) ; c’est une extension de Fp de degré f . Notons que α est une racine primitive m-ième de l’unité dans F (nous avons tout fait pour) et que c’est la plus petite. Ainsi f est le degré de la plus petite extension de Fp contenant une racine primitive m-ième de l’unité. Déterminons cette extension par une autre méthode. Soit Fi l’unique extension de Fp de degré i. Alors Fi∗ est cyclique d’ordre pi − 1, donc il contient une racine primitive m-ième de l’unité si et seulement si m divise pi − 1. Ainsi la plus petite extension de Fp contenant une racine primitive m-ième de l’unité sera Fi , où i est le plus petit entier strictement positif tel que pi ≡ 1 mod (m), c’est-à-dire que i est l’ordre de p dans (Z/mZ)× . 3.35 Exemple. — Soit K = Q(ξ5 ). Le comportement d’un entier rationnel p premier dans OK est entièrement déterminé par la classe de p mod (5). Si p ≡ 1 mod (5) (par exemple p = 11), alors p est décomposé dans OK . Si p ≡ 4 mod (5), alors p se factorise en 2 facteurs premiers, chacun avec un degré d’inertie 2. Si p ≡ 2, 3 mod (5), alors p est inerte dans OK . Pour des exemples explicites, considérons les premiers rationnels 3, 7, 11, 19. Pour p = 3, 7, l’argument ci-dessus montre que Φ5 (X) = X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 est irréductible mod (p), et donc que 3OK et 7OK sont premiers dans OK . Pour p = 19, on trouve X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 = (X 2 + 5X + 1)(X 2 + 15X + 1) mod (19), 38 donc 19OK = (19, ξ52 + 5ξ5 + 1)(19, ξ52 + 15ξ5 + 1). Pour finir, mod (11), on a X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 = (X + 2)(X + 6)(X + 7)(X + 8) mod (11), donc 11OK = (11, ξ5 + 2)(11, ξ5 + 6)(11, ξ5 + 7)(11, ξ5 + 8). 3.36 Remarque. — Soit p un nombre premiers. Déterminons la factorisation dans Fp [X] de Φp (X) = Xp − 1 = X p−1 + X p−2 + · · · + 1. X −1 Comme X p − 1 ≡ (X − 1)p mod (p), on a Φp (X) = (X − 1)p−1 , d’où pOK = (p, ξp − 1)p−1 . De plus OK /(p, ξp − 1) = Z[ξp ]/(p, ξp − 1) ' Z/pZ, donc (p, ξp − 1) est premier de degré d’inertie 1. Ainsi pOK est totalement ramifié dans Q(ξp ). Le discriminant de Q(ξp ) étant D = (−1)(p−1)/2 pp−2 , ceci est cohérent avec le théorème 3.19 (qui montre de plus que p est le seul premier rationnel qui se ramifie dans Q(ξp ). 3.37 Proposition. — Soit p un nombre premier impair. Le corps Q(ξp ) contient le corps qua√ dratique Q( εp) où ε = (−1)(p−1)/2 . Preuve. — Posons L = Q(ξp ). Le groupe Gal(L/Q) est isomorphe au groupe (Z/pZ)∗ par l’application (Z/pZ)∗ −→ Gal(L/Q) q 7−→ σq où σq est défini par σq (ξp ) = ξpq . Comme (Z/pZ)∗ est cyclique d’ordre p−1, il existe un unique sousgroupe d’indice 2, c’est l’ensemble des carrés de (Z/pZ)∗ . Notons S le sous-groupe correspondant de Gal(L/Q) et K le sous-corps de L fixé par S. On a alors [K : Q] = 2, donc K est un corps quadratique. L’entier p est totalement ramifié dans L, il existe donc un unique idéal P de OL au-dessus de p tel que (p) = Pp−1 . Soit p un idéal premier de OK au-dessus de p. Alors P est au-dessus de p (par unicité de P) et e(P/p) = e(P/p)e(p/p). Puisque e(P/p) = p − 1 et que le degré de p−1 ramification est majoré par le degré de l’extension, il vient e(P/p) = et e(p/p) = 2, en 2 particulier p est le seul idéal de K au-dessus de p, et il est totalement ramifié. Soit Q un autre idéal premier de OL . Notons q l’idéal de OK au-dessous de Q et q le premier rationnel au-dessous de q. Comme e(Q/q) = 1 (proposition 3.34), on a e(q/q) = 1, donc q n’est pas ramifié dans K. Ainsi p est le seul premier rationnel qui se ramifie dans K, donc d’après la proposition 3.30, √ K = Q( εp) où ε = ±1 de telle sorte que εp ≡ 1 mod (4). On voit que ε = (−1)(p−1)/2 convient, d’où le résultat. 39 Rappelons qu’étant donné p un nombre premier impair, on définit pour tout a ∈ Z le symbole de Legendre par 1 si a est un carré non nul modulo p ; a 0 si a ≡ 0 mod (p) ; = p −1 si a n’est pas un carré modulo p. p−1 a ab a b On a ≡ a 2 mod (p) et = . p p p p 3.38 Théorème (Loi de réciprocité quadratique). — Soit p et q deux nombres premiers impairs. Alors p−1 q−1 p q = (−1) 2 2 . q p √ Preuve. — Posons L = Q(ξ), τ = εp et K = Q(τ ). La proposition ci-dessus montre que τ ∈ L. Soit σq ∈ Gal(L/Q) ; il est défini par σq (ξp ) = ξpq . Les conjugués de τ étant ±τ , on a σq (τ ) = ±τ . Notons S le sous-groupe de Gal(L/Q) défini par σq (τ ) = τ si et seulement si σq ∈ H (donc K est le sous-corps fixé par S). C’est l’unique sous-groupe d’indice 2 de Gal(L/Q), on peut l’identifier à l’ensemble des carrés de (Z/pZ)∗ . Ainsi σq (τ ) = τ si et seulement si q est un carré dans (Z/pZ)∗ , autrement dit q τ. σq (τ ) = p Soit q un idéal premier de OL au-dessus de q. Ecrivons τ = a0 + a1 ξp + · · · + ap−2 ξpp−2 avec ai ∈ Z. En utilisant σq (ξp ) = ξpq et aq = a pour tout a ∈ Fq , il vient σq (τ ) = ≡ ≡ ≡ a0 + a1 ξpq + · · · + ap−2 ξp(p−2)q aq0 + aq1 ξpq + · · · + aqp−2 ξp(p−2)q mod (q) (a0 + a1 ξp + · · · + ap−2 ξp(p−2) )q mod (q) τ q mod (q). q τ ≡ τ q mod (q). Puisque q est premier, on a τ ∈ / q, donc on peut simplifier par q et Donc p on a p−1 q εp q−1 ≡τ ≡ (εp) 2 ≡ mod (q). p q D’où Mais εp q − ∈ q ∩ Z = qZ. p q q εp − 62<q p q q εp Donc on a l’égalité = . D’autre part p q p−1 ε (−1)(p−1)/2 = = (−1) 2 q q ce qui termine la preuve. 40 q−1 2 , Chapitre 4 Groupes des classes d’idéaux 4.1 Définition Soit K un corps de nombres d’anneau d’entiers OK . On a vu que OK peut ne pas être un anneau factoriel, mais que par contre la factorisation en idéaux premiers fonctionne toujours. Nous avons aussi vu que OK est factoriel si, et seulement si, il est principal, c’est-à-dire si tous ses idéaux sont principaux (proposition 2.11). Tout ceci suggère qu’il serait intéressant d’avoir un moyen de déterminer si un idéal est principal. Bien qu’en pratique ceci soit assez difficile, on peut procéder abstraitement de façon satisfaisante. Appelons PK le sous-groupe de IK des idéaux fractionnaires principaux. Notons que les idéaux entiers de PK sont précisément les idéaux principaux de OK . 4.1 Définition (Groupe des classes d’idéaux). — Pour un corps de nombres K, avec les notations ci-dessus, on définit le groupe quotient CK = IK /PK appelé groupe des classes d’idéaux. Les éléments de CK seront appelés classes d’idéaux. Par définition de CK , deux idéaux fractionnaires a et b appartiennent à la même classe d’idéaux s’il existe γ ∈ K ∗ tel que γa = b. On écrira cette relation a ∼ b. Ainsi r ∈ PK ⇐⇒ r ∼ OK . Le lemme qui suit montre que la notion d’idéaux fractionnaires n’est pas vraiment essentielle dans la définition du groupe des classes d’idéaux. 4.2 Lemme. — Soit A une classe d’idéaux. Alors il existe un idéal entier dans A. Preuve. — Soit r un idéal fractionnaire de A. Il existe par le lemme 2.13 γ ∈ K ∗ tel que γr est un idéal entier. Puisque (γ) ∈ PK , on a γr ∈ A. Voici une proposition qui motive le calcul des groupes de classes d’idéaux. 4.3 Proposition. — Le groupe CK est trivial si, et seulement si, OK est principal. Preuve. — Le groupe CK est trivial si et seulement si IK = PK , c’est-à-dire si et seulement si tout idéal fractionnaire est principal. Ceci implique en particulier que tous les idéaux entiers sont principaux, et donc que OK est principal. Réciproquement, supposons OK principal, et soit r ∈ IK . Il existe par le lemme 2.13 γ ∈ K ∗ tel que γr est un idéal entier, disons (α). Alors r = (α/γ), et r est principal. √ 4.4 Exemple. — Reprenons Z[ −5] (voir exemple 1.3), et les idéaux √ √ √ a1 = (2, 1 + −5), a2 = (3, 1 + −5) et a3 = (3, 1 − −5). 41 Puisque a1 n’est pas principal on a a1 OK . Comme √ √ a21 = (2) a1 a2 = (1 + 5) a1 a3 = (1 − −5) et a2 a3 = (3) on a a21 ∼ a1 a2 ∼ a1 a3 ∼ a2 a3 ∼ OK , d’où a1 ∼ a2 ∼ a3 en simplifiant (par exemple a1 a2 ∼ a1 a3 =⇒ a2 ∼ a3 , les éléments manipulés n’étant rien d’autres que des classes). Cela montre au passage que a2 et a3 ne sont pas principaux. On a donc déjà deux élements dans CQ(√−5) , à savoir la classe de OK , et celle de a1 . On démontrera plus loin que ce sont les seuls, ainsi CQ(√−5) ' {−1, 1}. 4.2 4.2.1 Réseaux de Rn Premières propriétés 4.5 Définition (Sous-groupe discret de Rn ). — Un sous-groupe additif H de Rn est dit discret si pour tout compact K de Rn , l’intersection H ∩ K est finie. Un exemple typique de sous-groupe discret de Rn est Zn . C’est à peu près le seul d’après le théorème qui suit. 4.6 Théorème. — Soit H un sous-groupe discret de Rn . Alors H est un Z-module libre de rang r 6 n. Preuve. — Choisissons un système libre (e1 , . . . , er ) de H tel que r soit maximal. Soit ( r ) X P= αi ei | 0 6 λi 6 1 ⊂ Rn i=1 le parallélotope construit sur ces vecteurs. Il est clair que P est compact, donc que P ∩ H est r X fini. Soit alors x ∈ H. Vu la maximalité de (ei )i , x s’écrit x = λi ei avec λi ∈ R. Pour j ∈ Z, i=1 considérons l’élément r X xj = jx − [jλi ]ei , i=1 où [µ] est la partie entière de µ ∈ R. On a alors xj = r X (jλi − [jλi ])ei , i=1 d’où xj ∈ P et x ∈ H puisque H est un sous-groupe de Rn . Ainsi xj ∈ P ∩ H. En remarquant r X que x = x1 + [λi ]ei , on voit que le Z-module H est engendré par P ∩ H, donc est de type fini. i=1 D’autre part, comme P ∩ H est fini et Z infini, il existe deux entiers distincts j et k tel que xj = xk . Pour ces entiers, on a donc (j − k)λi = [jλi ] − [kλi ], ce qui démontre que les λi sont rationnels. Ainsi le Z-module H est engendré par un nombre fini d’éléments qui sont combinaisons linéaires à coefficients rationnels de ei . Soit d un dénominateur commun entier de ces coefficients ; r r X X on a alors dH ⊂ Zei . Ainsi il existe une base (fi ) du Z-module Zei et des αi ∈ Z tels que i=1 i=1 (α1 f1 , . . . , αr fr ) engendrent dH. Comme le Z-module a même rang que H et que H ⊃ r X i=1 42 Zei , le rang de dH est supérieur ou égal à r ; il est donc égal à r et les αi sont non nuls. Or les fi sont, comme les ei , R-linéairement indépendants. Donc dH, et par conséquent H, est engendré sur Z par r éléments indépendants sur R. 4.7 Définition (Réseaux de Rn ). — Un sous-groupe discret de rang n de Rn est appelé un réseau de Rn . 4.8 Définition (Parallélotope). — Soit G un réseau et e = (e1 , . . . , en ) une Z-base. On appelle parallélotope fondamental associé à cette base l’ensemble ( n ) X Pe = αi ei | 0 6 αi < 1 ⊂ Rn . i=1 Pour toute partie intégrable S de Rn , on désigne par µ(S) sa mesure de Lebesgue (appelée aussi volume). 4.9 Lemme. — Le volume µ(Pe ) est indépendant de la base choisie. Preuve. — Soit f = (f1 , . . . , fn ) une autre base de H. On a fi = n X αij ej avec αij ∈ Z. L’effet j=1 d’une transformation linéaire sur les volumes montre que µ(Pf ) = | det(αij )|µ(Pe ). Or comme c’est un déterminant de changement de Z-base, det(αij ) est inversible dans Z, donc vaut ±1. Ainsi µ(Pf ) = µ(Pe ). 4.10 Définition (Volume d’un réseau). — Le volume de l’un quelconque de ces Pe est appelé (abusivement) volume du réseau et est noté v(H). 4.2.2 Théorème de Minkowski 4.11 Lemme. — Soit H un réseau de Rn et S une partie intégrable de Rn . Si µ(S) > v(H), il existe x, y distincts dans S tels que x − y ∈ H. Preuve. — Soit e = (e1 , . . . , en ) une base de H, et Pe le parallélotope fondamental de H. Pour u ∈ H, l’ensemble des Pe + u forment une partition de Rn quand u décrit H. On a donc X µ(S ∩ (Pe + u)). µ(S) = u∈H Mais la translation de vecteur −u transforme S ∩ (Pe + u) en (S − u) ∩ Pe , de même volume, donc X µ(S) = µ((S − u) ∩ Pe ). u∈H Si les ensembles (S − u) ∩ Pe étaient tous disjoints, on aurait X µ((S − u) ∩ Pe ) 6 µ(Pe ) = v(H), u∈H donc µ(S) 6 v(H), contrairement à l’hypothèse. Il existe donc u et v distincts dans H, tels que (S − u) ∩ (S − v) ∩ Pe soit non vide. Un élément z de cet ensemble est de la forme z = x − u = y − v où x, y ∈ S. Ainsi il existe x, y distincts dans S tels que x − y = u − v ∈ H. 43 4.12 Théorème (Minkowski). — Soit H un réseau de Rn et S une partie de Rn intégrable, compacte, symétrique par rapport à 0 et convexe de. Si µ(S) > 2n v(H), alors S ∩ H contient un point autre que 0. Preuve. — (i) Supposons d’abord qu’on a seulement µ(S) > 2n v(H), et considérons l’ensemble 1 1 S 0 = S. On a µ(S 0 ) = n µ(S), donc µ(S 0 ) > v(H). D’après le lemme, il existe x, y distincts 2 2 dans S 0 tels que 1 1 x − y = (2x − 2y) = (2x + (−2y)) = w ∈ H. 2 2 Comme S est symétrique par rapport à 0, on a −2y ∈ S. Comme S est convexe, le milieu w de [−2x, −2y] est dans S. Enfin w 6= 0 car x 6= y, donc w ∈ H ∩ S convient. (ii) Supposons maintenant µ(S) = 2n v(H). Pour k > 1 réel, posons Sk = kS. On a donc µ(Sk ) = k n µ(S) > 2n v(H). Comme H\{0} est fermé, l’ensemble non vide (H\{0}) ∩ Sk = Fk est compact car Sk est compact. Il en résulte que (H\{0}) ∩ S = ∩k>1 Fk est non vide comme intersection décroissante de compacts non vides. 4.2.3 Plongement canonique d’un corps de nombres dans Rn Soit K un corps de nombre et n son degré. L’extension K/Q étant séparable, il y a exactement n Q-isomorphismes σi : K 7→ C. En notant α : C 7→ C la conjugaison complexe. Pour tout i, α◦ σi est l’un des σj , et est égal à σi si et seulement si σi (K) ⊂ R. Notons r1 les nombres d’indices i tel que σi (K) ⊂ R ; les autres indices sont en nombre pair 2r2 et on a r1 + 2r2 = n. On numérote les σi de sorte que σi (K) ⊂ R pour 1 6 i 6 r1 et que σj+r2 = σj pour r1 + 1 6 j 6 r1 + r2 . 4.13 Définition (Plongement canonique). — On définit l’application Q-linéaire injective suivante σ : K −→ Rr1 × R2r2 x 7−→ (. . . , σk (x), . . . ; . . . , <(σr1 +l (x)), =(σr1 +l (x)), . . . ) avec 1 6 k 6 r1 et 1 6 l 6 r2 . Cette application s’appelle le plongement canonique de K dans Rn . 4.14 Proposition. — Si M est un sous-Z-module libre de rang n de OK et si (xi )16i6n est une Z-base de M , alors σ(M ) est un réseau de Rn dont le volume est donné par v(σ(M )) = 2−r2 | det(σi (xj ))|. Preuve. — Une base de v(M ) est donc formée des v(αj ) pour j = 1, . . . , n que l’on connaı̂t par ses composantes sur la base canonique de Rn ; on a donc, en écrivant par commodité les transposées des déterminants . . . σ (α ) . . . . . . k 1 .. . v(M ) = . . . σk (αj ) . . . . . . .. . . . . σk (αn ) . . . . . . σr1 +l (α1 ) + σr1 +l (α1 ) 2 .. . σr1 +l (αj ) + σr1 +l (αj ) 2 .. . σr1 +l (αn ) + σr1 +l (αn ) 2 44 σr1 +l (α1 ) − σr1 +l (α1 ) ... 2 .. . σr1 +l (αj ) − σr1 +l (αj ) ... 2 .. . σr1 +l (αn ) − σr1 +l (αn ) ... 2 ... = . . . ... .. . σk (α1 ) . . . . . . σr1 +l (α1 ) σr1 +l (α1 ) . . . 1 .. .. .. ... . . . .. σk (αj ) . . . . . . σr1 +l (αj ) σr1 +l (αj ) . . . × . .. .. .. 1/2 1/2 . . . 1/2 −1/2 σk (αn ) . . . . . . σr1 +l (αn ) σr1 +l (αn ) . . . ... , le dernier déterminant étant constitué de r1 blocs diagonaux 1 et de r2 blocs diagonaux 1/2 1/2 1/2 −1/2 . On obtient bien la valeur v(σ(M )) = 2−r2 | det(σi (xj ))|. 4.15 Proposition. — Soit a un idéal entier non nul de OK . Alors σ(OK ) et σ(a) sont des réseaux, et on a p p v(σ(OK )) = 2−r2 |DK | et v(σ(a)) = 2−r2 |d| NK (a). Preuve. — Il suffit d’établir le résultat pour OK puisqu’alors v(a) = [OK : a]v(OK ) = NK (a)v(OK ). Or dans le cas de OK , (α1 , . . . , αn ) est une base d’entiers, et det(σi (xj )) = 4.3 p |DK |. Finitude du groupe des classes d’idéaux Une propriété remarquable du groupe des classes d’idéaux d’un corps de nombre K est sa finitude. Nous présentons deux démonstration de ce résultat. L’une, particulière simple, donne une majoration assez grossière de son cardinal mais néanmoins suffisante pour la théorie. L’autre résulte d’un théorème de Minkowski sur les réseaux et fournit une majoration satisfaisante pour les calculs effectifs. 4.3.1 Une preuve élémentaire 4.16 Théorème. — Soit K un corps de nombres. Il existe une constante λK dépendant seulement de K tel que chaque idéal non nul a de OK contienne un élément non nul α avec |NK/Q (α)| 6 λK NK (a). Preuve. — Soit α1 , . . . , αn une base intégrale de OK , et σ1 , . . . , σn les isomorphismes de K dans C. Soit a un idéal non nul de OK et m l’unique entier positif tel que mn 6 NK/Q (a) < (m + 1)n . Considérons l’ensemble suivant à (m + 1)n éléments ( n ) X A= mj αj | 0 6 mj 6 m, mj ∈ Z . j=1 45 La proposition 1.39 nous indique OK /a a pour ordre mn , donc il existe deux éléments de A congru n X mod (a). En prenant leur différence, on a un élément α = m0j αj ∈ a avec |m0j | 6 m. Calculons j=1 la norme de cet élément. Par l’inégalité triangulaire, il vient ! n n n n n X n n X Y Y Y Y X 0 0 |NK/Q (α)| = |σi (α)| = mj σi (αj ) 6 m|σi (αj )| mj αj = σi i=1 Continuons en posant λK = i=1 n X n Y j=1 i=1 j=1 i=1 j=1 |σi (αj )|, i=1 j=1 |NK/Q (α)| 6 mn λK 6 λK NK (a), ce qui est bien le résultat attendu, vu que λK ne dépend que de n et des αi et σi (donc de K). 4.17 Corollaire. — Toute classe d’idéaux de CK contient un idéal entier de norme 6 λK . Preuve. — Soit A une classe d’idéaux, et soit b un idéal entier de A (un tel idéal existe par le lemme 4.2). Par le théorème qui précède, on peut trouver β ∈ b avec |NK/Q (β)| 6 λK NK (b). L’idéal principal βOK est contenu dans b, donc par le lemme 2.9, il existe un idéal a tel que |NK/Q (β)| 6 λK . ab = βOK . Puisque βOK est principal, on a a ∈ A, et NK (a) = NK (b) 4.18 Lemme. — Soit m ∈ N. Il n’y a qu’un nombre fini d’idéaux a de norme inférieure à m. Preuve. — Soit a un idéal de OK tel que NK (a) < m et pn1 1 . . . pnr r sa factorisation en idéaux premiers. Soit pi le nombre premier au-dessous de pi et fi son degré d’inertie. Alors NK (a) = pf11 n1 . . . pfrr nr . En particulier pour chaque pi , on a pi < m et ni < logpi m. Ceci nous montre qu’il n’y a qu’un nombre fini de choix pour les pi et que pour chaque pi il n’y a qu’un nombre fini de choix pour les ni . De plus il y a au plus n = [K : Q] idéaux premiers de OK au-dessus de chaque pi , et donc seulement un nombre fini de choix pour les pi . Puisqu’il n’y qu’un nombre fini de choix pour les pi et les ni , il vient qu’il n’y qu’un nombre fini de possibilités pour a. 4.19 Théorème. — Le groupe de classe d’idéaux CK est fini. Preuve. — Par le corollaire ci-dessus, toute classe d’idéaux contient un idéal entier de norme au plus λK . Mais par le lemme il n’y a qu’un nombre fini d’idéaux de norme inférieure à λK , d’où le résultat. La borne λK n’est pas très efficace pour les calculs. Nous allons maintenant parler des réseaux, et du théorème de Minkowski, qui nous donnera une borne bien meilleure. 4.3.2 Par le théorème de Minkowski Commençons par un calcul de volume dans Rn . 46 4.20 Proposition. — Soit r1 , r2 ∈ N, n = r1 + 2r2 , et t > 0 un réel. Soit r1 Bt = {(y1 , . . . , yr1 , z1 , . . . , zr2 ) ∈ R × C r2 tel que r1 X i=1 |yi | + 2 r2 X 6 t}. j=1 Alors pour la mesure de Lebesgue µ on a µ(Bt ) = 2r1 π r2 tn . 2 n! Preuve. — Posons µ(Bt ) = V (r1 , r2 , t) et procédons par double récurrence sur r1 et r2 . On a πt2 V (1, 0, t) = 2t (volume du segment [−t, t]), et V (0, 1, t) = (volume du disque de rayon t de 4 centre 0), ce qui est conforme au résultat. Passons de r1 à r1 + 1. L’ensemble Bt ⊂ R × Rr1 × Cr2 correspondant à r1 + 1 et r2 est défini par r2 n X X 6t |y| + |yi | + 2 j=1 i=1 avec y ∈ R. En intégrant par tranches, Z Z V (r1 , r2 , t − |y|) dy = V (r1 + 1, r2 , t) = t V (r1 , r3 , t − |y|) dy. −t R D’après l’hypothèse de récurrence, il vient Z t r2 (t − y)n π r2 tn+1 r2 (t − y)n+1 t r1 π r1 +1 π 2 V (r1 +1, r2 , t) = 2 = 2r1 +1 dy = 2 , − 2 n! 2 (n + 1)! 0 2 (n + 1)! 0 comme attendu. Passons maintenant de r2 à r2 + 1. L’ensemble Bt ⊂ Rr1 × Cr2 × C correspondant à r1 et r2 + 1 est défini par r2 n X X |yi | + 2 +2|z| 6 t i=1 j=1 avec z ∈ C. L’intégration par tranches conduit ici à Z Z V (r1 , r2 + 1, t) = V (r1 , r2 , t − 2|z|) dµ(z) = V (r1 , r2 , t − 2|z|) dµ(z) |z|6 2t C où dµ(z) désigne la mesure de Lebesgue de C. En posant z = ρeiα (ρ ∈ R+ et 0 6 α 6 2π), on a dµ(z) = ρ dρ dα. D’après l’hypothèse de récurrence, il vient Z t Z 2π r2 (t − 2ρ)n r2 2π Z 2t 2 r1 π r1 π V (r1 , r2 + 1, t) = 2 ρ dρ dα = 2 (t − 2ρ)n ρ dρ. 2 n! 2 n! 0 0 0 Z t 2 (t − 2ρ)n ρ dρ, on intègre par parties en intégrant (t − 2ρ)n et en dérivant ρ, Pour calculer 0 t Z t 2 (t − 2ρ)n+1 ρ 2 1 tn+2 (t − 2ρ) ρ dρ = + (1 − 2ρ)n+1 dρ = . −2(n + 1) 0 2(n + 1) 0 4(n + 1)(n + 2) 0 π tn+2 Par suite, V (r1 , r2 + 1, t) = 2r1 , ce qui est conforme à la formule voulue, vu que 2 (n + 2)! r1 + 2(r2 + 1) = n + 2. Z t 2 n 47 4.21 Proposition. — Soit K un corps de nombres, n son degré, r1 et r2 comme ci-dessus et a un idéal entier non nul de K. Alors a contient un élément non nul α tel que r2 n! p 4 |DK | NK (a). |NK/Q (α)| 6 π nn Preuve. — L’ensemble Bt défini dans la proposition précédente est un ensemble compact, convexe et symétrique par rapport à 0 de Rn . Soit t > 0 tel que µ(Bt ) = 2n v(σ(a)), c’est-à-dire, d’après la proposition précédente, tel que π r2 tn p 2r1 = 2n−r2 |DK | NK (a), 2 n! p ou encore tn = 2n−r1 π −r2 n! |DK | NK (a). D’après le théorème 4.12, il existe un élément non nul r1 rY 1 +r2 Y α de a tel que σ(α) ∈ Bt . Sa norme vaut NK/Q (α) = |σi (α)| |σj (α)|2 , et par l’inégalité i=1 j=r1 +1 arithmético-géométrique, on a " r #n r1 +r2 1 p 1X 2 X 1 tn |NK/Q (α)| 6 |σi (α)| + |σj (α)| 6 n = n 2n−r1 π −r2 n! |DK | NK (a), n i=1 n j=r +1 n n 1 d’où le résultat car r1 = n − 2r2 . L’énoncé de la proposition que l’on vient d’obtenir et le même que celui du théorème 4.16, à ceci près que la constante λK a été remplacé par la constante µK définie par r2 4 n! p |DK |. µK = π nn On obtient alors sans aucun effort une copie du corollaire 4.17 dans la preuve duquel seule l’existence de λK intervient, et non sa construction. 4.22 Corollaire. — Toute classe d’idéaux de CK contient un idéal entier de norme 6 µK . L’avantage de cette nouvelle constante µK est qu’elle est bien petite que λK , et donc qu’elle simplifie le nombre de cas à envisager pour les calculs de groupes de classes d’idéaux. Finissons par une définition. 4.23 Définition (Nombre de classes). — Le cardinal de CK s’appelle le nombre de classes de K et se note hK . 4.4 Calcul des groupes de classes d’idéaux Nous avons maintenant tous les outils pour déterminer les groupes de classes d’idéaux. Pour tout p 6 µK premier rationnel, on détermine la factorisation de pOK en idéaux premier comme dans le chapitre 3. Si p est inerte, l’idéal pOK est principal, donc il appartient à la classe de OK dans CK . Il suffit donc de considérer l’ensemble des p décomposés ou ramifiés dans K. Soit P0 l’ensemble des idéaux premiers de OK au-dessus de ces p. Démontrons que P0 contient des générateurs du groupe de classe d’idéaux CK . Soit A une classe quelconque d’idéaux. D’après le corollaire 4.22, il existe un idéal a ∈ A tel que NK (a) 6 µK . Par unicité de la factorisation des idéaux, a se factorise en idéaux premiers de norme 6 µK ; mais 48 d’après le corollaire 3.2, les idéaux premiers de norme 6 µK s’obtiennent par factorisation des pOK avec p 6 µK (puisque leur norme est une puissance p). Ceci montre que la classe d’idéaux A est engendrée des idéaux premiers de P0 , et donc P0 engendre CK . Il reste alors à déterminer lesquels de ces générateurs sont égaux. Des considérations élémentaires aboutissent, mais elles deviennent lourdes dès que le cardinal de P0 augmente. Nous verrons plus loin une méthode algorithmique pour effectuer ces comparaisons dans le cas des corps quadratiques imaginaires. √ 4.24 Exemple. — Finissons l’étude OK où K = Q( −5). Ce corps est imaginaire, donc r1 = 1. La constante de Minkowski de K est µK ≈ 2, 21. Il suffit donc de considérer la factorisation de 2OK . Or X 2 + 5 ≡ (X + 1)2 mod (5), donc √ 2OK = (2, −5 + 1)2 . √ D’après l’exemple 4.4 (2, −5 +√1) n’est pas un idéal principal, donc CK est le groupe cyclique à deux éléments engendré par (2, −5 + 1). √ √ 1 + −47 4.25 Exemple. — Soit K = Q( −47). Alors DK = −47 et OK = Z[α] où α = . Le 2 2 polynôme minimal de α est X −X +14, et µK ≈ 4, 36, donc CK est généré par les idéaux premiers de norme au plus 4. Comme X 2 −X +14 ≡ X(X −1) mod (2) et X 2 −X +14 ≡ X(X −1) mod (3), on a d’après le théorème 3.26, 2OK = (2, α)(2, α − 1) et 3OK = (3, α)(3, α − 1). Posons p2 = (2, α), q2 = (2, α − 1), p3 = (3, α) et q3 = (3, α − 1). On a bien sûr q2 ∼ p−1 2 et q3 ∼ p−1 . 3 Nous allons trouver des relations entre p2 et p3 en considérant les idéaux premiers de norme petite. (i) On a NK/Q (α) = 12, donc l’idéal αOK est le produit d’idéaux premiers de norme 2 et 3. On a aussi α ∈ p2 et α ∈ p3 d’où αOK ⊂ p2 p3 , et donc αOK = p22 p3 ou αOK = p2 q2 p3 . Le dernier cas est impossible car 2OK = p2 q2 ⊃ p2 q2 p3 , mais 2 ne divise pas α. Donc αOK = p22 p3 et p3 ∼ p−2 2 . Il s’ensuit que CK est engendré par la classe de p2 . (ii) La norme de α + 1 est 14, donc (α + 1)OK a dans sa décomposition un idéal de norme 7 que nous n’avons pas à considérer. (iii) La norme de α + 2 est 18, si bien que (α + 2)OK a dans sa décomposition des idéaux premiers de norme 2 et 3. Comme α + 2 ∈ p2 et α + 2 = (α − 1) + 3 ∈ q3 , il vient (α + 2)OK = p2 p3 q3 ou (α + 2)OK = p2 q23 . Le dernier cas est impossible car p3 q3 = 3OK ne divise pas (α + 2)OK . Donc (α + 2)OK = p2 q23 , puis 2 −4 p2 ∼ q−2 3 ∼ p3 ∼ p2 et finalement p52 ∼ OK . √ b + c −47 L’idéal p2 n’est pas principal. En effet, sinon soit β un générateur de p2 avec β = . On 2 aurait NK/Q (β) = 2, mais l’équation b2 + 47c2 = 8 n’a clairement pas de solutions entières. Donc p2 OK , et CK est cyclique d’ordre 5, engendré par p2 . 4.26 Exemple. — Soit α une racine de X 3 + 2X + 1 et K = Q(α). D’après l’exemple 1.43, OK = Z[α] et le discriminant de K est −59. Il n’est pas difficile de voir que le polynôme X 3 +2X+1 49 ne possède qu’une seule racine réelle, donc r1 = r2 = 1. On trouve µK ≈ 2, 17 si bien qu’il suffit de considérer la factorisation de 2OK . Or d’après l’exempe 3.28, 2OK = (2, α + 1)(2, α2 + α + 1). Donc les deux seuls idéaux premiers à analyser sont p1 = (2, α + 1) et p2 = (2, α2 + α + 1). Il est clair que (α + 1)OK ⊂ (2, α + 1). Réciproquement, en observant que le polynôme (minimal) de α + 1 est X 3 − 3X 2 + 5X − 2 on voit que 2 ∈ (α + 1)OK , ce qui montre que p1 = (α + 1), donc p1 est principal. Par suite p1 ∼ OK , et comme OK ∼ p1 p2 , il vient p2 ∼ OK , c’est-à-dire que p2 est également principal. Ici CK est réduit à la classe de OK et OK est principal. 4.5 Exemples des corps cyclotomiques 4.27 Exemple. — Soit K = Q(ξ5 ). Le discriminant de K est 53 (proposition 1.58) et r2 = 2, donc la constante de Minkowski vaut 2 4! √ 4 125 ≈ 1, 70. µK = π 44 Il en résulte que OK = Z[ξ5 ] est principal. 4.28 Exemple. — Soit K = Q(ξ7 ). Le discriminant de K est −75 (proposition 1.58) et r2 = 3 et la constante de Minkowski vaut 3 √ 4 6! 5 µK = 7 ≈ 4, 13. π 66 Donc chaque classe d’idéaux contient un idéal de norme au plus 4. Soit a un tel idéal, avec a 6= OK . Puisque les seuls facteurs premiers possible de NK/Q (a) sont 2 et 3, chaque idéal premier facteur de a est au-dessus de 2 ou 3. On utilise maintenant la proposition 3.34. L’ordre de 2 dans (Z/7Z)× est 3 donc les idéaux de OK au-dessus de 2 ont un degré d’inertie égal à 3. En particulier leur norme est 23 = 8 ; il ne peuvent donc pas apparaı̂tre en facteur dans a. L’ordre de 3 dans (Z/7Z)× est 6, donc 3OK est premier et sa norme est 36 , il ne peut donc pas non plus figurer dans les facteurs de a. Il en résulte que OK est principal. Voici un exemple un peu plus compliqué. 4.29 Proposition. — L’anneau Z[ξ23 ] n’est pas principal. √ 1+ Preuve. — Posons K = Q( −23), L = Q(ξ23 ) et α = √ −23 . D’après la proposition 3.37, 2 on a K ⊂ L. Dans K, l’idéal 2OK se décompose en (2, α)(2, α + 1) par le théorème 3.26. Posons p = (2, α). Soit P un idéal de OL au-dessus de p. Montrons que P n’est pas principal. On a NL/K (P) = pf (P/p) . Le sous-groupe d’ordre 2 de Gal(L/Q) est distingué, donc l’extension L/K est galoisienne de degré 11, donc d’après le théorème 3.21, f (P/p) divise 11. Donc f (P/p) = 1 ou 11. D’après le lemme 3.32, l’idéal p = (2, α) n’est pas principal dans OK . Dans le chapitre suivant, on montrera que hK = 3, d’où la principalité de p3 , ainsi pf (P/p) n’est pas principal. Mais d’après la proposition 3.25, l’idéal P ne peut être principal car sinon sa norme sur K le serait, ce qui n’est pas le cas. 50 La recherche exhaustive des corps cyclotomiques a occupé notamment Siegel, Montgomery et Uchida. En 1972, Masley résout la question dans thèse [Mas76-1]. Comme pour tout m impair on a Q(ξ2m ) = Q(ξm ), on écarte le cas m ≡ 2 mod 4. 4.30 Théorème (Masley, 1972). — Soit m un entier qui n’est pas congru à 2 modulo 4. Alors l’anneau des entiers de Q(ξm ) est principal si et seulement si m ∈ {3, 4, 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 24, 25, 27, 28, 32, 33, 35, 36, 40, 44, 45, 48, 60, 84}. Le premier corps cyclotomique dont le groupe des classes d’idéaux n’est pas trivial est Q(ξ23 ), son nombre de classes est 3. En 1975 il publie un article de deux pages sur la détermination des corps de cyclotomiques de nombre de classes égal à 2 [Mas75] et en 1976, il détermine tous les corps cyclotomiques de nombre de classes inférieur ou égal à 10 (voir [Mas76-2]). 4.31 Théorème (Masley, 1976). — Soit m un entier qui n’est pas congru à 2 modulo 4. Toutes les valeurs de m pour lesquelles le nombre de classes hm de Q(ξm ) est hm avec 2 6 hm 6 10 sont les suivantes 4 5 6 7 8 9 10 hm 2 3 m 39 23 120 51 aucun 63 29 31 55 56 52 80 68 57 72 96 51 Chapitre 5 Corps quadratiques imaginaires √ Soit K = Q( d) avec d < 0 sans facteurs carrés un corps quadratique imaginaire. Nous poserons √ d √ si d ≡ 2, 3 mod (4) ; α= 1 + d si d ≡ 1 mod (4), 2 si bien que OK = Z[α]. Soit a un idéal de OK , et a un rationnel appartenant à a. Alors aOK ⊂ a ⊂ OK , donc a est un Z-module libre de rang de 2. Ce sont donc des réseaux de C (en identifiant C à R2 ), on parlera de réseaux complexes ; leur étude fait l’objet de 5.1. Nous verrons ensuite comment le calcul dans les réseaux d’un invariant bien choisi permet de déterminer le groupe des classes d’idéaux de K. 5.1 Réseaux complexes, étude de SL2(Z) 5.1 Définition (Réseaux complexes homothétiques). — Deux réseaux Λ1 et Λ2 pour lesquels il existe α ∈ C∗ tel que Λ1 = αΛ2 sont dits homothétiques. Deux idéaux a et b apprtiennent à la même classe si et seulement s’il existe γ ∈ K ∗ tel que γa = b, donc, selon cette définition , si et seulement s’ils sont homothétiques. Soit Λ ⊂ C un Z-module libre de rang 2 qui contient une R-base de C. On peut écrire Λ = {aλ1 + bλ2 | a, b ∈ Z} pour des λ1 , λ2 ∈ Λ. La condition que Λ est libre de rang 2 implique que le quotient λ1 /λ2 n’appartient pas à Q, et la condition qu’il contient une base R-base de C montre que ce quotient n’appartient pas à R. Nous allons donner une méthode pour vérifier si deux réseaux complexes sont homothétiques. Choisissons une Z-base λ1 , λ2 de Λ comme ci-dessus. On supposera que toutes les bases sont telles que =(λ1 /λ2 ) > 0. Ceci est possible car d’une part nécessairement =(λ1 /λ2 ) 6= 0 puisque ce quotient n’appartient pas à R et d’autre part si =(λ1 /λ2 ) < 0, il suffit d’intervertir le rôle de λ1 et λ2 . Notons H = {z ∈ C | =z > 0} le demi-plan supérieur. On définit j(λ1 , λ2 ) = λ1 ∈ H. λ2 Notons que pour tout α ∈ C∗ , j(αλ1 , αλ2 ) = j(λ1 , λ2 ), 52 ce qui suggère que j est un bon objet pour classifier les réseaux à homothétie près. Malheureusement j(λ1 , λ2 ) dépend aussi de la base λ1 , λ2 . Nous devons donc enlever la dépendance en la base pour classifier les réseaux à homothétie près. Voyons comment j dépend du choix de la base. On sait que les autres bases de Λ sont données par λ01 = aλ1 + bλ2 où a b c d et λ02 = cλ1 + dλ2 ∈ GL2 (Z). Comme ci-dessus on veut se restreindre aux bases λ01 , λ02 de Λ telles que =(λ01 /λ02 ) > 0. Il est facile de vérifier que les matrices préservant cette condition sont celles de SL2 (Z). En effet ! λ1 λ1 0 λ1 a λ2 + b λ1 λ1 ad − bc a λ2 + b a λ2 + b = == = = . 2 2 = = 0 λ 1 λ1 λ1 λ2 λ2 c λ2 + d c λ2 + d c λ2 + d λ01 λ1 Ainsi = et = sont positifs si et seulement si ad − bc > 0 (donc si ab − dc = 1). 0 λ2 λ2 Ces calculs suggèrent de considérer l’action de SL2 (Z) sur H par az + b a b z= . c d cz + d a b Le calcul ci-dessus montre que pour g = ∈ SL2 (Z), c d =(z) az + b = . =(gz) = = cz + d |cz + d|2 Cette action est telle que si λ1 , λ2 et λ01 , λ02 sont deux bases correctement ordonnées, alors j(λ1 , λ2 ) et j(λ01 , λ02 ) appartiennent à la même orbite de H. Maintenant, il nous reste à déterminer un ensemble dont chaque élément appartient à une unique orbite de H. 5.2 Définition (Groupe modulaire). — On appelle groupe modulaire le groupe SL2 (Z)/{±Id} noté G dans la suite. az + b où g est la matrice Soit H = {z ∈ C, =(z) > 0}. Le groupe SL2 (Z) agit sur H par gz = cz + d =(z) a b de G. On a en effet =(gz) = . Comme −Id agit trivialement, on en déduit une c d |cz + d|2 action de G sur H. Posons 0 −1 1 1 S= et T = . 1 0 0 1 On a S(z) = −1/z et T (z) = z + 1. Notons enfin D = {z ∈ C , | z| > 1, | <(z)| 6 1/2}. 53 5.3 Lemme. — (a) Pour tout z ∈ H, il existe g ∈ G tel que gz ∈ D. (b) Supposons que deux points distincts z et z 0 de D soient dans la même orbite. Alors soit <(z) = ±1/2 et z = z 0 ± 1, soit |z| = 1 et z 0 = −1/z. (c) Soit z ∈ D et soit I(z) = {g ∈ G, gz = z} le stabilisateur de z dans G. On a I(z) = {Id} sauf dans les trois cas suivants. z = i, auquel cas I(z) est le groupe d’ordre 2 engendré par S ; z = j = exp(2iπ/3), auquel cas I(z) est le groupe d’ordre 3 engendré par ST ; z = −j, auquel cas I(z) est le groupe d’ordre 3 engendré par T S. =(z) a b Preuve. — (a) Soit z ∈ H et g = ∈ G. On a =(gz) = . Comme c et d sont c d |cz + d|2 entiers, le nombre de couples (c, d) tels que |cz + d| soit inférieur à un nombre donné est fini, comme le montre l’égalité |c|=(z) = |=(cz + d)|. On en conclut qu’il existe g ∈ G tel que =(gz) soit maximal. Il existe d’autre part un entier n tel que T n gz ait une partie réelle comprise entre −1/2 et 1/2. L’élément z 0 = T n gz appartient à D ; pour voir cela, il suffit de montrer que |z 0 | > 1. Si l’on avait |z 0 | < 1, l’élément S(z 0 ) = −1/z 0 serait tel que =(z 0 ) 1 = − 0 = 0 2 > =(z 0 ), z |z | ce qui contredit le choix de g. L’élément g 0 = T n g répond à la question. a b (b) et (c) Soit z ∈ D et g = ∈ SL2 (Z) tel que gz ∈ D. Quitte à remplacer (z, g) par c d (gz, g −1 ), on peut supposer que =(gz) > =(z), c’est-à-dire | cz + d| 6 1. Or 2<(z) 6 1, donc 2 3 3 1 2 2 2 2 2 2 1 > |cz + d| = c |z| + 2cd<(z) + d > c − |cd| + d = |d| − |c| + c2 > c2 F 2 4 4 et finalement c ∈ {−1, 0, 1}. (i) Si c = 0, on a d = ±1 et g est une translation par ±b. Comme <(z) et <(gz) sont tous les deux dans compris entre −1/2 et 1/2, cela entraı̂ne, soit b = 0 et g = Id, soit b = ±1, auquel cas l’un des nombres <(z) et <(gz) doit être égal à −1/2 et l’autre à 1/2. (ii) Supposons c = 1. Il vient en remplaçant dans F 1 > 1 − |d| + d2 d’où |d|(|d| − 1) 6 0 et enfin d ∈ {−1, 0, 1}. Si d = 1, c’est que |z|2 + 2<(z) 6 0, d’où |z| = 1 et <(z) = −1/2, d’où z = j. On trouve alors a − b = 1 et gj = a − 1/(1 + j) = a + j. Comme −1/2 6 <(gz) 6 1/2, on a a = 0 ou 1 puisque <(j) = −1/2. De même si d = −1 et z − j puis a = 0 ou a = −1. Le cas d = 0 donne |z| 6 1, d’où |z| = 1 ; d’autre part puisque ad − bc = 1, on a b = −1, d’où gz = a − 1/z = a − z. Mais <(gz) = a − <(z) est entre −1/2 et 1/2, donc si <(z) 6= ±1/2, on a a = 0, si <(z) = 1/2 on a z = −j et on peut prendre a = 0 ou 1 et enfin si <(z) = −1/2, on a z = j avec a = 0 ou −1. (iii) Le cas c = −1 se ramène à celui de c = 1 en changeant les signes de a, b, c, d (ce qui ne change pas g considéré comme élément de G). Dans les cas (ii) et (iii), on a bien gz = −z = −1/z. 54 5.4 Corollaire. — Les matrices S et T engendrent G. Preuve. — Appelons H le sous-groupe de G engendré par S et T . Il faut montrer que G = H. Soit donc g ∈ G. Choisissons un point z0 intérieur à D (par exemple z0 = 2i), et soit z = gz0 . Par le lemme, il existe g 0 ∈ G tel que g 0 z ∈ D. Les points z0 et g 0 z = g 0 gz0 sont dans la même orbite sous l’action de SL2 (Z) et l’un d’eux est intérieur à D. D’après le lemme il en résulte que ces points sont confondus et que gg 0 = Id donc g ∈ H. L’inclusion opposée est claire. 5.5 Corollaire. — Soit 1 1 Y = z ∈ C, =(z) > 0, − < <(z) < , |z| > 1 ∪ 2 2 √ ) ( 1 1 3 z ∈ C, |z| = 1, 0 6 <(z) < ∪ z ∈ C, <(z) = , =(z) > . 2 2 2 Alors Y contient un et un seul élément de chaque orbite de H sous l’action de G. Preuve. — D’après le lemme, D contient au moins un point de chacune des orbites, et l’intérieur ∆ de D ne contient que des éléments distincs de chaque orbite de H. Soit z, z 0 ∈ D dans la même orbite. ( Si |<(z)| = |<(z 0 )| = 1/2, un ) et un seul des deux éléments z et z 0 est situé sur la demi√ 3 1 1 1 . Si |z| = |z 0 | = 1 avec |<(z)| 6= et |<(z 0 )| 6= (le droite z ∈ C, <(z) = , =(z) > 2 2 2 2 cas d’égalité a déjà été vu sinon), en remarquant que z par rapport −1/z est le symétrique de 1 ne contient à l’axe des ordonnées, il vient que l’arc de cercle z ∈ C, |z| = 1, 0 6 <(z) < 2 qu’un seul des deux points z et z 0 , d’où le corollaire puisque l’intérieur de D n’est autre que 1 1 z ∈ C, =(z) > 0, − < <(z) < , |z| > 1 . 2 2 Ces résultats nous donne un algorithme pour déterminer la classe d’homothétie d’un réseau complexe Λ de base λ1 , λ2 . Commençons par calculer j = j(Λ) = λ1 /λ2 . On veut appliquer à j les matrices S et T pour le ramener dans Y . Si =(j) < 0, on remplace j par 1/j et on recommence (cela revient à échanger les éléments de base). Si j est dans Y , on a fini. Sinon on ajoute un entier m tel que 1 1 − < <(j + m) 6 , 2 2 1 ce qui revient à appliquer m fois T . Si j + m ∈ Y , on a fini. Sinon, on remplae j + m par − j+m et on recommance. Le corollaire 5.4 assure que l’algorithme ramène dans Y en un nombre fini de fois. 5.6 Exemple. — Soit Λ = 5Z + (1 + i)Z. On calcule j(Λ) = 5 5 5 = − i, 1+i 2 2 donc on le remplace par 1 1 1 = + i ∈ H. j(Λ) 5 5 Ce nombre n’est pas dans Y car son module vaut 2/5 < 1. Puisque sa partie réelle est déjà entre −1/2 et 1/2, on remplace 1/j(Λ) par son image par S, 1 5 5 S = −j(Λ) = − + i j(Λ) 2 2 55 En ajoutant 3 à cet élément, on obtient 1 5 + i 2 2 qui appartient bien à Y . Supposons que nous voulions utiliser la base 23+3i = 4(5)+3(1+i) et 17+2i = 3(5)+2(1+i) de Λ. On calcule 397 5 23 + 3i = + i. j(Λ) = 17 + 2i 293 293 104 5 En soustrayant 1, il vient + i, dont le module est strictement inférieur à 1. Son image par 293 293 S est 104 5 − + i 37 37 d’où en ajoutant 3, 7 5 + i, 37 37 nombre dont le module est encore strictement inférieur à 1. En appliquant S, 7 5 − + i 2 2 et enfin en ajoutant 4, 1 5 + i ∈ Y, 2 2 comme précédemment. Pour tirer pleinement profit des réseaux complexes, il nous faut être capables, étant donné un idéal a = (a1 , a2 ), de trouver une Z-base a. La méthode consiste à utiliser l’algorithme de Gauss. On sait que a1 , a2 est un système Z[α]-générateur de a, donc a1 , a1 α, a2 , a2 α est un système Zgénérateur de a. Ecrivons chacun de ces éléments dans la base 1, α de OK . Par l’algorithme d’élimination de Gauss, il nous restera deux vecteurs qui formeront une Z-base. √ √ 5.7 Exemple. — Soit K = Q( −5) et a = (10, α + 5), où α = −5. Alors 10, 10α, 5 + α et (5 + α)α = −5 + 5α est un système Z-générateur de a. On applique l’algorithme d’élimination de Gauss à la matrice 10 0 5 −5 . 0 10 1 5 En ajoutant −5 fois la troisième colonne à la dernière, il vient 10 0 5 −30 . 0 10 1 0 En ajoutant 3 fois la première colonne à la dernière, on élimine la dernière colonne. Enfin en ôtant 10 fois la troisième colonne à la seconde, on a 10 −50 5 . 0 0 1 Finalement, en ajoutant 5 fois la première colonne à la seconde, la seconde colonne disparaı̂t. L’idéal a est donc engendré sur Z par 10 et α + 5. Voici une proposition bien utile pour éviter de nombreux calculs (rappelons que K est un corps quadratique). 56 5.8 Proposition. — Soit p un premier rationnel qui se décompose ou qui se ramifie dans K et soit p = (p, α + m) un idéal au-dessus de p. Alors p et α + m est une Z-base du réseau p. Preuve. — L’idéal (p, α + m) admet pour système Z[α]-générateur p, α + m, et par conséquent p, pα, α + m, α2 + mα comme système Z-générateur. Il suffit de montrer que pα et α2 + mα s’expriment comme combinaisons Z-linéaires de p et α + m. Sans hypothèse sur la classe de d mod (4), on a pα = −m(p) + p(α + m) Pour décomposer α2 + mα, il faut envisager deux cas. Suppsons d’abord que d ≡ 2, 3 mod (4). Alors −m est racine de X 2 − d mod (p), donc p divise m2 − d. On a aussi α2 + mα = d + mα, donc on peut écrire d + mα = d − m2 (p) + m(α + m). p 1−d Suppsons maintenant que d ≡ 1 mod (4). Alors −m est racine de X 2 − X + mod (p), 4 1−d 1−d 1−d donc p divise m2 + m + . On a α2 = α − , donc α2 + mα = (m + 1)α − , et on 4 4 4 peut écrire m2 + m + 1−d 1−d 4 − + (m + 1)α = (p) + (m + 1)(α + m), 4 p d’où le résultat. 5.2 Calculs de groupes de classes d’idéaux Dans le cas des corps quadratiques imaginaires, la constante de Minkowski prend une forme très simple √ 4 −d si d ≡ 2, 3 mod (4) π√ µK = 2 −d si d ≡ 1 mod (4). π Rappelons que d’après 4.4, l’ensemble P0 des idéaux au-dessus des p rationnels premiers, avec p 6 µK , contient des générateurs de CK . La question est maintenant de déterminer lesquels de ces générateurs sont égaux, et quelles relations ils satisfont entre eux. Si pour p, q ∈ P0 , on a j(p) = j(q), on sait que ces réseaux complexes sont homothétiques, c’est-à-dire qu’il existe γ ∈ C∗ tel que p = γq. Mais bien sûr γ ∈ K ∗ ; en effet soit α un élement de a, alors γα appartient à b, appelons β cet élément. Il vient γ = β/α ∈ K ∗ , et donc p ∼ q. Ainsi p et q sont égaux dans CK , et seul un des idéaux p et q doit être inclus dans la liste des générateurs de CK (on élimine les répétitions). Soit P1 un ensemble contenant un élément de P0 pour chaque valeur de j obtenue ; P1 engendre toujours CK et ses éléments sont distincts dans CK . Enfin on peut déterminer la table de multiplication de CK . Tout d’abord on connaı̂t l’inverse de chaque élément de p ∈ P1 puisqu’il existe p0 ∈ P0 tel que pp0 = (p) est principal. Si p et q sont deux deux idéaux premiers qui ne sont pas inverses, on détermine une base du réseau pq et on calcule j(pq) ∈ Y . Si cette quantité égale l’un des j(a) pour a ∈ P1 , c’est que pq et a sont égaux dans CK . Sinon on obtient un nouvel élément qu’on ajoute à la table. On continue ainsi jusqu’à ce que tous les produits aient été déterminés. Très souvent le nombre de calculs est réduit en utilisant des relations déjà établies dans les calculs précédents. 57 √ 5.9 Exemple. — Soit K = Q( −14). On a µK ≈ 4, 76, donc les seuls idéaux à considérer sont 2OK et 3OK . Un calcul montre que √ √ √ 2OK = (2, −14)2 et 3OK = (3, −14 + 1)(3, −14 + 2). √ √ √ Soit a1 = OK , a2 = (2, −14), a3 = (3, −14 + 1) et (3, −14 + 2). On va calculer j pour chacun de ses idéaux. On a √ j(a1 ) = 14i. √ Par la proposition 5.8 on voit que 2 et −14 constituent une base du réseau a2 , on trouve √ 14 i. j(a2 ) = 2 De même √ √ 1 1 14 14 j(a3 ) = + i et j(a03 ) = − + i. 3 3 3 3 Donc ces trois générateurs sont distincts dans CK et hK = 4. Déterminons maintenant la table de CK . On a déjà la table partielle suivante a1 a2 a3 a03 a1 a2 a3 a03 a1 a2 a3 a03 a2 a1 a3 a1 a1 a03 On calcule a2 a3 = (2, α)(3, α + 1) = (6, 2α + 2, 3α, α2 + α) = (6, 2α + 2, 3α, α − 14) = (6, α + 4). Soit a cet idéal. L’algorithme d’élimination de Gauss montre que 6 et α + 4 sont une base du réseau a. On trouve √ 1 14 j(a) = − + i, 3 3 0 0 2 donc a2 a3 ∼ a03 . Ceci nous permet de calculer a02 3 ∼ a2 a3 a3 ∼ a2 puis a2 a3 ∼ a2 a3 ∼ a3 et a23 ∼ a2 a03 a3 ∼ a2 . La table de multiplication de CK est donc a1 a2 a3 a03 a1 a1 a2 a3 a03 a2 a2 a1 a03 a3 a3 a3 a03 a2 a1 a03 a03 a3 a1 a2 Par conséquent CK ' Z/4Z. √ √ 1 + −119 5.10 Exemple. — Soit K = Q( −119) et α = , si bien que α2 = α − 30. La 2 constante de Minkowski est µK ≈ 6, 94 de sorte que nous devons considérons les premiers 2, 3 et 5. On trouve 2OK = (2, α)(2, α + 1), 3OK = (3, α)(3, α + 2) et 5OK = (5, α)(5, α + 4). 58 0 0 0 Soit a1 = OK , a2 = (2, α), √ a2 = (2, α + 1), a3 = (3, α), a3 = (3, α + 2), a5 = (5, α) et a5 = (5, α + 4). 119 1 On trouve j(a1 ) = + i et 2 2 √ √ √ 119 119 119 1 1 1 j(a2 ) = + i, j(a3 ) = + i, j(a5 ) = + i 4 4 6 6 10 10 √ √ √ 1 119 1 119 1 119 j(a02 ) = − + i, j(a03 ) = − + i, j(a05 ) = − + i. 4 4 6 6 10 10 On commence par calculer les puissances de a2 . On trouve a22 = (4, 2α, α2 ) = (4, 2α, α − 30) = (4, α + 2). Soit a4 cet idéal. On vérifie facilement que 4, α + 2 et √ 3 119 j(a4 ) = − + i. 8 8 Ensuite on a a32 = a2 a4 = (2, α)(4, α + 2) = (8, 4α, 2α + 4, α2 + 2α) = (8, 4α, 2α + 4, 3α − 30) = (8, α + 6). Soit a8 cet idéal. Il a pour base en tant que réseau 8, α + 6 ; par suite √ 3 119 j(a8 ) = + i. 8 8 Puis a42 = a2 a8 = (2, α)(8, α + 6) = (16, 2α + 12, 8α, α2 + 6α) = (16, 2α + 12, 8α, 7α − 30) = (16, α − 2). Soit a16 ce réseau dont une base est 16, α − 2. On a 1 j(a16 ) = − + 4 √ 119 i 4 donc a42 ∼ a02 puis a52 ∼ a1 . On a donc trouvé un sous-groupe cyclique d’ordre 5 de CK . Calculons maintenant les puissances de a3 . On a a23 = (9, 3α, α − 30) = (9, α + 6); ce réseau a pour base 9, α + 6 et son invariant j est √ 3 119 − + i, 8 8 donc a23 ∼ a4 . On en déduit immédiatement les puissances paires de a3 en calculant dans le groupe 5 cyclique engendré par a2 . On a a43 ∼ a24 ∼ a02 , a63 ∼ a34 ∼ a2 , a83 ∼ a44 ∼ a8 et a10 3 ∼ a4 ∼ a1 . Pour calculer les puissances impaires de a3 on va multiplier les puissances paires de a3 par a3 . On trouve a33 ∼ a3 a4 = (3, α)(4, α + 2) = (12, 3α + 6, 4α, α2 + 2α) = (12, 3α + 6, 4α, 3α − 30) = (12, α + 6). Une base de ce réseau est 12, α + 6 et son invariant j est √ 1 119 + i, 10 10 0 0 7 0 9 donc a33 ∼ a5 . Puisque a3 a pour ordre 10 et a−1 5 ∼ a5 , on a a3 ∼ a5 . Puisque on a aussi a3 ∼ a3 , chaque générateur est une puissance de a3 . Donc CK est cyclique d’ordre 10 engendré par a3 . 59 5.3 5.3.1 Formes quadratiques et nombre de classes Formes quadratiques binaires à coefficients entiers Une forme quadratique binaire à coefficients entiers est une fonction de la forme ϕ(x, y) = ax2 + bxy + cy 2 , (a, b, c) ∈ Z. Le forme ϕ sera notée (a, b, c). Le discriminant de la forme (a, b, c) est D = b2 − 4ac ; elle est définie positive si D < 0 et a > 0. Dans ce cas on aussi c > 0 et ϕ(x, y) > 0 si (x, y) 6= (0, 0). On dira que l’entier n est représentable par la forme (a, b, c) s’il existe (x, y) ∈ Z tels que n = ax2 + bxy + c. Soit f : Z2 7−→ Z2 une application. Elle est dite unimodulaire si son déterminant vaut 1. En notant f (x, y) = (px + qy, rx + sy), cela se traduit par ps − qr = 1. En particulier f est inversible. Les exemples les plus simples de transformations unimodulaires sont f1 (x, y) = (y, −x) ; f2 (x, y) = (x + y, y) et f3 (x, y) = (x − y, y). Si, dans ϕ(x, y) = ax2 + bxy + cy 2 , on remplace x par px0 + qy 0 et y par rx0 + sy 0 , on obtient une nouvelle forme quadratique ϕ0 (x0 , y 0 ) = a0 x02 + b0 x0 y 0 + c0 y 02 avec 0 a = ap2 + bpr + cr2 = ϕ(p, r) b0 = 2apq + b(ps + qr) + 2crs (5.1) 0 2 2 c = aq + bqs + cs = ϕ(q, s). 5.11 Définition. — Deux formes quadratiques ϕ et ϕ0 sont dites équivalentes s’il existe une transformation unimodulaire f telle que ϕ ◦ f = ϕ0 . On notera ϕ ∼ ϕ0 . Par exemple en utilisant f1 , f2 et f3 , on a les transformations suivantes. (T1) (a, b, c) ∼ (c, −b, a) ; (T2) (a, b, c) ∼ (a, b + 2a, a + b + c) ; (T3) (a, b, c) ∼ (a, b − 2a, a − b + c). 5.12 Proposition. — La relation ∼ est une relation d’équivalence qui conserve le discriminant. a b/2 x Preuve. — Posons M = et X = . On a ϕ(X) = X t M X ou X t désigne b/2 c y la transposée de X. Soit U une matrice unimodulaire et Y = U X le changement de variables correspondant. Alors ϕ0 (Y ) = Y t M 0 X avec M 0 = U t M U . Ainsi ϕ et ϕ0 sont équivalentes si et seulement si leurs matrices sont liées par la relation M 0 = U t M U où U est unimodulaire. La relation est (i) réflexive car M = Idt2 M Id2 ; (ii) symétrique car M 0 = U t M U ⇐⇒ M = (U −1 )t M 0 U −1 et U −1 est unimodulaire ; (iii) transitive car M 0 = U t M U et M 00 = V t M V implique M 00 = (U V )t M (U V ) et U V est unimodulaire car det(U V ) = det(U ) det(V ) = 1. Enfin si M 0 = U t M U , on a det(M 0 ) = det(M ), donc D = D’ car D = −4 det(M ) par un calcul immédiat. 5.13 Remarque. — Soit ϕ une forme définie positive ; en rangeant les valeurs v0 = 0 < v1 6 v2 6 v3 6 . . . de le forme ϕ dans l’ordre croissant (chaque valeur figurant autant de fois qu’elle est atteinte), nous voyons que deux formes définies positives équivalentes ont la même suite vn . En particulier, elles représentent les mêmes entiers. 60 5.14 Théorème. — Toute forme quadratique définie positive est équivalente à une forme (a, b, c) vérifiant −a < b 6 a < c ou 0 6 b 6 a = c. (5.2) Preuve. — La transformation (T1) échange a et c en laissant |b| inchangé, et les transformations (T2) et (T3) diminuent |b| en laissant a inchangé. En appliquant alternativement ces transformations, on voit que toute forme définie positive est équivalente à une forme (a0 , b0 , c0 ) avec −a0 6 b0 6 a0 6 c0 . Si b0 = −a0 , la transformation (T2) montre que (a0 , b0 , c0 ) ∼ (a1 , b1 , c1 ), avec −a1 < b1 6 a1 6 c1 , car alors c1 = c0 . Si a1 = c1 , la transformation (T1) permet de remplacer b1 par −b1 . 5.15 Exemple. — Réduisons la forme (10, 34, 29) ; on a T3 T3 T1 T3 T3 T3 (10, 34, 29) ∼ (10, 14, 5) ∼ (10, −6, 1) ∼ (1, 6, 10) ∼ (1, 4, 5) ∼ (1, 2, 2) ∼ (1, 0, 1) où on a indiqué les transformations à appliquer. 5.16 Théorème. — Deux formes quadratiques définies positives réduites sont non équivalentes. Preuve. — Soit ϕ = (a, b, c) une forme quadratique définie positive réduite, donc |b| 6 a 6 c. Si |x| > |y| > 1, on a ϕ(x, y) > |x|(a|x| − |by|) + cy 2 > |x|(a − |b|) + cy 2 > a − b + c. Par symétrie, cette inégalité est vraie si (x, y) 6= (0, 0). Donc les premières valeurs de ϕ sont v0 = 0, v1 = a, v2 = a, v3 = c, v4 = c et v5 = a − |b| + c atteintes respectivement pour (x, y) = (0, 0), (1, 0), (−1, 0), (0, 1), (0, −1) et (1, 1). Si ϕ0 = (a0 , b0 , c0 ), réduite, est équivalente à ϕ, elle a même suite de valeurs, donc a0 = a, c0 = c et a0 − |b0 | + c = a − |b| + c d’où |b0 | = |b|. Il reste à montrer b0 = b. Distinguons plusieurs cas et utilisons (5.2). (i) Si b = a, on a b > 0, donc |b0 | = a et puisque ϕ0 est réduite, −a0 = −a < b0 6 a0 = a =⇒ b0 = a = b. (ii) Si a = c, alors a0 = c0 donc b > 0 et b0 > 0, d’où b = b0 . (iii) En vertu de (5.2), il reste le cas −a < b < a < c. Notons x = px0 + qy 0 et y = rx0 + sy 0 avec ps−qr = 1 la transformation unimodulaire qui tranforme ϕ et ϕ0 . Le première équation de (5.1) s’écrit a0 = a = ϕ(p, r) = v1 = v2 < v3 . Donc p = ±1, r = 0 ; par suite ps = 1. La deuxième relation de (5.1) entraı̂ne b0 ≡ b mod (2a). Mais −a < b < a et −a < b0 6 a, donc −2a < b − b0 6 0 et b = b0 . 5.17 Théorème. — Il n’existe qu’un nombre fini de classes d’équivalences de formes quadratiques de discriminants D < 0 donné. Ce nombre, noté hD est égal au nombre de solution (a, b, c) ∈ N∗ × Z × N∗ du système d’équation 2 4ac = D b −p a 6 −D/3 −a < b 6 a < c ou 0 6 b 6 a = c. 61 Preuve. — Toute forme étant équivalente à une forme réduite et les formes réduites étant non équivalentes entre elles, le nombre de classe d’équivalence de forme de discriminant D est donc le nombre de formes réduites ϕ = (a, b, c) de discriminant D. On a alors b2 − 4ac = D. Par les formules (5.2), |b| 6 a et |b| 6 c =⇒ b2 6 ac, p d’où −3ac > D puis ac 6 −D/3. Mais 0 6 a 6 c, donc a 6 −D/3 et a ne peut prendre qu’un nombre fini de valeurs ; il en est de même de b puisque |b| 6 a, et de c puisque b2 − 4ac = D. Donnons trois exemples. p 5.18 Exemple. — Prenons D = −20. Alors a 6 20/3 montre que a = 1 ou a = 2. (i) Supposons a = 1. Alors −1 < b 6 1 ou 0 6 b 6 1, donc b = 0 ou b = 1. Si b = 0, on a −20 = b2 − 4ac = −4c, donc c = 5. Le cas b = 1 est impossible car 4 ne divise pas 21. (ii) Supposons a = 2. On obtient b = 0, ±1 ou 2. Alors c vérifie respectivement −8c = −20, 1 − 8c = −20 ou 4 − 8c = −20 ; seule la dernière équation convient ; ainsi c = 3, b = 2. Il n’existe donc que deux formes réduites de discriminant −20, et h−20 = 2. p 5.19 Exemple. — Prenons D = −163. Alors a 6 163/3 montre que a = 1, 2, 3, 4, 5, 6 ou 7 et les valeurs possibles de b sont 0, ±1, ±2, ±3, ±5, ±6 et 7 avec b2 − 4ac = −163 et |b| 6 a. (i) Pour tout a, le cas b = 0 ne peut se produire puisque 163 est impair. (ii) Le cas b = ±1 mène à 4ac = 164 = 4 × 41 ; il ne peut se produire que si a = 1 et dans ce cas b = 1 et c = 41 ; (iii) le cas b = ±2 mène à 4ac = 167 qui est premier ; (iv) le cas b = ±3 mène à 4ac = 172 = 4 × 43, incompatible avec a > 3 ; (v) le cas b = ±4 mène à 4ac = 173 qui premier ; (vi) le cas b = ±5 mène à 4ac = 188 = 4 × 47, incompatible avec a > 5 ; (vii) le cas b = ±6 mène à 4ac = 199 qui est premier ; (viii) le cas b ± 7 mène à 4ac = 212 = 4 × 53, incompatible avec a > 7. Par conséquent il n’existe qu’une seule forme quadratique réduite de discriminant −163, c’est (1, 1, 41). La valeur −163 est remarquable, on verra d’ailleurs plus loin que c’est la plus petite valeur possible de D telle que hD = 1. Prenons maintenant une valeur de D qui, à l’inverse, fournit beaucoup de formes quadratiques réduites. p 5.20 Exemple. — Prenons D = −47. Alors a 6 47/3 montre que a = 1, 2, 3 ou 4 et les valeurs possibles de b sont 0, ±1, ±2, ±3 et 4 avec b2 − 4ac = −47 et |b| 6 a. (i) Pour tout a, le cas b = 0 ne peut se produire puisque 47 est impair. (ii) Le cas b = ±1 mène à ac = 12. Si a = 1, alors c = 12, puis b = 1. Si a = 2, on a c = 6 et b = ±1. Si a = 3, on a c = 4 et b = ±1. Pour les autres valeurs de a qui divisent 12, on a a > c, impossible. (iii) le cas b = ±2 mène à 4ac = 51 qui est premier ; (iv) le cas b = ±3 mène à 4ac = 56 = 4 × 14, incompatible avec 3 6 a 6 4 ; (v) le cas b = ±4 mène à 4ac = 63 qui est impair. Il existe donc cinq formes quadratiques réduites de discriminant −47, ce sont (1, 1, 12), (2, ±1, 6) et (3, ±1, 4). 62 5.3.2 Nombre de classes Nous allons maintenant utiliser les formes quadratiques à coefficients entiers pour calculer le nombre de classes d’un corps quadratique imaginaire. L’objet de cette section est de démontrer le théorème suivant. √ 5.21 Théorème. — Soit K = Q( d), d < 0 et sans facteur carré un corps quadratique imaginaire. Alors le nombre de classes de OK est égal au nombre de classes de formes quadratiques définies positives de discriminant DK . La première étape est de construire une application de l’ensemble des classes d’idéaux de OK dans l’ensemble des classes d’équivalence des formes quadratiques de discriminant D. 5.22 Lemme. — Soit a un idéal de OK . Il existe une base de a en tant que Z-module de la forme (α, θα) avec α ∈ OK et θ ∈ K tel que =(θ) > 0. Preuve. — La preuve n’est pas sans rappeler la construction de j page 52. Soit (α, β) une base a en tant que Z-module. Quitte à invertir α et β, on peut supposer =(α/β) > 0 (α/β est n’est pas réel car sinon α et β seraient liés sur R). Le nombre θ = β/α ∈ K convient. Soit a un idéal de OK , et (α, θα) une base comme dans le lemme. Considérons la forme quadratique Qa (x, y) = (αx + θαy)(α + θαy) = px2 + qxy + ry 2 . On a p = αα = NK/Q (α), r = NK/Q (θα) et q = αθα + αθα = TrK/Q (αθα), et comme α et θα sont dans OK , il vient p, q, r ∈ Z. Le discriminant de cette forme quadratique est α α 2 2 2 2 = Da = (NK (a))2 DK , q − 4pr = (ααθ + αθα) − 4(αα)(θα)θα = (ααθ − αθα) = θα θα la dernière égalité résultant du corollaire 1.46. Comme αOK ⊂ a, on a NK (a)|NK/Q (α) = p et de même NK (a)|r. D’après le calcul ci-dessus, on en déduit que q 2 est divisible par (NK (a))2 , donc NK (a)|q. On pose alors a= p , NK (a) b= q NK (a) et c = r NK (a) (5.3) et Ra (x, y) = ax2 + bxy + c. Le discriminant de R est b2 − 4ac = q 2 − 4pr = DK . (NK (a))2 5.23 Lemme. — L’application Ψ : a 7−→ Ra (x, y) définit une application de l’ensemble des classes d’idéaux de OK dans l’ensemble des classes d’équivalence des formes quadratiques de discriminant DK . Preuve. — Soit a1 et a2 deux idéaux de OK équivalents de base respective (α1 , θ1 α1 ) et (α2 , θ2 α2 ) comme dans le lemme 5.22. Puisque a1 ∼ a2 , il existe γ ∈ K tel que a1 = (γ)a2 , donc en écrivant γ = γ1 /γ2 , il vient γ1 a1 = γ2 a2 . Par suite il existe s, t, u, v ∈ Z tels que γ1 α1 = γ2 (sα2 + tθ2 α2 ) (5.4) γ1 θ1 α1 = γ2 (uα2 + vθ2 α2 ). 63 De même il existe s0 , t0 , u0 , v 0 ∈ Z tels que γ2 α2 = γ1 (s0 α1 + t0 θ1 α1 ) (5.5) γ2 θ2 α2 = γ1 (u0 α1 + v 0 θ1 α1 ). 0 0 1 0 s t s t = , d’où en prenant les déterminants (sv−ut)(s0 v 0 −u0 t0 ) = 1, Donc u0 v 0 0 1 u v donc sv − ut = ±1. Mais en divisant entre elles les équations de (5.4), θ1 = u + vθ2 (u + vθ2 )(s + tθ2 ) 1 = = (us + vt|θ2 |2 + svθ2 + utθ2 ). 2 s + tθ2 |s + tθ2 | |s + tθ2 |2 donc =(θ1 ) = (5.6) sv − ut =(θ2 ). |s + tθ2 |2 Or =(θ1 ) > 0 et =(θ2 ) > 0, donc sv − ut = 1. Montrons maintenant que les formes quadratiques Ra1 = (a1 , b1 , c1 ) et Ra2 = (a2 , b2 , c2 ) sont équivalentes. La substitution X = sx + uy et Y = tx + vy conduit à a2 X 2 + b2 XY + c2 Y 2 = a2 (X + θ2 Y )(X + θ2 Y ) = a2 [(s + tθ2 )x + (u + vθ2 )y][(s + tθ2 )x + (u + vθ2 )y]. Mais d’après la première égalité de (5.6), on a u + vθ2 = θ1 (s + tθ2 ), et en conjuguant u + vθ2 = θ1 (s + tθ2 ), donc en remplaçant, a2 X 2 + b2 XY + c2 Y 2 = a2 |s + tθ2 |2 (x + θ1 y)(x + θ1 y) Or d’après (5.3) et la définition de la norme, a2 X 2 + b2 XY + c2 Y 2 = NK/Q (α2 ) NK/Q (s + tθ2 )(x + θ1 y)(x + θ1 y). NK (a2 ) En prenant la norme par rapport à K dans la première ligne de 5.4, NK/Q (γ1 )NK/Q (α1 ) = NK/Q (γ2 )NK/Q (α2 )NK/Q (s + tθ2 ) donc a2 X 2 + b2 XY + c2 Y 2 = NK/Q (γ1 )NK/Q (α1 ) (x + θ1 y)(x + θ1 y). NK/Q (γ2 )NK (a2 ) Prenons la norme de l’égalité γ1 a1 = γ2 a2 et remplaçons ; on obtient a2 X 2 + b2 XY + c2 Y 2 = NK/Q (α1 ) (x + θ1 y)(x + θ1 y). NK (a1 ) D’où enfin, par définition a2 X 2 + b2 XY + c2 Y 2 = a1 (x + θ1 y)(x + θ1 y) = a1 x2 + b1 xy + c1 y 2 . ce qui montre que les formes quadratiques Ra1 et Ra2 sont équivalentes et prouve le lemme. 64 Preuve (du théorème 5.21). — Il suffit de montrer que Ψ est une bijection. (i) Surjectivité de Ψ. Soit R(x,√y) = ax2 + bxy + c une forme quadratique définie positive b + DK de sorte que R(x, y) = a(x + θy)(x + θy). On a θ ∈ K de discriminant DK . Posons θ = 2a et θ ∈ OK car aθ2 + bθ + c =⇒ (aθ)2 + b(aθ) + ca = 0. Ainsi a = aZ + θaZ est un idéal de OK . Son discriminant vaut a a 2 = a4 (θ − θ)2 = a2 DK . Da = θa θa On en déduit NK (a) = a puisque a > 0. La forme quadratique Qa associée à a est donc Qa (x, y) = (ax + aθy)(ax + aθy) = aR(x, y), d’où R(x, y) = Qa (x, y) = Ra (x, y), et Ψ est surjective. NK (a) (ii) Injectivité de Ψ. Soit a1 et a2 deux idéaux tels que Ra1 = Ra2 et montrons que a1 ∼ a2 . Soit (α1 , θ1 α1 ) et (α2 , θ2 α2 ) des bases respectives de a1 et a2 comme dans le lemme 5.22 de sorte que Ra1 (x, y) = a1 x2 + b1 xy + c1 y 2 = a1 (x + θ1 y)(x + θ1 y) et Ra2 (X, Y ) = a2 (X + θ1 Y )(X + θ1 Y ) soient équivalentes. Il existe donc s, t, u, v ∈ Z avec sv − ut = 1 et tels que la substitution X = sx + uy, Y = tx + vy transforme Ra2 en Ra1 . Il vient Ra2 (sx + uy, tx + vy) = a2 [(s + tθ2 )x + (u + vθ2 )y][(s + tθ2 )x + (u + vθ2 )y] u + vθ2 u + vθ2 = a1 (x + θ1 y)(x + θ1 y). y x+ = a2 NK/Q (s + tθ2 ) x + s + tθ2 s + tθ2 y D’où en identifiant θ1 = A priori on pourrait avoir θ1 = u + vθ2 s + tθ2 (5.7) u + vθ2 , mais ceci est impossible car =(θ1 ) > 0, =(θ2 ) > 0 et s + tθ2 sv − ut = 1. Choisissons γ1 , γ2 ∈ OK de façon à satisfaire la première équation de (5.4), par exemple γ1 = α2 (s + tθ2 ) et γ2 = α1 . On a donc γ1 α1 = γ2 (sα2 + tθ2 α2 ) et par (5.7), θ1 γ1 α1 = θ1 γ2 α2 (s + tθ2 ) = γ2 α2 (u + vθ2 ) donc la deuxième équation de (5.4) est satisfaite, donc le système (5.4) est satisfait pour ces valeurs γ1 , γ2 ; ceci exprime que γ1 a1 ⊂ γ2 a2 . Or ce système s’inverse en (5.5) avec s0 , t0 , u0 , v 0 ∈ Z car sv − ut = 1. On a donc aussi γ1 a1 ⊃ γ2 a2 , et finalement a1 ∼ a2 . √ 5.24 Exemple. — Prenons K = Q( −5). Le discriminant du corps vaut −20, donc d’après l’exemple 5.18, le groupe CK est de cardinal 2, ce que l’on savait déjà par l’exemple 4.24. √ 5.25 Exemple. — Prenons K = Q( −163). Le discriminant du corps vaut −163, donc d’après l’exemple 5.19, le groupe CK est de cardinal 1, c’est-à-dire que OK est principal. D’après le théorème de Stark, qui est loin d’être trivial, −163 est la plus petite valeur d telle que OQ(√d) est principal. 65 Pour terminer cette section sur le calcul du nombre de classes d’un corps quadratique imaginaire, voici un théorème dont la démonstration est loin d’être triviale, voir [Rib01]. On note Q+ p−1 le nombre de résidus quadratiques mod (p) appartenant à l’intervalle 1, et Q− le nombre 2 de non-résidus quadratiques mod (p) du même intervalle. 5.26 Théorème. — Soit p 6= −3 un nombre premier négatif avec p ≡ 1 mod (4) et soit K = √ Q+ − Q− . Q( d). Si p ≡ 1 mod (8), alors hK = Q+ − Q− et si p ≡ 5 mod (8), alors hK = 3 √ 5.27 Exemple. — Prenons K = Q( −23). Les résidus quadratiques modulo 23 appartenant à l’intervalle [1, 11] sont 1, 2, 3, 4, 6, 8 et 9, tandis que 5, 7, 10 et 11 sont non-résidus quadratiques. Ainsi hK = 7 − 4 = 3. 5.4 Corps quadratiques imaginaires principaux La recherche des corps quadratiques imaginaires principaux a occupé de nombreux mathématiciens. La réponse complète fut apportée en 1967 par Stark. Nous démontrons une version très affaiblie de ce théorème. √ 5.28 Lemme. — Soit d 6 −15 un entier sans facteurs carrés, d ≡ 1 mod (4) et K = Q( d). Alors OK est principal si et seulement si tout nombre premier p 6 µK est inerte dans K. Preuve. — Soit a un idéal de OK . Il existe un idéal premier p tel que p ∼ a et NK (p) 6 µK . Pour un nombre premier p 6 λ, l’idéal p est au-dessus de (p). Comme p est inerte, pOK est principal, donc p, puis a aussi. Ainsi tout idéal de OK est principal. Réciproquement supposons que l’un des nombres premiers p 6 µK ne soit pas inerte. D’après le théorème 3.26 et la proposition 3.30, pOK admet un facteur premier de la forme (p, α + β) avec √ 2√ −d < −d, on a p2 6 −d et donc le lemme 3.32 s’applique et montre β ∈ Z. Comme µK = π que cet idéal n’est pas principal. √ 5.29 Proposition. — Soit d < 0 un entier sans facteurs carrés et K = Q( d). Si l’anneau OK est principal, alors d = −1, −2, −7 ou d ≡ 5 mod (8) et d est premier. Preuve. — (i) Supposons d ≡ 2, 3 mod (4). D’après la proposition 3.30, √ l’idéal 2OK se factorise 2 en idéaux premiers 2OK = p avec p = (2, α) ou p = (2, α + 1), avec α = d. On a NK (p) = 2 et si γ = x + yα, x, y ∈ Z engendre p, sa norme vaut aussi 2. Or dans OK , NK/Q (γ) = NK/Q (x + yα) = x2 − dy 2 . Cette équation en nombres entiers n’a de solutions non√nulles que si d = −1 ou −2. 1+ d (ii) Supposons d ≡ 1 mod (8) et posons α = . L’idéal 2OK se factorise en 2OK = 2 (2, α)(2, α + 1). Posons p = (2, α). Cet idéal est premier et NK (p) = 2. Si γ = x + yα, x, y ∈ Z engendre p, sa norme vaut aussi 2. On a y 2 |d| 1 |d| + y2 > + si y 6= 0. NK/Q (γ) = NK/Q (x + yα) = x + 2 4 4 4 Pour d 6 −8, on a NK/Q (γ) > 2. Si y = 0, c’est que γ ∈ Z ; or α ∈ p donc il existe x, y ∈ Z tels que γ(x + yα) = α, d’où γ = ±1, ce qui est impossible car p est premier. Ainsi dans ce cas, la seule valeur possible est d = −7. 66 (iii) Supposons maintenant d ≡ 5 mod (8). Si d 6 −15 et d non premier, écrivons −d = qr avec q > 3 le plus petit facteur premier de −d. Puisque q divise d, la proposition 3.30 montre que q se ramifie sur K. Comme q 2 6 −d, le lemme 3.32 montre que OK n’est pas principal. Si d > −15, c’est que d = −3 ou d = −11, et ces deux nombres sont bien premiers. Il est facile de vérifier que pour d = −163, −67, −43, −19, −11, −7, −3, −2 et −1 l’anneau OK est principal, c’est ce que nous allons faire ci-dessous. En 1934, Heilbronn et Linfoot démontrèrent qu’il n’existe qu’au plus une autre valeur de d telle que OK est principal, et en 1966 Stark prouve que si cette valeur de d existe, elle vérifie d > − exp(2, 2 × 107 ). L’année suivante, il publie un article de 28 pages montrant que cette valeur n’existe pas ([Sta67]) et prouve ainsi le théorème suivant. √ 5.30 Théorème (Stark, 1967). — L’anneau des entiers de Q( d) avec d < 0 est principal si, et seulement si, d = −163, −67, −43, −19, −11, −7, −3, −2 ou −1. La démonstration de ce théorème utilise les formes binaires quadratiques introduites précédemment. Elle consiste par des méthodes analytiques à montrer que d > −200. Il reste alors à vérifier à la main que les seules valeurs de d qui font de OK un anneau principal sont celles annoncées, c’est l’objet de la proposition suivante. √ 5.31 Proposition. — Soit K = Q( d) avec −200 6 d 6 −1 et d sans facteurs carrés. Alors OK est principal si et seulement si d = −163, −67, −43, −19, −11, −7, −3, −2 ou −1. Preuve. — Par la proposition 5.29, si OK est principal, nécessairement d = −1, −2 −7 ou (d ≡ 5 mod (8) et d premier). On note µd pour µQ(√−d) . On a µ1 ≈ 1, 27, µ2 ≈ 1, 80 et µ7 ≈ 1, 68 donc les valeurs −1, −2, −7 de d conviennent. Les valeurs restantes de d vérifient d ≡ 5 mod (8), donc d’après la proposition 3.30, on sait déjà 2√ que 2 est inerte. De plus µd = −d, d’où les calculs suivants π (i) µd < 3 ⇐⇒ d > −22, (iii) µd < 7 ⇐⇒ d > −120, (ii) µd < 5 ⇐⇒ d > −61, (iv) µd < 9 ⇐⇒ d > −199. (i) Les valeurs d = −3, −11, −19 conviennent car µd < 3. Supposons maintenant d 6 −22. D’après le lemme 5.28, il est nécessaire que 3 soit inerte dans K, c’est-à-dire que d soit un non-résidu quadratique modulo 3. Il en résulte d ≡ 2 mod (3), d’où d ≡ 5 mod (24). Ainsi d = −43, −67, −139 ou −163. D’où la discussion qui suit selon les trois cas restants et en utilisant le symbole de Legendre. (ii) La valeur d = −43 convient car µ43 < 5. 3 −67 = = −1, donc d = −67 convient. (iii) 5 5 −163 2 −163 2 −163 5 (iv) On a = = −1, = = −1 et = = −1, donc OK 3 3 5 5 7 7 est principal pour d =−163. −139 1 Pour d = −139, on a = = 1 et 5 n’est pas inerte. Donc le lemme 5.28 montre 5 5 que OK n’est pas principal. On pouvait aussi constater que x2 + xy + 35y 2 et 5x2 + xy + 7y 2 sont deux formes quadratiques réduites de discriminant −139 non équivalentes. 67 5.5 Application aux équations diophantiennes Un des intérêts de la factorialité des anneaux d’entiers (ce qui est équivalent à être principal dans ce cas) est la résolution d’équation diophantiennes. Voyons d’abord deux lemmes très simples. 5.32 Lemme. — Soit K un corps de nombres et m un entier premier avec hK . Si a est un idéal de OK et si am est principal, alors a est principal. Preuve. — Par hypothèse dans CK , on a am ∼ OK . Puisque hK est l’ordre de CK , on a aussi ahK ∼ OK . Par le théorème de Bezout, il existe des entiers r et s tels que mr + hK s = 1. Donc r s a = amr+hK s ∼ (am )r (ahK )s ∼ OK OK ∼ OK et a est principal. 5.33 Définition (Idéaux étrangers). — Soit a1 et a2 deux idéaux de OK . On dit que ces idéaux sont étrangers si a1 + a2 = OK . Si a1 et a2 sont étrangers, il n’y a pas d’idéaux premiers p tels que a1 ⊂ p et a2 ⊂ p car sinon a1 + a2 ⊂ p, et donc il n’y a pas d’idéaux premiers communs aux factorisations en idéaux premiers de a1 et a2 . 5.34 Lemme. — Soit K un corps de nombres et a1 , a2 des idéaux étrangers. Supposons qu’il existe un idéal b et un entier m tels que a1 a2 = bm . Alors il existe deux idéaux b1 et b2 tels que m a1 = bm 1 et a2 = b2 . Preuve. — Ecrivons les décompositions en produit d’idéaux premiers de a1 , a2 et b : a1 = pe11 . . . pepp a2 = qf11 . . . qfqq et b = rg11 . . . rgrr Comme a1 et a2 sont premiers entre eux, on a 1 r a1 a2 = pe11 . . . pepp pf11 . . . pfqq = rmg . . . rmg . 1 r On déduit que r = p + q et que m divise les ei et les fj . Donc a1 et a2 s’écrivent bien sous forme de puissance m-ième d’un idéal. 5.5.1 Equation de Mordell y 2 = x3 + d 5.35 Théorème. — Soit√d 6 −1 sans facteurs carrés, avec d ≡ 2, 3 mod (4). Supposons que le nombre de classe de Z[ d] n’est pas divisible par 3. Alors l’équation y 2 = x3 + d admet des solutions en nombres entiers si et seulement si d = ±1 − 3a2 , a ∈ N∗ et dans ce cas les solutions sont x = a2 − d, y = ±a(a2 + 3d). Preuve. — Remarquons d’abord que x et y sont premiers entre eux ; en effet si p divise x et y, alors p2 divise d, ce qui est contraire à l’hypothèse. De plus x est impair car sinon on aurait y 2 ≡ d mod (4), alors que les seuls carrés √ modulo√4 sont 03 et 1. Ecrivons l’équation sous la forme (y + d)(y − d) = x et passons aux idéaux dans OK (pour alléger l’écriture, on notera hαi l’idéal engendré par α dans OK et non αOK ), √ √ hy + dihy − di = hxi3 . 68 √ √ √ √ Soit p un idéal premier divisant hy + di et hy − di. Alors y + d ∈ p et y − d ∈ p, d’où 2y ∈ p, donc p|h2yi et également p|hxi car il intervient dans la factorisation en idéaux premiers de hxi3 . En prenant les normes, il vient que N(p)|N(h2yi) = 4y 2 et N(p)|N(hxi) = x2 . Puisque x est impair, N(p) est impair, donc N(p)|y 2 . Or √ N(p) 6= 1√car p est premier, donc x et y ont un facteur en commun, contradiction. Ainsi hy + di et hy − di sont étrangers et d’après le lemme 5.34, il existe un idéal a de OK tel que √ hy + di = a3 . Comme a3 est principal et que 3 ne divise pas hK , le lemme 5.32 montre que a est principal. √ √ Comme d √ ≡ 2, 3 mod 4,√on a OK = Z[ d] et donc il existe donc a, b ∈ Z tel que a = ha + b di d’où hy + di = ha + b di3 . Il existe donc une unité ε de OK telle que √ √ y + d = ε(a + b k)3 . √ Or les seules unités de OK sont ±1 (proposition 1.54). Comme (1, d) forme une base de OK , il vient y = ±a(a2 + 3db2 ) et 1 = ±b(3a2 + db2 ). De la deuxième équation, on tire b = ±1 et d = ±1 − 3a2 . D’où y = ±a(a2 + 3d) et en reportant dans l’équation y 2 = x3 + d de départ x3 = a6 + 6a4 d + 9a2 d2 − d. Or (d + 3a2 )2 = 1, donc d = d3 + 6a2 d2 + 9a4 d et en reportant x3 = a6 − 3a4 d + 3a2 d2 − d3 . D’où x = a2 − d. 5.5.2 L’équation de Fermat x3 + y 3 = z 3 C’est en 1994 que Andrew Wiles parvint à montrer que l’équation de Fermat xn + y n = z n n’a pas de solutions entières non triviales pour n > 3. Les solutions de l’équation dans le cas n = 2 étaient connues depuis fort longtemps sous le nom de triplets pythagoriciens. Kummer avait réussi à démontrer ce résultat pour certaines valeurs de n. On trouvera dans [Duv98] le cas n = 5. Outre la factorialité de l’anneau des entiers de Q(ξ5 ), la démonstration utilise la connaissance de ses unités. Dans le cas n = 3 que nous présentons ici, la question des unités est plus simple. √ 5.36 Lemme.√— Tout élément de l’anneau Z[ω] des entiers de Q( −3) peut être associé√à un élément de Z[ −3], c’est-à-dire que pour tout x ∈ Z[ω], il existe ε ∈ Z[ω]× tel que εx ∈ Z[ −3]. √ α + β −3 Preuve. — Soit x = ∈ Z[ω] avec α, β ∈ Z. Si α, β sont pairs, il n’y a rien à montrer 2 √ car x ∈ Z[ −3]. Supposons α et β impairs et envisageons quatre cas. (i) α ≡ 1 mod (4) et β ≡ 1 mod (4). On a √ √ √ √ α + β −3 −1 + −3 −α − 3β + (α − β) −3 2 xω = × = ∈ Z[ −3] 2 2 4 (ii) α ≡ 1 mod (4) et β ≡ −1 mod (4). On a √ √ √ √ α + β −3 1 + −3 α − 3β + (α + β) −3 xω = × = ∈ Z[ −3] 2 2 4 69 (iii) α ≡ −1 mod (4) et β ≡ 1 mod (4). On a √ √ √ √ α + β −3 −1 − −3 3β − α − (α + β) −3 4 xω = × = ∈ Z[ −3] 2 2 4 (vi) α ≡ −1 mod (4) et β ≡ −1 mod (4). On a √ √ √ √ α + β −3 1 − −3 α + 3β + (β − α) −3 5 xω = × = ∈ Z[ −3] 2 2 4 5.37 Théorème. — L’équation x3 + y 3 = z 3 n’a pas de solutions en entiers relatifs x, y, z non nuls. Preuve. — Soit x, y, z des entiers relatifs avec x3 + y 3 + z 3 = 0 et (x, y, z) 6= (0, 0, 0). On peut supposer x, y, z premiers entre eux quitte à simplifier par leur PGCD. Les entiers x, y, z ne sont donc pas tous les trois pairs. Il est impossible que tous les trois soient impairs ou que deux d’entre eux soient pairs et le troisième soit impair (la somme serait impaire), donc quitte les permuter, on peut supposer x, z impairs et y pair. Choisissons une solution telle que |y| soit minimal, et posons x = a + b et z = a − b ; alors a et b sont premiers entre eux (sinon x et z, donc x, y et z auraient un diviseur commun) et de parité différente (car x et z sont impairs). Il vient 2a(a2 + 3b2 ) = −y 3 . Puisque a et b sont de parités différentes, a2 + 3b2 est impair et comme y est pair, c’est que 8 divise 2a et tout diviseur commun à 2a et a2 + 3b2 est impair, donc divise a, donc divise 3b2 . Comme a et b sont premiers entre eux, il en résulte PGCD(2a, a2 + 3b2 ) = 1 ou 3. Envisageons les deux cas. (i) PGCD(2a, a2 + 3b2 ) = 1. De 2a(a2 + 3b2 ) = −y 3 , on en déduit qu’il existe r, s ∈ Z tels que 2a = r3 √ et a2 + 3b2 = s3 , avec s impair. On factorise dans l’anneau factoriel OK des entiers de K = Q( −3). Il vient √ √ (a + b −3)(a − b −3) = s3 . √ √ √ Soit p qui divise a + b −3 et a − b −3, il divise leur somme 2a et leur différence 2ib 3. En prenant les normes NK/Q (p)|4a2 et NK/Q (p)|12b2 . Or NK/Q (p) est impair car il divise a2 + 3b2 , donc NK/Q (p)|a2 et NK/Q (p)|a2 +√3b2 , d’où NK/Q√(p) = 1 et p ∈ A× car a et a2 + 3b2 sont premiers entre eux. Ainsi les idéaux ha + b√ −3i et ha + b −3i sont premiers entre eux et d’après√le lemme × 5.34, il existe ht0 i tel que ha + b −3i = ht0 i3 , d’où l’existence de ∈ OK tel que a + b √−3 = t. Mais toutes les unités de OK sont des cubes (propositon 1.54), donc on peut écrire a + b −3 = t3 avec t ∈ OK . √ D’après le lemme 5.36, il existe ε ∈ OK √ tel que εt ∈ Z[ −3]. Puisque ε est une racine sixième −3 de l’unité de C, ±1, donc a + b −3 = ε−3 (εt)3 = (±εt)3 . Par suite il existe u, v ∈ Z √ on a ε = √ tels que a + b −3 = (u + v −3)3 , et en développant a = u(u + 3v)(u − 3v) et b = 3v(u − v)(u + v). Comme b est impair, v, u − v et u + v sont impairs, donc u est pair. Comme a et b sont premiers entre eux, u et 3v le sont aussi, donc également 2u et 3v puisque 3v est impair. Puisque 2a = r3 , il vient r3 = 2u(u + 3v)(u − 3v). 70 Comme 2u, u + 3v et u − 3v sont premiers entre eux deux à deux, il existe l, m, n ∈ Z tels que 2u = l3 , u + 3v = m3 et u − 3v = n3 . Par addition, m3 + n3 = l3 avec l pair et l, m, n premiers entre eux. De plus |y 3 | = |2a(a2 + 3b2 )| = |l3 (u2 − 9v 2 )(a2 + 3b2 )| > 3|l2 | > |l3 | donc 0 < |l| < |y|, ce qui contredit la minimalité de |y|. (ii) PGCD(2a, a2 + 3b2 ) = 3. Posons a = 3c. On a que b et c sont de parités différentes et premiers entre eux. L’équation 2a(a2 + 3b2 ) = −y 3 s’écrit 18c(3c2 + b2 ) = −y 3 . Soit d un diviseur premier de 18c et 3c2 + b2 . On a d 6= 2 car b et c sont de parités différentes ; on a aussi d 6= 3 car 3 ne divise pas b sinon 3 diviserait a et b. Enfin si d|c, on a d|b donc d = 1. Ceci prouve que 18c et 3c2 + b2 sont premiers entre eux, donc par unicité de la factorisation dans Z, on a 18c = r3 et 3c2 + b2 = s3 avec s impair. En procédant comme dans (i), on obtient b = u(u + 3v)(u − 3v) et c = 3v(u − v)(u + v) avec u impair, v pair, u et v premiers entre eux. Puisque 18c = r3 , il vient r3 = 54v(u−v)(u+v) et r étant un multiple de 3, en écrivant r = 3r0 , on a r03 = 2v(u−v)(u+v). Les nombres 2v, u−v, u+v sont premiers entre eux deux à deux, donc il exitste l, m, n ∈ Z tels que l2 = 2v, m3 = u − v, n3 = u + v d’où en ajoutant l3 + m3 + (−n)3 = 0 avec l pair. Enfin |y 3 | = |18c(3c2 + b2 )| = |27l3 (u2 − v 2 )(3c2 + b2 )| > 27|l3 | > |l3 |, ce qui contredit encore la minimalité de |y|. 71 Chapitre 6 Anneaux d’entiers euclidiens 6.1 Généralités Rappelons la définition d’un anneau euclidien. 6.1 Définition. — Un anneau intègre A est dit euclidien s’il existe une application (appelée stathme) Ψ : A −→ N telle que si a, b ∈ A, avec b 6= 0, il existe q, r ∈ A tel que a = bq + r avec Ψ(r) < Ψ(b). On montre facilement qu’un anneau euclidien est principal. Etant donné un anneau euclidien et un stathme Ψ, il est intéressant de construire un stathme vérifiant des conditions plus fortes. 6.2 Proposition. — Soit A un anneau euclidien. Il existe un stathme ϕ satisfaisant les propriétés suivantes. (i) 0 est l’unique élément où ϕ s’annule ; (ii) pour x, y non nuls de A, on a ϕ(x) 6 ϕ(xy) avec égalité si et seulement si y est inversible ; (iii) x est inversible si et seulement si ϕ(x) = 1. Preuve. — (i) Soit Ψ un stathme. Pour b 6= 0, on écrit 1 = bq + r avec Ψ(r) < Ψ(b), et Ψ n’est pas minimal en b. Donc 0 est le seul élément en lequel Ψ est minimal. En remplaçant Ψ par Ψ1 = Ψ − Ψ(0), le stathme Ψ1 s’annule en 0 et seulement en 0. (ii) Pour tout a, on pose Ψ2 (a) = inf{Ψ1 (aξ), ξ 6= 0}. Clairement Ψ2 6 Ψ1 et Ψ2 ne s’annule qu’en 0. Montrons qu’il existe une division euclidienne pour Ψ2 . Soit a et b 6= 0. Il existe x tel que Ψ2 (b) = Ψ1 (bx). Faisons la division euclidienne de a par bx pour Ψ1 : a = bxq + r avec Ψ1 (r) < Ψ2 (bx). Alors Ψ2 (r) 6 Ψ1 (r) < Ψ1 (bx) = Ψ2 (b), donc r est le reste d’une division euclidienne de a par b pour Ψ2 qui est donc bien un stathme euclidien. Pour x, y non nuls de A, on a Ψ2 (xy) = inf Ψ1 (xyξ) > inf Ψ1 (xη) = Ψ2 (x). ξ6=0 η6=0 Supposons Ψ2 (xy) = Ψ2 (x). En faisant la division de x par xy pour Ψ2 , on a x = xyq + r et Ψ2 (r) < Ψ2 (xy) = Ψ2 (x) ; Si r 6= 0, on aurait l’inégalité Ψ2 (x(1 − yq)) > Ψ2 (x) qui est fausse. Donc r = 0, yq = 1 et y est inversible. (iii) Comme 1 divise tout élément nul x de A, on a Ψ2 (1) 6 Ψ2 (x), l’égalité ayant lieu si et seulement si 1 et x sont associés, c’est-à-dire si et seulement si x est inversible. Finalement en posant ϕ(0) = 0 et ϕ(x) = Ψ2 (x) − Ψ2 (1) + 1 pour x 6= 0, ce stathme satisfait les conditions souhaitées. 72 Voici un lemme qui permet de construire des stathmes sur des anneaux d’entiers. 6.3 Lemme. — Soit K un corps de nombres ϕ une application OK −→ N multiplicative sur OK , c’est-à-dire vérifiant ∀z, z 0 ∈ OK , ϕ(zz 0 ) = ϕ(z)ϕ(z 0 ). Alors l’application ϕ se prolonge en une fonction multiplicative sur K, et ϕ est un stathme sur OK si et seulement si pour tout z ∈ K, il existe γ ∈ OK tel que ϕ(z − γ) < 1. Preuve. — Rappelons que le corps des fractions de OK est K. Soit z = α/β ∈ K avec α, β ∈ OK . En posant ϕ(α) ϕ(1), ϕ(z) = ϕ(β) on voit que cette définition prolonge de façon multplicative ϕ à K. Supposons OK euclidien pour ϕ et soitz = α/β ∈ K,avec α, β ∈ OK . Il existe q, r ∈ OK tels r α −q =ϕ < 1. que α = βq + r avec ϕ(r) < ϕ(β), donc ϕ β β α Réciproquement, soit α, β ∈ OK , avec β 6= 0. Il existe γ ∈ OK tel que ϕ − γ < 1, d’où avec β r = α − βγ, ϕ(r) < ϕ(β) et OK est euclidien pour ϕ. 6.2 Corps quadratiques euclidiens √ Soit d un entier sans facteur carré et K = Q( d). On se demande si l’application z 7→ |NK/Q (z)| est un stathme euclidien. Puisqu’elle est multiplicative, le lemme 6.3 se reformule ainsi. 6.4 Lemme. — L’application |NK/Q | est un stathme euclidien sur OK si et seulement si pour tout z ∈ K, il existe γ ∈ OK tel que |NK/Q (z − γ)| < 1. √ En 1893, Dedekind montre que Q( d) est euclidien pour la norme pour d = −1, −2, −3, −7, −11, 2, 3, 5 et 13. En 1927, Dickson affirme que la liste des corps quadratiques euclidiens pour la norme est complète. Perron, en 1932, constate qu’en réalité l’argument de Dickson n’est valable que pour les corps quadratiques imaginaires. Dans les trente années qui suivent, les corps quadratiques euclidiens pour la norme sont complètement caractérisés ; les valeurs à rajouter à la liste précédente sont d = 6, 7, 11, 17, 19, 21, 29, 33, 37, 41, 57 et 73. Cependant il existe des anneaux d’entiers quadratiques qui sont euclidiens pour un stathme différent de la norme. C’est notamment le cas pour d = 69 et 14. Ce sont des résultats récents démontré par Clark en 1993 et Harper en 2000 respectivement. Nous en reparlerons dans l’ouverture page 78. 6.2.1 Cas imaginaire Dans le cas d < 0, le fait de disposer d’une interprétation géométrique de la norme permet de trouver très facilement les valeurs de d rendant OK euclidien pour la norme. 6.5 Proposition. — Soit d < 0 un entier sans facteurs carrés. Alors (i) pour d ≡ 2, 3 mod (4), l’anneau est OK est euclidien pour la norme si et seulement si d = −1 ou d = −2 ; 73 (ii) pour d ≡ 1 mod (4), l’anneau est OK est euclidien pour la norme si et seulement si d = −3, −7 ou d = −11. Preuve. — Dans les deux cas, il nous faut chercher un des points les plus éloignés d’un point du réseau. Cette distance ne pourra pas excèder 1 d’après le lemme 6.4. √ −d. Chaque (i) Si d ≡ 2, 3 mod (4), les mailles du réseaux sont des rectangles de côté 1 et √ point de Q( d) appartient un de ces rectangles, et le point le plus éloigné des sommets est le 1√ 1 − d des sommets. D’après le lemme, OK est euclidien si et seulement si centre, à distance 2 1√ 1 − d < 1, d’où d > −3. 2 (ii) √ Si d ≡ 1 mod (4), les mailles du réseaux sont des losanges dont les diagonales mesurent 1 et −d. Considérons l’un des deux triangles isocèles de base 1 composant ce losange. En traçant les arcs de cercle de rayon 1 centré √ en les extrémités de la base, on obtient un point m sur la hauteur 3 de la base. Le point m est à distance 1 des extrémités de la base relative à la base, à distance √2 √ −d 3 et à distance A = − du troisième sommet. L’anneau OK est euclidien si et seulement 2 2 √ si A < 1, soit si et seulement si d > −7 − 4 3 ≈ −13, 92. Cependant comme signalé ci-dessus, il se pourrait que OK soit euclidien pour un stathme différent de NK/Q . Dans le cas d < 0, il n’en est rien, c’est-à-dire que OK est euclidien si et seulement s’il est euclidien pour la norme. Pour cela il faut dégager des propriétés intrinsèques aux anneaux euclidiens, c’est l’objet du lemme suivant. 6.6 Lemme. — Soit A un anneau euclidien de stathme ϕ. Il existe des éléments premiers p tel que le morphisme de groupe multiplicatif A× → (A/(p))× induit par la surjection canonique A A/(p) soit surjectif. Preuve. — Soit ϕ un stathme euclidien vérifiant les conditions de la proposition 6.2. Soit m = inf{n ∈ N | ∃x ∈ A, ϕ(x) = n > 2}. Les diviseurs de p tel que ϕ(p) = m les éléments inversibles et les associés de p. Ces éléments p sont donc premiers. Soit a ∈ / (p) et a ∈ (A/(p))× sa classe mod (p). Il existe q, r tels que a = pq + r avec ϕ(r) < ϕ(p) = m. Comme a ∈ / (p), on a r 6= 0, et × donc ϕ(r) = 1 et r ∈ A . Comme a = r, l’élément a a un antécédant dans A× . On déduit alors du théorème de Stark le théorème suivant. √ 6.7 Théorème. — L’anneau des entiers de Q( d) avec d < 0 est euclidien si, et seulement si, d = −11, −7, −3, −2 et −1. Preuve. — Seuls les cas d = −19, −43, √ −67, −163 sont à envisager. Comme d ≡ 5 mod 8, l’an1+ d 1−d neau des entiers est Z[α] avec α = , racine de g(X) = X 2 − X + = 0. Comme 2 4 A× = {−1, 1} est de cardinal 2, si OK est euclidien, il existe p premier tel que Card(A/(p)) est 2 ou 3. Dans le corps A/(p), le polynôme g(X) doit être scindé. 1−d (i) Si A/(p) ' F2 , ceci exige que soit pair (car X 2 + X = X(X + 1) et X 2 + X + 1 est 4 irréductible modulo 2), c’est-à-dire d ≡ 1 mod (8), ce qui n’est pas possible ; (ii) Si A/(p) ' F3 , comme X 2 − X = X(X − 1), X 2 − X + 1 = (X − 2)2 et X 2 − X + 2 est 1−d irréductible modulo 3, il faut que ≡ 0, 1 mod (3), d’où d ≡ 0, 1 mod (3), ce qui est exclu. 4 74 6.2.2 Cas réel Formulons sous forme de théorème les faits évoqués en introduction de cette section. √ 6.8 Théorème. — L’anneau des entiers de Q( d) avec d > 0 est euclidien pour la norme si et seulement si d = 2, 3, 5, 6, 7, 11, 13, 17, 19, 21, 29, 33, 37, 41, 57 ou 73. Nous allons nous contenter de vérifier que OK est euclidien pour d = 2, 3, 5 et 13. Pour ceux qui n’aiment pas la géométrie, on redémontre les cas d = −11, −7, −3, −2 et −1 déjà abordés dans le paragraphe précédents sans efforts supplémentaires ; on aurait tort de s’en priver ! √ 6.9 Proposition. — L’anneau OK des entiers de K = Q( d) est euclidien pour d = −11, −7, −3, −2, −1, 2, 3, 5 et 13. Preuve. √ — Supposons d’abord d = −2, −1, 2 ou 3. Alors √ d ≡ 2 ou 3 mod (4). Dans ces cas, OK = Z[ d]. Soit a, b ∈ OK , avec b 6= 0 ; alors a/b = x + y d avec x, y ∈ Q. Soient α et β les entiers les√plus proches de x et y respectivement √ ; ainsi |x − α| 6 1/2 et |y − β| √ 6 1/2. Posons q = α + β d et r = a − bq. On a a = b(x + y d), donc r = b((x − α) + (y − β) d) et NK/Q (r) = NK/Q ((x − α)2 − d(y − β)2 ). Si |d| 6 2, il vient 3 |(x − α)2 − d(y − β)2 | 6 (x − α)2 + |d|(y − β)2 6 . 4 Si d = 3, 3 |(x − α)2 − 3(y − β)2 | 6 max{(x − α)2 , 3(y − β)2 } 6 . 4 Dans les deux cas, |NK/Q (r)| < |NK/Q (b)| et OK est euclidien. √ Si d = −11, −7, −3, 5 √ ou 13, on a d ≡ 1 mod (4), et OK = Z[(1 + d)/2]. Soit de nouveau a, b ∈ OK avec a/b = x+y d et x, y ∈ Q. Soit β l’entier le plus proche de 2y ; alors |β/2−y| 6 1/4. Soit α l’entier de même parité que β le plus proche de 2x. On a donc |α − 2x| 6 1, donc " 2 # α β √ α 2 β + y− d et NK/Q (r) = NK/Q (b) x − −d y− . r =b x− 2 2 2 2 Pour |d| 6 11, on a 2 2 β α 1 11 −d y− < 1. 6 + x− 2 2 4 16 Si d = 13, 2 2 α β 13 − 13 y − <1 x− 6 2 2 16 et la proposition est démontrée. 75 6.3 Corps cyclotomiques euclidiens √ On a vu que Z[ξ3 ] = Z[ 3] est euclidien. En revanche il est plus difficile de voir que Z[ξ5 ] est euclidien. 6.10 Proposition. — Z[ξ5 ] est euclidien pour la norme. Preuve. — Posons K = Q(ξ5 ) et prenons ξ5 = exp(2iπ/5) comme racine cinquième de l’unité. Pour alléger les notations on écrira ξ = ξ5 . Soit P (X) = a0 + a1 + X + a2 X 2 + a3 X 3 ∈ Q[X] et α = P (ξ) ∈ Q(ξ). Les quatre Q-isomorphismes de K sont définis par σi (ξ) = ξ i pour 1 6 i 6 4, donc 2 NK/Q (α) = P (ξ)P (ξ)P (ξ 2 )P (ξ ) > 0. Or 2 P (ξ)P (ξ) = (a10 + a21 + a22 + a23 ) + (a0 a1 + a1 a2 + a2 a3 )(ξ + ξ) + (a0 a2 + a1 a3 + a0 a3 )(ξ 2 + ξ ). Comme ξ + ξ = ξ + ξ 4 = 2 cos 2π 5 −1 + = 2 il vient P (ξ)P (ξ) = 3 X √ 5 a2i − i=0 Mais 2 et ξ 2 + ξ = ξ 2 + ξ 3 = 2 cos √ 1 X ai aj + B 5, 2 06i<j63 X ai aj = 06i<j63 1 2 3 X !2 − ai 3 X 4π 5 −1 − = 2 √ 5 , B ∈ Q. a2i , i=0 i=0 √ d’où finalement P (ξ)P (ξ) = A + B 5 avec 3 5X 2 1 A= a − 4 i=0 i 4 3 X !2 ai ∈ Q. i=0 2 Quand on remplace ξ par ξ on intervertit le rôle de cos(2π/5) et cos(4π)/5 dans les calculs qui √ 2 viennent d’être faits, donc P (ξ 2 )P (ξ ) = A − B 5 et NK/Q (α) = A2 − 5B 2 . Soit bi = ai − [ai ] pour 0 6 i 6 3 et b4 = 0 (où [ai ] désigne la partie entière de ai ). On a bi ∈ [0, 1[ pour tout i. Si on divise en cinq parties égales l’intervalle [0, 1], on voit qu’il existe i 6= j tels que |bi − bj | 6 1/5, c’est-à-dire il existe i 6= j et un entier C tel que |ai − aj − C| 6 1/5. Or on a αξ = −a3 + (a0 − a3 )ξ + (a1 − a3 )ξ 2 + (a2 − a3 )ξ 3 αξ 2 = (a3 − a2 ) − a2 ξ + (a0 − a2 )ξ 2 + (a1 − a2 )ξ 3 αξ 3 = (a2 − a1 ) + (a3 − a1 )ξ − a1 ξ 2 + (a0 − a1 )ξ 3 αξ 4 = (a1 − a0 ) + (a2 − a0 )ξ + (a3 − a0 )ξ 2 − a0 ξ 3 donc il existe 1 6 q 6 4 tel que αξ q = A0 + A1 ξ + A2 ξ 2 + A3 ξ 3 et que pour l’un des Aj , il existe Bj ∈ Z vérifiant |Aj − Bj | 6 1/5. Pour les trois autres Ai , il existe Bi ∈ Z tel que |Ai − Bi | 6 1/2. 3 3 X X i q Ainsi il existe 1 6 q 6 4 et β = Bi ξ ∈ Z[ξ] tels que αξ − β = ci ξ i avec i=0 3 X i=0 c2i 6 i=0 1 1 + 3 = 0, 79 et 25 4 76 3 X 1 1 ci 6 + 3 = 1, 7. 5 2 i=0 Alors NK/Q (αξ q − β) = A2 − 5B 2 6 A2 avec 1 − 4 3 X !2 ci 3 6A6 i=0 5X 2 c, 4 i=0 i d’où −0, 7225 6 A 6 0, 9875. Ainsi A2 < 1 et NK/Q (αξ q − β) < 1. Or NK/Q (ξ −q ) = 1, donc NK/Q (α − βξ −q ) = NK/Q (ξ −q )NK/Q (αξ q − β) < 1. On a donc montré que pour tout α ∈ K, il existe γ ∈ OK tel que NK/Q (α − γ) < 1, ce qui d’après le lemme 6.3 montre que OK est euclidien pour la norme. Lenstra a prouvé en 1975 que Z[ξm ] est euclidien pour la norme si ϕ(m) 6 10 et m 6= 16, 24. En 1977, Ojala a montré que Z[ξ16 ] est euclidien pour la norme, et Lenstra a fait de même pour Z[ξ24 ] l’année suivante. En 2004, Harper a démontré que Z[ξm ] est euclidien si et seulement s’il est principal. Dans un article de 1979, Lenstra prouve que Z[ξ32 ] n’est pas euclidien pour la norme. On a donc là un exemple d’anneau d’entiers cyclotomiques euclidien, mais pas euclidien pour la norme ; c’est la seule valeur de m connue de Harper au moment où il écrit son article pour laquelle ce phénomène se produit. Les autres valeurs de m pour lesquelles on ne sait rien sont 13, 17, 19, 21, 25, 27, 28 et les valeurs m > 33 donnée par le théorème 4.30 de Masley. On reparlera de ces problèmes dans l’ouverture page 78. 77 Chapitre 7 Quelques résultats complémentaires Finissons par quelques résultat sur la détermination des corps de nombres principaux et euclidiens. En 1994, Yamamura termine la classification des corps de nombres imaginaires c’est-à-dire ceux pour lesquels r1 = 0 avec les notations de 4.2.3. Dans son article [Yam94], il énonce le théorème suivant. 7.1 Théorème (Yamamura, 1994). — Il existe exactement 172 corps de nombres abéliens imaginaires principaux. Parmi eux, il y a 29 corps cyclotomiques, 49 corps cycliques et 88 corps sont maximaux pour l’inclusion. Les degrés de ces corps sont 2 (ceux du théorème 5.30), 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20 et 24. A titre √ que 3 corps de nombres principaux de degré 10, ce sont √ d’exemple, il n’existe Q(ξ11 ), Q( −1, cos(2π/11)) et Q( −3, cos(2π/11)). Ceux de degré 24 sont √ Q(ξ35 ), Q(ξ45 ), Q(ξ21 , 5), Q(ξ84 ) et Q(ξ15 , cos(2π/7)). La liste des corps cyclotomiques a été vue au théorème 4.31. Dans le cas où r1 > 0 la question reste √ aujourd’hui très ouverte. On ne sait même si le nombre de valeur de d > 0 pour lesquelles Q( d) est principal est fini ou pas... Dans un article fondamental écrit en 1971, Pierre√Samuel soulevait plusieurs questions à propos des anneaux euclidiens, la plus célèbre étant Z[ 14] est-il euclidien ? Il est bien connu que cet anneau n’est pas euclidien pour la norme ; Samuel demande donc si l’anneau ne pourrait pas être euclidien pour un autre stathme. Weinberger a montré en 1973 le résultat suivant. 7.2 Théorème (Weinberger, 1973). — Soit K un corps de nombres principal. Supposons que OK a une infinité d’unités. Supposons que l’hypothèse de Riemann généralisée soit vraie. Alors OK est euclidien. √ L’anneau Z[ 14] vérifiant ces conditions, il serait hypothétiquement euclidien pour un stathme différent de la norme. Dans une série d’articles écrits dans les années 1980, Rajiv Gupta, Kumar Murty et Ram Murty ont élaboré de nouvelles techniques pour l’étude des anneaux euclidiens dans le but d’éviter l’utilisation de l’hypothèse de Riemann généralisée avancée par Weinberger. Les premiers exemples d’anneaux euclidiens pour un stathme différent de la norme ont été donné par ces mathématiciens, mais leurs résulats ne s’appliquaient pas aux anneaux d’entiers. Le premier exemple d’un tel 78 anneau d’entiers a été donné en 1992 par David Clark dans sa thèse, puis en 1993 il √ en donne √ un beaucoup plus simple, à savoir OQ( 69) . Peu après il montre avec Ram Murty que Z[ 14, 1/p] est euclidien pour le nombre premier p = 1298852237, sans recourir à l’hypothèse de Riemann généralisée. Dans sa thèse, Malcolm Harper montre en 2000 que le résultat de Clark et de Ram Murty s’applique à tout nombre premier p. Plus tard, par un emploi ingénieux de la méthode du crible, √ il a éliminé l’emploi du nombre premier auxiliaire et a établi la conjecture de Samuel sur Z[ 14]. En 2004 dans [Har04-1], Harper présente des catégories de corps de nombres réel (r2 = 0) tel que OK soit euclidien si et seulement s’il est principal. Il obtient les corollaires suivants. 7.3 Théorème (Harper, 2004). — Soit K un corps de nombres réel de discriminant inférieur à 500. Alors OK est euclidien si et seulement s’il est principal. 7.4 Théorème (Harper, 2004). — Soit m > 3 un entier. Alors Z[ξm ] est euclidien si et seulement s’il est principal. Concerant la preuve du second théorème, ses travaux ne s’appliquent que si ϕ(m) > 8. Pour les valeurs de m telles que ϕ(m) 6 7, il s’appuie sur des résultats antérieurs mentionnés à la fin de la section 6.3. Citons enfin un résultat de Harper et Murty (voir [Har04-2]). 7.5 Théorème (Harper et Murty, 2004). — Soit K/Q une extension galoisienne de degré fini > 8. Alors OK est euclidien si et seulement s’il est principal. 79 Bibliographie Articles √ [Har04-1] Harper, M., Z[ 14] is euclidean. Canad. J. Math. Vol. 56, No 1, pp. 50-70, 2004. [Har04-2] Harper, M. et Murty, R., Euclidean rings of algebraic integers. Canad. J. Math. Vol. 56, No 1, pp. 71-76, 2004. [Sta67] Stark, H. M., A complete determination of the complex quadratic fields of class-number one. Mich. Math. J. 14, pp. 1-27, 1967. [Mas75] J. M. Masley, Solution of the class number two problem for cyclotomic fields. Inventiones Math. Vol. 25, 1975. [Mas76-1] J. M. Masley et H. L. Montgomery, Cyclotomic fields with unique factorization. J. reine angew. Math., 28.6/287, pp. 248-256, 1976. [Mas76-2] J. M. Masley, Solution of small class number problems in cyclotomic fields. Compositio mathematica, Vol. 33, No. 2, pp. 179-186, 1976. [Yam94] Yamamura, K. The determination of the imaginary abelian number fields with classnumber one. Mathematics of Computation, Vol. 62, No. 206, pp. 899-921, 1994. Ouvrages [Duv98] Duverney, D., Théorie des nombres. Dunod, 1998. [Gob01] Goblot, R., Algèbre commutative. Dunod, 2001. [Goz97] Gozard, Y., Théorie de Galois. Ellipses, 1997. [Gra04] Gras, G. et M.-N., Algèbre fondamentale, Arithmétique. Ellipses, 2004. [Per96] Perrin, D., Cours d’algèbre. Ellipses, 1996. [Rib01] Ribenboim, P., Classical theory of algebraic numbers. Springer, 2001. [Sam71] Samuel, P., Théorie algébrique des nombres. Hermann, 1971. [Was97] Washington, L., Introduction to cyclotomic fields. Springer, 1997. Polycopié [Wes] Weston, T. Algebraic number theory. Disponible sur internet. 80